Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Suite de l’examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2023 (n° 273) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits des missions :

 Action extérieure de l’État (M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial) 2

 Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural (M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial)              10

  présences en réunion...........................30


Lundi
24 octobre 2022

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 17

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273).

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les crédits des missions Action extérieure de l’État et Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, ainsi que du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural.

Mission Action extérieure de l’État (M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial).

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Avec 3,2 milliards d’euros de crédits pour 2023, le budget de la mission Action extérieure de l’État progressera d’un peu plus de 5 % en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit une hausse d’environ 160 millions par rapport à la précédente loi de finances. Il devrait également bénéficier de 101 emplois équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. En réalité, la hausse des crédits ne correspond qu’à une hausse des dépenses contraintes. Quant à la hausse des ETP, loin de compenser les centaines d’emplois supprimés au cours des cinq dernières années, elle apparaît comme une réponse ponctuelle à la grève historique de nos diplomates et ne s’inscrit dans aucune perspective pluriannuelle.

La mission Action extérieure de l’État représente à peu près la moitié du budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. C’est elle qui porte les moyens de notre action diplomatique et consulaire à travers le monde.

Je commencerai par un paradoxe. Lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, le Gouvernement a clairement inscrit le renforcement des moyens de nos politiques régaliennes parmi les priorités budgétaires. Or seuls les ministères des armées, de l’intérieur et de la justice, dont les administrations ont fait l’objet d’états généraux ou d’une loi d’orientation et de programmation, sont concernés. Rien de tel, hélas, pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui a connu des réductions de moyens et d’effectifs continues depuis plus d’une décennie. En quinze ans, il a perdu 2 850 emplois, soit plus de 17 % des effectifs rémunérés. Quinze ans, c’est aussi le temps écoulé depuis la publication du dernier Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.

Le Gouvernement doit se saisir des états généraux de la diplomatie, annoncés le 1er septembre dernier par le Président de la République lors de la conférence des ambassadeurs, afin d’opérer un véritable réarmement de notre politique étrangère, à l’heure de la brutalisation des relations internationales et du retour de la guerre en Europe. La France a un rôle à jouer dans la « compétition d’universalisme qui est à l’œuvre », selon les mots du chef de l’État, entre la Chine et les États-Unis. Encore faut-il enfin lui donner les moyens de le jouer.

J’en viens aux programmes qui composent la mission. Le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde bénéficie de la hausse de crédits la plus forte, à hauteur de 6,7 %. Cette progression résulte de l’appréciation du dollar, monnaie dans laquelle la France paie 475 millions d’euros de contributions aux organisations internationales, ainsi que des effets de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, dès lors que ce programme finance les deux tiers des dépenses de personnel. Ces mêmes facteurs expliquent la hausse de 4,6 % du programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires, qui finance les rémunérations et les bourses scolaires du réseau de l’enseignement français à l’étranger.

Par ailleurs, je constate la stabilité du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, hormis une augmentation ponctuelle de la subvention allouée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Le réseau des établissements scolaires français hors de nos frontières bénéficiera de 30 millions d’euros supplémentaires, soit 13 millions au titre de la hausse du point d’indice de la fonction publique, 7 millions pour régulariser le statut des personnels résidents, condamné par la justice administrative et dont la fragilité juridique était la conséquence du manque de moyens de l’AEFE, et 10 millions pour soutenir le réseau en difficulté au Liban, où l’AEFE compte soixante-quatre établissements et 60 000 élèves.

Tout cela m’incite à penser qu’en réalité, aucun effort budgétaire n’est consenti en faveur de la mission Action extérieure de l’État. Pour l’essentiel, les moyens supplémentaires ne reflètent aucune orientation stratégique mais correspondent à des dépenses contraintes. Les programmes ne permettent pas à notre pays de maintenir son rang en matière de contribution au système multilatéral, ni d’intégrer nos bâtiments à l’étranger au mouvement de rénovation thermique des bâtiments publics entamé en France, ni surtout de se doter d’un véritable service public au bénéfice de nos compatriotes les plus vulnérables établis hors de France, notamment en matière de dépendance et de handicap.

Quant à la hausse de 101 ETP, elle n’esquisse aucune tendance. Nos auditions ont confirmé qu’elle est ponctuelle. Nous avons pourtant constaté une situation critique, comme le suggèrent deux indicateurs : pour tenir, le programme 151 consomme à lui seul près de 144 ETP de vacations par an ; en administration centrale, le nombre d’heures supplémentaires effectuées au-delà du plafond légal équivaut à lui seul à une soixantaine d’ETP.

Pour ces raisons et en l’absence d’une perspective pluriannuelle de réarmement de notre diplomatie, j’émets un avis défavorable sur les crédits de la mission.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF378 de M. Alain David.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Cet amendement de M. David vise à augmenter de 10 millions d’euros la contribution financière de la France à la facilité européenne pour la paix (FEP). Depuis sa création en mars 2021, la FEP finance des actions extérieures de l’Union européenne (UE) ayant une dimension militaire ou de défense. Elle a démontré son utilité pour l’aide de l’UE à l’Ukraine. Comme cet instrument est hors du budget de l’UE, les crédits que nous lui destinons sont inscrits à l’action 02 Action européenne du programme 105.

Il y a trois jours, le Conseil de l’UE a adopté dans le cadre de la FEP des mesures supplémentaires de soutien des capacités des forces armées ukrainiennes, à hauteur de 500 millions d’euros. L’amendement devrait permettre d’accélérer le décaissement de cette aide. La FEP a démontré toute son utilité pour une mise en œuvre rapide de l’action européenne. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement II-CF378.

Amendement II-CF1259 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il vise à renforcer les contributions volontaires de la France aux organisations internationales dont elle est membre, en transférant 9 millions d’euros de l’action 04 Enseignement supérieur et recherche du programme 185 à l’action 04 Contributions internationales du programme 105.

Comme l’a rappelé un récent rapport d’information de la commission des finances du Sénat, ces contributions de la France aux organisations internationales sont particulièrement stratégiques pour notre pays, dans un contexte de compétition d’influence entre États membres et de recul de la part de la France dans le PIB mondial, sur laquelle sont souvent indexées les contributions obligatoires.

La France, septième contributeur mondial, tombe à la neuvième place si l’on ne tient compte que des contributions volontaires, et sortira cette année des dix premières places. L’amendement vise à maintenir la place de la France à l’international.

La commission rejette l’amendement II-CF1259.

Amendement II-CF1260 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Cet amendement de repli propose de transférer un million d’euros à l’action Contributions internationales au profit du placement de jeunes experts associés, dont la dotation se verrait ainsi doublée. Il s’agit d’un dispositif stratégique, auquel la Chine recourt massivement. Il y va de notre place au sein des Nations unies.

La commission rejette l’amendement II-CF1260.

Amendement II-CF1268 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Le programme de rénovation thermique des bâtiments publics, doté de 4 milliards, ne prévoit rien pour nos 2 000 bâtiments à l’étranger. La direction des immeubles et de la logistique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères estime les moyens nécessaires à un programme de rénovation thermique à 15 millions d’euros pour la première année.

La commission rejette l’amendementII-CF1268.

Amendement II-CF1275 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. J’espère que cet amendement, relatif à la sécurité de nos compatriotes au Burkina Faso, rassemblera une majorité.

Il s’agit d’un point sur lequel la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a donné elle-même l’alerte lors de son audition au Sénat : la nécessité de doter le ministère des moyens nécessaires à la remise en sécurité de l’Institut français, de l’ambassade et du consulat de Ouagadougou, qui ont été fortement détériorés lors des récents mouvements de violence. C’est une question de sécurité, pour nos agents comme pour la communauté française. La première évaluation des besoins était à 2,5 millions d’euros, mais les experts de l’administration rentrés de mission la semaine dernière les estiment à 4 millions.

La commission adopte l’amendement II-CF1275 (amendement II-2382).

Amendements II-CF381 de M. Alain David et II-CF1310 de M. Karim Ben Cheikh (discussion commune).

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il s’agit d’abonder les crédits alloués aux instituts culturels franco-allemands, qui sont une priorité du traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, dit traité d’Aix-la-Chapelle, en vue d’en ouvrir un à Kiev. Pour ce faire, l’amendement II-CF381 du groupe Socialistes et apparentés prévoit 3 millions, et je propose une solution de repli à un million d’euros.

La commission rejette successivement les amendements II-CF381 et II-CF1310.

Amendement II-CF1263 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Cet amendement peu onéreux – 100 000 euros – vise à renforcer le financement de nos écoles au Burkina Faso. À la suite des récents événements, l’école de Bobo Dioulasso, en gestion parentale, et celle de Ouagadougou, en gestion directe, sont en tension, en raison du départ de plusieurs familles. Comme elles vivent de l’encaissement, trimestre après trimestre, des frais de scolarité, elles se retrouvent en forte difficulté financière. Il s’agit de maintenir l’enseignement français au Burkina Faso et d’envoyer un signal fort à la communauté française dans ce contexte tendu.

La commission rejette l’amendement II-CF1263.

Amendement II-CF379 de M. Alain David.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il vise à abonder l’action 07 Diplomatie économique et attractivité du programme 185, destinée à promouvoir la présence de la France à l’international et dont les crédits diminuent nettement en raison d’une redéfinition du périmètre budgétaire. Compte tenu de l’actualité internationale et en prévision de la promotion des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il est souhaitable d’augmenter sensiblement ces crédits, à hauteur de 5 millions.

Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF379.

Amendement II-CF1252 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il vise à renforcer les aides sociales versées aux Français de l’étranger, en affectant 5 millions à un plan de protection destiné notamment à compenser les variations de taux de change des aides sociales et l’augmentation générale des prix observée dans de nombreux pays, à réarmer les postes diplomatiques face aux besoins sociaux exprimés par nos concitoyens, à instaurer un véritable mécanisme de transition pour les allocataires de SOS covid, et enfin, et c’est important, à ramener le taux d’incapacité ouvrant droit à l’allocation aux adultes handicapés (AAH) de 80 % à 50 %, soit le taux en vigueur sur le territoire national. Le budget des aides sociales est aujourd’hui de 15 millions d’euros pour 3 millions de Français, soit 5 euros par personne.

La commission rejette l’amendement II-CF1252.

Amendement II-CF1253 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Amendement de repli qui vise à compenser les variations des taux de change pour les aides sociales. Il a été élaboré avec l’Assemblée des Français de l’étranger, qui a adopté à l’unanimité cette demande en estimant le besoin à 2,1 millions.

La commission rejette l’amendement II-CF1253.

Amendement II-CF1255 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il vise à revaloriser la contribution de l’État français à la Caisse des Français de l’étranger (CFE), seul organisme de sécurité sociale garantissant aux Français établis hors de France une couverture équivalente à celle offerte par la sécurité sociale française. Elle prend notamment en charge les plus vulnérables qui, dans le cadre de ce que l’on appelle la catégorie aidée, versent une cotisation réduite. En contrepartie de ce service public, l’État s’est engagé à contribuer pour moitié au coût de la catégorie aidée.

Or, sur un coût annuel pour la CFE de 4 millions d’euros, la contribution de l’État est de 380 000 euros, soit environ 13 centimes par Français établi à l’étranger. L’amendement vise à faire en sorte que l’État tienne son engagement en augmentant sa contribution de 1,6 million d’euros.

La commission rejette l’amendement II-CF1255.

Amendement II-CF1262 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. La contribution de l’État au financement des bourses accordées aux élèves français scolarisés dans des établissements d’enseignement français à l’étranger avoisine les 105 millions d’euros. L’amendement vise à la porter à 110 millions, pour tenir compte de la forte augmentation des besoins de bourses, de la hausse des frais de scolarité de nombreux établissements, qui est de l’ordre de 12 % par an, et de l’évolution défavorable du taux de change. Les consulats pourront ainsi répondre aux demandes de bourses pour l’année 2023.

La commission rejette l’amendement II-CF1262.

Amendement II-CF1257 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il vise à créer un nouveau programme au sein de la mission, intitulé Fonds d’urgence pour les Français établis hors de France. Il s’agit de donner pleinement les moyens aux services de l’État d’intervenir immédiatement au service de nos compatriotes établis hors de France en cas de situation d’urgence.

Les récentes situations de crise, notamment en Côte d’Ivoire, au Liban et au Burkina Faso, ainsi que l’expérience de la crise sanitaire, ont montré que les crises politiques et sanitaires dans les pays d’accueil affaiblissent durablement la capacité de nos ressortissants à honorer leurs échéances financières, notamment en matière de scolarité et de protection sociale.

Il s’agit de doter le ministère de l’Europe et des affaires étrangères d’un outil pérenne permettant de parer aux urgences. Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022, le Sénat a adopté un amendement en ce sens de Mélanie Vogel. Compte tenu de la multiplication des crises, un tel fonds d’urgence est indispensable.

La commission rejette l’amendement II-CF1257.

Amendement II-CF1258 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il vise à doter le réseau consulaire, donc le service public français à l’étranger, d’un outil permettant de traiter la question de la dépendance. Il y a de plus en plus d’expatriés sociaux, c’est-à-dire des retraités modestes qui vont s’installer dans des pays comme la Tunisie, le Maroc ou le Sénégal. Lorsqu’ils tombent dans la dépendance, nos consulats sont dépourvus d’outils pour faire face. Le retour en France de nos compatriotes les plus vulnérables coûte cher à l’État français. Or il y a des moyens d’effectuer la prise en charge à l’étranger.

La commission rejette l’amendement II-CF1258.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

Mme Liliana Tanguy (RE). Le groupe Renaissance salue la hausse importante des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État, ainsi que le niveau substantiel des ETP supplémentaires, inédit depuis trente ans.

L’augmentation des crédits du programme 105 aidera nos ambassades à affronter l’inflation mondiale et à renforcer leur sécurité. L’augmentation des contributions européennes et internationales servira notamment à financer la facilité européenne pour la paix, pour aider l’Ukraine et renforcer notre sécurité collective.

Par ailleurs, les crédits du programme 185 sont sensiblement revalorisés. Ils renforceront notre expérience et les atouts du soft power français. Nous saluons également le renforcement des mesures de soutien à nos concitoyens à l’étranger, fragilisés par la crise sanitaire et économique, que les crédits alloués au programme 151 permettront de prolonger.

Le groupe Renaissance considère que le budget général de la mission est adapté aux enjeux et aux missions régaliennes auxquels notre politique étrangère sera confrontée en cette année incertaine. Nous le voterons sans réserve.

M. Alexandre Sabatou (RN). Nous voterons contre les crédits de cette mission pour protester contre la suppression du corps diplomatique.

M. Pascal Lecamp (Dem). Le groupe démocrate note trois points d’intérêt. L’augmentation de 7 % des crédits du programme 105 démontre l’attachement de la France au multilatéralisme. Les crédits du programme 151 augmentent légèrement, hors effet de l’élection présidentielle. Enfin, avec le programme 185, nous disposons enfin d’une feuille de route de l’influence française et d’un outil stratégique qui en offre une vision décloisonnée et transversale. Le groupe démocrate est favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Comme l’a rappelé Guillaume Garot en commission des affaires étrangères, la hausse des crédits de la mission Action extérieure de l’État, somme toute bien modeste, voire nulle compte tenu de l’inflation, cache le tourment dans lequel a été plongée la diplomatie française en raison de la suppression brutale du corps diplomatique. Cette institution de notre fonction publique avait sans doute des défauts, mais la question de sa disparition aurait pu au moins être débattue au Parlement au lieu d’être réglée à bas bruit, en pleine campagne présidentielle. À la veille des états généraux de la diplomatie organisés par le Gouvernement, c’est un mauvais signal.

Sur l’Europe, sujet cher à notre groupe, les amendements visant à augmenter les crédits ont été rejetés. Autre mauvais point, les amendements visant à augmenter les crédits de l’aide sociale pour les plus démunis l’ont été aussi. Or ces crédits nous semblent insuffisants.

La budgétisation de cette mission ne nous semble pas suffisamment étayée. Nous nous abstiendrons donc.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission, qui allouent de nouveaux moyens, avec une centaine d’ETP, au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les efforts consacrés aux trois programmes se cumulent par ailleurs avec l’augmentation des crédits de l’aide publique au développement et de la mission Défense. Grâce à cette trajectoire budgétaire, la France acquiert une capacité croissante à se projeter. Les crédits retracent bien l’ensemble des priorités de notre pays en matière de diplomatie, notamment s’agissant de notre participation aux instances multilatérales. Par ailleurs, l’augmentation des moyens de notre diplomatie économique doit permettre de protéger l’intérêt de nos entreprises et d’intensifier le rayonnement de la France.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Les crédits de la mission Action extérieure de l’État sont en hausse de plus de 5 % par rapport à 2022. Bien que cette augmentation soit sans commune mesure avec les trois derniers PLF, la mission continue d’occuper une place marginale au sein du budget de l’État.

En novembre, en Égypte, se déroulera la COP27 (conférence des parties) contre le changement climatique. À l’heure où une action ambitieuse et coordonnée est plus que jamais nécessaire pour lutter contre le dérèglement climatique, nous devons faire de la France un pays exemplaire et un moteur de la transition écologique. Il nous faut par exemple financer la rénovation thermique des 607 ambassades, consulats et instituts de la diplomatie française, grands oubliés de la politique de rénovation. Ceux-ci sont une vitrine pour nos partenaires et des phares pour nos expatriés : ils se doivent d’être à la mesure de nos idéaux.

