Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273) :
- Examen de l’avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et vote sur l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023 (Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis)..... 2
- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Aide publique au développement (Mme Nadège Abomangoli, rapporteure pour avis) 18
– Informations relatives à la commission ................ 32
Mercredi
12 octobre 2022
Séance de 9 h 00
Compte rendu n° 3
session ordinaire de 2022-2023
Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président
— 1 —
Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273) :
La séance est ouverte à 9 h 05
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous commençons, une semaine après l’audition de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’examen proprement dit du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Notre commission s’est saisie pour avis de neuf ensembles de dépenses, figurant pour la plupart dans la seconde partie du PLF, à l’exception du prélèvement européen, qui relève de la première partie.
Étant donné que, pour permettre au plus grand nombre d’entre nous d’assister aux débats dans l’hémicycle – nous sommes dans une tension constante entre la vie heureuse en commission et la vie dramatique en séance publique –, j’ai été contraint de programmer l’examen de nos avis sur trois mercredis matin, j’en appelle à la discipline de toutes et de tous pour respecter les temps de parole. Tenons-nous en à l’essentiel.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le premier des avis budgétaires que nous sommes appelés à émettre n’est pas le moindre, puisqu’il porte sur le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne.
J’indiquerai à titre liminaire que, pour 2023, le prélèvement sur recette au profit de l’Union européenne est évalué à un peu moins de 24,6 milliards d’euros, en diminution de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 2022. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de la contribution française. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la ressource fondée sur le revenu national brut et la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés, introduite dans le cadre de la nouvelle programmation 2021-2027.
Le budget européen pour 2023 est le troisième du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur les années 2021 à 2027. Ce cadre pluriannuel a prévu un plafond global de dépenses de 1 210 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans.
La contribution de la France au budget communautaire est un marqueur de l’appartenance de notre pays à l’Union européenne. Nous devons honorer nos engagements envers nos vingt-six partenaires. Cela donne d’ailleurs un caractère tout théorique à nos échanges puisque nous n’avons guère d’autre possibilité que de voter ce prélèvement, à moins, si vous me passez l’expression, de vouloir « casser la baraque européenne ».
Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Nous examinons pour avis l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE). Ce montant devrait être de 24,5 milliards d’euros.
Je commencerai par vous présenter la procédure suivie pour déterminer le budget de l’Union pour 2023.
Ce budget constitue la troisième annuité du dernier CFP, qui prévoit un plafond global de dépenses de 1 210 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans. Ce budget de long terme a permis à l’Union européenne de se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, quoique temporaire, qui s’est concrétisée par le plan de relance européen Next Generation EU. Conformément à l’article 312 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, chaque budget annuel doit s’inscrire dans les limites des dépenses fixées par le CFP. En pratique, les crédits sont habituellement prévus en dessous des plafonds du CFP, de manière à laisser une marge de manœuvre en cas de besoins non anticipés – ce qui est particulièrement important par les temps qui courent. Le projet de budget annuel est proposé par la Commission européenne avant d’être approuvé par le Conseil et le Parlement européen.
La Commission a prévu le 7 juin 2022 un budget de 185,6 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 166,3 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoute une enveloppe de quelque 113,9 milliards d’euros de subventions dans le cadre du plan de relance européen. Une fois encore, le budget annuel proposé par la Commission vise à réaliser des investissements importants dans le but de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, de stimuler la reprise économique, de préserver la durabilité et de créer des emplois. En outre, une part importante des fonds devrait être destinée à la lutte contre le changement climatique, conformément à l’objectif de consacrer 30 % des dépenses du budget à long terme et de l’instrument de relance à cette priorité politique.
La position du Conseil, approuvée le 13 juillet 2022 et formellement adoptée le 6 septembre 2022 par la voie d’une procédure écrite, est un budget de 183,95 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 165,74 milliards d’euros en crédits de paiement, inférieur donc à la proposition de la Commission. Le Conseil a en effet opté pour une approche prudente compte tenu de l’instabilité du contexte actuel, notamment en raison de la guerre en Ukraine. Le Conseil insiste sur la nécessité de conserver des marges de manœuvre budgétaires pour faire face aux incertitudes découlant des différentes crises en cours. La diminution par rapport à la proposition initiale de la Commission permettrait d’augmenter les marges de 1,6 milliard d’euros en crédits d’engagement et de 530 millions d’euros en crédits de paiement. La rubrique 7 du budget de l’Union, relative aux dépenses administratives, a été un point difficile dans la négociation entre les États membres du fait de l’ajustement salarial élevé – une hausse de 8,6 % – et des demandes d’effectifs supplémentaires formulées par le Parlement européen.
La présidence tchèque dispose maintenant d’un mandat pour négocier avec le Parlement européen le budget de l’Union pour l’année à venir. Cette procédure devrait aboutir dans le courant du mois de novembre.
J’en viens à l’analyse de la contribution française. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de celle-ci. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la TVA, la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) et, depuis le 1er janvier 2021, la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés.
La contribution française au budget de l’Union, composée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles, est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s’accroît dans les recettes fiscales nettes de l’État. Son montant a plus que doublé en quarante ans, passant, à périmètre constant, de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023. Cette évolution a logiquement suivi celle du budget européen dans le produit national brut (PNB) des États membres.
La loi de finances initiale (LFI) pour 2021 avait prévu une hausse significative du prélèvement européen, de l’ordre de 5,7 milliards d’euros, par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, en raison notamment du retrait du Royaume-Uni, alors deuxième contributeur net au budget européen, de l’Union européenne et de l’augmentation des dépenses requise pour répondre à la crise sanitaire : il était évalué à 27,2 milliards d’euros, contre 21,4 milliards en 2020. Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrivait dans cette lignée, avec une stabilisation du PSR-UE à hauteur de 26,4 milliards d’euros ; la LFI l’avait finalement fixé à 26,359 milliards d’euros, la diminution de 41 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances étant liée à la prise en compte du montant du budget annuel de l’Union européenne pour 2022 tel qu’adopté formellement par le Conseil et le Parlement européen à la faveur du compromis trouvé entre les deux institutions.
Au 30 septembre 2022, quatre projets de budgets rectificatifs ont été présentés par la Commission. Cumulés, les projets de budgets rectificatifs, ainsi que la budgétisation d’amendes et la variation de la contribution britannique au titre de l’accord de retrait conduisent à une baisse du PSR-UE. Sur la base des différents éléments disponibles à ce jour, ainsi que de divers ajustements techniques, la prévision a été diminuée de 1 418 millions d’euros par rapport à la celle inscrite dans la LFI pour 2022. Elle se trouve fixée à quelque 24,9 milliards d’euros. Cette baisse résulte principalement d’effets favorables en recettes qui compensent l’actualisation à la hausse des dépenses de l’Union du fait notamment de l’accueil des réfugiés ukrainiens. On peut ainsi mentionner les effets asymétriques en Europe de la reprise économique, qui se traduisent par une baisse relative de la part française dans le revenu national brut européen ainsi que dans la ressource TVA et, partant, à une réduction de nos clefs de contribution nationale ; l’augmentation des droits de douane versés au budget européen par suite de la reprise du commerce international ; un report de solde et diverses recettes – amendes et contribution britannique – plus importants qu’anticipé.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, l’article 25 évalue le montant du PSR-UE à 24,5 milliards d’euros. Cette estimation correspond à une diminution de 356 millions d’euros par rapport à l’évaluation révisée pour 2022. La stabilisation transitoire du PSR-UE, après le pic enregistré dans la LFI pour 2021, correspond aux facteurs précédemment évoqués.
La ressource RNB devrait représenter, en 2023, 75 % de la contribution française à l’Union européenne, la ressource TVA, 13 %, les ressources propres traditionnelles, une fois les frais de perception déduits, 8 %, et la contribution au titre des emballages plastiques non recyclés, 4 %. Cette dernière ressource reste inférieure aux autres mais commence à devenir significative.
Je terminerai mon propos sur un point d’actualité, concernant l’une des innovations du dernier CFP. Le budget de l’Union européenne est en effet désormais protégé, y compris à titre préventif, contre les violations des principes de l’État de droit grâce au règlement du 16 décembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021. Le nouveau régime permet de suspendre des engagements financiers ou des financements versés au titre du budget de l’Union, y compris dans le cadre de l’instrument de relance Next Generation EU, à un État membre si celui-ci commet une violation des principes de l’État de droit de nature à porter atteinte à la protection des intérêts financiers de l’Union.
Sur cette base des demandes d’information ont été formulées par la Commission à la Hongrie et à la Pologne. Elles portent, entre autres, sur la remise en cause de la primauté du droit de l’Union, le manque d’indépendance de l’autorité judicaire en Pologne, la faiblesse des règles juridiques encadrant la passation des marchés publics et l’inefficacité des services d’enquête en Hongrie.
À la suite de l’annonce d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le 5 avril 2022, de la mise en œuvre de ce mécanisme à l’encontre de Budapest, le collège des commissaires a adressé une lettre de notification déclenchant officiellement la procédure le 27 avril 2022, adoptant ainsi une approche différenciée entre la Hongrie et la Pologne. Cela a entraîné un dialogue qui a abouti à la proposition par la Hongrie d’une série de mesures correctives visant à répondre aux préoccupations de la Commission.
Bien que les mesures correctives présentées en août et septembre 2022 aient été jugées insuffisantes, la Commission a conclu qu’elles pourraient, en principe, être de nature à résoudre les problèmes soulevés, à condition qu’elles fassent l’objet de dispositions législatives et qu’elles soient effectivement mises en œuvre. Elle estime néanmoins qu’il subsiste à ce stade un risque pour le budget de l’Union. Aussi, à la suite d’une réunion exceptionnelle du collège des commissaires, le dimanche 18 septembre 2022, la Commission a émis une décision d’exécution en vue de priver la Hongrie de certains fonds européens par le moyen d’une suspension de 65 % des engagements au titre de trois programmes opérationnels de la politique de cohésion et d’une interdiction de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d’intérêt public dans le cadre de programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte. Cette décision doit être soumise au vote du Conseil, qui aura un mois pour décider d’adopter ou non les mesures proposées. Ce délai peut être prolongé de deux mois au maximum, en cas de circonstances exceptionnelles.
Afin d’aboutir à une issue favorable, le gouvernement hongrois s’est lancé dans une procédure accélérée de vote par le Parlement de tout un arsenal législatif. Ainsi, les 3 et 4 octobre derniers, l’Assemblée nationale hongroise a adopté plusieurs textes, dont une loi sur le contrôle de l’utilisation des fonds de l’Union européenne qui établit notamment une « Autorité de l’intégrité », une loi modifiant le code de procédure pénale révisant les règles de la procédure d’appel en cas de délits graves liés à la corruption, à des détournements de fonds ou à des malversations, et une loi renforçant les obligations de consultation publique dans le processus d’élaboration législative, et elle a réformé deux lois de 2015 et de 2021 relatives à la gestion des fondations d’intérêt public, en soumettant celles-ci à l’obligation de passer des appels d’offres publics. Ces mesures doivent être saluées, même si elles comportent encore des lacunes et appellent une grande vigilance quant à leur mise en œuvre. Par ailleurs, d’autres évolutions législatives sont attendues.
En conclusion, je rappelle que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et ses déclinaisons annuelles constituent la traduction budgétaire des priorités politiques de l’Union européenne au service de ses citoyens. Ces instruments visent à donner à l’Europe les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique.
Les évolutions récentes en matière budgétaire, qu’il s’agisse de l’instrument de relance européen ou de la mise en place d’une protection contre les violations de l’État de droit, ont vocation à renforcer l’Union et notre capacité d’action collective dans un monde en crise.
Je vous propose de nous prononcer en faveur de l’adoption de l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, madame la rapporteure, de vous être avancée, avec le courage de Dante et Béatrice réunis, dans la « selva oscura » des finances de l’Union européenne. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Hadrien Ghomi (RE). Félicitations, madame la rapporteure, pour cet exposé très complet.
L’avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est l’occasion de souligner une fois de plus la nouvelle dimension acquise par l’Union européenne au cours de ces dernières années. Rappelons qu’en réponse aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19, elle a su se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, qui s’est concrétisée sous la forme du plan de relance européen Next Generation EU. D’un montant de 750 milliards d’euros, à raison de 360 milliards de prêts aux États membres et de 390 milliards de subventions, ce plan a permis aux États membres d’investir massivement et de concert afin de relever les défis de long terme auxquels est confronté notre continent. Les nouveaux chocs que nous subissons doivent être autant d’occasions de nous dépasser.
À cet égard, il convient de saluer le fait que le budget européen continuera, pour une large part, de financer la lutte contre le changement climatique. Cela démontre qu’en dépit du défi de la souveraineté énergétique auquel les États sont confrontés par suite de la guerre en Ukraine, l’Union européenne fait le choix de ne pas renoncer à son ambition écologique et à l’objectif d’une réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Plus que jamais le principe d’une autonomie stratégique européenne apparaît comme une nécessité pour faire face aux troubles de la scène internationale. L’agenda de Versailles, élaboré sous l’impulsion de la présidence française de l’Union européenne, constitue à cet égard une base solide pour avancer vers le renforcement de notre défense collective.
Défendre l’État de droit, c’est promouvoir et soutenir nos valeurs démocratiques dans notre voisinage proche et à l’extérieur de nos frontières, tout autant que dans notre communauté d’États. De ce point de vue, la procédure de protection du budget contre les violations de l’état de droit mérite d’être saluée.
Le groupe Renaissance le dit clairement : nous ne transigerons pas avec nos valeurs. N’en déplaise à certains, nous réaffirmons que notre avenir se joue au sein de l’Union européenne, aux côtés de nos partenaires, avec une France qui sait tenir son rang et assumer son rôle de locomotive, comme elle l’a montré tout au long de la présidence du Conseil. Le prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne y contribue pleinement, c’est pourquoi nous voterons en sa faveur.
M. Michel Guiniot (RN). Notre pays est le deuxième contributeur au budget global de l’Union européenne, derrière l’Allemagne. Après avoir augmenté de plus de 20 % en dix ans, notre participation est en légère baisse pour la deuxième année consécutive. Mon groupe pourrait se réjouir de cette diminution ; malheureusement, ce n’est qu’un leurre : dans le projet de loi de finances, la contribution de la France est évaluée à 24,6 milliards d’euros pour l’année 2023, mais la loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative aux ressources propres de l’Union prévoit qu’elle s’élèvera à 31 milliards d’euros en 2027. Selon ces prévisions, notre contribution augmenterait de plus de 70 % en dix ans. Il n’est donc pas envisagé de réduire notre apport au budget européen.
Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie : nous payons beaucoup trop par rapport à ce que nous recevons de l’Europe. En cinq ans, notre contribution nette a plus que doublé : elle était de 4,3 milliards d’euros en 2017 et, avec le président Emmanuel Macron à la tête du pays, elle atteint quasiment 10 milliards. Selon notre analyse, c’est autant d’argent que nous versons en trop chaque année au budget européen.
Rien ne sert d’augmenter la part de notre contribution alors que les institutions européennes démontrent leur inefficacité – il n’est qu’à observer la crise de l’énergie, ou encore le fait que l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) a été pointée du doigt par la Cour des comptes européenne pour son manque d’efficacité. Cet argent versé à l’Union européenne ne produit vraiment pas les effets espérés. Cette Union européenne, dont de nombreux peuples ne veulent pas – ou plus – était censée amener le bonheur en Europe. Ce n’est absolument pas le cas. Cerise sur le gâteau, la guerre est de retour sur le vieux continent et frappe à notre porte. Nos enfants connaîtront-ils la paix ?
Pour toutes ces raisons – et il y en aurait beaucoup d’autres –, nous ne voterons pas ce budget.
M. Michel Herbillon (LR). Je salue le travail de Mme la rapporteure, qui éclaire un peu notre commission sur les procédures européennes, marquées par de nombreux allers-retours. En comparaison, les subtilités byzantines s’apparentent à des romans de la comtesse de Ségur…
L’article 25 du PLF pour 2023 a été adopté jeudi dernier, sans débat ni modification, par la commission des finances.
L’avis de Mme Clapot s’attache principalement à mettre en évidence l’action de l’Union européenne et indique très justement que la contribution de la France est en constante et nette progression depuis plus de vingt ans – l’augmentation est particulièrement marquée depuis le départ du Royaume-Uni, malgré une légère baisse cette année.
La question des nouvelles ressources propres de l’Union européenne demeure entière. Le 22 décembre 2021, la Commission européenne a proposé d’inclure au budget global de l’UE trois nouvelles ressources qui devraient produire jusqu’à 17 milliards d’euros par an. Ce montant est cependant insuffisant pour couvrir les besoins, notamment ceux en lien avec les mesures engagées par l’UE dans le cadre du dispositif de relance Next Generation EU, étant entendu, par ailleurs, que les sommes levées sur les marchés devront être progressivement remboursées à partir de 2028.
Ainsi, en 2021, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au système des ressources propres de l’Union européenne, j’avais expliqué, en tant qu’orateur du groupe Les Républicains, que nous accordions un soutien vigilant et exigeant à ce dispositif : un soutien en faveur de la création de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne, mais un soutien vigilant et exigeant pour ne pas alourdir la pression fiscale sur les consommateurs européens et pour ne pas tomber dans la spirale de l’endettement. Si la réforme des ressources propres n’est pas suffisante pour rembourser les emprunts contractés par la Commission européenne, ce sont bien les États membres qui verront s’accroître leurs contributions respectives au budget communautaire. Pourriez-vous faire un point d’étape sur cette question des ressources propres, toujours évoquée mais jamais réglée ?
En ce qui concerne le dispositif de privation de fonds structurels du fait du non-respect de l’État de droit, vous avez indiqué que des négociations avaient eu lieu avec la Hongrie. Il serait souhaitable qu’elles se poursuivent, car plutôt que d’adopter une attitude extrêmement punitive, comme c’est le cas de certains parlementaires européens, il vaut mieux faire en sorte que la Hongrie corrige les dysfonctionnements. J’ajoute que, vis-à-vis de la Pologne, les critiques se font beaucoup plus modérées compte tenu de l’attitude exemplaire et même héroïque du gouvernement et de la population quand il s’est agi d’accueillir des réfugiés ukrainiens.
Sous la précédente législature, l’une de nos anciennes collègues avait inventé un ovni juridique et moral qui aboutissait à ce que la commission des affaires européennes de notre Assemblée se voie dotée d’une procédure d’alerte concernant les violations de l’État de droit. Heureusement, Les Républicains y avaient fait obstacle, soutenus ensuite par le président de l’Assemblée nationale. En effet, si nous devons rester très vigilants quant au respect de l’État de droit, la France n’est pas toujours en situation de donner des leçons.
Mme Sabine Thillaye (DEM). Je voudrais tout d’abord rappeler le soutien du groupe Démocrate aux Ukrainiens, qui ont été victimes une nouvelle fois de frappes multiples touchant des civils, y compris dans des villes situées loin du front. Ces événements montrent qu’il est essentiel que nous restions à leurs côtés. Nous en sommes conscients, du reste, comme en témoigne l’aide apportée par l’Union européenne à ce pays voisin depuis le début de la guerre. Vous indiquez dans le rapport que cette aide atteint d’ores et déjà 7,7 milliards d’euros. Si le conflit venait à perdurer, voire à s’aggraver, le montant devrait augmenter. L’aide à l’Ukraine n’est pas financée directement par le prélèvement sur recettes : elle relève de la facilité européenne pour la paix.
Pensez-vous qu’une révision du cadre financier pluriannuel doive être envisagée pour le mettre en adéquation avec les enjeux, ou bien peut-il rester en l’état ?
M. Guiniot disait qu’il n’y avait pas de résultats à espérer dans le cadre de l’Union européenne. Mais, comme le disait avec d’autres Alain Lamassoure, l’Union européenne est un géant aux pieds d’argile : avec un budget aussi réduit, il ne faut pas s’attendre à des miracles.
Des négociations sont en cours avec la Hongrie à propos du respect de l’État de droit. Ce pays finira-t-il par se plier aux règles et mener les réformes nécessaires ? Que se passera-t-il s’il ne le fait pas ? Que deviendront les fonds qui devaient lui être alloués ? Un mécanisme est-il prévu pour réorienter l’argent, par exemple au profit de la politique de sécurité et de défense ?
Je vous félicite pour votre travail, madame la rapporteure : il n’est pas facile de faire comprendre le fonctionnement du budget européen. Vous avez expliqué, notamment, que la diminution serait éphémère, puisque la Commission demande déjà une augmentation du budget de plus de 2 milliards d’euros, compte tenu de la situation internationale. De fait, nous devons nous y préparer : c’est une nécessité dans le contexte difficile que nous connaissons.
Communiquer autour des dépenses européennes, montrer ce que fait l’Union européenne au quotidien est une obligation légale. Or, on ne le fait pas suffisamment, même si, en France, le drapeau européen figure en tout petit sur les panneaux relatifs au plan de relance. Il faut informer davantage nos citoyens sur les politiques européennes et les financements qui en découlent.
L’échelle européenne est la seule qui soit adaptée pour faire face aux défis actuels. C’est pourquoi le groupe Démocrate soutiendra votre rapport et votera en faveur de l’article 25 du projet de loi de finances.
M. Alain David (SOC). Chaque année, notre commission est quelque peu associée aux travaux de nos collègues des finances en étant invitée à émettre un avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Celui-ci est évalué, pour l’année prochaine, à 24,5 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2022. Toutefois, sa part dans les recettes fiscales françaises a considérablement augmenté au fil du temps, passant de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023. En conséquence, la contribution de la France représente 17,8 % des ressources du budget européen, juste derrière l’Allemagne, dont la part s’élève à 23,7 %. Comprise depuis 2003 entre 15,9 % et 18,1 %, notre contribution par rapport à celle de nos partenaires reste stable.
En regard de cette contribution, les dépenses réalisées en France étaient de 15,8 milliards en 2020, soit 10,8 % des dépenses de l’Union européenne. En volume, la France est toujours le premier bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC) et le dixième bénéficiaire de la politique de cohésion ; elle reste également le premier bénéficiaire de la partie du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) consacrée aux ressources naturelles et du fonds européen de développement régional (FEDER).
Même si le fait de parler de juste retour ou de solde net n’est pas approprié – mon groupe n’a jamais goûté la phraséologie thatchérienne du « je veux récupérer mon argent » –, il convient de mentionner que la France est le deuxième contributeur net en volume du budget de l’Union européenne, à raison de 8,9 milliards d’euros, derrière l’Allemagne. Certes, cette manière très arithmétique d’envisager les choses a peu de pertinence au regard des effets collatéraux bénéfiques des politiques européennes mais le solde est encore amené à se dégrader du fait de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et de la fin de ses contributions au budget.
En conclusion, je signalerai deux points de vigilance.
D’une part, le budget de l’Union pour 2023 sera marqué par le plan de relance européen, doté de 750 milliards d’euros. Il conviendra d’être particulièrement attentif au comportement de certains États, comme la Hongrie, qui sont montrés du doigt en raison d’un risque de corruption et de détournements de fonds publics.
D’autre part, la participation de la France aux rabais dont bénéficient certains États membres est une source de déséquilibre financier. Alors que notre pays ne touche aucun rabais, il est le premier contributeur à ces mécanismes. La France participait déjà largement au versement du rabais sur la contribution britannique, qui d’ailleurs ne se justifiait plus. Cette question devrait faire l’objet d’une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Nous y serons vigilants.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). L’Union européenne doit continuer d’avoir les moyens de soutenir l’économie générale du continent, au lendemain de la pandémie de Covid-19 et alors que les crises se multiplient, avec les conséquences notables de la guerre en Ukraine – notamment le choc énergétique –, l’inflation ou encore le dérèglement climatique.
Il est difficile d’estimer le niveau du prélèvement sur recettes. Du reste, l’année 2020 nous a montré qu’en période de crise il pouvait varier dans des proportions importantes en cours d’exécution. Nous restons donc ouverts à la possibilité d’une révision de cette contribution. Le Conseil a d’ailleurs insisté sur la nécessité de conserver des marges de manœuvre dans le budget pour faire face aux nombreuses incertitudes découlant des crises.
Par ailleurs, le fait que la France soit un des principaux contributeurs nets d’un point de vue strictement financier ne doit pas occulter l’ensemble des avantages politiques et des externalités positives que l’appartenance à l’Union européenne nous confère. C’est le cas, par exemple, des fonds dont bénéficient directement les régions pour alimenter leurs projets.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de l’article 25 du PLF pour 2023. Comme le souligne fort justement Mme Clapot dans la conclusion de son rapport, il s’agit de donner à l’Europe « les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique ».
M. Aurélien Taché (ÉCOLO-NUPES). Mon groupe a toujours été favorable à une Europe intégrée, ayant les moyens de mener des politiques publiques aussi développées que possible dans un grand nombre de domaines. À cet égard, le prélèvement sur recettes est un outil indispensable. Nous soutiendrons donc l’article 25.
En revanche, j’appelle votre attention sur ce qui constitue l’un des principaux points noirs du budget européen, à savoir les sommes allouées à Frontex : 839 millions d’euros. Or la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen a refusé de valider les comptes de cette agence en raison de nombreuses violations des droits fondamentaux. Frontex est pointée du doigt depuis octobre 2020 par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et par des experts. Plusieurs garde-côtes ont été impliqués dans des incidents comme le refoulement de bateaux transportant des migrants, et des cas de corruption ont été révélés. Je ne peux donc que regretter que des sommes aussi importantes soient consacrées à Frontex, alors même que les fonds affectés à la transition climatique, notamment, sont très largement insuffisants, et que la crise en Ukraine nécessite des moyens supplémentaires. Le prélèvement sur recettes pourrait donc être utilisé autrement que pour financer une agence qui n’a démontré que son inefficacité et son manque d’humanité.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Malgré les 24,5 milliards du prélèvement sur recettes, nous continuons d’avoir de sérieux doutes quant à l’impact de l’Union européenne sur la vie des peuples.
La réforme de la politique agricole commune est une catastrophe complète : la nouvelle PAC n’aide pas nos agriculteurs à prendre le virage écologique, qui sera pourtant indispensable. Le manque d’ambition sociale et agro-environnementale de l’Union européenne – et de la France – dans ce domaine aura des répercussions catastrophiques à terme.
En matière de commerce international, l’Union européenne continue à promouvoir les accords de libre-échange à tout-va.
Le traité sur la charte de l’énergie promu par l’Union européenne est un danger pour l’écologie. Il faut le remiser au placard de l’histoire. Or cela n’avance pas. La preuve en est que l’État français est attaqué par une entreprise allemande du secteur photovoltaïque, qui refuse l’évolution des prix décidée par la France. C’est un véritable scandale. L’Union européenne est d’ailleurs sourde aux revendications des peuples à ce sujet : alors qu’un million de personnes ont signé une pétition visant à sortir de ce traité, personne à Bruxelles n’a accepté d’en débattre.
Il en va de même pour l’accord de libre-échange entre le Mexique et l’Union européenne : Bruxelles n’a pas entendu l’appel lancé par plus de 130 organisations de la société civile, qui expliquent clairement pourquoi cet accord sera nocif pour le climat, l’environnement, l’agriculture durable, les droits des travailleurs – et j’en passe.
Pour limiter les critiques, l’Union européenne s’est contentée de dévoiler, en juin, un plan selon lequel les futurs accords de libre-échange devraient respecter les conventions de l’Organisation internationale du travail et les accords de Paris. Les choses avancent un peu – encore heureux ! Mais mes collègues et moi-même ne comprenons pas pourquoi Bruxelles avait besoin d’une telle opération de communication, alors même que l’Union européenne a refusé de renégocier les accords en vigueur.
Outre le commerce, l’Union européenne se transforme en une forteresse militarisée : non seulement elle se protège contre les migrants avec Frontex – cet État dans l’État que nous voulons démanteler –, mais elle se prépare à faire la guerre. Nous ne cessons de répéter que lorsqu’une institution comme l’Union européenne n’est pas capable de parler d’une seule voix sur le plan diplomatique, elle ne pourra pas diriger correctement une armée. Les moyens réservés au matériel militaire devraient plutôt être consacrés à la diplomatie, à la culture et à la paix. Si nous investissions autant d’argent dans la paix que dans la guerre, peut-être aurions-nous plus d’espoir dans l’avenir.
En ce qui concerne la recherche de la paix, je ne peux pas ne pas évoquer l’accord avec le Maroc. La France, au sein de l’Union européenne, s’est acharnée à y intégrer le Sahara occidental. Les derniers jugements ont pourtant été clairs : le Sahara occidental n’est pas marocain et il va falloir se préparer à organiser l’interdiction de l’importation des produits issus du pillage des ressources sahraouies. L’Union européenne doit faire respecter le droit international – c’est le premier pas vers la paix.
Enfin, sur la forme, comment accepter que nous discutions d’un budget de près de 25 milliards en trois minutes en commission et en cinq minutes en séance, soit moitié moins de temps que les années précédentes ? Qui veut tuer le Parlement commence par réduire le temps de parole des parlementaires.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR, comme tous les ans, votera contre ce prélèvement sur recettes.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Si je devais résumer cette réunion, je dirais que nous payons toujours plus pour une politique catastrophique que nous ne maîtrisons même pas.
J’avoue ne pas comprendre comment on peut arriver à de telles dépenses sans le moindre contrôle. La contribution nette de la France était de 1 milliard d’euros en 2000, de 4,3 milliards d’euros quand Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir, elle a atteint 9,4 milliards en 2020 et elle pourrait être de 31 milliards en 2027, selon les prévisions. Cela veut dire, comme le soulignait notre collègue socialiste, que nous contribuons pour une somme quasiment deux fois supérieure à celle que nous recevons. La générosité est quelque chose de très sympathique, mais je croyais que nous étions à l’euro près. Vous lancez une réforme des retraites dans le but d’économiser 7 milliards, mais vous en donnez 10 chaque année à l’Union européenne.
Si c’était pour une bonne politique, à la rigueur, pourquoi pas, mais non : c’est pour signer des accords de libre-échange catastrophiques pour nous, dont le dernier en date, avec la Nouvelle-Zélande, a été négocié dans l’opacité la plus totale. La politique énergétique est, elle aussi, absolument dramatique – on voit, du reste, où elle nous a menés –, avec des subventions permanentes aux éoliennes, ce qui est une hérésie, et une lutte contre le nucléaire. L’Union finance également les délocalisations vers les pays de l’Est. En effet, ces États, auxquels nous versons des crédits, subventionnent des entreprises pour qu’elles installent leurs usines sur leur territoire. Autrement dit, les impôts des Français servent à attirer leurs emplois dans d’autres pays. Je ne parle même pas des milliards d’euros versés directement à M. Erdogan, sans aucun contrôle de la France, ou de la faiblesse de l’Union vis-à-vis des États-Unis lors de la négociation de l’accord relatif aux données et vis-à-vis de la Chine.
Pour toutes ces raisons, et aussi incroyable que cela semble, la politique qui est conduite n’est pas européenne. De surcroît, nous maîtrisons de moins en moins ce qui se passe. Le président Macron fait de la figuration. Dans l’affaire des rabais, nous nous sommes fait escroquer. Il a très mal négocié le plan de relance, car sans accord sur les ressources propres, la part des États est calculée en proportion de la contribution au budget, ce qui veut dire que ce plan à 40 milliards va nous en coûter 70. Mme Thillaye parlait de la visibilité de l’Europe ; eh bien, mettez dans les logos ce que tout cela va coûter aux Français !
Le président du Conseil européen a disparu, c’est Mme von der Leyen qui s’exprime au nom des peuples, alors qu’elle n’a aucun mandat en ce sens, et M. Macron la laisse faire. Qui plus est, elle est soupçonnée de collusion avec les laboratoires pharmaceutiques. Or elle refuse d’obéir à la demande de la Cour des comptes européenne de publier les SMS qui la lient au président de Pfizer. Dans le même temps, la Commission lance des oukases contre certains pays. Je ne défends pas la Hongrie, mais si le ministre de la justice de cet État était mis en examen chez lui, je pense que l’on entendrait beaucoup les eurocrates. Il est vrai que la France n’a pas beaucoup de leçons à donner avec M. Kohler et M. Dupond-Moretti… Quoi qu’il en soit, on voit bien que les positions de l’Union européenne sont purement politiques. Ce qui s’est passé après les résultats des élections en Italie en témoigne également.
En un mot, je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais vous allez voter près de 10 milliards d’euros de contributions nettes à une politique qui fait du mal à la France et qui n’est pas maîtrisée, alors même que vous demandez toujours plus de sacrifices à nos concitoyens.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Frédéric Petit. Je remercie la rapporteure pour son travail extrêmement pédagogique et intéressant.
Un orateur a fait référence à une citation célèbre : « I want my money back ». Or, les impôts, ce n’est pas comme une épicerie : ils alimentent le collectif. Tout le monde passe son temps à dire, par exemple en France, qu’il faut que ce soient les plus riches qui payent. Certes, mais ils récupèrent aussi, en proportion, la même chose que les autres. Si l’on raisonne comme dans une épicerie, on met à bas le principe même de l’impôt. L’idée selon laquelle il faudrait recevoir en retour n’a aucun sens si l’on y réfléchit deux minutes.
En ce qui concerne l’État de droit, il est très important de préciser que les violations en question concernent la bonne utilisation de l’argent européen. Il ne s’agit pas de sanctionner les décisions d’un État dans le domaine sociétal, par exemple.
M. Michel Herbillon. C’est factuellement faux !
M. Frédéric Petit. En revanche, le fonctionnement de la justice peut être incriminé. Dans une démocratie, par exemple, on ne peut pas juger les juges. De même, il n’est pas possible que les procédures en matière d’appels d’offres soient défaillantes.
Depuis cinq ans, les États mis en cause ont systématiquement corrigé les problèmes ou ont cherché à le faire.
Il a été question de casser la baraque. Mais, mes chers collègues, en votant contre cet article, vous ferez un peu comme la nuit dernière : vous casserez ce que vous prétendez réformer.
M. Michel Herbillon. Vous n’êtes pas là pour donner des leçons !
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne suis pas absolument convaincu, monsieur Petit, de la nécessité d’établir des analogies entre ce qui s’est passé la nuit dernière et ce qui se passe ici. J’espère, d’ailleurs, que nous garderons un peu plus de sérénité.
Mme Emmanuelle Ménard. Entre 2017 et 2027, la contribution de la France à l’Union européenne aura augmenté de 73,7 %. Une telle hausse pose évidemment question quand on sait que notre pays est contributeur net – ce qui signifie, concrètement, qu’il donne plus d’argent à l’Union européenne qu’il n’en reçoit sous forme d’aide. Depuis le Brexit, la France est le deuxième contributeur net au budget de l’Union européenne, derrière l’Allemagne. À l’heure où chaque euro compte, selon les mots du ministre de l’économie, et alors que la France s’apprête à verser 24,5 milliards d’euros, j’aimerais insister sur les termes « contributeur net », dont on parle assez peu au niveau européen, au point parfois de nous conduire à penser que l’Union européenne serait un jeu à somme positive dont tout le monde bénéficierait. Or il y a bien une différence entre celui qui donne plus qu’il ne reçoit et celui qui reçoit plus qu’il ne donne.
En décembre 2020, l’Union européenne a approuvé un plan de relance de 750 milliards d’euros, qui instaure une ressource propre de l’Union européenne et en promet d’autres. En attendant, c’est surtout un plan dont les emprunts sont cautionnés, et la France devra, une fois encore, rembourser plus qu’elle ne touchera. On nous explique que l’Union européenne participe à la relance française, puisque, au titre du fonds créé par ce plan, nous toucherons 39,4 milliards d’euros d’ici à 2026. Mais, selon les estimations, si la contribution de la France à l’Union européenne reste stable, le plan coûtera 70 milliards d’euros aux Français, au bas mot, car le remboursement des prêts est calculé en fonction de notre participation relative au budget européen. L’opération pourrait donc se révéler nettement défavorable. On me rétorquera probablement qu’il faut sortir de cette logique comptable et prendre en compte les engagements hors budget. Il n’en demeure pas moins que le constat pose une question, qui reste ouverte, naturellement : celle de la solidarité européenne et de son coût. Si je me sens profondément européenne, je me demande tout de même si la France a encore les moyens de ses ambitions.
M. Arnaud Le Gall. Au sein de mon groupe, nous n’avons strictement rien contre le principe de solidarité européenne, bien au contraire. Si ce principe s’appliquait aussi pour la répartition de l’impôt à l’intérieur de la nation, ce serait extrêmement positif… J’en appelle à nos collègues du groupe Renaissance : s’il est si important d’organiser, au niveau européen, la solidarité entre les États riches et ceux qui le sont moins, eh bien, faisons la même chose pour l’impôt au niveau national. Les gens s’y retrouveraient davantage. Puisque M. Petit s’est autorisé à établir un lien entre les votes de la nuit dernière et le débat d’aujourd’hui, je me permets quant à moi de faire cette observation.
La question n’est pas de savoir si la France est contributrice nette ou pas, mais quelle politique mène l’Union européenne. Or c’est là que réside le vrai problème : l’Union européenne une machine à « néolibéraliser ». Le néolibéralisme est inscrit dans la nature des traités régissant l’Union. On ne peut pas voter chaque année les budgets sans s’interroger sur l’usage qui en sera fait.
Pour ces raisons, et d’autres que nous expliquerons plus en détail en séance la semaine prochaine, nous voterons contre l’article 25.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je me permettrai, mes chers collègues, de faire une observation se fondant sur mon expérience personnelle. Certains d’entre vous savent que j’ai été, en un temps assez lointain, rapporteur général du budget de l’Union européenne au Parlement européen. Depuis lors, je n’ai plus le même regard sur les débats en commission relatifs à la contribution française au budget européen.
Plusieurs d’entre vous sont critiques à l’égard de la politique de l’Union européenne ; je les comprends. Ils ne partagent pas certaines options fondamentales, comme viennent de le rappeler, quoique sur des bases différentes, M. Le Gall et M. Dupont-Aignan. Il est normal que les adversaires de la politique de l’Union européenne soient critiques. Le problème est que les eurofervents, au nombre desquels je figure, sont quant à eux constamment frustrés. En effet, le contraste est important entre la clarté des missions de l’Union et le caractère obscur – je parlais tout à l’heure de « selva oscura » –, voire incompréhensible de la procédure budgétaire que nous subissons depuis des décennies.
D’une part, les missions géopolitiques de l’Union sont de plus en plus évidentes et impérieuses. Sur le plan technologique et économique, le continent doit se renforcer. Il importe qu’il préserve son indépendance ainsi que son rayonnement culturel et qu’il défende ses valeurs. Il doit affirmer sa solidarité envers ses voisins et déployer des efforts en matière de défense. Tous ces objectifs sont très clairs et devraient former la matière de nos débats.
D’autre part, cependant, les mécanismes régissant les ressources ne sont pas limpides. Du reste, celles qui sont proprement communautaires se réduisent. M. Petit l’a rappelé très clairement : le budget européen n’a pas pour objectif d’équilibrer les dépenses et les recettes de chacun, sinon il ne servirait à rien, il suffirait de dépenser chez soi – ce que pensent d’ailleurs certains de nos collègues. La question est de savoir quelle part nous accordons à la solidarité, quelle est la part des compétences que nous voulons transférer et celle que nous voulons maintenir au niveau des États.
La procédure budgétaire, quant à elle, est assez profondément biseautée. Même si le Parlement européen joue un rôle important, le budget résulte des décisions collectives du Conseil européen. Celui-ci est responsable, d’ailleurs, dans la mesure où ce sont les chefs d’État et de gouvernement qui le composent, mais il ne s’agit pas à proprement parler d’une procédure budgétaire : le budget est réglé par un arrangement entre les exécutifs.
Ces éléments produisent un sentiment de frustration dont il faut être conscient : l’Union européenne devrait faire des progrès dans le champ budgétaire et financier. J’ai le sentiment que, pour paraphraser la formule célèbre d’un écrivain antique reprise par La Rochefoucauld, les questions financières européennes sont comme le soleil et la mort : elles ne se peuvent regarder fixement. C’est bien dommage. Cela donne à nos débats un aspect fragmenté et les entoure d’une atmosphère de malaise absolument évidente.
Toutefois, cela ne m’empêche pas de considérer, premièrement, qu’il faut voter le prélèvement sur recettes, car c’est la clé du fonctionnement de l’Union européenne, et, deuxièmement, que le rapport de Mme Clapot est excellent.
Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir été aussi nombreux à participer au débat. Vos interventions illustrent la vitalité démocratique de notre Assemblée, et c’est très bien. Je me doutais que des oppositions à ma recommandation de voter en faveur du prélèvement sur recettes se feraient entendre, car, s’agissant de l’Europe, depuis plusieurs années, des projets différents sont présentés par les candidats à l’élection présidentielle – c’était encore le cas cette année.
Pour ma part, je crois au projet européen. Dans un monde confronté notamment à une très grave guerre d’agression, la voix de l’Europe doit être entendue. Nous pouvons influer sur la marche du monde. L’Europe peut faire face aux nombreux défis auxquels elle est confrontée – qu’il s’agisse de l’écologie, de la transition numérique, de la santé des populations ou encore de la nécessité d’une défense commune –, mais cela passe par la mutualisation et la redistribution. Ce matin, nous abordons les enjeux européens à travers la perspective financière, mais cela ne doit pas nous conduire à remettre en cause l’ensemble du projet européen, et il faut bien que ce projet ait des moyens.
Monsieur Guniot, je ne sais pas si je peux vous répondre car je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous avez dit. L’Union européenne a besoin de moyens, et ces derniers doivent être de plus en plus fondés sur des ressources propres.
Les externalités positives qu’apporte l’Union sont largement à la hauteur de la contribution de la France mais je ne sais pas si j’arriverai à vous en convaincre.
Monsieur Herbillon, vous avez évoqué, notamment, les nouvelles ressources propres. Nous progressons dans ce domaine, même si nous n’y sommes pas encore tout à fait. Lors des six premiers mois de l’année, la présidence française du Conseil de l’Union européenne a été l’occasion de pousser beaucoup plus pour aboutir. Compte tenu de la nécessité de rembourser les emprunts, il faudra avoir trouvé une solution d’ici à 2028.
Votre question me donne l’occasion d’énumérer de nouveau les pistes : il y a le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et le pilier I de la réforme de la fiscalité proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec une imposition des entreprises multinationales à 15 %.
M. Michel Herbillon. Où en sommes-nous ?
Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Je ne saurais vous le dire précisément. Les négociations sont en cours. Je ne suis pas sûre que la question soit traitée dans l’immédiat, compte tenu du calendrier et des propositions. Une telle négociation est une affaire de long terme. Quoi qu’il en soit, nous avons tout intérêt à ce qu’elle aboutisse. Je vous vois hocher la tête, mais il faut avoir confiance.
M. Michel Herbillon. Vous connaissez le proverbe chinois : « Il est plus tard que tu ne crois ».
Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Il pourrait y avoir également une contribution financière liée au secteur des entreprises et une taxe sur les transactions financières. Les négociateurs français et européens ont ces enjeux bien en tête mais il faut également tenir compte du fait qu’il existe des divergences entre les États membres.
Madame Thillaye, vous avez bien fait de rappeler la situation en Ukraine et notre soutien absolu à ce pays, dont les villes ont subi avant-hier un déferlement de bombardements à la suite des derniers revers infligés à la Russie, notamment l’explosion du pont de Kertch. Certains l’oublient parfois mais il existe un droit de la guerre, qui ne permet pas de bombarder massivement des civils. La Russie ne prend même plus la peine de donner de pseudo-justifications à ces bombardements en prétendant qu’ils visent des infrastructures militaires. Au nom de notre commission, je dénonce ces crimes de guerre et j’exprime notre soutien à la population ukrainienne.
Vous avez rappelé le montant de l’aide de l’Union européenne à l’Ukraine, soit 7,7 milliards ; heureusement que l’Union ajuste son budget pour dégager des marges de manœuvre au profit des personnes déplacées d’Ukraine ou du fonctionnement du pays. Dans l’ignorance de l’évolution de la situation, y compris après l’hiver, il faut se donner les moyens d’assurer ce soutien.
Les sommes destinées à la Hongrie et bloquées doivent être conçues comme un levier, qui est efficace. Je ne sais pas comment les choses se passeraient si nous ne parvenions pas à un accord – j’ignore si la situation s’est déjà présentée dans le passé –, mais soyons optimistes et considérons que, le cas échéant, l’Union aura su garder en réserve ces sommes, qui doivent profiter in fine au peuple hongrois, non être réinjectées dans le budget communautaire.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est arrivé avec des fonds structurels destinés à la Bulgarie : on séquestre l’argent, on ne le redistribue pas, et une fois l’affaire soldée, il est à la disposition du pays concerné.
Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Monsieur Taché, Frontex a été dans la tourmente. Vous ne serez peut-être pas d’accord, mais j’estime que l’Union européenne est en droit de protéger ses frontières, comme toute entité offrant certains avantages. Vu l’évolution de ces dernières années, le renforcement de Frontex – qui va en effet être doté de quelque 830 millions d’euros, mais aussi de 10 000 garde-frontières et garde-côtes – me semble intéressant.
Le 28 avril dernier, Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’agence, a démissionné. Beaucoup d’accusations ont alors été lancées de part et d’autre. Je pense comme vous que les valeurs de l’Union européenne, dont le respect du droit d’asile, doivent être respectées. Je suis donc opposée au refoulement a priori, qui, parce qu’il peut concerner des demandeurs d’asile persécutés dans leur pays, n’est pas conforme au droit international. Néanmoins, Frontex doit avoir des moyens, et je ne fais pas de lien entre ces derniers et les dérives de l’agence. Je reste prudente : la gouvernance va être confiée à une nouvelle équipe ; ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Continuons à regarder de près la manière dont Frontex agit – et, pour cela, il faut bien lui allouer des moyens.
Monsieur Lecoq, nous avons certains combats en commun, en particulier pour le devoir de vigilance des multinationales en matière de violation des droits humains et environnementaux tout au long de la chaîne de valeur. La loi française à ce sujet va être portée au niveau européen ; elle ne règle pas tout mais permet de responsabiliser les entreprises, donc, in fine, le consommateur.
Quant à votre tableau critique de l’Union européenne, tout n’est pas à jeter dans celle-ci, dont l’action rejoint d’autres de vos combats, notamment celui pour la paix. Sans les valeurs défendues par l’Union, que serait le monde, où il existe tant de grandes puissances belliqueuses ?
Concernant la politique agricole commune, on peut choisir de voir le verre à moitié plein. Nous avons besoin de conserver des agriculteurs sur notre territoire pour notre souveraineté alimentaire. À ceux qui soulignent que la France est contributrice nette, je rappelle que nous recevons beaucoup dans le cadre de la PAC. Ce n’est peut-être pas assez en faveur de l’écologie mais c’est déjà beaucoup mieux qu’avant. Les réformes de 2023 vont permettre de mieux concilier agriculture et respect de l’environnement. L’objectif de diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre s’applique aussi à l’agriculture. S’y ajoute le recul des pesticides et l’augmentation des surfaces cultivées en agriculture biologique.
Quant aux liens avec le Maroc, le jumelage entre l’Assemblée nationale et le Parlement marocain est financé par l’Union européenne ; nous avons tout intérêt, pour ce pays et peut-être pour d’autres, à partager les bonnes pratiques de nos Parlements. L’Union est dans son rôle quand elle appuie ces démarches.
Monsieur Dupont-Aignan, j’étais curieuse de vous entendre et j’ai bien reconnu votre sens de la nuance. Vous n’êtes pas d’accord pour dire que l’Union européenne est formidable : quelle surprise ! Je ne pense pas réussir à vous convaincre mais nous en reparlerons.
Monsieur Petit, merci de vos remarques.
Madame Ménard, je le répète, je ne suis pas sûre que les considérations de contribution nette ou de juste retour reflètent l’ensemble des bénéfices que représente l’appartenance à l’Union européenne. Bien sûr, il faudrait avancer concernant de nouvelles ressources propres. Mais n’en restons pas à l’aspect comptable. Si je doute de parvenir à vous convaincre vous aussi, j’espère qu’une majorité d’entre nous approuvera le prélèvement sur recettes au profit de l’Union.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne peux vous redonner la parole au fond maintenant.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Alors je vous écrirai à propos des pouvoirs de Mme von der Leyen.
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Article 25 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.
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M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les montants inscrits dans le PLF pour 2023 au titre de la mission Aide publique au développement (APD) s’élèvent à 5,9 milliards d’euros au total, soit une hausse de 800 millions d’euros. Au sein de cette enveloppe, les dotations inscrites dans le programme 209, plus particulièrement piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, s’établissent à 3,3 milliards.
Vous avez choisi, madame la rapporteure pour avis, de consacrer la partie thématique de vos travaux à l’importante question de la sécurité alimentaire. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime qu’en 2021, près de 2,3 milliards de personnes se trouvaient déjà en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, soit 29,3 % de la population mondiale.
Dans ce contexte, l’initiative FARM (Food and Agriculture Resilience Mission), prise par les autorités françaises à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine mais aussi à cause du changement climatique, n’a que plus d’importance pour aider à répondre aux urgences, réguler en anticipant les crises alimentaires et accroître les capacités endogènes de production des pays en développement.
J’indique à la commission que le groupe de la gauche démocrate et républicaine-NUPES (GDR-NUPES), par la voix de monsieur Jean-Paul Lecoq, a décidé de présenter une contribution écrite sur cette mission budgétaire. Je rappelle en effet que les deux groupes politiques qui n’ont pu désigner cette année de rapporteur pour avis, à savoir les groupes GDR-NUPES et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), se sont vus reconnaître par le bureau de notre commission cette possibilité, en annexe au rapport pour avis de leur choix.
Mme Nadège Abomangoli, rapporteure pour avis. Je suis heureuse de vous présenter le fruit de plusieurs semaines de travail au cours desquelles j’ai procédé à une douzaine d’auditions et eu des échanges fournis avec une trentaine d’interlocuteurs. Je salue la disponibilité et l’implication de l’ensemble des personnes auditionnées.
L’insécurité alimentaire n’est pas une problématique nouvelle, mais ses effets ont été démultipliés ces derniers mois à l’échelle mondiale – d’où l’initiative FARM.
Nous avons transmis l’été dernier un questionnaire à nos interlocuteurs institutionnels. À ce jour, le taux de réponse est de 46 %, ce qui peut s’expliquer par le manque dramatique d’effectifs dans les ministères…
La mission APD se compose de deux programmes principaux : le programme 110, Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes augmentent de plus de 17 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, pour atteindre 5,77 milliards d’euros.
Le programme 110 connaît en particulier une très forte augmentation, de 46 %, des autorisations d’engagement concernant l’aide bilatérale. Cette hausse traduit le choix fait par la France de maintenir des taux d’emprunt très bas pour les prêts qu’elle accorde aux pays en développement, dans un contexte de remontée générale des taux qui fait que notre pays, quant à lui, emprunte beaucoup plus cher sur les marchés. Cette intention louable doit s’accompagner d’une remise en cause de la part prise par les prêts dans l’APD au détriment des dons et subventions : la France est le troisième pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à recourir à autant de prêts dans le cadre de son APD.
Le programme 110 finance par ailleurs les grandes institutions multilatérales de développement. En 2023, 39 % des crédits du programme sont destinés à l’association internationale de développement (AID), institution de la Banque mondiale qui accorde des prêts concessionnels et des dons aux pays les plus pauvres. Cela vient du fait qu’il a été décidé d’avancer d’une année la reconstitution de l’AID, si bien que 2023 verra coïncider le dernier versement de la précédente reconstitution et le premier versement de la nouvelle reconstitution. C’est également le programme 110 qui porte la rémunération de l’Agence française de développement (AFD), qui reste stable, à 7 millions d’euros.
Les crédits du programme 209 augmentent de 12 % en crédits de paiement, ce qui les porte à 3,436 milliards, et de 26 % en autorisations d’engagement, à hauteur de 4,055 milliards. On peut noter avec satisfaction l’augmentation des fonds consacrés à l’aide humanitaire, que celle-ci intervienne dans un cadre bilatéral ou dans le cadre multilatéral des Nations Unies. Ils atteignent 642 millions d’euros, contre 500 millions en 2022.
La pérennisation de la « provision pour crises majeures », dont les crédits sont portés à 270 millions d’euros, me paraît aussi une très bonne chose. Cette provision permettra à la diplomatie française d’être réactive, grâce à des moyens massifs, face à l’irruption de crises graves. Celles-ci se multiplient, notamment à cause de décennies d’inaction climatique. On peut aussi relever, parmi les points positifs, l’augmentation des crédits destinés à soutenir les projets mis en œuvre par les ONG françaises et internationales et par les acteurs de la coopération décentralisée. Elle était demandée dans la loi du 4 août 2021.
Cette même loi est à l’origine du nouveau programme Restitution des « biens mal acquis », qui apparaît dans le budget depuis l’année dernière. Il est destiné à recevoir les fonds issus de la cession de biens saisis par la justice, afin de financer des projets de développement dans les pays concernés. Malheureusement, aucune somme n’y est inscrite dans le présent budget mais ce sera le cas lorsque les procédures judiciaires en cours auront définitivement abouti – on ne sait quand.
Les crédits de la mission APD sont complétés par les recettes du fonds de solidarité pour le développement, doté de 738 millions d’euros, dont 528 millions proviennent de la taxe sur les transactions financières. Le maintien de ce plafonnement à 528 millions d’euros pose d’ailleurs question s’agissant d’une taxe dont les recettes ont fortement augmenté.
J’en viens au sujet que j’ai souhaité approfondir dans mon avis budgétaire : l’insécurité alimentaire.
La lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition est citée parmi les tout premiers objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales mentionnés à l’article 1er de la loi du 4 août 2021. Or, en la matière, tous les indicateurs sont au rouge. En 2021, 828 millions de personnes, soit pas moins de 9,8 % de la population mondiale, ont souffert d’insécurité alimentaire chronique. La FAO estime que la guerre en Ukraine pourrait se traduire par un accroissement supplémentaire de 8 à 13 millions du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde. Ce sont 205 millions de personnes qui sont en situation de crise alimentaire aigüe. Plus de la moitié des personnes sous-alimentées vivent en Asie et plus du tiers en Afrique. Sur le continent africain, une personne sur cinq a été confrontée à la faim en 2021. La situation est dramatique dans une bande qui va du Sénégal à la Somalie.
Au Burkina Faso, 3,5 millions de personnes se trouvent en insécurité alimentaire, dont 630 000 en insécurité alimentaire aiguë. Nous avons auditionné l’ambassadeur de France au Burkina Faso ainsi que la conseillère de coopération et d’action culturelle et le directeur de l’AFD sur place. Le taux de malnutrition des enfants de moins de cinq ans y est passé de 7,5 % en 2019 à 9,7 % aujourd’hui. La situation institutionnelle risque d’aggraver les choses : les problèmes sécuritaires sont un accélérateur d’insécurité alimentaire du fait de l’abandon des terres agricoles, de la mise en péril des stockages, de la perturbation de l’approvisionnement et des échanges commerciaux et des réquisitions par des groupes armés.
Toutes les personnes que nous avons auditionnées ont rappelé que la crise alimentaire mondiale a commencé bien avant l’invasion de l’Ukraine, même si celle-ci en a constitué un facteur aggravant, révélant la dépendance aux importations de blé ou de maïs, mais aussi de gaz et de pétrole pour l’acheminement des engrais. Entre 2014 et 2021, le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire grave dans le monde a augmenté de plus de 350 millions.
Les causes de l’insécurité alimentaire sont profondes et structurelles. Elles tiennent en partie aux événements climatiques extrêmes, en lien avec le changement climatique, mais surtout à une fragilité économique structurelle dans les territoires ruraux de certains pays, souvent exacerbée par les conflits. Ainsi, dans la plupart des pays en développement, l’insécurité alimentaire, d’abord rurale, renvoie à la crise de l’agriculture paysanne, à sa faible productivité, à des prix agricoles insuffisants et au manque de soutien de la part des autorités publiques locales.
L’action de la France pour lutter contre l’insécurité alimentaire peut être soulignée, aussi bien sur le plan budgétaire, avec les programmes 110 – qui abonde le fonds international de développement agricole (FIDA) – et 209 – qui profite au Programme alimentaire mondial (PAM) et à la FAO –, que par le biais des différents opérateurs : l’AFD, Expertise France ou le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), organisme français qui œuvre pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes.
Concernant l’initiative FARM, lancée lors de la présidence française de l’Union européenne, en mars 2022, la rapidité de son lancement est à saluer mais les résultats concrets se font attendre. De plus, la multiplication d’initiatives concurrentes, dont témoignent celles de l’Allemagne et des États-Unis, laisse perplexe : il faudrait les coordonner. Surtout, il faudra observer leurs orientations et leur contenu politique.
La réponse au défi de la sécurité alimentaire ne saurait en effet être seulement technique. Il s’agit de savoir comment nous concevons les relations entre les États les plus riches et les États en développement et comment doivent être répartis les revenus et les ressources productives. J’évoque, dans mon avis budgétaire, plusieurs pistes pour changer d’échelle dans notre réponse au défi de la sécurité alimentaire.
Je propose de réorienter notre aide vers la promotion d’une agroécologie locale et durable, tournée vers la restauration des sols et la diversification des semences. Il me paraît aussi essentiel d’aider nos partenaires du Sud à renforcer leur souveraineté alimentaire et à mieux protéger leurs marchés – un aspect souligné par plusieurs de nos interlocuteurs –, grâce à la possibilité de pratiquer des politiques de stockage et de prélèvements douaniers sur certaines importations, à un niveau suffisant pour protéger les productions locales face aux géants de l’exportation. Actuellement, les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’autorisent pas les systèmes de prélèvements variables.
On ne peut non plus esquiver la question fondamentale de la spéculation. C’est un fait incontestable que la flambée des prix de février-mars 2022 était liée à un afflux massif de fonds spéculatifs ayant misé sur la hausse des cours des matières premières agricoles. Des solutions de régulation existent.
Enfin, si nous voulons discuter de sécurité alimentaire mondiale, il y a une enceinte à privilégier : le comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) des Nations Unies, où l’on donne la parole aux organisations de la société civile et aux organismes de recherche et où l’on est plus préservé qu’ailleurs des pressions intéressées.
Ne répétons pas les mêmes erreurs que lors des crises alimentaires de 2008 et de 2011 et donnons-nous les moyens de relever le défi d’une subsistance alimentaire digne et saine pour tous.
L’augmentation des crédits de l’aide publique au développement, en conformité avec les objectifs fixés par le législateur dans le texte fondateur de 2021, m’incite à vous recommander de donner un avis favorable à leur adoption. Toutefois, je vous invite aussi à la vigilance.
D’abord, concernant la poursuite des efforts tendant à atteindre l’objectif de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l’aide publique au développement en 2025. Nous y serons d’autant plus attentifs que ce ratio a reculé entre 2020 et 2021, passant de 0,53 % à 0,52 %, et que le Gouvernement laisse planer un doute quant à l’atteinte effective de l’objectif de 0,55 % en 2022.
Ensuite, quant à ce qui sera décidé pour prendre à bras le corps le problème de la crise alimentaire. L’aide humanitaire ne suffit pas et ne résout pas les problèmes à leur racine. Le temps long compte car la sécurité alimentaire est étroitement liée au développement agricole, moins rapidement visible que le développement d’infrastructures. Il y a des raisons politiques à l’insécurité alimentaire – le sous-emploi, la pauvreté –, qui appellent des solutions politiques. La lutte contre les inégalités est d’ailleurs le leitmotiv de toutes celles et ceux que nous avons rencontrés.
Les orientations du prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), annoncé pour février ou mars 2023, seront un indicateur décisif. Nous espérons que la sécurité alimentaire, qui ne faisait pas partie des cinq secteurs prioritaires définis par le CICID en 2018, y figurera en 2023.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’enjeu alimentaire est l’un des grands sujets sur lesquels nous souhaitons travailler au sein de la commission. Votre avis budgétaire représente une introduction utile et bienvenue à ces travaux.
Mme Chantal Bouloux (RE). Le budget de la mission interministérielle Aide publique au développement connaît une augmentation significative et continue depuis le début du précédent quinquennat. Les deux principaux programmes de la mission APD devraient ainsi atteindre 5,9 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 17 % par rapport à 2022 et un doublement des crédits par rapport à 2017. Cette évolution est le fruit d’un souhait exprimé par le président de la République dès son élection et réaffirmé, il y a quelques mois, devant nos compatriotes.
Le conflit déclenché aux portes de l’Europe par le régime russe illustre parfaitement le changement d’époque. Il nous impose de manifester notre pleine solidarité avec la nation ukrainienne, ce qui suppose que les moyens financiers soient à la hauteur de nos engagements. Tel est le sens de l’augmentation significative des fonds d’aide humanitaire et des provisions pour crise.
Les 75 millions d’euros alloués à l’initiative FARM élaborée par la France en réponse à l’aggravation de l’insécurité alimentaire mondiale provoquée par la guerre en Ukraine en sont une parfaite illustration. De manière générale, la crise du Covid a démontré l’impérieuse nécessité de penser à l’échelle internationale nos réponses aux crises, qu’elles soient sanitaires, énergétiques ou même militaires. Face à des crises d’une forme et d’une ampleur nouvelles, l’efficacité de la réponse implique la concertation, l’association et la solidarité de la communauté internationale avec les pays exposés en première ligne.
S’il répond à un nécessaire et louable élan de solidarité, le travail en liaison avec les pays en voie de développement revêt en outre une dimension stratégique, à laquelle la France prend toute sa part en menant une politique d’aide au développement ambitieuse. Si les pays les plus fragiles sont souvent les premiers à être touchés par les crises, ils sont également les premiers à devoir être aidés à travers une politique de prévention efficace, de manière à éviter que les crises ne s’étendent à l’échelle mondiale et nous frappent à notre tour. C’est pourquoi le projet de budget prévoit une augmentation de la contribution française aux institutions multilatérales œuvrant pour la promotion d’un accès universel à la santé, telles que le fonds mondial de lutte contre le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), la tuberculose et le paludisme, ou en faveur de la défense du climat.
Chers collègues, en votant en faveur de l’adoption des crédits de cette mission, nous donnerons à la France les moyens nécessaires au rayonnement de sa diplomatie à travers le monde. Soyons-en fiers, et dignes.
Mme Marine Hamelet (RN). Un mois après l’audition de M. Rioux, directeur général de l’AFD, notre commission est de nouveau appelée à se pencher sur la thématique de l’aide au développement. Le Gouvernement nous demande d’augmenter son montant à plus de 8 milliards d’euros immédiatement disponibles sous la forme d’autorisations d’engagement.
Nombreuses sont les questions qui restent sans réponse. Pourquoi l’aide au développement n’est-elle pas rattachée à un ministère soumis à des exigences de transparence ? Comment s’assurer que les pays aidés ne détournent pas une partie des financements ? Pourquoi n’y a-t-il aucun contrôle, aucun bilan des actions menées ? Au nom de quoi devrait-on accepter que l’État dépense plus pour les étrangers, au moment même où les Français souffrent d’une crise de l’énergie sans précédent ? Pourquoi aider des pays qui refusent de coopérer avec la France sur d’autres dossiers, notamment sur le dossier migratoire ? Et que dire du versement de cette aide à des pays que l’on ne peut plus considérer comme étant en voie de développement ? Nous avons ainsi versé une aide de 140 millions d’euros à la Chine en 2020 ! Ce n’est pas sérieux. On dilapide l’argent des Français au moment où ils en ont le plus besoin. Ces aides sont un gouffre financier. D’ailleurs, la Cour des comptes critique les objectifs peu réalistes, trop nombreux et pas assez hiérarchisés de l’aide au développement.
Les crédits de la mission Aide publique au développement augmenteraient spectaculairement de plus de 1 milliard d’euros par rapport à l’année précédente, au moment même où nos concitoyens ne sont pas assurés de passer l’hiver au chaud ! Notre groupe politique s’interroge sur le sens des priorités de l’exécutif.
Le Rassemblement national considère comme louable la volonté d’améliorer les conditions de vie des étrangers si leur pays est pauvre, mais pas lorsque celles des Français se détériorent et qu’il est urgent de les améliorer. De surcroît, le contexte géopolitique défavorable provoque un fort ressentiment à l’égard des pays occidentaux, en particulier en Afrique envers la France, et des répercussions négatives sur l’image de notre pays à l’international.
J’appelle en outre votre attention sur le fait que les crédits de cette mission ne représentent qu’une partie du montant total de l’aide française. Celle-ci s’élevait l’année dernière, selon l’OCDE, à plus de 15 milliards de dollars, dont seulement 42 % étaient distribués par l’AFD. N’oublions pas enfin que les projets aidés bénéficieront toujours d’autres financements, notamment européens, auxquels la France contribue déjà généreusement, comme nous l’avons vu lors de l’examen pour avis de l’article 25 du PLF.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national votera contre l’augmentation des crédits de la mission Aide publique au développement.
M. Michel Herbillon (LR). Merci, madame la rapporteure, pour votre travail extrêmement intéressant sur l’aide alimentaire.
Je veux signaler, en préambule, les conditions dans lesquelles la représentation nationale est appelée à examiner le projet de loi de finances pour 2023. Mardi dernier, notre commission auditionnait la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, sur le projet de loi de finances alors que nous ne disposions même pas des bleus budgétaires, qui furent publiés le lendemain seulement. Dans aucun Parlement au monde il ne se passe ce genre de choses. De même, les jaunes budgétaires et le projet d’avis de la rapporteure ne nous ont été communiqués que lundi, soit moins de quarante-huit heures avant l’examen du texte. Je ne mets pas en cause notre rapporteure, mais la rapidité avec laquelle les parlementaires doivent étudier ce projet de loi de finances est parfaitement déraisonnable. Cela affaiblit grandement notre capacité à remplir notre mission cruciale de contrôle du Gouvernement, à laquelle vous êtes, monsieur le président, si attaché. Si nous ne pouvons la mener à bien, c’est la négation même de l’Assemblée nationale.
Cela ayant été dit, le groupe Les Républicains se réjouit de constater que l’augmentation des crédits de la mission Aide publique au développement est conforme aux objectifs définis par la loi du 4 août 2021, qui avait été, je le rappelle, adoptée à l’unanimité. Les membres du groupe Les Républicains avaient largement participé aux discussions et contribué à la formation de cette unanimité.
La ministre de l’Europe et des affaires étrangères a annoncé, à l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, que les priorités politiques, sectorielles et géographiques de la politique de développement seraient réaffirmées ou réévaluées à l’occasion du CICID prévu au début de l’année 2023. À cet effet, il me semble que la politique de la France en matière d’aide publique au développement doit être profondément réévaluée au regard de la situation internationale. Les événements survenus récemment au Mali et au Burkina Faso doivent conduire le comité interministériel à revoir son action en direction de ces pays devenus résolument hostiles à la France, tout en prenant évidemment en considération les conséquences que cela pourrait avoir pour les populations locales.
Autre sujet qui avait été évoqué lors de l’examen du projet de loi et auquel le groupe Les Républicains est extrêmement sensible : la conditionnalité de l’aide publique au développement à la délivrance de laissez-passer consulaires. Cela fait longtemps que nous l’appelons de nos vœux et cette mesure est plus que jamais d’actualité.
Je voudrais pour terminer soulever une fois de plus la question de l’efficacité et de la transparence des aides versées par la France. L’indice de la transparence de l’aide 2022 de Publish What You Fund, qui évalue la transparence des cinquante plus grands organismes d’aide, ne classe l’AFD qu’au vingt-huitième rang. Ce n’est pas terrible ! Enfin, nous attendons toujours l’installation de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, qui devait être effective cet automne. Madame la ministre l’avait annoncée pour octobre : nous y sommes.
Nonobstant ces attentes, le groupe Les Républicains émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.
Mme Laurence Vichnievsky (DEM). Notre groupe se réjouit, comme beaucoup dans cette commission, de l’augmentation de l’enveloppe budgétaire consacrée à l’aide publique au développement. C’était une promesse du président Emmanuel Macron et elle a été tenue, puisque les crédits sont en hausse de 15,7 %. Grâce à la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, du 4 août 2021, nous devrions assister à une croissance régulière de ce budget. Nous sommes sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’APD en 2025.
