Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

–– Suite de l’examen, ouvert à la presse, du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033) (M. Jean-Michel Jacques, rapporteur).

 


Jeudi
11 mai 2023

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 81

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président

 


  1  

La séance est ouverte à quinze heures.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous poursuivons l’examen de l’article 2 et du rapport annexé.

 

Article 2 : Approbation du rapport annexé (suite)

Rapport annexé (suite)

 

Amendement DN902 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il s’agit de préciser que « s’agissant des capacités de frappe longue portée, la recherche d’une solution souveraine sera privilégiée pour remplacer le lance-roquettes unitaire dans les meilleurs délais ».

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Merci de cet amendement, qui répond aussi aux inquiétudes exprimées tout à l’heure par M. Jacobelli, mais dans une rédaction plus prudente et plus conforme à nos débats.

M. Frank Giletti (RN). Nous sommes favorables à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements DN138 et DN140 de M. Frédéric Boccaletti.

M. Frank Giletti (RN). Il s’agit ici de l’hypervélocité. Les deux amendements sont complémentaires : l’un porte sur l’épée – le missile –, l’autre sur le bouclier – l’interception.

Les missiles hypersoniques sont si précis et si rapides qu’ils nous font entrer dans une nouvelle ère. La France n’est pas en retard, mais il est important d’inscrire dans la loi l’importance de la recherche sur ces nouvelles technologies, tant pour attaquer que pour nous défendre. La guerre en Ukraine nous y oblige : les Russes ont déjà tiré l’un de ces missiles, peut-être deux. Les États-Unis travaillent également sur ces armes.

Nous avons des atouts, notamment des entreprises comme Ariane. Je redis notre volonté de disposer d’une recherche française et bien française. D’autres pays européens, comme l’Espagne, travaillent aussi sur ce sujet, mais je crois savoir que nous ne boxons pas tout à fait dans la même catégorie.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable à l’amendement DN140 : si je comprends l’intention, la formulation nous renvoie aux contrats opérationnels d’hier. Sur le fond, votre intention est satisfaite par le système sol-air moyenne portée terrestre (Samp/T) de nouvelle génération.

En revanche, avis favorable à l’amendement DN138 : il s’agit bien ici d’améliorer nos missiles.

La commission adopte l’amendement DN138 et rejette l’amendement DN140.

 

Amendement DN664 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru (Dem). Cet amendement, qui reprend la proposition n° 2 du rapport d’information que j’ai présenté à la commission avec Julien Rancoule, vise à inciter à l’utilisation de munitions réelles, « bonnes de guerre », plutôt que de munitions d’entraînement, lors de la préparation opérationnelle. Comme les simulateurs, les munitions d’entraînement sont utiles, mais elles ne permettent pas une préparation optimale de nos forces armées.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. C’est un très bon rapport. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Certaines des préconisations de ce très bon rapport, dont celles-ci, sont reprises par le commandement. Cela ne relève, à mon sens, ni de la loi, ni même de l’instruction ministérielle : qui suis-je pour expliquer à un maître principal ou à un adjudant-chef comment il doit procéder ?

Nous mettons les moyens pour que nos stocks soient suffisants ; le chef d’état-major des armées (CEMA) a donné les instructions nécessaires. Faisons confiance à la hiérarchie militaire pour trouver le bon équilibre entre les munitions réelles et les autres solutions.

M. Julien Rancoule (RN). Le choix du type de munitions relève en effet des régiments. Encore faut-il que les stocks soient là : ce n’est pas toujours le cas.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le projet de LPM augmente les moyens et les stocks de munitions. Je comprends cet amendement comme un amendement d’appel. Il n’a pas sa place dans le rapport annexé : c’est se substituer au commandement.

L’amendement est retiré.

 

Amendements DN252 et DN211 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune).

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable. Tous les stocks de munitions ne se valent pas.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement DN38 de M. Julien Rancoule.

M. Julien Rancoule (RN). Vous faisiez ce matin référence au général de Gaulle, Monsieur le ministre : je ne crois pas qu’il aurait accepté que la France soit dépendante pour des munitions aussi stratégiques que celles de petit calibre. Cet amendement propose une relocalisation de leur production.

Pour notre rapport, Vincent Bru et moi-même avons notamment entendu des représentants du ministère de l’intérieur. Ils nous ont dit avoir rencontré de fortes difficultés d’approvisionnement au début de la guerre en Ukraine, alors que le ministère disposait d’une autonomie inférieure à deux mois. Nous nous fournissons principalement en Europe de l’Est, notamment en République tchèque : dans cette période de crise, nos partenaires ne pouvaient pas nous fournir ces munitions.

Le ministère de l’intérieur promeut un projet ambitieux de relocalisation de la production de munitions de 9 millimètres, qui pourrait à terme fournir également du 5,56, voire du 12,7 : le ministère des armées devrait se joindre à ce projet.

Il faut changer de paradigme et, pour défendre notre indépendance et notre souveraineté, travailler à un projet national.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. C’est un sujet essentiel. De premières avancées doivent être saluées : Eurenco va relocaliser à Bergerac sa production de poudre pour obus. Il faut aller plus loin et mener une politique volontariste ; le Gouvernement et la direction générale de l’armement (DGA) ont un rôle à jouer. Il faut aussi que ces projets soient viables économiquement.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un dossier encore plus critique pour le ministère de l’intérieur que pour celui des armées. Pour nous, les obus sont encore plus prioritaires. Je travaille sur le dossier des obus de 155 millimètres, de certaines munitions critiques.

À ce jour, nous n’avons pas trouvé d’industriel pour mener le projet.

Il faut réfléchir à la compétitivité de la filière : la nécessité d’être souverain ne fait pas disparaître celle d’être compétitif.

Je suggère plutôt le retrait de l’amendement, car ce serait aujourd’hui un vœu pieux. Mais ce dossier sera suivi, davantage par le ministère de l’intérieur.

M. Julien Rancoule (RN). Le ministère de l’intérieur nous a indiqué que les prix des munitions avaient beaucoup augmenté, sous l’effet de l’inflation mais aussi du contexte international. Celles de 9 millimètres seraient 6 centimes moins cher à l’unité que ce que propose le marché actuel. On peut donc écarter l’argument de la compétitivité. C’est un amendement de bon sens !

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mes amendements précédents défendaient aussi la relocalisation de nos filières de production de munitions et de poudre. Nous disposons d’un savoir-faire français et de sites prêts à accueillir ces industries. Il faut tirer les leçons du conflit en Ukraine : être autonomes en matière de production et de stockage, c’est une assurance, et même un élément de dissuasion conventionnelle.

Il me semble intéressant de faire bénéficier les industriels français de cette relocalisation. Bergerac a été cité ; je mentionne également Pont-de-Buis, dans ma circonscription.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN402 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). Dans la même logique que les précédents, il s’agit de garantir notre pleine souveraineté, notre pleine autonomie, dans la production de munitions de petit calibre, notamment par le biais de la nationalisation. Nous avons déjà abordé hier ce sujet de la construction d’un pôle public de la défense, de nationalisations, de prise de participations de l’État.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable. Je ne suis pas favorable à cette méthode de la nationalisation.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable.

M. Julien Rancoule (RN). Il paraît compliqué de renationaliser une activité qui n’existe plus en France !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Renationaliser, rétablir, recréer, peu importe en réalité. C’est un sujet dont nos camarades communistes se sont emparés depuis déjà plusieurs années ; le président Chassaigne l’a défendu au cours de la législature précédente. Aujourd’hui, tout le monde veut relocaliser : c’est une façon de leur donner raison. Je ne désespère pas de vous voir finir par leur donner raison aussi sur la nécessité de nationaliser la filière.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements DN88 de M. Laurent Jacobelli, DN480 de M. Bastien Lachaud et DN977 du Gouvernement (discussion commune).

M. Laurent Jacobelli (RN). Je demande que l’amendement DN88 soit étudié séparément des deux autres. Le vote de cet amendement ne rend caduc aucun autre amendement. Un peu de rigueur !

M. le président Thomas Gassilloud. Les trois amendements sont exclusifs les uns des autres. Pouvez-vous nous expliquer en quoi ils seraient compatibles ?

M. Laurent Jacobelli (RN). Si vous voulez, faisons cela ! Nous pourrions même suspendre notre réunion pour étudier ce point !

M. le président Thomas Gassilloud. Je veux seulement bien comprendre votre demande.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je vais vous expliquer. L’amendement DN88 modifie le titre de la partie numérotée 2.2.4. L’amendement du Gouvernement complète ce même alinéa 56, par des mots qui ne sont en rien incompatibles avec ma proposition. Si les deux sont votés, le titre deviendrait : « Des coopérations européennes au service des intérêts nationaux dans le respect de la souveraineté française. » Non seulement ils ne sont pas incompatibles, mais ils ne sont pas antinomiques !

M. le président Thomas Gassilloud. L’amendement DN88 réécrit le titre. Dans ce cas-là, l’amendement DN480 devient sans objet, nous en sommes d’accord ?

M. Laurent Jacobelli (RN). Pour l’amendement DN480, c’est vrai.

M. le président Thomas Gassilloud. Bien. Nous avons déjà fait une partie du chemin.

M. Laurent Jacobelli (RN). Mais ce n’est pas vrai pour l’amendement du Gouvernement ! Ce n’est pas à vous d’en juger. Ça suffit ! Montrez-moi que les deux ne peuvent pas se combiner.

M. le président Thomas Gassilloud. L’amendement DN977 du Gouvernement s’accroche à une phrase qui n’existerait plus si votre amendement était adopté. Ce n’est pas une approche politique, mais formelle.

M. Laurent Jacobelli (RN). Mais pourquoi dites-vous qu’il n’y a plus d’accroche ? Soit vous vous entêtez, et c’est une procédure d’entrave, soit vous écoutez mes arguments et c’est du bon sens. Ça suffit !

M. le président Thomas Gassilloud. Si vous changez le titre, l’amendement DN977 perd son accroche et devient sans objet. Pour que les deux soient compatibles, il aurait fallu que le Gouvernement dépose un sous-amendement à votre amendement.

M. Laurent Jacobelli (RN). Le titre change, mais dans les deux cas l’amendement du Gouvernement ne perd pas son sens !

M. le président Thomas Gassilloud. Ce n’est pas une question de contenu. C’est un formalisme juridique. Si vous remplacez le titre…

M. Laurent Jacobelli (RN). Je n’ai rien remplacé ! Qu’est-ce que j’aurais remplacé ? Je veux bien changer les mots « Rassemblement national », si c’est cela qui vous ennuie !

M. le président Thomas Gassilloud. Tout le monde est ici attaché à la discussion sur le fond. Je ne veux pas créer de nouvel usage sur les discussions communes. Si vous y tenez absolument…

M. Laurent Jacobelli (RN). Je vous ai prouvé que les amendements étaient compatibles !

M. le président Thomas Gassilloud. Absolument pas. Écoutez, vous restez sur votre position, je reste sur la mienne. Il y a une discussion commune, et j’ai la certitude que cela est bien conforme au droit.

Vous avez la parole pour défendre l’amendement DN88.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je demande une suspension de séance.

M. le président Thomas Gassilloud. Elle n’est pas de droit. L’amendement est-il défendu ?

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous allons quitter la salle !

M. le président Thomas Gassilloud. Si vous voulez. L’amendement est-il défendu ?

M. Laurent Jacobelli (RN). C’est de l’obstruction !

M. le président Thomas Gassilloud. Pas du tout, c’est le respect du droit.

M. Laurent Jacobelli (RN). Si je comprends bien, une fois que c’est fait, c’est trop tard, mais quand on demande avant, je vous prouve que j’ai raison, mais c’est non quand même !

M. le président Thomas Gassilloud. Nous étudions votre demande et nous justifions notre réponse.

M. Laurent Jacobelli (RN). Vous ne l’avez pas justifiée !

M. le président Thomas Gassilloud. Mais si ! L’accroche de l’amendement du Gouvernement disparaît !

M. Laurent Jacobelli (RN). Cela ne veut rien dire ! Vous répétez ce qu’on vous souffle, mais cela ne veut rien dire !

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous ai fait part de ma position. Encore une fois, la procédure protège les minorités. Ce serait un mauvais tour joué aux oppositions que de donner au président de séance la possibilité de modifier la manière dont sont étudiés les amendements.

Je constate que l’amendement DN88 est défendu. Nous en venons à l’amendement DN480.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Nous revenons à une discussion ouverte ce matin. Des coopérations européennes, pourquoi pas ; des coopérations bilatérales, certainement ; mais ces coopérations doivent toujours se faire dans le respect de l’indépendance de la France.

L’autonomie stratégique européenne nous semble un vain mot, dès lors que la défense européenne s’inscrit dans le cadre de l’Otan. En revanche, il faut évidemment garantir que les coopérations se font toujours au service de l’indépendance de la France.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je le dis aux oppositions : j’ai du mal à faire la différence entre ce qui relève de lignes rouges pour vos sensibilités politiques, que vous avez bien raison de faire valoir, et ce qui relève d’un procès d’intention fait à la majorité présidentielle sur les valeurs européennes qu’elle défend.

Je ne veux pas m’immiscer dans les affaires internes de l’Assemblée nationale, d’abord parce que je fais partie du Gouvernement, ensuite parce que je suis sénateur. Je m’exprimerai donc sur le fond.

Monsieur Jacobelli, avec votre amendement, on perd l’idée d’autonomie stratégique européenne, qui n’est pourtant pas antinomique avec notre propre souveraineté. C’est une réalité de voisinage : la France est en Europe, et au-delà de l’Europe politique que vous pouvez contester, il faut reconnaître qu’il existe des enjeux de sécurité continentale. La question de l’autonomie stratégique européenne se pose pour des acheminements de matières premières, par exemple, ou d’accès aux voies maritimes. J’enfonce une porte ouverte, j’en ai bien conscience.

Monsieur Lachaud, je suis pour l’indépendance de la France, mais je trouve dur de faire disparaître l’autonomie stratégique européenne.

Je vous propose donc un amendement de compromis aux termes duquel le titre de la partie 2.2.4 devient : « Des coopérations au service de l’autonomie stratégique européenne dans le respect de la souveraineté française ». J’espère que nous serons tous d’accord.

M. le président Thomas Gassilloud. J’ajoute que si le Gouvernement avait voulu sous-amender un autre amendement, cela aurait été possible, mais c’était autre chose.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Les coopérations européennes non seulement diminuent les coûts mais servent aussi à préserver la souveraineté française. Nous assumons notre attachement aux valeurs européennes. Avis défavorable aux deux premiers amendements ; avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). La clarification apportée par l’amendement du Gouvernement est extrêmement bienvenue. La souveraineté française est vitale, l’Europe est nécessaire, ne serait-ce que pour des raisons géographiques.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous ne croyons pas que l’autonomie stratégique européenne soit, dans le cadre actuel, autre chose qu’une chimère. Le discours d’Olaf Scholz hier devant le Parlement européen devrait vous inciter à plus de réalisme. Prétendez-vous faire l’Europe sans l’Allemagne, l’Union européenne sans l’Allemagne ? Ce n’est pas votre ambition. Si vous le voulez, lisons ensemble ce discours et voyons les marges de manœuvre qu’il vous laisse !

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Il s’agit ici de coopérations qui ne sont pas toutes circonscrites au domaine de l’Union européenne, puisque le texte mentionne le Royaume-Uni : ces coopérations doivent en premier servir les intérêts de la souveraineté française.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je comprends votre amendement, Monsieur le ministre, et nous le voterons ; je comprends beaucoup moins pourquoi vous avez émis ce matin un avis défavorable à notre amendement DN456 en expliquant que le terme de « souveraineté française » n’était pas assez précis. Ici, ce terme vous paraît suffisant.

Mais vous n’avez toujours pas apporté la démonstration que l’idée d’autonomie stratégique européenne dans le cadre de l’Otan a un sens.

Successivement, la commission rejette les amendements DN88 et DN480 et adopte l’amendement DN977.

 

Amendement DN975 rectifié de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. C’est l’amendement inspiré de la commission des affaires étrangères que nous avons déjà évoqué.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN239 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous affirmons notre attachement viscéral à la construction européenne, comme beaucoup ici. Les programmes de coopération sont essentiels à la construction de l’Europe de la défense, qui n’est pas au service d’intérêts nationaux mais d’intérêts communs. L’Europe de la défense est la condition de l’autonomie stratégique européenne.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends l’intention, mais je ne suis pas sûr que l’amendement apporte de la clarté là où il règne déjà une grande confusion.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je maintiens l’amendement, car l’Europe de la défense est un vrai enjeu de cette LPM.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Une lecture précise de cet amendement doit nous empêcher de le voter. L’objectif du budget de la défense, ce n’est pas l’Europe de la défense mais bien la défense de l’Europe. Les coopérations servent à construire la défense la plus efficace possible, en permettant de faire mieux et moins cher.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN513 de M. Laurent Jacobelli.

M. Laurent Jacobelli (RN). Tout cela reste confus ; il s’agit ici d’introduire des garde-fous. Nous voudrions être sûrs que cette LPM sert les intérêts de l’armée française, mais aussi de la base industrielle et technologique de défense). Nous ne sommes pas contre les coopérations quand elles sont utiles, nous sommes contre seulement quand elles sont idéologiques et quand les projets pourraient être confiés à des entreprises françaises. Nous proposons donc d’écrire que les programmes en coopération sont menés pour nous doter de capacités militaires « qui n’auraient pu être produites par la BITD française dans des conditions de financement ou de délai acceptables ».