En 2022, le Quai d’Orsay a connu sa première grève depuis 2003, qui était aussi la deuxième de son histoire. En cause, la suppression du corps des diplomates. Les effectifs du ministère ont par ailleurs diminué de 2 850 ETP depuis 2008, soit 17 % du total. La hausse des crédits et des emplois proposée dans le PLF est insuffisante au regard des besoins réels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur les crédits de la mission.

La commission adopte les crédits de la mission Action extérieure de l’État modifiés.

Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1264 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Je vous propose une série d’amendements ayant pour objet de créer ou de préciser un certain nombre d’indicateurs. Celui-ci précise que les délais de traitement des demandes de documents sont comptabilisés « de la prise de rendez-vous jusqu’à la délivrance au demandeur ».

La commission rejette l’amendement II-CF1264.

Amendement II-CF1261 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il s’agit de compléter l’objectif « Promouvoir le multilatéralisme et agir pour une Europe souveraine, unique et démocratique » du programme 105 par deux nouveaux indicateurs, relatifs aux contributions internationales. Nous sommes tous attachés à la place de la France au sein des organisations internationales.

La commission rejette l’amendement II-CF1261.

Amendement II-CF1265 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il vise à ajouter un indicateur qui aurait une grande importance pour nos compatriotes à l’étranger, relatif au « délai de transcription d’état-civil en consulat ». Ces délais de transcription varient entre deux mois et un an selon les consulats.

La commission rejette l’amendement II-CF1265.

Amendement II-CF1266 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Le Gouvernement ayant annoncé le déploiement du service France consulaire, l’amendement vise à intégrer ce nouvel outil dans les indicateurs existants.

La commission rejette l’amendement II-CF1266.

Amendement II-CF1267 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Il s’agit d’introduire un indicateur mesurant le taux de couverture des élèves français par les bourses, afin de permettre à l’administration de distribuer ces dernières plus équitablement.

La commission rejette l’amendement II-CF1267.

Avant l’article 41

Amendement II-CF1269 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Alors que la rénovation thermique des bâtiments publics est lancée pour la France métropolitaine, on ne dispose pas d’outil permettant d’évaluer correctement les besoins en la matière pour les 2 000 bâtiments de l’État français à l’étranger. L’amendement demande un rapport pour connaître ces besoins.

La commission rejette l’amendement II-CF1269.

Amendement II-CF1270 de M. Karim Ben Cheikh.

M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial. Le Président de la République a fixé comme objectif le doublement du nombre d’élèves au sein du réseau scolaire français à l’étranger, qui est composé d’établissements en gestion directe par l’AEFE, d’établissements conventionnés et de structures partenaires entièrement privées. Pour relever ce défi, les établissements en gestion directe, qui sont le cœur historique du réseau, n’ont aucune capacité d’emprunt. L’amendement demande un rapport pour évaluer l’opportunité de réviser les capacités d’emprunt de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

La commission rejette l’amendement II-CF1270.

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*     *

Mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial).

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. À l’échelle de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, le Gouvernement propose d’ouvrir 3,87 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 3,84 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Ces enveloppes sont en hausse de près de 30 % par rapport à 2022, ce qui traduit le fait que la transition agroécologique, la compétitivité des exploitations, la souveraineté alimentaire et la sécurité sanitaire sont des priorités pour le Gouvernement et la majorité. S’y ajoutent les 206 millions d’euros du volet agricole de la mission Plan de relance et, en dehors du budget général, les 9,4 milliards d’euros de concours de l’Union européenne et les crédits de la mission Investir pour la France de 2030. Au total, près de 24 milliards d’euros seront consacrés l’année prochaine aux politiques publiques agricoles.

Le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, qui regroupe les dépenses opérationnelles au profit des exploitants, progresse de 21,5 %, à 2,1 milliards d’euros, alors même que les crédits consacrés à la pêche et à l’aquaculture rejoignent le programme 205 Affaires maritimes, pêche et aquaculture de la mission Écologie, mobilité et développement durables. Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire continue à être associé à cette politique publique sur le plan politique et administratif.

L’enveloppe consacrée à la gestion des crises et des aléas atteint 262,4 millions d’euros. Cette multiplication par trente en un an s’explique par la réforme de l’assurance récolte instituée par la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, l’une des dernières adoptées sous la précédente législature, destinée à protéger les exploitants agricoles affectés par les événements climatiques. C’était une loi très attendue par toutes les parties prenantes, dont le succès pourrait constituer un modèle de solidarité dans la période d’aléas climatiques à répétition que nous connaissons. Sont donc prévus 255,5 millions d’euros supplémentaires pour le programme 149, ainsi que 60 millions d’euros issus du doublement du taux et du plafond des taxes affectées au fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Avec la contribution de la politique agricole commune (PAC), ces moyens atteindront progressivement 600 d’euros millions à l’horizon 2025.

En cohérence avec le plan stratégique national que la Commission européenne a validé en août dernier au titre de la prochaine programmation de la PAC, les lignes cofinancées sont sanctuarisées et consolidées, avec 105,7 millions d’euros pour l’aide à la conversion vers l’agriculture biologique et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), dont 30 d’euros millions seront fléchés vers des zones intermédiaires à faible potentiel agronomique, ou encore 384,5 millions d’euros pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN).

Au total, les crédits en faveur des filières agricoles et agroalimentaires augmentent de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 et ceux destinés à la politique forestière de 4 %, afin, en particulier, de renforcer les actions de défense des forêts contre les incendies conduites par l’Office national des forêts (ONF) et du Centre national de la propriété foncière (CNPF).

Vous relèverez que les régions obtiennent la gestion de certaines mesures non surfaciques du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), telles que les aides à la modernisation des exploitations et à la dotation pour l’installation des jeunes agriculteurs ; l’État octroie à ces collectivités une compensation de 100 millions d’euros.

Une enveloppe de 654,6 millions d’euros est destinée au programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, qui finance d’une part la prévention des maladies végétales et animales, par le biais de contrôles aux frontières et auprès des entreprises, notamment les abattoirs, et d’autre part l’instruction préalable aux autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires, réalisée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Cette hausse de 7,1 % par rapport à l’exercice en cours, accompagnée d’un renfort de 90 équivalents temps plein (ETP), s’explique par l’attribution à la direction générale de l’alimentation (DGAL) d’une mission unique de police de la sécurité sanitaire, jusqu’à présent partagée avec la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). La surveillance des nuisibles tels que xylella fastidiosa ou le capricorne asiatique, ainsi que des maladies telles que la fièvre catarrhale ovine ou la peste porcine, resteront des priorités en 2023.

Le programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture croît dans la même proportion et mobilisera 675 millions d’euros. Il recouvre l’essentiel des rémunérations des agents du ministère – 11 846 ETP – et de ses charges en matière d’immobilier ou d’informatique.

Le nouveau programme 381 Allègements du coût du travail en agriculture compense l’exonération de la part patronale de cotisations de sécurité sociale pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE), qui occupe une large place dans l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS). Il est doté de 427 millions d’euros, qui se substituent à l’affectation d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Je me félicite de la prolongation du dispositif, qui fait l’unanimité chez les utilisateurs rencontrés.

Pour finir, la recette prévisionenlle et donc le plafond de dépenses du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS-DAR) ont été reconduits à hauteur de 126 millions d’euros en 2023, contre 136 millions d’euros il y a encore trois ans. Nous sommes nombreux sur ces bancs à partager l’avis des professionnels intéressés : quoique le principe d’un compte d’affectation spéciale irrite Bercy, il faut que la recette prévisionnelle inscrite soit plus cohérente avec celle qui sera réellement constatée. D’après les éléments dont je dispose, il pourrait s’agir de 143 millions d’euros cette année, valeur de référence qui pourrait constituer un nouveau plafond.

Vous l’aurez compris, j’émets un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques. Les agricultrices et les agriculteurs français ont connu une année 2022 difficile. Ils ont dû faire face aux hausses des prix des matières premières, aux suites de la guerre en Ukraine, aux aléas climatiques ou encore à l’épidémie d’influenza aviaire hautement pathogène, qui touche très durement certaines filières. Le soutien que nous apportons au monde agricole est essentiel : il en va de la reconnaissance du travail des agriculteurs, mais également du renforcement de notre souveraineté alimentaire, de notre rayonnement économique et de la réussite de notre transition environnementale.

Le budget de la mission Agriculture est à la hauteur des enjeux. En augmentation de 30 %, il permettra l’application de grandes réformes agricoles : je pense en particulier à la loi sur l’assurance récolte, très attendue sur le terrain. La commission des affaires économiques a donné un avis favorable sur les crédits de la mission.

Le thème que j’ai voulu mettre en avant dans mon avis budgétaire concerne les services de remplacement en agriculture, qui assurent un rôle social et économique fondamental pour les agriculteurs, en particulier les éleveurs. Seulement 16 % des agriculteurs français adhèrent à un tel service. Des freins structurels empêchent malheureusement leur développement : le reste à charge demeure trop élevé, les agents de remplacement sont trop peu nombreux, le réseau est insuffisamment professionnalisé. Pourtant, les services de remplacement sont un outil précieux pour répondre aux aspirations des agriculteurs, notamment des jeunes, et aussi pour faire face au mal-être au travail qu’ils sont nombreux à vivre. J’identifie dans mon rapport plusieurs leviers d’action afin de construire une stratégie plus affirmée, dans l’optique de réduire le reste à charge pour les agriculteurs. La commission des affaires économiques a adopté un amendement de crédits visant à assurer le financement par l’État des frais de remplacement dans les cas d’urgence.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CF596 de M. Michel Sala, II-CF597 de Mme Aurélie Trouvé, II-CF828 de Mme Christine Arrighi, II-CF601 de M. Michel Sala, II-CF405 de Mme Marie Pochon, II-CF67 de M. Dominique Potier, II-CF68 de Mme Chantal Jourdan et II-CF407 de Mme Marie Pochon (discussion commune).

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Mon amendement a pour objet de ramener les effectifs de l’ONF à leur niveau de 1999. Il crée 4 000 postes en respectant la proportion que l’on connaissait alors, soit 55 % de fonctionnaires et 45 % d’ouvriers forestiers, pour un coût de 231 millions d’euros. En effet, 38 % des effectifs de l’établissement ont été supprimés au cours des vingt dernières années et le présent PLF prévoit encore la suppression de 95 postes. Les surfaces à gérer par agent ont fortement augmenté, ce qui a fait baisser la qualité de la gestion forestière publique. Les risques de départ de feu s’accroissent, alors même que le réchauffement climatique demande une vigilance accrue. Les conséquences sont graves pour les forêts publiques et pour les agents de l’ONF, comme l’attestent les cinquante suicides recensés depuis 2005. L’action de l’Office est capitale pour contrôler les incendies mais aussi les épidémies forestières, comme celle de scolytes – des insectes ravageurs qui ont détruit des milliers d’hectares de forêts publiques dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté, faisant notamment perdre une source précieuse de recettes aux communes forestières. Une pétition de soutien au service public forestier, hébergée sur le site de Canopée, cumule plus de 135 000 signatures.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement II-CF597 vise à rétablir 2 000 postes, à savoir la moitié de ceux qui ont disparu depuis 1999. Le climat social à l’ONF s’est fortement dégradé du fait de la fonte des effectifs. On y dénombre plus de cinquante suicides depuis 2005.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet été, plus de 62 000 hectares de végétation ont été détruits par des incendies de forêt, y compris dans des régions où cela n’avait jamais été même envisagé. Pendant ce temps, l’ONF perd ses effectifs, notamment ses forestiers, et un ministre se permet de mettre en cause le travail d’un opérateur de l’État, en l’occurrence Météo-France, à propos des événements survenus en Corse cet été.

La perte d’effectifs et d’expertise est dangereuse face aux aléas climatiques. Les forestiers sont en première ligne pour surveiller et protéger la forêt. L’amendement II-CF828 vise à stabiliser les effectifs de l’établissement jusqu’en 2025. L’amendement II-CF405 a pour objet de créer 4 000 postes et le II-CF407 vise à éviter à tout le moins les suppressions prévues cette année. L’article 40 de la Constitution nous contraint à prélever les crédits correspondants sur d’autres programmes de la mission, mais nous demandons bien sûr au Gouvernement de lever le gage.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). L’amendement II-CF601 veut lui aussi maintenir les 95 emplois qui doivent être supprimés en 2023.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement II-CF67 vise à créer 1 000 ETP au sein de l’ONF, le II-CF68 à annuler la suppression des 95 ETP prévus.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Le réchauffement climatique met en effet particulièrement en lumière le rôle de l’ONF. Cela étant, aucun objectif de privatisation n’est poursuivi. On peut très bien assumer une mission de service public sans être fonctionnaire – j’ai passé quarante ans chez Business France avec un contrat de droit privé. Par ailleurs, la suppression de 95 ETP initialement prévue a été ramenée à 80 ETP en 2023 : les 15 ETP qui demeurent seront consacrés à la contractualisation des ventes de bois, qui est une ressource importante pour l’Office.

On ne travaille plus aujourd’hui comme on le faisait en 1999 : les agents surveillent des surfaces plus étendues grâce à l’observation satellitaire. En revanche, les concours de la mission Agriculture au profit de l’ONF, qui étaient de 179,8 millions en moyenne entre 2013 et 2017, sous une majorité socialiste et écologiste, atteindront 212,3 millions en 2023. Si ses effectifs diminuent, l’opérateur bénéficie d’une réallocation de moyens et d’une volonté de contractualisation, qui se concrétise avec les 15 ETP maintenus. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF596, II-CF597, II-CF828, II-CF601, II-CF405, II-CF67, II-CF68 et II-CF407.

Amendement II-CF40 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds de soutien à la transition agroécologique destiné aux acteurs de la production agricole et de la transformation.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Vous proposez de créer un fonds pour la transition agroécologique, doté de 150 millions d’euros. J’aurais tendance à dire que ce fonds existe déjà : c’est le budget pour 2023. On trouve en effet dans la mission Agriculture 106 millions d’euros pour les MAEC et les aides à la conversion en agriculture biologique, 109 millions d’euros pour le crédit d’impôt bio, 18 millions pour l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), 8 millions pour le fonds « avenir bio », etc. À cela s’ajoute le volet agricole de la mission Plan de relance, qui affecte 10 millions supplémentaires à ce dernier fonds et comporte des mesures relatives au bilan carbone ou encore au ciblage des aides à l’investissement, par exemple. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF40.

Amendement II-CF126 de Mme Chantal Jourdan.

M. Philippe Naillet (SOC). Il a pour objet de renforcer le budget consacré à la préservation et à la reconquête des haies.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Le plan de relance a affecté 50 millions à cette action, avec trois objectifs : replanter 7 000 kilomètres de haies, instaurer une gestion durable des haies existantes et structurer les filières locales de production d’arbres et de valorisation de la biomasse issue des haies. Je vous propose que l’on attende que l’ensemble des décaissements soient intervenus, ce qui a l’air un peu compliqué, pour pouvoir dresser un bilan en vue du budget pour 2024 et vous demande le retrait de cet amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF126.

Amendement II-CF46 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit d’allouer 5 millions d’euros supplémentaires à l’action Gestion équilibrée et durable des territoires du programme 149, afin de renforcer le contrôle des structures en matière de foncier agricole.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. C’est un sujet qu’on ne peut pas éluder et je partage une bonne partie des neuf propositions du groupe socialiste. J’émets un avis défavorable à cet amendement d’appel ; sans doute évoquerez-vous cette question en séance avec le ministre.

La commission rejette l’amendement II-CF46.

Amendement II-CF41 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit d’allouer un million d’euros supplémentaires au soutien à la structuration des filières dans le cadre des organisations de producteurs.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Votre proposition est plus que satisfaite depuis 2021. Le plan de relance a consacré 54 millions à la structuration des filières, avec la participation de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer). Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF41.

Amendement II-CF47 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous demandons un million d’euros de plus pour la recherche et l’innovation en vue de favoriser le passage au stade commercial des innovations permettant de substituer la fibre de bois aux matériaux carbonés issus de la pétrochimie.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Il me semble que c’est une question plus économique que budgétaire. L’Institut technologique FCBA (forêt cellulose bois-construction ameublement) bénéficiera d’une subvention de 7,9 millions d’euros. Par ailleurs, le ministère finance des recherches sur la transformation et la chimie du bois. Les acteurs concernés peuvent demander un concours du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF47.

Amendement II-CF89 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Il tend à allouer un million d’euros au développement d’espaces de gouvernance permettant d’organiser, sur des bases scientifiques, l’économie et le partage de l’eau entre les différents usagers dans un territoire donné.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. De façon générale, je suis favorable à cette idée et au développement des réserves de substitution en particulier. Néanmoins, cela ne doit pas faire oublier qu’une grande partie des solutions se trouve à l’échelle européenne : la gestion de l’eau relève largement de la directive-cadre du 23 octobre 2000. Je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement II-CF89 (amendement II-2409).

Amendement II-CF231 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement prévoit d’allouer un million d’euros à une réforme du label de l’agriculture biologique et de la certification de haute valeur environnementale (HVE).

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je ne reviens pas sur l’importance que nous accordons au bio ni sur le volume des crédits que le PLF mobilise en sa faveur.

La certification HVE a l’intérêt de permettre une transition douce vers le bio. Elle progresse largement : le nombre d’exploitations certifiées HVE est passé de 786 à la mi- 2017 à 24 827 en janvier 2022. Le crédit d’impôt voté il y a deux ans, de 30 millions d’euros puis de 10 millions d’euros, contribue à accélérer cette tendance.

La complémentarité entre HVE et bio est importante. Néanmoins, il faut veiller à ce que la HVE ne soit pas utilisée comme un faux bio : à terme, il faudra sans doute aller vers deux catégories, le conventionnel et le bio. Je vous demande de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF231.

Amendement II-CF88 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit d’appeler l’attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur le fléchage du plan en faveur des protéines végétales.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Ce plan était attendu par les professionnels depuis plusieurs années. Alors que l’intérêt écologique, nutritionnel et gustatif des légumineuses et légumes secs est de plus en plus souligné par les professionnels de santé, la nouvelle stratégie soutiendra la production de plantes riches en protéines, la valorisation de ces produits ainsi que la recherche fondamentale et appliquée en création variétale. L’enveloppe me paraît bien calibrée et je n’ai pas eu d’alerte particulière quant à son fléchage, mais nous pourrons en reparler en séance avec le ministre.

Votre amendement me semble satisfait par la mission Plan de relance. À partir de 2024, je pense qu’il sera utile de prévoir les crédits correspondants directement dans la mission Agriculture. C’est donc une demande de retrait.

La commission rejette l’amendement II-CF88.

Amendement II-CF50 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit d’appeler l’attention de la représentation nationale sur la nécessité de créer à titre expérimental un livret vert, collectant l’épargne sur le modèle du livret A.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Il existe déjà un livret permettant de financer l’économie sociale et solidaire, le livret de développement durable et solidaire, dont l’encours s’élevait à 128 milliards d’euros au mois d’avril dernier. L’agriculture n’en est pas exclue. Je vous invite à retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF50.

Amendement II-CF51 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à appeler l’attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur la nécessité d’encadrer la méthanisation agricole.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. S’agissant des financements, le grand plan d’investissement a permis de mobiliser 100 millions d’euros sur les cinq dernières années pour soutenir la méthanisation agricole. L’Agence de la transition écologique (ADEME) verse des aides aux collectivités territoriales et Bpifrance propose un prêt spécifique.

Des contrôles existent, mais ils ne sont sans doute pas suffisants. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) publie des recueils de bonnes pratiques et l’ADEME peut en théorie prononcer le retrait de l’autorisation d’exploitation d’un site de méthanisation. Je suis d’accord avec vous, on constate des dérives : certains exploitants dépassent le seuil de 15 %.

Je vous invite à retirer cet amendement, mais je regarde favorablement la demande de rapport que formule votre groupe, que nous examinerons plus tard. Cela permettra d’évoquer la question en séance avec le ministre Fesneau.

La commission rejette l’amendement II-CF51.

Amendements II-CF774 de Mme Bénédicte Taurine et II-CF42 de M. Dominique Potier (discussion commune).

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement II-CF774 propose de tripler l’enveloppe destinée aux projets alimentaires territoriaux (PAT) qui connaissent un succès assez clair. Ils permettent de développer les circuits courts dans les territoires, de faire participer davantage les collectivités locales aux efforts et de se rapprocher des objectifs fixés par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, sachant que la part du bio devait être portée à 20 % dans la restauration collective en 2022 et que nous sommes toujours à 6 %.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement II-CF42 appelle l’attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur le fléchage des aides aux PAT.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Ces PAT sont des outils formidables, dont je me suis beaucoup servi en tant que maire. Dans ma commune, on sert exactement 20 % de bio et 50 % de produits issus de circuits courts. Le problème, compte tenu des budgets, est de jongler entre les deux : si on augmente la part du bio, on doit réduire celle des produits issus de circuits courts.

Les PAT ont certes connu un retard à l’allumage, mais le Gouvernement et la majorité ont simplifié la procédure et adopté le plan de relance. Le taux de couverture par des PAT est passé de 65 % des départements en 2020 à 98 % en 2022. Comme vous souhaitez probablement en débattre avec le ministre, je vous invite à redéposer ces amendements en séance.

La commission rejette successivement les amendements II-CF774 et II-CF42.

Amendement II-CF39 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons d’étendre et de renforcer la prime pour les cantines en vue de favoriser la transition agroécologique et le passage de la restauration collective à une alimentation qualitative.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Mon avis est défavorable. Attendons un peu avant de décréter que la loi EGALIM est un échec dans ce domaine, d’autant qu’elle a été adoptée avant la crise liée à l’épidémie de covid-19.

Dans le cadre de cette mission budgétaire, les efforts en faveur de l’accès à une alimentation de qualité, de l’éducation à la nutrition et de la lutte contre le gaspillage ont progressé de près de 40 % depuis 2017. Vous semblez dire, dans l’exposé sommaire, que les interventions de la mission Plan de relance auraient été d’un montant ridicule. J’en rappelle les montants : 50 millions d’euros pour les cantines et 80 millions d’euros pour les PAT.

En ce qui concerne les cantines, je pense contrairement à vous que le ciblage sur les écoles des petites communes rurales était un bon choix.

La commission rejette l’amendement II-CF39.

Amendements II-CF14 de M. Dominique Potier et II-CF820 de M. Michel Sala (discussion commune).

M. Philippe Naillet (SOC). Le premier amendement vise à renforcer le soutien aux investissements en matière d’équipement et de formation dans la restauration collective.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Le nôtre va dans le même sens : il s’agit de renforcer les investissements en portant les crédits disponibles de 50 à 100 millions d’euros et d’élargir la liste des bénéficiaires potentiels, notamment aux grandes villes, aux départements, aux régions et à des établissements tels que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les prisons, les universités et les hôpitaux.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Si le rôle de l’État est bien de donner un coup de pouce aux collectivités qui ont des besoins particuliers, il ne doit pas se suppléer à elles pour financer le moindre découpe-légumes ou une formation à de nouvelles techniques. Les collectivités doivent assumer leurs responsabilités.

L’État fait déjà un effort important, avec les dotations et les prélèvements sur recettes, pour compenser la hausse des charges des collectivités en raison de l’inflation. Élargir les efforts jusqu’à inclure l’ensemble des restaurants collectifs publics et privés me semble hors de proportion. Par conséquent, je donne un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette successivement les amendements II-CF14 et II-CF820.

Amendement II-CF806 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Les élevages avicoles, surtout de plein air, sont particulièrement touchés par la grippe aviaire. De nombreux arrêtés préfectoraux exigent d’eux qu’ils procèdent à des autocontrôles hebdomadaires, ce qui met en grande difficulté une partie des exploitations. Or l’élevage avicole en plein air correspond à une demande de plus en plus forte des consommateurs, notamment pour des raisons de bien-être animal, et produit de façon générale plus de valeur ajoutée que les élevages confinés. Il faudrait donc rembourser les autocontrôles hebdomadaires. Le sort de cet amendement sera certainement scruté par tous les éleveurs concernés.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Ces contrôles sont indispensables. Ils ne font pas fait l’objet d’un remboursement spécifique, mais les exploitations touchées par l’influenza aviaire bénéficient d’indemnisations générales, qui se sont établies à 52,1 millions d’euros en 2021. Nous connaîtrons le montant définitif pour 2022 dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR), mais je note déjà que la LFR de juillet dernier a ouvert spécialement plus de 200 millions d’euros ; votre groupe a d’ailleurs voté contre, en première lecture et sur les conclusions de la commission mixte paritaire. À mon tour de vous poser une question : pourquoi refuser 200 millions d’euros et ensuite en proposer 5 ? Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF806.

Amendement II-CF90 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Par cet amendement, nous entendons lancer une alerte sur la nécessité de relancer le plan Écophyto.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je m’inscris en faux contre l’exposé sommaire de l’amendement : la baisse entre 2022 et 2023 sur l’action 1 Santé, qualité et protection des végétaux ne tient pas à un recul du financement du plan Écophyto. Elle s’explique pour 1,39 million d’euros par de moindres contrôles, car la situation s’améliore sur le front du capricorne asiatique et du virus du fruit rugueux brun de la tomate, et pour 1,3 million d’euros grâce aux bons termes du marché entre la DGAL et ses prestataires. Quant aux autres critiques, c’est plutôt au ministre qu’il faudrait les adresser en séance. Je vous invite à retirer cet amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF90.

Amendement II-CF117 de M. Guillaume Garot.

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de créer des postes supplémentaires au sein des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. L’audition de responsables du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, la semaine dernière, nous a appris qu’une redistribution des effectifs dans les régions était en préparation pour 2023. Le budget du personnel représentera 952,6 millions d’euros, soit 25 % de cette mission budgétaire. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF117.

Amendement II-CF32 de la commission des affaires économiques.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à financer la généralisation d’une prise en charge par l’État du remplacement d’exploitants agricoles en cas d’urgence. Un dispositif expérimental qui permet une prise en charge intégrale du coût du remplacement a fait ses preuves dans le département de l’Orne. Pour assurer la recevabilité de l’amendement, 735 000 euros seront ponctionnés sur l’action Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique du programme 215.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je salue vos travaux en la matière. Nous avons entendu ensemble les syndicats de salariés du secteur agricole ; toutes les autres personnes que j’ai auditionnées de mon côté ont abordé la question difficile du remplacement, pour maternité, paternité, maladie ou surmenage.

Cet amendement est une première étape. Étant convaincu par le modèle des services de remplacement, j’émets un avis très favorable à la proposition de la commission des affaires économiques, afin de donner à ce sujet toute l’importance qu’il mérite dans le débat en séance et dans la perspective du futur projet de loi d’orientation.

La commission adopte l’amendement II-CF32 (amendement II-2410).

Amendement II-CF812 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à dénoncer la prolongation d’un dispositif qui aurait déjà dû disparaître, les exonérations de cotisations sociales des employeurs agricoles pour des salaires compris entre 1 et 1,2 fois le montant du salaire minimum de croissance (SMIC). Ce dispositif, qui est une véritable trappe à pauvreté pour les salariés – je suis bien placée pour le savoir, venant de diriger une thèse sur cette question – plombe par ailleurs le budget de 427 millions d’euros. Pour un gouvernement qui se veut responsable dans ce domaine, c’est étonnant. Des conditions auraient au moins dû être posées pour l’usage de ces exonérations, en matière de performances, de création d’emploi, de respect du droit de travail et peut-être sur le plan environnemental.

Il n’est pas possible de ne pas verser ces crédits pour 2023, car cela grèverait les comptes de l’UNÉDIC et de la Mutualité sociale agricole (MSA), mais nous souhaitons la suppression du dispositif l’an prochain.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Vous dites vouloir supprimer l’exonération sociale TO-DE. D’une part, ce n’est pas ce que vous faites : en supprimant la compensation à la sécurité sociale et en choisissant le PLF au lieu du PLFSS, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul. D’autre part, je suis absolument défavorable à la suppression du TO-DE. C’est un outil majeur pour soutenir les entreprises de l’arboriculture, du maraîchage et de la viticulture, mais aussi pour éviter le travail au noir dans ces secteurs.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je redis qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui dénonce symboliquement ce dispositif pour qu’il ne soit pas prolongé, comme c’était d’ailleurs prévu, l’année prochaine. Nous ne souhaitons pas grever les comptes sociaux, pour lesquelles une compensation est actuellement prévue.

Selon plusieurs évaluations, ce dispositif est une véritable trappe à pauvreté qui plafonne les salaires des saisonniers agricoles à 1,2 SMIC – et encore, ils sont le plus souvent à 1 SMIC. Il ne faut pas se plaindre de ne pas arriver à trouver des saisonniers quand on paie ainsi des gens ultra-qualifiés, dont les conditions de travail sont en outre absolument délétères.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Il serait très compliqué pour certaines exploitations, notamment dans l’arboriculture et le maraîchage, de recruter des saisonniers dans de bonnes conditions sans le TO-DE. On peut tourner la question dans tous les sens, je ne vois pas comment, dans le contexte actuel, avec les épisodes de gel et de grêle que nous avons connus, ces exploitations pourraient tenir sans le soutien du TO-DE. Celui-ci doit être pérennisé, c’est une demande de l’ensemble des professionnels de l’agriculture. Il n’en demeure pas moins qu’il faut rester attentif à la qualité du travail proposé et aux salaires.

La commission rejette l’amendement II-CF812.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle rejette l’amendement II-CF788 de Mme Aurélie Trouvé.

Amendement II-CF115 de M. Guillaume Garot.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons d’allouer 71 millions d’euros au financement du plan d’action national en vue de la réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées aux usages d’engrais minéraux.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je rappelle que c’est l’actuelle majorité qui a réformé la redevance pour pollutions diffuses (RPD) au profit des agences de l’eau, dans la loi de finances pour 2019.

Si l’Assemblée nationale a rejeté, lors de l’examen du PLF pour 2022, un amendement de votre camarade Sabine Rubin visant à intégrer les engrais azotés dans l’assiette de la RPD, c’est parce que la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoyait déjà la mise en place d’une redevance sur l’usage des engrais azotés minéraux dans le cas où les objectifs du plan d’action ne seraient pas satisfaits. Contrairement à vous, nous privilégions la coopération à la sanction.

La bifurcation écologique est en bonne voie, avec un large soutien des pouvoirs publics. Je donne donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF115.

Amendement II-CF784 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Cet amendement a pour objet de créer une caisse de défaisance pour reprendre la dette agricole de celles et ceux qui s’engagent au travers d’un contrat de transition à passer au 100 % bio. Ce serait un moyen beaucoup plus intelligent de soutenir, par exemple, les filières du maraîchage et de l’arboriculture dont nous venons de parler. Elles pourraient, en passant au bio, bénéficier de prix bien supérieurs et stabilisés, tout en se désendettant. Or le taux d’endettement des exploitations agricoles, qui dépasse le niveau record de 40 %, voire de 80 % dans la filière porcine, est une des préoccupations principales de ce secteur.

Les exploitations pourraient ainsi s’engager dans une transition vers la filière bio, qui nous ferait nous rapprocher des objectifs fixés dans le cadre du Grenelle de l’environnement – 20 % des exploitations agricoles en bio en 2020, alors que nous n’en sommes qu’autour de 8 %, ce qui est d’ailleurs inférieur à la moyenne européenne.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. La dette bancaire, souvent couplée à une fuite en avant, est un sujet crucial pour les agriculteurs et les agricultrices, qui avait été identifié dès 2020 par notre ancien collègue Olivier Damaisin. Beaucoup de choses ont été décidées, comme le pacte de consolidation et de refinancement des exploitations, soutenu par Bpifrance, ou le dispositif « agridiff ». L’État et les collectivités ont été au rendez-vous de la crise sanitaire.

L’idée d’un allègement de la dette en contrepartie d’une bascule complète vers le bio est originale et intéressante car la conversion, avant de devenir rémunératrice, est coûteuse. Faut-il creuser cette piste ? Je le pense aussi, mais sans doute autour d’un texte de loi spécifique. En attendant, je vous invite à retirer cet amendement.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je le maintiens, mais je suis heureuse de l’intérêt que vous portez à cette proposition.

La commission rejette l’amendement II-CF784.

Amendements identiques II-CF15 de M. Dominique Potier et II-CF361 de Mme Marie Pochon.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement II-CF361 vise à créer un programme de soutien exceptionnel à la restauration collective pour faire face à la hausse des prix des produits alimentaires. L’inflation est particulièrement élevée dans la restauration collective, puisqu’elle s’élève à 10 % en moyenne selon le réseau Restau’Co. Nous proposons une aide d’urgence, économique, sociale et environnementale, de 566 millions d’euros.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Nous avons déjà parlé de la restauration collective, mais je profite de cet amendement pour rappeler que le bio n’est pas toujours plus cher que le conventionnel. Mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements II-CF15 et II-CF361.

Amendement II-CF116 de M. Guillaume Garot.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement II-CF116 est défendu.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF116.

Amendement II-CF798 de M. Michel Sala.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Nous souhaitons renforcer le budget de l’observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM). Son président, que nous avons auditionné, nous en a dit le besoin.

La loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (EGALIM 2) a confirmé l’importance du mandat de l’OFPM et lui a conféré de nouvelles prérogatives concernant la collecte d’informations issues des acteurs de la chaîne de valeur, du paysan au distributeur. Les paysans sont en danger, les éleveurs en particulier, et les tensions avec les industriels et les distributeurs s’enveniment.

Nous proposons de créer un nouveau programme, intitulé Développement des moyens d’action de l’OFPM, pour éviter les spéculations infondées et sans bénéfice pour les producteurs sur certains marchés secondaires, comme le grossissement des coûts de marketing.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Le Gouvernement et la majorité sont très attentifs à ces questions. Vous avez ainsi rappelé le renforcement des missions de l’OFPM dans le cadre des lois EGALIM et EGALIM 2.

J’ai lu dans les comptes rendus de séance de la législature précédente que, selon M. Prud’homme, qui est de votre groupe, cet observatoire n’aurait que 3 ETP. Je suis heureux de vous annoncer, ayant consulté son rapport de juin dernier, que ce nombre est en réalité de 4,5, sans compter une dizaine de chargés d’études économiques sectorielles, pour une partie de leur temps, et l’appui général de FranceAgriMer.

Par ailleurs, je suis d’avis que c’est au médiateur des relations commerciales agricoles et aux organisations de producteurs, plutôt qu’à OFPM, que nous devons apporter un soutien budgétaire renforcé en la matière. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF798.

Amendement II-CF595 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il vise à financer un dispositif de régulation des prix, tout au long de la filière, pour un panier de produits alimentaires de première nécessité qui comporterait au minimum cinq fruits et légumes de saison. Cette proposition, d’autant plus d’actualité compte tenu de la hausse des prix alimentaires, est inspirée par le bouclier qualité prix en vigueur dans les outre-mer, créé par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite Lurel. Celui-ci permet un encadrement négocié et permanent du prix d’un panier de produits de première nécessité, les citoyens et citoyennes étant associés à la négociation annuelle avec les organisations du commerce.

Nous proposons que les prix soient bloqués au coût de revient pour les paysannes et paysans, puis complétés par une marge définie pour chaque maillon de la chaîne. En tant que corapporteure du groupe de travail sur le suivi de l’inflation, je constate que certains acteurs de la grande distribution, en particulier des grandes centrales d’achat, réalisent des marges très confortables. Un tel dispositif permettrait de mieux réguler les prix payés aux producteurs et les prix payés par les consommateurs. Il protégerait les uns et les autres tout en réduisant les marges considérables réalisées par certains acteurs de la filière.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Le principe de la concurrence libre et non faussée, auquel vous êtes certes peu attachée, encadre très strictement les interventions de l’autorité publique dans la fixation des prix.

De deux choses l’une : soit votre amendement conduit à priver les agriculteurs de leur revenu, qu’ils pratiquent la vente directe ou que le plafonnement soit répercuté par la distribution, et alors je suis en désaccord absolu ; soit l’idée est que l’État accorde une compensation, auquel cas je crains fort que le coût dépasse largement 1 million d’euros.

Néanmoins, vous soulevez trois vraies questions, sur l’accès des Français à une alimentation de qualité, la répartition des marges commerciales, et la participation des citoyens. L’État fournit un effort avec les crédits des missions Agriculture et Plan de relance – j’en ai rappelé les montants. Par ailleurs, nous sommes tous profondément admiratifs du travail des associations caritatives en la matière. Mon avis est défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Je suis heureuse que vous saluiez le travail des organismes caritatifs. Toutefois, il y a trois jours, la commission des finances a repoussé un amendement demandant 10 malheureux millions d’euros pour compenser la hausse des frais d’énergie qu’ils subissent. Bien évidemment, nous le présenterons de nouveau en séance.

S’agissant du principe de la concurrence libre et non faussée, je rappelle qu’il existe déjà un dispositif analogue outre-mer. Cela prouve que quand on veut, on peut !

De très nombreuses études montrent que les objectifs de la loi EGALIM sont loin d’être atteints. Le dispositif que nous proposons permettrait d’y remédier. L’argument selon lequel il priverait les agriculteurs de leur revenu ne tient pas, puisqu’il vise précisément à fixer les prix payés aux producteurs à la hauteur de leurs coûts de production. Il s’agit donc de rémunérer correctement les producteurs, y compris ceux qui pratiquent la vente directe.

Pour couvrir les coûts de fonctionnement de ce dispositif, nous prévoyons effectivement 1 million d’euros.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. La loi EGALIM en est à sa première année d’application complète. Il faudra en dresser un bilan, pour déterminer ce qui fonctionne et ce qu’il convient de corriger.

La commission rejette l’amendement II-CF595.

Amendement II-CF814 de M. Michel Sala.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous voulons accroître les moyens accordés à l’action territoriale de la MSA et des commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CPHSCT) pour la santé et la sécurité des travailleurs agricoles, en particulier des saisonniers et précaires.

Les enquêtes de surveillance des risques professionnels montrent que les travailleurs agricoles sont soumis à des contraintes physiques particulières, de façon plus marquée en moyenne que dans les autres secteurs. Pour l’année 2016 – données les plus récentes – la MSA a recensé 55 700 accidents du travail pour les salariés et 21 000 pour les chefs d’exploitations, soit 12 % des accidents du travail enregistrés dans le pays.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je vous remercie d’aborder le sujet et partage entièrement vos préoccupations, mais les interventions publiques en la matière sont très majoritairement hors du budget de l’État.

En 2021, la MSA a traité plus de 62 000 dossiers au titre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles et a versé 1,3 milliard d’euros de prestations à 2,2 millions de personnes. Les caisses locales proposent des formations pour recenser et prévenir les risques.

Le premier alinéa de l’article L. 4622-6 du code du travail dispose que « les dépenses afférentes aux services de prévention et de santé au travail sont à la charge des employeurs ». Le PLF ne me semble tout simplement pas le vecteur le plus pertinent. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF814.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

M. Éric Girardin (RE). Le budget qui nous est présenté apparaît clairement comme un moteur sur la trajectoire agricole que nous prenons. Il sera conforté en 2023 par la loi d’orientation agricole voulue par le Président de la République.

Alors que les aléas climatiques compliquent l’activité agricole de manière de plus en plus récurrente, je tiens à souligner, au nom du groupe Renaissance, les moyens que nous consacrons au soutien du revenu des agriculteurs. J’insiste en outre sur l’augmentation considérable des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, de l’ordre de 30 %, du fait notamment de l’entrée en vigueur de l’assurance récolte et de la pérennisation du dispositif TO-DE, qui allège les coûts du travail en agriculture.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, de l’éclairage que vous avez apporté sur les services de remplacement, outil particulièrement intéressant et pertinent mais encore trop peu connu au sein du monde agricole. Votre rapport pour avis ouvre la voie à un travail important de développement et d’accompagnement de ce dispositif sur l’ensemble du territoire national.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance soutient l’avis budgétaire tel qu’il a été présenté par le rapporteur spécial.

M. Kévin Mauvieux (RN). Bien évidemment, nous ne pouvons pas voter contre ces crédits, mais, comme pour la plupart des missions, nous ne pouvons pas non plus valider les montants prévus et la politique menée. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous voterons contre ce budget, parce qu’il ne permet pas de relever les immenses défis que sont le maintien des exploitations et des emplois agricoles, aujourd’hui massivement détruits, la stabilisation des revenus des agriculteurs, frappés par la dérégulation des marchés, et la transition agroécologique.

Il n’y a pas d’augmentation nette des aides en faveur d’une agriculture plus autonome et plus économe qui crée davantage d’emplois et consomme moins de machines, d’engrais, de pesticides et de concentrés alimentaires. Il n’y a aucun crédit supplémentaire pour relocaliser notre alimentation – grâce aux circuits courts, aux marchés de producteurs ou encore aux cantines servant des produits bios et locaux.

Les moyens des opérateurs de l’État continuent à diminuer, de 12 %. Il y aura encore moins de techniciens et d’ingénieurs de l’État. Pour avoir été pendant vingt ans fonctionnaire au ministère de l’agriculture, j’ai pu en mesurer les effets. Compte tenu des réductions de postes successives, le ministère ne dispose pas des moyens que lui permettraient d’exercer convenablement ses missions.

Malheureusement, les deux principales augmentations de budget ne vont pas dans le bon sens. Elles portent sur les exonérations de cotisations sociales pour les saisonniers agricoles dont les salaires vont jusqu’à 1,2 fois le SMIC, qui constituent des trappes à pauvreté, et sur les subventions publiques aux assurances privées. L’argent public ira non pas vers les agriculteurs mais vers des assurances privées, qui plus est sans qu’aucune condition soit posée, ce qui aurait pourtant été la moindre des choses. Pour faire face à des risques sanitaires et climatiques de plus en plus importants, il faut de l’agroécologie et ce n’est pas prévu dans ce budget.

Mme Véronique Louwagie (LR). Selon nous, les transformations nécessaires doivent être mieux accompagnées. Ce qui nous est proposé manque d’ambition et se révèle insuffisant pour soutenir nos agriculteurs et les accompagner en matière de formation, de regroupement ou encore de transmission des exploitations agricoles. Il faudrait mener une réflexion approfondie sur ce dernier point. Pour toutes ces raisons, les députés Les Républicains s’abstiendront.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Le budget de la mission Agriculture connaît une très forte hausse, de près de 30 %, pour atteindre 3,8 milliards d’euros en AE et en CP. À ces crédits s’ajoutent 206 millions d’euros issus de la mission Plan de relance, des crédits européens et des crédits de la mission Investir pour la France de 2030. Le total dépasse les 24 milliards d’euros. Le Gouvernement et la majorité ont de l’ambition en matière d’agriculture : nous souhaitons retrouver la souveraineté agricole européenne en menant à bien la transition agroécologique.

Je m’arrête sur la gestion des crises et des aléas. Nous savons que le réchauffement climatique aura de nombreuses conséquences sur les cycles agricoles, en raison de la multiplication des épisodes climatiques extrêmes, notamment caniculaires. Au cours des quatre dernières années, nous avons beaucoup avancé en la matière. La loi relative à l’assurance récolte, en particulier, a créé un dispositif universel de couverture des risques, à trois étages, qui permet un partage du risque entre les agriculteurs, les entreprises d’assurance et l’État.

Nous voterons bien évidemment les crédits de la mission.

M. Philippe Naillet (SOC). Il faut objectivement reconnaître une augmentation du budget agricole, mais préciser tout de suite qu’elle est due en grande partie à la prise en compte de la réforme de l’assurance récolte, votée en début d’année. Notre groupe avait soutenu cette réforme mais regretté que ne soit pas étudiée la piste d’une mise à contribution de certains acteurs de l’aval, ni celle d’un fléchage des subventions vers une offre responsable et éthique.

Au demeurant, le regret que j’exprime ici au nom du groupe Socialistes et apparentés porte moins sur ce qui se trouve dans les lignes budgétaires que sur ce qui ne s’y trouve pas. On n’y trouve pas de moyens financiers et humains visant à assurer une véritable régulation du marché foncier agricole. On n’y trouve pas de mesures permettant de prendre en compte la crise énergétique actuelle, par exemple des crédits dédiés à la planification de la production d’énergie sur les terres agricoles ou à la réduction de l’usage des engrais azotés, très énergivores. On n’y trouve pas non plus grand-chose en matière de gestion de l’eau.

Enfin, après les événements climatiques de l’été dernier, nous nous demandons vraiment comment le Gouvernement a pu prévoir la suppression de 95 postes au sein de l’ONF !

À ce stade de la discussion, en raison de ces regrets et interrogations, notre groupe s’abstiendra lors du vote de ces crédits.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés votera ces crédits, car ils vont dans le sens de la restauration de la souveraineté alimentaire de notre pays. Le soutien aux filières agricoles est désormais une priorité : la France a été l’un des premiers acteurs de la définition de la nouvelle PAC, une future loi d’orientation agricole est annoncée et l’année 2023 sera marquée par l’entrée en vigueur du nouveau système d’assurance récolte, que nous tenons pour un outil révolutionnaire.

Je tiens à féliciter l’ancien ministre Stéphane Travert : les zones dites intermédiaires, qui vont de Strasbourg à la Charente-Maritime, sont enfin reconnues. Ces nombreux départements ont un potentiel agronomique moindre, notamment en raison de la qualité des sols.

Enfin, l’installation des jeunes agriculteurs est une des priorités de la majorité. En la matière, les dossiers seront instruits par les régions à partir de l’année prochaine. Je souhaite que le passage de relais entre l’État et les régions se passe bien.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le monde agricole est très contributeur aux émissions de gaz à effet de serre et aux pollutions de l’air, de l’eau et des sols. D’autre part, il reste coincé dans un modèle qui ne sécurise pas suffisamment les agriculteurs. Au regard des enjeux majeurs de la transition qu’il doit opérer, le projet de budget pour 2023 nous paraît insatisfaisant, car il ne comporte que des mesures d’urgence : on pose des rustines pour aider les ménages les plus précaires à se nourrir et pour aider les agriculteurs à se rémunérer malgré les pertes de production. Or l’urgence est à la transformation de l’agriculture française, notamment à un soutien accru au bio. Ce PLF le soutient un peu, mais il faut accélérer très nettement.

Par ailleurs, au regard des phénomènes climatiques extrêmes de ces derniers mois, les mesures de sauvetage ne suffisent plus. Il aurait fallu proposer pour 2023 un budget qui entraîne l’agriculture française dans une adaptation à ces phénomènes, qui seront de plus en plus fréquents, longs et violents.

Le groupe Écologiste votera contre ces crédits.

La commission adopte les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales modifiés.

Avant l’article 41

Amendements identiques II-CF402 de Mme Marie Pochon et II-CF637 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il vise à conditionner les aides publiques accordées aux propriétaires forestiers. Ainsi, ces aides devraient contribuer significativement à augmenter le puits de carbone, en particulier dans les sols forestiers, et à améliorer l’état de conservation des habitats forestiers.

Mme Sandrine Le Feur (RE). Il importe effectivement de conditionner les aides publiques aux propriétaires forestiers pour que leurs pratiques sylvicoles contribuent au respect des objectifs internationaux, européens et nationaux pris par la France en matière de biodiversité et de climat. Nous connaissons la place majeure des forêts et de leur gestion dans la lutte contre le réchauffement climatique. Je vous encourage à voter cet amendement, auquel le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a apporté son soutien.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement.

La commission rejette les amendements identiques II-CF402 et II-CF637.

Amendement II-CF403 de Mme Marie Pochon

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). N’étant pas conditionnées, les aides publiques aux propriétaires forestiers bénéficient aussi à ceux qui vendent leur bois au plus offrant, notamment pour l’exportation, ce qui pénalise l’atteinte des objectifs de plusieurs politiques publiques. L’amendement tend à subordonner ces aides à l’engagement d’utiliser ou de transformer le bois sur le marché de l’Union européenne.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Les dispositions en ce sens de la loi dite climat et résilience me semblent déjà effectives. Je vous invite à retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF403.

Amendement II-CF304 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie (LR). Il tend à solliciter du Gouvernement un rapport évaluant l’incidence des pertes de revenus forestiers pour les communes concernées. On estime que, dans la région Grand Est, 3,3 millions de mètres cubes de bois par an ont été déclassés ces dernières années, dont 1,8 million de bois d’épicéa. Les pertes de revenus sont considérables pour les communes, notamment pour les petites communes rurales, puisque les recettes liées à la forêt peuvent représenter jusqu’à 40 % de leur budget. Au cours de la précédente législature, de nombreux élus ont alerté maintes fois le Gouvernement sur cette situation préoccupante. Il est impératif de proposer des moyens pour aider ces communes. Il faut envisager de leur proposer des dotations pour faire face à cette situation.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je partage tout à fait votre préoccupation, mais cette question est plutôt du ressort de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la secrétaire d’État chargée de la ruralité. Je vous suggère de vous tourner vers elles.

La commission rejette l’amendement II-CF304.

Amendement II-CF91 de M. Dominique Potier.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je demande le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF91.

Amendement II-CF52 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Il vise à demander au Gouvernement un rapport sur les financements accordés par l’État aux projets de méthanisation agricole, qui fasse le point sur les dérives de la méthanisation.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Mon avis est favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF52 (amendement II-2411).

Article 29 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Amendement II-CF768 de Mme Aurélie Trouvé, amendements II-CF391 et II CF392 de M. Dominique Potier (discussion commune).

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’amendement II-CF768 vise à augmenter de 14 millions d’euros le financement des organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), parmi lesquels Terre de liens, le réseau des centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), Solidarité paysans, la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) et la Fédération nationale des coopératives d’utilisation de matériel agricole (FNCUMA).

Les ONVAR jouent un rôle très important pour la transition agroécologique, la relocalisation des activités agricoles et la promotion d’une agriculture plus économe et autonome. Ils permettent notamment de prévenir et de réduire l’endettement des exploitations. Ils favorisent un développement innovant, parfois alternatif à celui que proposent les chambres d’agriculture, mais travaillent en complémentarité avec celles-ci. Pour ce qui est du pâturage tournant, par exemple, ce sont bien souvent les ONVAR qui ont généralisé les pratiques et accompagné les agriculteurs.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement II-CF391 vise à assurer une distribution plus équitable entre les bénéficiaires du CAS-DAR en allouant 13 millions d’euros supplémentaires aux ONVAR. Le II-CF392 est un amendement de repli.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je demande le retrait de ces trois amendements.

La commission rejette successivement les amendements II-CF768, II-CF391 et II CF392.

Amendement II-CF104 de M. Dominique Potier.

M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit d’un amendement d’appel sur la nécessité de relever le plafond des recettes du CAS-DAR.

M. Pascal Lecamp, rapporteur spécial. Je vous suggère de le retirer au profit de l’amendement II-CF107 qui va venir, qui demande un rapport sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement II-CF104.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural non modifiés.

Après l’article 42

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF107 de M. Dominique Potier (amendement II-2408).


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du lundi 24 octobre 2022 à 14 heures

Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Frédéric Cabrolier, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, M. Luc Geismar, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Aurélie Trouvé

Excusé. - M. Jean-Paul Mattei

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Girardin, Mme Sandrine Le Feur, M. Philippe Naillet, Mme Liliana Tanguy, M. Stéphane Travert