Pour l’année 2023, il faut saluer les efforts consentis, notamment pour le programme Solidarité à l’égard des pays en développement, mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les fonds dédiés à l’aide humanitaire augmentent en particulier : ils représenteront au minimum 642 millions d’euros. Cette enveloppe permettra notamment de soutenir les fonds humanitaires des Nations Unies et de renforcer les crédits alloués à l’initiative française FARM. Comme vous vous êtes concentrée sur l’insécurité alimentaire, madame la rapporteure pour avis, je n’insisterai pas davantage sur ce sujet, mais il y a urgence à agir compte tenu de la guerre en Ukraine.
Je souligne, en revanche, la contribution de quasiment 1,6 milliard pour le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, sur laquelle le chef de l’État s’est engagé le 21 septembre à New York, où il a appelé à un monde sans ces trois maladies d’ici à 2030. Notre contribution à ce fonds est en hausse de 300 millions d’euros par rapport à la période 2020-2022, ce qui marque la détermination de la France à atteindre notre objectif. La crise du coronavirus a beaucoup pesé sur les systèmes de santé, notamment en Afrique, en perturbant l’accès aux traitements pour ces trois maladies et en diminuant de 22 % le nombre de dépistages du SIDA. Notre groupe soutient la hausse de la contribution française, qui maintient notre pays dans sa position de premier contributeur de l’Union européenne et de deuxième donateur historique après les États-Unis.
Enfin, je voudrais évoquer le Fonds vert pour le climat, bras armé de l’accord de Paris. La deuxième reconstitution de ce fonds interviendra en 2023 et le montant de la contribution française ne sera connu qu’à l’issue des discussions qui auront lieu à ce moment‑là. Quelles sont, néanmoins, les avancées qui pourraient être négociées lors de la prochaine conférence des parties (COP) ? Nous sommes censés mobiliser 100 milliards de dollars par an depuis 2020 pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique mais nous n’y sommes pas. Malgré cette réserve, le groupe Démocrate est évidemment favorable aux crédits de la mission Aide publique au développement.
M. Guillaume Garot (SOC). Je salue la qualité de votre travail, madame la rapporteure pour avis.
Nous partageons l’inquiétude que vous avez exprimée concernant le montant global des crédits de la mission. Malgré leur hausse nominale, on s’écarte de la cible fixée l’an dernier par la loi de programmation. Par ailleurs, on ne peut pas dire qu’on ait le cœur sur la main en matière d’aide au développement dès lors qu’on signe des accords commerciaux qui contreviennent aux objectifs fixés. Si l’on n’est pas capable de mettre en accord ce qu’on dit et ce qu’on fait, on n’est pas crédible aux yeux des partenaires avec lesquels on doit engager des coopérations. Il faut également être exigeant en matière de fléchage. Dans le monde plus juste que nous souhaitons, et qui doit en particulier permettre aux producteurs de vivre dignement de leur travail, il faut veiller à ce que les agriculteurs bénéficient réellement du partage de la valeur.
J’objecterai enfin à l’oratrice du groupe Rassemblement national, pour conclure, qu’on ne doit pas couper le robinet de l’aide au développement. On ne s’en sort jamais seul, on a toujours besoin des autres. Face aux défis climatiques, économiques, alimentaires et agricoles qui sont les nôtres, il faut des coopérations beaucoup plus étroites entre les peuples de notre planète. Je crois à la solidarité : plus c’est dur pour chacun, plus on a besoin des autres et plus il faut être solidaire.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Dans cette période où les crises internationales se superposent, on ne peut que saluer la hausse de l’enveloppe budgétaire consacrée à l’aide publique au développement. Cet effort confirme la place de la France parmi les cinq premiers bailleurs de fonds mondiaux. L’augmentation des crédits prévus pour 2023 s’inscrit dans le cadre fixé par la loi de programmation du 4 août 2021 et permet d’envisager la réalisation de l’engagement de la France de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement. Cette volonté est d’autant plus importante que nous devons agir, avec les autres États européens, pour bâtir une alternative aux nouvelles routes de la soie chinoises et aux investissements américains. Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de cette mission budgétaire mais restera attentif à la question des crises alimentaires, qui a été soulignée par madame la rapporteure pour avis.
Mme Sabrina Sebaihi (ÉCOLO-NUPES). Je remercie la rapporteure pour avis pour la grande qualité de son travail et pour son développement sur l’insécurité alimentaire. C’est un enjeu dont nous devons tous nous préoccuper.
Nous saluons l’augmentation des crédits de paiement de ce budget, dont nous espérons qu’elle se poursuivra les années suivantes. S’agissant des axes prioritaires, la mise en place d’un fonds de provision pour crises majeures est également une très bonne chose. On voit avec la crise en Ukraine que la France doit se doter de moyens pour répondre à l’insécurité dans le monde et être en mesure de venir en aide à ceux qui seraient frappés par une crise soudaine et imprévue – on pourrait également citer, à ce titre, la crise du Covid. Globalement, l’évolution et l’attribution des crédits de l’aide au développement s’inscrit dans une logique positive.
Selon les experts qui essaient d’anticiper les catastrophes liées au changement climatique, lesquelles s’accompagneront de grands mouvements de population, ce sont avant tout les pays du Sud qui seront touchés. En la matière, la France n’a pas pleinement joué son rôle. En 2009, les pays développés s’étaient engagés à transférer 100 milliards de dollars par an aux pays vulnérables pour les aider à faire face au dérèglement climatique, étant précisé que ces pays ne sont pas ceux qui contribuent le plus à ce phénomène. L’Afrique ne représente ainsi que 4 % des émissions de gaz à effet de serre. D’après un nouveau bilan de l’OCDE, malgré une augmentation globale de 4 % des financements depuis 2019, et de 40 % pour l’adaptation au changement climatique, il manque toujours plus de 16 milliards.
Je reviens également sur le Fonds vert pour le climat, instrument essentiel de l’accord de Paris car il est la principale source de financement pour la lutte contre les changements climatiques. Jusqu’à présent, ce fonds a financé 173 projets, représentant 8,4 milliards de dollars d’engagements qui ont permis de mobiliser globalement 30,3 milliards de financement, afin d’éviter l’émission de 1,8 milliard de tonnes de CO2. On peut s’en féliciter, mais nous avons besoin d’aller vraiment beaucoup plus loin.
Selon une récente étude de la Banque mondiale, 5 % des flux d’aide au développement sont détournés vers des comptes offshore abrités dans des paradis fiscaux. Disposons-nous à l’heure actuelle de statistiques permettant d’évaluer l’évaporation de certains crédits, y compris ceux alloués à la lutte contre le réchauffement climatique ? Quels mécanismes la France met-elle en place pour lutter contre ces détournements et comment pourrions-nous assurer un suivi plus précis de l’utilisation de cet argent ?
M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Le budget de l’aide publique au développement augmentera l’année prochaine de 800 millions, ce dont nous pourrions nous satisfaire si de nombreux points ne se prêtaient pas à la critique.
S’agissant de l’équilibre entre les prêts et les dons, on constate, comme toujours, que le programme 110, relatif aux prêts, concentre la plus grande partie de l’augmentation budgétaire de l’APD. Or c’est par le programme 209 que les dons et les actions les plus concrètes sont rendus possibles, comme les services sociaux ou les projets des organisations de la société civile et des ONG. Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine ne cessent de dire que l’aide publique au développement doit servir aux États les plus fragiles.
Plusieurs collègues ont déjà parlé de la transparence de l’APD. Le pilotage de cette politique est assuré tous les cinq ans lors d’une réunion du CICID, qui fixe les grandes orientations de l’APD française. Or ce comité exclut les organisations de la société civile, les ONG et même le Parlement. La politique en matière d’APD est décidée par Matignon en lien avec les ministères, ce qui pose un problème de débat démocratique. Nous espérons que le Gouvernement finira par entendre qu’il faut de la transparence et que les décisions ne doivent pas toutes être prises par quelques-uns. Par ailleurs, alors que le CICID se réunissait presque annuellement à une époque, son rythme est devenu quinquennal. Pourquoi ? Un tel rythme nous fait totalement rater l’actualité internationale, dont chacun connaît pourtant l’intensité et la volatilité.
Ainsi, le budget de cette année aurait pu être acceptable s’il n’y avait eu ni inflation, ni guerre en Ukraine, entraînant famine et désorganisation de beaucoup de services. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a indiqué récemment que 90 % des pays avaient vu cette année leur indice de développement humain reculer, ce qui est extrêmement grave. Si ce budget est intéressant, il ignore que les besoins en matière d’aide publique au développement ont explosé. Le cadre prévu en 2018 par Matignon ne pouvait anticiper ces évolutions. Une instance d’orientation se réunissant plus souvent aurait plus de légitimité.
J’en viens aux efforts budgétaires consentis par les secteurs économiques pour faire avancer l’aide publique au développement. Tous tentent d’y contribuer, sauf un, la finance. Vous refusez obstinément de faire évoluer la taxe sur les transactions financières (TTF) en vous réfugiant derrière une hypothétique TTF européenne. Notre rapporteure pour avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne nous a dit à ce sujet, à l’occasion de la présentation de son avis budgétaire, qu’il faudrait attendre. Il est grand temps que la France évolue. C’est pourquoi nous proposons de porter de 0,3 à 0,7 % le taux de la taxe française, ce qui permettrait d’ajouter près de 1,5 milliard d’euros à l’aide publique au développement. Nous proposons également d’élargir l’assiette du dispositif, afin que davantage d’entreprises y soient éligibles, et de viser les transactions intrajournalières. Les leviers pour récupérer des fonds existent et il est temps d’arrêter avec votre dogmatisme ultralibéral – en disant cela, ce n’est pas à la rapporteure pour avis que je m’adresse mais à la majorité – et d’assumer de prendre de vraies décisions.
En attendant, les députés du groupe GDR ne seront pas en mesure de voter pour ce budget imaginé avant la crise et qui, par dogmatisme et opacité, n’évolue pas en fonction des urgences d’aujourd’hui.
M. Bertrand Pancher (LIOT). L’aide au développement représente pour nous à la fois la défense de notre civilisation, la défense de l’humanité et la défense de la France. Il est donc important de continuer à s’engager dans des politiques d’aide au développement très fortes. Beaucoup de pays totalitaires utilisent le prétexte de cette aide pour déstabiliser des pays, notamment francophones et ayant l’amour de la France. Il faut non seulement continuer mais aussi amplifier nos efforts.
Nous nous félicitons que nous soyons arrivés à consacrer 0,55 % du RNB à l’aide au développement, même si c’est encore insuffisant par rapport à nos engagements internationaux. Il faut veiller, par ailleurs, à faire en sorte que cette aide soit bien mise en œuvre.
Nous estimons qu’il est indispensable de continuer à augmenter très fortement la part des dons par rapport aux prêts dans notre aide au développement et de soutenir les petits projets d’aide au développement. Il n’est pas normal que l’AFD continue à concentrer ses aides sur de très gros projets car ce n’est pas ce que demandent les populations des pays en grande difficulté et ce n’est pas non plus ce qui se passe ailleurs.
De réels efforts sont nécessaires en matière de transparence. Nous l’exigeons depuis des années pour nos stratégies d’aide au développement. Quand une administration est pilotée par beaucoup de ministères, l’exercice est certes difficile mais il y va du contrôle parlementaire.
Nous souhaitons qu’on concrétise de façon très claire les objectifs de la dernière loi de programmation, que nous avons votée à l’unanimité : il faut, en particulier, conditionner vraiment nos aides à la situation des femmes et des droits de l’homme. C’est évidemment difficile mais nous devons évoluer. Rien n’a été clairement engagé dans ce domaine.
Nous souhaitons une priorisation des pays destinataires et une meilleure stratégie en matière de santé. Par ailleurs, il faut cesser certaines aides comptabilisées dans l’APD mais contreproductives.
Notre groupe déposera des amendements visant à augmenter l’aide au développement grâce à un renforcement de la TTF – car ce n’est pas un sujet tabou en matière de régulation de l’économie – et grâce à l’affectation d’une partie plus importante du produit de cette taxe aux stratégies d’aide au développement.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je donne à présent la parole aux collègues qui ont souhaité intervenir à titre individuel, avant la que notre rapporteure pour avis apporte ses réponses.
M. Vincent Seitlinger. Madame la rapporteure pour avis, vous proposez notamment de favoriser une agriculture plus durable et écologique, d’œuvrer pour l’égalité hommes-femmes et de lutter pour la sécurité alimentaire. Lorsque l’on compare notre politique d’aide au développement avec celle de certains voisins européens, on voit que c’est le contrôle par le Parlement qui fait défaut chez nous. Au Royaume-Uni, il existe une commission indépendante sur l’impact de l’aide au développement ; en Allemagne, un comité parlementaire ad hoc est chargé du contrôle de cette politique. Notre ancienne collègue Bérengère Poletti avait proposé en 2018, dans un rapport, la création d’une commission indépendante sur le modèle britannique mais cette idée n’a jamais été suivie d’effet. Ne pensez-vous pas, madame la rapporteure pour avis, qu’il faudrait bouger sur cette question ?
Mme Emmanuelle Ménard. En 2019, les aides françaises au développement pour le monde francophone ne représentaient que 20,5 % des aides publiques françaises, soit beaucoup moins que les aides destinées à une douzaine de pays membres de l’Union européenne. Cette politique est contraire à toute logique économique et géopolitique, d’abord parce que les pays de l’Union européenne que nous aidons se tournent presque toujours vers l’Allemagne, dont la part de marché est d’environ 20 % quand la nôtre est d’à peu près 4 %. Les aides publiques françaises pour les pays de l’Union européenne profitent donc pleinement aux exportations allemandes. Toutes les études économiques démontrent pourtant que les échanges sont bien plus importants entre des pays et des peuples qui partagent une même langue.
Dans son discours tenu lors de la conférence des ambassadeurs de 2019, le président Emmanuel Macron avait annoncé son souhait d’un changement de méthode. Quelle sera la part des aides publiques françaises pour le monde francophone en 2023 et, si elle est évaluable, quelle sera leur efficacité ? On voit à quelle vitesse la Russie parvient à nous supplanter en Afrique subsaharienne.
M. Bruno Fuchs. Je veux féliciter la rapporteure pour avis pour la qualité de son travail et la remercier d’avoir insisté, au-delà des chiffres, sur la vision politique de l’aide au développement. Vous avez ainsi parlé, chère collègue, de l’insécurité et de la souveraineté alimentaire ou encore de la réorientation de notre aide. C’est par ce biais qu’il faut prendre la question.
Vous faites état, dans votre rapport, d’une évolution de la politique européenne en matière d’aide publique au développement, le fonds européen de développement (FED) étant appelé à s’effacer au profit de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, le NDICI, qui fusionne une dizaine de mécanismes préexistants – cela permettra certainement une simplification. Notre contribution au NDICI étant diluée dans la contribution française au budget de l’Union européenne, la création de ce nouvel instrument est-elle de nature à favoriser une vision politique ou au contraire à diluer l’approche française et le rôle que le Parlement peut avoir ?
La première concerne les priorités données à l’aide française au développement. Je signale que cette question a fait l’objet de discussions approfondies dans le cadre de la préparation de la loi du 4 août 2021. Les priorités que nous avons souhaitées ne sont pas de nature commerciale : nous avons insisté sur les grands enjeux de développement, la situation de pauvreté de certains pays mais aussi la francophonie, parce que nous estimons que nous avons à la fois un devoir et des facilités particulières à son égard.
Vous avez également fait des observations concernant le contrôle parlementaire. Certains se sont inquiétés du fait que la politique française est menée par une agence et non par le Gouvernement. Ce qui est considéré comme une anomalie a été partiellement corrigé par la nomination d’une secrétaire d’État chargée du développement dans le gouvernement actuel. Il en résulte une sorte de situation bicéphale qui ne sera pas facile à transformer en véritable équilibre. S’agissant de la commission d’évaluation, évoquée par Michel Herbillon, nous devons être très attentifs : le Gouvernement n’a pas fait preuve jusqu’à présent de beaucoup de zèle pour créer cette instance, qui doit comprendre une représentation parlementaire. C’est par ce biais que nous devons exercer un contrôle. Différents orateurs ont également parlé de la fréquence et de l’ordre du jour des réunions du CICID : je crois qu’il faut développer cet instrument.
Il serait sans doute utile que j’adresse en votre nom à tous un courrier à la ministre de l’Europe et des affaires étrangères pour rappeler ces différents points, en particulier la nécessité d’organiser, sur des bases satisfaisantes, le contrôle de l’AFD. Nous avons décidé de faire passer l’aide au développement par cette agence, c’est un choix qui a sa logique, dans laquelle nous sommes entrés en donnant notre avis sur la nomination du directeur général de l’AFD, M. Rioux, mais cette logique a aussi des contreparties en matière de contrôle, auxquelles nous avons veillé lors de l’élaboration de la loi. Le Gouvernement doit vraiment se mettre en mesure de nous permettre d’exercer le contrôle très légitime qui nous revient.
Mme Nadège Abomangoli, rapporteure pour avis. Madame Bouloux, je vous remercie pour vos observations. Je n’ai pas parlé du Covid dans ma présentation mais il est vrai qu’il a compté dans l’aggravation récente de l’insécurité alimentaire. Il en est question dans mon rapport écrit.
Madame Hamelet, l’existence de l’AFD est un état de fait mais nous pensons également que l’aide publique au développement doit être rattachée à un grand ministère. Le détachement de l’APD préfigurait, d’une certaine manière, l’affaiblissement du corps diplomatique.
En revanche, je m’inscris en faux contre votre conception de l’aide publique au développement. Comme l’a rappelé monsieur Garot, cette aide constitue aussi des partenariats dans lesquels chacun doit pouvoir se retrouver. Face à la crise climatique et sécuritaire actuelle, les interdépendances sont plus fortes que jamais et la solidarité doit être davantage de mise.
J’ai rappelé qu’il fallait exercer une vigilance sur la trajectoire budgétaire mais je ne considère pas qu’il s’agit d’un gouffre, bien au contraire.
Vous avez parlé, ainsi que monsieur Herbillon, d’un ressentiment à l’égard des Français. Je ne pense pas que notre peuple soit montré du doigt, ce n’est pas à ce niveau que se posent certains problèmes. C’est la ligne politique et diplomatique française qui est contestée.
Notre rôle en tant que députés est de regarder la manière dont les aides sont fléchées. Elles doivent aller aux populations.
Je suis d’accord avec monsieur Herbillon concernant le délai de transmission des bleus et des jaunes budgétaires.
J’ai déjà parlé du CICID, que monsieur Lecoq a lui aussi évoqué. Il est regrettable que ses réunions ne soient pas plus régulières. Il existe néanmoins une instance intermédiaire, le conseil national pour le développement et la solidarité internationale, qui s’est notamment réuni en septembre 2022. Je pense aussi que le CICID devrait préciser davantage les orientations suivies et la manière dont se coordonnent et se mobilisent l’ensemble des ministères et la société civile.
Mes différents interlocuteurs m’ont également beaucoup parlé de la transparence et de l’évaluation. S’agissant de la commission d’évaluation, nous sommes dans l’attente d’un décret pour lequel la perspective est début 2023. Les ONG ont besoin d’indicateurs fiables pour la modélisation de leurs projets et elles sont parfois très critiques à l’égard de l’AFD, dont elles estiment notamment que les bilans ne sont pas assez précis. Il existe un consensus sur la nécessité d’une amélioration de l’évaluation.
Mesdames Vichnievsky et Sebaihi ont parlé du fonds vert pour le climat. Je pense aussi qu’il faut le renforcer mais je n’ai pas eu d’indications concernant une réorientation.
La redevabilité correspond à une demande forte des ONG. La question des détournements et celle des moyens consacrés au fonctionnement font partie des enjeux de l’évaluation. J’en ai parlé avec Expertise France, qui a notamment pour mission de réduire les doutes pouvant exister et de faire en sorte que tout se passe mieux.
La cible à atteindre doit effectivement être réaffirmée, monsieur Garot. Nous attendons beaucoup du prochain CICID. Je vous remercie d’avoir souligné la cohérence nécessaire entre les accords commerciaux et les objectifs d’aide au développement. Je ne peux également qu’être d’accord avec vous au sujet du partage de la valeur.
Je suis également d’accord avec monsieur Lecoq concernant la répartition entre les prêts et les dons, la transparence et la TTF.
Monsieur Pancher, vous avez parlé de questions de civilisation à propos de l’APD. Je rappelle que celle-ci est fondée sur des partenariats, sur un accord avec les pays bénéficiaires et sur le respect, y compris des cultures et des goûts locaux.
Il se trouve que l’aide publique au développement coïncide avec la francophonie. Je n’ai pas d’indicateurs à ce sujet mais je souligne que notre action en matière de développement agricole repose sur le CIRAD, qui a une expertise longue de plusieurs décennies parce que la France était déjà présente dans un certain nombre de pays africains.
Je souscris à l’ensemble des observations portant sur le contrôle parlementaire, qui est un sujet qui me tient à cœur. L’Assemblée nationale est représentée au conseil d’administration de l’AFD mais ce n’est pas suffisant.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie. Cette discussion a vu se dégager un certain nombre de préoccupations auxquelles il faudra répondre.
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Article 27 et état B : Crédits du budget général
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Aide publique au développement non modifiés.
Informations relatives à la commission
En clôture de sa réunion, la commission désigne :
- M. Frédéric Zgainski, rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, signée à Macolin le 18 septembre 2014 (sous réserve de sa transmission) ;
- Mme Eléonore Caroit et M. Guillaume Garot, co-rapporteurs d’information sur l’enjeu alimentaire, en application des dispositions de l’article 145-7 du Règlement
- M. Thibaut François et M. Christopher Weissberg, co-rapporteurs d’information sur la politique des sanctions internationales, en application des dispositions de l’article 145-7 du Règlement
- M. Laurent Marcangeli et Mme Estelle Youssouffa, co-rapporteurs d’information sur les enjeux migratoires aux frontières Sud de l’Union européenne et en océan indien, en application des dispositions de l’article 145-7 du Règlement
La séance est levée à 11 h 35
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Pascale Boyer, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Guillaume Garot, M. Hadrien Ghomi, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Joris Hébrard, M. Michel Herbillon, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, M. Sylvain Maillard, M. Laurent Marcangeli, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Barbara Pompili, M. Jean-François Portarrieu, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Sabrina Sebaihi, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, M. Aurélien Taché, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Vichnievsky, M. Patrick Vignal, M. Lionel Vuibert, Mme Caroline Yadan, M. Frédéric Zgainski
Excusés. - Mme Véronique Besse, M. Louis Boyard, M. Moetai Brotherson, M. Sébastien Chenu, M. Thibaut François, M. Meyer Habib, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, Mme Élise Leboucher, Mme Lætitia Saint-Paul, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Christopher Weissberg, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa
Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri