Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

–– Suite de l’examen, ouvert à la presse, du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033) (M. Jean-Michel Jacques, rapporteur).

 


Vendredi
12 mai 2023

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 83

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président

 


  1  

La séance est ouverte à neuf heures.

 

Après l’article 14

Amendement DN344 de M. Bastien Lachaud.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous proposons de supprimer la deuxième section des généraux. Ce dispositif, créé par Louis-Philippe afin de disposer de généraux en cas d’une levée en masse, est obsolète. Si la nation venait à être menacée, que ferions-nous d’anciens généraux n’ayant pas servi depuis de nombreuses années ? Il y a fort à parier que nous préférerions promouvoir quelques colonels exemplaires et rappeler les officiers généraux ayant cessé leur activité il y a peu. En outre, pour plus de 5 000 officiers généraux dans la deuxième section, à peine moins d’une cinquantaine sont rappelés chaque année.

La suppression de la deuxième section mettrait aussi fin à un régime d’exception. Notre proposition est une mesure d’égalité car les officiers généraux basculeraient alors dans le régime des autres réservistes.

Enfin, il est apparu que certains membres de cette deuxième section ont utilisé leur grade afin de donner du poids à leurs combats politiques, ce qui nous semble particulièrement malvenu. Cette suppression éviterait ce genre de déconvenue ; elle relève du bon sens et de la bonne gestion des deniers publics.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis très défavorable. La deuxième section est un renfort d’expérience potentiellement très utile. La tribune à laquelle vous faites allusion est regrettable, mais cela ne concerne que très peu de monde. Il ne faut pas généraliser comme vous le faites.

La deuxième section est un symbole fort pour nos officiers et nos officiers généraux.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. On finit trop souvent par confondre la deuxième section avec une forme d’honorariat. Elle joue pourtant un rôle : vous avez raison d’en rappeler l’histoire, car elle répond vraiment à une logique de rappel ; c’est une sorte de réserve des officiers généraux.

Je me suis demandé s’il fallait introduire dans le projet de loi de programmation militaire (LPM) des dispositions relatives à la deuxième section, car il faut bien constater le flou qui existe. Beaucoup d’officiers généraux de deuxième section (OG2S) finissent eux-mêmes par ne plus savoir ce que cela veut dire. J’y ai renoncé pour privilégier l’idée de la revitaliser, de mieux nous en servir. Pour cela, il faut une base légale, même si nous ne rappelons que peu de gens. Nous avons commencé cette évolution en confiant à des OG2S différentes missions, sur les cérémonies de commémoration du débarquement l’année prochaine, sur des questions militaires, diplomatiques ou touchant aux relations avec les collectivités territoriales.

Cette revitalisation doit particulièrement concerner les OG2S du service de santé des armées et de la direction générale de l’armement.

Je recommande donc de ne pas toucher pour l’instant à la base légale de la deuxième section tout en essayant de la revitaliser. Cela n’exclut pas d’ouvrir un débat sur le fond à l’avenir.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous sommes sensibles à votre réflexion. La suppression de la deuxième section est dans l’air depuis longtemps, et nous avons hésité à déposer cet amendement. Il s’agissait de mettre un coup de pied dans la fourmilière.

Je ne suis pas sûr de comprendre comment vous pourrez atteindre votre objectif de revitalisation. Le moment est sans doute venu d’agir.

Mme Caroline Colombier (RN). Nous nous opposerons à cet amendement. Ces généraux ont bien servi la France, et leur expérience peut encore être utile.

M. Yannick Chenevard (RE). Est-ce de Camus ? « Il y a une espèce de honte à être heureux à la vue de certaines misères. »

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN580 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem). Beaucoup de réservistes ne se déclarent pas comme tels au sein de leur entreprise parce qu’ils ont peur que cela n’entrave des promotions ou l’obtention de primes par exemple. Cet amendement propose donc d’ajouter la participation aux activités de réserve à la liste des vingt-cinq critères qui permettent de juger d’une discrimination. Il interdit aussi d’utiliser les absences en raison d’une période de réserve pour établir une évaluation défavorable, ou pour réduire une prime.

Ce serait une reconnaissance pour nos réservistes, mais aussi un message aux entreprises qui ne jouent pas le jeu.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je comprends votre intention. Mais il ne faut pas caricaturer : je connais beaucoup d’entreprises très fières de la participation de leurs salariés à la réserve. Sagesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. On touche ici au Code pénal, et je préfère rester très prudent. Avis défavorable. Nous pouvons y réfléchir d’ici à la séance publique.

M. Christophe Blanchet (Dem). Il faut envoyer un signal fort ! Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de créer un vingt-sixième critère de discrimination : la participation à la réserve opérationnelle peut être intégrée à l’un des critères existants. Cela me paraît nécessaire. Je maintiens l’amendement, mais nous pourrons l’améliorer d’ici à la séance publique.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je trouve l’amendement très intéressant. Je connais des entreprises fières de leurs réservistes : ce sont souvent les plus grandes. J’en connais aussi beaucoup, souvent plus petites, où la participation à la réserve peut être mal vue. Dans mon propre cabinet d’avocat, où tout le monde me savait officier de réserve, j’ai découvert après trois ans que l’un de mes collaborateurs était lui aussi réserviste : il avait peur que cela nuise à sa carrière.

Il est possible que l’amendement mérite d’être retravaillé, mais j’y suis favorable à ce stade.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN585 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem). Des témoignages montrent que certaines entreprises interdisent aux réservistes, dans leur règlement intérieur, d’effectuer des périodes de réserve ! Cet amendement interdit cette pratique.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Votre appel est absolument justifié, mais cette pratique est déjà interdite par la loi. Demande de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’amendement est satisfait, en effet. Bien sûr, on peut redire ce qui est déjà dit… Je préfère rester prudent dans un texte normatif. Il faut sans doute plus de communication sur le sujet.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Dans l’exposé des motifs, vous parlez d’interdiction de participation à des activités de réserve y compris pendant le temps libre des salariés : c’est fou !

M. Christophe Blanchet (Dem). C’est fou, mais c’est bien ce qui ressort de témoignages qui nous sont parvenus. C’est un amendement d’appel, vous l’avez compris, mais il faut envoyer un message aux entreprises.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN746 de M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). C’est un amendement d’appel : j’ai conscience qu’il ne pourra pas être voté en l’état et je le retirerai.

Il faut mobiliser la jeunesse pour qu’elle rejoigne la réserve. L’un des freins à l’engagement est la crainte de conséquences néfastes sur les études. Je propose donc une marque de reconnaissance : un système de bonus pour ceux qui s’engagent dans la réserve opérationnelle. Certaines universités ont créé des mécanismes qui permettent une valorisation, mais cela reste souvent complexe.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il y a certainement un travail à mener avec les universités, en effet. Merci de votre proposition de retrait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’accueille avec bienveillance tout ce qui permet de rendre la réserve plus attractive. Faisons toutefois attention à ne pas créer des ruptures d’égalité entre étudiants – à la commission de la défense, on est en général très fana mili !

La question s’est posée dans le groupe de travail : jusqu’où aller dans les incitations ? Il ne faut pas oublier non plus les autres réserves, sanitaire par exemple.

Demande de retrait, comme vous vous y attendiez. C’est un peu dommage, car la LPM est un véhicule adapté et qu’il n’y en aura pas d’autre rapidement.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Dans l’école d’ingénieurs où j’enseigne, une unité d’enseignement libre d’engagement est prévue. Cela a suscité des vocations de réservistes. L’idée me paraît intéressante.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Ravi d’entendre que l’idée est intéressante.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN745 de M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il s’agit également d’un amendement d’appel, que je retirerai. On connaît les difficultés que rencontrent les étudiants pour se loger. Je propose donc de donner aux réservistes de la réserve opérationnelle une priorité pour obtenir un logement attribué par les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). S’y oppose une préoccupation d’égalité légitime, mais ceux qui s’engagent dans la réserve opérationnelle, comme, à mon sens, les jeunes sapeurs-pompiers volontaires, ont une singularité : ils font le choix d’un engagement qui peut les amener à risquer leur vie. Il ne me paraîtrait pas absurde de faire passer ce critère avant d’autres, y compris sociaux.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je comprends votre intention. Ayant exercé ces deux fonctions, je ferai juste une différence entre le sapeur-pompier volontaire et le militaire : le premier a un droit de retrait, le second non.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Demande de retrait de cet amendement d’appel.

Je redis qu’il faut éviter les ruptures d’égalité : c’est un sujet sensible. En outre, un simple engagement à servir dans la réserve ne pourrait pas suffire : il est facile d’en signer un, et nous allons tout faire pour faciliter encore ce processus. Ce n’est pas parce que vous avez signé que vous êtes régulièrement convoqué, ou que vous répondez aux convocations d’ailleurs. Des mesures d’incitation devraient donc être fondées sur des critères plus solides.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je retire l’amendement, évidemment, mais il faut y réfléchir.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Il faut effectivement réfléchir aux meilleures manières de valoriser l’engagement, mais cet amendement mènerait à des ruptures d’égalité. M. Thiériot passe la mesure en semblant considérer qu’il faut subordonner un droit social essentiel, le droit au logement, à la participation à la réserve. Il y a là entre nous une profonde opposition de principe.

Mme Anne Genetet (RE). La sensibilisation à l’importance de la réserve est vraiment essentielle. Il faut mettre en valeur ce service sans créer de rupture d’égalité, et communiquer auprès de toutes les institutions – universités, centres d’apprentissage, entreprises.

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’approuve les propos de M. Saintoul et de Mme Genetet. Il faut éviter toute rupture d’égalité dans l’accès au logement, alors que les possibilités de valorisation de l’engagement dans la réserve sont nombreuses. Ne remettons pas en cause l’attribution de logements sur critères sociaux : c’est une question de principe.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous sommes très attachés à l’implication des jeunes dans la défense de la nation, mais nous ne voudrions pas d’une réserve d’opportunité : pour obtenir un logement, on s’engagerait dans la réserve… Nous atteindrions nos objectifs, mais nous aurions une réserve inactive.

