Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

         Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de la résolution A.1152 (32) relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’Organisation maritime internationale (ensemble une annexe), adoptée le 8 décembre 2021 (n° 690) (M. Frédéric Falcon, rapporteur).              2

 


Mercredi
15 mars 2023

Séance de 09 h 45

Compte rendu n° 35

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de Mme Mireille Clapot,
Vice-présidente


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La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de la résolution A.1152 (32) relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’Organisation maritime internationale (ensemble une annexe), adoptée le 8 décembre 2021 (n° 690) (M. Frédéric Falcon, rapporteur).

Présidence de Mme Mireille Clapot, vice-présidente

La séance est ouverte à 09 h 45

 

Mme Mireille Clapot, présidente. Je vous prie d’excuser l’absence du président Jean-Louis Bourlanges, qui conduit une délégation de notre commission en Inde.

Notre ordre du jour appelle l’examen du projet de loi autorisant la ratification de la résolution A.1152 (32) relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’Organisation maritime internationale – l’OMI – (n° 690).

L’OMI est une institution spécialisée des Nations unies, qui traite des questions relatives à la sécurité et la sûreté de la navigation commerciale internationale et à la prévention de la pollution marine causée par les navires.

Les États membres se réunissent tous les deux ans au sein de l’Assemblée de l’organisation. Au cours de sa 32e session, le 8 décembre 2021, cette dernière a adopté la résolution précitée visant, d’une part, à modifier les règles de fonctionnement du Conseil – organe décisionnel élu par l’Assemblée –, afin notamment d’augmenter le nombre de ses membres pour assurer une meilleure représentativité et, d’autre part, à reconnaître comme faisant foi les versions en langues arabe, chinoise et russe de l’ensemble des textes adoptés sous l’égide de l’organisation, en plus des versions en langues anglaise, espagnole et française.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a pour objet d’autoriser la ratification par la France de ces changements.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. L’OMI siège à Londres et compte cent soixante‑quinze États membres et trois États associés. Elle est chargée d’assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes mais aussi de prévenir la pollution des mers par les navires.

La résolution adoptée le 8 décembre 2021 par l’Assemblée de l’OMI a pour objet d’amender la convention portant création de l’organisation, afin principalement de modifier les règles de fonctionnement de certains de ses organes décisionnels.

Cette résolution a plusieurs objectifs : augmenter le nombre de membres siégeant au Conseil de l’organisation ; allonger la durée du mandat des membres de ce dernier ; enfin, reconnaître comme faisant foi des versions en langues arabe, chinoise et russe de l’ensemble des textes adoptés sous l’égide de l’OMI. Les versions en langues anglaise, espagnole et française sont déjà reconnues.

Ces changements sont modestes. Ils devraient principalement renforcer la représentativité du Conseil de l’OMI et lui permettre de se concentrer davantage sur les questions de fond. L’ajout des langues arabe, chinoise et russe comme faisant foi permettra pour sa part de renforcer l’inclusion et le respect de la diversité au sein de l’organisation. Cette approche correspond à la position de la France en faveur du multilinguisme au sein des organisations internationales.

Le Conseil de l’OMI est composé de quarante États membres, élus par l’Assemblée pour une durée de deux ans. La France est membre de ce Conseil, organe exécutif de l’organisation. Il est chargé, sous l’autorité de l’Assemblée, de superviser les travaux de l’OMI.

Entre les sessions de l’Assemblée, le Conseil exerce toutes les fonctions dévolues à celle-ci, à l’exception des recommandations adressées aux États en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution en mer par les navires.

Trois catégories d’États sont représentées au Conseil.

La catégorie a) comprend les dix États qui sont les plus intéressés à fournir des services internationaux de navigation maritime. La catégorie b) est constituée par les dix États qui sont les plus intéressés dans le commerce international maritime. Enfin, la catégorie c) comprend vingt autres États, qui ont des intérêts particuliers dans le transport maritime ou la navigation et dont l’élection garantit la représentation de toutes les grandes régions géographiques du monde.

L’appartenance à une catégorie n’est assortie d’aucune prérogative ou obligation particulière. Tous les États membres du Conseil de l’OMI participent dans les mêmes conditions aux missions dévolues à cet organe.

La résolution que nous examinons ce matin prévoit d’augmenter le nombre des membres du Conseil afin de renforcer sa représentativité. Une telle évolution, liée à l’augmentation du nombre d’États membres de l’organisation elle-même, a déjà eu lieu à plusieurs reprises dans le passé. En 1967, le Conseil est ainsi passé de seize à dix-huit membres, puis à vingt-quatre en 1978, à trente-deux en 1984 et, enfin, à quarante membres en 2003.

À cette date, les membres du Conseil représentaient 25 % de l’ensemble des membres de l’OMI. Cette proportion est désormais de 23 %, la baisse s’expliquant par l’adhésion de nouveaux membres. Il est proposé de faire passer le Conseil à cinquante-deux membres, afin d’aligner le taux de représentation de cet organe sur la moyenne de 25 % observée au sein des organes exécutifs d’autres institutions spécialisées des Nations unies. Le taux de représentation serait de la sorte porté à 29 %. Une telle évolution assurera une meilleure représentation des petits États en développement qui ont d’importants intérêts maritimes, comme par exemple les États insulaires.

Au cours de mes travaux, j’ai pu constater que les risques de modification des rapports de force au sein de l’organisation, en raison de l’évolution de la composition du Conseil sont faibles car ce dernier exerce avant tout un rôle de gestion administrative (questions juridiques et organisationnelles, budget, ressources humaines, etc.).

Les amendements aux principales conventions – la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) de 1973 et la convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) – sont pour leur part discutés par les comités techniques compétents, qui sont ouverts à tous les États membres de l’organisation.

L’influence de la France au sein de l’OMI est moins liée à sa place au sein du Conseil qu’à sa capacité à présenter des propositions et à son aptitude à débattre des projets d’amendements ou de nouveaux règlements dans les différents comités et sous-comités.

J’en viens à l’allongement de la durée du mandat des membres du Conseil. La résolution que nous examinons prévoit de la porter de deux à quatre ans, afin de réduire les efforts que les membres de l’organisation consacrent aux élections, au détriment des travaux essentiels de l’OMI.

Les préparatifs commencent très tôt, de sorte que les États sont en campagne électorale quasiment permanente pendant toute la durée de leur mandat de deux ans. L’allongement de la durée du mandat devrait améliorer la qualité des travaux de l’OMI tout en économisant utilement sur les frais de campagne. Enfin, ce changement va dans le sens observé pour les organes exécutifs des autres institutions spécialisées des Nations unies, où la durée du mandat est en moyenne de trois ans.

La résolution propose aussi de reconnaître comme faisant foi les versions en arabe, en chinois et en russe de l’ensemble des textes adoptés sous l’égide de l’OMI. Ces trois langues sont aussi des langues officielles de l’Organisation des Nations unies (ONU), au même titre que le français, l’anglais et l’espagnol, et il s’agit d’en tirer les conséquences.

Cette question juridique est sans incidence sur le fonctionnement de l’organisation et sur son financement. Une telle démarche permet de renforcer le multilinguisme, qui constitue l’une des valeurs fondamentales des Nations unies. La France plaide de manière continue en faveur d’une application stricte et systématique du multilinguisme par les organisations internationales.

Pour conclure, les amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’OMI n’entreront en vigueur que douze mois après leur ratification par deux-tiers des États membres, soit cent dix-sept acceptations. Neuf États les ont d’ores et déjà ratifiés : le Honduras, la Norvège, Malte, la Malaisie, l’Espagne, Singapour, les Pays-Bas, le Canada et la Thaïlande.

Si la France était l’un des premiers États membres du Conseil à ratifier ces amendements, cela constituerait un signal particulièrement positif et la preuve d’une volonté de nous impliquer dans les travaux de l’OMI. Pour cette raison, je vous invite à voter en faveur de la ratification de cette résolution.

Mme Mireille Clapot, présidente. Il s’agit en effet d’un sujet technique mais il va sans nul doute permettre d’élargir la discussion sur la manière dont sont gérées les affaires maritimes à l’échelle internationale.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Cette résolution de l’Assemblée de l’OMI est excellente et ne pose aucune difficulté aux députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES, qui voteront pour sa ratification.

Les trois amendements à la convention du 6 mars 1948 vont améliorer la gouvernance d’une organisation internationale extrêmement importante.

Encore un peu trop européenne, l’OMI va devenir plus représentative grâce à l’amendement portant sur l’article 16 de la convention, qui prévoit de passer de quarante à cinquante-deux le nombre des membres du Conseil. Cette évolution va permettre aux États insulaires de mieux faire valoir leurs intérêts.

Comme vous l’indiquez dans votre projet de rapport, les négociateurs français n’étaient initialement pas d’accord avec cet amendement. Pour éviter un blocage, la France a fini par se ranger derrière l’avis général. Pourriez-vous expliquer quels étaient les arguments en faveur du statu quo ?

Le deuxième amendement modifie la durée du mandat des membres du Conseil, portée de deux à quatre ans. C’est également une bonne chose puisque cela permettra une plus grande stabilité et une meilleure visibilité pour les élus. Nous espérons que cela contribuera à améliorer la gestion de l’organisation et à rendre celle-ci encore plus efficace.

Enfin le troisième amendement va permettre d’ajouter trois langues officielles des Nations Unies – le chinois, l’arabe et le russe – aux trois langues déjà reconnues par l’OMI – l’anglais, le français et l’espagnol. C’est indispensable pour faire de cette organisation une véritable institution internationale.

L’OMI connaît donc une évolution de forme dont nous espérons qu’elle sera au service du fond, c’est-à-dire de la sûreté et de la sécurité maritimes.

Cette dernière repose aussi sur la signalisation en mer. L’Association internationale de signalisation maritime (AISM) poursuit sa transformation en organisation internationale pour les aides à la navigation maritime, dont le siège sera en France. En février 2022, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de la convention qui permet cette transformation. Le processus se déroule bien, puisqu’une quinzaine d’États ont ratifié la convention.

Les mers sont notre poumon. Il est important de renforcer toutes les instances internationales dont j’ai parlé, ainsi que les accords visant à préserver les mers – comme le récent traité international de protection de la haute mer, car l’océan sera au centre de l’attention politique et diplomatique.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Les négociations partaient un peu dans tous les sens. La représentante permanente à l’OMI m’a expliqué, lors de son audition, que la France s’était finalement ralliée à la proposition qui émergeait. L’objectif prioritaire était d’éviter une répartition géographique au sein du Conseil, et il a été atteint. La crainte de perdre en influence s’est également dissipée, ce qui a permis d’arriver à un accord sur l’augmentation du nombre de membres du Conseil qui convient grosso modo à l’ensemble de l’Assemblée de l’OMI.

Mme Liliana Tanguy (RE). La France est un acteur maritime de premier plan en raison de son domaine maritime et de son expertise mondialement reconnue. Avec ses 20 000 kilomètres de côtes sur plusieurs façades maritimes, elle participe activement à la sécurité de la navigation maritime.

En sa qualité de membre du Conseil réélu sans discontinuité au titre de la catégorie des États présentant un grand intérêt pour le commerce maritime international, la France a toujours joué un rôle très actif au sein de l’OMI et elle continuera de le faire. J’y suis particulièrement attachée : élue du Finistère, je sais combien le multilatéralisme et la concertation internationale sont importants pour créer un cadre commun pour la préservation des mers et de nos côtes.

La résolution sur laquelle nous devons nous prononcer vise à modifier les règles internes de l’OMI, afin d’en améliorer encore le fonctionnement. Les modifications proposées assureront une meilleure représentation des États non européens au sein du Conseil. Les travaux de cette instance seront davantage valorisés, grâce à l’allongement du mandat de ses membres et au renforcement du multilinguisme.

Le groupe Renaissance soutiendra la ratification de cette résolution. Tout d’abord, parce qu’elle favorise l’inclusion des États en développement, et en particulier des États insulaires. Ensuite, parce qu’elle favorise le respect de la diversité au sein de l’OMI. Enfin, parce qu’il est heureux que la France continue d’encourager les travaux d’une organisation spécialisée de l’ONU en faveur de la sécurité, de la sûreté et de la protection des océans.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Vous avez bien résumé l’objectif de cette résolution et je vous remercie du soutien que vous lui apportez.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Le commerce maritime mondial constitue un enjeu stratégique. La mer recouvre les sept dixièmes de la surface de la planète et 90 % des marchandises échangées dans le monde empruntent la voie maritime.

Par-delà ces chiffres, le commerce maritime est un facteur de puissance. Les exemples historiques ne manquent pas, des Phéniciens aux empires portugais et britannique jusqu’à la Chine aujourd’hui. La mer a contribué à la puissance de nombreux États, dont la France.

Les activités portuaires et commerciales liées à la mer y représentent 442 000 emplois directs et indirects selon les armateurs de France. Le commerce maritime constitue également une part importante des exportations de notre pays, qui enregistre un déficit record de sa balance commerciale.

La France est également très impliquée dans la sécurité maritime. En effet, 22 % des aires marines protégées se situent dans des eaux sous juridiction française. La France participe activement à la sécurité de la navigation. Elle est par exemple responsable du sauvetage en mer sur près de 24 millions de kilomètres carrés. Elle participe également à plusieurs opérations internationales de lutte contre la piraterie et les trafics illicites en mer.

Jusqu’à présent, la France a été l’un des membres les plus actifs de l’OMI. Elle a toujours participé à ses travaux et a ratifié la quasi-totalité de ses instruments juridiques, y compris les plus récents comme la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires.

L’élargissement progressif du nombre de membres au sein du Conseil de l’OMI ne risque-t-il pas de diluer le poids de la France au sein de cette organisation ?

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je ne le pense pas. J’avais aussi cette crainte, car j’appartiens à une famille politique soucieuse de maintenir la souveraineté de la France et son influence dans le monde.

La France demeure membre du Conseil, dont le rôle est d’assurer la gestion courante administrative et juridique. Notre pays peut s’illustrer principalement en travaillant sur le fond des projets qui sont étudiés dans le cadre des comités et sous-comités.

Je ne crois pas que la résolution diminuera l’influence française. L’élargissement de la composition du Conseil peut au contraire la renforcer.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). L’OMI fait partie des organisations multilatérales méconnues et pourtant incontournables. Elle définit les grands principes du droit de la mer. Des textes pionniers sur la pollution maritime et le secours en haute mer ont pris forme au siècle dernier grâce à cette organisation. Nous y sommes de prime abord attachés.

Il faut réguler un secteur qui s’est transformé en véritable poule aux œufs d’or. Les bénéfices des dix principaux armateurs mondiaux sont ainsi passés de 17 milliards de dollars, en 2020, à plus de 160 milliards, en 2021. Le chiffre d’affaires de l’armateur français CMA CGM, numéro trois mondial du secteur, a atteint 75 milliards de dollars en 2022, contre 30 milliards en 2019 et 15 milliards en 2015.

En parallèle, les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime ont progressé. Une étude d’un organe de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Forum international des transports (FIT), évalue leur augmentation à 10 % entre 2012 et 2018.

L’enjeu est de protéger le bien commun que sont les océans. Pourtant, l’OMI s’est illustrée par une certaine frilosité à ce sujet. Il faut se prémunir de l’omniprésence de représentants d’intérêts. Une étude du think tank InfluenceMap publiée en 2017 soulignait ainsi la place excessive du secteur privé, dont relève une personne sur quatre au sein de l’OMI. La porosité entre représentants étatiques et lobbyistes est totale. Des chercheurs sont financés par des compagnies pétrolières et des places au sein de représentations diplomatiques sont même vendues à des grands groupes. Les deux principales organisations représentant les armateurs – la Chambre internationale de la marine marchande et Intercargo – ont leurs entrées à l’OMI, laquelle débat régulièrement de leurs propositions en matière climatique, qui sont toujours non-contraignantes.

La structure de financement de l’OMI est inhabituelle : quatre États fournissent 40 % du budget annuel de fonctionnement. Il s’agit du Panama, du Libéria, des Îles Marshall et de la Chine. Ils pratiquent un dumping social, fiscal et environnemental afin d’augmenter le nombre des navires inscrits sur leur registre maritime. De nombreuses épaves sillonnent ainsi les mers grâce à des États peu regardants. Avec ces modalités de financement, l’OMI accorde un poids important à des pays qui ont un intérêt financier à négliger la question environnementale en haute mer.

Les réformes proposées par la résolution, qu’il s’agisse des langues ou de la durée des mandats, sont à nos yeux insuffisantes, compte tenu du fonctionnement actuel de l’institution. Une plus grande transparence de ses travaux et une place accrue pour les organisations non-gouvernementales (ONG) et les chercheurs sont indispensables. Il serait opportun que la France soutienne ces propositions lors des futurs travaux de l’OMI.

Au vu de tous ces éléments, le groupe La France insoumise-NUPES s’abstiendra.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Vous avez évoqué la participation d’armateurs privés aux travaux de l’OMI : il est à mon sens compliqué d’élaborer de nouvelles normes internationales ou de renforcer le cadre juridique sans consulter les acteurs du secteur. Les abus et les dérives éventuels peuvent être détectés et traités, mais travailler sans les acteurs privés me semble difficile.

M. Frédéric Zgainski (DEM). L’OMI est une institution spécialisée des Nations unies dont la mission consiste à assurer, par le biais de la coopération, un transport maritime sûr, sans danger, respectueux de l’environnement, efficace et durable. Cette institution, qui compte cent soixante-quinze États membres et trois membres associés, est fondamentale pour coordonner les actions des différents acteurs et établir des normes et des traités afin d’assurer une uniformisation des règles sur l’ensemble de la planète, à l’image de ce que fait l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) dans le domaine de l’aviation.

Son fonctionnement devant être amélioré, les amendements à la convention qui l’a créée sont essentiels pour relancer cette institution et inciter d’autres États à y adhérer, à l’heure où aucun pays n’a déposé de candidature pour rejoindre l’OMI. Ces amendements apportent plusieurs évolutions essentielles.

Tout d’abord, ils améliorent la représentativité de l’organisation : en augmentant de quarante à cinquante-deux le nombre de membres du Conseil et en reconnaissant comme faisant foi les versions en langue arabe, chinoise et russe de l’ensemble des textes adoptés, l’OMI deviendra une organisation plus transpartisane, coopérative et universelle. L’extension du Conseil permettra, comme vous le soulignez dans votre rapport, de mieux prendre en compte les plus petits États, notamment insulaires, pour lesquels les questions maritimes et de pollution de l’océan sont essentielles. En outre, l’allongement de la durée du mandat des membres du Conseil de deux à quatre ans va également dans le bon sens ; les acteurs disposeront ainsi de plus de temps pour travailler les sujets de fond de l’OMI. Ces évolutions sont pertinentes et tendent à rapprocher l’OMI des autres organes de l’ONU dans lesquels la durée moyenne des mandats s’élève à trois ans.

Alors que seuls neuf États ont déjà approuvé les amendements à la convention, la ratification de la France pourrait inciter d’autres États membres à la suivre, ce qui accélérerait l’entrée en vigueur de ces changements.

Le groupe Démocrate votera donc en faveur du projet de loi.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je vous remercie pour votre soutien.

M. Guillaume Garot (SOC). Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre travail qui nous éclaire sur les propositions d’amélioration de la gouvernance de l’OMI. Nous voyons bien que les amendements sont le fruit d’un compromis entre les États, lequel est sans doute loin d’être suffisant mais il ne faut refuser aucun pas en avant.

Au-delà des sujets économiques et relatifs à la sécurité, je souhaiterais évoquer les questions environnementales, qui se situent au cœur des défis du siècle. Les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime représentent 3 % des émissions mondiales : si on ne fait rien, elles s’élèveront à 17 % en 2050. C’est bien d’améliorer la gouvernance de l’OMI mais celle-ci doit avant tout se préoccuper de l’efficacité et de l’ambition de son action.

En novembre dernier, nous avons révisé, sous l’égide de l’OMI, la convention MARPOL, afin de rendre plus strict le cadre de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de le corréler à la vitesse des bateaux. Il faudra se montrer vigilant sur l’application de ces normes – j’espère que l’évolution de la gouvernance facilitera cette tâche – et capable de relever d’autres défis qui se dressent devant nous, notamment la pollution sonore, qui affecte certaines espèces, la pollution plastique et l’émission de particules fines. La France doit, dans le cadre de l’OMI, développer une ambition forte sur ces questions.

Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra l’adoption des amendements visant à améliorer le fonctionnement de cette institution nécessaire à l’équilibre de la planète.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Vous soulignez un point important et l’OMI a placé la préoccupation environnementale au rang de ses priorités. Le trafic maritime, qui représente 80 % du transport de marchandises, est le mode le moins polluant : il est préférable de transporter les marchandises par voie maritime que par voie terrestre ou aérienne. Comme vous l’avez souligné, il représente entre 2,5 % et 3 % des émissions de CO2 ; cette part pourrait en effet augmenter sous la pression des puissances émergentes, notamment de la Chine, pays exportateur qui cherche à déployer sa flotte.

Les marges de manœuvre de l’OMI ne sont pas nulles mais elles demeurent réduites. L’organisation cherche à imposer de nouvelles normes de limitation des émissions de gaz à effet de serre : plusieurs projets sont développés pour que les navires émettent à terme moins de CO2 et que la flotte actuelle soit remplacée. Ce processus est long car il représente un effort substantiel, notamment pour les pays émergents.

Je ne peux vous apporter de réponses techniques mais sachez que le travail sur cette question sera approfondi dans les années qui viennent.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). À l’origine de plus de soixante-dix conventions internationales ces cinquante dernières années, l’OMI, organe des Nations unies créé en 1948, a notamment pour objectif de sécuriser l’espace maritime et de conduire une politique collective de prévention de la pollution. Cette instance de coopération a su démontrer son importance et son efficacité dans le concert des nations. La convention de 1972 a instauré une réglementation destinée à prévenir les abordages en mer et celle de 1978 a diffusé une culture commune et universelle dans la formation des marins ressortissants des pays membres.

Une réflexion s’est ouverte en 2008 dans le but de favoriser la participation la plus représentative possible des très nombreux États membres. À ce jour, seuls quarante d’entre eux sont élus pour une durée de deux ans au Conseil de l’organisation. Vous l’avez dit, il est proposé de porter ce nombre à cinquante-deux et d’étendre la durée du mandat à quatre ans. Nous ne pouvons qu’être favorables à l’élargissement du nombre d’États qui pourront siéger au Conseil : c’est un signal fort d’ouverture et de dialogue. L’allongement de la durée des mandats réduira le temps consacré aux campagnes, au bénéfice des actions de fond. C’est un gage d’efficacité, d’autant que l’élargissement à cinquante-deux membres pourrait entraîner la formation de nouveaux blocs et provoquer une intensification des négociations au sein du Conseil de l’OMI.

Si l’élargissement du Conseil est positif, il sera essentiel, avec l’Union européenne, de veiller à ne pas laisser émerger des blocs selon le niveau de développement des pays élus et aussi d’être toujours en mesure de convaincre pour rassembler et servir l’ambition de sécuriser la navigation maritime et de préserver ce bien commun universel qu’est la mer.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Il n’y a pas de bloc actuellement à l’OMI, et tout l’enjeu est d’en éviter la constitution. Onze pays de l’Union européenne siègent actuellement au Conseil, lequel doit rester ouvert à tous les pays du monde, seule voie pour accroître sa représentativité ; voilà pourquoi le nombre de membres du Conseil est relevé de quarante à cinquante-deux.

M. Nicolas Dupont-Aignan (NI). Lors de la précédente législature, j’avais présenté avec Mme Ramlati Ali un rapport sur la pollution des océans, qui comptait quarante propositions et que je vous invite à relire. J’avais découvert à cette occasion que l’OMI était une institution essentielle, qui avait obtenu des résultats positifs, notamment en prescrivant des normes assez rigoureuses après des marées noires. L’application de ces normes dépend d’un consensus dans la formation duquel les armateurs ont un poids important mais c’est ce compromis qui assure la mise en œuvre effective des décisions. Cette résolution me paraît positive et la France n’avait pas grand-chose à dire dans la mesure où il y avait une vraie attente des pays participants. Notre intérêt est d’ailleurs que les décisions soient appliquées par tous.

L’évolution du financement de l’OMI traduit la volonté de la Chine, que l’on retrouve dans les autres organisations internationales, d’augmenter considérablement sa participation financière pour pouvoir placer ses représentants à des postes clés, notamment ceux liés aux normes. Ni la France, ni l’Union européenne, ni les États-Unis n’ont développé de stratégie en la matière, si bien que leur influence s’est très fortement réduite. La Chine a pris une influence considérable à l’OMI.

Les questions essentielles à mes yeux sont : quel argent la France veut mettre ? Quelle coordination veut-elle développer avec les autres pays de l’Union européenne ? Quelle est sa volonté politique et quelles normes souhaite-t-elle élaborer pour la déployer ? Ces interrogations sont plus importantes que celle sur le nombre de membres siégeant au Conseil.

Je rejoins l’intervention de notre collègue Garot sur la pollution du transport maritime, laquelle est appelée à augmenter considérablement. Comment pourrait-on affecter une partie des profits réalisés par les armateurs ces dernières années au renouvellement de la flotte ? Je n’ai pas la solution – si on la connaissait, ce serait miraculeux –, mais les profits comme les besoins sont colossaux et les premiers ne sont malheureusement pas affectés au remplacement des navires.

Nous avions recommandé dans notre rapport d’améliorer la surveillance de notre zone économique exclusive (ZEE) mais nous ne constatons aucun progrès dans ce domaine. Notre merveilleuse ZEE est pillée, notamment dans l’océan indien.

En Méditerranée, la réalisation d’un programme de construction de stations d’épuration, élaboré avec l’Agence française de développement (AFD), se heurte à un manque de volonté politique.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Vous le savez sans doute, la participation financière au budget de l’OMI est déterminée en fonction du tonnage de la flotte marchande. Par conséquent, la contribution de la Chine est amenée à progresser en même temps que sa flotte se développe.

J’ai évoqué les luttes d’influence à l’OMI avec l’ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’OMI : certains pays cherchent à étendre leur pouvoir au sein de l’organisation mais cette dernière essaie de contenir ces politiques dans le but de défendre l’intérêt général.

La question du pillage de la ZEE de la France n’entre pas dans les prérogatives de l’OMI, ce sujet relevant de la compétence des États. Vous avez raison de pointer ce problème car la Chine pille la ZEE française dans l’océan Pacifique en toute impunité. Peut-être faudrait-il créer une mission flash ou d’information sur le sujet ?

Certains pays sont prêts à renouveler leur flotte pour émettre moins de gaz à effet de serre mais d’autres ne le sont pas, la Chine se rangeant dans la seconde catégorie, selon les informations qui m’ont été communiquées pendant les auditions que j’ai conduites.

Mme Mireille Clapot, présidente. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Joris Hébrard. L’OMI est régie par la convention du 6 mars 1948, laquelle a déjà été amendée plusieurs fois pour l’adapter à la nouvelle répartition de l’espace maritime. Les amendements issus de la résolution A.1152 (32) ont été adoptés le 8 décembre 2021 par l’OMI ; il appartient désormais aux différents Parlements d’approuver cette modification.

Les amendements visant les articles 16 et 17 modifient la composition du Conseil de l’OMI. Cette organisation dépense annuellement plus de 61 millions de livres sterling pour le fonctionnement d’un Conseil composé de quarante membres, dont les charges courantes représentent 80 % des frais. Parmi les cent soixante-quinze États membres, trente-cinq ne sont pas à jour de cotisation, pour un total s’élevant à 419 000 livres sterling. Quelles seront les conséquences budgétaires de l’inclusion de douze États supplémentaires au Conseil ?

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Par rapport au budget des autres organisations internationales, celui de l’OMI est modeste puisqu’il ne représente que quelques dizaines de millions de livres sterling. Les enjeux financiers sont donc assez minimes. Le montant des cotisations dues, qui n’ont pas été encore acquittées, représente quelques centaines de milliers de livres sterling ; ce phénomène se retrouve dans les autres organisations internationales, lesquelles éprouvent également des difficultés à recouvrer l’ensemble de leurs créances. Certains États connaissent des problèmes importants et peinent à régler leur contribution.

L’incidence budgétaire de l’adoption de la résolution est a priori plutôt contenue, bien qu’un surcoût, relativement mineur, apparaisse très probablement à l’avenir.

Mme Mireille Clapot, présidente. Nous vous remercions, Monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre travail et des échanges que nous avons eus. Je suis ravie que les membres de cette commission, élus dans des départements maritimes ou non, aient témoigné de leur intérêt pour réformer la gouvernance de l’OMI, agence spécialisée de l’ONU qui régule les transports maritimes internationaux pour leur sécurité, leur sûreté et leur performance environnementale.

Vos différentes interventions ont montré l’intérêt de l’élargissement et de l’ouverture des organes de gouvernance à d’autres pays et à d’autres langues. La France et les États de l’Union européenne jouent un rôle au sein de l’OMI et de son Conseil, dans les catégories a) et b).

Comme vous l’avez souligné, les enjeux sont géopolitiques – nous avons évoqué à plusieurs reprises le rôle de la Chine – ; donc la France doit porter un grand intérêt à l’OMI. Ils sont également économiques, la question des ressources et celle de l’équilibre économique du transport maritime revêtant une importance particulière. Enfin, ils sont écologiques et touchent à la préservation du milieu maritime et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, du bruit et de la modification du milieu marin induits par le transport maritime.

La question du financement de l’organisation renvoie à celle du pouvoir au sein de celle-ci. Votre rapport est très intéressant car il n’élude pas ce problème, pas plus que tous les autres.

 

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Article unique (autorisation de la ratification de la résolution A.1152 (32) du 8 décembre 2021, relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’OMI)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

La séance est levée à 10 h 30

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Membres présents ou excusés

 

 

Présents. - M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Chantal Bouloux, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Faure, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, Mme Olga Givernet, M. Philippe Guillemard, M. Michel Guiniot, M. Joris Hébrard, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Nathalie Oziol, M. Kévin Pfeffer, Mme Barbara Pompili, M. Jean-François Portarrieu, Mme Sandra Regol, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Ersilia Soudais, Mme Liliana Tanguy, M. Lionel Vuibert, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan, M. Frédéric Zgainski

 

Excusés. - Mme Farida Amrani, Mme Véronique Besse, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Moetai Brotherson, M. Sébastien Chenu, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, M. Vincent Ledoux, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, Mme Michèle Tabarot, Mme Laurence Vichnievsky, M. Patrick Vignal, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Patrick Hetzel, M. Jean-Luc Warsmann