Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2023 (n° 273) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits des missions :

  Justice (M. Bryan Masson, rapporteur spécial)...........2

–  Administration générale et territoriale de l’État (M. Charles de Courson, rapporteur spécial) 17

  Sécurités : .................................29

-Police, gendarmerie nationale, sécurité routière ; Contrôle de la circulation et du stationnement routiers (Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale)

-Sécurité civile (M. Florian Chauche, rapporteur spécial)

–  Immigration, asile, et intégration (Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, rapporteurs spéciaux) 47

  Recherche et enseignement supérieur : ...............54

-Enseignement supérieur et vie étudiante (M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial)

-Recherche (M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial)

–  Conseil et contrôle de l’État (M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial) 76

  présences en réunion...........................79


Vendredi
21 octobre 2022

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273).

M. le président Éric Coquerel. Cet après-midi, nous avons à examiner les crédits de plusieurs missions.

Mission Justice

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. En 2023, la mission Justice bénéficiera de 12,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 11,6 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

Le budget de la mission progresse de 8 % en crédits de paiement. Contrairement aux années précédentes, cette hausse est principalement tirée par la progression des crédits de titre 2, qui augmenteront de 552 millions d’euros en 2023. Le projet de loi de finances prévoit la création de 2 253 emplois. Cette progression est notable du fait de son ampleur et de sa ventilation : alors que l’administration pénitentiaire captait habituellement la majorité des créations de postes, la justice judiciaire bénéficiera en 2023 de 1 220 emplois supplémentaires.

Ce budget semble traduire les premières conséquences que le ministère entend tirer des recommandations formulées par le comité des états généraux de la justice en juillet dernier. Nous pouvons nous en féliciter. Toutefois, derrière des effets d’annonce, je tenterai de vous démontrer que la réalité est bien plus complexe et ambigüe.

S’agissant de la justice judiciaire, il convient, en premier lieu, de rappeler que les difficultés structurelles des juridictions sont considérables. À titre d’exemple, le taux de vacance des postes de greffiers s’établit à 7,2 %, soit 2,7 points de plus qu’en 2019. En outre, les cibles fixées en matière de délais de traitement des affaires civiles repartent, à nouveau, à la hausse.

La Première ministre a certes annoncé, lors de son discours de politique générale, la création de 1 500 postes de magistrats sur cinq ans – 200 ETP supplémentaires de magistrats sont prévus par le projet de loi de finances pour 2023 – mais sans doute cela arrivera-t-il plus tard. Reste à savoir quand sera ce « plus tard ». Néanmoins, le ministère demeure dans l’ambiguïté : ces emplois relèvent-ils de créations de postes au sein des juridictions ou d’ouvertures de places supplémentaires à l’École nationale de la magistrature (ENM) ? En d’autres termes, ces renforts seront-ils opérationnels en 2023 ou seulement à compter de 2025 ? Cela mériterait d’être précisé, l’incidence pour le système judiciaire étant quelque peu différente.

De plus, le garde des sceaux a annoncé une revalorisation à hauteur de 1 000 euros de la rémunération des magistrats à partir d’octobre 2023. Cette dernière prendra la forme d’une hausse des primes forfaitaire et modulable versées aux magistrats. En réalité, dès lors que ces primes sont indexées sur le traitement indiciaire, cette revalorisation concernera en priorité les magistrats les plus expérimentés, et surtout ne résoudra pas la question de l’attractivité de la profession, qui reste le sujet central.

S’agissant de l’administration pénitentiaire, en dépit de la livraison de nouvelles places de prison, la population carcérale continue de progresser bien plus vite : le taux d’occupation des places en maison d’arrêt pourrait atteindre plus de 130 % en 2023. Dès lors, comment espérer une amélioration des conditions de détention ?

Le projet de loi de finances prévoit par ailleurs la création de 809 ETP. Là encore, il convient de souligner la réalité de la situation : ces postes concernent majoritairement des personnels de surveillance, pour lesquels le schéma d’emplois est, hélas, année après année, systématiquement sous-exécuté : d’un côté des annonces, de l’autre des postes non pourvus.

Des moyens supplémentaires seront, en outre, alloués aux bracelets antirapprochement. Néanmoins, de nombreux dysfonctionnements ont été répertoriés sur ces outils, ce qui a conduit le ministère à changer de prestataire en 2022. Cet exemple montre qu’en dépit de moyens supplémentaires, le pilotage fait toujours défaut.

Les crédits alloués à l’aide juridictionnelle progresseront de 26 millions d’euros. Le bleu budgétaire indique que des mesures législatives seront proposées pour favoriser le recouvrement des sommes engagées par l’État au bénéfice des justiciables non éligibles. C’est souhaitable, mais pourquoi attendre la seconde partie du projet de loi de finances pour introduire, par voie d’amendement, cette mesure qui aurait dû figurer dans le texte dès le stade de son dépôt ? L’absence d’évaluation préalable ne peut que nous conduire à fortement douter s’agissant de la manière dont cette réforme sera gérée.

Enfin, sur l’article 44 du projet de loi de finances, il nous est proposé de prolonger de deux ans l’expérimentation rendant obligatoire une tentative de médiation préalable à la saisine du juge pour certaines affaires familiales. Sur le principe, je suis favorable à cette extension. Toutefois, je dois signaler que ce serait la troisième fois que nous prolongerions cette expérimentation et que, selon les informations dont nous disposons, la Caisse nationale des allocations familiales n’a toujours pas donné son accord pour participer à son financement. Nous nous prononçons donc sur un article sans savoir quelle en sera exactement la portée !

Tous ces exemples démontrent que, sans pilotage satisfaisant de ces moyens supplémentaires, la justice ne pourra sortir durablement de la crise qu’elle traverse. Beaucoup reste à faire et, jusqu’à présent, les résultats n’ont pas été satisfaisants.

Pour toutes ces raisons, je vous propose donc de rejeter les crédits de la mission.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis de la commission des lois. J’interviens sur les crédits de la mission Justice, et plus précisément sur quatre des six programmes examinés par le rapporteur Hetzel, qui regroupent la Justice judiciaire et l’Accès au droit et à la justice. La commission des lois ne s’étant pas encore réunie, je précise que cette intervention est faite en mon nom propre.

À l’instar des deux lois de finances précédentes, ce PLF 2023 propose une forte hausse des moyens consacrés à la justice. Les crédits de paiement alloués au programme Justice judiciaire augmentent de 7,8 %.

Pour renforcer l’attractivité des métiers du monde judiciaire des efforts budgétaires importants sont consacrés à l’augmentation des rémunérations. Ainsi, l’indemnité de sujétion des greffiers sera revalorisée et 29,2 millions d’euros seront dédiés à l’augmentation de la rémunération des magistrats à compter d’octobre 2023. En parallèle, pour améliorer le fonctionnement de nos juridictions, ces efforts s’accompagnent de la création de 1 220 emplois dans les services judiciaires, dont 200 magistrats, 191 greffiers et 300 juristes assistants.

Si je me réjouis des moyens supplémentaires accordés à la justice, j’ai conscience que le chemin à parcourir reste long tant l’administration judiciaire a été lésée durant de nombreuses années. Ce budget n’est donc qu’une étape : 1 500 postes de magistrats et 1 500 postes de greffiers doivent être créés au cours du quinquennat.

L’accès au droit est également une priorité. Les crédits qui y sont alloués augmentent de 19,7 % pour renforcer les moyens des points-justice, qui garantissent un accès à une information fiable aux justiciables.

Enfin, les associations d’aide aux victimes, partenaires clés du ministère de la justice, voient également leurs moyens augmenter de 6,8 % par rapport à 2022.

Je suis donc très favorable à l’adoption des crédits de la mission Justice.

Article 27 et État B : Crédits du budget général

Amendement II-CF887 de Mme Raquel Garrido. 

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Cet amendement vise à recruter plus de magistrats pour permettre au parquet national financier (PNF) de fonctionner de manière optimale.

En 2023, 200 emplois de magistrat seront financés par le programme 166. Or ce nombre nous paraît très insuffisant dans la mesure où les magistrats sortis d’école n’arriveront pas immédiatement dans les juridictions, et alors que nous alertons sur les moyens insuffisants alloués au PNF.

L’étude d’impact relative au projet de loi de création du PNF en 2013 mentionnait « un parquetier ne peut assurer le suivi de plus de huit affaires, compte tenu de la complexité de ces dossiers ». Or, le PNF ne compte aujourd’hui que dix-huit magistrats pour 590 affaires en cours, soit 32 affaires chacun. Il faudrait donc 73 magistrats au PNF, soit 55 magistrats en plus si l’on voulait qu’ils aient à traiter huit affaires chacun.

Nous souhaitons une véritable répression de la grande délinquance économique et financière pour qu’enfin, les délinquants en cols blancs soient traduits devant la justice et que l’on puisse aller au bout des affaires. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de créer 55 postes de magistrats supplémentaires au PNF, et appelons le Gouvernement à lever le gage.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Cet amendement a déjà été discuté l’an dernier. C’était sous la précédente législature, je vais donc vous livrer quelques éléments de réponse.

Nous avons un désaccord de fond. Pour ma part, je suis favorable à la suppression du PNF, non qu’il n’existe pas un sujet de délinquance financière, mais parce qu’au cours de ces dernières années, le PNF a instillé le soupçon de sa partialité : il a modifié le cours de l’élection présidentielle de 2017, il a menacé le secret professionnel des avocats, sans parler des déclarations de l’ancienne directrice qui avait affirmé avoir subi des pressions de sa hiérarchie.

Bref, le PNF est devenu une instance qui pose davantage de problèmes qu’elle ne semble en résoudre. Pour ce qui me concerne, j’émets un avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous avons en effet redéposé le même amendement parce que les effectifs n’ont pas évolué. Il faut tout de même le dire aux collègues de la majorité qui nous « vendent » des moyens supplémentaires pour la lutte contre la délinquance économique et financière. J’ai commis deux rapports sur le sujet qui ne concernaient pas que le PNF mais également la police, les douanes et la justice. Rien n’a changé ! Les effectifs ont même légèrement diminué dans certains services. Donc, nous alertons à nouveau.

Je précise également que, sur les affaires évoquées par le rapporteur, le CSM a rendu récemment des délibérés qui ont blanchi deux des magistrats du PNF, injustement mis en cause, semble-t-il, par le garde des sceaux, luimême d’ailleurs mis en cause pour ces raisons devant la Cour de justice de la République. L’histoire est donc légèrement plus compliquée que l’explication que nous pourrions en donner en une minute.

En tout cas, un problème de moyens se pose que ce soit au PNF ou ailleurs, sur lequel nous pouvons tous nous retrouver. Dans le cadre du projet de Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur), nous avons eu une audition sur la cybercriminalité : au parquet de Paris, le nombre de magistrats pour la cybercriminalité est de trois. Trois magistrats : comment peut-on s’en satisfaire en 2022 ?

La commission rejette l’amendement II-CF887.

Amendement II-CF891 de M. Jean-François Coulomme.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Les crédits de la mission Justice sont à l’image du projet du Gouvernement en la matière : les orientations sécuritaires et de destruction du service public de la justice à l’œuvre depuis cinq ans sont renouvelées pour cinq années supplémentaires. Ce nouveau quinquennat marquera l’accomplissement du projet gouvernemental, avec l’ouverture des 15 000 places de prison supplémentaires ou encore des vingt centres éducatifs fermés promis.

Les crédits envisagés pour le déploiement de ce projet doivent être redéployés au profit d’un accès à la justice effectif et d’une aide juridictionnelle renforcée, la justice restant le dernier rempart pour les plus précaires d’entre nous qui, trop souvent, voient leurs droits bafoués, faute de pouvoir y accéder. C’est l’objet de cet amendement, qui vise précisément à augmenter les crédits de l’aide juridictionnelle, pierre angulaire de l’accès à la justice et aux droits pour tous.

Les parlementaires du groupe LFI-NUPES proposent de prélever 650 millions d’euros en AE et en CP de l’action 01 Garde et contrôle des personnes placées sous-main de justice du programme 107 Administration pénitentiaire, destinés aux investissements immobiliers pour créer de nouvelles places de prison, pour abonder le programme 101 Accès au droit et à la justice de 650 millions d’euros en AE et CP.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Il s’agit, en fait, de doubler les crédits de l’aide juridictionnelle, puisque ceux-ci sont de 650 millions d’euros. Rappelons que l’aide juridictionnelle a été réformée plusieurs fois depuis 2020 : les critères d’éligibilité ont été élargis, les demandes peuvent désormais être formulées par voie électronique, et l’unité de valeur (UV) de rétribution des avocats a été portée à 36 euros.

Certes, c’est moins que ce qui était préconisé par le rapport Perben. Comme l’a rappelé récemment le comité des États généraux de la justice dont les recommandations portent sur la revalorisation de certaines activités et la possibilité de l’ouvrir à des personnes morales, beaucoup reste à faire en matière d’aide juridictionnelle. Toutefois, procéder à un doublement me semble déraisonnable, parce que tout laisse accroire que ces crédits ne seraient pas consommés.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pour que ces crédits soient consommés, il suffit simplement de modifier les plafonds d’accès à l’aide juridictionnelle, qui comportent trois niveaux de prise en charge – 100 %, 50 % et 75 %. Or, à ce jour, et même s’il a été rehaussé, le plafond est toujours légèrement inférieur au Smic pour une prise en charge à 100 %. En France, on part donc du principe qu’un smicard ne pourra pas bénéficier d’une aide juridictionnelle à 100 % !

C’est un problème de fond. Certes, les UV ont été revalorisées, mais ce n’est pas non plus mirobolant. Le doublement proposé se justifie donc largement. Si l’on affectait un peu moins de 15 milliards au ministère de l’intérieur, on pourrait peut-être accorder 650 millions de plus au ministère de la justice pour l’accès au droit, qui me semble plus essentiel.

La commission rejette l’amendement II-CF891.

Amendement II-CF888 de M. Jean-François Coulomme.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Les crédits alloués à l’accès au droit progressent de 2,4 millions d’euros en 2023 pour étendre les plages horaires et les capacités d’accueil des conseils d’accès au droit et des maisons de justice et du droit. Les crédits alloués à l’aide aux victimes progressent également de 2,7 millions d’euros pour renforcer les moyens des associations locales.

Au-delà des moyens humains, l’accès au droit passe par le déploiement du système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ). Or, pour le moment, seuls 45 % des bureaux d’aide juridictionnelle en sont dotés ; une vraie amélioration doit être apportée en la matière. L’amélioration du quotidien des justiciables passera par des progrès dans la manière dont le ministère pilotera ses politiques publiques.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il existe un véritable maquis d’associations qui remplissent cette fonction très concrètement. On peut les en remercier, car elles le font dans des conditions de précarité évidentes. Ces 15 millions permettraient à ces associations, auxquelles on délègue cette importante mission d’accès au droit, de la remplir correctement.

J’ajoute que l’accès au droit n’est pas exactement la même chose que l’aide juridictionnelle : l’aide juridictionnelle prend en charge les frais d’avocats ; l’accès au droit permet de savoir si cela vaut la peine d’engager une démarche, quelle démarche entreprendre et si, d’ailleurs, elle est judiciaire car tel n’est pas toujours le cas. Tout cela n’est pas évident pour le justiciable lambda, voire pour de nombreux députés.

Nous voulions donc souligner qu’il y a matière à progresser, parce que les associations d’aide aux victimes réclament des moyens supplémentaires.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial Monsieur Bernalicis, j’entends vos arguments pour les associations. Mais pour l’accès au droit, le problème est lié aux systèmes d’information. C’est au secrétariat général de le piloter. J’espère que nous pourrons avoir le débat dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement II-CF888.

Amendement II-CF889 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement vise à redéployer des crédits, mais, cette fois, nous pouvons laisser le gage, puisqu’il s’agit de faire fermer les centres éducatifs fermés dont l’inefficacité a été montrée dans de multiples rapports.

La loi de programmation de la justice prévoyait de construire une vingtaine de nouveaux centres, avec une perspective à trente. Au-delà du fait que ces projets prennent du retard, on constate un sous-financement des prises en charge de décision d’accompagnement en milieu ouvert par les éducateurs de la PJJ et par un certain nombre de structures qui sont, pour leur part, en difficulté financière alors même qu’elles permettent de meilleurs résultats dans la prise en charge de mineurs qui sont en rupture ou en conflit avec la loi.

En outre, un euro mis dans le milieu ouvert est plus utile qu’un euro mis dans un centre éducatif fermé, et les dispositifs sont moins coûteux.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Je vous rejoins sur un point : la performance est meilleure en milieu ouvert qu’en milieu fermé. Mais nous avons aussi besoin de places de centres éducatifs fermés. C’est ce que demandent d’ailleurs un certain nombre de magistrats, ne seraitce que dans ma circonscription, lorsque j’échange avec eux. À mon sens, il ne faut pas opposer les deux ; ce qui est en jeu, ce sont les profils des personnes concernées.

Je puis témoigner qu’un certain nombre de centres éducatifs fermés accomplissent un excellent travail. Il faut s’attacher à améliorer leurs résultats plutôt que d’opposer les systèmes.

La commission rejette l’amendement II-CF889.

Amendement II-CF890 de Mme Raquel Garrido.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement vise à recruter davantage d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Même si de petites augmentations ont été décidées dans le cadre de la loi programmation de la justice et de celle portant sur le code de justice pénale des mineurs, cette administration reste en difficulté et mériterait de disposer de moyens supplémentaires, surtout quand, dans le discours de la majorité et du Gouvernement, on fixe l’ambition d’un meilleur accompagnement des mineurs en conflit avec la loi.

Ces 2,2 millions d’euros permettraient de recruter 1 200 éducateurs de la PJJ supplémentaires.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Lorsque le garde des sceaux annonce des créations de postes et que ceux-ci ne sont pas pourvus, je ne manque jamais de le dénoncer.

Je serai cohérent ici : votre proposition de recruter 1 200 agents de la PJJ supplémentaires est irréaliste. Cela impliquerait de multiplier par dix le schéma d’emplois habituel.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable

La commission rejette l’amendement II-CF890.

Amendement II-CF881 de Mme Perrine Goulet. 

Mme Perrine Goulet (Dem). Il s’agit de permettre à chaque enfant pris en compte dans le cadre de l’assistance éducative, donc potentiellement en instance d’être mis sous protection, d’être assisté d’un avocat. Cette proposition que je défends depuis très longtemps, est également portée par les professionnels du Conseil national du barreau. Des tests réalisés dans certaines juridictions ont démontré l’utilité d’une telle mesure.

Comme il s’agit d’enfants, il conviendrait d’augmenter les fonds de l’aide juridictionnelle pour qu’ils bénéficient d’un avocat commis d’office lorsqu’ils sont impliqués dans une affaire d’assistance éducative.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Madame Goulet, cet amendement fait effectivement référence à d’importants débats que nous avons eus lors de la discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants en 2021.

Le code civil prévoit déjà la possibilité de désigner un avocat pour les mineurs impliqués dans une affaire d’assistance éducative. Dans ce cadre, l’aide juridictionnelle leur est accordée de droit, en vertu des dispositions de la loi de 1991 relative à l’aide juridique. Je ne suis donc pas certain que l’allocation de crédits supplémentaires pour l’aide juridictionnelle, qui progressera par ailleurs de 26 millions d’euros en 2023, soit nécessaire.

Je préconise donc un retrait.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il est repris.

La commission rejette l’amendement II-CF881.

Amendement II-CF890 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont (RE). Il s’agit d’un amendement d’appel qui concerne les enquêteurs sociaux. Je m’interroge sur l’évolution de la tarification des enquêtes sociales en matière civile. En effet, le cadre des enquêteurs sociaux a été créé en 2009 et, depuis la réévaluation des tarifs intervenue en 2011, il n’y en a plus eu aucune.

J’avais interrogé le ministre à ce sujet il y a deux ans. Il m’avait indiqué que des évolutions étaient en cours d’élaboration. Avons-nous des résultats, monsieur le rapporteur ?

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. J’avoue humblement ne pas être en mesure de vous apporter de réponse. Je vous propose donc de retirer votre amendement, et de le redéposer afin d’en échanger directement avec le ministre en séance.

L’amendement II-CF890 est retiré.

Amendement II-CF883 de M. Ugo Bernalicis. 

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement concerne le placement à l’extérieur.

Une fois n’est pas coutume, la ligne budgétaire progresse mais pas de façon suffisante pour que le placement à l’extérieur soit davantage prononcé. Les structures associatives demandent une augmentation de leur prix de journée. J’étais dernièrement avec des collègues à la ferme de Moyembrie qui accomplit un travail remarquable pour quarante euros à peine par jour et par personne détenue en aménagement de peine. Heureusement qu’ils font du maraîchage pour combler le budget ! Ils remplissent pourtant avec succès une mission d’intérêt général et nous pouvons les en remercier. Il faut augmenter les prix de journée ainsi que le nombre de structures.

Pourquoi également ne pas faire en sorte que l’administration pénitentiaire crée elle-même des structures qui seraient gérées par ses propres moyens ? Dans la suite de la loi de programmation de la justice, cette mesure devrait normalement être davantage prononcée ab initio. Or tel n’est absolument pas le cas du fait du manque de moyens en la matière.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Même si nous pouvons avoir des désaccords, je salue la cohérence argumentative de M. Bernalicis.

S’agissant du placement extérieur, le budget pour 2023 s’élèvera à 13,9 millions d’euros. Comparé à 2022, cela représente une hausse de 67 %. De surcroît, le prix de journée par personne placée est revalorisé de 10 euros.

Vous proposez de multiplier l’enveloppe par quatre. Cela me semble irréaliste. Comme je l’ai déjà dit, il semble illusoire de penser que tous les détenus pourraient bénéficier d’un placement à l’extérieur. Il existe d’autres outils d’insertion complémentaires, notamment le travail en prison. Il importe de veiller à ne pas créer trop de distorsion entre les outils disponibles au sein de l’administration pénitentiaire pour agir en faveur de l’insertion des détenus.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le Gouvernement a l’intention de créer une agence de la probation. C’était précisément l’objet d’un amendement que j’avais défendu ! Il a découvert qu’il existait d’autres mesures que le TIG (travail d’intérêt général). C’est une bonne nouvelle.

Multiplier l’enveloppe par quatre reste minime : cela représente à peine 40 millions d’euros. Nous sommes loin du budget consacré à l’administration pénitentiaire et à la construction de places de prison. Le placement à l’extérieur demeure une mesure marginale, qui bénéficie à très peu de personnes. Il faut la développer si l’on veut faire de la prévention de la récidive.

Aujourd’hui, la mesure est très peu prononcée parce que cela ne se pratique qu’en aménagement de peine, et plutôt sur de longues peines, et parce que l’on est face à des difficultés : les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) manquent de moyens et les structures associatives manquent de visibilité, parce que les moyens ne sont pas au rendez-vous.

Il faudrait un électrochoc de moyens pour lancer la dynamique. Avec 13,5 millions d’euros, cela reste trop timide.

La commission rejette l’amendement II-CF883.

Amendement II-CF892 de M. Ugo Bernalicis.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Voilà un amendement qui devrait faire l’unanimité puisqu’il concerne l’accès aux droits des femmes.

Nous considérons qu’aucune femme ne devrait être bloquée dans son accès au droit par une barrière financière. Or les procédures judiciaires sont longues, complexes et souvent très coûteuses. Selon les avocats spécialisés, 40 % des femmes victimes de violences sont éligibles, totalement ou partiellement, à l’aide juridictionnelle, et 19 % des femmes victimes de violences portent plainte. Le montant de l’aide juridictionnelle étant trop faible de manière générale, nous proposons le doublement de ce budget, qui n’est déjà pas très élevé.

Un autre levier d’action sur le coût des procédures serait d’aligner le montant des règlements des avocats qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle pour la partie civile sur les montants prévus pour le prévenu, qui sont aujourd’hui de moitié supérieurs, afin d’assurer une égalité de traitement.

En parallèle, il conviendrait d’améliorer la formation des magistrats, pour qu’ils puissent s’approprier pleinement l’ensemble du spectre des procédures, tant pour la protection des victimes que pour la prise en charge des auteurs.

Pour remplir ces objectifs, nous proposons concrètement la création d’un pôle judiciaire de lutte contre les violences intrafamiliales au sein des juridictions.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Ma réponse ne sera pas uniquement de nature budgétaire.

Ce sujet soulève une véritable interrogation. Mais nous ne pouvons le traiter uniquement en commission budgétaire. Il ne faut pas inverser l’ordre des choses. Nous devons, dans un premier temps, avoir un vrai débat sur la question de la création de pôles judiciaires de lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons aborder l’aspect budgétaire.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, pour que nous ayons un débat de fond sur cette question qui devrait être débattue assez rapidement. En tout cas, mon groupe parlementaire présentera une proposition en ce sens.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Les femmes commencent à perdre patience. Les associations attendent depuis longtemps. L’enveloppe budgétaire globale a été estimée à un milliard d’euros, et il n’est question ici que de 20 millions – ce n’est pas grandchose par rapport à la somme escomptée !

L’idée de créer des pôles judiciaires spécialisés dans la lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales sexuelles et sexistes dans les tribunaux a déjà été proposée par la France insoumise. Il serait de bon aloi aujourd’hui d’avoir une attitude consensuelle de co-construction pour aller rapidement dans ce sens.

L’avocat qui s’occupe de la victime en aide juridictionnelle passe peut-être autant de temps que celui qui s’occupe du prévenu. On peut le penser en matière de droit pénal général mais, en matière de violences sexuelles, ce n’est pas tout à fait le cas. Les problématiques de preuve sont différentes, tout comme l’accompagnement psychologique et social. Il importe donc que la partie civile, la victime, soit dans la même situation que le prévenu s’agissant de l’aide juridictionnelle.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Madame Garrido, je vous rejoins pleinement : les femmes attendent et je ne réfuterai pas l’idée que le problème est réel.

Cependant, l’aide juridictionnelle bénéficie d’une augmentation de 252 millions d’euros en trois ans, ce qui devrait permettre de traiter ces enjeux.

Reste la question des pôles judiciaires spécialisés, qui doit être débattue en commission des lois. Je ne trouverais pas pertinent d’en discuter seulement en commission des finances.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteur pour avis. Pour avoir orienté mon rapport thématique sur l’accès aux droits des victimes de violences intrafamiliales, je sais que les positionnements de magistrats divergent sur la question des juridictions spécialisées. Il importe donc d’avoir un débat ouvert et complet en la matière.

S’agissant de l’accompagnement social et médicosocial des victimes, j’appelle votre attention sur le fait que celui-ci incombe moins aux avocats qu’aux associations d’aide aux victimes qui, elles, voient leurs crédits considérablement augmenter.