Je comprends l’intention de M. Thiériot mais ce n’est probablement pas la bonne façon de s’y prendre.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN588 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem). Pour valoriser les réserves, il faut les connaître mieux. En préparant notre rapport d’information sur les réserves, en 2021, Jean-François Parigi et moi nous sommes aperçus que nous manquions de données. Cet amendement vise donc à demander un rapport qui comprendrait différents indicateurs : nombre de réservistes, taux de sélection lors du recrutement, taux d’emploi…

Un rapport annuel est normalement rendu au Parlement par la Garde nationale, mais il est présenté avec un an de décalage. Nous pourrions demander qu’il soit présenté à la commission. Nous pourrions également lancer une mission d’information sur ce sujet.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La Garde nationale établit en effet un rapport tous les ans. Par ailleurs, le rapport introduit par mon amendement à l’article 8 du projet de loi comprendra un bilan concernant les réserves. En revanche, je suis très favorable à une audition en commission, ainsi qu’à une mission d’information sur le sujet

M. Sébastien Lecornu, ministre. Demande de retrait, à défaut avis défavorable. Sur la forme, le rapport annuel de performances est un document budgétaire, on ne peut pas en créer de cette façon. Sur le fond, si l’on considère que la réserve fait pleinement partie de notre modèle d’armée, alors elle doit être intégrée aux documents budgétaires existants du programme 212 Soutien de la politique de la défense. C’est à mon sens une question de ressources humaines au sein du ministère des armées.

L’amendement est retiré.

Amendement DN586 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet (Dem). C’est un amendement d’appel. Je suis sûr que beaucoup ici partagent mon constat : aux cérémonies patriotiques, à commencer par celle du 8 mai qui a eu lieu il y a quelques jours, on voit des élus, des Français volontaires, des porte-drapeaux, des anciens combattants, parfois quelques jeunes s’il y a eu un accompagnement de l’éducation nationale et des parents… mais cela fait peu de monde. Or le 8 mai est un jour férié – caractère qui lui a été rendu par le président Mitterrand après qu’il ait été supprimé par le président Giscard d’Estaing. Quand on ne travaille pas, on devrait pouvoir venir à cette cérémonie patriotique qui ne dure que trente minutes. Il s’agit de pleurer ceux qui ont libéré la France. Le 8 mai doit être une journée patriotique avant d’être un jour férié. Comment lui redonner ce sens, qui se perd ? Quel avenir pour cette cérémonie, comment inciter les Français à y revenir ? Il faut de la pédagogie, évidemment, mais c’est une question de citoyenneté.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je vous rejoins. Le 8 mai est un jour important, voire sacré. C’est la commémoration de la victoire sur le régime nazi. Je trouve immoral de l’abîmer par des casserolades ou autres manifestations. Le droit de grève est légitime mais il y a des moments qui doivent être respectés.

M. Sébastien Lecornu, ministre. André Kaspi avait écrit un rapport sur la modernisation des commémorations publiques. Je suis frappé de voir tout de même davantage de gens à ces cérémonies qu’il y a quelques années, et des gens pas toujours liés au monde combattant : il y a de l’espoir.

On doit mobiliser les réserves, et les jeunes du service national universel (SNU) se rendent toujours volontiers à ces cérémonies. Il faut travailler avec l’éducation nationale, ce qui n’est pas simple un jour férié, mais aussi avec les collectivités locales, car il y a des mairies qui organisent plus ou moins bien ces cérémonies. Je réfléchis aussi à une présence plus systématique des forces armées lors des cérémonies du 8 mai et du 11 novembre.

Demande de retrait, s’agissant d’un amendement d’appel.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Notre groupe est profondément attaché aux cérémonies du 8 mai. L’idée a été émise de fusionner les cérémonies pour ne garder que le 11 novembre : nous n’y sommes pas favorables. Ce sont deux dates très importantes, les deux guerres n’ont pas tout à fait le même sens.

Nous sommes aussi très attachés à la dimension populaire de ces célébrations. C’est la raison pour laquelle nous regrettons qu’il ait été décidé que le Président de la République devait descendre l’avenue des Champs-Élysées tout seul, sans aucun concours du peuple. La pique du rapporteur était tout à fait malvenue.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage les ambitions de M. Blanchet comme du ministre. Il faut arriver à mobiliser l’éducation nationale. J’ai vu des maires se heurter à des directeurs d’école qui ne veulent surtout pas participer, car ils mettraient en cause leur responsabilité. J’avais déposé une proposition de loi qui imposait aux établissements de l’éducation nationale de proposer, sous une forme ou sous une autre, une participation aux cérémonies patriotiques, sans susciter visiblement l’enthousiasme du ministère. Le sujet mérite d’être repris.

Dans mon département, la Seine-et-Marne, le général commandant l’École des officiers de la gendarmerie nationale a demandé aux élèves de se rendre aux cérémonies patriotiques en tenue Tetra, c’est-à-dire la tenue de tradition. C’est un symbole fort et remarqué.

Mme Anne Genetet (RE). Je salue les lycées français à l’étranger qui organisent chaque année, grâce au personnel militaire sur place, une commémoration à laquelle des élèves sont associés. Alors que le 8 mai n’est pas férié dans la plupart des pays, c’est un effort qu’ils font pour renforcer le lien entre la nation et ces élèves qui sont loin de nous.

M. Christophe Blanchet (Dem). Comment recréer des liens avec l’éducation nationale, pour instaurer un parcours citoyen dès le plus jeune âge ? Il faut y réfléchir. Il faut aussi communiquer, et mieux reconnaître ceux qui s’engagent : les réservistes doivent être présents en tenue de réservistes, cela aura un effet d’entraînement. Enfin, le 8 mai est certes un jour férié, mais beaucoup de gens travaillent et ne peuvent pas assister à la cérémonie.

L’amendement est retiré.

 

Article 15

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN856 du rapporteur.

 

Elle adopte l’article 15 modifié.

 

Article 16

 

La commission adopte l’article 16 sans modification.

 

Article 17

 

Amendement DN272 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit de mieux encadrer le travail des mineurs ayant le statut d’apprenti militaire en supprimant la dérogation prévue à l’alinéa 4. La journée de huit heures est une avancée sociale historique accomplie grâce à notre famille politique il y a déjà plus d’un siècle. C’est une garantie de conditions de travail raisonnables. Cela n’empêche pas que nous ayons à cœur de soutenir la défense nationale et d’adapter les dispositions régulières quand c’est nécessaire.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable. L’article 17 encadre le temps de travail des militaires mineurs. Cet encadrement est actuellement lacunaire puisqu’il ne concerne que les militaires mineurs de la marine nationale. Il est donc judicieux de l’étendre.

Ces dérogations sont conformes aux engagements européens et internationaux de la France. On trouve dans l’institution militaire beaucoup d’humanité et de bienveillance. Je ne doute pas que ces dispositions soient appliquées convenablement.

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’idée est en effet d’étendre l’encadrement prévu dans la marine, notamment pour les mousses.

Votre groupe a déposé trois amendements sur cet article. Je suis défavorable à l’amendement DN272, ainsi qu’au DN273. En revanche, je serai favorable au DN298, qui installe un garde-fou utile.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Ces amendements sont en effet dans le même esprit : l’amendement DN298 prévoit que le temps de travail ne pourra être porté de huit à onze heures par jour que si l’intérêt de la défense ou de la sécurité nationale le justifie.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je soutiens cet amendement de nos collègues socialistes. Nous comprenons les nécessités de la défense nationale, mais c’est bien de mineurs, d’enfants, qu’il s’agit. Il est important de reconnaître qu’ils ne peuvent pas être soumis au même régime que les adultes.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce statut existe déjà ! Êtes-vous contre le modèle des mousses de la marine nationale ? L’idée est simplement d’étendre ces dispositions à l’armée de terre et à l’armée de l’air. C’est une demande qui vient des troupes et qui s’appuie sur des fondements sérieux. Parfois, il y a des enjeux tout simples : par exemple, on ne peut pas apprendre la navigation sans module nocturne. Tous ceux qui ont vu de près ce qui existe savent qu’il n’y a pas de loup, surtout avec l’encadrement supplémentaire proposé par l’amendement DN298. Nous développons aussi les centres d’apprentissage de l’armée de terre, parce que ce besoin se fait sentir.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN910 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN298 de Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin (SOC). C’est celui que nous venons d’évoquer.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis favorable – en précisant, pour éviter toute surinterprétation, que l’apprentissage de la navigation nocturne par les jeunes marins fait partie de ce qui est justifié par l’intérêt de la défense.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est une précision utile.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN273 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement, dans le même esprit que les précédents – nous pourrions les regrouper – rappelle en particulier que le travail de nuit est strictement interdit aux mineurs de 22 heures à 6 heures.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Amendement satisfait par l’adoption du précédent. Même avis.

M. Yannick Chenevard (RE). Un trait d’humour : il est également interdit de déclarer la guerre entre 22 heures et 6 heures !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Les sarcasmes de M. Chenevard sont déplacés, comme l’était sa citation de Camus tout à l’heure. J’espère qu’il n’imagine pas qu’on mobilisera prioritairement des jeunes de 16 à 18 ans en cas de guerre.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN911 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 17 modifié.

 

Après l’article 17

 

Amendement DN805 de M. Thomas Gassilloud.

M. le président Thomas Gassilloud. J’ai cosigné cet amendement avec le rapporteur. Il vise à rendre les établissements d’apprentissage militaire éligibles à la taxe d’apprentissage pour compléter leur financement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

 

Article 18

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN857 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN136 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est rédactionnel.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable, le code de la défense parlant de ministre de la défense et non de ministre des armées.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN858, DN859 et DN860 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 18 modifié.