Il ne s’agit pas de pratiquer un souverainisme étroit, mais de donner leur chance aux entreprises françaises. Pour qu’elles passent en mode d’économie de guerre, comme nous le leur demandons, il faut leur donner de la visibilité.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je comprends bien l’esprit de cet amendement, mais il néglige certains aspects positifs des coopérations comme les économies d’échelle. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je le redis, je veux éviter tout procès d’intention. Nous n’avons rien à cacher. Apporter des précisions par amendement ne me dérange pas. Vous regrettez un flou, et je vous propose une nouvelle rédaction, que toutes les sensibilités politiques pourraient reprendre en séance publique. Nous pourrions écrire que les programmes en coopération sont pertinents pour se doter de capacités militaires communes en mutualisant les financements, « en particulier quand la BITD française n’est pas en capacité de proposer des solutions à des coûts soutenables » – c’est le bon mot, à mon avis, plutôt qu’« acceptables » – « et dans des délais cohérents avec les besoins opérationnels ».

C’est, je crois, le garde-fou que vous appelez de vos vœux, et il respecte le rythme militaire. Il n’y a pas de loup.

Tel que l’amendement DN513 est écrit, demande de retrait.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous déposerons en séance un amendement libellé comme vous le proposez. Nous retirons donc l’amendement DN513.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques DN461 de M. Aurélien Saintoul et DN796 de M. Laurent Jacobelli.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Le concept d’autonomie stratégique européenne est un cache-sexe, destiné à dissimuler la faiblesse des réalisations, qui se sont en outre faites le plus souvent au détriment de la BITD française. D’une façon générale, nous devons ouvrir le chapitre des relations franco-allemandes et nous interroger sur les véritables capacités de nos partenaires. Il ne nous semble pas sérieux de tout brader au nom de l’autonomie stratégique européenne. Construire la sécurité de l’Europe, la défense des Européens, pourquoi pas, mais pas en défaisant la souveraineté française.

M. Laurent Jacobelli (RN). Les coopérations européennes doivent correspondre à des projets, à des attentes et à des financements particuliers. Elles ne doivent pas être une doctrine.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Ce n’est pas une doctrine. Le partage des coûts qu’elles permettent est un avantage. Par ailleurs, l’autonomie stratégique européenne et la souveraineté ou l’indépendance de la France ne s’opposent pas, à nos yeux. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ni Otan, ni UE, des coopérations bilatérales sans que l’on sache toujours très bien avec qui… J’ai du mal à comprendre. Avis défavorable.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Que les auteurs des amendements n’acceptent pas la notion d’autonomie stratégique, on l’a compris, mais ils ne veulent même pas se projeter à long terme ; il faut pourtant bien préparer l’avenir. C’est comme si, dans le domaine civil, vous vous étiez opposés dans les années 1980 à la constitution d’Airbus. On peut prévoir l’avenir sans s’attaquer à la souveraineté française ! C’est un défaut de vision de votre part. La coopération est essentielle en Europe.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). « Ni Otan, ni UE », Monsieur le ministre ? Il n’y a pas d’UE sans Otan : c’est dans les traités. Vous pouvez essayer d’éluder, mais la question se pose nécessairement dans ces termes.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais que voulez-vous, vous ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). L’indépendance du pays, la possibilité pour la France de faire entendre une voix singulière. Toutes les nations du monde l’attendent de nous, mais cette singularité s’est résorbée au cours des années passées.

Notre collègue Pouzyreff trouve que nous manquons d’une vision de l’avenir, mais nous jugeons bien du passé et nous avons été échaudés. Dans le domaine du spatial, les Allemands ont cherché à promouvoir certaines coopérations dans l’idée de nous manger ensuite la laine sur le dos. Désolé d’être réaliste !

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Je trouve bien timide de dire qu’il n’y a pas de doctrine en la matière. Au-delà des amendements ponctuels, nous devrions assumer une doctrine de la construction d’une défense européenne. On peut revendiquer une indépendance française favorisée par la construction européenne. Je ne comprends pas l’opposition entre autonomie stratégique européenne et préservation de l’indépendance de la France. Pour moi, la première est la condition de la seconde.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Cela doit bien être la première fois que je suis d’accord avec un député Vert ! Pourquoi opposer autonomie stratégique européenne et souveraineté française ? Sans un pilier européen de notre défense, un pilier européen de l’Otan, la France serait bien seule. La France insoumise nous propose une France seule, mais heureusement que nous avons eu des alliés pour soutenir l’Ukraine ! Sans eux, nous aurions eu du mal et ce n’est pas 413 milliards qu’il faudrait voter, mais 1 000 ou 1 500 – et ils seraient encore plus difficiles à trouver.

M. Laurent Jacobelli (RN). Pour qu’une autonomie stratégique européenne soit possible, il faut que nous ayons tous les mêmes besoins ; et pour avoir les mêmes besoins, il faut avoir la même stratégie. Or tous les pays de l’Union européenne n’ont pas les mêmes appétences ni la même stratégie. Qu’aurait fait une défense européenne au moment de l’invasion de l’Irak ? Je suis très heureux qu’à cette époque, la France ait eu une position singulière. Nous avons des partenaires avec lesquels nous travaillons, mais notre objectif premier est la France, non de construire une nouvelle Europe en sautant comme un cabri – pour citer une référence qui nous est commune avec le ministre.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Ces intérêts communs ont été définis par la Boussole stratégique.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement DN150 de M. Frank Giletti.

M. Frank Giletti (RN). C’est un amendement de repli par rapport à l’amendement DN88.

À l’alinéa 57, le rapport annexé indique que les programmes en coopération « contribueront à l’objectif de renforcer l’autonomie stratégique européenne ». Or il est impératif de donner la priorité, dans les coopérations, au renforcement de l’autonomie stratégique française. On ne fait la guerre correctement qu’avec les matériels qu’on a conçus soi-même. Coopérer, c’est d’abord garantir sa propre indépendance.

L’enlisement de certains programmes européens – système principal de combat terrestre (MGCS), système de combat aérien du futur (Scaf) – confirme la nécessité pour la France de s’affirmer en tant que puissance autonome, ce qui suppose une convergence de doctrines qui n’est pas toujours évidente.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis. Je préfère que l’on revienne sur les coopérations concrètes, pour parler du fond.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN871 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN814 de M. Thomas Gassilloud.

M. le président Thomas Gassilloud. Il s’agit d’un amendement dont je suis cosignataire avec le rapporteur.

Les munitions de petit calibre intéressent notre commission depuis des années ; il faut avancer dans ce domaine. Nous proposons d’encourager les projets industriels et de coopération en la matière, sous réserve de leur compétitivité par rapport aux acquisitions que nous pourrions faire par ailleurs. Nous faisons confiance aux industriels français et européens pour être compétitifs. L’approche est pragmatique.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Sagesse.

M. Julien Rancoule (RN). Nous voterons pour cet amendement, qui confirme ce que Vincent Bru et moi-même écrivions dans notre rapport. Mais il parle de « partenariats avec des pays proches », alors qu’il faut s’appuyer sur une filière nationale.

Concernant le projet du ministère de l’intérieur, qui est pertinent et semble bien progresser – on parle de production de munitions dès la fin 2024 –, il faudrait, Monsieur le ministre, que votre ministère y travaille avec lui, notamment pour produire des 5,56 ou des 12,7, particulièrement utiles à nos armées.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). La mention « sous réserve de la compétitivité » pousse à s’interroger. À quelles conditions pensez-vous que ce genre d’industries puissent être compétitives ? À l’export ? Peut-on alors savoir avec quels partenaires ?

Pourquoi, il y a quelques années, a-t-on laissé vendre Manurhin à une monarchie du Golfe ? L’entreprise ne devait pas être compétitive, et on a considéré qu’il fallait la laisser partir.

En réalité, cette mention vous ménage une porte de sortie ; c’est un clou doré sur le cercueil des munitions de petit calibre.

M. le président Thomas Gassilloud. C’est plutôt une marque de confiance. Les informations que nous avons obtenues concernant les projets susceptibles d’être menés montrent que la compétitivité est tout à fait possible sur le territoire national, notamment si des partenariats stratégiques sont envisagés avec des pays proches, comme la Belgique.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN151 de M. Frank Giletti.

M. Frank Giletti (RN). Cet amendement, qui ne vous surprendra pas de notre part, introduit un principe de sauvegarde des technologies nationales et d’adéquation aux besoins capacitaires des forces armées dans le cadre des programmes de coopération en matière d’armement.

Si ces derniers ne permettent pas d’atteindre l’objectif de renforcer la souveraineté de la nation et ne garantissent pas la sauvegarde et le développement des technologies françaises, ils doivent impérativement être abandonnés.

Aux termes de l’amendement, les programmes Scaf et MGCS sont donc abandonnés au profit de deux programmes nationaux préservant et développant les technologies et savoir-faire nationaux, mais aussi adaptés aux besoins capacitaires de nos forces armées. Le cas du Scaf en témoigne, une coopération ne peut fonctionner que si un maître d’œuvre compétent a été identifié, comme Dassault vis-à-vis de la filiale allemande d’Airbus. S’il n’est pas reconnu comme tel par nos partenaires, nous devons privilégier une alternance souveraine.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Lors des coopérations – qui entraînent une réduction des coûts –, le gouvernement fait toujours en sorte de préserver les intérêts de la France. Les avancées qu’elles permettront en matière de recherche et développement seront toujours utiles à nos armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Que le Parlement cherche à encadrer les coopérations en fixant des lignes rouges est une bonne chose, mais vous demandez leur abandon pur et simple. M. Jacobelli disait qu’il ne fallait pas faire de coopérations pour des raisons idéologiques ; il ne faut pas non plus en abandonner pour des raisons idéologiques.

M. Frank Giletti (RN). On est ici au-delà de l’idéologie : c’est du pragmatisme. Concernant le MGCS, vous avez reconnu vous-même son impasse, Monsieur le ministre. Ce programme est mort-né. Quant à la réduction des coûts, je ne suis pas sûr qu’au bout du compte le Scaf n’aura pas coûté plus cher aux États, dont la France.

M. Mounir Belhamiti (RE). Chaque projet de loi de finances définit les autorisations d’engagement et les crédits de paiement pour chaque programme de coopération. Les lignes rouges, nous les connaissons : nous les fixons. Nous donnons notre avis sur chaque budget. Nous l’avons dit à propos du projet de loi de finances pour 2023, tout plan A doit être assorti d’un plan B. Or les plans B existent. Restons-en à cette position.

Votre volonté d’abandonner les projets montre que vous ne faites pas confiance à l’industrie française. Vous doutez des capacités de notre pays à être leader de grands programmes. Je regrette cette logique de repli s’agissant de programmes aussi emblématiques et alors même que la France a les atouts nécessaires pour être le leader européen en matière d’aviation de défense et d’armement terrestre.

M. Frank Giletti (RN). Au contraire, nous avons toute confiance dans le savoir-faire de nos entreprises, qui nous disent qu’elles sont capables de réaliser seules des programmes, de manière souveraine et indépendante – dans la mesure où l’État s’engage avec elles.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Monsieur Giletti, vous sous-estimez la portée de ces programmes. Il ne s’agit pas seulement d’un avion ou d’un char, mais de tout un environnement collaboratif, d’interconnectivité, d’interopérabilité, de systèmes de drones. C’est l’avènement du combat collaboratif qui est visé.

La France peut s’enorgueillir d’être à la pointe de ces technologies, mais il faut aussi voir ce que ses partenaires sont susceptibles de lui apporter, si tant est qu’ils aient les mêmes besoins – sur ce dernier point, nous sommes bien d’accord.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN481 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Cet amendement quasiment rédactionnel, ou, si vous préférez, de précision, tend à retirer l’Allemagne de la liste de nos partenaires privilégiés, car, dans ce domaine, l’Allemagne a démontré qu’elle n’était pas un partenaire fiable. On peut énumérer ses trahisons dans le domaine industriel : les accords de Schwerin, les problèmes du programme Eurodrone, l’abandon de Maws (système de patrouille maritime), les atermoiements concernant le Scaf et le MGCS, la compétition actuelle pour le New Space avec la création d’Isar Aerospace Technologies – ce n’est pas l’ancien maire de Vernon qui me contredira.

Il ne s’agit pas de ne pas travailler avec l’Allemagne, simplement de ne pas la considérer comme un partenaire privilégié dans le domaine militaire.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je ne suis pas d’accord. L’Allemagne reste un partenaire privilégié de la France. Défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La rédaction du texte est bonne : elle montre bien que l’Allemagne est un partenaire parmi d’autres. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). On ne change pas une équipe qui perd ! Non seulement la coopération ne marche pas, mais elle peut entraîner un détournement technologique et, pire, un gel de nos propres programmes dont l’Allemagne profite pour exporter ses matériels. Nous sommes les naïfs de l’histoire. Il est difficile de remettre en selle un partenaire qui n’a qu’une idée : vous remplacer. C’est un couple où l’un veut se marier, l’autre cocufier.

Cela dit, on voit bien quel est l’objet de l’amendement ; or on ne peut pas stigmatiser un pays qui est un partenaire. Nous ne voterons donc pas pour cet amendement.

Mme Sabine Thillaye (Dem). (Mme Thillaye commence son propos en allemand.) Je n’aurais pas cru entendre cela aujourd’hui. On se croirait revenus des dizaines d’années en arrière ! Certes, il y a des problèmes, parce qu’en effet, nous sommes concurrents. Dassault a tout de même le lead pour le Scaf. Il est normal aussi qu’entre un État central doté d’un exécutif très puissant et un État fédéral dont le Parlement est très fort, les choses n’aillent pas de soi. Je vous invite à aller à Évreux pour y voir le premier escadron de transport intégré franco-allemand ; on y essaie de surmonter les barrières et de travailler ensemble : c’est assez extraordinaire. Il n’y a pas de miracle dans la vie. Il faut mettre les mains dans le cambouis pour dépasser les problèmes. Mais pas de discrimination !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Notre collègue maîtrise la langue de Goethe – Bruno Le Maire n’est pas le seul dans ce cas en France –, mais, dans notre assemblée, on s’exprime en français : c’est le règlement. Nos collègues polynésiens s’astreignent à parler en langue française, n’utilisant leur langue que pour saluer. Votre démonstration n’avait rien de très amical ; je trouve cela dommage. Mais vous me trouverez à vos côtés pour promouvoir l’enseignement de l’allemand en France !

Monsieur le rapporteur, donnez-nous un exemple de coopération qui n’ait pas été marqué par une avanie ou une déloyauté de la part de l’Allemagne.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Tout le monde sait que la coopération avec nos amis allemands est relativement difficile en ce moment, mais l’Allemagne est une puissance géopolitique majeure au cœur de notre continent et rien ne justifie cet antigermanisme primaire après les déchirements que nous avons connus en Europe.

Je ne comprends pas qu’on ne nous ait pas proposé un amendement ajoutant aux partenaires fiables Cuba, le Venezuela et l’Alliance bolivarienne !

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. L’Allemagne est un grand pays, a une belle industrie, fait de la recherche et développement de façon efficace. Nous devons travailler avec elle, car c’est un partenaire qui reste fiable. Ce pays est notre voisin, nous avons une histoire très forte en commun. Dès lors, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas figurer parmi nos partenaires privilégiés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN705 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Le rapport annexé mentionne des pistes de coopération qui portent notamment sur la défense surface-air. Étant donné les nouvelles menaces hypersoniques venant des missiles balistiques hypervéloces, nous proposons de mentionner non seulement les programmes d’intercepteurs, qui ne peuvent être effectifs sans dispositifs d’alerte avancée, mais aussi ces dispositifs eux-mêmes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements DN707 de Mme Natalia Pouzyreff, DN412 et DN793 de Mme Anne Le Hénanff (discussion commune).

Mme Anne Le Hénanff (HOR). La coopération en matière de cyberdéfense est un véritable enjeu pour l’autonomie européenne. Le fait que nous développions des infrastructures de télécommunications communes, comme la constellation Iris (infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite), appelle une stratégie également commune de défense de ces infrastructures.

Ces constellations satellites peuvent, en outre, constituer un véritable atout pour la cyberdéfense, notamment en cas d’attaque des infrastructures numériques, afin d’assurer la permanence des télécommunications par voie satellite, à l’image de ce qu’a permis Starlink en Ukraine. C’est pourquoi nous souhaitons ajouter la cyberdéfense aux domaines susceptibles de bénéficier d’une coopération à fort potentiel dans le domaine spatial. Tel est le sens de l’amendement DN412.

La coopération européenne en la matière permet l’échange de bonnes pratiques, l’assistance aux nations en difficulté et le partage d’informations. Par l’amendement DN793, nous proposons une ouverture à une coopération plus poussée dans le domaine de la cyberdéfense. Nous devons renforcer notre souveraineté cyber et porter nos capacités nationales à un degré suffisant de maturité, mais aussi être disposés à d’autres types de coopération et de solidarité, y compris en cas d’attaque cyber significative contre notre pays et ses partenaires.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis. La rédaction de l’amendement DN707 est la plus complète.

M. Laurent Jacobelli (RN). Pour le groupe Rassemblement national, dans certains domaines, notamment émergents, une coopération est possible avec d’autres pays européens. Nous sommes pragmatiques !

Nous nous interrogeons sur une phrase de l’amendement DN707 : « la France pourra pleinement participer à doter l’Europe d’un ‟bouclier cyber” ». Elle peut être lue de deux manières différentes. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons, même si, sur le fond, une coopération européenne en matière de cyber ne nous paraît pas une mauvaise idée.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Je salue le travail intergroupes entre Mme Pouzyreff et Mme Le Hénanff sur ces sujets importants.