La commission rejette l’amendement II-CF892.

Amendement II-CF884 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement est bien chiffré dans le projet annuel de performances (PAP) du Gouvernement pour le programme 176 Police nationale. C’est même le détail du financement de la direction centrale de la police judiciaire au sein du ministère de l’intérieur. Il faudra cependant lever le gage ou plutôt transférer des crédits d’une mission à l’autre puisqu’il s’agit de rattacher, ou tout au moins de détacher, la police judiciaire auprès de l’autorité judiciaire.

Le débat est d’actualité, à la suite notamment des différentes mobilisations des policiers de la police judiciaire un peu partout dans le pays et au rassemblement de lundi dernier. Si toutes les associations de magistrats demandent, ce qui est cohérent, le rattachement de la police judiciaire à l’autorité judiciaire, les policiers de la police judiciaire finissent par en arriver eux aussi à cette conclusion après la proposition de réforme – en dépit du bon sens – du ministre de l’intérieur.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Vous indiquez dans l’exposé sommaire des motifs qu’il s’agit d’un amendement d’appel. De fait, la réforme de la police judiciaire dépasse le cadre de la mission Justice, mais je partage vos préoccupations.

Cela étant, vous proposez une réforme assez conséquente : le rattachement de la police judiciaire au ministère de la justice, auquel, selon vous, de nombreux policiers seraient à présent favorables. Non, ce n’est pas le cas de tous. J’en ai rencontrés qui le refusent. Je ne reviendrai pas sur la position de la direction générale de la police nationale dans le cadre des auditions menées par la commission d’enquête sur l’indépendance de la justice, que vous présidiez.

Donc, à ce stade et sur un sujet dont je ne méconnais pas l’importance mais qui mérite un véritable débat, je vous propose de retirer votre amendement. Sinon, mon avis sera défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je le maintiens parce que le sujet est d’actualité. Spontanément, de nombreux policiers, dont ceux de la PJ, ne sont pas forcément pour le rattachement à l’autorité judiciaire, parce qu’ils ont un sentiment d’appartenance au ministère de l’intérieur, à la police nationale et qu’il y a un effet de corps que l’on peut comprendre. Mais ils ont compris que si l’on poussait jusqu’au bout la logique d’absorption sous une autorité commune – sous l’autorité préfectorale au niveau départemental – les spécificités de leur métier, notamment celles de l’enquête judiciaire, ne pourraient pas être respectées au regard de nos principes fondamentaux de séparation des pouvoirs.

Les premiers retours des expérimentations sont d’ailleurs dramatiques. Ainsi, à la Martinique, où tous les services sont mutualisés, un officier de la police aux frontières (PAF), qui était de permanence, a dû geler une scène de crime alors que ce n’est pas du tout son travail. S’il remplit sans doute très bien ses fonctions à la PAF, il n’est pas OPJ. Un tel fonctionnement est impossible. C’est la raison pour laquelle nombre de policiers, notamment ceux de l’Association nationale de la police judiciaire qui s’est créée pour l’occasion, finissent par se demander s’il ne vaudrait pas mieux pour eux être « détachés » – le terme est un peu impropre – auprès du ministère de la justice.

Cet amendement en est la traduction budgétaire.

La commission rejette l’amendement II-CF884.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes.

Mme Nadia Hai (RE). Je regrette que le rapporteur ait émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission, alors que le budget de la justice continuera à progresser entre 2023 et 2025 pour atteindre 10,68 milliards d’euros, soit 21 % de plus que la loi de finances initiale de 2022.

En votant contre ce budget, vous votez contre l’effort consenti en faveur des effectifs du ministère de la justice, en augmentation de plus de 10 000 ETP d’ici à 2027. Vous votez également contre la poursuite des programmes immobiliers du ministère ; il me semble pourtant que la construction de places de prison est un sujet important dans votre famille politique, monsieur le rapporteur. Avec plus de 15 000 places construites et la rénovation des tribunaux, les investissements immobiliers durant la période allant de 2023 à 2025 atteindront un montant de 3,5 milliards d’euros. C’est loin d’être négligeable.

Des crédits sont également consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse – plus 27 % sur la période –, ainsi qu’aux alternatives à l’incarcération.

Nous avons toutes les raisons de voter ce budget ambitieux, qui répond à l’ensemble des enjeux en même temps. Je vous invite vivement à adopter, avec nous, les crédits de cette mission.

M. Philippe Schreck (RN). Notre groupe votera contre les crédits de la mission Justice

En termes budgétaires, malgré une augmentation des crédits, le pourcentage dévolu à la justice demeure bien faible par comparaison avec nos voisins européens. Ils sont insuffisants s’agissant de l’accès à la justice ou du programme Administration pénitentiaire. S’il est annoncé, à l’horizon 2027, un plan de 15 000 places supplémentaires de prison, les moyens humains de l’administration pénitentiaire n’y sont pas Ainsi, pour l’exercice 2023, sont prévus 2 027 nouvelles places de prison et seulement 489 recrutements d’agents pénitentiaires. Cela signifie que l’on ne pourra pas armer concrètement, en femmes et en hommes, ces postes prétendument créés. À ce rythme, ce n’est pas en 2027 que ces 15 000 places seront effectives, mais plutôt en 2040 !

En outre, cela s’accompagne d’un problème de valorisation de la fonction qui explique la crise du recrutement. Nous n’arriverons pas à armer ces 15 000 nouvelles places, car les surveillants seront recrutés en catégorie C. Rappelons que les mutations de catégorie C en catégorie B pour 2023 ne sont prévues que très marginalement, pour quelques centaines d’agents.

Pour ces raisons et pour des problèmes de moyens limités sur la sécurisation active et passive des sites carcéraux, nous ne voterons pas ces crédits.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Si les crédits de paiement de cette mission augmentent certes de 8 %, soit à peu près le niveau de l’inflation, il n’en demeure pas moins que, selon le rapport Sauvé, la France a dépensé en 2020, 72 euros par an et par habitant pour sa justice, soit presque deux fois moins que notre voisin allemand. De plus, le nombre de magistrats ne sera pas réajusté dans ce budget. Or la France ne dispose, à ce jour, que de onze magistrats pour 100 000 habitants, là où la moyenne européenne est du double.

Bref, malgré les hausses annuelles successives d’un budget régalien, notre justice est à ce jour exsangue et subit une crise profonde résultant de décennies de politique publique défaillante. C’est également ce qu’indique le rapport Sauvé. Notre justice ne parvient plus à trancher les litiges dans des conditions décentes et à protéger les personnes les plus fragiles dans des délais raisonnables. Des moyens humains et financiers sont requis d’urgence pour garantir l’accès de toutes et tous à la justice et conduire une politique de justice efficace.

Il est temps de mettre fin à la précarisation de la justice. Cela passe, entre autres, par le recrutement massif de nouveaux fonctionnaires – magistrats, greffiers, personnels administratifs et agents de la protection judiciaire de la jeunesse – et surtout par un changement de paradigme en matière d’échelle des peines et de sens de la peine, en désengorgeant par exemple les établissements pénitentiaires plutôt qu’en construisant de nouvelles places de prison qui seront de toute façon remplies, étant donné l’inflation pénale. C’est ce que nous proposerons par voie d’amendements.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article.

Mme Perrine Goulet (Dem). Nous regrettons la position du rapporteur. Nous estimons, quant à nous, que la majorité consent un effort significatif en faveur des fonctions régaliennes, notamment en faveur du service public de la justice. Les crédits de paiement de la mission s’établissent ainsi à plus de 11,5 milliards d’euros, dont 9,5 milliards pour les crédits hors CAS (compte d’affectation spéciale) Pensions soit une augmentation de 711 millions d’euros par rapport à la LFI 2022. Sur les cinq dernières années, la progression de ce budget atteint les 40 %.

Les moyens nécessaires à la modernisation de notre justice et à la mise en œuvre des recommandations issues des états généraux de la justice sont bien prévus.

Parmi les priorités de cette année, je salue l’effort important consenti pour lutter contre les violences familiales, dont le budget est en hausse de 170 millions sur les trois dernières années. Celui de la PJJ est également renforcé.

Nous voterons donc ces crédits.

M. Philippe Brun (SOC). Les crédits de la mission Justice pour 2023 s’inscrivent dans la continuité, marqués par la volonté de maintenir un effort significatif en faveur des fonctions régaliennes. Nous ne pouvons que nous réjouir que la France, dont le budget de la justice a longtemps été classé au trente-septième rang du Conseil de l’Europe derrière l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mette à niveau ses fonctions juridictionnelles afin de rejoindre la moyenne des pays développés.

Durant le quinquennat 2022-2027, 10 000 emplois seront créés : 605 dès 2022, 2 253 en 2023, dont 200 emplois de magistrats et 575 personnels d’encadrement. L’effort en faveur de la PJJ est appréciable. Notre groupe souhaite néanmoins un renforcement des crédits dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse car l’État doit venir autant que de besoin en soutien des jeunes les plus fragiles. Aussi les effectifs de la PJJ pourraient-ils être complétés par davantage de psychologues ; les 50 postes supplémentaires prévus ne nous paraissent pas suffisants, pas plus que ceux des enseignants et professeurs techniques. Ne lésinons pas sur les moyens face à un enjeu aussi essentiel que celui de la jeunesse !

Pour toutes ces raisons, les députés socialistes et apparentés s’abstiendront sur les crédits de cette mission Justice.

Mme Félicie Gérard (HOR). La justice de notre pays fait face à de nombreux enjeux, dont celui de regagner la confiance des citoyens en sa capacité, son efficacité et sa qualité. Il est donc primordial de lui consacrer une place à la hauteur de ce défi.

Avec une augmentation de 26 % ces trois dernières années, ce budget permettra de financer plusieurs mesures et de pallier les difficultés que connaît notre justice. Grâce à la création de 10 000 emplois, il sera possible de renforcer les moyens humains et de rendre les procédures judiciaires plus rapides et plus efficaces.

Sur un autre grand enjeu, celui de la surpopulation carcérale, le PLF vient apporter des réponses, en prévoyant la création de 15 000 places de prison supplémentaires d’ici à 2027.

Enfin, le budget alloué aux violences intrafamiliales devrait permettre de contribuer au renforcement des actions mises en œuvre ; en 2023, ce sont 710 millions d’euros supplémentaires qui seront consacrés au service public de la justice.

Ce budget offre donc les capacités de relever les nombreux défis et enjeux associés à la justice. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette mission budgétaire telle qu’elle est proposée.

M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). Les députés Écologistes-NUPES ont bien noté la nouvelle augmentation de crédits, de l’ordre de 8 %. Nous notons également qu’une enveloppe de près de 80 millions est mise en place afin de financer des mesures catégorielles nouvelles visant à renforcer l’attractivité des métiers.

Cependant, la justice reste sujette à de nombreuses critiques et incompréhensions, tant de la part des citoyens que des professionnels. Que dire de la réduction incompréhensible des autorisations d’engagement allouées au Conseil supérieur de la magistrature, agissant pourtant comme une institution pivot de l’autorité judiciaire, garante de son indépendance ? Que dire également de l’état actuel de nos prisons, qui n’est pas digne d’un pays comme le nôtre, pays des droits de l’homme ? Il est urgent de lancer un grand plan de rénovation de nos établissements pénitentiaires aux conditions indignes de détention qui, mois après mois, ne cessent de faire l’objet de reportages choc.

La justice doit n’avoir qu’une seule ambition : être compréhensible et rapide, et rendre des décisions non contestables. Pour cela, il faut des moyens, des personnels formés et, surtout, des conditions apaisées et libérées de toute influence politique.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES s’abstiendra.

M. Charles de Courson (LIOT). Nous voterons pour les crédits de la mission Justice. Certes, chacun s’accorde à reconnaître qu’il faut doubler les moyens de la justice pour la remettre à niveau. Mais c’est impossible. D’ailleurs, les doublerait-on qu’ils ne seraient pas consommés. Il faut donc du temps. L’augmentation des crédits est de 7 à 8 % par an : environ 8 % en 2022, 7,7 % pour 2023. Le rythme est régulier. Il doit être maintenu dans les années à venir si nous voulons remettre à flot, en un peu moins de dix ans, la mission Justice.

Nous voterons donc ces crédits pour encourager les différents groupes politiques – il n’y a plus d’opposition, plus de majorité, cela n’existe plus – à poursuivre l’effort en ce sens.

La commission adopte les crédits de la mission Justice non modifiés.

Article 30 et État G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF598 de M. Philippe Schreck. 

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Demande de retrait. Sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF598.

Amendement II-CF48 de M. Philippe Schreck. 

M. Philippe Schreck (RN). Cet amendement porte sur la création d’un indicateur.

Nous connaissons tous les programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV) en milieu carcéral. Ce plan est intéressant mais il doit, à mon sens, être optimisé car il ne concerne que les détenus volontaires. Pour ce faire, il faut connaître le taux de radicalisation par rapport à la population carcérale totale afin d’anticiper les moyens pour accompagner, voire renforcer ce plan de prévention de la radicalisation.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. L’idée est intéressante, car la radicalisation est un mal qui ronge nos prisons, sur lequel la représentation nationale devrait avoir une information plus précise. Lors d’un budget précédent, j’avais d’ailleurs mis la focale sur cette évolution de la radicalisation.

Le bleu budgétaire comprend déjà un indicateur sur le taux de détenus radicalisés ayant suivi un programme de prévention de la radicalisation violente. Celui-ci me semble plus adéquat pour analyser le pilotage par la performance des crédits du programme Administration pénitentiaire, puisque tel est l’esprit de la Lolf, mais il serait par ailleurs intéressant que l’administration précise le nombre total de détenus radicalisés lorsqu’elle justifie de ses cibles.

Je vous propose d’interroger le ministre, en séance, sur ce point pour savoir s’il est possible de nous fournir cette information qui serait extrêmement utile.

En l’état, je propose un retrait de l’amendement.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). J’espère qu’il y aura un sous-indicateur sur le taux de radicalisation violente de l’extrême-droite. Cela pourrait être intéressant à observer, même si je ne sais pas si c’était la cible poursuivie.

Il est d’ores et déjà possible de connaître le nombre de personnes suivies dans des dispositifs dits de prévention de la radicalisation ou de prise en charge de la radicalisation. Mais suivre le nombre de personnes en tant que tel reviendrait à avoir une appréciation qui n’est pas objective sur des individus.

Si vous voulez aller travailler au service des renseignements, ne vous en privez pas ! Mais l’indicateur que vous réclamez n’a rien à faire dans un document budgétaire.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement pose un problème autour duquel on tourne depuis des années, celui des statistiques ethniques.

En droit français, il est impossible de publier des statistiques ethniques, ou à origines géographiques, et c’est regrettable car cela nourrit tous les fantasmes. Ne faudrait-il pas un jour que la commission des finances se penche sur la question afin de modifier la loi ?

Lors de ma première visite dans la prison la plus proche de chez moi, le directeur de l’établissement auquel j’avais demandé quelle était la proportion d’étrangers parmi les détenus m’avait répondu qu’il n’avait pas le droit de me répondre – même s’il l’avait quand même fait en privé…

La commission rejette l’amendement II-CF48.

Amendement II-CF421 de M. Philippe Schreck. 

M. Philippe Schreck (RN). Il s’agit de créer un indicateur sur la récidive sur cinq ans pour chaque régime de peine. Il serait utile d’appliquer ce taux sur les substitutions à l’emprisonnement, pour jauger leur efficacité concrète et pour les comparer.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. L’absence d’indicateur sur le taux de récidive résulte de difficultés méthodologiques et de l’absence de données pour le construire. Ce n’est pas satisfaisant, et cela montre que le ministère rencontre d’importantes difficultés de pilotage et de construction d’outils statistiques. C’est également le cas pour d’autres missions.

J’ignore cependant si nous gagnerions à créer un indicateur dont les données ne seraient pas fiables pour le moment.

Je vous propose donc de retirer l’amendement et de le redéposer pour la séance de sorte que vous puissiez interpeller le garde des sceaux sur le sujet.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). À défaut d’indicateurs dans le PLF, les chercheurs en sciences sociales ont investigué cette question, les Anglo-Saxons plus que nous et avec moins de biais de sélection. Mais même en éliminant ce biais, cela n’ira pas dans le sens du Rassemblement national : tout montre que la prison est le principal facteur de récidive dans ce pays !

La commission rejette l’amendement II-CF421.

Article 44 : Prolongation et extension de l’expérimentation rendant obligatoire une tentative de médiation préalable pour certaines affaires familiales

La commission adopte l’article 44 non modifié.

Mission Administration générale et territoriale de l’État (M. Charles de Courson, rapporteur spécial.)

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La mission Administration générale et territoriale de l’État porte les moyens et les emplois du réseau des préfectures ainsi que ceux de l’administration centrale du ministère de l’intérieur, à l’exception de la police et de la gendarmerie.

Les programmes de la mission financent près de 40 000 emplois, dont environ 30 000 pour la seule administration territoriale, et 10 000 pour l’administration centrale. À ce sujet, la Cour des comptes, dans un excellent rapport qu’elle a publié en mai dernier, rappelle que l’administration territoriale a perdu 14 % de ses effectifs en dix ans. Partant de ce contexte, il faut donc noter la stabilisation des effectifs depuis deux ans et l’annonce de quarante-huit emplois supplémentaires pour 2023. Toutefois, je me refuserai à parler ici d’un « réarmement », terme exagéré pour ce qui ne représente même pas un demi-emploi pour chaque préfecture.

Difficile également de voir dans la progression de 4 % des crédits de la mission – qui augmentent de 180 millions d’euros pour atteindre 4,57 milliards en 2023 – un véritable effort budgétaire sachant qu’il correspond, pour l’essentiel, à la hausse de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique en juillet dernier. Cette augmentation des dépenses de personnel est toutefois compensée par l’absence d’élections d’envergure nationale – si ce n’est les sénatoriales en septembre 2023 –, une première depuis 2018. Je reviendrai dans un instant sur les travaux que j’ai pu consacrer à ce programme dédié au financement de la vie politique.

La principale hausse concerne finalement les autorisations d’engagement qui sont supérieures de 10 % à celles de 2022, progression d’autant plus forte qu’elle a trait principalement aux dépenses d’investissement qui sont multipliées par quatre et portent essentiellement sur l’immobilier : au niveau territorial, je note le renouvellement de baux de location et de marchés pluriannuels qui se feront dans des conditions contractuelles très dégradées du fait de l’inflation.

Toujours concernant l’administration territoriale, je souhaiterais m’attarder sur un point sur lequel j’ai travaillé, qui est celui de la délivrance des titres, sujet que j’ai commencé à évoquer avec vous par le biais d’amendements en première partie ainsi qu’avant-hier sur les relations avec les collectivités territoriales. J’ai cherché à comprendre comment nos concitoyens ont pu se retrouver à faire face à de tels délais : 65 jours en moyenne en avril dernier, voire 100 jours dans certains départements ! J’y reviendrai. Nous avons étudié la question dans plusieurs départements : les écarts sont énormes entre les communes, qui vont d’un jour à parfois 120 jours.

Certes, le ministère répond que de tels délais sont liés à un rattrapage des demandes après le covid, mais les délais étaient déjà trop élevés avant. En février 2020, la Cour des comptes, dans son rapport public, mettait en avant les erreurs de conception du plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) qui a fermé les guichets des préfectures. Désormais, nous avons une chaîne de conception qui fait intervenir et l’État, et les mairies, et l’ANTS en plus de l’Imprimerie nationale. Du côté des mairies, qui ont la responsabilité des rendez-vous, je remarque qu’aucun mécanisme incitatif, ni système de contrôle, n’a été mis en place ni pensé pour favoriser l’ouverture de créneaux, ce qui engendre des disparités considérables d’une commune à l’autre.

Deux autres points ont appelé mon attention au sein du programme 232 Vie politique. Il s’agit, premièrement, de la question de la diffusion de la propagande électorale. Puisque l’année 2023 est une année sans élection d’envergure nationale au suffrage universel direct, il faut en profiter pour réfléchir à froid sur les conditions d’acheminement des bulletins de vote et des professions de foi, mission qui incombe aux préfectures.

Je ne souhaite pas revenir sur le débat qui nous a animés en 2021, au moment du fiasco des élections départementales et régionales, pour savoir s’il vaut mieux ou non externaliser la mise sous pli ou confier à un autre prestataire que La Poste l’acheminement des plis. Je pense au contraire qu’il faut remettre à plat ce système et l’inclure dans une réflexion plus large sur l’organisation des scrutins. On peut légitimement se demander s’il n’est pas un peu désuet de distribuer des professions de foi sur support papier au domicile des électeurs à l’heure où on cherche à dématérialiser les procédures et à lutter contre le gaspillage.

Enfin, toujours concernant la vie politique, je me suis penché sur le financement public des partis politiques qui représente 68,7 millions d’euros. Comme vous le savez, pour en bénéficier, il faut qu’un parti ait obtenu 1 % des suffrages exprimés dans cinquante circonscriptions aux dernières élections législatives, sauf en outre-mer où une seule circonscription suffit.

Le compte rendu des travaux de la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques) montre bien que tout cet argent est ensuite reversé entre partis, voire entre micro-partis. Ne faudrait-il pas éviter tout risque de dévoiement du système ? Tel est l’objet de l’un de mes amendements.

Bien entendu, je reviendrai plus amplement sur tous ces sujets dans mon rapport.

En conclusion, je vous invite à voter pour l’adoption de ces crédits qui assurent le fonctionnement de l’État dans nos territoires.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je souscris à l’analyse selon laquelle on ne peut en aucun cas parler de réarmement à propos des effectifs supplémentaires de l’administration territoriale de l’État après le rapport de la Cour des comptes qui pointait une baisse de plus de 12 % des effectifs sur dix ans. Il apparaît même qu’il n’y a pas eu, contrairement à une croyance bien répandue, de stabilisation des effectifs en 2020-2021. L’analyse dans le détail montre en effet qu’en raison des nombreux transferts intervenus entre ministères, avec des secrétariats généraux communs, on a globalement perdu des moyens.

À la commission des lois, la majorité a reconnu que l’on avait arrêté le recul des services publics. S’il est bien de reconnaître ce recul, qui est de la responsabilité de la majorité précédente, à peu près la même que celle d’aujourd’hui, il serait temps d’agir différemment et de mettre un terme de manière pleine et entière au plan Préfectures nouvelle génération, et tous les sous-jacents qui l’accompagnaient. Il convient d’arrêter de croire – autre croyance répandue – que la dématérialisation permettra des gains en effectifs au sein de l’administration et améliorera le système pour tous. Plus on dématérialise, plus la Défenseure des droits est saisie. La multiplication des ouvertures des maisons France Services ou des points d’accès au numérique n’a fait qu’accentuer les saisines.

C’est un point noir qu’il conviendra de traiter. Le législateur devra décider que, pour toute procédure, une voie hors dématérialisation sera garantie à tous les citoyens. Chacun pourra être accompagné par une personne physique afin de pouvoir aller jusqu’au bout de sa démarche. Je précise, et là encore c’est contraire à une croyance répandue, ce ne sont pas les personnes âgées, au fin fond de la ruralité ou en haut de la montagne, qui sont principalement concernées. Pas du tout ! Les principales saisines de la Défenseure des droits sont le fait de la tranche d’âge de 1825 ans. Il est important de le souligner.

Article 27 et État B : Crédits du budget général

Amendement II-CF342 de Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à augmenter de 15 millions d’euros les dépenses de personnel des centres d’expertise de ressources des titres (CERT).

Ces centres sont chargés d’instruire, entre autres, les demandes de cartes nationales d’identité. Ils ont connu de nombreux dysfonctionnements, en raison, nous dit-on, du covid. Je me suis donc amusée à faire un peu d’archéologie pour vérifier les plafonds d’emploi au fil des ans. En 2019, pour l’action Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres, les effectifs s’élèvent à 11 188 ; en 2020, leur nombre tombe à 9 245 ; pour se stabiliser, en 2021, à 9 276.

On observe qu’entre 2019 et 2020, la suppression des emplois est liée à l’idée que tout pouvait passer par internet. Or c’est une réelle difficulté pour les personnes dans la précarité, sociale et en rupture numérique, comme pour les étrangers qui sont actuellement accueillis dans des conditions indignes, parfois par les vigiles, à l’extérieur des bâtiments, où on leur explique les modalités des démarches qu’ils doivent entreprendre et dont le rendez-vous intervient trois mois plus tard !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Nous avons essayé de comprendre d’où venait le doublement des délais entre le moment où l’on appelle pour prendre rendez-vous et celui où l’on obtient son passeport. De trois jours auparavant, selon les CERT, ils varient désormais entre cinq et dix jours. La forte augmentation des délais n’est donc pas due aux CERT, mais aux communes. Plusieurs départements ont été contrôlés, le constat est identique : les délais varient d’un à 120 jours. C’est le problème central, sur lequel je présenterai quelques amendements. C’est au niveau des communes qui ont accepté d’être point de recueil et qui préparent les dossiers qu’il faut améliorer les délais.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Il convient de prendre en compte que cette action finance également les emplois de services destinés à l’accueil des étrangers. Pour en avoir accompagnés, je puis vous assurer que les conditions d’accueil sont indignes. Il est donc important de renforcer parallèlement les moyens de ces services

Mme Stella Dupont (RE). Je déposerai également des amendements sur le sujet lors de la séance. Au cours de la précédente législature, nous avons travaillé avec Jean-Noël Barrot sur l’accès et les moyens des préfectures dans le processus de demandes de titres de séjour. Nous avions objectivé un certain nombre de difficultés et un besoin de moyens.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Les titres de séjour des étrangers sont restés de la compétence des préfectures et sont gérés directement par elles. C’est effectivement là que se posent les problèmes, et non dans les CERT, pour ce type de documents.

La commission rejette l’amendement II-CF342.

Amendement II-CF1314, de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Dans cet amendement, je propose de supprimer 331 000 euros, correspondant aux frais de mise sous pli, au remboursement de la propagande aux candidats et au coût de l’acheminement pour les élections sénatoriales.

Il s’agit là d’un amendement d’appel pour débattre avec le ministre de la modernisation de la propagande. L’idée consisterait à donner un droit d’option aux électeurs entre la transmission par voie informatique des professions de foi et le maintien du dispositif actuel. Cela permettrait de faire de grosses économies et d’améliorer l’information du citoyen, qui sera plus attentif aux documents.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je salue la volonté de M. de Courson de réaliser des économies, ce à quoi son amendement est susceptible d’aboutir. Nous y sommes néanmoins défavorables, car si nous nous engageons dans cette voie, y compris par droit d’option, la question se posera pour les élections nationales. Or nous sommes attachés à ce que chacun des électeurs bénéficie de la propagande officielle.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La question de la propagande électorale est consubstantielle à la qualité de notre démocratie. Le fait que nous participions tous aux élections, et de façon très informée, fait de nous le souverain ou pas. Le chemin vers l’urne doit être totalement libre et renseigné par l’éducation nationale et notre culture générale, mais aussi par les programmes politiques.

Actuellement, le système est défaillant : défaillant parce que le Gouvernement a procédé à la privatisation, en recourant à des entreprises qui livrent le matériel en retard ; défaillant aussi parce que certains partis ne jouent pas le jeu. Je rappelle qu’il n’y a pas eu cette année de grandes campagnes d’inscription sur les listes électorales. Le président Macron a décidé d’annoncer sa candidature le dernier jour des inscriptions sur les listes électorales ; c’est ainsi qu’en tant que telle, sa candidature n’a pu être un moment de mobilisation. Je me méfie énormément de toutes ces considérations selon lesquelles accéder à un programme constitue un coût. Non seulement, je suis pour que tout le monde reçoive des professions de foi de la part de l’État, sans l’avoir sollicité, mais il convient de s’assurer au surplus que c’est bien fait, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je comprends l’amendement d’appel de M. de Courson, mais je pense qu’il se trompe sur les économies que nous pourrions réaliser. Il est important que tout le monde reçoive la propagande par nature, car ne pas distribuer systématiquement la propagande pourrait couper définitivement des personnes de la politique ou les empêcher d’y revenir. Ce n’est pas parce qu’un système dysfonctionne qu’il faut le supprimer. C’est aux partis qu’il revient de moderniser l’élection. Charles de Courson a raison quand il appelle à réfléchir à la façon de moderniser l’élection pour que le dispositif soit le plus efficace possible, dans le sens évoqué par Mme Garrido : tout le monde doit participer pleinement.

L’entretien des listes électorales françaises relève de la démocratie de pacotille ! Des centaines de milliers de personnes ne sont pas inscrites correctement sur les listes. C’est inacceptable !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Environ 8 % des citoyens ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Et sur les 92 % inscrits, à peu près 8 % sont mal inscrits, avec une adresse qui n’est plus d’actualité.

Mon amendement présente l’avantage de donner le droit d’option entre le maintien du système actuel et la transmission par voie informatique. Cela augmenterait le nombre de citoyens qui auraient accès à la propagande électorale et sa lecture.

La commission rejette l’amendement II-CF1314.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’occasion m’est donnée de saluer, au nom du groupe Renaissance, l’ensemble des agents de l’administration territoriale qui effectuent au quotidien un travail remarquable.

Je salue aussi la hausse historique des effectifs des préfectures et des sous-préfectures, après deux ans de stabilisation des effectifs de l’administration territoriale. Elle se traduit par 48 postes supplémentaires pour l’an prochain et, comme le Président de la République l’a annoncé, par l’ouverture de six nouvelles sous-préfectures. Nous assistons également à la poursuite de la modernisation de l’action publique, en particulier numérique avec le réseau Radio du futur, mais aussi le projet d’identité numérique porté par l’ANTS (Agence nationale des titres sécurisés) avec un relèvement des taxes affectées à hauteur de 22 millions d’euros.

Par ailleurs, depuis 2018, cette majorité a créé plus de 2 000 espaces France Services qui offrent un accompagnement physique et personnalisé dans l’ensemble des départements.

J’en profite enfin pour saluer les efforts consentis en matière de services de renseignement dans cette mission, qui se concrétisent par le projet immobilier de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) sur un site unique.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je suis atterré d’entendre la majorité parler d’un renforcement historique. De quoi parlons-nous, si ce n’est de 25 ETPT pour l’ensemble des préfectures du pays ?

Mme Nadia Hai (RE). Quarante-huit.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Ce sont 25 ETP travaillés et 48 ETP.

Faites une règle de trois, et vous verrez à combien d’agents cela correspond par préfecture ! Reportez-vous au projet annuel de performances !

Quant au programme 216, le schéma d’emploi pour 2023 représente une perte de sept ETPT. Pourtant, vous mettez des milliards sur la table et vous lancez de nouveaux projets, celui de la DGSI, entre autres. Nous pourrions être d’accord sur le numérique et le réseau Radio futur, si ce n’est que vous avez oublié que, pour conduire, piloter et exécuter un projet, il faut des fonctionnaires, sans quoi c’est l’échec assuré avec vos amis du privé auprès de qui vous externalisez en permanence !

M. Alexandre Vincendet (LR). Cette année, le budget de la mission AGTE ne peut être décorrélé de la Lopmi puisqu’ils seront discutés simultanément. En effet l’article 2 de la Lopmi prévoit une progression chaque année du montant des crédits de paiement et plafonds des taxes affectées au ministère de l’intérieur. Au total, ce serait donc 15 milliards d’euros supplémentaires budgétés sur cinq ans par rapport aux crédits affectés au ministère de l’intérieur en 2022, sans savoir pour autant quel montant sera affecté à cette mission AGTE et à ses différents programmes, ce qui nécessiterait quelques précisions.

À compter de 2023, les services dont l’activité constitue un enjeu majeur pour le ministère de l’intérieur et des outre-mer bénéficieront de la création de 210 ETP en trois ans pour assurer l’instruction et la délivrance des titres de séjour aux étrangers, la lutte contre le séparatisme et la radicalisation, la communication et la gestion de crise, l’accueil des usagers, etc.

Si l’on peut se réjouir des moyens humains supplémentaires accordés à la lutte contre le séparatisme et la radicalisation, on peut, en revanche, s’interroger sur un arbitrage. Il est parfaitement compréhensible de réduire le délai de traitement des demandes de renouvellement des titres de séjour grâce à l’accompagnement prioritaire de la mission « étrangers » mais, dans le même temps, on ne s’attelle pas réellement au problème du traitement de demande de cartes nationales d’identité et de passeports. Sept millions de Français connaissent des difficultés à obtenir des documents. Il faut donc remettre de l’ordre dans les délais. Si les premiers résultats sont perceptibles avec un temps d’attente de 90 jours pour un rendez-vous, ramené à environ 50 jours en octobre, nous sommes encore loin de l’objectif, fixé par le Gouvernement à 30 jours. Les députés Les Républicains pourraient voter favorablement la mission AGTE, à la condition expresse que le Gouvernement confirme que ces efforts seront poursuivis en 2023 pour atteindre la cible de 30 jours.

M. Philippe Brun (SOC). Si les socialistes apprécient les efforts qui ont été consentis dans le budget en faveur de l’administration territoriale de l’État, ils ne peuvent aussi que constater la désertification des services publics, notamment en milieu rural, et ses conséquences terribles qui amènent à l’éclosion des fameuses maisons France Services, que j’ai eu l’occasion de visiter, pour certaines, dans ma circonscription. Elles se réduisent souvent à des espaces obscurs, à un ordinateur sous Windows 95, et à la présence d’un étudiant en service civique qui est censé avoir les mêmes compétences qu’un agent de Pôle emploi, de la CAF (Caisse d’allocations familiales) ou d’un inspecteur des impôts. Et nous savons tous à quel point le code général des impôts est intelligible à toutes et tous !

Certes, nous constatons des efforts, qu’il convient de saluer, et la volonté de renverser la tendance qui a amené l’État à se désengager massivement des territoires. Nous sommes favorables au plan de réouverture des casernes ou de sous-préfectures, qui reste malheureusement symbolique.

Sur le renouvellement des titres de séjour, le bleu, le projet annuel de performances, évoque un délai raisonnable de trente jours mais reconnaît des difficultés en raison de la charge de travail liée à l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens. Eu égard à la situation dramatique des personnes concernées, de tels délais ne nous paraissent pas acceptables. Aussi, les députés socialistes, s’ils reconnaissent une augmentation réelle, la trouvent insuffisante, et s’abstiendront.

Mme Félicie Gérard (HOR). La mission Administration générale et territoriale de l’État permet de mettre en œuvre trois responsabilités fondamentales : garantir aux citoyens l’exercice des libertés publiques, notamment par le suffrage universel, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République, et décliner localement les politiques publiques nationales.

L’augmentation du budget de cette mission est un signal politique fort : elle augure le renforcement de la présence et de la continuité territoriale de l’État, ainsi qu’une déclinaison locale des politiques publiques plus efficaces.

Par ailleurs, le renforcement de la capacité d’action de l’État sur le terrain met fin à plus de vingt ans de réduction des effectifs départementaux. Le renforcement durable des moyens préfectoraux, avec la création de 210 ETP sur trois ans, est nécessaire. Les missions des préfectures se sont élargies et constituent le symbole de la présence de l’État dans les territoires.

Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette mission budgétaire telle qu’elle est présentée.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Dans son rapport de janvier 2019, le Défenseur des droits alertait déjà sur les inégalités d’accès aux services publics. La transformation numérique de nos services publics présente des avantages pour ceux qui effectivement savent s’en servir. Trois ans après ce rapport, la transformation numérique de l’administration et des services publics s’est poursuivie, entraînant une évolution profonde de la relation à l’usager. Dans le même temps, les politiques d’inclusion numérique ont tenté d’accompagner ces changements, particulièrement auprès des publics les plus vulnérables.

Cependant, tout comme la Défenseure des droits, nous continuons dans nos circonscriptions à recevoir des réclamations, toujours plus nombreuses, preuve que ce mouvement de numérisation des services publics se heurte aux situations des usagers et exclut encore davantage. À titre d’exemple, en 2021, la Défenseure des droits a reçu 91 000 réclamations concernant les services publics et la dématérialisation des démarches administratives qui représentent une part significative de ces sollicitations. Le dernier avis sur MaPrimRénov’ en est encore une illustration. Cette fracture numérique s’ajoute à la fracture administrative et amplifie la précarité. Bien que les certains efforts soient faits sur ce sujet, nous nous abstiendrons concernant ce budget.

La commission adopte les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’Etat non modifiés.

Article 30 et État G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1273 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement vise à modifier l’intitulé de l’indicateur 3.1 du programme 354 Administration territoriale de l’État, indicateur qui revêt une importance stratégique pour la mission.

Cet indicateur mesurant le délai de traitement des demandes de renouvellement de séjour vient d’ailleurs d’être introduit par le ministère de l’intérieur et des outre-mer dans le projet annuel de performances (PAP) de la mission, selon lequel « l’évolution des organisations et celle des processus métiers induites par la dématérialisation des procédures [...] doit garantir la continuité du service public et permettre de faire face aux nombreux enjeux induits ».

Compte tenu du fait qu’il ne prend en compte que le délai entre la date d’enregistrement et la date de décision, le rapporteur spécial souhaite intégrer le temps nécessaire pour la prise de rendez-vous afin de mesurer l’apport réalisé par le déploiement d’un téléservice pour le dépôt des demandes de titre de séjour.

Cet indicateur se place du point de vue de l’usager.

Mme Stella Dupont (RE). J’ai, moi aussi, réfléchi à un nouvel indicateur. Nous manquons en effet d’outils pour évaluer efficacement le délai réel et complet. Lorsqu’une personne tente sans succès de se connecter pour obtenir un premier rendez-vous, ce premier délai reste dans l’ombre totale. Pour prendre les bonnes mesures, il nous faut les bons indicateurs afin d’évaluer correctement les dispositifs en vigueur.

La commission adopte l’amendement II-CF1273 (amendement II-1445).

Amendement II-CF1271 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement vise à compléter l’intitulé de l’indicateur de performance 2.1 du programme 354 Administration territoriale de l’État qui fait également partie des indicateurs stratégiques de la mission. Il porte sur le délai moyen d’instruction des titres – qu’il s’agisse des passeports, des cartes nationales d’identité (CNI) ou des permis de conduire.

La commission adopte l’amendement II-CF1271 (amendement II-1446).

Amendement II-CF1272 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement vise à ajouter un nouvel objectif, assorti de deux indicateurs, au programme 354 Administration territoriale de l’État et à les revêtir d’une importance stratégique pour la mission.

Dans son rapport sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État, la Cour des comptes a mis en avant le déficit d’attractivité auquel font face les préfectures et les sous-préfectures dans un contexte de vieillissement des agents et de suppressions continues de postes depuis dix ans.

Il est important que le Parlement puisse avoir connaissance des statistiques relatives aux vacances de poste. C’est pourquoi cet amendement entend pourvoir la mission d’indicateurs mesurant une moyenne de postes non pourvus ainsi que le nombre de préfectures départementales confrontées à des vacances supérieures à 3 % de leurs effectifs.

Le différentiel entre les postes ouverts et les postes effectifs est parfois très important. Interrogés sur cette situation, les préfets répondent qu’ils n’arrivent pas à recruter. Il est important pour le Parlement de connaître le taux de vacance des postes.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La réponse est contenue dans votre explication sur la manière de renforcer l’attractivité. La fermeture de postes, les transferts, la dématérialisation ont entraîné une perte de sens. Lorsque l’on ouvre des postes par concours ou lorsque l’on recrute sans concours, une possibilité ouverte pour les catégories C, notamment aux postes d’accueil, des candidats se présentent, mais, une fois en poste, leur statut n’est pas valorisé.

Des revalorisations sont prévues dans le plan Missions prioritaires des préfectures, les MPP. Le dispositif se mettra en place éventuellement à la fin 2023 ou au début 2024 pour recréer une filière Accueil. Cela suppose éventuellement des points de NBI (nouvelle bonification indiciaire) dans la fonction publique, une indemnité spéciale de sujétion de ces agents qui seront en première ligne, dont nous avons besoin et qui doivent rester fidélisés, formés et de qualité.

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’amendement est intéressant, mais il devrait être généralisé à l’ensemble des missions du budget général. Tel était d’ailleurs l’objet d’un des articles de la loi de programmation des finances publiques sur la vacance d’emploi. Il est, en effet, indispensable que le Parlement puisse avoir connaissance du différentiel entre les emplois qu’il autorise et ceux qui sont effectivement consommés.

À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, qui devrait avoir une portée plus large, sur l’ensemble du budget général. C’est ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques.

La commission rejette l’amendement II-CF1272.

Amendement II-CF1277 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement vise à donner un objectif supplémentaire au programme 232 Vie politique relatif à l’optimisation des délais de remboursement des candidats aux élections. Chacun d’entre vous y est certainement sensible.

Pour cela, il sera assorti de deux indicateurs de performances mesurant, d’une part, le délai moyen du remboursement forfaitaire des dépenses électorales, d’autre part, celui du remboursement de la propagande électorale.

Ces nouvelles données portées à la connaissance du Parlement permettraient de renforcer le contrôle de la performance de ce programme qui a longtemps été marqué par un déficit d’indicateurs.

La plupart des candidats s’endettant, il n’est pas indifférent de rembourser en six ou douze mois, car les intérêts de la dette courent. Or ces derniers ne sont comptabilisés que s’ils sont payés avant la fermeture du compte.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cet amendement qui me paraît de bon sens. Il y a un problème de rationalité du code électoral. La règle des intérêts à payer avant la fermeture du compte est ridicule puisqu’elle n’est pas observée après. Il y a là un flou juridique.

Je viens de répondre à la CNCCFP. Nous ignorons pourquoi la préfecture de la Somme a mis trois mois avant de nous rembourser. À juste titre, les Français veulent de la transparence et des règles claires. Or, on observe un nombre incalculable de vides juridiques et des pratiques qui sont contraires à ce qu’attendent nos concitoyens et dont les hommes politiques et les candidats sont victimes. Une réflexion s’impose. Je ne sais pourquoi, un tabou pèse sur les règles électorales. Les amendements de Charles de Courson ont le mérite d’ouvrir un vrai débat de fond.

La commission rejette l’amendement II-CF1277

Amendement II-CF1276 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement vise à donner un objectif supplémentaire au programme 232 Vie politique, assorti d’un indicateur de performance.

À ce nouvel objectif de lutte contre l’abstention répondrait un indicateur ayant pour but de mesurer le taux d’électeurs mal inscrits. Il viendrait en complément du nouvel objectif introduit dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2023 relatif à l’amélioration de l’information des citoyens, qui comprend un indicateur sur l’acheminement de la propagande électorale.

Aujourd’hui, le ministère de l’intérieur n’est pas en mesure d’estimer avec précision le nombre d’électeurs n’ayant pas modifié leur inscription sur les listes électorales à la suite d’un changement de résidence. La tenue d’un tel indicateur incitera les administrations publiques, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou des organismes de sécurité sociale à partager leurs informations de manière à détecter un changement d’adresse qui n’aurait pas été mis à jour, voire à permettre un changement d’inscription automatique.

Nous mesurons le nombre d’électeurs n’ayant pas modifié leur inscription sur les listes électorales par les taux de retour. Environ 8 % des enveloppes reviennent avec la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée ».

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le corps électoral, comme son nom l’indique, est un corps. C’est quand il s’avance tout entier vers l’urne que nous sommes un peuple souverain. Lorsqu’il en manque une partie, ce n’est plus un corps qui s’avance, c’est une sorte de zombie dont il manque un bras, une jambe, un pied, une tête. Étrangement, cet état de fait ne représente pas toujours un problème pour les partis politiques qui sont très focalisés sur les personnes qui s’inscrivent et viennent voter, mais qui restent, en général, assez indifférentes à ceux de nos compatriotes qui ne sont pas inscrits ou mal inscrits ou qui, une fois inscrits, ne vont pas voter pour des raisons que l’on peut comprendre, qui parfois relèvent du dégoût à l’encontre, par exemple, de l’utilisation du 49.3. En tout état de cause, je suis partisane pour ériger en préoccupation prioritaire de l’État l’objectif de faire voter tous ceux qui sont en âge et en droit de voter.

La commission adopte l’amendement II-CF1276 (amendement II-1447).

Avant l’article 41

Amendements II-CF1278 et II-CF1279 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Voilà quelques années, un débat a porté sur le seuil de suffrages exprimés qu’un parti politique doit avoir obtenu dans au moins cinquante circonscriptions afin de bénéficier de l’aide publique prévue. Ce seuil est actuellement fixé à 1 %. Au-delà de 1 %, on tient compte du nombre d’électeurs inscrits qui permet d’obtenir le tantième par électeur dans le financement des partis politiques, pour cinq ans, au premier tour des législatives. La CNCCFP avait observé que cela aboutissait à la multiplication des micro-partis qui augmentent d’une cinquantaine par année. Je n’en avais pas conscience, mais nous comptons actuellement plus de 500 partis, et leur nombre progresse continûment, en raison notamment de ce seuil fixé à 1 %.

Nos prédécesseurs avaient essayé de le porter à 5 %. En 1990, le Conseil constitutionnel l’avait annulé, considérant que 5 % représentaient un taux excessif et que ce seuil « était de nature à entraver l’expression de nouveaux courants d’idées et d’opinion. »

Je vous propose donc augmenter le taux en passant, dans le second amendement, de 1 à 2 %, ou, dans le premier, de 1 à 3 %, afin de limiter la prolifération des micro-partis qui, ensuite, se sous-répartissent.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je conçois votre objectif mais je pense que le bon indicateur serait plutôt le nombre de circonscriptions. Obtenir 1 % dans un nombre important de circonscriptions n’est pas négligeable ; un parti mérite d’exister et de s’exprimer lorsqu’il obtient 1 %. En revanche, obtenir 1 % des suffrages exprimés dans cinquante circonscriptions ne me semble pas attester du caractère national du parti. En outre, en procédant ainsi, on supprimerait la différence entre la reconnaissance et le remboursement aux élections européennes.

M. le président Éric Cocquerel. Je n’y suis pas favorable, car nous avons un mode électoral qui, de fait, élimine les partis minoritaires ou les petits partis alors qu’ils peuvent représenter, à un moment donné, un courant d’opinion qui, même s’il est minoritaire, a le droit d’exister. Si donc nous surajoutons à ce mode électoral ce type de décision, c’est le financement de ces partis qui sera remis en question. Ce serait la double peine !

M. Charles de Courson (LIOT). Dans son rapport, la commission de contrôle a relevé des détournements, car certains passaient par l’outre-mer où ces règles ne sont pas applicables. En effet, les outre-mer, où il existe un certain nombre de partis spécifiques, font l’objet de dérogations.

Je ne présente ces amendements que pour lancer une réflexion. Ainsi que l’a proposé M. Tanguy, on pourrait effectivement rehausser le nombre de circonscriptions parce que cinquante circonscriptions sur 577 représentent 9 %, et 9 % de 1 % représentant 0,09 %, donc un courant minoritaire. Je suis pour la défense des minorités, elles ont droit de s’exprimer, mais de là à détourner le système…

La commission rejette successivement les amendements II-CF1278 et II-CF1279.

Amendement II-CF1347 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement complète la proposition de relèvement de 1 % à 2 % que vous avez repoussée.

Il existe deux possibilités pour bénéficier de l’aide publique, dont la première entend permettre aux communes de prendre elles-mêmes en charge la distribution de la propagande électorale, sous réserve de l’accord du représentant de l’État. C’est d’ailleurs ce qui est fait pour de nombreuses informations. Les appariteurs ou le personnel municipal connaissent parfaitement leur commune. Certains s’interrogent : selon la couleur politique de telle ou telle commune, n’y aurait-il pas un risque que la propagande électorale ne soit pas distribuée ? Je ne le pense pas du tout. Il s’agirait d’une délégation, il faudrait être volontaire, l’État négocierait le dispositif et un contrôle s’exercerait. Ce serait une possibilité ouverte aux communes.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Si je peux souscrire à l’objectif d’améliorer la diffusion de la propagande électorale, je suis obligée d’exprimer ma méfiance à l’encontre du « fait présidentiel communal ». En sa qualité de président du conseil municipal le maire s’accorde en effet nombre de prérogatives exécutives. Il est tout à la fois le législatif et l’exécutif ; il est tout sur sa commune.

Il existe des phénomènes de collusion, de soumission et de conflit d’intérêts et un maire pourrait être tenté d’intervenir si c’est lui qui gère la propagande électorale. Pendant la période du covid, nous avons relevé des abus de la position de maire. Nous le constatons aussi s’agissant de la propagande habituelle des hebdomadaires ou des mensuels municipaux ; il convient de porter une vigilance permanente pour que les maires n’utilisent pas cet outil au bénéfice de leur propre élection ou de celle de leurs amis. J’aurais donc tendance à plutôt me méfier de cet échelon. À Drancy, c’est simple, mon « quatre pages » n’a pas été diffusé dans une seule boîte aux lettres !

La commission rejette l’amendement II-CF1347.

Amendement II-CF1289 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement entend évaluer les besoins de la CNCCFP pour assumer les pouvoirs qu’elle préconise dans son dernier rapport d’activité auxquelles le rapporteur spécial de la mission Administration générale et territoriale de l’État souscrit. Pour rappel, le budget de la commission est inscrit à l’action 03 du programme 232 Vie politique, actuellement doté de 8,33 millions d’euros.

En premier lieu, il s’agit de la création d’un droit de communication de pièces par les fournisseurs ou prestataires de services des candidats, sur le modèle de celui prévu pour les services fiscaux par l’article L. 81 du livre des procédures fiscales. La CNCCFP pourrait voir son rôle renforcé avec la possibilité de demander directement des justifications complémentaires aux prestataires des candidats.

En deuxième lieu, la CNCCFP est tenue de s’assurer de l’origine des fonds servant au financement de la vie politique. Cependant, ses investigations directes sont limitées à l’identification du compte bancaire d’où provient le versement sans pouvoir vérifier l’identité du titulaire dudit compte ni, si celui-ci n’agirait pas en intermédiaire, afin de masquer un financement prohibé. La CNCCFP pourrait donc avoir un pouvoir de consultation du fichier des comptes bancaires Ficoba. Dans cette perspective et en cas de doute, la CNCCFP pourrait être habilitée par la loi à saisir Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).

Enfin, il serait opportun que la CNCCFP puisse disposer d’un accès en temps réel à la comptabilité des partis politiques soutenant les candidats aux élections afin de s’assurer que toutes les dépenses prises en charge par le parti pour un candidat ont été effectivement déclarées par le parti et qu’elles sont justifiées par une pièce et retracées dans le compte de campagne.

La commission rejette l’amendement II-CF1289.

Amendement II-CF1290 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La délivrance des titres a connu une crise importante marquée par des délais extrêmement longs : 65 jours en moyenne en avril 2022, voire plus d’une centaine de jours dans certaines communes, pour obtenir un passeport ou une CNI.

Il ressort des travaux du rapporteur spécial de la mission Administration générale et territoriale de l’État que ces délais ont certes empiré avec un effet de rattrapage post-crise sanitaire mais qu’ils étaient déjà importants auparavant et qu’ils résultent, en réalité, de la conception même de la chaîne de délivrance des passeports et des CNI, qui fait intervenir les titres CERT rattachés aux préfectures, les mairies, l’Agence nationale des titres sécurisés ainsi que l’Imprimerie nationale.

Le délai d’obtention d’un rendez-vous est l’une des causes de ces délais importants. Le rapporteur spécial s’étonne que les conventions signées entre les communes et le représentant de l’État ne contiennent aucun objectif ciblé ni aucun mécanisme incitatif. Cet amendement appelle donc le Gouvernement à engager une réflexion à ce sujet.

La commission rejette l’amendement II-CF1290.

Mission Sécurités et compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers (Mme Nadia Hai et M. Florian Chauche, rapporteurs spéciaux).

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale (Police nationale, Gendarmerie nationale, Sécurité et éducation routières, CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routier). Les crédits de la mission Sécurités connaîtront en 2023 une nouvelle hausse significative qui témoigne de la poursuite et de l’amplification, dès le début de cette nouvelle législature, des efforts menés depuis 2017 en faveur de la sécurité de nos concitoyens mais aussi des conditions de travail de nos forces de sécurité intérieure. Ils progressent, en effet, de plus de 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 6,8 % pour atteindre le montant de 24,2 milliards, et de plus de 1,4 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 6,7 %, pour atteindre le montant de 23 milliards d’euros.

Un an après le Beauvau de la sécurité, le cap est tenu dans le cadre d’une vision de plus long terme sur laquelle nous reviendrons lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Les discours se traduisent en actes.

Première traduction de ce renforcement des moyens, les recrutements vont se poursuivre. Le Président de la République avait annoncé un doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique : dès 2023, ce sont 2 857 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires qui viendront renforcer les rangs de notre police et notre gendarmerie nationale. À titre d’exemple, le plan Marseille en grand, mis en place par le Président de la République, a donné lieu à une hausse des effectifs : sur les 300 promis en septembre 2020, 295 policiers supplémentaires sont arrivés en octobre 2022.

Cet effort de recrutement s’accompagnera d’une montée en puissance de la réserve opérationnelle. En outre, les crédits de titre 2 permettront la mise en œuvre des protocoles sociaux signés au mois de mars dernier, qui amélioreront le quotidien de nos gendarmes et de nos policiers. Ce protocole, je tiens à le rappeler, a été largement salué par les syndicats de police.

Au-delà des dépenses de titre 2, les investissements immobiliers se poursuivent. Pour la police, l’objectif est toujours l’amélioration des conditions d’accueil des usagers et des conditions de travail des policiers, avec la remise à niveau du parc immobilier. Une enveloppe de 478,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 228,3 millions d’euros en crédits de paiement permet de poursuivre les opérations déjà décidées et d’en mener de nouvelles.

La programmation 2023 prend également en compte les besoins immobiliers liés à la formation, avec le financement des opérations relatives à la création d’une académie de police, à la remise aux normes des bâtiments ou à l’accompagnement du mouvement de démétropolisation des services de police actuellement implantés en région parisienne.

Le projet de loi de finances pour 2023 permet également de poursuivre la transformation numérique de nos forces de sécurité intérieure, grâce au déploiement des smartphones et tablettes NEO. J’ai pu constater sur le terrain à quel point ces outils sont appréciés. Il s’agira également d’entamer la modernisation du réseau de communication grâce au réseau radio du futur.

J’en viens à la sécurité routière. Les crédits du programme 207 Sécurité et éducation routières progressent de 24,2 millions d’euros, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, en raison de l’intégration des dépenses d’études financées auparavant par les crédits du CAS, des déménagements de services, de la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles à l’ensemble des délits sanctionnés par des peines inférieures à un an d’emprisonnement – qui aura pour corollaire une hausse des dépenses de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions – et de l’évolution tendancielle des autres dépenses en raison de l’inflation.

Quant au CAS Radars dont les recettes devraient progresser de 105 millions d’euros, il convient de noter la hausse des dépenses de maintenance et de déploiement des radars automatiques sous l’effet de l’inflation. J’en profite pour vous dire à quel point il serait contre-productif de supprimer ce CAS : non seulement toutes les dépenses qu’ils financent devraient être rebudgétisées, mais le produit des amendes ne serait plus fléché vers la sécurité routière. Il conviendra de le simplifier, mais une suppression sèche ne serait pas acceptable.

Pour l’heure, je vous invite vivement à adopter les crédits des programmes Gendarmerie nationale, Police nationale et Sécurité et éducation routières de la mission Sécurités et ceux du compte d’affectation spéciale parce qu’ils répondent à une ambition extrêmement claire : celle de protéger nos concitoyens et de veiller aux bonnes conditions d’exercice des missions de nos forces de l’ordre.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial (Sécurité civile). Le programme 161 Sécurité civile est doté, dans ce PLF 2023, de 1,07 milliard d’euros en AE et de 641 millions d’euros en CP. Nous constatons une hausse des autorisations d’engagement de 57,8 % et une augmentation des crédits de paiement de 12,8 %.

La hausse des AE est principalement due à une augmentation intervenue au sein de l’action 12 Préparation et intervention spécialisées des moyens nationaux, en particulier au renouvellement de la flotte d’hélicoptères EC145 de la sécurité civile. Je me réjouis que l’État engage le renouvellement de cette flotte d’hélicoptères, vieillissante. C’était une demande ancienne formulée par certains des rapporteurs spéciaux qui m’ont précédé. C’est une bonne nouvelle.

Cependant, le budget présenté pour le programme 161 n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontés les acteurs de la sécurité civile aujourd’hui. Nos forces de sécurité civile ont été particulièrement mobilisées cet été pour lutter contre les feux de forêt et de végétation. Au vu des départs de feu sur l’ensemble du territoire national – près de chez moi, les Vosges et le Jura ont été ravagés par des incendies auxquels nous n’avions jamais été confrontés –, les acteurs de la sécurité civile sont unanimes : le réchauffement climatique est là ! Nous devons faire face à ses conséquences.

Pour le seul sujet des feux de forêt, nous constatons une intensification du risque et le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles sur lesquelles les acteurs de la sécurité civile doivent travailler en lien avec nos agriculteurs et nos agricultrices. Nous notons également une extension géographique du risque jusqu’à présent limité à la région méditerranéenne ; c’est désormais l’ensemble du territoire national qui est soumis au risque. Enfin, nous observons une extension temporelle de ce risque, à tel point que parler de « saison des feux de forêt » semble désormais inadapté.

Nous venons de vivre un été hors normes, mobilisant en même temps 40 000 personnels de la sécurité civile au plus fort de la crise. Les professionnels de la sécurité civile le disent et ne cessent de le répéter : si le pire a été évité, s’ils ont tenu, ils étaient malgré tout au bord de la rupture capacitaire.

Le budget alloué à la sécurité civile ne semble pas suffisant au regard de la crise. Aussi, je défendrai un certain nombre d’amendements visant à accroître les moyens alloués à la sécurité civile. Il s’agit d’être mieux préparés et mieux armés pour faire face aux nouveaux risques, mais aussi d’accompagner des territoires jusque-là relativement épargnés et de renforcer leurs moyens pour faire face aux événements climatiques extrêmes. Les dispositions que je défendrai ont un coût, il est cependant minime au regard de celui que nous aurions à supporter si notre système de sécurité civile n’était pas en mesure de faire face à une crise de grande ampleur.

Je vous invite à prendre en considération les travaux menés par le Sdis 13 qui estime la valeur d’un hectare sauvé des flammes à 9 500 euros, ou encore l’étude du Sdis 34 menée sur huit feux de végétation en 2021, pour lesquels l’intervention du Sdis a permis de réaliser une économie évaluée à 11,33 millions d’euros pour la société.

Les crédits supplémentaires que je propose d’allouer doivent donc être examinés au regard de ce qu’ils permettront d’économiser à l’avenir.

Sur ce sujet précis de la sécurité civile, je pense qu’en dépit de nos différences partisanes, nous sommes unis pour saluer le travail des acteurs qui agissent dans ce domaine et défendre notre modèle français. Le fait que tous les groupes politiques aient déposé des amendements sur la première partie du PLF pour demander l’exemption du malus écologique pour nos services d’incendie et de secours ainsi que pour appliquer un tarif réduit sur la TICPE en faveur de nos sapeurs-pompiers le prouve.

Aussi, j’espère pouvoir compter sur votre soutien pour que nous répondions aux demandes des acteurs de la sécurité civile. C’est le sens des amendements que j’ai déposés afin de me faire le relais ces hommes et de ces femmes avec lesquels j’ai eu l’occasion de m’entretenir dans le cadre de ce rapport.

Au-delà du seul programme que nous allons aborder, l’État doit avoir une approche globale en matière de sécurité civile. Cela fera écho aux propos tenus par mes collègues Alma Dufour et Sébastien Rome hier, lors de la présentation de leur rapport spécial dans le cadre de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Diminuer de 1 074 ETP entre 2014 et 2022 le plafond d’emplois de l’Office national des forêts, c’est se tirer une balle dans le pied au moment où le changement climatique et ses conséquences se font sentir en France. Supprimer des lits dans les hôpitaux et casser le service public hospitalier a également des conséquences pour nos sapeurs-pompiers qui, de ce fait, voient leurs interventions de secours et d’assistance aux personnes progresser de manière importante. Ainsi que les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires que j’ai rencontrés me l’ont confié, il en résulte une perte de sens et d’attractivité du métier.

Je défendrai par ailleurs des amendements relatifs aux objectifs et indicateurs de performance qui me paraissent pertinents pour faire bénéficier la représentation nationale de sources d’information fiables lors de son analyse de ce programme.

En conclusion, le budget tel qu’il est proposé actuellement n’est pas satisfaisant, à mes yeux. Je réserve donc mon avis en fonction du traitement qui sera fait aux amendements que je propose en ma qualité de rapporteur spécial.

Article 27 et État B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1334 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Après les incendies de cet été, je propose de prévoir une dotation de soutien de 15 millions d’euros supplémentaires par an sur cinq années à l’investissement structurant des Sdis pour leur permettre de s’équiper de camions-citernes feux de forêt (CCFF), principal outil de lutte contre les feux de forêt. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers préconise de faire passer de 3 700 aujourd’hui à 10 000 le nombre de CCFF d’ici à dix ans.

Ma demande se fonde sur plusieurs rapports, dont celui de l’Institut de l’économie pour le climat de juin 2022, celui de la mission flash menée par l’Assemblée des départements de France d’octobre 2022, et celui de la mission interministérielle sur le changement climatique et l’extension des zones sensibles aux feux de forêts, paru en juillet 2010.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Nous appelons à voter cet amendement. Il importe de combler les défaillances structurelles constatées. Nos pompiers ont passé un été affreux, notamment en Gironde. Il importe de se donner les moyens d’éviter que cette situation se reproduise. Les beaux mots d’Emmanuel Macron doivent être suivis d’actes. C’est notre responsabilité aujourd’hui.

M. le président Éric Coquerel. Je crains malheureusement que nous ne soyons amenés à vivre d’autres étés comparables ! Mais se pose effectivement la question des moyens.

La commission rejette l’amendement II-CF1334.

Amendement II-CF904 de Mme Élisa Martin. 

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous avons régulièrement déposé cet amendement au cours de la législature précédente. Il reste d’actualité, d’une actualité plus brûlante encore puisqu’il vise à acheter des bombardiers d’eau, ceux-là mêmes qui nous font défaut pendant les incendies.

Il s’agit globalement d’augmenter les moyens destinés à lutter contre les incendies. L’an dernier, j’avais déposé un amendement tendant à nous doter de produits permettant d’éteindre les départs d’incendie, car il est impératif d’être dans la prévention. Or celle-ci passe par l’acquisition des moyens avant même d’être contraints de s’en servir.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Avis favorable. Il faut accroître et diversifier les moyens aériens pour répondre à une menace qui s’étend désormais à l’ensemble du territoire français.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Cet amendement est satisfait au niveau européen puisque la Commission européenne a proposé le lancement d’une flotte de bombardiers d’eau, en finançant l’acquisition de Canadairs sur des fonds européens.

Je suis donc surpris de cet amendement – à vrai dire, à demi-surpris de la part de partis qui refusent même l’idée européenne.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Ces bombardiers sont prévus dans cinq ans et seront au nombre d’une petite dizaine. Faudra-t-il attendre cinq ans pour augmenter notre flotte ? Les capacités industrielles de notre pays permettent de les produire plus rapidement.

La commission rejette l’amendement II-CF904.

Amendement II-CF1333 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Cet été, l’État a dépensé 7 millions d’euros pour louer un hélicoptère lourd de type Super Puma, du 1er juillet au 15 septembre. Ces appareils, d’une capacité de largage de 4 000 litres, de taille plus réduite que les Dash ou les Canadairs, sont des moyens complémentaires.

Afin de faire réaliser des économies à l’État, il serait plus logique d’acheter ces hélicoptères. L’amendement propose donc un investissement de 14 millions d’euros pour acquérir ces hélicoptères.

La commission rejette l’amendement II-CF1333.

Amendement II-CF1329 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. L’État contribue à hauteur de 500 000 euros au financement de l’Entente Valabre sur la zone de défense et de sécurité Sud.

Je propose de débloquer 3 millions d’euros supplémentaires pour développer ce modèle, qui permet d’asseoir autour de la table tous les acteurs de la sécurité civile, sur les cinq autres zones de défense et de sécurité du territoire français.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Mon intervention porte sur la série d’amendements de M. Chauche. J’entends son intention de mieux équiper nos Sdis, afin qu’ils puissent exercer leurs missions dans de bonnes conditions, et nous ne pouvons que l’encourager en ce sens, mais nous ne pouvons pas adopter ses amendements en l’état puisqu’ils sont gagés sur les crédits alloués à la police et la gendarmerie.

Je sais bien que cette façon de procéder est imposée par l’exercice budgétaire. Il reste que cela conduirait à diminuer les budgets de la police et de la gendarmerie de 120 millions d’euros. Je vous invite donc à avoir ce débat avec le ministre en séance, pour savoir s’il souhaite lever le gage.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Même si le gage n’est pas levé, la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur) prévoit 2,8 milliards d’euros pour la police et la sécurité. Ces 120 millions de crédits pourront donc être rattrapés sur les années suivantes.

Le rapporteur, qui a procédé à un examen détaillé des crédits, montre comment ces montants, s’ils sont assez faibles au regard des autres enjeux financiers, auront en revanche un fort impact opérationnel dans la lutte contre les incendies. Je ne comprends pas votre frilosité d’autant que la police et de la gendarmerie seront très, voire trop, bien servies lors des prochains exercices budgétaires.

M. Thomas Cazenave (RE). Notre groupe est conscient des enjeux des Sdis mais le financement de notre politique en la matière ne peut se faire à partir d’amendements qui ne présentent aucune cohérence les uns avec les autres.

Une mission, dont les résultats sont très attendus, a été lancée. Elle va remettre à plat le financement des Sdis pour garantir la continuité de leur action. La méthode me semble plus efficace.

La commission adopte l’amendement II-CF1329 (amendement II-1494).

Amendement II-CF1331 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Actuellement, l’État contribue à hauteur de 3,6 millions d’euros au budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp). Par cet amendement, je vous propose d’augmenter de 2 millions d’euros ce budget.

Nous avons besoin, en effet, de former les sapeurs-pompiers de territoire, désormais exposés à des risques de grande ampleur. Outre celui des incendies, avec le changement climatique, l’ensemble des événements climatiques extrêmes sont amenés à être plus fréquents et plus intenses. Nous devons former les personnels à la gestion de crise et, pour ce faire, commencer à réfléchir à un rapprochement entre l’Ensosp, l’École d’application de sécurité civile (Ecasc) et le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement NRBC-E (CNCMFE), de sorte que l’Ensosp devienne un institut national de la protection civile. Nous avons besoin de plus de cohérence et d’uniformisation à l’échelle nationale. Positionner l’Ensosp comme centre national de formation et de référence en la matière pour l’ensemble des acteurs de la sécurité civile me paraît pertinent.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il ne faut pas entrer dans une logique qui revient à opposer les forces de sécurité intérieure les unes aux autres. M. Bernalicis et le rapporteur, par ce nouvel amendement, nous demandent de prendre sur le programme Police nationale pour donner aux pompiers. Comme l’a dit Nadia Hai, c’est autant qui viendra à manquer à nos forces de l’ordre.

La commission rejette l’amendement II-CF1331.

Amendement II-CF1330 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Avec cet amendement, je souhaite donner des moyens supplémentaires à l’Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), établissement public administratif de l’État dont la principale mission est la conception et le déploiement du NexSIS-18 112, système d’information et de commandement unifié des services d’incendies et de secours.

Lors des auditions, l’ANSC nous a fait part de fortes contraintes budgétaires alors que ce système doit être déployé prochainement dans le département du Var et dans les départements d’Île-de-France, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Actuellement, tous les Sdis passent par des éditeurs différents. Il en existe quatre, qui coûtent très cher. Uniformiser le système sur le territoire national permettrait de faire des économies. Les crédits nécessaires pour mener à bien ce programme ne seraient prévus que de manière temporaire puisque, une fois le système mis en place, ce sont les Sdis qui le financeront.

La commission rejette l’amendement II-CF1330.

Amendement II-CF1335 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. L’Agence du numérique de la sécurité civile nous a fait part d’un manque de moyens humains, déjà relevé par la Cour des Comptes dans un rapport de 2020. Elle aurait besoin de 8 ETP, dont six pour assurer la maintenance du système NexSIS18 112 vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, car si le système tombe en panne sans personne pour le réparer, cela posera de graves problèmes, notamment pendant les Jeux de 2024.

Cela coûterait 90 000 euros par an par ETP. Il conviendrait donc d’engager des crédits à hauteur de 720 000 euros.

La commission rejette l’amendement II-CF1335.

Amendement II-CF1328 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Toujours dans le cadre de la prévention, je propose de doubler les subventions allouées aux organismes de recherche et aux acteurs de la gestion de crise d’ici à cinq ans, pour passer de 790 000 euros à 1,58 million d’euros. Je pense notamment à Météo France, au Cedre (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux) ou encore au Haut comité français pour la résilience nationale, autant d’organismes qui sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important au regard de la multiplication des événements climatiques, qui risquent de se produire dans la durée et de toucher des régions entières du territoire national.

La hausse des crédits serait de 790 000 euros pour ces organismes essentiels pour évaluer les besoins. Tous mes amendements ne prévoient que des augmentations très faibles mais vous refusez tout. Pourtant les économies réalisées sur la valeur du sauvé seront considérables.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Vous invoquez des montants très faibles mais, si tous vos amendements étaient adoptés, le budget de la police et de la gendarmerie serait finalement amputé de 120 millions d’euros. Certes, je sais bien que La France insoumise n’aime pas la police (Protestations) mais comment comprendre un soutien de l’opposition de droite ? Je le répète : nous ne voulons pas opposer nos forces de sécurité, opposer les pompiers aux policiers et aux gendarmes. Or c’est exactement ce que vous faites !

Encore une fois, considérez donc que ce sont des amendements d’appel, dont vous discuterez avec le ministre au banc, et qui pourra, le cas échéant, lever le gage. En l’état, nous n’adopterons pas ces amendements !

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Il est choquant que vous interprétiez nos votes comme une volonté d’opposer les uns aux autres. Puisque vous nous avez privés de la possibilité d’augmenter le budget, nous ne pouvons que transférer des crédits d’un programme sur un autre. Nous sommes pour la police mais également pour les Sdis, et nous faisons ce que nous avons à faire en responsabilité, sans chercher à privilégier quiconque.

M. Alexandre Sabatou (RN). M. le rapporteur indique très clairement, dans ses exposés sommaires, qu’il demande au Gouvernement de lever le gage. Les augmentations proposées ne seront donc pas imputées directement sur les crédits de la police. Sinon, nous n’aurions jamais soutenu ces amendements.

En outre, conscients que les accepter tous déséquilibrerait le budget, nous nous prononçons au cas par cas. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas voté systématiquement avec nos collègues de La France insoumise, faisant parfois le choix de nous abstenir.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Chacun le sait ici, nous sommes contraints de procéder ainsi. Les députés du groupe Renaissance ne font pas autrement dans leurs amendements. Allez-vous dire à vos collègues qu’ils piquent des crédits aux uns pour les donner à d’autres ?  

Arrêtez donc de cacher votre radinerie envers les pompiers derrière des prétextes de technique budgétaire ! Nul n’ignore ici que c’est au Gouvernement de lever le gage ; votre argument est scandaleux !

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. À La France Insoumise, nous ne sommes ni contre la police ni contre les pompiers : nous demandons des moyens supplémentaires pour les deux.

Je trouve vraiment regrettable de ne pas voter ces petites augmentations de crédits qui permettraient d’améliorer la sécurité civile, sachant que, selon le Sdis 34, en 2021, la valeur du sauvé a été de 11,33 millions d’euros. Cette année, en raison des feux de forêt, le surcoût du Sdis 33 s’élève à 15 millions d’euros. L’investissement de 15 millions que je proposais pour l’achat des camions-citernes feux de forêt, finalement, c’est le Sdis 33 qui l’a financé.

Allez donc expliquer dans vos circonscriptions que l’État ne veut pas investir pour les sapeurs-pompiers !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je rappelle tout d’abord que les Sdis sont de la responsabilité du département, pas de l’État.

Ensuite, que les règles budgétaires qui nous sont imposées sont celles de la Constitution de la Ve République française et de la loi organique relative aux lois de finances, mais on peut toujours contester le droit.

Enfin, Mme Hai répondait à M. Bernalicis, qui considère que prélever des crédits sur le programme relatif à la police n’est pas bien grave – ce qui est assez différent de l’argumentaire de M. le rapporteur spécial. Nous considérons, nous, qu’il est grave de diminuer les moyens de la police nationale.

La commission rejette l’amendement II-CF1328.

Amendement II-CF1332 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Par cet amendement, je vous propose d’accroître de 10 % le montant des subventions allouées aux associations et organismes de sécurité civile afin de leur permettre de faire face au contexte inflationniste. Cela représente 25 000 euros.

Ces associations ont pu reprendre une activité quasi normale en 2022, mais l’augmentation des prix du gaz, de l’électricité et des carburants menace gravement leur équilibre financier. À l’issue des auditions auxquelles j’ai procédé, il serait préférable que ces subventions supplémentaires profitent d’abord aux petites associations agréées de sécurité civile.

La commission rejette l’amendement II-CF1332.

Amendement II-CF900 de M. Antoine Léaument.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). N’en déplaise à la rapporteure spéciale, cet amendement tend à affecter des moyens à la police nationale. Il s’agit plus précisément d’améliorer la lutte contre la délinquance économique et financière. En effet, les promesses formulées à cet égard durant le quinquennat précédent n’ont pas été tenues, notamment pour ce qui concerne les offices centraux de la police judiciaire, chargés spécifiquement de cette délinquance. De fait, tous effectifs confondus – police et services d’enquêtes judiciaires des finances –, ce sont 750 personnes qui luttent pour récupérer au moins 80 milliards d’euros de fraude fiscale, sans parler du blanchiment et de différents trafics, délinquance dont la répression pourrait notamment bénéficier à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Ces fonctionnaires rapportent énormément d’argent à l’État. Nous proposons donc de créer une nouvelle ligne budgétaire et d’augmenter les moyens dont ils disposent, à l’inverse de ce que prévoit la réforme engagée au titre de la Lopmi, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. L’exposé sommaire e de l’amendement prétend que « depuis le Livre blanc sur la sécurité de 2020 jusqu’à la Lopmi cette année, en passant par la réforme de la police judiciaire, la politique de sécurité du Gouvernement se résume à accroître la pression pénale sur les populations les plus précaires et leur illégalisme propre ». Ce sont au contraire de tels propos qui offensent les plus précaires, qui sont les premières victimes de l’insécurité et de la délinquance ! Je vous invite à m’accompagner dans les quartiers défavorisés : vous verrez que leurs habitants demandent de la police, du « bleu » sur le terrain.

Quant à la lutte contre la délinquance en col blanc, dois-je vous rappeler l’existence d’un Office central pour la répression de la grande délinquance financière ? À quoi serviront les 20 millions d’euros que vous proposez d’attribuer à ce programme ?

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Deux rapports ont été rendus, cosignés avec l’un de vos anciens collègues, Jacques Maire, l’un pour demander des moyens supplémentaires et l’autre, rapport d’application réalisé deux ans plus tard, pour vérifier si des moyens supplémentaires avaient été attribués et si les choses avaient bougé. Tel n’était pas le cas, les moyens ayant parfois même évolué à la baisse pour la lutte contre la délinquance économique et financière menée par les offices centraux, lesquels connaissent de grandes difficultés de recrutement, qu’il s’agisse de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions fiscales et financières ou de celui qui était spécialement chargé de la lutte contre le blanchiment. Il faut citer également toute la filière judiciaire de proximité, les antennes de police judiciaire et les antennes financières. Les services de la PJ vous expliqueront qu’ils manquent de personnel, qu’ils croulent sous des piles de dossiers et ont des difficultés à mener leurs investigations. Mais peut-être n’aimez-vous pas la police judiciaire – c’est ce que je crois. Peut-être étiez-vous trop occupée, lorsque vous étiez ministre, à ne pas trop bien vous occuper des quartiers et avez-vous manqué la lecture de ces deux merveilleux rapports.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Je ne répondrai pas à cette mise en cause personnelle. Je peux – ce qui n’est pas votre cas – me rendre partout sur le territoire national, y compris dans les locaux de la police judiciaire.

Quant à la lutte contre la délinquance financière, vous n’avez aucune leçon à nous donner en la matière. Je rappelle que notre ancienne collègue Émilie Cariou a mené avec Éric Diard, du groupe Les Républicains, une mission qui a donné lieu à des mesures très importantes votées par notre assemblée. Nous avons en effet fait sauter le « verrou de Bercy » et créé une police fiscale, ce qui ne s’était pas fait sous la présidence de François Hollande. Quels que soient le territoire, le secteur ou la thématique, le Gouvernement agit et notre majorité est fière de soutenir cette politique.

M. le président Éric Coquerel. Dans les quartiers populaires, on demande quasi unanimement le retour d’une police de proximité, dotée d’îlotiers et de moyens, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ce rôle étant transféré aux polices municipales. Nous en discuterons. De même, le manque d’officiers de police judiciaire, notamment à Paris, est un problème majeur, en particulier dans les quartiers où sévit le trafic de drogues.

M. Daniel Labaronne (RE). Je souhaite que nos débats puissent se poursuivre dans un esprit apaisé, car nous avons encore beaucoup d’amendements et de missions à examiner.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Ce serait bien d’éviter les mises en cause personnelles !

M. le président Éric Coquerel. Certes, mais répondre à un collègue qui a présenté un amendement visant à opérer un prélèvement sur les crédits de la police : « Je sais que vous n’aimez pas la police », ce n’est pas loin d’être une mise en cause personnelle, qui peut donner au débat un caractère polémique.

La commission rejette l’amendement II-CF900.

Amendement II-CF905 de M. Antoine Léaument.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement vise à garantir un meilleur accueil des femmes victimes de violences sexuelles et sexistes dans les commissariats de police. Un excellent rapport réalisé par le Centre Hubertine Auclert à la demande la préfecture de police et rendu public l’année dernière formule de nombreuses préconisations opérationnelles, en s’inspirant notamment de la méthode de Philadelphie. Malheureusement, les formations proposées à tous les effectifs de police et de gendarmerie sont dispensées sous forme de e-learning. Certes, c’est mieux que s’il n’y avait rien mais il faut aller plus loin et réfléchir à l’organisation des locaux et de l’accueil, sans se contenter d’apposer des pastilles de couleur, comme cela s’est fait à certains endroits, car cette méthode, qui partait d’un bon sentiment, s’est révélée contre-productive. Le coût de cette démarche n’est pas très élevé, mais il s’agit de revoir l’organisation.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. La lutte contre les violences faites aux femmes, sujet qui me préoccupe particulièrement, passe évidemment par un meilleur accueil des victimes. Le Gouvernement partage aussi cette conviction et des dispositifs sont en cours de création, notamment le projet d’un fichier unique de prévention des violences intrafamiliales, qui doit donner une vision exhaustive de ces situations, et d’une convention-cadre de partenariat pour le développement des permanences de policiers dans les lieux de prise en charge pluridisciplinaire, afin d’accueillir les plaintes des femmes victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques. Nous voulons que la police aille vers ces victimes, plutôt que d’obliger celles-ci à se rendre au commissariat. Une convention vient d’être signée avec la maison des femmes de Saint-Denis. Avis défavorable, donc, sur cet amendement, qui est déjà satisfait par les actions engagées.

La commission rejette l’amendement II-CF905.

Amendement II-CF903 de Mme Élisa Martin. 

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement vise à prévoir la construction d’une école de police supplémentaire. Le directeur de la formation de la police nationale, que nous avons auditionné ce matin en vue de l’examen de la Lopmi, nous a rappelé que, bien que le recrutement de 7 000 policiers et gendarmes soit prévu en plus du remplacement des départs à la retraite, il n’était pas envisagé de rouvrir une école de police, alors même que la formation sera ramenée de neuf à douze mois et que les besoins vont croissant, a fortiori avec la nécessité de former les réservistes en cours de recrutement – même si, dans le cas de ces derniers, il ne s’agit que d’une formation de dix jours liée au port d’une arme à feu, ce qui est un autre débat. Auditionné par la commission des lois, le ministre lui-même a reconnu qu’il fallait réfléchir à la réouverture de structures de formation. Donnons-nous donc les moyens de dispenser la formation dans de bonnes conditions. Avant le passage de Nicolas Sarkozy, il y avait en France dix écoles de police de plus qu’aujourd’hui.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. La formation des policiers est un axe très important de notre politique de sécurité et elle est prise en compte dans le projet de budget, qui traduit plusieurs décisions en la matière. La rénovation du parcours de formation des gardiens de la paix prévoit ainsi une nouvelle formation initiale, d’une durée de vingt-quatre mois, articulée, depuis mai dernier, en douze mois d’école et douze mois de formation d’adaptation. L’offre de formation s’accompagne d’un parcours aussi complet que possible, que nous nous efforçons d’instaurer avec ce budget, mais également de moyens matériels et immobiliers. La Lopmi apportera ainsi des réponses financières en vue du projet d’académie de police de Paris.

M. Ugo Bernalicis. (LFI-NUPES) Nous ne disposons pas encore du tableau de ventilation de la Lopmi, que le rapporteur Boudié demande sans succès depuis plusieurs jours au ministère, ce qui me laisse craindre que le ministre ait obtenu 15 milliards d’euros sans savoir encore ce qu’il allait en faire. C’est là un point de vigilance que je vous soumets, dans une perspective de sincérité budgétaire.

La commission rejette l’amendement II-CF903.

Amendement II-CF902 de M. Antoine Léaument.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à concrétiser une promesse du Président de la République qui, en 2020, appelait à une refonte de l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale, ou du moins à une véritable indépendance de ce corps d’inspection. Je précise que nous demandons la levée du gage.

Depuis plusieurs mois, des contrôles d’identité ont fait de nombreux morts : il faut examiner, à chaque fois, la série d’actes qui mènent à ce que des jeunes – parfois même passagers des voitures visées – soient tués. L’IGPN ne semble plus être en mesure de mener des enquêtes impartiales et lucides sur ces affaires et nous devons donc contrôler la police au moyen d’une instance indépendante. Même si toutes les interventions de police concernées ne sont pas illégitimes, les nombreuses morts que nous avons déplorées, notamment celle, très récente, d’un jeune de ma circonscription, posent question et les enquêtes doivent pouvoir se dérouler sereinement, sous peine de voir dégénérer les relations entre la police et la population.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Comme vous l’écrivez dans l’exposé sommaire qui accompagne votre amendement, il s’agit d’un amendement d’appel qui, à lui seul, ne peut instaurer le contrôle que vous appelez de vos vœux. Le Président de la République a manifesté son plein soutien aux forces de l’ordre qui, comme il l’a rappelé, ont pour rôle de servir la loi républicaine et méritent le soutien et la confiance de la nation.

La police doit évidemment tendre à être irréprochable et je souscris pleinement à cette exigence. De ce point de vue, les annonces du Beauvau de la sécurité nous semblent satisfaisantes, sous réserve d’en voir la mise en œuvre. Je souligne que, depuis juillet dernier, l’IGPN est dirigée par une magistrate, et non plus par un membre des forces de l’ordre ou de sécurité intérieure, ce qui garantit son indépendance.

Je demande donc le retrait de cet amendement qui ne permet pas de remplir les objectifs avancés dans l’exposé sommaire. À défaut, avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous ne retirons pas l’amendement car, comme l’exprime très clairement l’exposé des motifs, il a pour objet de transférer la mission au Défenseur des droits, déjà chargé d’assurer un contrôle externe et indépendant de la déontologie de la police, de la gendarmerie et de la sécurité privée, mais qui n’a pas les moyens de fonctionner comme il le souhaiterait, notamment pour ce qui concerne cette mission, pour laquelle les transferts de crédits et d’effectifs n’ont pas été opérés lorsqu’elle lui a été confiée – elle relevait précédemment d’une commission nationale de la déontologie de la sécurité. Il ne s’agit donc pas simplement d’un amendement d’appel, car il propose des mesures opérationnelles que nous pouvons mettre immédiatement en œuvre. La nomination d’une magistrate à la tête de l’IGPN vaut certes mieux que si c’était pire, mais elle ne résout pas le problème, qui n’est pas seulement de savoir qui dirige le service, mais qui mène les enquêtes et comment on parvient aux conclusions.

La commission rejette l’amendement II-CF902.

Amendement II-CF901 de Mme Élisa Martin.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement vise à demander un audit financier du coût potentiel de la mise en place de la réforme de la police judiciaire.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Il n’y aura pas d’évaluation de coûts, car il s’agit d’une réforme réglementaire, qui vise à organiser les services de la police nationale. Ce ne serait du reste pas rendre justice aux différents arguments échangés que de traiter un sujet sérieux, qui concerne l’organisation de nos forces de l’ordre, dans le cadre d’un débat budgétaire. Le ministre est en discussion avec les syndicats et la direction de la police nationale pour trouver l’organisation qui convient et donner corps à la volonté de mieux organiser et de rendre beaucoup plus efficaces les interventions sur le terrain.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La discussion sur l’attribution des deniers publics est, au contraire, un très bon moment pour débattre des politiques publiques de la nation, car c’est précisément à l’aune de l’argent que nous consacrons à des politiques publiques que nous pouvons évaluer leur existence ou leur inexistence. Les officiers de police judiciaire sont mobilisés dans tout le pays pour vous exposer des revendications liées à leur dignité et à la prise en compte de leur métier. La question des moyens consacrés à de tels services est évidemment une question politique, dont tous les membres de la commission des finances et des autres commissions présents doivent se saisir. Être élu et faire de la politique, c’est aussi cela !

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Rassurez-vous, madame Garrido, nous ne nous contentons pas de regarder la police judiciaire à la télévision : nous allons à sa rencontre. Un point de la réforme de la police nationale actuellement en cours concerne la création des directeurs territoriaux de la police nationale et les missions de la police judiciaire. Cette dernière a exprimé deux craintes, qui me semblent d’ailleurs être bien prises en compte par le ministère et par le ministre lui-même, qui a donné quelques gages d’ouverture : la crainte que leurs missions ne soient pas respectées et celle que leur zone d’intervention ne soit pas préservée. Nous suivrons, comme le ministre, l’avancement de ces discussions, et je veillerai en particulier à leur éventuel impact budgétaire – mais, pour l’heure, il n’y en a pas.

La commission rejette l’amendement II-CF901.

M. le président Éric Coquerel. J’ai noté avec satisfaction que, compte tenu des événements, le besoin de moyens pour les pompiers semble faire l’objet d’un certain consensus, si le problème de la levée du gage est réglé. J’espère donc que le Gouvernement entendra ce message d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Madame et monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous rappeler votre position sur les crédits de la mission ?

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Je vous engage à voter les crédits de la mission relative à nos forces intérieures, qui ont besoin de moyens et de bonnes conditions de travail. Elles ne croyaient pas à ce qui a été fait dans les cinq dernières années et ne savent même pas comment elles fonctionnaient avant que nous ne leur donnions les moyens dont nous les avons dotées. Il faut entretenir cette satisfaction en continuant à améliorer l’immobilier, en équipant davantage les forces de l’ordre et en mettant plus de bleu sur le terrain. C’est l’ambition que permettront de réaliser les crédits que je vous invite à voter avec moi pour l’année 2023.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Je déplore qu’il n’y ait pas eu de consensus au sein de notre commission pour accroître les crédits de la sécurité civile. Il est pourtant urgent d’augmenter sensiblement les moyens alloués à la lutte contre les feux de forêt, à leur prévention et à leur gestion. Chacun a affiché cet été son soutien à nos sapeurs-pompiers mobilisés sans relâche, mais je constate avec regret que, lorsqu’il s’agit de donner aux professionnels de la sécurité civile des moyens supplémentaires, nous sommes minoritaires. J’appelle donc à voter contre ces crédits.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Le groupe Renaissance saisit cette occasion de saluer nos pompiers, nos policiers et nos gendarmes qui, chaque jour, risquent leur vie pour nous protéger. Nous saluons aussi la mémoire du gendarme Thomas Cavaillon-Pinod, récemment décédé dans un accident de la circulation.

Ce budget est marqué par une hausse historique des crédits en faveur de nos forces de sécurité intérieure, après celle qu’ils ont connue ces cinq dernières années, déjà inédite sous la Ve République. Avec 10 000 policiers et gendarmes de plus sous le précédent quinquennat, et 8 500 encore durant celui-ci, il s’agit d’un effort considérable visant à doubler la présence des forces de l’ordre sur la voie publique. C’est aussi un effort considérable en faveur du matériel et de tout ce qui fait le quotidien de nos forces de sécurité, avec la rénovation des commissariats, le lancement de 200 brigades de gendarmerie supplémentaires au cours du quinquennat et la modernisation de nos forces de l’ordre.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera en faveur de ces crédits.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Le groupe La France insoumise votera contre ces crédits, car nous ne souscrivons pas à leur ventilation et aux objectifs politiques assignés à la police nationale et à la gendarmerie nationale, notamment pour ce qui concerne la formation. Vous embauchez, certes, mais avec quelle qualité de formation, et pour quoi faire sur le terrain ? Vous étiez censés avoir mis en place une police de sécurité du quotidien, mais personne n’en parle plus et vous-même l’avez oublié. Nous n’avons jamais vu la couleur des comptes rendus et des rapports qui auraient dû être remis.

Si vous aviez envisagé de créer une police de proximité, de pratiquer la désescalade, de réformer le maintien de l’ordre et de mettre au cœur de l’action le renforcement de la police judiciaire pour mener des enquêtes indépendantes auprès des magistrats, nous aurions pu nous accorder sur un tel budget, mais vous faites tout le contraire, en continuant d’appliquer une politique répressive. La réforme de la départementalisation accentuera encore le risque de transformation de la France en un État policier.

M. Alexandre Vincendet (LR). Les députés Les Républicains sont très attentifs à la mission Sécurités, qui concourt aux actions du ministère de l’intérieur visant à lutter contre le terrorisme, à poursuivre l’effort contre toutes les formes de délinquance, notamment le trafic de drogue, très important et dont personne n’a parlé aujourd’hui, en particulier notre collègue du groupe La France insoumise, à intensifier la lutte contre l’insécurité routière et à optimiser la protection des populations et les capacités de gestion de crise.

La mission voit ses crédits augmenter de 1,05 milliard d’euros supplémentaires prévus par la loi de finances, pour un budget total prévu de 15,77 milliards d’euros. Les députés Les Républicains ne peuvent évidemment que saluer cette augmentation des moyens destinés à la sécurité des Françaises et des Français, alors que certains quartiers de nos grandes villes deviennent des zones de non-droit et que la lutte contre toutes les formes de délinquance nécessite des moyens à la hauteur des enjeux.

Comme nous l’avons vu lors des débats sur cette mission et sur le programme consacré à la police nationale, l’évolution permettra de doubler la présence des policiers sur la voie publique, d’augmenter le nombre de compagnies de CRS, de renforcer la filière de l’investigation avec la création de postes d’assistants d’enquête et de renforcer le nombre de formateurs. Il est également prévu d’augmenter le matériel informatique fonctionnel dans les brigades, de créer 200 brigades de gendarmerie et d’accroître les moyens du programme de sécurité civile, de la sécurité routière et de l’éducation routière. Nous ne pouvons donc être que favorables aux crédits de cette mission.

Mme Perrine Goulet (Dem). Comme pour la mission Justice, le Gouvernement et la majorité ont décidé de poursuivre les efforts budgétaires exceptionnels engagés en faveur de nos forces de police et de gendarmerie, ainsi que de la sécurité civile. Ce budget est le premier à s’inscrire dans le cadre du projet de loi Lopmi, que nous examinerons prochainement et qui prévoit des moyens inédits, de l’ordre de 15 milliards d’euros supplémentaires, et 8 500 nouveaux postes sur les cinq prochaines années.

Ce budget est d’abord celui d’une meilleure reconnaissance de l’engagement de ces personnels, avec une revalorisation progressive des grilles salariales, mais il comporte aussi d’autres dispositifs moins directement budgétaires, comme une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie de famille. Nous souhaitons aussi poursuivre l’effort d’équipement de nos forces de police et de gendarmerie, notamment dans le contexte de l’accueil de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques en 2024.

Le changement climatique, enfin, aura d’importantes conséquences en termes de catastrophes naturelles et de feux de forêt, en métropole comme outre-mer. Plus que jamais, nous devons continuer à développer nos dispositifs de sécurité civile, notamment les équipements tels que les aéronefs. Les flottes de Canadair et d’hélicoptères devront être renouvelées progressivement. Il faudra également disposer de ressources humaines, particulièrement en outre-mer. Notre groupe votera donc ces crédits.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés salue un budget de la mission Sécurités qui fait la part belle aux recrutements dans la police nationale comme dans la gendarmerie. En effet, le schéma d’emplois s’établit à 2 857 ETP supplémentaires, et l’augmentation des effectifs de 8 500 unités d’ici à 2027 nous semble relever d’une bonne dynamique.

Cependant, il ne faudrait pas que ces recrutements massifs se fassent au détriment de la formation des policiers et des gendarmes, condition de la sécurité de la population et, surtout, de celles des agents sur le terrain. Or, c’est précisément sur ce plan que le budget n’est pas à la hauteur. Le bleu budgétaire annonce certes l’objectif d’un doublement des heures de formation continue, mais aucun chiffre n’est avancé, en particulier quant au nombre de formateurs qui seront recrutés. Les besoins sont d’autant plus importants que la durée de la formation initiale a été réduite de douze à huit mois durant les premières années du quinquennat de M. Macron. Or les agents ainsi formés devraient pouvoir bénéficier en priorité d’une formation continue. C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé en commission des lois des amendements sur ces questions et sur le budget de la police judiciaire, amendements qui n’ont malheureusement pas été retenus.

Pour l’ensemble de ces raisons, les députés socialistes voteront contre les crédits de la mission Sécurités.

Mme Félicie Gérard (HOR). La sécurité est un enjeu prioritaire pour les Français et il est essentiel de mettre en œuvre des dispositifs forts permettant de fournir dans ce domaine tous les moyens nécessaires afin de protéger les citoyens. C’est tout l’objet de la mission Sécurités, qui bénéficiera d’ailleurs des premières mesures liées au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur qui doit se déployer de 2023 à 2027 et que notre assemblée examinera dans les semaines à venir. Cette mission exprime de nombreuses ambitions et concrétise celles assumées par le Président de la République et le ministre de l’intérieur, comme le doublement du nombre de gendarmes sur la voie publique d’ici à dix ans, le renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales, la cybercriminalité et la gestion des divers événements mondiaux que notre pays accueillera dans les années à venir.

Un autre aspect de la mission, tout à fait central, est celui de la reconnaissance de l’engagement des personnels par l’amélioration des conditions de vie et de travail des forces de sécurité intérieure, ce qui permettra aussi de contribuer à l’attractivité de la filière.

Pour 2023, les moyens de la mission augmentent de manière significative, ce qui permet d’allouer à chacun des programmes évoqués des hausses de moyens inédites en crédits de paiement. Ces augmentations sont fidèles aux engagements annoncés par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, au titre de la Lopmi, avec l’accroissement de la présence sur la voie publique et la reconnaissance de l’engagement des forces de sécurité.

Le groupe Horizons et apparentés salue d’ailleurs l’attention portée aux territoires ruraux, où la présence de l’État doit se concrétiser. Nous saluons également l’augmentation des moyens de la sécurité routière.

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette mission budgétaire.

M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). Ce budget, s’il se donne pour objectif de poursuivre la montée en puissance des forces de sécurité, ne traduit pas de perspectives claires quant aux objectifs poursuivis par cette montée en puissance de l’outil sécuritaire, si ce n’est un volet répressif qui semble dominer. Le budget permet l’augmentation considérable des effectifs de la police et de la gendarmerie nationale, avec 2 857 ETP supplémentaires pour la seule année 2023. Or quelle place ce renforcement des effectifs laisse-t-il pour répondre aux nouveaux enjeux auxquels nos forces de sécurité font face, à savoir l’amélioration du traitement des violences intrafamiliales, l’amélioration du recueil de la parole des victimes et une meilleure approche des nouvelles technologies au sein d’une réelle filière cyber ? Par ailleurs, quelle est la place de la formation ? De fait, il n’est pas prévu d’ouverture d’écoles de police, alors que plus de 7 000 recrutements sont prévus. Pourtant, la reconnaissance de l’engagement des personnels et l’amélioration des conditions de vie et de travail des forces de sécurité sont nécessaires, ce qui requiert des personnels formés et des conditions de travail assainies et dignes.

Enfin, le plan de renforcement et de modernisation des capacités de formation militaire et de la sécurité civile face aux conséquences d’événements climatiques de plus en plus nombreux et violents demeure insuffisant au regard de l’enjeu, qui doit véritablement être considéré comme un enjeu de sûreté nationale, ce qui n’est toujours pas le cas.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES votera contre ce budget.

La commission adopte les crédits de la mission Sécurités modifiés.

Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette l’amendement IICF878 de M. Philippe Schreck.

Amendement II-CF1327 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Je vais présenter une série d’amendements portant sur des indicateurs, qui ne créent pas de nouvelles dépenses. Cet amendement IICF1327 vise à permettre à la représentation nationale de connaître la surface forestière défendue par un camion-citerne en cas de feux de forêt à l’échelle départementale. Cette donnée est particulièrement pertinente pour évaluer la capacité matérielle de nos services départementaux d’incendie et de secours à faire face à des feux de forêt et de végétation. Cette donnée existe déjà, car la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) la publie chaque année dans son rapport intitulé Les Statistiques des services d’incendie et de secours : il s’agirait que cette information essentielle soit portée à la connaissance de la représentation nationale lors de l’évaluation du programme 161.

La commission adopte l’amendement II-CF1327 (amendement II-1495).

Amendement II-CF1323 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Cet amendement vise à étendre l’indicateur actuel « Efficacité du dispositif de protection des forêts pendant la campagne “saison feux” » à l’ensemble des départements métropolitains et d’outre-mer. En effet, l’année 2022 nous a montré que le changement climatique expose désormais l’intégralité du territoire national à des incendies de grande envergure. L’extension de cet indicateur est donc une mesure de bon sens. Le bleu budgétaire précise du reste que ces indicateurs montrent leurs limites en 2022 avec l’extension géographique du risque.

La commission rejette l’amendement II-CF1323.

Amendement II-CF1324 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Cet amendement tend à ce que la représentation nationale puisse disposer de données relatives aux montants utilisés par les services départementaux d’incendie et de secours pour louer des aéronefs afin de faire face aux feux de forêt et de végétation. Si, en effet, nous disposions de ces données, nous serions en mesure de mieux évaluer les besoins d’accroissement ou de diversification de la flotte nationale de la sécurité civile et de répondre plus précisément aux besoins de nos Sdis. Il est très facile pour la DGSCGC de demander aux Sdis de faire remonter ces données.

M. le président Éric Coquerel. L’été que nous avons vécu se renouvellera, accompagné d’incendies et de phénomènes météorologiques anormaux liés au réchauffement climatique. Afin d’anticiper les moyens nécessaires pour faire face à de tels événements, nous avons besoin d’une estimation fine du coût des opérations de l’été dernier, qui est malheureusement un banc d’essai grandeur nature.

La commission rejette l’amendement II-CF1324.

Amendement II-CF1325 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Cet amendement tend à modifier et compléter l’indicateur « Taux de disponibilité opérationnelle des avions de la sécurité civile ». Il convient en effet que la représentation nationale dispose de données relatives au temps cumulé de maintenance des avions et hélicoptères de la sécurité civile, afin d’avoir une idée plus précise du vieillissement de cette flotte et de ses besoins en maintenance. Bien que la DGSCGC dispose déjà de ces données, qu’on peut retrouver dans le rapport de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis de la commission des lois, il serait très utile de les porter à la connaissance de la représentation nationale dans le cadre de la procédure d’examen budgétaire. Toutefois, la DGSCGC, à qui j’ai écrit pour demander ces données, ne m’a pas répondu.

L’amendement vise également à distinguer les taux de disponibilité opérationnelle des avions de la sécurité civile pour les alertes émanant des départements méditerranéens et des autres départements. En effet, j’ai pris connaissance avec intérêt des conclusions de la mission flash menée par l’Assemblée des départements de France, qui relève que certains départements qui n’ont pas l’habitude d’être exposés à des incendies importants ont parfois éprouvé des difficultés et rencontré des freins dans le processus décisionnel.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Avant de procéder à un vote mécanique, sinon machinal, pour ou contre, pourrions-nous connaître les arguments qui vous font voter contre les indicateurs ? On pourrait croire que nos collègues de la majorité préfèrent avoir la surprise de découvrir chaque été la situation !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous sommes libres de nos prises de parole comme de nos votes.

La commission rejette l’amendement II-CF1325.

Amendement II-CF1326 de M. Florian Chauche.

M. Florian Chauche, rapporteur spécial. Compte tenu du changement climatique, ainsi que de l’extension géographique et du développement des incendies de végétation et terres agricoles qui en découlent, il importe que la représentation nationale dispose de données agrégées au niveau national sur le niveau de formation des sapeurs-pompiers et des sapeurs-pompiers volontaires en matière de lutte contre les feux de forêt et de végétation, pour pouvoir fixer, le cas échéant, des objectifs précis.

La commission rejette l’amendement II-CF1326.

Article 29 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Amendement II-CF2 de M. Philippe Lottiaux.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Cet amendement prévoit de transférer des crédits du programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière au programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières.

Je comprends la volonté d’aider les collectivités à réaliser de meilleurs aménagements en matière de sécurité routière, mais cela ne doit pas se faire au détriment du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF2.

La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers non modifiés.

Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1017 de M. Philippe Schreck.

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. L’amendement soulève la question importante de l’emploi des personnes handicapées. Je partage cette préoccupation.

Toutefois l’amendement est satisfait, comme le relève d’ailleurs son exposé sommaire. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement II-CF1017.

Mission Immigration, asile et intégration (Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefevre, rapporteurs spéciaux).

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration sont retracés par le programme 104 Intégration et accès à la nationalité et par le programme 303 Immigration et asile.

En 2023, le montant des crédits atteindra 2,6 milliards en AE et 2 milliards en CP. La différence entre ces deux sommes s’explique par le renouvellement de la convention pluriannuelle de certains centres d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA). Le dispositif national d’accueil a progressé de manière notable : les places d’hébergement sont passées de 85 000 en 2017 à 113 000 en 2022. Une hausse supplémentaire est prévue en 2023.

Toutefois, des difficultés persistent, accentuées par le fait que l’accès au logement peut être long pour les réfugiés. Ils restent alors hébergés dans le cadre du dispositif national, alors qu’ils pourraient en sortir. Les tensions dans l’hébergement d’urgence sont fortes, quelles que soient les missions qui financent les places. Les sans-abri ont besoin d’un toit sur leur tête, peu importe la ligne budgétaire. Le nombre de places augmente dans le cadre de la mission Immigration, asile et intégration, mais il baisse dans celui de la mission Cohésion des territoires.

À titre personnel, je pense qu’il faut maintenir un niveau élevé de places d’hébergement. La mise à l’abri est une question d’humanité prioritaire, qui nous guide depuis cinq ans.

Par ailleurs, ce projet de budget s’inscrit dans le contexte très particulier et douloureux de l’accueil en France des déplacés d’Ukraine – soit un peu plus de 105 000 personnes en 2022.

La mission a été concernée à différents titres par cet accueil. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a participé à la remise des cartes d’allocation pour demandeurs d’asile et a proposé des cours de français aux Ukrainiens. Le programme 303 a également pris en charge des dépenses d’hébergement temporaire. Ces dépenses ne figurent pas dans le PLF pour 2023. Compte tenu de la très forte imprévisibilité, le Gouvernement a choisi de ne pas inscrire de crédits à raison de la situation en Ukraine et de financer les dépenses correspondantes en gestion. Nous regrettons ce choix, même si l’incertitude est grande et bien que les dépenses seront de toute façon assurées.

À part cela, le périmètre de la mission est assez classique et intègre les dépenses d’hébergement des demandeurs d’asile, de traitement des demandes d’asile, d’intégration des étrangers en situation régulière ainsi que les dépenses d’éloignement de ceux qui sont en situation irrégulière. Les crédits proposés se caractérisent à la fois par des éléments de continuité et de rupture.

M. Mathieu Lefevre, rapporteur spécial. La continuité, c’est l’effort renouvelé en matière d’hébergement des demandeurs d’asile – avec 4 900 places supplémentaires créées en 2023 dans le cadre du dispositif national d’accueil et 2 200 autres qui étaient précédemment financées par la mission Plan de relance.

La continuité, c’est aussi le traitement des demandes d’asile. En 2023 l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficiera pour la première fois d’un budget supérieur à 100 millions d’euros. Il s’élevait à 63 millions d’euros en exécution en 2017. Cet effort devrait permettre à l’OFPRA de se rapprocher de l’objectif de traitement des demandes d’asile dans un délai inférieur à deux mois. Ce délai a été fortement réduit et se situe aux environs de trois mois et demi. De nouveaux progrès sont attendus et ils devraient permettre de se rapprocher des deux mois pour les 135 000 demandes d’asile attendues en 2023.

La continuité s’exprime également à travers l’accent mis sur l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. La capacité d’accueil des centres de rétention administrative (CRA) poursuit son augmentation. Elle devrait être de 1 961 places en 2023, contre 1 719 places en 2021, et l’objectif de 2 200 places à l’horizon 2025 sera atteint.

Les crédits de la mission garantissent la poursuite du fonctionnement des dispositifs de préparation au retour qui étaient précédemment financés par la mission Plan de relance.

Enfin, le PLF traduit une rupture en matière d’intégration.

Sous la précédente législature, les crédits consacrés à l’intégration ont déjà connu une très forte progression. Ils vont franchir un cap supplémentaire : avec une augmentation de plus de 100 millions d’euros et représenteront 543 millions d’euros en 2023.

La première avancée réside dans la création de 1 000 places supplémentaires au sein de centres provisoires d’hébergement et dans l’intégration dans le périmètre de la mission des 1 200 places qui étaient préalablement financées par le plan de relance.

Mais l’essentiel repose sur le programme Agir (accompagnement global et individualisé des réfugiés). Expérimenté dans vingt-sept départements, il finance un accompagnement global et individualisé des bénéficiaires de la protection internationale, notamment vers le logement et l’emploi. L’an prochain, 18 000 personnes devraient en bénéficier. Avec l’apprentissage de la langue française – qui reçoit également des crédits supplémentaires –, ce programme est la clé de voûte de la politique d’intégration des étrangers en situation régulière. Nous croyons beaucoup au déploiement de ce programme, pour un coût prévisionnel de 76 millions d’euros en 2023.

L’alliance de la continuité et de la rupture caractérise le budget de la mission Immigration, asile et intégration, dont nous vous proposons d’approuver les crédits.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CF449 de M. Julien Bayou et II-CF910 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune).

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’allocation pour demandeur d’asile (ADA) est vitale : elle permet aux demandeurs d’asile de se nourrir et de se loger. La Cour des comptes a souligné que les crédits de l’ADA avaient été sous-budgétisés pendant des années. Il y a certes eu une embellie en 2021. Mais peut-on s’en contenter ?

Cet amendement vise à augmenter la dotation de l’ADA alors que le Gouvernement prévoit une baisse drastique de 36 %, avec 176,3 millions d’euros en moins. L’augmentation que nous proposons permettra une meilleure gestion de l’ADA, en particulier au moment où nous accueillons des réfugiés ukrainiens.

Les demandeurs d’asile ont le droit d’être sur notre territoire et nous avons le devoir de les accueillir dignement. L’ADA constitue un élément clé de cet accueil et il n’est pas acceptable que le budget ne soit pas à la hauteur, alors que les Français ont largement manifesté leur solidarité.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. Le Gouvernement a choisi de ne pas faire figurer dans le budget les dépenses potentielles relatives à la protection temporaire des réfugiés ukrainiens. Nous le regrettons, même si les besoins sont objectivement difficiles à évaluer.

Si l’on fait abstraction de la protection temporaire de ces réfugiés, les 314,7 millions d’euros prévus pour le financement de l’ADA sont suffisants. Les dépenses à ce titre devraient être comprises entre 280 et 290 millions d’euros en 2022. La dotation prévue en 2023 devrait donc permettre d’y faire face ; et ce d’autant plus que si le nombre de demandes d’asile augmente, les délais d’instruction par l’OFPRA continuent à se réduire. Les prévisions sont donc cohérentes.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Je suis un peu choquée par la différence qui est faite entre les réfugiés ukrainiens et les autres réfugiés. Beaucoup de personnes fuient des pays en guerre. Il suffit de se rendre porte d’Aubervilliers ou porte de la Chapelle pour voir leurs terribles conditions de vie dans la rue. Les conséquences de l’inflation sont déjà très dures pour les allocataires du RSA, mais elles sont encore pires pour les demandeurs d’asile. Nombre de ceux que j’ai rencontrés sont au bord du suicide. Il faut davantage de solidarité pour tous les demandeurs d’asile.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Vous proposez d’augmenter les crédits en faveur de l’ADA, mais ces dotations bénéficieront indifféremment à tous les demandeurs d’asile. Il n’y a aucune volonté de limiter la consommation des crédits. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF449 et II-CF910.

Amendement II-CF912 de Mme Andrée Taurinya.

M. Mathieu Lefevre, rapporteur spécial. Vous proposez de supprimer les crédits consacrés au financement des CRA. Nous estimons au contraire que l’éloignement des étrangers en situation irrégulière passe par une augmentation du nombre de places dans ces centres. En effet, 79 % des éloignements forcés sont précédés d’un passage en CRA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF912.

Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette l’amendement II-CF911 de M. Andy Kerbrat.

Amendement II-CF914 de M. Andy Kerbrat.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Cet amendement vise à dénoncer les conséquences de la dématérialisation des procédures pour l’accès des étrangers au droit. Il propose de créer un nouveau programme afin d’augmenter les effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures.

Cela nous paraît essentiel car si la dématérialisation augmente l’absence de recours au droit de manière générale, c’est encore plus le cas pour les étrangers – pour des raisons évidentes. Cela a été relevé par la Cimade. La Défenseure des droits propose de mettre en place des procédures alternatives à la voie dématérialisée. L’amendement a pour objet de les financer.

M. Mathieu Lefevre, rapporteur spécial. Cet amendement aurait plutôt eu sa place dans la mission Administration générale et territoriale de l’État, dont nous avons débattu précédemment.

L’accueil des étrangers dans les préfectures n’est pas satisfaisant, avec de trop longues files d’attente. Mais il faut traiter le problème de manière opérationnelle avant d’envisager la traduction budgétaire de la solution qui sera retenue. Cette discussion prendra tout son sens dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, qui sera présenté lors du 1er semestre 2023. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je rappelle que nous avons précisément présenté l’amendement dans le cadre de l’examen des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État et qu’il a été rejeté.

La commission rejette l’amendement II-CF914.

Amendement II-CF913 de M. Andy Kerbrat.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Cet amendement humaniste devrait faire l’unanimité. Il s’agit de créer un programme de sauvetage de naufragés.

La Méditerranée est un cimetière à ciel ouvert, où 3 000 personnes sont décédées ou ont disparu pour la seule année 2021 – et encore s’agit-il du bas de la fourchette.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) appelle à accueillir dans des conditions décentes les gens qui fuient la misère et la guerre. Ils seront encore plus nombreux avec la catastrophe climatique. La loi du 10 septembre 2018 sur l’asile et l’immigration, dénoncée par toutes les associations, poursuit une logique répressive et sécuritaire.

Il faut arrêter de regarder les drames et prendre nos responsabilités. L’amendement propose d’affecter 7,4 millions d’euros au financement de dispositifs pour sauver des êtres humains en Méditerranée.

Alors que des militants d’extrême droite, anciens membres de Génération identitaire, ont été condamnés pour avoir saccagé les locaux de SOS Méditerranée, adopter cet amendement constituerait un signal important. Cela montrerait que la France est un État de droit et qu’il respecte les valeurs humanistes.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. Dans un état de droit, personne ne peut détruire le bien d’autrui.

Contrairement à ce que vous laissez entendre, la France est active en matière d’intervention maritime. Il ne se passe pas un jour sans que des marins français – dont je salue l’engagement – interviennent pour secourir des exilés qui traversent la Manche. Cela ne permet cependant pas d’éviter des drames.

Il est plus compliqué d’agir en Méditerranée, en dehors de nos eaux territoriales – et plus encore d’agir seul. La France doit inscrire son action dans une démarche internationale. Vingt et un États se sont engagés dans un mécanisme temporaire de solidarité, dont la France a pris l’initiative lorsqu’elle a exercé la présidence du Conseil de l’Union européenne en 2022.

Le sauvetage en mer des réfugiés est une vraie question dont il faut débattre en séance publique avec le Gouvernement, afin que celui-ci nous fasse part des avancées en la matière. Il faut des résultats et de l’efficacité pour faire face aux drames que nous connaissons.

Demande de retrait.

M. Alexandre Sabatou (RN). Il n’y aurait pas tous ces drames s’il n’y avait pas des passeurs, qui profitent de la misère des gens pour essayer de leur faire traverser illégalement les frontières et aborder nos côtes. J’invite donc ces derniers à emprunter la filière légale d’immigration plutôt que de s’engager dans une démarche clandestine.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Je ne rentre pas dans cette polémique.

Les sauveteurs en mer ne se soucient pas de la politique nationale du moment. Leur mission consiste à sauver les migrants et les personnes qui sont en danger en mer. Or ils ont trop peu de moyens.

J’aurais aimé en discuter en séance publique, mais mon petit doigt me dit que cela risque d’être compliqué… C’est la raison pour laquelle il n’est pas opportun de retirer cet amendement – comme d’autres d’ailleurs. Adopter un amendement en commission force le Gouvernement à expliquer sa position, même en cas de recours – probable – à l’article 49.3. Cela permet de mettre davantage de pression sur des sujets d’intérêt général.

M. le président Éric Coquerel. La convention internationale pour l’unification de certaines règles en matière d’assistance et de sauvetage maritime, signée à Bruxelles en 1910, prévoit que c’est toujours un devoir de sauver quelqu’un en mer, même quand il s’agit d’un ennemi. C’est un élément essentiel du droit maritime et il n’a jamais été remis en question. Il serait utile qu’il soit bien appliqué.

M. Alexandre Sabatou (RN). Le Rassemblement national ne remet pas en cause le devoir d’assistance en mer. Mais il ne peut pas voter en faveur de l’amendement au vu de son exposé sommaire.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale. Il s’agit d’un sujet important d’un point de vue humanitaire. Si d’aventure il ne pouvait pas faire l’objet d’une discussion avec le Gouvernement, nous nous engageons à lui transmettre la demande de l’auteur de l’amendement et à vous faire part de sa réponse.

La commission rejette l’amendement II-CF913.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

Mme Nadia Hai (RE). Le groupe Renaissance votera en faveur des crédits de la mission, qui progressent de 6 % par rapport à 2022. Conformément à la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, le Gouvernement poursuit l’amélioration et la rationalisation des conditions d’accueil des demandeurs d’asile ainsi que l’intégration des étrangers.

Notre groupe est bien entendu favorable à l’accueil de tous ceux qui ont vocation à entrer et à s’installer sur notre territoire – au titre des études, du travail ou du regroupement familial. Mais nous sommes aussi très lucides sur les capacités d’accueil de la France et nous savons que nous ne pouvons malheureusement pas accueillir toute la misère du monde.

Cela étant dit, lors de son discours aux Nations unies, lors du sommet France-Afrique et lors du sommet des deux rives de la Méditerranée, le Président de la République s’est engagé à lutter contre les inégalités mondiales et à faire en sorte que la France joue un rôle moteur en la matière. Le développement permet d’améliorer la situation des flux migratoires. Il faut aussi lutter contre les filières clandestines.

Des places d’hébergement supplémentaires vont être ouvertes pour les demandeurs d’asile et ceux qui fuient les théâtres de guerre.

Le budget de cette mission mérite d’être adopté.

Mme Perrine Goulet (Dem). Nous saluons l’augmentation des crédits de cette mission, en particulier s’agissant des AE. Cette progression s’explique par des actions destinées à garantir le droit d’asile, qui constitue l’une des vertus cardinales de la France. Les bénéficiaires du droit d’asile – que ce soit pour des raisons politiques, religieuses ou tenant à leur personne même – doivent être accueillis décemment. C’est la raison pour laquelle nous saluons ces crédits, que nous voterons.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Comme les années précédentes, le budget consacré à l’asile et à l’immigration relève de la politique du chiffre.

L’objectif principal est crânement affiché : il faut lutter contre les flux migratoires, traiter plus rapidement les demandes d’asile et expulser davantage. L’augmentation du budget de la mission ne permettra donc pas de répondre aux besoins criants des organismes qui traitent les demandes d’asile.

Quant au problème de l’hébergement des demandeurs d’asile, il reste entier. J’ai posé mardi dernier une question au Gouvernement au sujet des familles qui se retrouvent à la rue. J’ai bien noté la réponse du ministre, et j’espère que ce qui a été dit sera fait pour les mettre à l’abri.

Le budget proposé pour 2023 paraît nettement insuffisant et les députés socialistes appellent le Gouvernement à faire plus en matière d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile. Il en va du respect du principe constitutionnel de dignité de la personne humaine.

Les députés socialistes voteront contre les crédits de cette mission.

Mme Félicie Gérard (HOR). Un pays comme la France ne peut rester passif face à l’enjeu migratoire. Sa souveraineté lui donne le droit de contrôler ses frontières. Parallèlement, ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité lui confèrent le devoir d’intégrer les nouveaux arrivants.

La politique d’immigration, d’asile et d’intégration est structurée autour de trois grands axes.

Tout d’abord, il faut maîtriser les flux migratoires en luttant contre l’immigration irrégulière, notamment en améliorant les contrôles.

Ensuite, il convient d’adapter de façon plus efficace l’immigration régulière à la réalité de nos besoins. L’enjeu est d’importance pour certains secteurs d’activité, qui sont demandeurs de main-d’œuvre. Cette politique doit être déclinée à l’échelle locale, afin de prendre en compte les particularités.

Enfin, l’asile est un droit primordial, destiné à protéger les victimes de persécutions. C’est l’une des valeurs de la France et il témoigne de son attachement aux droits de l’homme. Une part des crédits est consacrée à réduire les délais d’instruction des demandes.

L’État se doit d’être à la hauteur en matière d’immigration, d’asile et d’intégration. Ce budget le permet. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits proposés pour cette mission budgétaire.

M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). À quoi devons-nous nous préparer en matière de politique d’immigration ?

En 2050, un milliard de réfugiés climatiques viendra s’ajouter aux besoins de mobilité inhérents à nos sociétés interdépendantes. Face à cette situation, miser sur une politique de repli est délétère et surtout insuffisant.

Le PLF propose une augmentation de 24 % des crédits alloués aux politiques d’intégration et d’accès à la nationalité française. Mais ces efforts répondent à la nécessité d’accueil des réfugiés ukrainiens et ils ne doivent pas masquer la réalité du problème de la solidarité en France. En réalité, des milliers de personnes n’ont pas de solution d’hébergement. Or si le PLF prévoit la création de 4 900 places d’hébergement dans le cadre de la mission Immigration, asile et intégration, il en supprime 7 000 au titre de la mission Cohésion des territoires.

Plus généralement, nous déplorons un manque d’ambition et un déséquilibre certain.

Les crédits destinés à l’accès à la nationalité française restent rachitiques et ils augmentent de 6,6 % seulement. Ceux en faveur de la garantie du droit d’asile perdent 3 %. On risque également de retomber dans une situation de sous-budgétisation de l’ADA, dont les crédits diminuent de 36 % au motif de l’accélération des délais de traitement.

Dans le même temps, les crédits de l’action Lutte contre l’immigration illégale irrégulière augmentent de 17 % et l’action Soutien qui comprend les crédits relatifs aux systèmes de collecte des données biométriques et aux logiciels de suivi – voit son budget multiplié par quatre. Le Gouvernement a fait le choix d’une politique de surveillance et de contrôle, tout en négligeant les politiques d’accueil.

Le budget proposé pour cette mission comprend un certain nombre de progrès. Mais nous voterons contre ce budget en raison du choix qu’il traduit en faveur de la surveillance au détriment de l’accueil.

La commission adopte les crédits de la mission Immigration, asile et intégration non modifiés.

Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF873 de M. Philippe Schreck.

Après l’article 43

Amendement II-CF915 de Mme Andrée Taurinya.

M. Mathieu Lefevre, rapporteur spécial. Il s’agit d’une demande de rapport au Gouvernement sur les propositions de renégociation des accords du Touquet. Le sujet est important et il mériterait d’être abordé plus largement qu’au travers du seul prisme budgétaire dans le cadre d’une mission d’information de la commission des affaires étrangères. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF915.

Mission Recherche et enseignement supérieur (MM. Mickaël Bouloux et Thomas Cazenave, rapporteurs spéciaux).

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial (Enseignement supérieur et vie étudiante). Les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante sont retracés par les programmes 150 Formations supérieures et recherche universitaire et 231 Vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Le budget de ces deux programmes poursuit sa progression. Ce sont 696 millions d’euros supplémentaires pour le programme 150 et plus de 50 millions d’euros supplémentaires pour le programme 231 qui sont proposés en CP pour 2023. Le budget total du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche progresse quant à lui de 5,36 % par rapport à la loi de finance initiale pour 2022. Il est en constante augmentation depuis 2017, ce qui confirme la poursuite de l’engagement de la majorité pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Les crédits consacrés aux formations supérieures et à la recherche universitaire bénéficient de 14,9 milliards d’euros dans le PLF 2023, contre 13,4 milliards exécutés en 2018.

En ce qui concerne le programme 150, le projet de budget soutient les enseignants du supérieur en les revalorisant et en recrutant davantage. Les effectifs ont progressé de plus de 7 % ces vingt dernières années. Dans le PLF, 400 millions d’euros supplémentaires sont consacrés à des revalorisations salariales et à la revalorisation du point d’indice pour les personnels du ministère et de ses opérateurs.

La trajectoire pluriannuelle de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche est respectée, ce qui représente 141 millions d’euros supplémentaires. Cette loi prévoit une hausse progressive du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche de près de 5 milliards d’euros entre 2020 et 2030. Les voies de recrutement sont diversifiées avec la création de chaires de professeurs juniors. Quant aux contrats de doctorants, leur nombre augmente et ils sont revalorisés.

Les crédits du plan de relance alloués à la création de places dans l’enseignement supérieur sont pérennisés. Ce projet de budget consacre aussi de nouveaux crédits à l’adaptation des nouvelles formations de santé. Le montant total des crédits alloués à la création de places et à la réforme du second cycle des études de santé est de 77 millions d’euros.

Le ministère a également engagé une réforme des services de santé universitaires, qui vont devenir des services de santé étudiants (SSE). L’ensemble des étudiants du supérieur, et pas seulement de l’université, pourront y avoir accès ; une offre propre à chaque territoire sera proposée ; les étudiants seront représentés dans la gouvernance des SSE. Cette réforme fait l’objet d’un accompagnement financier à hauteur de 8,2 millions d’euros.

Enfin, nous avons entendu la vive inquiétude des universités s’agissant de la hausse des dépenses d’énergie. Je la partage. L’absence d’enveloppe dans le PLF 2023 pour compenser cette hausse n’est pas satisfaisante. J’ai néanmoins obtenu des engagements fermes du ministère à ce sujet.

La ministre a annoncé au Sénat que le Gouvernement travaillait sur un dispositif destiné à accompagner les opérateurs. Sa forme et le montant de la compensation ne sont pas encore définitivement arrêtés. Il est en effet difficile d’estimer la hausse des prix l’an prochain. Des discussions sont en cours. Je souhaite que le projet de loi de finances rectificative pour 2022 permette la mise en place de ce dispositif, afin que les opérateurs puissent en tenir compte dans l’élaboration de leur budget.

S’agissant du programme 231, relatif à la vie étudiante, les crédits de paiement doivent augmenter de plus de 50 millions d’euros. Cette progression résulte pour l’essentiel d’une augmentation de la subvention pour charges de service public destinée au CNOUS, le centre national des œuvres universitaires et scolaires, et aux Crous, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, et la poursuite de la mise en œuvre de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim.

Le budget finançant l’ensemble des mesures en faveur de la réussite des étudiants et de l’amélioration de leurs conditions de vie augmente aussi, d’environ 200 millions. Le pouvoir d’achat des étudiants boursiers est préservé grâce à la revalorisation des bourses, à hauteur de 4 %. Par ailleurs, les droits d’inscription et des loyers en résidence universitaire restent gelés. Les repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et non boursiers précaires sont maintenus et compensés par l’État, pour un montant de 51 millions en 2023. Les autres étudiants continuent de bénéficier d’un tarif social de 3,30 euros. Enfin, les crédits dédiés à la distribution gratuite des protections hygiéniques sont pérennisés.

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes ainsi que l’accompagnement des étudiants en situation de handicap sont renforcés, grâce à un doublement des crédits qui représente respectivement 1,8 million et 7,5 millions de plus, ce qui est une première depuis quinze ans.

Les services sociaux des Crous sont aussi renforcés, par le recrutement de quarante nouveaux travailleurs sociaux, et 5,3 millions seront alloués à la mise en œuvre de la loi Egalim. Enfin, comme cela avait été demandé, la revalorisation du point d’indice pour les agents des Cnous et des Crous sera compensée par l’État en 2023.

Les programmes 150 et 231 consacrent ainsi la volonté de la majorité d’améliorer les conditions de travail des enseignants et les conditions d’étude des étudiants. Je vous propose d’adopter ces programmes.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial (Recherche). Les programmes dont je suis le rapporteur spécial financent toute la recherche non universitaire, ainsi que l’enseignement supérieur agricole.

Le programme 172 est, de loin, le principal programme dans le champ de mon rapport. Il porte à près de 8 milliards d’euros les subventions allant à un très grand nombre d’organismes, dont le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui bénéficiera de 3 milliards d’euros, et l’Agence nationale de la recherche (ANR), principal acteur de la recherche sur projets, à hauteur d’un milliard.

Ce budget, comme les précédents, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR), qui prévoit 25 milliards supplémentaires sur dix ans en faveur de la recherche, ciblés sur l’ANR et donc le financement sur projets.

L’augmentation des crédits du programme 172 est de 330 millions. La loi de programmation prévoyait 226 millions, dont 92 millions pour la revalorisation des personnels de la recherche. Le surplus devait financer l’augmentation des moyens des différents opérateurs du programme, dont l’ANR, pour 72 millions. La revalorisation du point d’indice contribue également à l’augmentation des crédits, à hauteur de 121 millions.

Les crédits de l’ANR passent de 884 à 961 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 9 %. Le plafond d’emplois est également dynamique, puisqu’il est porté de 318 à 338 ETPT.

Ces chiffres montrent que l’État met les moyens pour la recherche. Je regrette cependant qu’il les place parfois au mauvais endroit. J’ai été sensibilisé, lors de mes nombreuses auditions, aux problèmes que pose le choix de l’État de privilégier la recherche sur projets au détriment des financements récurrents : précarité des chercheurs, temps perdu à remplir des dossiers de candidature, manque de vision de long terme et entrave à la liberté de la recherche. Si je suis convaincu que la recherche sur projets peut être justifiée pour des thématiques très spécifiques et clairement délimitées, ou nouvelles, son développement croissant, au détriment des financements récurrents alloués aux laboratoires de recherche, représente à mon sens une menace pour l’excellence de la recherche française.

Je regrette d’autant plus cette augmentation des moyens presque exclusivement en faveur de la recherche sur projets que de nombreux opérateurs se trouvent dans une situation critique. En effet, ils doivent faire face à l’augmentation du prix de l’énergie et, dans une moindre mesure, à la revalorisation du point d’indice, dont je me félicite mais que l’État doit absolument compenser aux opérateurs, y compris pour les mois de juillet à décembre.

L’Institut Paul-Émile-Victor, opérateur logistique et de moyens pour la recherche aux pôles, fait ainsi face à de grandes difficultés. Cet institut est particulièrement vulnérable à la hausse du coût de l’énergie et des transports, en raison du lieu de ses activités. J’ai par conséquent déposé un amendement pour lui affecter des ressources exceptionnelles, et j’ai constaté avec plaisir que je n’étais pas le seul à être convaincu par la nécessité de soutenir notre recherche aux pôles. J’espère que les amendements concernant cet institut pourront être adoptés, faute de quoi la recherche aux pôles serait amoindrie voire éteinte, et la France risquerait de perdre toute influence dans cette région géostratégique.

Je me suis enfin intéressé à un enjeu très important, mais hélas trop souvent négligé, qui est l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la recherche. Il existe de grandes disparités entre les opérateurs, mais aussi de très bons élèves, comme l’IFP Énergies nouvelles. En tout cas, j’ai été satisfait de rencontrer des opérateurs désireux de progresser sur ce sujet, et je proposerai un amendement visant à intégrer l’index de l’égalité professionnelle parmi les indicateurs de performance.

Même s’il n’est rattaché qu’à titre indicatif au programme 172 et que nous en avons déjà discuté pendant les débats sur la première partie du PLF, je regrette que des amendements relatifs au crédit d’impôt recherche (CIR), dont les miens, aient été rejetés. Le CIR devrait dépasser 7 milliards d’euros en 2023. Il aurait été souhaitable que cette dépense fiscale, extrêmement coûteuse, soit fléchée vers des activités de recherche favorables à l’environnement et davantage vers les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Le CIR est en effet plus efficace lorsqu’il est entre les mains des TPE-PME qu’entre celles des grandes entreprises. Pourtant, 77 % du montant total sont perçus par 10 % des bénéficiaires. Avouez qu’en matière de dispositif vertueux, on peut largement mieux faire.

Je suis favorable à l’adoption des crédits que je rapporte, car leur rejet ne permettrait pas de poursuivre la trajectoire prévue par la LPR pour le renforcement des moyens alloués à la recherche et la revalorisation des rémunérations des personnels. Je déplore cependant que l’augmentation se fasse majoritairement en faveur de l’ANR, opérateur de la recherche sur projets, et non en faveur des organismes de recherche, par une hausse des financements récurrents qui leur sont attribués.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (Enseignement supérieur et vie étudiante). La crise écologique et les enjeux sociaux auxquels font face nos sociétés exigent plus de production et de partage du savoir. Nous ne pouvons donc que nous féliciter d’être passés de 1,5 à 1,7 million d’étudiants dans l’enseignement supérieur entre 2010 et 2022. L’augmentation continue du nombre d’étudiants est une tendance lourde qui est allée de pair avec une ouverture sociale graduelle des formations. Hélas, les budgets des universités et les recrutements n’ont pas suivi : le nombre de postes de maîtres de conférences ouverts aux concours a été divisé par trois entre 1998 et 2020. Par conséquent, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé d’un enseignant pour 38 étudiants en 2012 à un pour 47 en 2019.

L’université et la recherche souffrent du manque chronique d’investissements publics mais aussi des réformes structurelles qui mettent en compétition tous les acteurs. À l’arrivée, les étudiants sont dans une situation de plus en plus précaire et les personnels voient leurs conditions de travail se dégrader. Le droit à la poursuite des études est mis à mal avec Parcoursup et la sélection en licence et en master. Ainsi, pour 2022-2023, aucune formation n’a été proposée à près de 125 000 étudiants et près de 300 000 n’ont pas obtenu la formation de leur choix.

Certes, les budgets augmenteront en 2023, de 4,9 %, mais c’est largement insuffisant. Cela ne permettra au mieux que de compenser la hausse du point d’indice et l’inflation. Pire, l’ambition budgétaire est faible pour les années suivantes : + 1,47 % en 2024 et + 1,29 % en 2025. Ce budget ne permet donc pas de répondre aux enjeux et de stopper le décrochage de la France en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Par ailleurs, la logique néolibérale de management est confirmée par le développement du programme d’investissements d’avenir (PIA 3) et le renforcement du budget de l’ANR de 8,64 %. Ces dynamiques augmentent les disparités entre les universités en abondant plutôt les établissements les plus sélectifs, qui sont les moins ouverts aux classes populaires.

Par conséquent, mon avis est défavorable à ces crédits. Un certain nombre d’amendements ont été déposés pour rendre le présent budget plus ambitieux et l’allocation des moyens plus juste et plus efficace.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF967 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi. Nous proposons de supprimer le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), outil bureaucratique d’évaluation qui met en compétition toutes les structures de la recherche et de l’enseignement supérieur. Son évaluation normative et idéologique vise à introduire des logiques de gestion néolibérale des administrations publiques qui déstabilise les collectifs et renforce la souffrance au travail. Les chercheurs sont en permanence évalués par leurs pairs dans le cadre du processus de publication. Avec la suppression du HCERES, les modalités d’évaluation des formations et des unités entreraient dans les prérogatives des établissements et des universités. J’ajoute que cette structure coûte beaucoup d’argent : son budget est de 22 millions d’euros. Selon la Cour des comptes, le coût de l’évaluation d’un laboratoire est en moyenne de 11 000 euros, quand celui d’un établissement varie entre 33 000 et 50 000 euros. Cet argent pourrait être mieux utilisé autrement.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Le HCERES est une autorité publique indépendante qui a récemment modifié son approche d’évaluation pour répondre aux critiques qui lui sont adressées. C’est un acteur essentiel dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’outils permettant de mieux évaluer nos politiques publiques et nos opérateurs. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF967.

Amendement II-CF334 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement souligne la nécessité d’un grand plan pour l’immobilier au sein des universités.

Second poste budgétaire après la masse salariale, le patrimoine immobilier est un facteur stratégique de première importance pour l’insertion des universités dans leur territoire. L’État est majoritairement propriétaire des biens concernés : il en détient 82 %.

Le financement de l’immobilier universitaire reste défaillant : le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche estime à 7 milliards les coûts de réhabilitation en attente, dont 75 % en lien avec la transition énergétique et environnementale. Pour sa part, France Universités retient plutôt un montant de 15 milliards, pour une rénovation totale.

Dans la dernière loi de programmation pour la recherche, nous avions regretté qu’aucun budget ne soit programmé pour l’immobilier universitaire. Afin de compenser ce manque, nous proposons un milliard supplémentaire jusqu’à 2030. Cet amendement permettra d’apporter le premier milliard, pour 2023.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. L’immobilier des universités est une question centrale. De très nombreux projets de rénovation et de réhabilitation sont déjà en cours de financement. La génération des contrats de plan État-région 2015-2020, en voie d’extinction, comportait 925 millions d’euros à cette fin. La nouvelle génération des CPER, pour 2021-2027, poursuit son déploiement et les enveloppes régionales devraient atteindre 1,2 milliard. Dans le cadre du plan de relance, plus de 1 milliard a été engagé pour la rénovation énergétique des bâtiments universitaires, et la Banque des territoires assure un accompagnement direct des universités. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Si on écoute M. le rapporteur spécial, on est au mieux à 300 ou 400 millions par an, alors que les besoins sont évalués entre 10 et 15 milliards. Il faut être conscient de la situation des universités, de leur précarité énergétique compte tenu du nombre de préfabriqués qui traînent dans les cours. À Bron, dans la banlieue lyonnaise, les préfabriqués sont là depuis quinze, vingt ou trente ans. En plein cœur de Paris, les amphithéâtres sont sous-dimensionnés : à Paris I, on est obligé de rejeter 30 ou 40 étudiants dans des cours se déroulant dans des amphithéâtres de 300 personnes. Un montant d’un milliard par an est le minimum si on veut vraiment des bâtiments et un enseignement supérieur de qualité, à même d’accueillir toutes et tous dans de bonnes conditions.

La commission rejette l’amendement II-CF334.

Amendement II-CF330 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement concerne plus spécifiquement les infrastructures sportives. Seul un étudiant sur cinq fait du sport dans le cadre d’une pratique universitaire, alors que les étudiants passent en moyenne huit heures par jour devant un écran. C’est un constat terrible, car on sait que rester assis sept heures augmente le risque de maladies cardiovasculaires de façon significative.

L’entrée dans l’enseignement supérieur marque une rupture dans la pratique sportive chez les étudiants. Il est urgent de renforcer la place du sport à l’université, dans tous les cursus. C’est pourquoi nous réclamons un grand plan d’urgence pour les infrastructures sportives universitaires. Par cet amendement, nous proposons de renforcer de 500 millions d’euros les crédits immobiliers des universités.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Je suis d’accord avec l’idée qu’il faut encourager la pratique du sport chez les étudiants. Il existe déjà de nombreux dispositifs, que je ne pourrai pas tous citer. Toutes les universités sont ainsi dotées de services universitaires et interuniversitaires d’activités physiques et sportives. Le développement du label Génération 2024, dans le cadre des Jeux olympiques, permet de développer des projets structurants entre les clubs sportifs et les associations d’étudiants. Les étudiants boursiers peuvent solliciter le Pass’sport à partir de la rentrée 2022. Une dotation de plus de 5 millions d’euros a été allouée à la Fédération française du sport universitaire en 2023. Enfin, les grands programmes immobiliers des universités comportent toujours un volet concernant les installations sportives. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le groupe RN partage complètement l’analyse de notre collègue, mais je suis sceptique à l’égard de la solution qu’elle propose. Quand ils font du sport, les jeunes ont aussi envie d’aller voir ailleurs. Tout le monde ne souhaite pas concentrer ses études, le sport et la vie associative au même endroit et voir toujours les mêmes personnes. Il faut également soutenir la pratique sportive dans d’autres salles, avec les amis, et cela ne doit pas être réservé aux plus riches. Tout ne peut pas être étatisé, les gens ont besoin de liberté.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet éloge de la liberté venant du Rassemblement national n’est guère surprenant quand on sait à quel point l’accès au sport est inégalitaire. Des infrastructures publiques et gratuites, accessibles à tous les étudiants, permettront de développer l’accès au sport.

Le rapporteur spécial a évoqué des moyens de fonctionnement, alors qu’il s’agit d’investir dans des infrastructures sportives de qualité. La France fait pâle figure quand on regarde l’état des siennes. Sans parler des États-Unis, il suffit d’aller dans des universités allemandes pour se rendre compte que l’écart est immense avec l’étranger.

La commission rejette l’amendement II-CF330.

Amendement II-CF926 de M. Rodrigo Arenas et II-CF948 de M. Hendrik Davi (discussion commune).

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Notre amendement a pour but de renouer avec la tradition française consistant à laisser aux lycéens le libre choix de leur filière et à permettre une réorientation en cours de licence. Concrètement, nous proposons d’ouvrir 150 000 places en licence en augmentant de 939 millions d’euros le budget de l’enseignement supérieur – même si cela ne nous permettra même pas de rattraper d’autres pays européens… Depuis 2017, le budget des universités a baissé de 15 % quand on le rapporte au nombre d’étudiants.

M. Hendrik Davi. Avec Parcoursup et Trouvermonmaster, on a mis en place une sélection à l’entrée de l’université parce que les enseignants, en réalité, n’ont pas suffisamment de moyens pour accueillir tous les étudiants. Nous pensons que le droit à la poursuite de ses études est absolument nécessaire. Au vu des enjeux du partage des savoirs et de la transmission des connaissances, il est positif que les étudiants veuillent continuer à faire des études, y compris en master.

Il faut absolument partir des besoins. C’est pourquoi nous proposons de revenir au taux d’encadrement qui prévalait au début des années 2010 et de regarder ensuite combien d’argent il faudrait. Le rapporteur spécial va sans doute nous dire que cela fait beaucoup, mais nous ne devons pas renoncer à nos ambitions pour les étudiants.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Les exposés sommaires de ces deux amendements reposent sur une critique de Parcoursup. Or ce dispositif comporte beaucoup de points positifs pour l’enseignement supérieur. C’est en effet un outil qui permet d’avoir de la transparence et de faciliter l’accès à l’enseignement supérieur, au sein duquel le nombre de formations disponibles n’a jamais été aussi important : on en compte plus de 21 000, contre 13 500 en 2018. Lors de la campagne 2022, 810 000 candidats ont reçu une ou plusieurs propositions, et 93 % au moins une. Ce n’est pas Parcoursup qui empêche l’accès à l’enseignement supérieur, bien au contraire, même si des axes d’amélioration peuvent exister. Enfin, le nombre de places suit la démographie étudiante : 83 000 places ont été créées entre 2017 et 2021, et 30 000 dans le cadre du plan de relance. Ces places ont été pérennisées en 2023 grâce à 50 millions d’euros de moyens nouveaux. Par conséquent, avis défavorable.

M. Hendrik Davi. S’agissant de Parcoursup, les chiffres faussent un peu la perception. Il est impressionnant de se dire que 80 % ou 75 % des étudiants trouvent une formation mais quand on convertit ces taux en nombre d’étudiants, on se rend compte qu’aucune formation n’a été proposée à 125 000 étudiants, selon les propres chiffres du ministère, et que près de 300 000 étudiants n’ont pas obtenu la formation de leur choix, ce qui fait quand même beaucoup. Je ne dis pas que Parcoursup est le démon, mais les familles souffrent énormément de ce système et les étudiants ne s’y retrouvent pas. Le vrai problème n’est pas celui de l’outil, c’est vrai, mais le fait qu’il n’y a pas assez de places dans les universités. D’où l’amendement que nous avons déposé. J’ai connu une époque où on pouvait continuer ses études dans une université de proximité, y compris celle d’Orsay, qui était une bonne fac, du moment qu’on avait obtenu son diplôme.

La commission rejette successivement les amendements II-CF926 et II-CF948.

Amendement II-CF961 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi. Nous souhaitons donner la possibilité aux doctorants qui le souhaitent d’allonger d’un an la durée de leur contrat doctoral. En 2020, près de 60 % des doctorants ont terminé leur thèse en plus de quarante mois. En l’absence des financements nécessaires, la durée moyenne des doctorats diminue au prix d’une plus grande souffrance des étudiants en fin de thèse, résultat d’une pression considérable.

En adoptant l’hypothèse que seuls 60 % des doctorants choisiront d’allonger leur contrat, le surcoût ne serait que de 497 millions d’euros. Il ne s’agit pas de ne pas consacrer une durée de quatre ans pour les thèses, mais de permettre à ceux qui ont besoin d’une quatrième année d’être financés.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Vous faites référence, en réalité, à un dispositif créé en 2020 pour tenir compte du contexte sanitaire : on comprend bien que les étudiants aient pu être ralentis dans leurs travaux de recherche. Je rappelle aussi qu’on peut poursuivre ses recherches, après trois années de financement dans le cadre d’un contrat doctoral, en devenant attaché temporaire d’enseignement et de recherche (Ater). Avis défavorable.

M. Hendrik Davi. Il n’y a pas autant de places d’Ater que de places en doctorat. De plus, tous les doctorants ne sont pas à l’université : certains bénéficient de conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) ou se trouvent dans d’autres établissements publics scientifiques et techniques. Il n’existe pas de financement automatique pour eux : souvent, il s’agit de financements sur contrats, dont les montages sont extrêmement compliqués.

La commission rejette l’amendement II-CF961.

Amendement II-CF960 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi. Cet amendement vise à établir un plan d’augmentation du nombre d’allocations doctorales.

Il est nécessaire d’augmenter le nombre de docteurs pour, d’une part, disposer d’un vivier suffisant de titulaires d’un doctorat afin d’augmenter le nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs et, d’autre part, pour stimuler l’innovation dans les entreprises. En effet, le transfert des connaissances du monde académique vers les entreprises publiques ou privées passe notamment par l’embauche de docteurs. À la rentrée 2020, 70 700 étudiants étaient inscrits en doctorat, contre 81 000 en 2009, ce qui marque une érosion préoccupante.

Nous proposons d’augmenter de 8 000 le nombre d’allocations doctorales, notamment en sciences humaines et sociales, dans lesquelles le non-financement des doctorats demeure trop souvent une solution par défaut. À ce jour, 30 % de ceux qui font un doctorat n’ont pas d’allocation doctorale.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Avis défavorable. La trajectoire de la loi de programmation de la recherche, qui est préservée en 2023, fait une grande place aux mesures en faveur du recrutement et de la revalorisation des doctorants : 413 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires sont prévus, dont des doctorants, ainsi que 40 millions d’euros pour la revalorisation et la création de contrats doctoraux. C’est un effort sans précédent.

La commission rejette l’amendement II-CF960.

Amendement II-CF869 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il s’agit de financer le surcoût de l’énergie pour les universités dans le contexte exceptionnel que nous connaissons. France Universités a estimé ce surcoût à au moins 100 millions d’euros pour 2022, et il devrait être encore six fois plus élevé en 2023. Alors que l’actualité démontre que cela pourrait se traduire par la fermeture exceptionnelle de certaines universités, les députés socialistes et apparentés refusent que la vie universitaire soit affectée et que le surcoût soit indirectement supporté par les étudiants, qui se retrouveraient, de nouveau, en distanciel chez eux, dans des logements qu’on sait précaires et avec des factures d’électricité qui explosent. Nous demandons, par cet amendement, que l’État couvre au moins la moitié du surcoût de l’énergie, à hauteur de 300 millions d’euros, au lieu de renvoyer le traitement de cette question à la fin de la gestion 2023.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Je partage votre inquiétude. Je l’ai dit dans mon propos liminaire, le fait que le PLF pour 2023 ne prévoit pas de dispositif d’accompagnement des universités et des opérateurs face à la flambée des prix de l’énergie est problématique. J’ai pu entamer des discussions avec le ministère pour trouver des solutions. La ministre s’est engagée sur cette question au Sénat : elle a déclaré qu’on ne laisserait pas les universités seules face à ce problème et qu’elle était en train de construire une solution avec le ministère chargé du budget.

Il est difficile d’évaluer le surcoût à ce stade – divers montants sont ainsi prévus par les amendements – parce que les prix de l’énergie sont instables et que tous les paramètres ne sont pas connus. Nous avons néanmoins un engagement du Gouvernement de prendre une décision assez vite. Elle n’interviendra pas nécessairement dans cette loi de finances, mais peut-être dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022. En effet, il pourrait être intéressant de donner très rapidement de la visibilité aux présidents d’université qui doivent boucler leurs budgets. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

M. Hendrik Davi. Je le soutiens. France Universités connaît la fourchette : entre 200 et 400 millions d’euros. Cet amendement permettrait d’être sûr que les universités auront les moyens de payer leurs factures énergétiques. Cela me paraît préférable à l’attente d’un PLFR. Les universités en difficulté commencent déjà à prendre des mesures, comme on l’a vu à Strasbourg – des fermetures administratives pendant certains mois d’hiver, des réductions de dépenses de personnel ou un passage en distanciel, ce qui n’est pas souhaitable. Il serait préférable d’avancer des sommes qui ne sont pas énormes, et d’ajuster éventuellement par la suite.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous travaillons sur le projet de loi de finances pour 2023, et de tels crédits ne pourraient pas être mobilisés avant. En revanche, les mesures prévues dans un PLFR pourront porter sur des dépenses réalisées en 2022.

La commission rejette l’amendement II-CF869.

Amendement II-CF947 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi. Cet amendement permettra d’allouer davantage de moyens au niveau des masters pour ouvrir des places aux étudiants ayant obtenu une licence, dont le droit à la poursuite de leurs études ne doit plus être bafoué. Selon les syndicats étudiants, il manque 7 000 places en master. Le Gouvernement poursuit sa politique d’asphyxie de l’université avec la plateforme Trouvermonmaster.

D’après la ministre, il existe des places mais les étudiants ne sont pas comme des marchandises. Quelqu’un qui souhaite faire des études de psychologie à Nîmes ne peut pas nécessairement se rendre à Lille pour des études de philosophie. Les étudiants ont une vie : on ne peut pas se contenter d’appliquer une mécanique comptable pour répartir les places, d’autant qu’il en manque actuellement.

Pour ouvrir les 7 000 places que nous proposons, il faut augmenter de 44 millions le budget des universités, sur la base d’un coût par étudiant de 6 264 euros. Tel est l’objet de l’amendement.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Avis défavorable. Le nombre de places en première année de master est globalement suffisant pour accueillir tous les étudiants qui le souhaitent. En 2021-2022, les capacités d’accueil s’élevaient à un peu plus de 197 000 places pour environ 156 000 étudiants inscrits en master 1. Le problème ne concerne donc pas tant le nombre de places que l’adéquation entre les demandes des étudiants et les offres de formation. Grâce à ces deux avancées majeures que sont la synchronisation des calendriers des entrées en master et la création, en 2023, de la plateforme Trouvermonmaster, nous devrions avoir davantage de visibilité et donc une meilleure adéquation.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La question n’est pas de savoir s’il existe une adéquation entre les places ouvertes en master et les desiderata des étudiants mais entre les places et les besoins, présents et à venir, de l’économie française, c’est-à-dire si l’université fournit à l’économie française – et à la recherche – les profils suffisants, et ce n’est pas aux professeurs ou aux universités d’en décider.

M. Hendrik Davi. Nous n’avons pas la même vision de l’université. Elle forme des étudiants et leur donne des qualifications. Celles-ci permettent ensuite d’exercer des métiers, et il est en général assez difficile de savoir de quelles qualifications on aura besoin, même dans trois ou quatre ans. Avec le covid, par exemple, on a eu besoin de beaucoup plus de psychologues : on ne sait jamais ce qui peut arriver. L’université donne des qualifications et celles-ci se transforment en compétences quand on entre dans le marché du travail.

La commission rejette l’amendement II-CF947.

Amendement II-CF928 de M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cet amendement vise, comme précédemment, à recréer des places pour donner aux étudiants la possibilité de poursuivre leurs études en master et ensuite d’envisager un doctorat, qui permet de produire des connaissances et des savoirs utiles aux enseignants pour faire leur métier et pour lutter contre les fakes news et les idées reçues.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Avis également défavorable. Le nombre de places en master est suffisant et la plateforme Trouvermonmaster permettra d’améliorer encore l’adéquation avec les offres de formation.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Nous n’avons pas les mêmes chiffres. On observe plutôt un déclin.

La commission rejette l’amendement II-CF928.

Amendements II-CF990 de M. Aurélien Taché et II-CF925 de M. Rodrigo Arenas (discussion commune).

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Lors de la dernière rentrée, le coût du logement étudiant, qui représente 55 % du budget des étudiants dans certaines villes, a enregistré une hausse de 1,37 %, pour des loyers de 560 euros par mois en moyenne. Les places en résidences universitaires sont trop peu nombreuses : seulement 6 % des étudiants y ont accès. Par ailleurs, l’objectif de construction de 60 000 logements avant la fin du quinquennat paraît bien éloigné : on a comptabilisé seulement 10 000 nouveaux logements entre 2017 et 2021. Est-ce vraiment la promesse de la République à notre jeunesse ? L’amendement II-CF960 vise à augmenter les moyens financiers de cette mission budgétaire pour renforcer le plan de construction de logements étudiants et limiter ainsi la précarité.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Mon amendement permettra notamment de remettre à niveau les chambres des Crous et de servir de norme, étant entendu que les logements pour étudiants du parc privé peuvent aussi connaître des problèmes de décence.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Je comprends vos demandes. Le logement est essentiel pour les étudiants, et c’est bien pourquoi l’État a agi et continue à le faire. La génération 2015-2020 des CPER prévoyait près de 100 millions pour des opérations immobilières ayant trait au logement étudiant. L’enveloppe inscrite en 2023 est de près de 5 millions en crédits de paiement. La génération 2021-2027 des CPER prévoit 114 millions, à contractualiser dans le cadre du programme 231.

S’agissant de l’objectif de 60 000 nouveaux logements étudiants, rappelons que la période de référence comporte deux années de covid, qui ont donné un coup d’arrêt à la construction. Le but des engagements supplémentaires qui sont pris est d’atteindre l’objectif initial. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF990 et II-CF925.

Amendements II-CF923 de M. Hendrik Davi et II-CF989 de M. Aurélien Taché (discussion commune).

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Nous souhaitons améliorer la situation des étudiants boursiers en leur permettant de percevoir leur bourse douze, et non plus dix, mois sur douze.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Notre amendement est similaire. Il s’agit de verser les bourses également durant les deux mois d’été.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Avis défavorable. J’entends vos arguments, mais, je le rappelle, le versement des bourses intervient uniquement durant l’année universitaire car les étudiants peuvent travailler durant la période d’été. La ministre a lancé un projet de refonte complète du dispositif des bourses ; je vous invite à faire des propositions.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Comment expliquez-vous alors que certains étudiants – pupilles de la nation, étudiants des outre-mer, etc. – les reçoivent toute l’année ? Si c’est leur précarité qui le justifie, les étudiants boursiers sont désormais tous précaires !

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Ce débat est légitime. Je vous invite à participer à la concertation lancée par la ministre – le système des bourses sera intégralement réformé en 2024.

La commission rejette successivement les amendements II-CF923 et II-CF989.

Amendements II-CF988 de M. Aurélien Taché, II-CF964 et II-CF965 de M. Hendrik Davi (discussion commune).

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Comme nous nous attendions à votre refus sur le précédent amendement, il s’agit d’un amendement de repli, visant à augmenter de 10 % le montant des bourses sur critères sociaux.

Le Monde l’a récemment mis en lumière : certains centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ont mis en place des restrictions qui créent des tensions alors que les élèves souffrent de précarisation et de l’inflation croissante. Ces derniers doivent débourser 15 centimes pour du beurre ou attendre plus d’une heure pour manger, quand les distributions alimentaires attirent jusqu’à 400 étudiants.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’Union nationale des étudiants de France (Unef) estime que le coût de la vie a augmenté de 6,1 % pour les étudiants. La hausse de 10 % des bourses, pour laquelle le syndicat plaide, est donc nécessaire. J’entends votre réponse sur la réforme à venir, monsieur le rapporteur spécial, mais il s’agit d’une mesure d’urgence. L’amendement II-CF965 est de repli.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. La revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux, décidée en juillet, s’accompagne d’autres mesures : repas à 1 euro distribués aux étudiants boursiers et en difficulté, augmentation du nombre de places dans les logements étudiants, gel des loyers dans les résidences du Crous, gel des droits d’inscription à l’université, distribution gratuite de protections périodiques, aides spécifiques, ponctuelles ou pérennes, pour les étudiants en grande difficulté, renforcement de la garantie des prêts étudiants, prime de rentrée de 100 euros versée en septembre 2022, éligibilité au chèque énergie et au bouclier tarifaire.

Les bourses ne sont donc pas le seul outil d’accompagnement des étudiants. Il faut prendre en compte tous ces éléments, qui leur permettent de faire face à l’augmentation de l’inflation.

La commission rejette successivement les amendements II-CF988, II-CF964 et II-CF965.

Amendements II-CF958 de M. Hendrik Davi, II-CF930 de M. Rodrigo Arenas et IICF289 de Mme Fatiha Keloua Hachi (discussion commune).

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Cet amendement vise à instaurer la gratuité des repas des Crous. Le Gouvernement a expérimenté les repas à 1 euro pour les étudiants boursiers pendant la période du covid et il prolonge cette mesure sociale dans le projet de loi de finances pour 2023. C’est une bonne nouvelle, mais nous proposons d’aller plus loin car les étudiants sont particulièrement touchés par la pauvreté – 97 % d’entre eux ont déclaré se restreindre sur la quantité et la qualité de leur alimentation. La gratuité des repas est donc une nécessité.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Notre amendement poursuit le même objectif que celui de M. Davi. Les repas à 1 euro, mis en place pendant la covid, sont une bonne chose mais la précarité perdure, se développe et a des conséquences sur les études des jeunes. Nous proposons de généraliser les repas à 1 euro, deux fois par jour, pour tous les étudiants.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Mon amendement est similaire à celui de M. Arenas puisqu’il vise à permettre aux étudiants, boursiers ou non, de manger une fois par jour à 1 euro, en quadruplant les crédits alloués à cette mesure, afin d’atteindre 200 millions d’euros.

Les boursiers représentent seulement un quart des étudiants et la précarité touche tous les élèves, boursiers ou non. Pendant la période où le Gouvernement a mis en place cette mesure, le nombre de repas servis a été multiplié par cinq chaque semaine. Près de 178 000 étudiants non boursiers en ont bénéficié, contre 50 000 habituellement.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Ces amendements mettent en évidence une différence d’approche. Nous pensons qu’il faut faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin, et qu’on ne peut pas traiter tout le monde de la même manière. En outre, la bourse n’est pas le seul critère pour être éligible au repas à 1 euro. Dans chaque Crous, les étudiants en difficulté peuvent le demander. C’est une réponse immédiate et pertinente à la précarité.

Enfin, je rappelle que le prix standard d’un repas au Crous, à 3,30 euros, reste bien en dessous de son coût de revient. C’est donc également un tarif social, pour tous les étudiants, le tarif très social, à 1 euro, étant ciblé sur les plus précaires.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je suis pour l’universalité des droits. Il y va de l’unité républicaine.

La commission rejette successivement les amendements II-CF958, II-CF930 et IICF289.

Amendements II-CF927 de M. Rodrigo Arenas et II-CF953 de M. Hendrik Davi (discussion commune).

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter les moyens des services de santé universitaire, par souci de solidarité nationale, car nous refusons les distorsions de soins aux étudiants en fonction des revenus des familles.

La covid a eu d’importantes conséquences sur l’équilibre psychologique des étudiants. Ainsi, l’hôpital Sainte-Anne accueille majoritairement des étudiants, pour des problèmes d’addiction aux stupéfiants ou à l’alcool, la covid ayant attisé leur mal-être.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Selon la Cour des comptes, il y a un psychologue pour 16 00 étudiants en France quand, si nous suivions les recommandations fondées sur des comparaisons internationales, il en faudrait un pour 1 500. Le projet de loi de finances prévoit une hausse des crédits alloués à cette mission, mais ce n’est pas à la hauteur.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Je partage votre inquiétude sur la santé mentale des étudiants. Le sujet est revenu régulièrement au cours de toutes nos auditions. C’est pourquoi nous devrions tous accueillir favorablement la transformation des services de santé universitaires en services de santé des étudiants. L’offre sera mieux répartie sur le territoire, et plus accessible. Cette réforme s’accompagne d’un renforcement considérable des moyens de ces services, avec une augmentation de plus de 8 millions d’euros, qui permettra de renforcer les effectifs directement au contact des étudiants et de les accompagner.

En outre, le dispositif Santé psy étudiant créé en 2020 est prolongé à la rentrée 2022, en attendant son intégration dans le dispositif national Mon psy.

Votre demande me semble donc satisfaite. Avis défavorable sur les amendements.

La commission rejette successivement les amendements II-CF927 et II-CF953.

Amendement II-CF951 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Notre amendement vise à recruter des assistantes sociales. En effet, 83 % des étudiants déclarent avoir été affectés au niveau psychologique, affectif ou physique depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020 et 31 % ont eu des pensées suicidaires.

Les assistantes sociales ont un rôle essentiel pour aider les étudiants en difficulté. On compte un assistant social pour 5 000 étudiants en Allemagne, contre un pour 12 000 au sein des Crous. Nous proposons donc de recruter des assistants sociaux afin d’atteindre l’objectif d’un pour 7 000 étudiants.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Votre amendement est satisfait puisque le PLF pour 2023 prévoit le recrutement de 40 équivalents temps plein (ETP) sur des postes d’assistants sociaux au sein des Crous et 5 millions d’euros supplémentaires pour engager ces recrutements.

La commission rejette l’amendement II-CF951.

Amendement II-CF952 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Plutôt que d’abonder les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR), nous proposons d’augmenter directement ceux des établissements publics. C’est l’objet de nos amendements à venir.

Le premier vise à abonder le budget du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en proposant une augmentation de 10 % de sa subvention pour charges afin de financer l’augmentation de l’inflation et d’intégrer l’augmentation des salaires, tout en favorisant les recherches dans différents secteurs – écologie, transition énergétique, sciences sociales, etc.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je l’ai dit dans mon propos liminaire, je suis favorable au renforcement des moyens pérennes de la recherche. J’ai été alerté par le CNRS qui s’inquiète pour l’équilibre de son budget avec l’augmentation des coûts de l’énergie et le dynamisme du glissement vieillesse technicité. Un investissement supplémentaire serait le bienvenu afin de lui permettre de continuer à réaliser ses travaux de recherche en toute liberté. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement II-CF952.

Amendement II-CF893 de Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Il s’agit de soutenir davantage la recherche concernant les biocarburants de deuxième génération – ou biocarburants avancés – en augmentant de 50 millions d’euros les crédits de l’Agence nationale de la recherche pour le financement d’appels à projets.

Ces biocarburants sont issus de sources lignocellulosiques – bois, feuilles, paille – et fabriqués à partir de processus techniques plus avancés, qui permettent de répondre aux critiques adressées à la première génération. En effet, ils dissocient les cultures alimentaires et énergétiques et sont fondés sur la production de végétaux non comestibles. Ils possèdent un meilleur bilan environnemental en matière de consommation d’eau et d’engrais et s’appuient sur des techniques d’extraction plus efficaces.

Leur développement permet de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et la consommation électrique et de répondre à une forte attente des acteurs de tous les secteurs du transport. Je peux en témoigner en tant que rapporteure spéciale de la mission Écologie, développement et mobilités durables, le sujet préoccupe les transports routier, ferroviaire et aérien.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je partage votre souhait de développer la recherche sur les biocarburants, qui seront essentiels pour décarboner le secteur des transports. Plutôt que de passer par des appels à projets de l’ANR, il serait peut-être plus efficace d’abonder les financements récurrents de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen). Quoique méconnu, l’Institut consacre 71 % de ses activités aux énergies vertes et l’intégralité des subventions publiques finance ses activités en faveur de la transition écologique. Il s’intéresse tout particulièrement aux biocarburants de deuxième génération.

Votre amendement allant dans le bon sens, j’émets malgré tout un avis favorable.

La commission rejette l’amendement II-CF893.

Amendement II-CF894 de Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli, prévoyant une hausse des crédits de l’ANR de seulement 35 millions d’euros, financée par une baisse de même montant des crédits de recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire, qui n’est pas une énergie d’avenir.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Pour les mêmes raisons, avis favorable.

La commission rejette l’amendement II-CF894.

Amendement II-CF974 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il s’agit d’abonder de 51 millions d’euros le budget du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour développer les recherches sur les énergies renouvelables et le refroidissement du combustible nucléaire.

Avec l’explosion des prix de l’énergie, la sobriété et la souveraineté énergétique sont devenus centrales. Nous devons développer massivement les énergies renouvelables et les recherches sur l’efficacité énergétique. Mais nous devons aussi assurer une meilleure gestion des déchets nucléaires. Le CEA étant un établissement d’excellence, il faut augmenter durablement son budget.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je suis tout à fait d’accord. J’ai auditionné les responsables du CEA. L’institution veut devenir un acteur de premier plan et mène donc des recherches dans le développement du photovoltaïque et de l’hydrogène, celui des batteries de stockage énergétique et l’amélioration de l’efficacité énergétique, mais pas en matière de refroidissement du combustible nucléaire. Pour autant, mon avis sera favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La cogénération nucléaire est la solution. Ne bridez pas les recherches !

La commission rejette l’amendement II-CF974.

Amendement II-CF969 de M. Hendrik Davi. 

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). La crise écologique est devant nous : changement climatique, extinction des espèces, pollution de l’eau et des sols. L’amendement tend à augmenter les crédits de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) afin de renforcer les recherches pour réussir la bifurcation écologique de l’agriculture et de la gestion des forêts.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je présenterai, moi aussi, un amendement pour augmenter les crédits de l’Inrae afin de lui permettre d’absorber les surcoûts liés à la hausse du prix de l’énergie. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement II-CF969.

Amendement II-CF946 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter les crédits de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 10 % et non de seulement 4,8 % comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2023. La crise de la covid-19 ne sera malheureusement pas la dernière car la déstabilisation des écosystèmes naturels fait émerger de nouvelles maladies. Nous devons renforcer la recherche dans les domaines de la santé.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je partage votre souhait de renforcer la recherche pour lutter contre les maladies émergentes et développer les vaccins. Selon les syndicats de chercheurs que j’ai auditionnés, l’incapacité de la France à produire un vaccin contre la covid-19 résultait aussi de l’insuffisance récurrente des financements publics alloués à la recherche sur les coronavirus, qui n’étaient pas considérés comme un sujet majeur à l’époque. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement II-CF946.

Amendement II-CF970 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement tend à augmenter de 10 % les crédits de l’Institut de recherche pour le développement afin de favoriser les recherches sur l’adaptation des agro-écosystèmes tropicaux au changement climatique et renforcer les partenariats avec les pays du Sud pour assurer un développement durable et équitable.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Avis favorable à cet amendement dont l’adoption permettra de garantir la liberté de la recherche.

La commission rejette l’amendement II-CF970.

Amendement II-CF1054 de M. Mickaël Bouloux, amendements identiques II-CF1059 de la commission du développement durable et II-CF494 de M. Nicolas Thierry (discussion commune).

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Il s’agit d’augmenter les crédits de l’institut Paul-Émile Victor et de diminuer ceux alloués à la recherche sur projets qui ont tendance à prendre le pas sur les financements récurrents.

M. Jimmy Pahun (Dem). Nous proposons d’augmenter le budget de cet institut de 3 millions d’euros pour faire face aux coûts engendrés par les crises énergétique et sanitaire et poursuivre la sécurisation d’infrastructures vieillissantes.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Avis très favorable à cet amendement qui dépasse les clivages politiques.

M. le président Éric Coquerel. La recherche dans les régions polaires, qui fut l’une des fiertés de la France, est en danger. Des premières mesures transpartisanes avaient été prises dans la loi de finances de 2022. Des études avaient été annoncées pour rénover la station. Il est temps d’agir.

M. Mathieu Lefèvre (RE). La loi de finances de 2022 avait permis de relever le plafond d’emplois de cet institut de sept ETP. Ils n’ont pas été consommés. D’autre part, pourquoi demandez-vous 3 millions d’euros alors que le surcoût énergétique ne dépasse pas le million et pourrait être compensé par des économies de gestion ?

Enfin, la ministre a pris l’engagement devant le Sénat que tous les frais de gestion seraient couverts entre novembre 2022 et mars 2023 pour ne bloquer aucune mission. Il serait préférable de redéposer cet amendement pour en discuter avec le Gouvernement.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Vous oubliez le coût du transport des containers. Le Monde a consacré un article à cet institut : la base est en danger et la Chine pourrait racheter nos sites.

M. Jimmy Pahun (Dem). Deux litres de gazole sont nécessaires pour produire un litre d’eau potable en Antarctique.

La commission adopte l’amendement II-CF1054 (amendement II-1506).

En conséquence, les amendements II-CF1059 et II-CF494 tombent.

Amendements identiques II-CF1060 de la commission du développement durable, IICF495 de M. Nicolas Thierry et II-CF959 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun (Dem). Nous vous proposons de financer cinq ETP supplémentaires en 2023 pour normaliser les conditions de travail des personnels et conduire la stratégie polaire.

Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette les amendements II-CF1060, IICF495 et II-CF959.

Amendement II-CF966 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement tend à augmenter de 10 % le budget du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) qui joue un rôle important dans la rénovation des bâtiments. Alors que le Gouvernement prépare un pendant à MaPrimRénov’ pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics, il est incompréhensible que le projet de loi de finances pour 2023 n’augmente pas la subvention de l’État au CSTB, qui reste de 16 millions d’euros.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Avis favorable car les acteurs privés n’ont pas les moyens d’engager des travaux de recherche dans le secteur du bâtiment.

La commission rejette l’amendement II-CF966.

Amendements II-CF945 de M. Hendrik Davi et II-CF921 de M. Rodrigo Arenas (discussion commune).

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement tend à créer une garantie d’autonomie de 1 063 euros par mois pour les jeunes détachés du foyer fiscal de leurs parents. Cette mesure coûterait 9,5 milliards d’euros. La ministre nous a dit que cette question était sur la table.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Un étudiant doit pouvoir consacrer son temps à ses études sans être obligé de travailler pour se nourrir s’il a dû s’affranchir de la tutelle de ses parents. La France ne retrouvera ses lettres de noblesse dans le domaine du savoir que si elle se donne les moyens de conserver ses chercheurs.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Rappelons brièvement les mesures que nous avons prises en 2022 pour soutenir nos étudiants : revalorisation des bourses à hauteur de 4 %, repas à 1 euro, maintien du tarif social, création de nouvelles places dans les logements étudiants, aides spécifiques et ponctuelles. Les aides directes, à elles-seules, s’élèvent à 2,5 milliards d’euros. La ministre examinera votre demande lorsqu’elle reverra le dispositif de l’attribution des bourses sur critères sociaux.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). À titre de comparaison, le crédit d’impôt recherche coûte 7 milliards d’euros, dont les audits ont montré qu’ils partaient en fumée.

La commission rejette successivement les amendements II-CF945 et II-CF921.

Amendement II-CF922 de M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter de 22 % le budget alloué au programme Formations supérieures et recherche universitaire afin de retrouver le niveau d’investissement par étudiant de 2012.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Les budgets alloués aux universités augmentent depuis cinq ans – 4,7 % supplémentaires entre 2022 et 2023. Les emplois progressent et le Gouvernement a augmenté, avant de le pérenniser en 2023, le nombre de places d’étudiants : 83 000 places supplémentaires entre 2017 et 2021 et 30 000 places créées par le plan de relance.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Nous n’avons pas les mêmes chiffres. Le budget alloué à l’université, rapporté au nombre d’étudiants, a baissé de 15 % depuis 2017.

La commission rejette l’amendement II-CF922.

Amendements II-CF931 de M. Hendrik Davi et II-CF920 de M. Rodrigo Arenas (discussion commune).

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement tend à redistribuer les fonds de l’Agence nationale de la recherche (ANR) sous la forme de crédits récurrents aux unités de recherche. Le fonctionnement sous forme d’appels à projets asphyxie les laboratoires en leur faisant perdre autant de temps que d’argent. En 2021, le taux de succès pour les appels à projets s’élevait à 23 %, ce qui signifie que 77 % des projets ont été déposés en vain. Les chercheurs doivent consacrer leur temps à avancer leurs travaux scientifiques plutôt qu’à courir après des financements.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Les chercheurs ne doivent pas être détournés de leur vocation : la recherche.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Vous proposez de vider l’ANR, principal opérateur de la recherche sur projets, de la quasi-totalité de ses financements dès 2023. Je regrette, tout comme vous, le manque de financements pérennes, mais je crains que l’adoption de vos amendements n’emporte de graves conséquences pour les projets de recherche en cours. Vous lancez l’alerte et nous pourrions sans doute nous entendre sur un montant moins important. Je vous invite par conséquent à retirer vos amendements sinon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF931 et II-CF920.

Amendement II-CF924 de M. Rodrigo Arenas.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Il n’y aura pas de transition écologique sans transformation des compétences mais je ne comprends pas l’objet de votre amendement qui tend à allouer 700 millions d’euros à la bifurcation écologique dans l’enseignement supérieur puisque toutes les filières de formation sont concernées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF924.

Amendement II-CF955 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il vise à garantir la gratuité de l’université pour tous les étudiants.

Aujourd’hui, les étudiants doivent s’acquitter de 170 euros de frais d’inscription en licence, de 243 euros en master, de 380 euros en doctorat, de 600 euros dans les filières qui préparent le diplôme d’ingénieur – cela peut aller jusqu’à 2 500 euros pour certaines écoles d’ingénieurs publiques. La gratuité est un élément déterminant de l’accessibilité. Un tel amendement n’est pas très coûteux puisque la part des frais d’inscription dans le budget global est faible – ils ne représentent que 175 millions.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Nous n’avons pas la même philosophie. Plutôt que de prendre des mesures générales, nous estimons qu’il faut faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin. Je rappelle qu’avec 170 euros en licence, la gratuité est presque atteinte, que les droits d’inscription sont gelés depuis quatre ans et que les boursiers sont exemptés des droits d’inscription.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). C’est étonnant, vous n’avez pas la même philosophie lorsqu’il s’agit des crédits d’impôt : vous préférez qu’ils bénéficient à tous, y compris les grands groupes, plutôt que de les réserver à ceux qui en ont le plus besoin, les PME !

La commission rejette l’amendement II-CF955.

Amendements II-CF929 de M. Rodrigo Arenas et II-CF954 de M. Hendrik Davi (discussion commune).

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Il s’agit d’anticiper les effets de la hausse du coût de l’énergie pour les établissements universitaires et d’éviter qu’une université comme celle de Strasbourg ferme ses portes deux semaines de plus l’hiver, avec les conséquences qu’on sait sur l’enseignement.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Il y aura bien un dispositif de compensation pour les universités, dont les modalités seront arrêtées dans les tout prochains jours. Retrait.

La commission rejette successivement les amendements II-CF929 et II-CF954.

Amendement II-CF956 de M. Hendrik Davi (LFI-NUPES).

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Il s’agit d’un amendement très important, puisqu’il vise à supprimer la différenciation des frais de scolarité pour les étudiants étrangers hors Union européenne. Le programme « Bienvenue en France » – très mal nommé ! – prévoit d’augmenter encore les frais d’inscription, fixés depuis 2019 à 2 770 euros en licence et à 3 770 euros en master. Ce dispositif, qui exclut beaucoup d’étudiants, ne rapporte finalement pas grand-chose puisque les sommes collectées par les quelques universités appliquant ces tarifs s’élèvent à 7 millions d’euros.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. Ce montant montre bien que le dispositif exclut peu d’étudiants. D’une part, les boursiers sont exonérés du paiement des droits d’inscription, d’autre part, les présidents d’établissement peuvent décider d’une exonération totale ou partielle lorsque cela répond « aux orientations stratégiques de l’établissement ». Ils sont nombreux à le faire. Nous sommes donc parvenus à un point d’équilibre.

La commission rejette l’amendement II-CF956.

Amendements II-CF1055, II-CF1052 et II-CF1053 de M. Michaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je propose de compenser l’augmentation des coûts de l’énergie pour trois organismes de recherche. Ceux-ci m’ont alerté lors de leur audition sur les conséquences graves du surcoût énergétique sur les programmes même de recherche. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) entretient beaucoup de serres et d’animaleries, l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen) travaille sur les biocarburants de deuxième génération, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est également concerné.

La commission rejette successivement les amendements II-CF1055, II-CF1052 et II-CF1053.

Amendement II-CF919 de M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). C’est un amendement de soutien à l’enseignement public que je propose ici puisque l’État subventionne, avec ses deniers, l’enseignement privé lucratif, introduisant une concurrence déloyale avec les établissements publics.

M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial. La régulation des établissements privés est une préoccupation légitime, que nous partageons d’ailleurs avec la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP). Cependant, nous avons besoin de variété dans l’enseignement supérieur.

La commission rejette l’amendement II-CF919.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

M. Daniel Labaronne (RE). Au nom du groupe Renaissance, je salue l’augmentation de 5 % des crédits. Ces moyens supplémentaires – 1,5 milliard – permettront de compenser la revalorisation du point d’indice, de mettre en œuvre de la loi de programmation de la recherche et d’améliorer les conditions d’étude et de vie des étudiants. Nous voterons en faveur de l’adoption de ces crédits.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cette année, les effectifs des étudiants dans l’enseignement supérieur privé ont progressé de 10 % alors qu’ils stagnaient dans l’enseignement public, une désaffection qui est liée au sous-investissement de l’État – le budget alloué à l’université rapportée au nombre d’étudiants a baissé de 15 % depuis 2017.

C’est d’autant plus dramatique que l’enseignement supérieur privé n’est quasiment pas encadré, pratique les tarifs qu’il veut avec les contenus pédagogiques qu’il veut, et est financé par des fonds de pension étrangers ou même par l’État, via les aides pour l’apprentissage.

Nos amendements visaient à redonner de l’argent au secteur public pour permettre un enseignement de qualité et améliorer les conditions d’études – rénovation et construction de logements, bouclier énergétique. Le travail d’un étudiant, c’est d’étudier, pas de faire des petits boulots dans la restauration rapide ; les jeunes se paupérisent et la moitié d’entre eux ont des difficultés à se loger, se nourrir, se soigner. Notre devoir de parlementaires est de leur garantir des conditions de vie dignes pour qu’ils réussissent et soient des citoyens épanouis ; cela suppose aussi qu’ils choisissent leur formation, ce que Parcoursup ne permet pas toujours.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous avions dénoncé la loi de programmation pour la recherche et proposé une autre trajectoire. À quand un budget qui atteigne 3 % du PIB, à quand une loi pluriannuelle pour la rénovation du bâti, à quand la compensation du coût de l’énergie ?

Nous regrettons que le ticket de RU à 1 euro n’ait pas été voté et que le montant des bourses n’ait pas été rehaussé. Nous dénonçons la mauvaise utilisation de la CVEC, qui induit que les étudiants financent leurs activités sociales et culturelles.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’augmentation des crédits de l’ANR s’inscrit dans l’un des objectifs de la loi de programmation de la recherche, renforcer l’attractivité des carrières scientifiques. Cependant, nous sommes inquiets de la systématisation du recours aux appels à projets, alors que la recherche doit s’inscrire dans le temps long et ne pas faire les preuves de son efficacité immédiate.

Le groupe Écologiste-NUPES insiste sur la nécessité de financer davantage la recherche sur la décarbonation du secteur des transports, un axe essentiel de la transition écologique, notamment sur les biocarburants de deuxième génération.

La commission adopte les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur modifiés.

Article 30 et État G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1056 de M. Mickaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je propose de créer un indicateur sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui permettrait d’évaluer les progrès réalisés par les opérateurs de recherche en la matière. Ce critère figurerait aussi dans les projets annuels de performance.

La commission rejette l’amendement II-CF1056.

Mission Conseil et contrôle de l’État (M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial).

M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial. Le projet de loi de finances initiale propose de doter la mission Conseil et contrôle de l’État de 904,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), en nette progression de 26,8 %, et de 817,6 millions en crédits de paiement (CP), en hausse de 8,5 %. L’ampleur de la progression diffère d’un programme à l’autre. Si les crédits du Conseil économique, social et environnemental (Cese) connaissent une progression très modérée de 1,25 %, les AE et les CP alloués au Conseil d’État augmentent respectivement de 38,5 % et de 9,1 %. Les crédits de la Cour des comptes et des autres juridictions financières progressent de 9,7 % en AE et de 9,2 % en CP.

La progression des crédits du programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives s’explique notamment par l’évolution tendancielle de la masse salariale, les créations d’emplois des années 2022 et 2023 et la revalorisation du point d’indice, mais aussi, hors titre 2, par la budgétisation de renouvellements de baux et le lancement de grandes opérations immobilières. L’année 2023 sera marquée par la poursuite de l’opération de relogement de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et du tribunal administratif de Montreuil, ainsi que par les grosses opérations de réhabilitation du Palais Royal, de la cour administrative d’appel et du tribunal administratif de Lyon et du tribunal administratif de Nîmes. Par ailleurs, face à l’augmentation du contentieux, le programme 165 a obtenu 41 créations d’emploi en 2023 et 2024 et 40 les années suivantes jusqu’en 2027, dernière année de la programmation quinquennale, dont 25 magistrats et 15 agents de greffe affectés chaque année aux tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. J’estime par ailleurs, et je le répète chaque année, que le contentieux des étrangers doit être simplifié, au bénéfice de toutes les parties prenantes ! Le Gouvernement doit se saisir des propositions du rapport Stahl et les concrétiser.

J’appelle à nouveau votre attention sur la situation de la Commission du contentieux du stationnement payant : il semble qu’elle devra traiter d’au moins 178 000 requêtes en 2023 alors qu’il était prévu à sa création qu’elle serait saisie de 100 000 requêtes par an. J’estime qu’il faut restaurer l’obligation de paiement préalable des forfaits de post-stationnement, en l’assortissant d’exceptions constitutionnellement justifiées, et je déposerai une proposition de loi en ce sens.

Le programme 164 Cour des comptes et autres juridictions financières est l’objet d’une modification de maquette, avec l’apparition d’une nouvelle action Gouvernance des finances publiques, qui portera désormais les crédits du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Je me réjouis de cette évolution, conforme à mes recommandations ; je note également avec satisfaction que la hausse continue des crédits du Haut Conseil marque une pause, dans la mesure où, depuis sa création, cette institution sous-consomme très nettement ses dotations budgétaires. Plus généralement, la hausse des crédits du programme 164 s’explique essentiellement par le financement de la Commission d’évaluation de l’aide publique au développement, par des mesures nouvelles liées aux évolutions de la fonction publique ou à celles intervenues dans le cadre de la convergence avec le régime indemnitaire des administrateurs de l’État.

En ce qui concerne le programme 126 Conseil économique, social et environnemental, je me réjouis d’avoir reçu, cette année, et dans les délais, la totalité des réponses au questionnaire budgétaire prévu par l’article 49 de la Lolf. Le nouveau président et le secrétaire général du Cese semblent résolus à moderniser l’institution et à permettre une meilleure information du Parlement en matière budgétaire et financière. La marge de progression est toutefois importante. Voyez, chers collègues, la justification par action des crédits du programme dans le bleu budgétaire : elle tient en une seule page et se résume à quatre tableaux, sans commentaire ni explication. C’est peu ! Les crédits restent relativement stables, d’un montant proche de 45 millions.

Ces remarques faites, je vous invite à adopter les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

M. Louis Margueritte (RE). Les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État prennent en compte les évolutions de masse salariale et les différents projets des institutions concernées. Nous pouvons nous féliciter de disposer d’un cadre de contrôle parmi les plus solides au monde et suffisamment indépendant pour que ses décisions et avis soient éclairants pour notre société. Le groupe Renaissance votera les crédits.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il est important que l’État consacre des moyens à son propre contrôle. Toutefois, nous nous abstiendrons pour manifester notre mécontentement devant le fait que l’État respecte rarement les conseils et recommandations de ces institutions, en particulier de la Cour de comptes.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Nous souhaitons vous alerter sur plusieurs éléments. D’abord, un coup fatal est porté à l’indépendance des comptables publics vis-à-vis des décideurs politiques. Ensuite, la faiblesse des moyens octroyés au juge administratif par le programme 165 nous préoccupe, car c’est l’un des garants de l’État de droit : il a vocation à protéger les droits et les libertés fondamentales des administrés et à faire prévaloir l’intérêt général.

S’agissant du CESE, le bleu budgétaire indique qu’une direction spécifique a été créée « pour tenir compte de la montée en puissance de la démocratie participative dans le pays ». Quelle ironie lorsque l’on se souvient du sort réservé aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat ! Quant à la représentation nationale, elle a été muselée deux fois en deux jours par le recours à l’article 49, alinéa 3, sur des textes aussi importants que le PLF et le PLFSS ! Nous voterons contre les crédits.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Concernant le programme Conseil d’État et autres juridictions administratives, le bleu rapporte une activité soutenue au sein des juridictions administratives. Les écologistes y ont d’ailleurs souvent recours pour combattre des projets climaticides. Nous nous félicitons des créations de postes, notamment dans les juridictions du fond, car elles permettront une meilleure instruction des litiges. Elles s’accompagnent de revalorisations. L’augmentation de ce budget est un effort louable et nécessaire.

Nous souhaitons signaler un point d’attention concernant la CNDA : notre pays s’honorerait en traitant de la même façon les demandes de statut de réfugié, quelle que soit l’origine du demandeur.

Concernant le programme Cour des comptes et autres juridictions financières, nous relevons qu’il est possible, dans notre pays, d’augmenter les moyens humains d’un service public. Cela nous inspire pour les autres missions.

Quant au CESE, qui fait l’objet du programme 126, vous comprendrez que nous le soutenons. C’est une ressource insuffisamment exploitée par la République. Il est dommage que les institutions qui favorisent la participation citoyenne ne soient pas plus souvent sollicitées et respectées.

Tout en témoignant sa considération aux institutions concernées, le groupe Écologiste s’abstiendra lors du vote des crédits de la mission.

La commission adopte les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État non modifiés.

Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF871 de M. Philippe Schreck.

M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial. Je suis très sensible à la question soulevée par les auteurs de l’amendement, qui concerne l’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique.

Néanmoins, il me semble préférable, comme le prévoit l’article 30, de procéder à un resserrement des indicateurs dits transversaux, qui permettent des comparaisons entre les ministères en matière d’efficience dans divers domaines de l’action publique.

L’information relative à l’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique est déjà fournie par le rapport annuel de la fonction publique, pour l’ensemble des champs ministériels. L’intérêt est que les mêmes indicateurs sont retenus, de manière homogène et standardisée. Cette démarche transversale et intégrative me paraît intéressante.

L’information contenue dans ce rapport me semble plus pertinente que celle qui pourrait figurait dans les différents projets annuels de performance, car les critères pourraient diverger les uns des autres, ce qui empêcherait une approche globale du problème. Les cibles fixées dans les projets et rapports annuels de performance ne correspondent pas nécessairement aux objectifs conventionnés par les employeurs publics.

Enfin, l’information annexée au PLF doit servir à évaluer la performance des ministères en matière de gestion davantage que la politique de l’État employeur.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF871.

 

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du vendredi 21 octobre 2022 à 15 heures

Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Thomas Cazenave, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Mathieu Lefèvre, M. Louis Margueritte, M. Damien Maudet, M. Thomas Portes, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Philippe Schreck, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - M. Jean-René Cazeneuve, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. - M. Rodrigo Arenas, M. Ugo Bernalicis, M. Jean-François Coulomme, M. Hendrik Davi, M. Arthur Delaporte, Mme Raquel Garrido, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jimmy Pahun, Mme Sarah Tanzilli, M. Alexandre Vincendet