 

Après l’article 18

 

Amendement DN59 de Mme Stéphanie Galzy.

M. Laurent Jacobelli (RN). C’est un amendement d’appel soulignant l’importance de l’aspect social de la condition de nos militaires. Les efforts réels qui ont été consentis, notamment sous la forme du plan « famille », ne suffisent pas. Il s’agit donc d’une demande de rapport – nous n’en avons pas abusé.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Vous faites bien de souligner cet aspect. Nous pourrons suivre cela de près lors de nos futures auditions. Merci d’envisager de retirer l’amendement.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est en effet l’un des sujets auxquels il faut être systématiquement attentif lors des auditions préparatoires au débat budgétaire. Outre le plan « famille », il convient de mentionner, entre autres, les avancées concernant les infrastructures – dont la vétusté est souvent pointée du doigt – et l’articulation entre indemnitaire et indiciaire.

Demande de retrait, s’agissant d’un amendement d’appel demandant un rapport, qui plus est à propos d’un sujet de préoccupation permanent. Nous en avons parlé avec Mme Poueyto, plusieurs instances du ministère produisent déjà des rapports sur la condition militaire que nous veillerons à communiquer à la représentation nationale.

L’amendement est retiré.

 

Article 19

 

La commission adopte l’article 19 non modifié.

 

Article 20

 

Amendement DN278 de Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’article introduit un dispositif pertinent, qui crée un droit de regard sur l’activité de personnels ayant occupé des fonctions sensibles dans nos armées. Il contribue ainsi à l’effort de contre-ingérence et de lutte contre les influences.

Notre amendement vise à étendre ce dispositif au personnel civil de la défense. En effet, ce n’est pas le statut mais les fonctions exercées et, de ce fait, les compétences, savoirs et informations détenus qui représentent un enjeu pour la défense et la sécurité nationale. Dans des domaines de pointe comme le cyber ou le spatial, une part importante des personnes recrutées ou ayant vocation à l’être relèvent du statut civil.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cette extension ne correspondrait pas à l’objectif précis de la mesure. Par ailleurs, elle serait fragile eu égard au principe d’égalité si les seuls civils du ministère de la défense – une notion qui n’existe pas vraiment en droit interne – sont visés, mais disproportionnée si des pans entiers de la population active civile sont concernés. Enfin, elle pourrait tarir les flux de recrutement du Ministère des Armées et les chances de mobilité.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Merci d’avoir salué la pertinence de l’article, sur un sujet qui a défrayé la chronique. Tout amendement est bon pour poursuivre le débat.

Le problème de celui-ci est que la notion de personnel civil de la défense est très large et que celle de catégorie civile est floue, à la différence de la définition juridique du personnel sous statut militaire.

Avis défavorable en raison de ce problème de rédaction, mais il est souhaitable d’avancer dans ce domaine. On ne peut nier qu’il y a des civils dans notre appareil de défense, dans certains services critiques, qui en savent autant sinon plus que certains personnels sous statut militaire. Nous allons donc voir avec les juristes s’il est possible de trouver une formule en vue de la séance. Je préconise un travail préparatoire avec vos collaborateurs et les administrateurs pour aboutir à une solution robuste dans l’hémicycle, car on ne peut se permettre un texte fragile à ce sujet.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mes collaborateurs et moi-même sommes disponibles pour travailler avec votre conseiller parlementaire. Il y a d’ailleurs un autre travail sur le service de santé des armées à mener.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN277 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il vise à mieux encadrer les situations où un militaire pourrait être recruté par une société établie sur le territoire national, mais au profit d’une société étrangère ou d’un État étranger. Il s’agit d’éviter que des sociétés fantômes contrôlées par des puissances étrangères ne recrutent des militaires français.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Favorable. C’est un angle mort.

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’amendement durcit le contrôle des militaires concernés, ce à quoi je ne suis pas opposé. Il faut certainement trouver un équilibre, mais en prenant en considération les conditions de contrôle et des obligations déontologiques auxquels parlementaires et politiques sont astreints de leur côté.

Je souhaiterais que cet amendement soit soutenu le plus largement possible par les différents groupes politiques, car il ne s’agit de rien de moins que de protéger l’intégrité de tous les autres militaires. Avis favorable.

Mme Anne Genetet (RE). Le groupe Renaissance est également tout à fait favorable à cet amendement. Nous devons plus que jamais sensibiliser l’ensemble du tissu économique et social, y compris nos militaires, aux enjeux de la présence d’intérêts étrangers sur notre territoire, dont certains sont bienveillants, mais d’autres malveillants, voire toxiques.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Notre groupe votera lui aussi pour cet amendement. Nous sommes tout à fait d’accord avec la nécessité d’un front large sur le sujet. J’estime d’ailleurs qu’il faudrait donner encore davantage de moyens à la DRSD (direction du renseignement et de la sécurité de la défense).

Le terme « indirectement » rend cependant le texte délicat à appliquer. Il appelle en tout cas des moyens de contrôle suffisamment fins.

M. Laurent Jacobelli (RN). Notre groupe votera également pour l’amendement, bien que nous ayons nous aussi un doute à propos du mot « indirectement », très peu clair et dont on se demande jusqu’où il nous emmène. Mais l’amendement reste de bon sens.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Le groupe Horizons soutient pleinement cette très bonne idée.

Mme Josy Poueyto (Dem). Notre groupe soutiendra également l’amendement.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Soutien total à l’amendement, comme à l’ensemble des dispositions qui reprennent une de mes propositions de loi sur le sujet. Le mot « indirectement » ne pose pas de problème, dès lors que la notion de contrôle direct et indirect existe dans le code du commerce, notamment à propos des procédures collectives. Le juge saura comprendre l’intention du législateur.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN271 de Mme Anna Pic.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il vise à substituer au régime de déclaration un régime d’autorisation des activités réalisées sur notre territoire au profit de puissances étrangères. Il s’agit de sécuriser l’administration et de rendre le contrôle effectif.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cette disposition porterait une atteinte excessive aux principes de libre circulation des travailleurs, de liberté contractuelle et de liberté d’entreprendre. Même dans un régime déclaratif, le ministre a toujours la main en cas de problème.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable, pour que la proposition soit retravaillée d’ici à la séance publique. Il faut adopter une vision globale plutôt que procéder par petites touches, et toujours prendre garde à la constitutionnalité du dispositif au bout du compte – même si je ne vois pas de problème de ce type dans votre amendement. Je ne suis pas opposé à un durcissement global du dispositif, mais j’aurais besoin d’une vue d’ensemble.

Plus généralement, je ne serais pas favorable à une extension aux militaires du domaine de compétence de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), car il faut tenir compte des spécificités du statut militaire. Peut-être des députés moins au fait des questions militaires que les membres de la commission de la défense présenteront-ils dans l’hémicycle des amendements en ce sens.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je suis d’accord avec vous, Monsieur le ministre. L’idée d’un régime d’autorisation est pertinente, mais quel serait son périmètre ? On ne va pas soumettre à ce régime la totalité des personnels du ministère ou même de ses seuls personnels militaires. Il faut donc un travail plus coordonné pour aboutir en séance à un dispositif rigoureux, efficace et équilibré.

M. Mounir Belhamiti (RE). On entend beaucoup parler de prédéclaration ou de régime spécial d’autorisation, alors que le régime d’habilitation fonctionne très bien, sous l’égide de la DRSD. Les sénateurs communistes ont déposé plusieurs propositions de loi visant à encadrer les interventions des cabinets, notamment dans la sphère publique. C’est se tirer une balle dans le pied : déclarer publiquement qui sont nos experts cyber est suicidaire !

Travaillons à des dispositifs intelligents, qui empêchent les abus – quoique je ne pense pas qu’il en existe – et soient plus simples ; mais prenons garde à ce risque.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement DN137 de M. Jean-Pierre Cubertafon est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN861 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Amendement DN956 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il complète le dispositif retenu par l’amendement DN277 et visant à prévenir les manœuvres de contournement de la loi par la création de sociétés fantômes servant indirectement des intérêts étrangers.

La précision apportée par l’amendement DN277 est très utile, mais elle ne doit pas faire obstacle au recrutement de militaires par des entreprises françaises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) dont le modèle économique repose sur l’exportation de matériels de guerre vers l’étranger.

Ces entreprises sont déjà soumises à des autorisations délivrées par l’État pour exercer leur activité et pour exporter leurs matériels ou leurs savoir-faire.

L’objet premier de l’article 20 est d’empêcher les départs à l’étranger de nature à remettre en cause les intérêts de la défense nationale. Il ne doit pas avoir pour effet de pénaliser la BITD française.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement DN862 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est destiné à préciser la portée du contrôle préventif et dissuasif confié au ministre des armées concernant les militaires ou anciens militaires ayant occupé des fonctions d’une sensibilité particulière et souhaitant exercer une activité lucrative pour le compte d’un État étranger ou d’une entreprise étrangère intervenant dans le domaine de la défense et de la sécurité.

En effet, afin de garantir une juste conciliation entre la protection des intérêts fondamentaux de la nation et la liberté d’entreprendre, il paraît nécessaire de circonscrire les hypothèses dans lesquelles le ministre des armées pourra s’opposer à l’exercice d’une telle activité, en définissant expressément la nature des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont il entend prévenir la divulgation.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN863 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 20 modifié.

 

Article 21

 

La commission adopte l’article 21 non modifié.

 

Article 22

 

La commission adopte l’article 22 non modifié.

 

Article 23

 

Amendement DN347 de M. Aurélien Saintoul.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous proposons qu’en cas de menace prévisible, le Parlement doive valider le régime de réquisition pour que ce dernier entre en vigueur.

Notre groupe comprend bien l’intérêt de laisser des marges de manœuvre à l’exécutif en cas de péril imminent. En revanche, si la menace est prévisible, on ne voit pas pourquoi le Parlement ne serait pas associé à la décision.