L’expression consacrée par la Commission européenne est celle de « projet de solidarité européenne cyber », d’où les choix rédactionnels qui ont été faits. Nous sommes très favorables aux trois amendements ; voyons la formulation qui convient le mieux au Gouvernement.

La commission adopte l’amendement DN707.

En conséquence, les amendements DN412 et DN793 tombent.

 

Amendement DN558 de M. Aurélien Saintoul.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). L’alinéa 59 indique simplement que « le dispositif de contrôle des exportations et les modalités d’information du Parlement seront consolidés ». Nous souhaitons préciser cette phrase très vague en indiquant que « le Parlement sera amené à se prononcer sur les exportations d’armements et veillera au respect du traité sur le commerce des armes ». Il est temps de mettre en œuvre les recommandations de la mission Maire-Tabarot. Nous attendons des engagements de votre part.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cet amendement est très flou. Que veut dire « se prononcer » ? Est-ce synonyme d’« autoriser » ? Cela relève alors du Gouvernement. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). J’aurais aimé connaître les arguments du ministre.

Quant à M. le rapporteur, il devrait se réjouir que l’amendement soit flou : cela lui laisse la possibilité de préciser les détails.

M. Maire et Mme Tabarot ne sont ni des bolcheviks ni des pacifistes bêlants. Leurs propositions n’ont pourtant pas été appliquées. J’aimerais que leurs groupes d’origine soutiennent l’amendement.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Vous répondez à ma question par une autre question ; c’est une façon d’éviter l’obstacle. Vous bottez en touche. Comme d’habitude, ce que vous racontez est très flou et vous renvoyez les questions vers les autres. Je voudrais que vous soyez beaucoup plus précis, qu’il s’agisse de la politique d’armement ou de la politique internationale.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Qu’en est-il des propositions du rapport Maire-Tabarot ?

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Répondez à ma question !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Si nous retirons l’amendement pour y introduire les dispositions qui figurent dans ce rapport et le redéposer ensuite, l’approuverez-vous ? Vous ne répondez pas !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN555 de Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je vais le retirer, car l’alinéa qu’il indique n’est pas le bon. Nous le défendrons à nouveau en séance. Il s’agissait d’inscrire dans le rapport annexé, à propos des coopérations européennes, l’objectif de créer des chaînes de production européennes.

Pour les écologistes, c’est le moyen d’assurer la sécurité européenne dans un cadre budgétaire soutenable. Les Européens produisent 178 systèmes d’armes alors que les États-Unis n’en ont que 30. Sur les 37 milliards de dépenses d’armement des États membres en 2020, seulement 4,1 milliards concernent des projets communs à deux pays européens au moins. Selon la Commission, une coopération plus efficace permettrait d’économiser 25 à 100 milliards par an et garantirait l’interopérabilité du système d’armes. La question de la BITD européenne est primordiale et doit faire partie d’une doctrine de la défense européenne.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN253 de Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il vise à renforcer à droit constant le contrôle des investissements étrangers, en ce qui concerne notamment les entreprises sensibles pour nos armées, y compris des start-up de défense.

Il s’agit d’un amendement de repli, plusieurs de nos propositions ayant été considérées comme des cavaliers et nos amendements sur la commande publique ayant été écartés.

Le contrôle des investissements étrangers, renforcé à l’occasion de la crise sanitaire, est piloté par le ministère de l’économie et des finances, mais le ministère des armées est impliqué vis-à-vis de ses cocontractants, dont les sous-traitants, systématiquement contrôlés s’agissant de la défense et de la BITD. Un pilotage interministériel nous apparaît donc crucial. L’actualité montre que des PME de défense peuvent être la cible d’acquisitions d’États étrangers, dont nos compétiteurs – l’ancien ministre Montebourg veut arracher l’entreprise Segault aux Américains.

Il s’agit de promouvoir un levier encore méconnu qui permet à l’État de faire valoir ses intérêts souverains, même concernant des entreprises naissantes ou de petite taille.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’amendement apporte quelque chose au texte, mais je remplacerais « renforcé » par « poursuivi », pour rendre justice au temps déjà passé par la DGA sur les procédures IEF (investissements étrangers en France). Il ne faudrait pas donner l’impression qu’actuellement, le contrôle est faible. Est-il possible de rectifier l’amendement en ce sens ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’accepte. Le sujet pourrait également être traité par une mission d’information.

La commission adopte l’amendement tel qu’il a été rectifié.

 

Amendement DN547 de M. Julien Bayou.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Nous proposons la création d’une délégation parlementaire chargée de contrôler les exportations d’armes et de biens à double usage. En la matière, le contrôle est insuffisant ; les éléments sont parcellaires et tardifs. Il faut un véritable contrôle du Parlement. Actuellement, on vérifie surtout que des éléments technologiques trop pointus ne sont pas transférés. Il faudrait d’autres critères, dont le respect des droits humains : il n’est pas question de fournir des armes qui peuvent être retournées contre les populations ou servir à des crimes d’État.

L’amendement est dans le droit-fil du rapport de Jacques Maire et Michèle Tabarot, où l’on peut lire que le système actuel de contrôle est « critiqué, compte tenu de son opacité et donc des doutes qu’il génère sur sa capacité à assurer le respect par la France de ses engagements européens et internationaux sur le plan du droit international humanitaire ».

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Un rapport relatif aux exportations d’armes nous est remis chaque année et peut être consulté par qui s’y intéresse. Nous pouvons également poser des questions écrites ou orales au ministre quand nous le souhaitons. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis. Nous en avons déjà discuté et ce sujet n’entre pas dans le cadre du rapport annexé.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Quelle hypocrisie ! Le rapport de Jacques Maire et Michèle Tabarot a été approuvé par tout le monde. Si ce n’est maintenant, à quelle occasion pourrez-vous créer cette délégation parlementaire ? Montrez que le Parlement est capable d’agir. Vous nous reprochiez il y a un instant, Monsieur le rapporteur, de ne pas être assez précis et à présent vous considérez que ce n’est pas le moment ! Soyez honnête et reconnaissez que ce ne sera jamais le moment !

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je n’ai jamais dit que ce n’était pas le moment, vous déformez mes propos.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cela fait des années que cela dure. Nous avons bien compris que la création de cette délégation ne serait jamais à l’ordre du jour. Vous déclarez que le rapport annuel dont nous disposons suffit amplement alors qu’il est lacunaire, ce que vous savez très bien. Nous ne sommes pas en mesure de suivre les commandes ni de connaître les délibérations de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Vous avez choisi de dédire M. Maire et Mme Tabarot : assumez-le. Votre formation politique est divisée sur ce sujet.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Monsieur le ministre, si cette proposition n’a pas sa place dans le rapport annexé, trouvons un véhicule législatif adapté, car il est indispensable d’associer le Parlement à l’exportation d’armement et de biens à double usage. Vous avez d’ailleurs reconnu, pas plus tard que mardi soir dernier, qu’il appartenait au Parlement de définir les modalités selon lesquelles il pourrait y être associé.

Monsieur le rapporteur, votre position est plus problématique, car vous ne comprenez pas le besoin de créer une telle délégation. Je crains, par conséquent, que la question du véhicule législatif ne soit qu’un prétexte pour cacher votre refus de progresser en la matière.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, notre amendement manquait de précision ? Qu’à cela ne tienne, nos camarades écologistes vous en présentent un extrêmement détaillé : ce n’est pas le bon moment ! Il faudrait savoir !

Monsieur le ministre, vous dites que les entreprises doivent être agiles et exporter. L’exportation de matériels de guerre est interdite par principe et les industriels doivent demander une licence auprès de l’administration. Les parlementaires doivent pouvoir contrôler ces exportations, dans l’intérêt de notre BITD. La détermination des conditions dans lesquelles les entreprises de défense peuvent exporter et se développer a toute sa place dans le rapport annexé. C’est le bon moment, contrairement à ce que vous déclarez.

M. le président Thomas Gassilloud. Si l’amendement avait été déposé à la partie normative du rapport, il aurait été déclaré irrecevable car il n’aurait pu être relié à aucune partie du texte.

M. Fabien Lainé (Dem). Je suis d’accord avec M. Bayou. En France, sous la Ve République, ne soyons pas aveugles : nous sommes très en retard par rapport aux autres démocraties occidentales dans le contrôle que les parlementaires peuvent exercer sur le renseignement, les ventes d’armes ou le nucléaire. Même si notre régime est marqué par la prééminence de l’exécutif, il est temps d’améliorer le contrôle parlementaire. Ce serait faire preuve de maturité démocratique.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement traduit le besoin impérieux de renforcer les droits et le contrôle du Parlement. Le contexte géopolitique évolue et nos concitoyens se posent des questions. En outre, lorsque l’on engage des crédits importants pour le projet de loi de programmation militaire, il est nécessaire de renforcer le contrôle du Parlement.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). En droit français, les exportations d’armement sont un acte de gouvernement. C’est l’un des derniers qui demeure et nous ne devons pas priver l’exécutif de ce pouvoir.

Si vous voulez l’inscrire dans la loi, faites-le au cours de l’une de vos niches. Nous verrons si votre proposition de loi sera adoptée.

Enfin, contrairement à ce que vous croyez, le rapport de M. Maire et de Mme Tabarot est loin de faire l’unanimité.

M. le président Thomas Gassilloud. Signalons qu’il a été en partie appliqué puisque, désormais, un double rapport est produit, l’un pour ce qui concerne l’exportation d’armement et l’autre pour les biens à double usage. Les trois ministres concernés sont, de surcroît, auditionnés par les commissions de l’Assemblée nationale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN702 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’amendement tend à insérer la phrase suivante au début de l’alinéa 60 : « La France œuvrera au renforcement du pilier européen au sein de l’Otan pour le bénéfice mutuel de l’Alliance transatlantique et de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne ». Le renforcement du pilier européen de l’Otan n’est contradictoire ni avec l’émergence d’une politique commune de défense européenne ni avec notre souveraineté.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Sagesse, car je crains que l’amendement ne soit redondant avec l’amendement précédemment adopté sur le même sujet.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Demande de retrait, pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN794 de M. Frank Giletti.

M. Frank Giletti (RN). L’amendement tend à supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 60, relatives au programme Scaf et au projet MGCS.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements DN872 de M. Jean-Michel Jacques et DN484 de M. Aurélien Saintoul (discussion commune).

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). L’amendement est également rédactionnel. Nous pouvons nous entendre avec le rapporteur quand il s’agit de défendre la langue française.

La commission adopte l’amendement DN872.

En conséquence, l’amendement DN484 tombe.

 

Amendement DN90 de M. Laurent Jacobelli.

M. Laurent Jacobelli (RN). Le contrat pour la prochaine phase 1B du programme Scaf a été signé dans la douleur, à la fin de l’année dernière, après dix-huit mois de négociations entre les industriels. Les divergences en matière de droit de la propriété industrielle étaient nombreuses, ce qui n’est pas rassurant. Ne soyons pas naïfs, rien ne nous garantit que le programme Scaf sera mené à son terme, ni même que ce soit dans l’intérêt de la France. Nous vous proposons par conséquent que le démonstrateur du NGF ne soit développé dans le cadre du programme Scaf que « sous réserve du bon avancement du programme ». Cela pourrait être une solution de compromis pour les convaincus et les sceptiques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je fais confiance au Gouvernement pour veiller aux intérêts de la France. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La formule proposée pourrait laisser penser que des difficultés d’ordre industriel seraient apparues. Ce sont des choses qu’il ne faut pas sous-entendre, car la France est chef de file politique et industriel. Le contrat a été attribué à Dassault Aviation, en qui nous avons pleinement confiance.

Plusieurs amendements ont été déposés par différents groupes politiques et la majorité se préoccupe, elle aussi, de cette affaire. Nous avons besoin de la phase 1B, car elle couvre les premières marches vers le démonstrateur, qui occupera la phase 2. Au passage, nous ne sommes pas deux pays, mais trois, à réaliser cette première phase : nous, l’Allemagne et l’Espagne. Elle coûte 3 milliards d’euros, que nous nous partageons en trois parts égales. Si nous avions réalisé cette phase seuls, elle ne nous aurait certes pas coûté 3 milliards d’euros, mais 2 milliards tout de même, soit un de plus que notre quote-part aujourd’hui. Ne l’oublions pas, la contribution européenne fait économiser 1 milliard aux contribuables français.

Par ailleurs, nous nous sommes fixé des lignes rouges pour la poursuite du projet. Cet avion de combat nouvelle génération est le lointain descendant du Rafale, encore après le standard F5. Ce sont les menaces auxquelles nous sommes confrontés, nos missions et nos contrats opérationnels qui façonnent le cahier des charges. Je n’en dirai pas plus, mais vous aurez compris qu’il est question des missions des forces aériennes stratégiques, ainsi que d’un volet aéronaval car cet avion aura vocation à se poser sur un porte-avions de nouvelle génération. Pour être honnête, je reconnais que la France a sa part de responsabilité dans le retard pris par le projet. J’ai demandé à la DGA et à l’état-major de l’armée de l’air et de l’espace de définir les caractéristiques attendues de l’appareil, d’affiner les critères qui présideront sa conception et d’identifier les risques.

L’autre ligne rouge tient à notre doctrine d’exportation d’armement, que nous ne voulons pas soumettre au bon vouloir du Parlement allemand. Nous vendons aujourd’hui des Rafale à l’Indonésie, aux Émirats arabes unis, à la Grèce, à l’Inde. Si nous décidons de vendre demain notre nouvel avion de combat à ces pays, nous devons pouvoir le faire sans l’aval du Bundestag. Personne ne le comprendrait. C’est aussi pour cette raison que je défends le rôle de l’exécutif dans notre pays.

J’ai rendu tout à l’heure un avis défavorable à vos amendements parce qu’ils semblaient viser l’arrêt immédiat du programme Scaf. Je vous en proposerai un autre dans l’hémicycle pour assurer l’information du Parlement à l’issue de la phase 1B, avant l’examen du projet de loi de finances pour 2026, par la remise d’un rapport qui présentera un bilan et les perspectives envisagées entre la phase 1B et la phase 2. Je suppose, par ailleurs, que nous allons bientôt discuter de la clause de revoyure de la loi de programmation militaire. Je ne sais pas ce que vous déciderez mais sans doute sera-t-elle fixée vers 2027

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous avons déposé, nous aussi, un amendement qui tend à la remise au Parlement de rapports, à intervalles réguliers, pour le tenir informé de l’évolution du Scaf. Je suis certain que nous pourrons nous accorder.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN485 de M. Aurélien Saintoul.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Voici un amendement qui devrait rassurer tout le monde et éviter au Gouvernement d’en déposer un en séance. Nous savons nous inspirer de la procédure allemande quand elle va dans le bon sens, et nous vous proposons que le Parlement valide chaque étape du programme Scaf. Cette pratique renforcera la position de l’exécutif et des industriels dans les négociations avec leurs partenaires allemands. Nous aurons ainsi la certitude que les intérêts de notre pays seront aussi bien défendus que ceux de l’Allemagne.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Comment vous y prendrez-vous pour expliquer cette nouvelle procédure à la BITD ? Il y a peu, vous défendiez une vision de long terme pour celle-ci et, à présent, vous la rendez plus qu’incertaine. Faisons confiance à l’état-major, à la DGA, au ministère des armées. Surtout, l’examen du budget de la mission Défense vous offre, chaque année, l’occasion de vous exprimer. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La rédaction ne convient pas du tout : avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). La place prépondérante qu’occupe le Parlement dans le régime allemand n’a pas empêché ce pays de devenir une grande puissance industrielle. Vous devriez vous inspirer de cet exemple et associer plus étroitement notre Parlement aux différentes étapes qui jalonnent les coopérations en matière de défense.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’amendement, tel qu’il est rédigé, pourrait laisser penser que le Parlement français ne contrôle rien. Or, chaque année, le vote du budget de la mission Défense permet au Parlement d’exercer ce contrôle.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Bien entendu, les Allemands ne votent sans doute pas de budget et il est fort probable que cette procédure redondante soit rendue nécessaire par leur difficulté à comprendre rapidement ce qu’on leur présente.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est pas la même Constitution.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). C’est vrai mais, d’une part, nous pourrions vouloir changer la Constitution, d’autre part, rien dans la Constitution n’interdit que le Parlement soit mieux informé et se prononce plus précisément sur la conduite d’un projet industriel d’aussi grande ampleur que le Scaf.

En quoi la rédaction de l’amendement ne vous satisfait-elle pas, Monsieur le ministre ? Nous sommes prêts à la rectifier.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Faisons attention aux décisions que nous pourrions prendre et qui feraient jurisprudence. Ce qui fonctionne le mieux dans le système français de défense, ce sont les boucles courtes de décision et la qualité du travail de la DGA. On voit bien comme toutes les étapes prévues dans d’autres pays, notamment en Allemagne, font prendre du retard. Conservons notre procédure qui a fait la preuve de son efficacité. L’information du Parlement est essentielle mais, de grâce, ne cassons pas un système qui marche ! Je m’amuse que nos amis de la France insoumise s’inspirent de la procédure outre-Rhin. Les soumis ne sont pas forcément ceux qu’on croit.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Nous soutiendrons l’amendement, car nous devons trouver le moyen d’associer le Parlement aux coopérations, en nous inspirant des modèles étrangers qui donnent de bons résultats.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je ne sais que vous répondre, Monsieur Thiériot. Nous verrons ce qu’en pense M. Marleix lorsque nous examinerons l’amendement en séance. Quant à ceux qui voulaient, par amendement, envoyer une bombe nucléaire sur Daech, heureusement qu’ils ont eu la décence de le retirer avant qu’il ne soit examiné.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Voilà que M. Saintoul voudrait changer de Constitution ! Je comprends mieux l’exposé des motifs de l’amendement et la référence à la souveraineté populaire.

M. Sébastien Lecornu, ministre. On ne va tout de même pas écrire dans la loi de la République française : « à l’instar de la procédure allemande ». Qui plus est, le terme d’étape, en l’espèce, ne signifie rien. On ne va pas convoquer le Parlement à chaque fois qu’un industriel visse un boulon. On parle de phases. Bref, il faudrait revoir toute la rédaction de votre amendement, aussi est-il préférable d’attendre celui que je vous présenterai en séance et dont vous débattrez.

Enfin, j’ai bien compris que les députés socialistes et écologistes voulaient davantage de débats au Parlement. Seulement, je ne peux pas oublier que La France insoumise a déposé des amendements pour remettre en question toutes les coopérations européennes. Reconnaissez que, si vous voulez débattre davantage, c’est pour faire reculer l’Europe de la défense – les députés socialistes et écologistes doivent être conscients de cela.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN498 de M. Bastien Lachaud.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je ne vois pourquoi la formule « à l’instar de la procédure allemande » poserait problème. Le choix de la démocratie ne fait pas de nous les vassaux d’Athènes !

L’amendement tend à compléter l’alinéa 60 pour que, concernant le Scaf, une solution nationale soit engagée en cas de refus du Parlement de poursuivre le projet.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je fais confiance au Gouvernement pour prendre la bonne décision.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Le Parlement doit être étroitement associé aux coopérations, comme il l’est en Allemagne et dans de nombreuses autres démocraties européennes. Nous n’avons pas la même position que nos collègues de la France insoumise à ce sujet et, de surcroît, la commission n’a pas adopté ces amendements. Selon nous, un vote au Parlement ne remettrait pas en cause les coopérations, au contraire. La France en sortirait renforcée.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, vous nous avez accusés de vouloir interrompre toutes les coopérations. Pouvez-vous nous citer les amendements par lesquels nous aurions défendu cela ? Vous aurez du mal à les trouver : ils n’existent pas, car nous sommes favorables aux coopérations. Ce n’est pas parce que nous avons voulu rappeler la souveraineté de la France que nous y sommes opposés. En revanche, nous restons libres de critiquer celles qui nous semblent mal engagées ou pensées. Ne caricaturons pas la pensée des uns et des autres !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il n’y a pas une demi-heure, vous vouliez retirer l’Allemagne de la liste des partenaires privilégiés. Que voulez-vous, vous n’êtes pas clairs mais, déjà hier, nous ne comprenions pas bien ce que vous vouliez.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN89 de M. Laurent Jacobelli.

M. Laurent Jacobelli (RN). Dire que le MGCS patine est un doux euphémisme, les acteurs de l’industrie militaire sont unanimes à ce propos. Les Allemands et les Français ne partagent pas le même intérêt stratégique. Par exemple, là où l’Allemagne voudrait des blindés lourds, la France aurait besoin de blindés plus rapides à forte puissance. Et que dire du conglomérat industriel allemand Rheinmetall, qui rompt l’équilibre et exporte des chars Léopard ! Aucun argument ne milite en faveur du MGCS. Nous vous proposons, par conséquent, de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 60.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je reste optimiste et j’espère que le programme MGCS aboutira. Quoi qu’il en soit, il permet de travailler sur les briques technologiques nécessaires à ce que pourrait être un plan B. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). On est toujours très enthousiaste au début d’une coopération, mais une coopération, comme un mariage, n’est pas un long fleuve tranquille. Si on ne se donne pas la peine de construire des fondements solides, tout peut s’effondrer. Pour le moment, le MGCS n’en est qu’à ses prémices. Ne nous précipitons pas pour tout abandonner.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN743 de M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Une règle de base régit les relations diplomatiques : s’il doit y avoir une rupture, il ne faut jamais en être à l’origine ou se mettre dans son tort, sauf nécessité absolue.

Nous devons donner leurs chances à ces deux projets structurants que sont le Scaf et le MGCS, mais par prudence, je vous propose d’ajouter, à l’alinéa 60, qu’en cas d’échec, une attention particulière sera portée aux solutions alternatives.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vais être plus radical que vous : il n’existe aucun schéma dans lequel nous cesserions de construire des avions de chasse. Quoi qu’il arrive, il nous restera le standard 5 du Rafale et un projet d’avion du futur. Quant à MGCS, beaucoup de questions demeurent autour de la morphologie du char du futur. Sera-t-il ou non habité ? Sera-t-il connecté à Scorpion ou non ? Faudra-t-il un seul opérateur ou plusieurs ? De quelles missions sera-t-il chargé ? Les programmes Scaf et MGCS n’ont pas atteint le même degré de maturité. Surtout, le chef de file est allemand pour le programme MGCS, français pour le Scaf. Je vous invite à retirer l’amendement car, quoi qu’il advienne de ces programmes, nous aurons des plans B.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN486 de M. Aurélien Saintoul.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Il ne s’agit pas, contrairement à ce que vous pourriez penser, de saboter un programme mais de préparer, précisément, un plan B. Pour reprendre l’image de Mme Pouzyreff, le ménage bat de l’aile et nous en sommes déjà au ménage à trois. Rheinmetall s’est invité et le partage des tâches est compliqué. N’attendons pas d’être au pied du mur pour réagir. Nous vous proposons, par conséquent, compte tenu des difficultés, qu’une étude portant sur une solution nationale soit engagée.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La commission de la défense a la faculté de se saisir de cette question et de contrôler l’action du Gouvernement dans ce domaine. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN742 de M. Jean-Louis Thiériot et sous-amendement DN978 de Mme Nathalie Serre.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). L’amendement tend à ce qu’un rapport soit remis chaque année au Parlement sur les programmes Scaf et MGCS. Mme Serre propose, dans un sous-amendement, que cette remise ait lieu à chaque étape décisive. Quelle proposition préférez-vous ? Le cas échéant, nous pourrions voter l’amendement en l’état, sinon nous le reprendrions pour la séance publique.

Mme Nathalie Serre (LR). Un rapport annuel, c’est très bien, mais il est plus pertinent d’informer le Parlement à chaque étape décisive de ces programmes. Tel est l’objet de mon sous-amendement.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Mon amendement DN834 à l’article 8 propose que le Gouvernement remette un bilan annuel au Parlement, ce qui permettra notamment de suivre l’avancement des programmes. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut distinguer entre les attentes de M. Thiériot et de Mme Serre – qui ont d’ailleurs souvent été formulées dans cette commission – et la rédaction de l’amendement et du sous-amendement. J’ai bien entendu la demande de transparence, qui est partagée par la majorité et par la commission des finances en ce qui concerne les aspects financiers.

Je vous soumets la proposition suivante, qui est susceptible de recueillir un assentiment assez large sur l’ensemble des bancs. À la fin de la phase 1B et avant la décision de lancement de la phase 2, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport d’étape sur les travaux réalisés pendant la phase 1B, et ce avant la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Cela permettra de disposer d’informations précises sur les crédits nécessaires à la poursuite des programmes, au moment où un comité ministériel d’investissement devra se tenir.

Encore une fois, quelque chose m’échappe dans les propositions qui tendent à supprimer le Scaf – ce que ne demandent pas les auteurs de l’amendement et le sous-amendement. En revanche, il est sain que le Gouvernement soit transparent sur l’avancement industriel et opérationnel des programmes prévus par la LPM.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Votre proposition correspond exactement à nos demandes. Nous serons informés lors des étapes décisives et il y aura un vote dans le cadre du PLF. Nous ne doutons pas de votre parole.

L’amendement est retiré.

En conséquence, le sous-amendement DN978 de Mme Nathalie Serre tombe.

 

Amendement DN541 de M. Christophe Plassard.

M. Christophe Plassard (HOR). Cet amendement vise à encourager la réalisation d’études sur les conditions de faisabilité de projets financés par la France en dehors de toute coopération, notamment pour le Scaf et le MGCS.

Les besoins opérationnels sont connus, de même que les exigences techniques particulières qui découlent de l’inclusion des matériels de nouvelle génération dans l’appareil de défense français. Comme les négociations avec nos partenaires sont difficiles, nous ne pouvons plus exclure la possibilité de mener un ou plusieurs projets nationaux en option de rechange.

C’est la raison pour laquelle, tout en rappelant que les programme MGCS et Scaf demeurent prioritaires, cet amendement propose de soutenir les études précitées en vue de plans B nationaux, afin d’anticiper un éventuel échec des coopérations.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Sagesse.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). La réponse du rapporteur est curieuse et incohérente. Il est favorable à cet amendement alors que l’amendement DN486 que j’ai défendu précédemment ne disait pas autre chose en ce qui concerne le MGCS : la France ne doit pas s’interdire de mener une étude sur les conditions de faisabilité d’un programme de manière souveraine.

Le rapporteur avait estimé que notre commission pouvait mener une mission d’information sur le sujet. Je lui fais respectueusement remarquer que nous ne sommes pas la DGA et que nous ne le deviendrons pas quels que soient nos efforts. Il se fait une trop haute idée de nous-mêmes pour me répondre ainsi.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN116 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Afin de renforcer les partenariats stratégiques et de faciliter nos exportations d’équipements, nous pensons que toutes les ambassades de France dans un État membre de l’Otan devraient disposer d’un attaché de défense. Même au sein de l’Union européenne, les attachés de défense sont parfois chargés de plusieurs pays. Ces militaires font un travail extraordinaire et l’amendement permettrait de renforcer l’influence de la France.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il faut laisser de la souplesse aux états-majors. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut même en laisser au ministre, qui est responsable de cela.

Je l’ai moi-même constaté, le réseau des missions de défense s’est bien amaigri avec le temps. J’ai décidé de le renforcer en nommant des attachés d’armement ou en affectant des adjoints lorsque plusieurs pays doivent être couverts. L’objectif est bien entendu d’avoir une mission de défense dans chaque pays. Cela relève de l’organisation du ministère et l’amendement est satisfait. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN143 de M. Frank Giletti.

M. Frank Giletti (RN). Dans le présent projet de LPM, l’objectif de 180 heures de vol par pilote de chasse ne sera atteint qu’en 2030, ce qui est préjudiciable à leur entraînement. Même si des efforts considérables ont été faits en matière de simulation, rien ne remplace le fait de voler. Les pilotes sont unanimes, les heures passées en simulateur ne peuvent être comparées à un véritable ravitaillement en vol ou à un tir de missile.

L’objectif de 180 heures, qui correspond à la norme fixée par l’Otan, était déjà prévu par l’actuelle LPM, mais il n’est pas atteint. Cet amendement d’appel propose de sanctuariser le nombre d’heures de vol pour les pilotes de chasse. Voler participe à leur fidélisation. Un pilote au sol aura tendance à aller voir ailleurs, notamment dans les compagnies aériennes. Pour garder nos pilotes, donnons-leur des avions et faisons-les voler au moins 180 heures par an.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Demande de retrait de cet amendement d’appel.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Demande de retrait, puisqu’il s’agit d’atteindre cet objectif dès 2023.

L’objectif de 180 heures de vol est prévu pour 2030, mais l’idée est bien évidemment de l’atteindre le plus vite possible. Je ne reviens pas sur les chiffres que j’ai donnés ce matin. Il faut tenir le rythme d’amélioration – et c’est bien pour favoriser l’activité des forces aériennes qu’un décalage a été prévu pour la livraison de dix Rafale.

Les données globales doivent être abordées avec une certaine prudence. Il s’agit de moyennes générales et les situations peuvent être assez différentes, par exemple lorsque des missions stratégiques sont remplies.

M. Frank Giletti (RN). Nous déposerons un amendement modifié en séance.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN104 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter sur l’absence de standards d’entraînement en ce qui concerne les réservistes opérationnels.

Il conviendrait de réfléchir à l’élaboration de standards spécifiques qui permettent aux réservistes d’entretenir et de développer leurs compétences, en fonction de leur armée d’appartenance et de leur spécialité. Augmenter le volume des réserves est nécessaire pour faire face à un engagement majeur, mais il est indispensable de les former et de les entraîner.

L’amendement propose, à titre d’exemple, de déterminer un nombre de cartouches à tirer chaque année, mais on pourrait envisager beaucoup d’autres critères pour nourrir une grille de référence.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je comprends très bien votre préoccupation, mais en l’occurrence le nombre de cartouches qui méritent d’être tirées peut varier beaucoup en fonction de la spécialité du réserviste et des matériels. Il faut conserver le principe de subsidiarité : les chefs de corps savent très bien organiser l’entraînement. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La trajectoire financière qui vous est proposée intègre l’augmentation du nombre de réservistes. L’équipement individuel de chacun d’entre eux est donc prévu, de même que les équipements qui leur sont confiés lorsqu’ils sont convoqués – comme l’armement, par exemple.

En ce qui concerne l’entraînement, je souligne que pour les personnels d’active il n’existe pas de grille de référence aussi précise que celle que vous envisagez dans cet amendement d’appel. Il ne faut pas tomber dans le piège qui consisterait à créer des références spécifiques pour les réserves. Cela ne correspond pas à notre modèle, où les réservistes sont intégrés dans les unités d’active.

Je suis même hostile à toute forme de différenciation des réservistes. Lorsque j’étais officier de réserve, j’interdisais le port d’un signe distinctif parce que je considère qu’un réserviste qui a été convoqué est un militaire à part entière. Il faut aller au bout de cette logique.

Si vous le souhaitez, je vous ferai parvenir par écrit des précisions montrant comment l’augmentation du nombre de réservistes a été prise en compte en matière d’équipement. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN823 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN37 de M. Julien Rancoule.

M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit de favoriser le recours à des munitions réelles lors des entraînements.

L’amendement précédent portait sur les munitions de petit calibre, mais de nombreux militaires nous ont indiqué qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de tirer certains types de missiles. Il serait pertinent qu’ils puissent le faire, car l’expérience offerte par les simulateurs n’est pas de même nature.

Cette mesure contribuerait également à la rotation des stocks de munitions.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je rappelle que ce projet prévoit de consacrer 16 milliards aux munitions – c’était nécessaire.

Une fois encore, je considère qu’il faut appliquer le principe de subsidiarité. Les instructeurs de tir et les chefs de corps ont pour mission de veiller à un entraînement adapté. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ferai la même réponse qu’à M. Bru, avec qui vous avez rédigé le rapport sur les stocks de munitions.

C’est une bonne recommandation et les moyens correspondants sont prévus dans le projet. Néanmoins, cela ne relève pas du rapport annexé mais du commandement. Il faut faire confiance aux chefs de corps comme aux chefs de section. C’est à eux de décider de la manière dont doivent être conduits les entraînements. L’essentiel est qu’ils disposent des stocks nécessaires. Demande de retrait.

M. Julien Rancoule (RN). Je comprends cet argument lorsqu’il s’agit de munitions de petit calibre, peu coûteuses. Mais la décision de tirer des missiles à l’entraînement dépasse largement le cadre du régiment. Il est nécessaire d’envoyer un signal sur la possibilité de s’entraîner davantage avec des munitions réelles coûteuses.

M. Sébastien Lecornu, ministre. En effet, lorsqu’il s’agit de missiles la décision appartient à des états-majors. De manière générale, je peux vous assurer qu’ils n’ont pas besoin de signaux pour consommer des crédits.

Des missiles sont régulièrement tirés lors d’exercices, par exemple des missiles Aster par la marine.

Il me semblerait plus utile que vous procédiez à une actualisation de votre rapport dans deux ans, plutôt que de prévoir dans le rapport annexé des mesures qui relèvent au fond des décisions d’un chef de corps ou d’un général commandant une brigade. Ces derniers ont surtout tendance à dire : « Donnez-moi des moyens et je m’occupe de mon affaire. »

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN97 de M. Laurent Jacobelli.

M. Laurent Jacobelli (RN). La simulation a du bon, car elle permet des entraînements qui n’étaient auparavant pas possibles, ou alors très rarement. Grâce à elle, les rendez-vous sont plus fréquents et nos soldats sont mieux formés. Mais la simulation peut aussi malheureusement souvent servir de cache-misère quand manquent les munitions et les encadrants. Il ne faudrait pas qu’elle se substitue aux entraînements réels ; c’est en ce sens que nous proposons de compléter l’alinéa 64. On conserve ainsi la force d’une simulation d’excellence, très technologique, et celle de l’entraînement réel.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La simulation est autrement plus exigeante que certains entraînements réels. On peut en effet introduire une résistance beaucoup plus grande de l’adversaire. Vous serez rassurés de savoir que lors des entraînements réels on ne tire pas sur les chars Leclerc, alors que c’est le cas avec les simulateurs, dans lesquels l’intelligence artificielle permet de durcir les exercices.

Il conviendrait donc d’utiliser dans votre amendement la notion de combinaison plutôt que celle de substitution, car je ne souhaite pas accréditer l’idée d’une forme de supériorité d’un entraînement sur l’autre. À cette condition, j’y serai favorable en séance.

M. Laurent Jacobelli (RN). Monsieur le ministre, une forte pression pèse sur vous du fait du nombre d’amendements dont vous avez obtenu le retrait en disant qu’ils seraient adoptés en séance. Mais nous allons jouer le jeu.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN903 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cet amendement résulte des conclusions du rapport Bru-Rancoule et des auditions réalisées lors de la préparation de l’examen de ce texte. Il prévoit de compléter l’alinéa 64 par la phrase suivante : « La gestion des stocks de munitions continuera à être optimisée afin de favoriser l’utilisation de munitions, y compris complexes, en conditions réelles, au service d’une préparation opérationnelle réaliste et durcie. »

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela relève de l’évidence. Sagesse.

M. Julien Rancoule (RN). Lors de l’examen d’un amendement similaire, vous m’avez répondu que cela n’avait pas forcément sa place dans le rapport annexé, Monsieur le ministre.

Cet amendement va dans le bon sens, car il reprend la logique de rotation des stocks et fait référence au panachage des munitions simples et complexes. Comme nous ne sommes pas sectaires, nous allons le voter par pragmatisme.

M. Sébastien Lecornu, ministre. D’où mon avis de sagesse.

Je suis attentif à ce qu’on ne soit pas trop intrusifs dans la vie quotidienne des forces, alors que l’on invoque par ailleurs la subsidiarité et la confiance. J’essaie d’être cohérent.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je suis d’accord avec le ministre : soyons sages. Si l’on rajoute trois lignes dans le rapport, il faut au moins être précis. Le rapporteur peut-il nous dire ce qu’il entend de manière concrète par « optimiser » ?

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il s’agit de tirer les munitions complexes qui arrivent à péremption plutôt que de les neutraliser.

Cela dit, j’entends les remarques sur la subsidiarité et je suis disposé à retirer éventuellement mon amendement.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour revenir sur la précision du rapporteur, j’ai découvert, à ma grande surprise, que ce n’était pas toujours le cas. Toutefois je considère que les choses ne changeront pas grâce au rapport annexé mais aux instructions, aux ordres et au commandement.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Ce sujet intéressant renvoie également aux enjeux environnementaux. Précédemment, les missiles balistiques étaient tirés lorsqu’ils arrivaient à échéance et leur propergol entraînait une pollution. Désormais, ArianeGroup a mis au point un procédé qui permet de recycler la totalité du propergol grâce à des bactéries. L’optimisation ne réside donc pas toujours dans le fait de tirer des munitions. Leur recyclage est parfois préférable pour préserver l’environnement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN570 de M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). L’alinéa 65 prévoit que le niveau de préparation opérationnelle progressera pour atteindre 100 % des normes d’activité en 2030. Les militaires de toutes les armées que nous rencontrons nous disent combien l’entraînement est vital. Il conditionne l’efficacité et la cohérence des forces armées, tout en constituant un outil de fidélisation.

Si nos demandes ont été très raisonnables en matière d’équipements, il faut faire un effort particulier dans le domaine de l’entraînement afin que l’objectif fixé pour 2030 soit atteint plus tôt, en 2027 ou en 2028. Je ne dispose pas d’informations précises sur le coût de cette mesure, dont on me dit qu’il s’élèverait à quelques centaines de millions sur la durée de la LPM – mais je suis désormais prudent avec les chiffrages qui me sont communiqués.

Cette question mérite d’être approfondie et un effort en matière d’entraînement aurait un véritable retentissement au sein de nos forces. Cela serait en tout cas extrêmement significatif pour notre groupe.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est difficile de savoir si l’on peut atteindre l’objectif dès 2027, comme le propose l’amendement. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est utile de parler de l’activité des forces. Dès que l’on aborde cette question, on doit naturellement évoquer le maintien en condition opérationnelle (MCO).

Je vais essayer de fournir en séance davantage de données par armée et par contrat opérationnel, parce que les taux très globaux ont un intérêt somme toute limité. Le rapport annexé ne permet pas forcément de mesurer comment tout est lié, j’en conviens.

La LPM 2019-2025 prévoyait 35 milliards pour le MCO ; le projet qui vous est soumis propose d’y affecter 49 milliards. Cette progression ne doit pas nous exonérer d’une réflexion sur le poids du MCO, car il fait partie d’un modèle économique. Les matériels américains sont certes moins chers à l’achat que les matériels français, mais leur entretien est ensuite très lourd. Par ailleurs, si l’augmentation des coûts du MCO se poursuit, la disponibilité des matériels risque de baisser et il viendra un moment où cela affectera la cohérence de notre modèle d’armée.

L’accélération que vous proposez doit être analysée précisément par armée et par mission, car des goulets d’étranglement peuvent exister, notamment en matière de pièces détachées – même si une action est menée sur ce point dans le cadre des réflexions sur l’économie de guerre.

Je ne dispose pas encore d’une évaluation précise du coût de la mesure proposée par l’amendement, mais l’ordre de grandeur est bien en centaines de millions. J’ai demandé qu’un chiffrage de votre amendement soit réalisé par la sous-chefferie plans de l’état-major des armées, car une telle accélération modifie pas mal de choses. Il faut les étudier de près, car je ne souhaite pas que cette mesure intervienne au détriment des équipements et des infrastructures. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Dans l’attente des éléments qui seront fournis en séance, je vais retirer l’amendement.

Le chef d’état-major de l’armée de terre a indiqué lors de son audition que l’objectif d’entraînement de son armée était atteint à 74 % et qu’aller jusqu’à 100 % coûterait environ 300 millions.

La question mérite d’être réellement approfondie afin de mesurer le geste qui peut être fait, sachant que l’on pourrait prévoir d’atteindre l’objectif en 2028 et non pas en 2027 comme cela est proposé par l’amendement.

Mais faisons quelque chose, parce que cela a un sens pour l’ensemble de nos armées.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN824 et DN825 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-sept heures quarante-cinq.

 

 

M. le président Thomas Gassilloud. Il nous reste un peu plus de 300 amendements à examiner. Je vous propose de conserver le bon rythme acquis depuis ce matin pour essayer d’en discuter la moitié d’ici à ce soir et de pouvoir achever l’examen de ce texte demain.

 

Amendement DN240 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement concerne la santé des personnels du ministère des armées. Il vise à mettre fin à l’utilisation d’amiante dans le cadre du MCO.

Les personnels de la marine nationale sont tout particulièrement exposés et de nombreuses études confirment que le risque est bien plus grand pour les personnels du ministère des armées que pour la population générale.

À Brest et à Cherbourg, nous connaissons tous des ouvriers malades de l’amiante et certains sont partis trop vite. Comme le relèvent les associations de victimes de l’amiante, il y a des avancées en matière d’indemnisation, mais peu ou pas en ce qui concerne la reconnaissance par l’État de sa responsabilité.

Avec cet amendement, je vous invite à prendre nos responsabilités. Il est nécessaire que le Parlement prenne des décisions fortes pour réparer une injustice collective.

C’est la raison pour laquelle il est proposé d’interdire l’usage de matériaux composés tout ou partie d’amiante dans le cadre du MCO.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. C’est malheureusement un sujet que je connais bien car, dans ma circonscription, nombreux sont les anciens marins ou ouvriers travaillant dans les arsenaux qui ont été exposés à l’amiante.

Ce matériau est interdit en France depuis 1997. Il ne peut être manipulé qu’en prenant les précautions réglementaires destinées à éviter les contaminations.

L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous avez raison de revenir sur ce sujet, qui a été très douloureux pour plusieurs générations de militaires et d’ouvriers de l’État.

Des directives ministérielles très claires ont été données en la matière depuis les années 2000. En outre, les référentiels techniques des programmes d’armement exigent l’absence d’amiante. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN754 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Je m’aperçois d’une coquille dans mon amendement et je le modifierai en vue de la séance. Je ne doute pas que vous émettrez alors un avis favorable à son adoption, compte tenu de son excellence.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme je l’avais indiqué à M. Bayou sur un autre sujet, je souhaite que les objectifs qui figurent dans le rapport annexé soient aussi clairs que possible.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN851 et DN852 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN122 de Mme Michèle Martinez.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Le rapport d’information sur le bilan de la loi de programmation militaire 2019-2025 réalisé par nos collègues Yannick Chenevard et Laurent Jacobelli a mis en évidence de nombreux problèmes, dont celui de la vétusté des logements des militaires.

J’ai pu constater dans ma circonscription combien les processus de décision en matière d’infrastructures étaient longs.

Le terme « hébergement » qui figure à l’alinéa 71 fait référence aux chambres dans les régiments. Cela exclut les appartements ou les maisons, qui sont considérés comme des logements. Il est important de mentionner que les logements bénéficieront aussi d’un effort d’entretien et de remise à niveau, dans la mesure où sept militaires sur dix vivent en couple et que plus de la moitié d’entre eux sont parents.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La seconde phrase de cet alinéa est relative à l’amélioration des conditions d’exercice du métier dans les emprises militaires. Il convient donc bien de mentionner seulement la politique d’hébergement. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut sans doute réfléchir à une rédaction différente. Celle de l’amendement DN293 de Mme Thomin me semble plus adaptée et correspond à votre intention. Demande de retrait également.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN293 de Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin (SOC). En 2020, près de 56 % des militaires vivant dans un logement du parc du ministère des armées indiquaient ne pas être satisfaits de son état global.

Avec cet amendement, mon groupe propose de poursuivre l’effort pour répondre aux besoins de logement des militaires et de leurs familles.

Comme cela a été relevé par le rapport d’information sur le bilan du plan « famille » – dont ma collègue Isabelle Santiago était corapporteure –, les plans « ambition logement » et « hébergement » sont destinés à répondre aux attentes de la communauté militaire.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis favorable également. Je rappelle que les crédits destinés au logement sont doublés dans le projet de LPM.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN255 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cet amendement vise à accélérer l’opération « poignées de porte », dédiée au quotidien de nos militaires. Il s’agit d’avoir la certitude que nous améliorerons rapidement les petits travaux du quotidien.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Ce très bon amendement s’inscrit dans notre démarche de simplification et de subsidiarité. En 2022, 46 millions d’euros de budget sont alloués à l’opération « poignées de porte ». Avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’idée venant de moi, je ne suis pas objectif, mais je constate que cela a bien fonctionné. Toutefois, s’agissant d’actions ponctuelles et d’entretien courant – par exemple la réparation d’une douche qui fuit ou de petits travaux l’électricité –, nous ne sommes pas à l’épure du rapport annexé. En tout état de cause, je souhaite qu’une culture « poignées de porte » très déconcentrée se renforce, pour éviter aux militaires de devoir demander à Balard ou ailleurs l’autorisation de changer une poignée de porte.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN117 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC). L’instruction n° 1707 du 25 octobre 2011 relative aux infrastructures du ministère de la défense est régulièrement critiquée par les militaires. Le développement d’infrastructures est entravé, à tout le moins fortement ralenti, par les normes de construction des infrastructures en vigueur dans le secteur civil. Ce constat est tiré du bilan de la loi de programmation militaire 2019-2025. La disposition proposée, qui figure dans le rapport d’information sur la politique immobilière du ministère des armées, corédigé par Fabien Lainé, contribuerait à la simplification des normes, au bénéfice du ministère et de ses personnels.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Promouvoir la simplification des normes me plaît, mais modifier une instruction n’est pas du domaine de la loi. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame Santiago, je note que vous mettez à profit l’absence de M. Bayou et de Mme Chatelain ! Plaisanterie à part, il ne faut pas négliger la question du respect des normes environnementales.

Je le dis franchement : je doute qu’une législation d’exception pour les emprises militaires, les exemptant par exemple du respect de la loi sur l’eau et des normes de construction, rassemble une majorité. Quoi qu’il en soit, l’amendement ne porte pas sur des normes spécifiques élaborées par le service d’infrastructure de la défense (SID) mais sur le droit ordinaire de la construction, en vertu duquel un maire doit signer un permis de construire pour autoriser la construction d’un bâtiment sur une base aérienne. Il n’apporte donc rien au rapport annexé. L’autre possibilité est de modifier les normes en vigueur.

Avis défavorable.

M. Fabien Lainé (Dem). Le rapport d’information sur la politique immobilière des armées aborde le problème des cas exceptionnels, que vous connaissez bien pour avoir été maire, Monsieur le ministre. Dans les zones tendues, où les maires bâtissent peu, le problème est réel. En Gironde et dans les Landes, certaines bases, comme celle de Cazaux, sont très éloignées des zones où le logement locatif est accessible aux militaires du rang. Même si le ministre des armées consent un effort dans le cadre du contrat d’externalisation pour la gestion des logements du ministère des armées (CEGeLog), il me semble que la question de l’introduction d’une exception au droit de la construction pour les emprises militaires se pose.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je souscris aux propos de M. le ministre. Il faut distinguer les normes militaires des normes civiles. Les premières nous sont parfois imposées par l’Otan ou par la DGA, ce à quoi il faudra peut-être réfléchir. Par exemple, nous achetons des munitions américaines dont la durée de vie est réduite faute d’être aux normes de la DGA. S’agissant des normes civiles qui s’imposent aux militaires, il n’y a aucune raison d’y déroger, ce qui nuirait à l’exemplarité demandée aux armées, notamment en matière environnementale.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN254 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cet amendement vise à préciser l’effort d’investissement nécessaire pour résorber la dette grise. Les efforts consentis dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025 doivent être maintenus. De nombreux bâtiments sont vétustes. J’ai constaté que les travaux avancent dans de nombreuses bases, mais beaucoup reste à faire. L’amendement vise à accélérer l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos militaires, même si elles progressent à petits pas mais nettement.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La maintenance, plusieurs fois évoquée à juste titre, bénéficiera d’un investissement de 500 millions d’euros par an de 2024 à 2030. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Les infrastructures sont un enjeu-clé. Elles ont bénéficié de 12 milliards d’euros dans la période couverte par la loi de programmation militaire 2019-2025 et bénéficieront de 16 milliards dans la période à venir. Cette augmentation doit en permanence être remise sur le métier. La gestion de la dette grise est en partie prévue sur le terrain budgétaire. Par ailleurs, si cette notion est familière pour nous, je doute qu’elle ait vocation à figurer dans le rapport annexé. Je lis l’amendement comme un amendement d’appel destiné à obtenir des chiffres. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN752 de M. Jean-Marie Fiévet.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). L’amendement vise à inscrire dans le rapport annexé, donc dans les grandes orientations fixées par la loi de programmation militaire, la participation du ministère des armées à la politique nationale de transition écologique dans tous ses versants.

Plans ministériels Climat et Biodiversité, stratégie ministérielle de performance énergétique (SMPE) de 2020, plan d’accélération des mesures de sobriété énergétique et d’exemplarité de 2022, stratégie ministérielle relative aux déchets : les plans du ministère des armées ont produit des effets. Ces efforts doivent être poursuivis et intensifiés pour concourir à atteindre tous les objectifs en matière de transition écologique ainsi que celui, dans le domaine non capacitaire, de neutralité carbone en 2050.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je salue le travail sur ce point de M. Fiévet et de Mme Santiago lors de la précédente législature. Avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis favorable. Je suggère de soumettre ce bon amendement aux députés qui nous ont saisis à ce sujet et qui sont absents cet après-midi, pour s’assurer que sa rédaction convient à tout le monde.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels DN853 et DN854 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN487 de M. Aurélien Saintoul.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Cet amendement vise à relancer l’activité des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) en cours de restructuration, notamment le HIA Desgenettes, à Lyon, sur lequel nous avons interrogé le ministre de nombreuses fois, par écrit, en commission et lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Ses réponses sont aussi floues que contradictoires.

La fermeture annoncée de l’hôpital devait être suspendue. L’hôpital est à moitié fermé ; certains patients ont déjà été transférés et certains personnels réaffectés. Les soignants disent continuer à recevoir des ordres de mutation ; la direction de l’hôpital parle désormais de fermeture définitive. Le personnel a besoin de réponses claires. L’exemple de Lyon vaut pour tous les hôpitaux du service de santé des armées (SSA) dont la situation demeure incertaine.

Les militaires, les patients et les territoires ont cruellement besoin de ces instituts d’excellence. Il est indispensable de revenir sur des années de sous-investissement, pour rétablir un service d’excellence indispensable au bon fonctionnement des armées et à la résilience de la nation. Au demeurant, ces HIA ne sont pas mentionnés dans le rapport annexé, ce qui nous inquiète, ainsi que les personnels, et devrait collectivement nous alarmer. L’amendement vise à remédier à cette situation.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Concernant les HIA, nos auditions ont montré qu’il n’y aura pas de fermeture, mais des spécialisations. Le HIA Desgenettes sera spécialisé dans la réhabilitation physique et psychologique des militaires blessés.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame Etienne, vous avez raison : sur la visibilité des antennes du SSA en région dans le rapport annexé, nous n’y sommes pas.

Voici ce que je vous propose : le Gouvernement déposera, d’ici à l’examen du texte en séance publique, un amendement assez complet, un cartouche clair, qui servira de base de travail et offrira la visibilité dont nous avons besoin. Cela permettra aussi de couper court aux rumeurs internes, l’affaire étant délicate.

S’agissant de la prise en charge des blessures psychiques, que nous avons abordée hier soir lors de l’examen d’amendements émanant de plusieurs groupes, elle doit faire l’objet d’une spécialisation de plusieurs HIA. C’est un enjeu majeur. J’ai demandé il y a déjà un an aux officiers généraux des zones de défense concernées d’évaluer les besoins des forces. Outre les amendements examinés hier sur les bassins sanitaires psychiatriques, l’accès à ces soins et les maisons Athos, il faut traiter l’accès aux soins les plus immédiats et le statut du soignant.

S’agissant des HIA Robert Picqué à Bordeaux et Desgenettes à Lyon, le besoin de durcir l’offre en matière de soins psychiatriques est exprimé par les forces dans leur ensemble. En disant cela, je m’engage pour leur pérennité et leur spécialisation accrue. Je présenterai un amendement visant à redéfinir la stratégie pour les deux grands HIA d’envergure nationale que sont Percy et Bégin, ainsi que pour le HIA Laveran, à Marseille, sur lequel des députés m’ont interrogé, et pour le HIA Clermont-Tonnerre de Brest, que j’évoquais hier au détour d’une phrase, et dont l’activité est étroitement liée aux contrats opérationnels de la dissuasion.

Conscient que la situation n’est pas claire, je vous proposerai un amendement du Gouvernement relatif à la stratégie du SSA, pas par emprise mais presque, pour vous offrir une visibilité. Je suggère le retrait de l’amendement, que son contenu – « Relance de l’activité des hôpitaux d’instruction des armées en cours de restructuration » – identifie selon moi à un amendement d’appel. Je déposerai tôt l’amendement du Gouvernement, ce qui vous permettra de l’étudier et, le cas échéant, de le sous-amender.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Le problème, c’est que le temps file et que les équipes s’inquiètent. Il y a une vraie souffrance parmi le personnel du SSA affecté à ces établissements, notamment au HIA Desgenettes, où je me suis rendu. L’incertitude a eu des effets délétères. Certains ont été mutés ; ceux qui restent ont le sentiment d’habiter une espèce de coquille vide, ce qui est dangereux pour la suite.

Monsieur le ministre, vous parlez de spécialisation. Nous lirons de près l’amendement du Gouvernement. Le besoin de soins psychiatriques est répandu. Je n’ai pas de religion à ce sujet, mais je crains que la spécialisation ne soit une fausse bonne idée. En tout état de cause, je vous remercie d’avoir pris acte du besoin de visibilité et de précision.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Le groupe Horizons et apparentés est très attentif à la situation des HIA dans nos territoires et approuve les propos de M. le ministre. Compte tenu de l’économie du texte, il ne nous a pas semblé possible d’aborder ce sujet dans le rapport annexé de façon pertinente. Passer par le truchement d’un cartouche dédié, que nous pourrons examiner attentivement et suivre, est une très bonne idée. Nous remercions le Gouvernement de cette initiative.

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ajoute deux précisions.

Au risque d’être pénible, j’insiste sur la nécessité d’être à l’écoute des besoins exprimés par la médecine des forces. Je sais que chacun, en commission de la défense, en est convaincu ; hors de cette commission, le SSA est parfois envisagé comme une solution palliative à d’autres difficultés des territoires, dont je ne dis certes pas qu’il ne faut pas les traiter. Si les membres de la commission de la défense et le ministre des armées ne s’occupent pas de la médecine des forces, personne ne s’en occupera. Tel est le juge de paix.

Par ailleurs, j’ai demandé à l’Institution nationale des Invalides (INI) d’étudier la création de partenariats avec les hôpitaux en région du SSA, afin de les faire profiter de sa culture, qui est bonne mais très jacobine et parisienne. Le risque de doublon avec les maisons Athos est nul.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, nous vous remercions de vos éclaircissements. Votre amendement satisfait ceux que nous avons présentés hier soir, ce dont je me réjouis.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN873 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN877 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cet amendement est issu d’un travail de terrain mené lors de visites d’unités. Souvent, les processus d’achat ne sont pas les plus efficients en matière de coût et de délai. Parfois, les services s’abritent derrière le principe de précaution. Chacun ajoute une couche de précaution, et on finit par ne plus rien acheter.

L’amendement vise à ajouter l’audace aux principes de fonctionnement du ministère. Il s’agit, tout en respectant les règles, de s’affranchir du principe de précaution, dont l’application finit par étouffer nos administrations, pour ne pas dire notre pays.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Donner à l’audace une traduction juridique n’est pas simple ; je n’en émets pas moins un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels DN874 et DN904 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN639 de Mme Sabine Thillaye.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis de la commission des lois. Je tiens à appeler l’attention sur le fait que tout renforcement de notre BITD est un renforcement de la BITD européenne. À terme, la défense européenne dépend du capacitaire. Je constate toutefois, en relisant l’amendement, que sa rédaction n’est pas satisfaisante. Je le retire pour en préciser les termes d’ici à l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN679 de Mme Delphine Lingemann.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Cet amendement vise à encourager les industriels de la défense à développer des filières de recyclage de matériaux, tels que l’aluminium, très utilisé dans l’industrie aéronautique. Il s’agit d’assurer l’autonomie des chaînes d’approvisionnement de nos industriels et d’en réduire l’empreinte carbone.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Ce sujet important n’a pas vocation à figurer dans le rapport annexé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Je vais compléter l’amendement par les mots « et de sécuriser les approvisionnements » et le défendrai en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN826 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN241 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement porte sur un point d’inquiétude, pour ne pas dire une divergence entre notre groupe et le Gouvernement, s’agissant de la conduite de la présente loi de programmation militaire.

Le choix d’un modèle complet d’armée se heurtera irrémédiablement à l’insuffisance des crédits proposés. Nous considérons que leur dispersion constitue un risque d’affaiblissement de notre modèle d’armée, même dans des secteurs où nous sommes performants. Le choix du Gouvernement d’un modèle d’armée complet porte en lui le risque d’une réduction de son format. L’amendement vise donc à substituer au mot « historiques » les mots « conséquents mais insuffisants pour répondre au modèle d’armée complet promu ».

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable. Pour gagner sur le terrain, la cohérence est préférable à la masse.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Compte tenu des débats que nous avons eus ce matin, on ne peut pas dire que la cohérence est synonyme d’affaiblissement. Pas un militaire n’y souscrit, au contraire. Ce qui a été historique, malheureusement, ce sont les réductions de crédits infligées à nos armées pendant vingt ans. Les moyens budgétaires que nous prévoyons sont pour le moins conséquents. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). « Historique », « amplifier » : encore un débat de vocabulaire ! Faisons en sorte que le rapport annexé ne ressemble pas à une brochure promotionnelle de l’action du Gouvernement !

Les moyens budgétaires de la présente loi de programmation militaire sont peut-être historiques en valeur absolue, mais il faut tenir compte de l’inflation. En points de PIB, l’effort consenti dans les années 1960 était plus important. Historique ou non, la qualification de l’effort budgétaire n’est pas un objet sur lequel légiférer.

Les moyens sont-ils « conséquents mais insuffisants pour répondre au modèle d’armée complet promu » ? Certainement, à ceci près que le modèle d’armée promu n’est pas complet. Si j’ai bien suivi la présentation de notre capacité de projection par M. le ministre, elle n’exige pas de disposer d’un modèle d’armée complet, d’autant que nous n’avons pas les avions pour projeter la division prévue. Celle que nous avons projetée en Roumanie n’a pas été transportée par des avions français, mais par des avions loués.

M. Yannick Chenevard (RE). Hier, nous étions le 10 mai. Quiconque suit l’évolution du budget de la défense à partir d’un autre 10 mai, celui de 1981, parviendra au même constat que le mien : si 413 milliards d’euros ne suffisent pas à atteindre la cible d’un modèle d’armée complet, j’y perds mon latin. À un moment donné, il faut savoir reconnaître que des efforts conséquents sont consentis.

M. Laurent Jacobelli (RN). Ces mots boursouflés et emphatiques tendent à décrédibiliser l’ensemble, en donnant l’impression que le rapport annexé est une ode au Président de la République. Le mot « historique » peut être interprété de plusieurs façons, ce qui introduit un biais. Sans aller jusqu’à considérer que le rapport annexé est un fascicule publicitaire, je pense qu’il faudrait opter pour des mots plus neutres, d’autant que je ne vois pas ce qu’apporte le choix contraire.

Chacun est libre de juger les moyens budgétaires de la présente loi de programmation militaire suffisants ou non, et d’amender le texte en conséquence. Quant à l’autopromotion permanente, je ne vois pas à quoi elle sert, sinon à semer une forme de doute, alors même que ce genre de document doit plutôt recueillir l’adhésion.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je pourrais aussi retourner le compliment, et les membres de la majorité ici présents avec moi, en demandant ce qui justifie ces tentatives d’amoindrir par tous les bouts l’effort politico-budgétaire que le Gouvernement et la majorité présidentielle proposent. Quand ce n’est pas le pan de l’inflation, c’est le pan des 13 milliards ; quand ce n’est pas le pan des 13 milliards, c’est le pan de la cohérence opposée à la masse.

Nous ne demandons pas un satisfecit. S’il faut renoncer au mot « historique » pour apaiser les esprits, je suis prêt à le faire en séance publique, mais je sens bien que ce débat est plus politique, voire politicien. Vous n’enlèverez pas à la majorité présidentielle le fait que la réparation des crédits militaires et leur augmentation, singulièrement avant l’invasion de l’Ukraine, dès le programme présidentiel de 2017, c’est à Emmanuel Macron et à la majorité présidentielle que nous les devons. Nous ne demandons pas à être applaudis, mais ces tentatives d’érosion répétées me font dire que vous avez bien du mal à donner le point.

Monsieur Lachaud, modèle d’armée complet et cohérence vont ensemble, par définition. C’est grâce à notre modèle d’armée complet que nous sommes nation-cadre. Nous avons juste ce qu’il faut, mais de tout. Les avions Phénix A330-MRTT – Multi Role Tanker Transport, avion multirôle de transport et de ravitaillement – sont prévus et en cours de livraison, ce qui nous dispensera, demain, d’affréter des avions. Il ne faut pas entretenir le doute sur ce point. En Roumanie, les équipements terrestres sont arrivés par voie terrestre, et les premiers à partir sont partis par des vols affrétés, car les Phénix n’étaient pas encore livrés. Grâce à la loi de programmation militaire voulue par le Président de la République et votée par la majorité présidentielle en 2018, nous n’aurons plus recours aux vols affrétés à l’avenir.

Le modèle que nous proposons est cohérent. Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec la dissuasion, ni avec l’inscription de nos forces dans le cadre de l’Otan et dans celui de l’Union européenne, ce n’est pas grave ; mais ne cherchez pas à éroder la cohérence du modèle que nous proposons. Il ne faut pas y aller par petites touches, mais franchement. Pour ma part, je n’ai toujours pas compris quel modèle d’armée promeuvent nos oppositions.

M. Laurent Jacobelli (RN). Ni accord, ni érosion : nous cherchons le juste milieu. Par exemple, nous désapprouvons la formule « conséquents mais insuffisants pour répondre au modèle d’armée complet promu », qui ne convient pas à un titre. Nous pensons qu’il faut opter pour une formulation plus neutre, ce qui n’enlève rien aux mérites du texte. Ayant corédigé un rapport d’évaluation se félicitant que la précédente loi de programmation militaire ait été exécutée à l’euro près, je n’ai aucun problème pour les reconnaître, mais « historiques », cela commence à ressembler à de la pub.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La présente loi de programmation militaire est historique, en raison non seulement de son budget, mais des bouleversements technologiques qu’elle prévoit, qui sont comparables au choix de la dissuasion dans les années 1960. Toutefois, compte tenu du débat que nous avons, je propose de déposer en séance publique un amendement visant à corriger l’alinéa 79 en supprimant le mot « historiques ».

M. Sébastien Lecornu, ministre. Quoi qu’il en soit, l’histoire nous rendra raison.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Certes, par rapport au budget alloué aux autres services publics, celui de la présente loi de programmation militaire est sans doute un peu plus historique, du moins en valeur absolue, car une part significative en sera effacée par les effets de l’inflation. Le mot « historiques » est sans doute un peu trop fort. Nous maintenons l’amendement. Ce point nous semble important.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Répéter le contraire à l’envi n’y changera rien : la présente loi de programmation militaire tient compte de l’inflation. Dire le contraire, c’est propager une fake news, comme on dit en mauvais français. J’inverserai la charge de la preuve en demandant que l’on me démontre en quoi l’inflation a un impact sur les tableaux capacitaires que nous avons étudiés ce matin. Répéter à l’envi une assertion fausse est un peu facile.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN479 de M. José Gonzalez.

M. José Gonzalez (RN). Il s’agit d’inciter le Gouvernement à créer un programme budgétaire au sein de la mission Action extérieure de l’État, en vue d’améliorer l’application du principe de spécialité budgétaire.

La Facilité européenne pour la paix (FEP), mise en place le 22 mars 2021 par une décision du Conseil, est un instrument hors budget reposant sur le triptyque européen suivant : prévention des conflits, construction de la paix, renforcement de la sécurité internationale. La France contribue à ce fonds européen à hauteur de presque 20 %, dont une grande partie est destinée à l’Ukraine, afin de lui fournir les moyens matériels pour la guerre. La FEP est aussi officiellement un fonds de soutien à des pays du monde entier, ce qui ne semble pas une réalité tangible. Depuis sa création, les moyens financiers injectés n’ont cessé de croître, pour atteindre presque 8 milliards d’euros en prix courant jusqu’en 2027.

Par ailleurs, le Rassemblement national propose d’instaurer un plafond auquel la France s’attacherait, ce qui permettrait non seulement d’éviter un effet d’accroissement et de surenchère des dépenses, mais aussi d’améliorer la visibilité sur les dépenses militaires engagées pour l’avenir. Ce plafond serait convenu en Conseil des ministres et pourrait être revu annuellement en fonction du contexte géopolitique, tout en conservant à l’esprit la nécessité de freiner la politique du chèque en blanc.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Le périmètre du programme budgétaire relève de la loi de finances, pas de la loi de programmation militaire. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Sur le fond, j’ai largement répondu lors des deux auditions consacrées à la présentation du projet de loi de programmation militaire et à l’aide à l’Ukraine. Les craintes que vous évoquez sont dissipées pour l’essentiel. Une part de l’aide à l’Ukraine sort de la loi de programmation militaire, et une part de la FEP, par définition, fait partie de la loi de programmation militaire, comme les autres politiques d’accompagnement des armées amies, notamment celles d’Afrique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN212 de Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mon amendement vise à obtenir une précision.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les crédits consacrés à l’aide à l’Ukraine et les ceux dévolus au remplacement des matériels cédés ne sont pas inclus dans les crédits du présent projet de loi. Le rapport annexé gagnerait à dire les choses plus clairement pour le bénéfice de tous. Tel est l’objet – modeste, mais essentiel – de l’amendement.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Pour moi, les propos du ministre sont clairs. L’amendement est cohérent avec l’article 3 du projet de loi. Avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour clarifier le sujet, les matériels que nous livrons à l’Ukraine relèvent de trois catégories.

Le matériel ancien et retiré du parc des armées fait l’objet d’une cession. Tel est par exemple le cas des canons tractés Tr F1 que nous stockions dans des hangars, devenus sans utilité. Nous livrons aussi du matériel dont nous accélérons le retrait, tel que les missiles sol-air Crotale, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, qui sont inclus dans les 13 milliards de ressources supplémentaires, ce qui me permet de contester la fake news selon laquelle ces derniers n’existent pas. Nous participons, à hauteur de 1,2 milliard, au financement des matériels nécessitant un recomplètement dans le format des armées. Enfin, nous livrons des matériels neufs financés hors du cadre de la loi de programmation militaire, et nous les remplaçons à l’identique – le camion équipé d’un système d’artillerie, ou Caesar, en est le meilleur exemple.

J’émets un avis de sagesse sur l’amendement, sans être certain qu’il corresponde précisément à ce que je viens de dire, mais nous pourrons le rectifier en séance publique.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN488 de Mme Caroline Colombier.

 

Amendement DN165 de M. Pierrick Berteloot.

M. Pierrick Berteloot (RN). L’amendement vise à garantir que le budget des armées ne sera pas impacté par l’aide internationale. Le budget de nos armées ne doit en aucun cas subir l’impact des financements à des structures supranationales. Nous devons préserver et accentuer nos efforts en matière de réarmement de nos forces.

Nous voulons sanctuariser les budgets alloués à nos armées et uniquement à celles-ci. La coopération internationale doit être un budget bien distinct de celui des armées. Il nous semble important de le préciser au sein du rapport annexé, pour nous prémunir de tout risque sur ce point.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement DN212. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

Je suis défavorable à l’amendement sur le fond. Les forces armées doivent disposer d’outils pour faire de la coopération militarisée. La FEP permet de le faire, sans induire aucun abandon de souveraineté. Il est normal de faire figurer, dans l’enveloppe globale, une ligne budgétaire prévue à cet effet. Le pire, pour le budget des armées et pour le Parlement, serait au contraire de ne pas la faire figurer clairement et de procéder à des prélèvements sur la loi de programmation militaire pour ce faire sans le dire, comme cela se faisait auparavant. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement DN651 de M. Fabien Lainé est retiré.

 

Amendements DN418 de M. Olivier Marleix et DN93 de M. Laurent Jacobelli.

Mme Nathalie Serre (LR). L’amendement DN418 vise à rappeler que le Parlement joue un rôle essentiel dans la définition des orientations de la défense nationale, lors de l’examen de la loi de finances initiale et lors de l’actualisation prévue à l’article 7 du présent projet de loi.

M. Laurent Jacobelli (RN). Chacun a en mémoire l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire 2019-2025, pourtant promise pour 2021. Mieux vaut inscrire dans la loi que le Parlement est saisi à chaque actualisation.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il n’incombe pas à l’exécutif d’inscrire dans un projet de loi de programmation militaire des mécanismes de contrôle. C’est pourquoi le Conseil d’État a supprimé certaines dispositions du texte initial.

Sans préjudice de l’examen de l’article 7, il est clair que l’actualisation d’une loi de programmation militaire est un élément-clé, d’autant qu’elle est en vigueur pendant deux quinquennats distincts. Sagesse.

La commission adopte l’amendement DN418.

En conséquence, l’amendement DN93 tombe.

 

Amendement DN105 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). Il importe de rappeler dans le rapport annexé que le Parlement s’assure de la mise en œuvre de la loi de prorogation militaire à l’occasion de l’actualisation prévue à son article 7. En 2021, l’exécutif n’a pas respecté la clause de revoyure.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. L’amendement est satisfait. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne suis pas certain que des renvois internes au projet de loi de programmation militaire s’imposent, mais j’émets un avis de sagesse, par cohérence avec celui émis sur l’amendement DN481.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN419 de M. Olivier Marleix.

Mme Nathalie Serre (LR). Cet amendement tend à rappeler dans le rapport annexé que le Parlement vote l’actualisation de la LPM.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je défendrai un amendement en ce sens à l’article 7. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut, surtout, bien rédiger l’article 7, car c’est cet article, et non le rapport annexé, qui produira ses effets. Au demeurant, et conformément à la ligne que je me suis fixée, c’est l’affaire du Parlement. Sagesse.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Nous sommes des polytraumatisés de la clause de revoyure et nous tenons à ce que le dispositif soit sécurisé. L’inscription de la disposition dans le rapport annexé n’a, en effet, pas grande conséquence, et l’important est qu’elle figure dans la rédaction de l’article 7.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN244 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement de précision, qui vise à la bonne information des parlementaires, tend à imposer de la transparence dans le recours croissant à des prestataires privés pour des activités de défense. Il y a là un fort enjeu de souveraineté.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il faut faire confiance à nos services lorsqu’ils recourent à l’externalisation, car ils vérifient l’intégrité morale de leurs prestataires. Cette question pourrait plutôt faire l’objet d’auditions devant la commission de la défense.

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai pris dès le premier jour des engagements devant la commission à propos de la sous-traitance et de l’équilibre dans le recours à l’externalisation. Retrait et, à défaut, avis défavorable.

En outre, évoquer le recours à des prestataires privés dans le paragraphe relatif aux exportations d’armement pourrait induire en erreur nos amis de La France insoumise, qui suggéraient déjà hier que les industries françaises seraient capables d’agir comme la milice Wagner.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Le contrôle, qui fait partie de notre activité de parlementaires, ne signifie pas systématiquement une remise en cause de la qualité du travail des services.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Comme vient de le dire M. Bayou, c’est notre travail que de contrôler et, pour ce faire, il nous faut des éléments, c’est-à-dire le plus souvent des rapports du Gouvernement à partir desquels nous puissions auditionner les ministres concernés. Cette demande de nos collègues socialistes me semble tout à fait raisonnable.

Quant à l’emplacement où cette disposition doit être inscrite, puisque le Gouvernement annonce la remise d’un rapport au Parlement, ce n’est pas établir un lien que d’en annoncer un autre, portant sur les prestataires privés. C’est, au contraire, la bonne position pour le faire. Ce rapport permettra, en outre, de faire taire les critiques et de lever tous les doutes quant au recours par le Gouvernement à des entreprises militaires et de sécurité privées.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN287 de M. Julien Bayou.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). J’ai déjà dit que le rapport annuel sur les exportations d’armement était lacunaire ou, du moins, partiel, et que les informations qu’il contient étaient tardives. Cet amendement vise à fixer au 1er juin au plus tard la date de la remise de ce rapport.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN243 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement vise à vérifier la bonne exécution de la présente loi de programmation militaire en prévoyant une clause de revoyure qui donnera lieu à un vote tous les deux ans. Le contexte géopolitique soulève de nombreuses questions qui invitent à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. D’un point de vue méthodologique, ces amendements au rapport annexé devraient porter plutôt sur l’article 7, qui définira dans la partie normative du texte le contrôle exercé par la Parlement. Je demande donc le retrait de celui-ci.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Vous proposez donc que nous le présentions à nouveau à l’article 7 ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai souhaité que figurent, à la fin du rapport annexé – c’est-à-dire à l’article 2, auquel ce rapport est rattaché –, des éléments relatifs au contrôle du Parlement, mais c’est l’article 7 qui définit ce contrôle en termes normatifs. J’ignore cependant s’il est encore temps de déposer des amendements sur cet article.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Comme vient de le dire le ministre, l’important est l’article 7, qui est normatif et contraignant.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je maintiens l’amendement, mais nous retravaillerons aussi, en vue de l’examen du texte en séance publique, notre positionnement sur l’article 7.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN800 de M. Julien Bayou.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Cet amendement, qui vise à faire figurer dans le rapport le nombre et les raisons des refus de demandes d’exportation d’armes, me permettra peut-être d’obtenir du rapporteur une réponse plus complète à propos du contrôle parlementaire en la matière.

S’il est usuel de s’assurer lors de l’exportation qu’on ne livre pas de technologies trop sophistiquées à des compétiteurs ou à un ennemi, nous souhaiterions que, comme le propose Amnesty International, les droits humains soient pris en compte dans ces opérations et que l’on puisse notamment garantir que les armes ne seront pas employées contre la population.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cette question est parfois couverte par le secret défense.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Cette réponse plus précise du rapporteur plaide pour une délégation parlementaire habilitée au secret défense sur cette question.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement de repli du groupe Écologiste-NUPES semble cohérent et de bon sens. Il s’agit là du minimum de ce que l’exécutif devrait pouvoir accorder au Parlement. En-deçà, il est absolument impossible de contrôler l’action du Gouvernement.

Quant au secret défense, derrière lequel l’exécutif se cache pour empêcher les parlementaires d’exercer leur droit et leur devoir de contrôle sur des sujets qui, du reste, ne relèvent peut-être même pas de ce secret – mais comment le savoir ? –, il pose question.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Le rapport indique bien le nombre de refus à l’exportation. Il est cependant difficile, comme vous pouvez l’imaginer, d’identifier nommément les pays.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). L’amendement vise à préciser le nombre de refus par pays et les raisons de ces refus.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN242 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cette loi de programmation militaire souffre de l’absence d’un Livre blanc, lequel aurait l’avantage d’associer les parlementaires à l’évaluation des implications des stratégies de défense. Le groupe Socialistes et apparentés demande qu’une commission soit créée pour élaborer ce Livre blanc et que l’entrée en vigueur du texte soit conditionnée à ce décret.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. On ne peut conditionner la loi de programmation militaire à un Livre blanc, mais il faut souligner l’excellent travail réalisé lors de la dernière revue nationale stratégique. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La loi de programmation militaire relève de la commission de la défense de l’Assemblée nationale. La confiance en la méthodologie du Livre blanc est malheureusement abîmée durablement, car il s’agissait principalement de donner une légitimité à la décroissance des crédits budgétaires et à des décisions qui ont prodigieusement dégradé nos formats d’armée. Les Livres blancs ont ainsi servi de paravent à des pouvoirs politiques pour donner à leurs décisions une assise prétendument technique. Les commissions qui élaboraient ces documents réunissaient des intérêts très différents et ont fait, du reste, du bon boulot, leurs membres étant parfois otages de certaines décisions politiques.

J’assume donc depuis le début l’absence de Livre blanc. C’est du reste pour cela que j’ai déféré à chacune des convocations du président Gassilloud, que vous avez eu accès notamment à tous les chefs d’état-major et que nous avons créé des groupes de travail ad hoc – ce dont je vous remercie, Madame la députée, car votre groupe y a participé avec une grande liberté. C’est aussi la raison pour laquelle nous acceptons de nombreux amendements.

Il n’y a pas de mystère : si les travaux de la commission se déroulent bien, c’est parce que ce travail préparatoire a été bien fait dans les groupes de travail. Je ne fais pas partie des nostalgiques du Livre blanc et je préfère, pour ma part, travailler avec les députés et les sénateurs et que ceux-ci arment des groupes qui leur sont propres. Le Sénat, dont vos collègues socialistes, n’a pas souhaité participer aux groupes de travail et a créé ses propres groupes, d’où sortiront des amendements. C’est là une autre méthode. Elle me convient aussi et l’ensemble me semble fonctionne mieux ainsi. Quant à l’amendement, avis défavorable.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je sais le Président de la République très attaché à la notion de récit national, or un Livre blanc permet précisément de raconter le projet de nos armées pour les années à venir. Je regrette donc que cette loi de programmation militaire ne s’accompagne pas d’un tel document.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN508 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Monsieur le président, en préalable à une série d’amendements visant à demander des rapports, je rappelle que vous avez récemment déclaré que nous avions déjà enregistré quatre demandes de missions d’information, laissant entendre que cela représenterait plusieurs mois de travail et que les services de l’Assemblée pourraient difficilement assurer des missions supplémentaires. C’est ce qui nous pousse à demander au Gouvernement ces rapports que l’Assemblée n’aura pas les moyens de faire. Inutile, donc, de nous répondre qu’elle le pourrait.

M. le président Thomas Gassilloud. Je me suis borné à constater le nombre de rapports.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je sais de combien d’administrateurs dispose notre commission et je sais que leur capacité de travail, certes extraordinaire, est limitée car ce sont, malgré tout, des êtres humains.

Pour en revenir à l’amendement, l’article 31 de la précédente LPM prévoyait deux expérimentations, notamment pour des recrutements. Par principe, une expérimentation donne lieu à un rapport final qui permet d’en tirer le bilan et de savoir si cette expérimentation doit se poursuivre, se généraliser ou s’interrompre. Or, à ma connaissance, le Parlement n’a aucunement été informé des résultats de cette expérimentation. L’amendement vise donc à en obtenir un bilan.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. L’article 31 de la loi de programmation militaire 2019-2025 lançait deux expérimentations, du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022. L’une portait sur le recrutement de fonctionnaires du premier grade des corps de catégorie B sans concours et l’autre sur le recrutement d’agents contractuels pour faire face à une vacance d’emploi de plus de six mois, dans l’attente du recrutement de fonctionnaires dans certains métiers en tension. L’article 31 précisait qu’une évaluation de ces expérimentations, portant notamment sur le nombre d’emplois ainsi pourvus, serait remise au Parlement un an avant leur terme.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Certains de mes collègues ministres émettent, par principe, un avis défavorable à toutes les demandes de rapport. Pour ma part, je considère qu’en matière militaire, pour les raisons déjà exposées, notamment en réponse aux amendements de M. Bayou et sur d’autres sujets, les rapports ont un intérêt intellectuel, car ils fixent les choses.

Puisque vous êtes soucieux, en camarade syndiqué, de la bonne santé des administrateurs de cette commission, vous comprendrez que j’aie le même souci à l’endroit de mes propres troupes. En effet, même s’ils sont évidemment aux ordres, il n’y a rien de pire pour nos fonctionnaires ou nos militaires que de produire des rapports dont ils sentent très bien qu’ils ne seront pas utiles ou qu’ils ne seront pas lus. Si donc je suis plus enclin que certains de mes collègues à émettre des avis favorables aux demandes de rapports, encore faut-il que ces rapports soient lus et utiles. Or, pour avoir été, dans ma jeunesse, assistant parlementaire dans cette maison, je sais ce qu’il peut en advenir…

L’amendement DN508, qui renvoie à la loi de programmation militaire précédente, est par définition un amendement d’appel visant à savoir où est le rapport. On m’a dit que celui-ci avait été produit en décembre 2022 et transmis aux deux chambres par le SGG, le secrétariat général du Gouvernement. Nous allons donc partir à sa recherche.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN516 de M. Bastien Lachaud.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Le recul de l’âge légal de départ en retraite imposé par le Gouvernement, sans vote à l’Assemblée nationale et malgré le rejet du texte en commission de la défense, se traduira automatiquement par une importante diminution de l’attractivité du métier et du réengagement des militaires. Ceux-ci devront en effet servir plus longtemps, ce qui risque d’avoir un fort impact sur l’attractivité dans leur parcours de carrière et sur la fidélisation de personnels militaires et civils expérimentés. Les effectifs pourraient ainsi diminuer.

Il ne serait donc ni sérieux ni honnête d’évoquer le réengagement des anciens militaires d’active ou une volonté de fidélisation et de recrutement sans prendre en compte la réforme des retraites ni son impact sur la santé et l’engagement des militaires.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Les particularités du système de pensions militaires de retraite ont été reconnues dans le cadre de la réforme des retraites promulguée le 15 avril 2023 et n’ont donc pas été affectées par celle-ci. Les bornes de pension à liquidation immédiate ne sont pas modifiées, les limites d’âge des différents corps militaires sont maintenues à l’identique et les bonifications restent inchangées. Seul l’âge auquel un ancien militaire peut bénéficier d’une pension à liquidation différée est reporté, et cela ne concerne que très peu de personnes. La demande d’un rapport relatif à l’impact de la réforme des retraites sur les ressources et les effectifs des armées ne me semble donc pas utile. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

M. Laurent Jacobelli (RN). Notre commission a rejeté récemment l’article 7 de la réforme des retraites, redoutant ses répercussions sur les militaires et doutant qu’elle soit sans aucun impact. L’élaboration d’un rapport à ce propos est une bonne idée. Toutefois, l’amendement qui nous est proposé est limitatif et comporte certaines formulations peu claires, notamment aux deux dernières lignes. S’il est modifié, nous le voterons ; s’il ne l’est pas, nous en déposerons un plus court en séance publique.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je ne comprends pas bien ce qui pose problème à M. Jacobelli, mais ce ne sera pas la première fois que le Rassemblement national aura apporté un demi-soutien ou un faux soutien à la lutte contre la réforme des retraites. La réponse de M. le rapporteur n’en est pas moins contradictoire. Vous avez en effet signalé que les changements concernent surtout les pensions à liquidation différée, mais il paraît délicat d’expliquer à la fois que nous avons un problème de fidélisation et une forte attrition, mais que cela ne concerne finalement pas un trop grand nombre de personnes. J’ai l’impression que le nombre est toujours trop grand lorsqu’il s’agit de le regretter, puis qu’on en minimise l’ampleur.

Se pose toujours, par ailleurs, la question de la bonification du cinquième du temps de service accompli, qui concernera toutes celles et ceux qui seront versés notamment en gendarmerie, dont le nombre n’est finalement pas si restreint, ce qui vaut largement qu’on s’y intéresse dans un rapport.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN502 de M. Bastien Lachaud.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Cet amendement vise à ce que soit remis au Parlement un rapport relatif à l’impact des changements climatiques sur la capacité de projection des forces armées à l’horizon 2030. Les perturbations qui ont lieu et qui continueront à s’intensifier dans les prochaines années contraindront nos armées à s’adapter à un nouvel environnement, toujours plus hostile. Ces contraintes pesant sur la capacité de projection des armées françaises doivent être prises en compte rapidement pour limiter notre exposition et garantir notre souveraineté. Un rapport permettra d’éclaircir de nombreuses questions, notamment quant à la capacité de nos équipements et infrastructures à résister à des températures extrêmes, mais aussi quant à notre capacité à appréhender de nouveaux terrains opérationnels.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je déposerai un amendement de rédaction globale de l’article 8, qui visera à inclure chaque année dans le bilan d’exécution de la LPM un bilan de la politique environnementale du ministère. L’amendement DN502 semblant ainsi satisfait, j’en demande le retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN526 de M. Bastien Lachaud.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). L’amendement vise à demander un rapport permettant d’identifier les bases françaises les plus exposées et les plus vulnérables au changement climatique.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Ces éléments pourront figurer dans le bilan ajouté à l’article 8.

M. Sébastien Lecornu, ministre. On voit bien, sans qu’il soit besoin d’un rapport, que ce sont les forces prépositionnées dans les territoires d’outre-mer qui sont les plus exposées aux risques liés à l’activité volcanique, aux ouragans et aux tsunamis. Du fait de mes anciennes fonctions, c’est là un sujet sur lequel je suis intarissable. Dans le cadre du plan Séisme et d’autres mesures, le ministère des armées doit faire des efforts importants pour ses propres infrastructures. Je ne suis donc pas favorable à un rapport en tant que tel, mais je le serai si le rapporteur peut trouver une formule appropriée.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Nous retirons donc l’amendement s’il est bien pris en compte dans la rédaction ultérieure.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN528 de M. Bastien Lachaud.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement porte sur l’avenir de la Guyane, compte tenu des températures humides et des canicules que ce territoire pourrait subir entre 2050 et 2070. Le phénomène de températures humides peut en effet être mortel et, en tout cas, rendre l’activité littéralement impossible. Selon les données cartographiques de la Nasa qui mettent en évidence des phénomènes de wet-bulb, la Guyane serait dans une situation assez critique. Compte tenu de l’évolution du climat, il n’est pas du tout impossible que la vie y devienne quasiment impossible à l’horizon 2050 ou 2070. Afin donc de préparer l’avenir tant pour la population que pour l’industrie et pour l’accès à l’espace, il importe de clarifier le risque que représente le réchauffement climatique dans la zone.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Le rapport consacré à la politique environnementale du ministère apportera des réponses. Toutefois, la rédaction de l’article 8 ne pourra pas établir une liste précise de tous les éléments et l’intitulé adoptera une formulation globale, afin de nous éviter de nous enfermer dans les détails. Le rapport devra cependant aborder toutes les questions relevées par les députés, qui demanderont des réponses.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Sur le fond, ces éléments ont de l’intérêt, notamment pour ce qui concerne la base de Kourou et l’impact des changements sur l’électronique. En revanche, je ne suis pas sûr qu’il faille limiter l’approche au domaine militaire, car le problème se pose à l’échelle interministérielle.

Je prends toutefois la commande sur le fond et je regarderai ce qui peut être fait sur le plan interministériel. Je comprendrais que vous mainteniez l’amendement, mais j’émets un avis défavorable. Néanmoins, venant d’où je viens, je vois bien la question de fond, et elle est redoutable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement est trop spécifique pour être retiré d’avance et j’espère que les amendements que vous proposerez vous-même le satisferont. Pour l’heure, nous le maintenons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN524 de M. Aurélien Saintoul et sous-amendement DN979 de M. Jean-Marie Fiévet.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). L’amendement vise à demander un rapport du Gouvernement sur le rôle des armées dans la protection du territoire français face aux variations extrêmes du climat. Pour illustrer le retard criant de la France dans ce domaine, je rappelle qu’en 2005 l’ouragan Katrina a poussé l’état-major états-unien à élaborer une stratégie claire de déploiement des armées en cas d’événement climatique extrême et de catastrophe nationale. En 2005 encore, le gouvernement espagnol a mis en place des unités militaires d’urgence, chargées de répondre aux catastrophes naturelles sur le territoire national. En revanche, il a fallu attendre l’ouragan Irma à Saint-Barthélemy, en 2017, pour que la question se pose aux armées françaises. Que l’on parle de variations extrêmes du climat ou de changement climatique, la réponse reste inexistante, ou presque.

Les changements climatiques sont de plus en plus nombreux et le dérèglement climatique est à l’œuvre. Ainsi, les feux de forêt se multiplient et se produisent de plus en plus tôt. Chaque année, les armées sont mobilisées, mais aucune stratégie nationale de programmation n’est réellement identifiée. Les armées ne sont pas préparées au bouleversement climatique, rien n’est programmé et c’est toute la population nationale qui en souffre et en subira les conséquences. Nous proposons donc de prendre en compte les variations extrêmes du climat dans le cadre de cette LPM, par la remise d’un rapport au Parlement.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Les points spécifiques que vous abordez sont pertinents. Peuvent s’y ajouter des auditions en commission de la défense. Il n’est pas possible d’établir une liste précise de tous les points à traiter, mais la politique environnementale du ministre de la défense doit évidemment être prise en compte et son exécution peut faire l’objet d’un bilan annuel.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La question ne porte pas sur le bilan environnemental de l’action du ministère, mais sur le rôle des armées dans la protection du territoire français face aux variations extrêmes du climat. Pour l’année en cours, je suis en mesure de vous donner immédiatement et oralement le résultat, car il s’agit de la vie des forces.

Avis défavorable sur l’idée d’un rapport qui serait remis au bout d’un an. Nous pouvons renvoyer le texte à la séance, en intégrant au rapport annuel remis au Parlement un chapitre sur les missions intérieures (Missint) et les opérations extérieures (Opex) – il y a matière, avec par exemple les feux de l’été dernier en Gironde ou les activités outre-mer, ainsi que les concours apportés au titre de la solidarité à d’autres pays européens. Cela pose, au passage, la question des forces militaires employées par les Missint ou les formations militaires de la sécurité civile (Formisc), évoquées par MM. Chenevard et Fiévet. Il ne s’agit pas de faire un rapport annuel, mais d’y insérer les éléments relatifs à ces activités opérationnelles.

Si cette information doit devenir un exercice permanent, elle doit emprunter les canaux classiques employés pour rendre compte de l’activité des forces devant la commission de la défense, et l’amendement est inutile. Si en revanche on considère que cette question est spécifique, ce n’est pas au bout d’un an qu’il faut la traiter – car ce document ad hoc ne serait plus qu’une opération de communication –, mais à l’occasion de la LPM.

Je m’engage donc – et c’est, pour d’autres, une instruction – à ce que le concours apporté par nos forces à la protection du territoire, voire du territoire de pays alliés, soit isolé dans un chapitre distinct du rapport annuel sur les Missint et les Opex. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Merci pour cette proposition, que nous acceptons. Cependant, l’amendement ne demandait pas un bilan, mais plutôt une prospective : quel sera, à échéance de cinq ou dix ans, au vu de leur accélération, l’impact des phénomènes extrêmes sur le rôle des forces et sur notre modèle d’armée ?

Nous maintenons donc l’amendement, parce que nous voulons de la prospective, quitte à le retravailler pour la séance.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Nos forces armées ont constitué trois unités de sécurité civile, composées de sapeurs-sauveteurs, militaires déjà formés aux catastrophes telles que les feux de forêt, inondations ou tremblements de terre. Une quatrième unité sera prochainement constituée à la demande du Président de la République, à la suite des feux de forêt qu’ont connus les Landes l’an dernier. Ce seront donc désormais quatre unités spécialisées d’environ 600 hommes qui seront projetables dans le monde entier en moins de quarante-huit heures. La décision sur l’emplacement de cette quatrième unité est imminente : l’État a donc tenu compte de la nécessité d’augmenter ses effectifs, même si cela ne se fait pas du jour au lendemain.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous parlons déjà de prospective lorsque nous évoquons les réserves, comme nous l’avons fait hier soir, ou les moyens du génie, comme ce matin, ainsi que la cohérence des moyens. On voit bien, notamment, que nous aurons de plus en plus besoin de sapeurs-pompiers pour les incendies. On peut certes isoler la prospective à dix ou quinze ans, mais le plus intéressant concerne l’activité des forces.

M. Frank Giletti (RN). On ne voit pas clairement quels sont les moyens alloués aux ressources humaines – recrutement et formation –, qui dépendent du ministre de la défense, et à l’activité, qui dépend du ministère de l’intérieur. Il ne faudrait pas que les trois autres unités soient dépourvues des moyens affectés à la quatrième. Cette interrogation relaie celle des personnels de ces unités, qui manquent de visibilité à la veille de la constitution rapide – on parle en effet de 2024 – d’un nouveau régiment.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bien que leur statut soit militaire, les chiffres concernant la gendarmerie, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), les marins-pompiers de Marseille ou les Formisc ne relèvent pas du format des forces, mais ils figurent dans les crédits et les tableaux d’emplois du ministère de l’intérieur. La situation de la BSPP et des marins-pompiers est, du reste, particulière, car les collectivités territoriales interviennent dans le financement de ces modèles, tandis que celui des Formisc ne fait intervenir que l’État.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Je propose de sous-amender cet amendement pour porter à trois ans la périodicité du rapport.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous invite à faire preuve également de modération dans la mobilisation des armées sur le territoire national, régie par la règle des quatre « i » : les moyens civils doivent être inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles.

Je précise, pour ce qui est de l’amendement et du sous-amendement, que ne sont visés que les personnels relevant du ministère des armées.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je maintiens l’amendement, que nous présenterons à nouveau en séance.

Le sous-amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN517 de M. Aurélien Saintoul.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). L’amendement vise à demander la remise, dans un délai de douze mois, d’un rapport sur l’opportunité de passer à des carburants alternatifs pour les équipements motorisés des armées.

Tous les secteurs de notre économie doivent participer à la bifurcation écologique. Les véhicules militaires représentent trois quarts de la consommation énergétique du secteur de la défense. Sachant que les ressources pétrolières sont de plus en plus rares, il est impératif de nous en libérer et de trouver des alternatives. Pour planifier la transition écologique et énergétique de nos armées, garante de notre souveraineté dans un futur proche, il faut connaître les activités les plus émettrices et leurs facultés d’évolution, les carburants alternatifs adaptés aux besoins ainsi que les infrastructures nécessaires pour mener à bien les changements.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Le sujet mérite en effet d’être traité sans méconnaître les contraintes militaires ; il pourrait l’être dans le bilan de la LPM. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN527 de M. Bastien Lachaud.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). Il s’agit de demander un rapport sur les conséquences de la raréfaction des ressources naturelles sur la sécurité de la France et notamment des outre-mer.

Le temps de l’abondance est révolu depuis très longtemps – bien plus longtemps que la prise de conscience présidentielle, fût-elle sincère ou feinte. Nous sommes entrés de manière inéluctable dans l’ère des bouleversements climatiques, des pénuries et de la raréfaction des ressources.

Selon un document du ministère de l’environnement datant de 2020, les réserves représentent dix-sept ans de consommation pour le chrome – utilisé pour les missiles, les réacteurs et les turbines –, trente-deux ans pour le nickel – utilisé dans l’électronique des équipements –, trente-cinq ans pour le cuivre. Les guerres pour l’eau, le pétrole et le gaz ont déjà commencé. Comment nos armées, largement dépendantes des ressources naturelles, se préparent-elles aux pénuries ?

La planification écologique, dont une loi telle que la LPM doit fixer les objectifs et le calendrier pour les armées, ne pourra pas être mise en œuvre si les marchés financiers continuent à agir à leur guise. Il y a urgence à engager une transformation au service des citoyens qui rompe avec la logique du capital et de ses circuits financiers.

La concurrence et les conflits que feront naître l’appropriation et l’usage des ressources se font déjà sentir. Le devoir des armées est de planifier autant que possible les effets géostratégiques du dérèglement climatique. Il y va de la sûreté de la nation, de notre rayonnement international et de notre autonomie stratégique.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La raréfaction des ressources est une préoccupation interministérielle qui dépasse le cadre de la LPM. Il convient néanmoins de porter une attention particulière à la souveraineté des filières d’approvisionnement des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je vais être un peu alarmiste. Il ne s’agit pas simplement de sécuriser des filières. Il est question de programmes industriels pensés sur les trente ou quarante prochaines années. L’horizon est le même pour les pénuries, mon collègue l’a dit, et nous ne découvrirons pas de filon miraculeux d’ici là. Je vous adjure de prendre en considération cet avertissement : si les armées n’envisagent pas le manque de matériaux pour leurs matériels, nous serons fort marris quand les autres eux auront basculé vers des équipements capables de se passer de ressources naturelles. Il faut se fixer dès maintenant l’objectif de mettre fin à notre dépendance à ces ressources.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Nos armées s’appuient sur l’écoconception, qui permet de limiter les changements lors de la révision à mi-vie, et de recycler 90 % des matériels en fin de vie.

Nous devons miser sur le recyclage pour pallier la raréfaction des matières premières. Les industriels de la défense ont déjà pris en compte cette problématique. Seuls le caoutchouc et les verres ne peuvent pas être recyclés pour l’instant ; quant au cuivre, on peut sans difficulté le récupérer et le recycler.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je tiens à porter à la connaissance de mes collègues l’existence de l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi), créé par le Gouvernement, dont l’objet est de développer l’intelligence minérale pour sécuriser les approvisionnements de l’industrie française.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN521 de M. Aurélien Saintoul.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). L’amendement tend à demander un rapport sur les changements géostratégiques à prévoir à l’approche de l’ouverture de nouvelles voies de navigation au pôle Nord et au pôle Sud.

Depuis 1980, la banquise a perdu 75 % de son volume et peine à se reconstituer chaque été. Les pôles changent d’apparence et de nouvelles routes maritimes s’ouvrent, suscitant l’intérêt des grandes puissances qui y voient une opportunité économique, politique et militaire.

Les ressources entraîneront inévitablement des conflits pour leur appropriation qu’il convient d’anticiper. Les nouvelles routes maritimes seront à l’origine d’une pollution atmosphérique considérable liée au trafic des navires de fret mais aussi d’un développement de l’activité touristique néfaste pour l’environnement et les populations locales.

Les pôles sont perméables aux conflits. Du fait de la guerre en Ukraine, la Russie a ainsi été exclue de nombreux travaux du conseil de l’Arctique. Afin de préserver notre souveraineté et notre rôle de garant de la paix, une réflexion sur les changements géostratégiques à l’œuvre ou à venir aux pôles nous semble nécessaire.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je laisse le ministre vous répondre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Plutôt qu’une demande de rapport, je plaide pour la réécriture du rapport annexé sur laquelle nous nous sommes entendus hier afin que les enjeux des pôles soient mieux pris en considération. Quant aux évolutions géostratégiques, elles pourraient faire l’objet d’un rapport d’information de la commission. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Nous proposerons une nouvelle rédaction dans le rapport annexé.

M. le président Thomas Gassilloud. Le ministère des armées dispose d’un Observatoire défense et climat.

L’amendement est retiré.

 

 

Amendement DN751 de M. Aurélien Saintoul.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Sous le précédent quinquennat, le Gouvernement a été incapable de présenter une stratégie claire s’agissant de l’opération Barkhane. Il a navigué à vue et l’opération s’est soldée par le rapatriement des forces françaises déployées au Mali. Son coût humain – cinquante-neuf soldats français et des milliers de soldats maliens, burkinabés, tchadiens morts ; 12 000 civils morts ; 3 millions de déplacés à la fin de 2022 – et financier – entre 8 et 10 milliards d’euros – a été bien trop important au regard des résultats peu concluants – les groupes djihadistes que l’on prétendait éradiquer n’ont cessé de s’étendre et de gagner en puissance.

La politique étrangère et militaire française en Afrique nous interroge. De nombreux citoyens des pays africains ont le sentiment que la France est partout et tout le temps, sentiment qui se transforme souvent en ressentiment. Ils se demandent, à juste titre, si elle intervient pour eux ou pour elle-même.

Nous ne comprenons pas la stratégie géopolitique que vous comptez suivre en Afrique : où est la cohérence ? Quels sont les objectifs ? Il serait bon de tout remettre à plat et de s’inspirer des nombreuses idées et initiatives existantes. L’amendement vise donc à demander un rapport, dans un délai de trois mois, sur la stratégie des armées en Afrique.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Vos propos sont scandaleux. Je ne peux vous laisser passer sous silence les réussites de nos militaires. Quelle que soit votre opinion sur la politique française, vous ne pouvez pas nier les résultats qu’ont obtenus les militaires français.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Avis défavorable. Je suggère à la France insoumise de préparer un rapport sur la politique étrangère qu’elle mènerait et sur sa volonté de lutter contre le terrorisme en Afrique.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Ne nous faites pas de faux procès.

Les soldats français ont fait ce qu’on leur a demandé de faire et ils ont remporté des victoires tactiques. Il n’y a pas de victoire stratégique. Si, à l’issue de l’engagement de vos forces, la zone d’influence de ceux que vous combattiez s’est étendue, que le nombre des victimes civiles a crû de manière exponentielle et que les régimes se sont effondrés, vous ne pouvez pas affirmer que cet engagement était une bonne stratégie.

Nous vous proposons – comme nous l’avons fait pendant les cinq années du mandat précédent – de placer la question démocratique au cœur de votre politique.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Face à Wagner et au terrorisme ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous n’avons pas toujours été face à Wagner ni face à des situations enkystées au point d’être intenables. Vous avez pris la décision de maintenir les forces françaises à l’issue de l’opération Serval ; vous avez choisi de poursuivre l’opération Barkhane alors qu’il était encore temps de partir.

Vous nous avez toujours servi le même argument contrefactuel : « Si nous n’y étions pas, ce serait pire. » Vous nous avez, de manière fallacieuse, fait un chantage au terrorisme sur le territoire national alors qu’aucun attentat n’a jamais été préparé depuis le Sahel.

M. Laurent Jacobelli (RN). Ces propos sont tout simplement inacceptables. La France est intervenue à la demande du Mali. Certains de nos soldats sont morts en protégeant et en sauvant des milliers de vies. Notre armée s’est battue pour la paix locale mais aussi pour la paix en France au nom de la lutte contre l’islamisme. S’il y a un groupe qui n’a de leçons à donner à personne en matière de lutte contre l’islamisme, c’est bien le vôtre.

M. Yannick Chenevard (RE). Vous voulez livrer à nos adversaires toutes nos stratégies économiques et militaires la semaine où l’Assemblée a voté une résolution appelant à inscrire le groupe militaire privé Wagner sur la liste des organisations terroristes. C’est intéressant…

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Nous le savons tous, la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. La politique n’est pas décidée par le ministère des armées mais par le Président de la République et le ministre des affaires étrangères. La LPM n’est donc pas le lieu pour ce débat.

Nous pensons à tous nos hommes tombés au Mali. Croire qu’il est possible d’écrire en trois mois un rapport sur ce que devra être notre politique en Afrique pendant la prochaine décennie, c’est faire peu de cas de cette politique et de ceux qui sont envoyés au combat.

Mme Anne Genetet (RE). Votre demande de rapport est opportuniste. Vous souhaitez faire le procès de la politique africaine de la France au mépris des hommes tombés au Mali, qui ont sauvé des milliers de vies.

Votre démarche est particulièrement malvenue alors que nous discutons d’une loi de programmation militaire dont l’objet est de donner des moyens à nos armées pour les sept années à venir. Le délai de trois mois que vous prévoyez est une preuve supplémentaire que votre préoccupation n’est pas la programmation militaire.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Madame Genetet, nous déposons chaque année des amendements demandant un bilan des opérations extérieures et de la stratégie des armées françaises en Afrique.

Il n’est pas possible de penser la stratégie de demain sans avoir tiré les leçons du passé. C’est particulièrement vrai de l’opération Barkhane. La France s’est enferrée au Mali et a finalement été expulsée du pays par les autorités maliennes après deux coups d’État que personne n’a vu venir – ni les services de renseignement, ni les militaires.

La France conserve des bases militaires en Afrique, et il serait intéressant de connaître la vision du Gouvernement sur leur devenir. Je n’ai pas tout à fait compris ce que voulait le président Macron lorsqu’il s’est exprimé sur le sujet – sa pensée est certainement trop complexe. Ce qui est sûr, c’est que l’opération Barkhane n’a pas donné de résultats probants. Oui, nous pensons aux soldats qui sont morts et nous ne souhaitons pas qu’ils le soient pour rien.

M. François Cormier-Bouligeon (RE). Nous pourrions sous-amender pour demander un rapport sur les conséquences de la stratégie d’influence russe sur le sentiment, voire le ressentiment, de nos amis africains à l’égard de notre activité militaire en Afrique, ainsi que sur le positionnement de certains parlementaires français.

La commission rejette l’amendement.

 

 

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La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Julien Bayou, M. Mounir Belhamiti, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Vincent Bru, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Patricia Lemoine, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, Mme Lysiane Métayer, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Emmanuel Pellerin, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Bruno Studer, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Steve Chailloux, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Christian Girard, M. Olivier Marleix, Mme Valérie Rabault