Dans un contexte où le Gouvernement ne daigne même plus engager sa responsabilité devant les représentants de la nation, où le Président déclare que ses choix représentent ceux de toute la nation, où les décisions de réquisition du Gouvernement ou celles de l’exécutif en matière de sécurité sont annulées par la justice, un tel article ouvre la voie à des abus dont il faut se prémunir.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Le vote du Parlement se fait dans le cadre de l’examen du présent projet de loi, qui autorise le régime de réquisition. En tout état de cause, le juge sera garant du respect des conditions prévues.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le meilleur instrument de respect de l’État de droit est notre Constitution. Or l’amendement n’est pas constitutionnel, puisqu’il concerne un acte de gouvernement. Je ne peux croire qu’en cas de dérive ou d’abus, vous ne déposeriez pas de motion de censure.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Des abus, nous en voyons régulièrement ces dernières semaines et ces derniers mois. Il faut bien souvent du temps pour faire constater des abus et, dans bien des cas, ils demeurent, on s’y habitue, on les banalise. L’histoire nous a donné des exemples de ce phénomène. En outre, Monsieur le ministre, vous serez sans doute sensible au risque qu’un tel arsenal juridique tombe en de mauvaises mains. Il est donc bienvenu de distinguer les cas de péril imminent et ceux où la menace est prévisible.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La disposition reste proportionnée : elle ne permet pas de faire n’importe quoi.

J’essaie de vous comprendre idéologiquement – j’ai parfois du mal. N’êtes-vous pas favorable à un État fort, qui tient son rang, notamment vis-à-vis des entreprises ? Vous avez au moins cette cohérence. Or la disposition proposée va dans ce sens.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous n’avons jamais dit que nous étions contre le principe des réquisitions, quel que soit le contexte. Simplement, le Parlement ne doit pas se dessaisir de ses prérogatives et doit rester vigilant face à l’exécutif. Notre Constitution – qui n’est pas à nos yeux une bonne Constitution – donne déjà énormément de poids à ce dernier. N’aggravons pas les choses.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement DN427 de Mme Delphine Lingemann.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est satisfait.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il porte sur un cas trop particulier. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN641 de Mme Sabine Thillaye.

Mme Delphine Lingemann (Dem). En cas de conflit de haute intensité qui toucherait l’Union européenne ou l’Otan, la logique d’alliance voudrait que les stocks stratégiques au niveau européen soient prévus à une plus grande échelle.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La proposition de règlement relatif à la mise en place de l’instrument destiné à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes (Edirpa) est en discussion au Parlement européen. Elle devrait être adoptée à la fin de l’année. Dès lors, il semble délicat d’y faire référence dans la loi.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN672 de Mme Delphine Lingemann.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est satisfait : en cas de réquisition, il sera procédé à une indemnisation en cas de dommage. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Là encore, le degré de précision de l’amendement est trop élevé. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement DN482 de Mme Delphine Lingemann est retiré.

 

Amendement DN865 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est destiné à tirer les conséquences de l’abrogation de l’article L. 2234‑22 du code de la défense. Cette abrogation a pour effet direct de rétablir la compétence de droit commun du juge administratif en matière de contestation du montant des indemnités proposées par l’autorité administrative à une personne faisant l’objet d’une mesure de réquisition au titre du code de la défense.

Dans un souci de cohérence générale, il paraît nécessaire de consacrer la compétence du juge administratif lorsque les indemnités sont dues en contrepartie d’une réquisition des personnes et des biens prononcée afin de mettre fin au danger ou à l’entrave prolongée à l’exercice des activités maritimes, littorales ou portuaires résultant d’un navire abandonné, ou en vue d’assurer le sauvetage d’une épave maritime.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est cohérent. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 23 modifié.

Article 24

 

Amendement DN348 de M. Bastien Lachaud.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Au préalable, je voudrais revenir sur le choix qui a été fait de prolonger la réunion d’hier soir bien au-delà d’une heure raisonnable. Voyez comme nous avançons vite ce matin : il est clair que nous finirons tôt aujourd’hui. Beaucoup d’amendements ne sont pas défendus, peut-être parce que leurs auteurs étaient trop fatigués pour venir. Nous avions donc raison de refuser d’aller jusqu’à deux heures du matin. La plupart d’entre nous sommes fatigués, bafouillons. Nos travaux auraient été de meilleure tenue si nous avions fini bien avant minuit.

Mme Josy Poueyto (Dem). Cette intervention est inutile !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Jugez de l’utilité de mes propos autant que vous le voudrez, mais laissez-moi parler.

Monsieur le président, vous avez fait un choix hier ; nous l’avons désapprouvé ; les faits nous donnent raison. Ce choix était dommageable pour nos travaux, que nos concitoyens sont bien moins nombreux à pouvoir suivre à deux heures du matin.

L’amendement tend à ajouter aux composants les munitions et équipements fabriqués, en tant qu’éléments constitutifs de la sécurité des approvisionnements pour la continuité des missions des forces armées. Il s’agit d’éviter le flou sémantique induit par les seules expressions « matières » et « composants d’intérêt stratégique ».

M. le président Thomas Gassilloud. Hier, nous nous sommes arrêtés à une heure et non à deux heures. Cette prolongation d’une heure seulement était précisément destinée à garantir la bonne tenue des débats en évitant de nous contraindre ce soir-là. Les amendements non défendus aujourd’hui émanent des groupes Écologiste, GDR et LIOT, qui étaient déjà absents hier en fin de soirée.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Vous auriez donc pu anticiper le fait que nous avancerions plus vite aujourd’hui.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement : ce sont les armées qui constituent les stocks de munitions ou d’équipements, non les entreprises.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Demande de retrait ou avis défavorable. L’article porte sur les matières premières. Si on ajoute les munitions, viendront ensuite les missiles, et ainsi de suite. Parler de stocks de produits complètement terminés modifie la philosophie du texte.

Je propose donc que soit ajoutée, après « composants », la précision « semi-finis ». Le rapporteur pourrait le faire en vue de la séance, au nom de la commission.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous allons nous donner le temps de la réflexion et étudier les conséquences inaperçues de notre amendement ; il est possible que vous ayez raison.

L’amendement est retiré.

 

Amendement DN867 de M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il est proposé de consacrer dans la loi la nécessité pour l’État de réexaminer périodiquement les sujétions qu’il a imposées aux industriels par voie d’arrêté.

Compte tenu des délais de production des équipements militaires, le réexamen aurait lieu au moins une fois tous les deux ans. Il pourrait conduire à ne pas renouveler la mesure si celle-ci n’est plus nécessaire.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Favorable. Par conséquent, je demanderai le retrait de l’amendement suivant de Mme Lingemann, qui sera ainsi satisfaite.

M. Christophe Blanchet (Dem). Je ne voudrais pas que ceux qui suivent nos travaux pensent que nous aurions mal travaillé parce que nous aurions levé la réunion à une heure ce matin. Vous étiez peut-être fatigués hier soir, cela arrive. Nous ne l’étions pas et si nous devons passer nos nuits à défendre l’intérêt de nos forces armées, nous le ferons. C’est d’ailleurs ce que vous faites, mais pour d’autres débats, dans l’hémicycle.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous sommes, par principe, défavorables à la tenue de séances jusqu’à tard dans la nuit. Cela étant, nous sommes endurants, ne vous inquiétez pas, et nous sommes capables d’organiser un tour de parole. Vous aurez aussi remarqué que nous ne sommes pas épuisés et que la défense de nos amendements progresse bien.

Nous avons certes remarqué les absences de M. Cormier-Bouligeon, mais nous ne nous en sommes pas formalisés. Il est fait, lui aussi, de deux bras et de deux jambes et il a besoin de reconstituer sa force de travail, comme n’importe quel prolétaire.

La commission adopte l’amendement.

 

L’amendement DN674 de Mme Delphine Lingemann est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN835, DN831, DN832 et DN837 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 24 modifié.

Article 25

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN875 et DN878 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

La commission adopte l’article 25 modifié.

 

Article 26

 

L’amendement DN155 de M. Jean-Pierre Cubertafon est retiré.

 

La commission adopte les amendements identiques rédactionnels DN912 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur, et DN350 de M. Bastien Lachaud.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN913 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

L’amendement DN670 de Mme Delphine Lingemann est retiré.

 

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous ne voterons pas pour l’article 26, non pas que le sujet ne soit pas crucial, pour le domaine militaire comme civil, mais parce que nous comptons déposer des amendements en séance publique et que nous aviserons en fonction du sort qui leur sera réservé.

 

La commission adopte l’article 26 modifié.

 

Article 27

 

Amendement DN351 de M. Aurélien Saintoul.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous vous proposons de remplacer la mention « les services de l’État » par « les militaires » afin de réserver la lutte contre les drones aux seuls militaires, en coordination avec le rapport annexé dans lequel il est précisé que la posture permanente de sûreté aérienne, assurée par l’armée de l’air et de l’espace, est étendue à la lutte contre les drones.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Avis défavorable. Cette disposition serait trop limitative.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Pour le dire autrement, nous ne sommes pas rassurés à l’idée que n’importe quel service de l’État puisse être engagé dans la lutte contre les drones. Si vous le jugez nécessaire, nous sommes d’accord pour accorder des moyens supplémentaires à l’armée de l’air et de l’espace qui assure la posture permanente de sûreté aérienne.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Que craignez-vous, Monsieur le député ? Les services de l’État comprennent des militaires, des militaires de la gendarmerie ou des policiers.

M. le président Thomas Gassilloud. La notion de militaire renvoie à un statut, pas à une fonction. Précisez votre pensée.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous ne sommes pas rassurés à l’idée que de telles missions soient confiées au ministère de l’intérieur. C’est aujourd’hui une sorte de canard sans tête, avec un ministre qui laisse la bride sur le cou à ses services, indépendamment des réels besoins de la sécurité publique. Nous préférerions, parce que nous avons toute confiance en nos militaires, que cette mission soit confiée aux armées.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Je suis choqué par les propos de M. Saintoul, qui ne sont pas à la hauteur des débats. Les policiers, les gendarmes, les agents pénitentiaires aussi, sont dignes de confiance et ne méritent pas que vous les dénigriez ainsi.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Monsieur Jacques, vous êtes plus éloquent pour nous faire part de vos émotions que pour nous donner des arguments de fond. Cela fait plusieurs jours que cela dure et nous en avons assez.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Il semble assez facile de comprendre qu’il faille fournir des moyens de réaction aux agents pénitentiaires si un drone survole une prison, ou aux policiers et aux gendarmes pendant les Jeux olympiques. Mais si vous avez besoin que je le réexplique, je le ferai autant que de besoin.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Vous êtes beaucoup plus intéressant quand vous répondez sur le fond.

M. Mounir Belhamiti (RE). Une nouvelle fois, les députés de La France insoumise attaquent les fonctionnaires du ministère de l’intérieur qui assurent la sécurité de tous nos concitoyens, la leur comprise. Ces insultes sont abjectes mais hélas, ils en sont coutumiers. Le rôle des armées n’est pas de sécuriser tous les périmètres civils du territoire. On ne va pas mobiliser des Rafale pour s’assurer que des drones ne survolent pas les aéroports parisiens ! Les services de l’État sont compétents en la matière et nous pouvons leur faire confiance pour mener à bien cette mission. Vous injuriez le professionnalisme de nos fonctionnaires et je suis choqué par vos propos.

M. Michaël Taverne (RN). La psychologie de La France insoumise est simple à comprendre : ils visent les policiers du matin au soir. Mais M. Louis Boyard est bien content de bénéficier d’une protection policière, bien que, selon lui, les policiers tuent.

Revenez donc sur terre. Les policiers, ce sont des professionnels, des pères de famille, des gens qui s’attachent à défendre l’intérêt général.

M. Sébastien Lecornu, ministre. La limitation que vous proposez aurait des conséquences lourdes pour le ministère des armées. Ainsi, les 3 000 gendarmes placés auprès du ministre des armées ne pourraient pas détruire un drone qui s’approcherait d’une zone d’intérêt vital.

Je vous relis l’article qu’il est prévu d’insérer dans le code de la sécurité intérieure : « Les services de l’État peuvent utiliser des dispositifs désignés par arrêté du Premier ministre destinés à rendre inopérant ou neutraliser un aéronef circulant sans personne à bord, en cas de menace imminente, pour les besoins de l’ordre public, de la défense et la sécurité nationales ou du service public de la justice ou afin de prévenir le survol par un tel aéronef d’une zone mentionnée à l’article L. 6211-4 du code des transports ». Je ne comprends pas pourquoi cette disposition vous heurte. C’est le cadre d’emploi qui compte et non la couleur de l’uniforme de celui qui agit.

Quant au rapporteur, non seulement il fait très bien son travail, mais nous devrions nous réjouir d’avoir à nos côtés, pour examiner le projet de loi de programmation militaire, un homme qui a été cité en Afghanistan et qui porte sa médaille militaire. (Applaudissements des députés des groupes Renaissance, Rassemblement national, Les Républicains, Démocrate et Horizons et apparentés).

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je retire l’amendement car il est mal formulé et m’abstiendrai de tout commentaire pour le reste. Nos critiques portent sur la conduite politique du ministère de l’intérieur et non sur l’institution de la police à laquelle nous sommes attachés. Il est facile de faire des procès d’intention. Nous sommes bien conscients que les fonctionnaires du ministère de l’intérieur sont des agents de l’État comme les autres, qui doivent être défendus de la même manière. (M. Laurent Jacobelli s’exclame.)

Est-ce que la police a causé des morts dans ce pays, Monsieur Jacobelli ? Vos interpellations sont obscènes, parce que vous cherchez à faire de la basse politique sur la mort de certains de nos concitoyens.

M. Laurent Jacobelli (RN). L’obscénité, c’est de recevoir des leçons de la part de gens qui instrumentalisent les faits de quelques-uns pour jeter dans la boue une institution à laquelle nous sommes tous attachés sur ces bancs, sauf vous. Les policiers en ont assez que vous les stigmatisiez du matin au soir, à toutes les occasions, même s’il faut bien chercher pour en trouver une, comme aujourd’hui. C’est votre marotte, votre obsession. Vous détestez la police, assumez-le.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous détestons les abus de pouvoir, Monsieur Jacobelli.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 27 non modifié.

 

Article 28

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN840 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 28 modifié.

 

Article 29

 

Amendement DN352 de M. Bastien Lachaud.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer la possibilité de recourir à des acteurs non étatiques privés pour une intervention importante dans le domaine de la protection contre tout acte de malveillance ou perte des matières nucléaires et des sources de rayonnements ionisants. La logique de marchandisation n’a pas lieu d’être, spécialement dans des secteurs aussi sensibles. Des dérogations très encadrées peuvent être prévues, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Le texte prévoit déjà la possibilité d’interdire. Je préfère qu’on fasse confiance à l’administration et qu’on lui laisse une marge d’appréciation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements DN353 de M. Aurélien Saintoul, DN354 de M. Bastien Lachaud et DN355 de M. Aurélien Saintoul.

La commission adopte l’article 29 non modifié.

Après l’article 29

 

Amendement DN356 de M. Bastien Lachaud.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur la sous-traitance par les armées des activités liées à la production, l’utilisation, l’entretien et le traitement de matière nucléaire ainsi que sur ses effets pour la sûreté des infrastructures militaires françaises.

Nous déplorons souvent qu’il soit recouru si largement à la sous-traitance dans le domaine du nucléaire civil, ce qui pourrait avoir de graves conséquences pour la sûreté du personnel, du public et des installations. Dans le domaine du nucléaire militaire, nous voulons avoir des garanties et des éléments d’informations précis sur les décisions qui sont prises.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. Cette problématique dépasse largement le seul domaine du nucléaire de défense puisqu’un dispositif similaire est prévu dans le code de l’environnement pour le nucléaire civil. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je comprends bien que le sujet dépasse le nucléaire de défense mais ce n’est pas une raison pour ne pas nous y intéresser, quitte à ce que d’autres commissions s’y penchent aussi, par exemple celle des affaires économiques pour la sous-traitance dans le nucléaire civil.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 30

 

La commission adopte l’article 30 non modifié.

 

Article 31

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN879 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement DN158 de M. Pierrick Berteloot.

 

Compte tenu de l’avis défavorable du rapporteur, l’amendement DN750 de M. Jean-Marie Fiévet est retiré.

 

La commission adopte l’article 31 modifié.

 

La réunion, suspendue à dix heures quarante, est reprise à onze heures.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en arrivons aux articles 32, 33, 34 et 35, qui ont été délégués au fond à la commission des lois. En effet, deux commissions se sont saisies pour avis, la commission des finances et la commission des affaires étrangères, mais j’avais choisi de déléguer au fond quatre articles à la commission des lois. Je remercie la rapporteure pour avis Sabine Thillaye de son travail sur ces articles.

S’agissant d’articles délégués, l’usage veut que notre commission ne revienne pas sur la décision de la commission des lois. Nous devrons tout de même formellement voter les articles et je donnerai la parole à ceux qui souhaitent s’exprimer.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis de la commission des lois. La loi de programmation militaire dont nous débattons depuis le début de la semaine comprend un chapitre consacré à la sécurité des systèmes d’information, qui compte lui-même quatre articles. C’est ce sujet, qui concerne au plus près les libertés publiques, qui a fait l’objet d’une délégation à la commission des lois et j’ai l’honneur d’avoir été désignée rapporteure pour avis.

Les articles 32, 33 et 34 prévoient de créer de nouveaux dispositifs dans notre droit, tandis que l’article 35 prolonge les dispositions d’ores et déjà votées et éprouvées par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et les acteurs du numérique.

Ce texte témoigne de la difficulté parfois à légiférer. Il faut assurer la sécurité nationale contre des organisations qui n’ont plus rien à voir avec le gentil hacker qui trafiquait seul dans son garage. Ce faisant, les mesures prises doivent respecter la liberté d’entreprendre et ne pas créer de distorsions de concurrence. Enfin, nous devons veiller au respect des libertés fondamentales. Ces trois dimensions doivent être traitées de façon équilibrée.

L’article 32 permet à l’Anssi, en cas de menace susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale, de prescrire plusieurs mesures graduelles affectant les noms de domaine, en particulier leur blocage ou leur suspension.

Aux fins de détection et de caractérisation des attaques informatiques, l’article 33 permet aux agents de l’Anssi d’être destinataires des données techniques non identifiantes enregistrées sur les serveurs des fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine.

L’article 34 renforce les exigences de transparence qui s’appliquent aux éditeurs de logiciels en contraignant ces derniers à informer l’Anssi et leurs utilisateurs en cas de vulnérabilité significative ou d’incident informatique compromettant la sécurité de leurs systèmes d’information.

Enfin, l’article 35 prévoit plusieurs dispositions pour renforcer les capacités de détection des cyberattaques et l’information des victimes. En particulier, il devrait permettre à l’Anssi, en cas de menace grave sur les systèmes d’information des autorités publiques et des opérateurs stratégiques, de mettre en œuvre des dispositifs de recueil de données. D’autre part, ce même article rend obligatoire, pour les opérateurs de communications électroniques stratégiques, l’installation de systèmes de détection des attaques informatiques.

Quatre-vingt-onze amendements ont été discutés en commission des lois, dont t quarante-six ont été adoptés. L’ensemble de ces amendements s’inscrit dans un objectif de clarification et d’encadrement des prérogatives dévolues à l’Anssi.

 

Article 32 (examen délégué) (Art. L. 2321-2-3 [nouveau] du code de la défense) : Prescription par l’ANSSI de mesures affectant les noms de domaine en cas de menace susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale

 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. À l’article 32, la commission a souhaité que l’Anssi tienne compte, lorsqu’elle s’adresse à un titulaire de nom de domaine de bonne foi, de sa nature et de ses contraintes opérationnelles. Elle a assoupli le délai d’application des mesures de blocage en prévoyant une concertation préalable des opérateurs ainsi qu’un délai minimal de deux jours ouvrés. Elle a réduit la durée de conservation des données collectées et souhaité prévoir un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avant la prise du décret d’application de l’article.

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’ai déposé un amendement DN974 à l’article 35, qui a été adopté en commission des lois. Les pouvoirs qui sont conférés à l’Anssi ne sont pas anodins. On peut s’interroger sur les effets concrets qu’aura l’élargissement proposé. C’est pourquoi nous défendrons en séance la suppression de l’article 35.

Nous souhaitons également que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) rende un avis conforme préalablement à l’exercice de ces pouvoirs. La concurrence des cadres réglementaires invite à la prudence. La justification que vous avez avancée est louable – prévenir efficacement les attaques cyber contre les administrations publiques – mais le contrôle de ces pratiques devrait relever de l’Arcep et non de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui intervient pour les services de renseignement. Enfin, la Cnil n’a pas été consultée s’agissant de ces articles et aucun avis de l’Arcep ne nous a été communiqué. Nous serons donc très vigilants lors de l’examen en séance publique.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. Vous aurez remarqué que la commission des lois a pris la mesure du sujet et a souhaité circonscrire le périmètre de l’article 35. Les décrets d’application détailleront les mesures et la Cnil sera systématiquement sollicitée. De nombreuses garanties entourent cet article et rien ne justifie qu’il soit supprimé. Nous avons par exemple maintenu l’assermentation des agents de l’Anssi. Prenons garde, cependant, à ne pas confondre : l’Anssi n’est pas un service de renseignement.

 

La commission adopte successivement les amendements DN932, DN933, DN934, DN935, DN936, DN937, DN938, DN939, DN940, DN941, DN942, DN944, DN943, DN945 et DN947 de la commission des lois.

 

Elle adopte l’article 32 modifié.

 

Article 33 (examen délégué) (Art. L. 2321-3-1 [nouveau] du code de la défense) : Transmission à l’ANSSI de données techniques non identifiantes aux fins de détection et de caractérisation des attaques informatiques

 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. L’article 33 permet de transmettre des données non identifiantes à l’Anssi. La commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à préciser sa portée.

Ces amendements disposent en particulier que les prérogatives nouvelles offertes à l’Anssi se justifient par les seules finalités de garantie de la défense et de la sécurité nationale, que les données collectées au titre de cet article sont conservées pendant cinq ans, qu’elles ne peuvent comprendre les données relatives aux adresses IP source et, enfin, que le décret d’application de l’article est pris après avis de la Cnil.

 

La commission adopte successivement les amendements DN948, DN949, DN951, DN953, DN952, DN954 et DN955 de la commission des lois.

 

Elle adopte l’article 33 modifié.

 

Article 34 (examen délégué) (Art. L. 2321-4 [nouveau] du code de la défense) : Obligation d’information de l’ANSSI et des utilisateurs par les éditeurs de logiciel en cas de vulnérabilité significative ou d’incident informatique

 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. Dans le même souci d’assurer la proportionnalité du dispositif tout en maintenant son efficacité opérationnelle, la commission des lois a adopté plusieurs amendements à l’article 34. Elle a voulu préciser que les incidents informatiques nécessitant une information de l’Anssi sont ceux qui compromettent significativement la sécurité des systèmes d’information des éditeurs. Elle a souhaité restreindre l’obligation d’information qui s’applique à ces mêmes éditeurs, en la limitant uniquement aux utilisateurs professionnels dans un délai fixé par l’Anssi. Pour plus de clarté, la commission a voulu définir l’incident informatique et prévoir un avis de l’Arcep avant la prise du décret d’application, lequel devra préciser les critères d’appréciation du caractère significatif de la vulnérabilité ou de l’incident en fonction des pratiques et des standards internationaux communément admis.

 

La commission adopte successivement les amendements DN958, DN959, DN960, DN961, DN963 et DN964 de la commission des lois.

 

Elle adopte l’article 34 modifié.

 

Article 35 (examen délégué) (Art. L. 2321-2-1, L. 2321-3 et L. 2321-5 du code de la défense, art. L. 33-14, L. 36-7 et L. 36-14 du code des postes et des communications électroniques) : Renforcement des capacités de détection des cyberattaques et d’information des victimes

 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. À cet article, la commission des lois a souhaité préciser les modalités de recours à la technique de recueil de données en n’autorisant ce recours, ainsi que l’usage de marqueurs techniques, que pour garantir la défense et la sécurité nationales. La commission a également voulu que le décret d’application soit pris après avis de l’Arcep et de la Cnil et qu’il précise les informations et les catégories de données conservées dans le cadre du recueil de données. Enfin, elle a maintenu la procédure d’assermentation des agents de l’Anssi chargés de procéder au recueil, que l’article proposait de supprimer.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je remercie la commission des lois d’avoir adopté l’amendement DN974 dont je suis l’auteure et qui vise à maintenir l’exigence d’assermentation des agents de l’Anssi, ce qui est d’autant plus important que les pouvoirs de cette institution sont renforcés.

 

La commission adopte successivement les amendements DN971, DN965, DN972, DN966, DN974, DN967, DN968, DN969 et DN970 de la commission des lois.

 

Elle adopte l’article 35 modifié.

Après l’article 35

 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. La commission des lois a enfin adopté un amendement de M. Latombe, qui prévoit de nouvelles obligations de protection des données sensibles des opérateurs stratégiques. D’une part, il est imposé aux opérateurs d’intérêt vital et opérateurs de services essentiels de tenir une liste des traitements de données sensibles. D’autre part, ces mêmes opérateurs sont contraints de faire opérer les traitements de données sensibles par des sociétés établies au sein d’un pays de l’Union européenne.

Cet amendement est arrivé tardivement. J’y ai donné un avis favorable mais j’espère que nous trouverons une meilleure rédaction pour la séance.

M. Mounir Belhamiti (RE). L’intention est bonne, mais la rédaction mérite d’être revue. Le groupe Renaissance s’opposera à cet amendement.

Mme Josy Poueyto (Dem). Pour notre part, nous nous abstiendrons.

M. le président Thomas Gassilloud. Il est d’usage, et c’est le principe même de la délégation, que la commission qui est à l’origine de cette délégation suive la position de celle à qui elle a délégué l’examen d’une partie du texte. Il ne s’agit pas là pour autant d’un engagement politique et cela n’obère en rien notre liberté de voter comme nous l’entendrons lors de l’examen du texte en séance publique.

 

La commission adopte l’amendement DN973 de la commission des lois.

 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. On parle très souvent du lien armée-nation, mais nous avons également besoin de liens entre la commission de la défense nationale et des forces armées et les autres commissions permanentes.

 

Article 36

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en arrivons au dernier article de ce projet de loi, qui lui n’a pas été délégué.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels DN880, DN881, DN882, DN883, DN884, DN885, DN886, DN887 et DN888 de M. Jean-Michel Jacques, rapporteur.

 

Elle adopte l’article 36 modifié.

 

Mme Anne Genetet (RE). Je tiens à saluer l’excellente qualité des débats et à en remercier le président de notre commission. Je remercie également notre rapporteur et notre ministre pour leurs éclairages et leurs précisions très utiles. Le travail approfondi, serein et apaisé que notre commission a mené cette semaine, avec parfois des divergences de vues, mais qui n’ont jamais gêné le débat, a été un bel exemple d’exercice démocratique.

Le groupe Renaissance salue en particulier les nombreuses précisions apportées par le ministre à propos notamment de l’équilibre budgétaire subtil et délicat à atteindre et de l’objectif consistant à porter le budget de la mission Défense à 2 % du PIB entre 2025 et 2027. Des annonces ont également renforcé le texte, comme le plan « blessés » et l’arrêté publié juste avant nos débats qui met fin à la discrimination visant les personnes séropositives.

Nos débats ont également fait progresser texte sur d’autres axes. Nous avons ainsi réitéré notre engagement à poursuivre l’effort entrepris pour améliorer les conditions de vie des militaires et des civils de la défense, ainsi que celles de leurs familles. Des efforts significatifs, avec notamment l’amendement de notre collègue Chenevard sur la partie indiciaire de la rémunération, ont été engagés pour remporter la bataille indispensable de l’attractivité et de la fidélisation de ces métiers.

Pour ce qui concerne également le visage de nos armées, nous avons rappelé, répété et inscrit dans la loi notre ambition d’une plus grande diversité et d’une meilleure représentation des femmes et de nos concitoyens ultramarins.

Nous avons également renforcé la crédibilité de nos armées avec des moyens renforcés et amplifiés – malgré les débats que nous avons eus sur ce dernier terme.

Nous avons réaffirmé, avec les moyens que nous avons votés cette semaine, la fiabilité de notre pays auprès de ses partenaires et alliés de l’Union européenne et de l’Otan.

Nous avons aussi réaffirmé nos ambitions pour nos armées à l’international, en consacrant dans le texte la fonction stratégique « influence » et en promouvant la mobilité internationale des militaires. Je vous remercie, Monsieur le ministre, d’avoir accordé une grande attention à ce point important, source de reconnaissance pour nos militaires. Nous avons ainsi rappelé que la France est un acteur clé de la défense de l’Europe, tout en restant un allié loyal et exemplaire au sein de l’Otan, en vue du renforcement du pilier européen de cette alliance.

Nous avons, et je remercie Christophe Blanchet pour les nombreux amendements qu’il a portés en ce sens, renforcé notre ambition pour les réserves en intensifiant leur emploi et en soutenant leur engagement.

Nous avons renouvelé notre ambition pour notre BITD, en inscrivant dans le texte plusieurs objectifs, dont l’amélioration de son financement et le soutien aux petites et moyennes entreprises, notamment à celles qui sont innovantes, car l’innovation vient souvent des petites structures. Nous avons également souligné l’importance de la relocalisation des filières stratégiques, des moyens de production et des savoir-faire sur le territoire national, ainsi que du développement et de la protection des filières souveraines dans divers domaines tels que le quantique.

Nous avons encore consolidé le contrôle des investissements étrangers et de la lutte contre les tentatives d’ingérence étrangère et de manipulation de l’information.

L’information et le contrôle du Parlement ont également été renforcés par nos travaux, que ce soit au moyen des rapports programmés, du vote du Parlement sur l’actualisation prévue à l’article 7 ou des précisions apportées aux articles 8 et 9.

Enfin, nous avons rappelé l’impact du changement climatique et notre souci de le prendre en compte dans la stratégie militaire française.

Nous sommes convaincus de la cohérence entre les engagements budgétaires présentés ici, les moyens déployés et le calendrier retenu. Le groupe Renaissance votera donc cette loi de programmation militaire qui nous permettra de conforter nos fondamentaux, de transformer nos armées pour conserver notre supériorité opérationnelle, de renforcer la cohérence, la préparation et la réactivité des armées françaises et d’améliorer les conditions de vie et de travail des militaires et des civils de la défense et de leurs familles.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je tiens moi aussi à souligner la qualité des débats. Ayant eu l’occasion de siéger dans d’autres commissions, je peux témoigner que les joutes y sont parfois beaucoup plus politiciennes qu’ici où, malgré quelques écarts, nous avons eu des discussions de fond très intéressantes. C’est du reste normal, car l’examen d’une feuille de route de sept ans pour nos armées est un sujet important.

De nombreux points restent toutefois en suspens, suivant le souhait de M. le ministre de réétudier certains amendements. Ne mettons donc pas la charrue avant les bœufs : notre groupe ne se prononcera sur cette loi de programmation militaire que lorsque nous aurons étudié l’ensemble de ces amendements. Il est en effet important de bien placer le curseur en termes de financement, avec le cadencement et les marches, en termes de ressources humaines, avec les questions touchant aux indices, aux familles et au logement des militaires, et en termes de coopération avec nos partenaires européens, malgré les limites qu’ont fait apparaître les travaux de notre commission.

Pour toutes ces raisons et par respect pour le travail constructif que nous avons accompli, nous déterminerons dans l’hémicycle notre vote sur cette loi de programmation militaire. Nous nous abstiendrons aujourd’hui, sans qu’il faille toutefois interpréter cette abstention au-delà des raisons que je viens d’exposer.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Nous travaillons sur ce texte depuis maintenant trois jours et sans doute aurions-nous pu le faire dans de meilleures conditions encore, en prenant davantage le temps pour chaque sujet. Il s’agit en effet d’un texte qui engage la nation pour sept ans, avec des budgets très importants – 413 milliards d’euros. La question se posera donc à nouveau en séance.

Certes, le ministre a apporté des réponses, mais il en a également renvoyé de nombreuses à l’examen du texte en séance publique, admettant lui-même que le rapport annexé pouvait être enrichi et amélioré, ne serait-ce que parce que les négociations sont encore en cours avec les industriels. Je ne sais pas si le travail de préparation de cette LPM a été précipité, mais le fait est que nous devrons procéder en séance à ces enrichissements et précisions, par exemple dans le domaine de l’optique spatiale, où la question du capacitaire entre 2030 et 2032 n’est toujours pas réglée. Nous espérons que le ministre fera les annonces qu’il nous a promises.

Si le travail sur la LPM n’a pas été précipité, peut-être son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée l’a-t-elle été quelque peu. Peut-être eût-il mieux valu attendre quelques jours la fin des négociations avec les industriels, ce qui aurait permis de nous présenter un document complet et précis. L’examen du texte en séance, pendant quinze jours, nous permettra certainement d’apporter ces précisions – de vérifier que le SNU ne fait pas planer un danger sur la LPM, que le financement des patchs est bien assuré. Surtout, nous pourrons échanger avec l’ensemble de nos collègues, notamment les membres de la commission des affaires étrangères, à propos de notre vision stratégique du monde, afin de déterminer quel modèle d’armée y est le plus adapté. Ce débat intéressant mettra au jour plusieurs projets alternatifs.

Pour élaborer une LPM, il n’était, selon nous, pas nécessaire d’aller aussi vite que le Gouvernement a voulu le faire. En tout état de cause, au vu des incertitudes qui demeurent et des questions qui ont été renvoyées à la séance, il est impossible pour notre groupe de se prononcer sur ce texte. Nous ne participerons donc pas au vote.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Le parti des héritiers du général de Gaulle ne peut évidemment pas s’opposer à une loi de programmation militaire qui prévoit une augmentation de 30 % des budgets. C’est une loi qui préserve l’essentiel, la dissuasion, une loi de cohérence et une loi qui préserve les grands programmes.

Je regrette toutefois, comme je l’ai également écrit dans la presse, que la situation de nos finances publiques ne nous permette pas de faire mieux. À ce stade, ce sont donc les débats qui se tiendront en séance publique qui détermineront la position de notre groupe. À titre personnel cependant, compte tenu des avancées obtenues, notamment hier, et de l’écoute dont ont fait preuve le rapporteur et le ministre, je voterai pour ce texte en commission.

Mme Josy Poueyto (Dem). Je salue l’excellente tenue de nos débats tout au long de l’examen du texte par notre commission. Je tiens aussi à remercier M. le ministre d’avoir été en permanence à nos côtés et d’avoir été aussi percutant et convaincant dans ses explications, en recherchant constamment la coconstruction – et avec un style tout personnel.

J’associe à mes remerciements le rapporteur, le président et l’ensemble des collaborateurs des cabinets et de chacun des groupes de notre commission, ainsi que les administrateurs qui, par la qualité de leur travail, nous ont permis de débattre en connaissance de cause et avec objectivité.

Rendez-vous maintenant dans l’hémicycle, où le groupe Démocrate votera ce texte sans états d’âme et avec enthousiasme. Nous formons le vœu que cette LPM ambitieuse et historique soit adoptée avec la majorité que méritent nos armées, notre BITD et toutes celles et tous ceux qui s’engagent professionnellement, civilement ou volontairement. C’est la juste reconnaissance que nous leur devons et je ne doute pas que nous en serons tous conscients.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés tient lui aussi à souligner la qualité de nos débats. Nous avons particulièrement apprécié, Monsieur le ministre, votre disponibilité durant l’ensemble des travaux et le respect des prises de parole de tous les membres de notre commission, dans leur diversité. Chaque suggestion et proposition d’amendement mérite en effet d’être débattue et nous sommes très attachés au respect de chacune.

Cette loi de programmation militaire est fondamentale pour notre nation et c’est la raison pour laquelle notre groupe s’est particulièrement investi dans ces travaux. Cet engagement pour sept ans appelle une réflexion qu’il ne faut pas prendre à la légère, qu’il s’agisse du volet financier ou des dispositions normatives. Le groupe socialiste est en outre particulièrement attaché aux garanties concrètes qui nous seront fournies quant à la condition des militaires et des personnels de la défense.

Nous réservons notre vote en séance, compte tenu des nombreuses clauses de revoyure que vous avez proposées tout au long des débats. Vous avez pris, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, plusieurs engagements à propos des amendements que nous allons retravailler, et nous sommes donc dans l’attente des garanties correspondantes. Notre groupe s’abstiendra donc lors du vote en commission.

Je dois enfin exprimer notre inquiétude à propos du temps dont nous disposerons avant la date et l’heure limite de dépôt des amendements, car le jour férié que compte la semaine prochaine est un handicap qui obligera nos équipes à travailler dans des délais restreints.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Mes collègues du groupe Horizons et moi-même tenons à remercier chaleureusement notre président et notre rapporteur, ainsi que le ministre, qui a étroitement associé les parlementaires à la réflexion sur ce texte, ce qui a permis d’alimenter très sainement notre débat. Je remercie également tous les collaborateurs des députés et des groupes, ainsi que les administrateurs de l’Assemblée.

La tenue de ce débat a été exemplaire, comme l’ont déjà noté les orateurs précédents. Elle n’est pas indigne des femmes et des hommes de nos armées, militaires et civils de la défense. Souhaitons que cette bonne tenue inspire également les débats qui se tiendront en séance publique dans l’hémicycle.

Nous avons sous les yeux un texte sérieux et cohérent, à la hauteur du défi de la modernisation qui attend nos armées. Le groupe Horizons le votera donc en l’état.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Le groupe Écologiste-NUPES s’abstiendra, en espérant qu’un travail sera mené d’ici à la séance publique. Je soulignerai cinq points et ferai une remarque.

Tout d’abord, nous contestons certaines orientations stratégiques. La première est la dissuasion nucléaire, dont le coût pèse très lourd dans le budget, sans même parler de son coût éthique et moral.

La deuxième est la construction d’un nouveau porte-avions, qui grève elle aussi lourdement le budget pour une dépense de pur prestige. Ce porte-avions sera peu opérationnel, puisqu’il en faudrait trois pour assurer la permanence à la mer. Nous ne disposons pas du budget nécessaire à cette fin, et celui qui sera construit ne disposera même pas des bâtiments que réclame la marine pour lui assurer une plus grande agilité et une plus grande présence à la mer, notamment aux abords des outre-mer.

Je ne vois guère comment nous pourrions trouver d’ici à l’examen du texte en séance un point d’accord sur ces deux orientations que nous contestons. Assumons donc ce désaccord.

Nous pourrions peut-être progresser sur trois autres points.

Le premier est l’affirmation d’une autonomie stratégique européenne comme une fin en soi et comme le moyen de l’indépendance de la nation. Il s’agit là d’un objectif civilisationnel en soi, mais aussi d’un objectif d’efficacité, comme le montrent les réflexions de ma collègue Cyrielle Chatelain à propos des chaînes de production. En un mot, nous ne devons pas avoir la construction européenne honteuse.

Le deuxième est le contrôle parlementaire. Nous devons progresser dans la réduction de l’opacité, critiquée notamment par Amnesty International, et dans la prise en compte des droits humains lors des ventes d’armes. Nous devons éviter de reproduire des situations telles que celle nous avons connue en Égypte ou lors de l’utilisation au Yémen des armes que nous avions vendues à l’Arabie saoudite.

Le troisième est la prise en compte de la menace que représente le dérèglement climatique. La commission de la défense pourrait voir là un projet fédérateur pour notre pays : lutter contre le dérèglement climatique est beaucoup plus intéressant qu’un SNU stérile, hyper-coûteux et qui est, au fond, un caprice et inutile et une charge pour nos armées. Favoriser l’engagement volontaire pour la protection de la planète et des humains dans le cadre d’une réserve ou d’un service civique contribuerait à élever la force morale de la nation, à agir concrètement contre le dérèglement climatique et ses effets, qui touchent d’abord les plus vulnérables, et à décharger l’armée de missions de sécurité civile qui lui sont souvent confiées pour lui permettre de se consacrer à la défense du pays.

Une remarque, enfin : je salue les travaux menés au sein de cette commission car, pour en changer parfois, je peux témoigner que l’ambiance n’est pas toujours la même ailleurs – je pense en particulier à la commission des affaires économiques. Je salue également la présence et la disponibilité du ministre, ainsi que les réponses qu’il a apportées à nos questions – certes pas assez favorables, mais c’est le jeu. Une telle présence n’est cependant pas la norme sous l’actuel gouvernement, qui gagnerait à s’en inspirer.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis. Je souscris à tout ce qui a été dit à propos de la bonne tenue des débats. J’espère que ceux que nous aurons en séance seront aussi respectueux, pour nous permettre de confronter nos idées. C’est en effet de cette confrontation que vit la démocratie : si nous avions tous les mêmes idées, nous ne pourrions pas trouver de solutions à nos problèmes.

J’espère aussi que nous trouverons en séance, à propos du chapitre 5, le bon équilibre entre la sécurité nationale, nos libertés fondamentales et la facilité d’entreprendre laissée à nos entreprises. Un tel équilibre est toujours très difficile à trouver et nous devons savoir où placer le curseur.

Je vous remercie également de la confiance que vous nous avez accordée pour examiner un chapitre qui n’est pas facile, car très technique. Je prévois d’ailleurs de rendre prochainement visite à l’Anssi pour voir in situ comment elle fonctionne.

M. Jean-Michel Jacques, rapporteur. La cinquantaine d’auditions auxquelles j’ai procédé, soit avec la commission soit en tant que rapporteur, m’a permis de prendre conscience de l’examen approfondi dont la préparation de cette LPM a fait l’objet de la part des services du ministère. Je salue ce travail. Je tiens également à vous remercier chaleureusement pour la tenue de ces débats et les échanges nourris que nous avons eus, marqués parfois par des désaccords, mais la plupart du temps très respectueux. Merci également à l’administration de l’Assemblée nationale qui a géré et accompagné ce débat. Mes pensées vont à toutes les femmes et tous les hommes qui travaillent pour le ministère de la défense, qu’ils soient militaires ou civils. Ce projet de loi dessine l’avenir de notre pays et la manière dont nous l’avons traité fait honneur à nos responsabilités.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Trois remarques au terme de cette semaine de débats. Le travail en commission avait, en réalité, démarré bien avant, avec les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé. Les travaux menés en commission à propos des crédits pour 2023 avaient également commencé à aiguiller la réflexion sur différents sujets, et l’ensemble des contributions parlementaires ont été utiles dans la préparation du texte initial.

Le texte ne sort cependant pas de commission comme il y est entré. Des précisions très utiles ont été apportées, tantôt techniques, tantôt budgétaires, tantôt militaires ou industrielles, et parfois aussi politiques. Toutefois, un important travail d’écriture reste à faire.

Je suis très heureux de faire ce travail avec vous, car ce n’est pas par hasard que l’on est membre de la commission de la défense ou ministre des armées : il y faut un goût, une appétence, et nous avons tous envie de bien faire.

J’ai toutefois une petite appréhension quant à la qualité des débats que nous aurons dans l’hémicycle, où je redoute une volonté de récupérer le texte à des fins plus politiques, au détriment peut-être d’une approche de fond. Je serai bien sûr à la disposition du Parlement et je ferai avec, mais je suis obligé de constater qu’entre les échanges menés en conférence des présidents ou en amont de l’étude d’impact et la qualité des débats que nous avons eus cette semaine, il y a deux ambiances radicalement différentes, qu’on ne peut ignorer. Que ce soit en matière de défense nationale ou de finances publiques, il est évidemment bien plus facile de travailler avec des personnes qui connaissent le dossier et qui ont vraiment envie d’avancer. J’espère donc que nous pourrons conserver cet état d’esprit, car nos armées ne méritent pas une surpolitisation déconnectée des questions de fond.

En deuxième lieu, il est très étonnant de constater que nos échanges ont porté sur des points certes pas mineurs, mais qui restent des modules accessoires de l’ensemble du texte, alors qu’il existe entre nous des divisions et des désaccords certes sains en démocratie, mais beaucoup plus clivants, brutaux et profonds qu’on ne le croit. Je ne peux pas ne pas voir que les échanges de cette semaine, par ailleurs intéressants et de bonne qualité, actent des divergences profondes quant aux relations extérieures, aux coopérations multilatérales et bilatérales ou aux organisations politiques et militaires dont la France est membre. Cela ne date pas d’hier, mais il faut l’assumer jusqu’au bout, et nos concitoyens doivent être éclairés à ce propos.

Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, nous ne pouvons pas déconnecter le format des armées françaises de nos alliances et des missions que nous voulons leur confier. Quelque intérêt que l’on ait pour les courbes, les marges frictionnelles et les recettes extrabudgétaires, ce qui fait, au bout du compte, le format de l’armée, c’est ce que le pouvoir politique en attend. Cette question n’a pas été traitée jusqu’au bout en commission, mais elle a été entendue et elle mériterait d’être approfondie. De fait, nous n’aurons pas la même armée selon que la France appartiendra ou non à l’Alliance atlantique, qu’elle possèdera ou non la dissuasion nucléaire ou qu’elle agira seule par principe ou acceptera de le faire avec d’autres. Bref je suis frappé de constater combien nous pouvons gratter sur certains détails tout en perdant de vue l’essentiel.

M. Bayou a rappelé plusieurs points sur lesquels nous ne convergerons pas. Au moins, comme je l’ai dit plus tôt à M. Roussel, vous n’avancez pas masqués. Sur les questions européennes et d’autres, je vous souhaite de bonnes conversations au sein de la NUPES. Je le dis sans malice. C’est le fruit d’un héritage politique : ainsi, chez les communistes, on est cohérent depuis 1960 ; dans le nom Europe Écologie-Les Verts, il y a « Europe ». On voit bien que les débats cachent des divergences beaucoup plus profondes. Néanmoins, en tant que citoyen et élu de l’Eure, je suis triste que nos concitoyens, en votant aux élections législatives, n’aient pas vu que les positions étaient aussi peu claires et aussi divergentes sur ces sujets de fond.

En troisième lieu, le travail doit continuer. J’ai pris de nombreux engagements ici, que je tiendrai bien évidemment. N’hésitez pas à nous relancer le cas échéant : si je n’avais pas voulu tenir ces engagements, je ne les aurais pas pris.

Il y a dans la rédaction du texte un enjeu de légistique : mieux la loi sera écrite en amont, moins nous risquons de décevoir en séance. En outre, plus ce travail sera mené autour du rapporteur, plus le texte pourra être affiné – ce qui ne limite évidemment pas la faculté des différents groupes de proposer leurs propres amendements, car il est très important pour la démocratie que chacun puisse marquer sa position. La rédaction finale doit être la plus propre possible, car nous ne reviendrons pas sur cette loi de programmation militaire d’ici longtemps – sauf à élaborer un texte dans la précipitation, ce qui n’est absolument pas le cas de celui-ci.

Je m’efforcerai pour ma part, dans un souci de clarté, de vous communiquer le plus vite possible les amendements du Gouvernement. Ils porteront notamment sur le service de santé des armées, les coopérations et le volet du rapport annexé plus spécifiquement consacré à l’aide à l’Ukraine. Je me suis engagé à avancer sur plusieurs sujets et ce sera, je l’espère, une base qui nous permettra de converger.

Merci en tout cas pour l’accueil que vous m’avez réservé cette semaine.

M. le président Thomas Gassilloud. Depuis mardi soir, après plusieurs mois de travail préparatoire et dans la continuité de nos expériences respectives, nous avons consacré trente heures de débat à l’examen de ce projet de loi de programmation militaire et aux 721 amendements en discussion.

Je remercie tout particulièrement le ministre pour sa pleine disponibilité, même pendant le Conseil des ministres. Je remercie à travers lui ses équipes, les secrétaires d’État, les armées, les directions et les services. Nous avons observé son degré d’expertise et bien noté qu’il assume pleinement et dans la transparence certaines positions, tout en restant ouvert à des apports, quelle qu’en soit l’origine.

Nous avons fait progresser notre défense nationale et fait vivre ensemble notre démocratie. Merci à tous d’y avoir pleinement participé.

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

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La séance est levée à midi.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Julien Bayou, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Benoît Bordat, M. Vincent Bru, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, Mme Lysiane Métayer, M. Emmanuel Pellerin, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, M. Philippe Sorez, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Christian Girard, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel