Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 (sous réserve de son dépôt) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général)              2

  présences en réunion...........................18


Mercredi
2 novembre 2022

Séance de 13 heures

Compte rendu n° 23

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022.

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, venu nous présenter le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, adopté en Conseil des ministres ce matin.

Nous examinerons ce texte dans des conditions un peu particulières : il sera à l’ordre du jour de notre commission dès le samedi 5 novembre à neuf heures trente, avec un délai de dépôt des amendements fixé au jeudi 3 novembre à vingt et une heures. Il est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique le lundi 7 novembre à seize heures, avec un délai de dépôt des amendements fixé au samedi 5 novembre à dix-sept heures. Je regrette que nous ne disposions pas d’un temps plus long pour cet examen.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Le PLFR dit « de fin de gestion » est d’ordinaire un texte classique du calendrier budgétaire, qui permet de procéder aux ouvertures et aux annulations de crédits en fin d’exercice, mais il revêt cette année une importance toute particulière.

Ce texte traduit la volonté de prolonger et compléter les choix visant à aider notre pays à faire face à l’augmentation des prix de l’énergie, dans la continuité du paquet pouvoir d’achat présenté en juillet et largement enrichi par le travail parlementaire. Le premier PLFR ouvrait ainsi 44 milliards d’euros de crédits supplémentaires, dont 20 milliards consacrés à la protection du pouvoir d’achat.

Plus modeste dans ses ambitions budgétaires, le texte que nous vous présentons permet néanmoins d’assurer le financement de mesures de soutien concrètes pour le quotidien des Français, tout en procédant à des ajustements classiques dans une logique de fin de gestion. Comme le PLFR de juillet, ce texte traduit une volonté de protection, dans un contexte où la puissance publique a le devoir de répondre présente face à un niveau élevé d’inflation. Une large majorité doit pouvoir être rassemblée derrière cet objectif, et donc derrière ce texte.

Le principal défi consiste à aider l’économie française à résister face à la flambée des prix de l’énergie. La Première ministre l’a rappelé lors de sa conférence de presse jeudi dernier : l’année prochaine, les prix de l’électricité et du gaz seront dix fois supérieurs par rapport à 2020. C’est donc un choc majeur auquel le monde fait face. Dans cette situation, nous devons continuer à soutenir les ménages, comme nous le faisons depuis l’automne 2021, ainsi que les entreprises – nous avons annoncé à cet égard des mesures qui doivent leur permettre, quelle que soit leur taille, de mieux résister au choc énergétique, de manière à poursuivre les investissements et les embauches.

Ces mesures sont certes coûteuses pour les finances publiques, mais elles doivent permettre de consolider l’objectif de croissance, que nous avons fixé à 1 % pour l’année prochaine. On peut débattre de la pertinence de la prévision – vous me direz qu’elle est fragile, je vous répondrai qu’elle est au contraire solide et étayée –, mais le plus important n’est pas là. La croissance réalisée dépend non pas d’une controverse entre experts ou entre politiques, mais de la confiance que l’on est capable de créer et des réformes que l’on mène pour soutenir les entreprises et permettre au secteur économique de tenir bon.

Nous en avons été capables cette année : les derniers chiffres publiés par l’INSEE le montrent. Nous avons d’ores et déjà un acquis de croissance de 2,5 %. L’investissement des entreprises a augmenté de 2,3 % au dernier trimestre, après 0,8 % de hausse au deuxième. Notre économie résiste remarquablement, surtout en comparaison de certains de nos voisins. Il ne s’agit pas de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais lorsque des éléments positifs peuvent nous rendre optimistes, sachons le reconnaître et le souligner.

Le texte qui vous est présenté contribue donc à créer de la confiance parce qu’il montre que l’État continue à lutter sans relâche contre l’inflation et ses effets, dans la continuité de la loi de finances rectificative adoptée cet été.

Le 16 septembre, la Première ministre a annoncé, pour aider les Français à faire face à la hausse de leurs factures, l’octroi d’un chèque énergie exceptionnel à 12 millions de ménages, d’un montant de 200 euros pour ceux qui bénéficiaient déjà du chèque énergie et de 100 euros pour les ménages des troisième et quatrième déciles. Cette mesure trouve sa traduction dans le présent PLFR, pour un coût total de 1,5 milliard d’euros.

La loi de finances rectificative de cet été avait prévu un budget de 230 millions d’euros pour aider les ménages se chauffant au fioul. La disposition, introduite par voie d’amendement sur proposition du groupe LR, notamment, reflétait une préoccupation partagée par les députés MODEM, Horizons et Renaissance. Cette aide, dont le contenu a été défini en liaison avec l’ensemble des groupes politiques, se traduit également par l’attribution aux cinq premiers déciles d’une aide spécifique, d’un montant de 200 euros pour les ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie et de 100 euros pour les ménages des troisième à cinquième déciles. Cette aide sera versée à partir du 8 novembre.

La Première ministre a également annoncé une prolongation jusqu’à la mi-novembre de la ristourne de 30 centimes par litre d’essence pour tenir compte du blocage des raffineries et des difficultés d’approvisionnement dont pâtissent encore certains de nos compatriotes. Cette mesure représente un coût de l’ordre de 440 millions d’euros pour les finances publiques.

Si l’on additionne le chèque énergie exceptionnel et la prolongation de quinze jours de la ristourne, ce sont 1,9 milliard d’euros qui sont dédiés, dans ce PLFR, à l’accompagnement de nos concitoyens face à l’envolée des prix de l’énergie.

Entre le 15 novembre et le 31 décembre, la ristourne sur les carburants sera réduite à 10 centimes. Cela ne signifie pas pour autant que l’année 2023 sera marquée par un arrêt brutal du soutien apporté aux automobilistes. Nous devons continuer à soutenir ceux que l’on a appelés les « gros rouleurs » – je préfère, pour ma part, parler de « gros bosseurs » – c’est-à-dire les Français qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, qui subissent de plein fouet la flambée des prix de l’énergie et pour qui, si l’on ne fait rien, le coût supporté pour aller travailler finira par être plus élevé que le gain.

Le Président de la République a annoncé pour ces Français un dispositif spécifique, dont les modalités, qui seront précisées prochainement, devraient être assez proches de ce que nous avions envisagé en juillet avec l’indemnité carburant pour les travailleurs. Il s’agit d’établir un soutien plus ciblé en concentrant l’argent public sur celles et ceux qui en ont le plus besoin. Le « combien ça coûte », que je défends, n’a jamais voulu dire que nous allions laisser les Français à la merci de l’inflation. Simplement, dans un contexte où la France emprunte désormais à des taux situés entre 2,5 % et 3 %, il serait totalement déraisonnable de déverser l’argent public sans distinguer les situations et les niveaux de revenus.

Par ailleurs, dans les textes financiers adoptés cet été, vous avez relevé, pour l’année 2023, le plafond du chèque carburant défiscalisé que peuvent verser les entreprises pour couvrir les frais de ceux de leurs salariés pour qui la voiture est nécessaire pour aller travailler. Nous souhaitons que les entreprises qui le peuvent se saisissent de cet outil.

Les mesures contenues dans le PLFR contribueront donc à améliorer le quotidien de nos compatriotes.

C’est aussi un texte de soutien aux opérateurs de l’État, tels que les universités, les établissements de recherche et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), pour les aider à faire face à la hausse des prix de l’énergie. Nous avons prévu un fonds de 275 millions d’euros, immédiatement débloqué, au bénéfice des opérateurs du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ma collègue Sylvie Retailleau et moi-même savons que, face à l’envolée des prix de l’énergie, certaines universités sont tentées de privilégier l’enseignement à distance cet hiver dans le but de limiter leurs factures de chauffage et d’éclairage. Nous préférons des amphithéâtres remplis et éclairés, même si cela doit mobiliser de l’argent public.

Dans la même logique, le PLFR prévoit une ouverture de crédits destinée à compenser l’impact pour le ministère des armées du renchérissement des prix du pétrole et du carburant. Une enveloppe de 200 millions d’euros permettra ainsi de financer l’achat de carburant pour les armées en opérations extérieures.

Ce sont donc 2,5 milliards d’euros qui sont mis sur la table pour aider les Français et les opérateurs de l’État à faire face au choc énergétique. Toutefois, il ne s’agit pas seulement de parer à l’urgence : le PLFR procède aussi à des ajustements de fin de gestion, avec le souci permanent de tenir les comptes publics.

Les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons pour assurer de nouvelles dépenses – de l’ordre de 5 milliards d’euros – sont intégralement compensées par des annulations de crédits. En dehors des 2,5 milliards de dépenses exceptionnelles liées à la crise de l’énergie, nous vous présentons donc un texte d’équilibre budgétaire et qui traduit notre volonté de continuer la réduction des déficits.

La principale ouverture de crédits, à hauteur de 2 milliards d’euros, permet de soutenir la trésorerie de France compétences et de contribuer à l’objectif d’atteindre le plein emploi d’ici à la fin du quinquennat. La loi de finances rectificative votée cet été a ouvert 1,8 milliard d’euros de crédits pour France compétences et près de 750 millions d’euros pour les primes d’apprentissage. La politique de l’apprentissage est une formidable réussite : plus de 700 000 apprentis ont été formés cette année, contre moins de 300 000 en 2017, et nous visons le million d’apprentis au cours des prochaines années.

Un autre effort significatif concerne la mission Défense, à travers une ouverture de crédits de 1,1 milliard d’euros pour financer le soutien militaire à l’Ukraine.

Nous ouvrons également 450 millions d’euros de crédits pour prolonger le financement des mesures d’indemnisation des crises agricoles survenues cet été.

Si notre premier objectif est d’aider l’économie française à absorber le choc des coûts énergétiques, le deuxième est de tenir les comptes publics, conformément aux engagements pris devant les Français et vis-à-vis de nos partenaires européens. Hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l’énergie, nous vous présentons un texte sans ouvertures nettes.

Preuve de notre capacité à tenir les comptes, le solde budgétaire est en légère amélioration : il devrait s’établir en fin d’année à 4,9 %, soit 0,1 point de mieux que la prévision réalisée pour la dernière loi de finances rectificative. Cela s’explique par une réévaluation des recettes, lesquelles sont plus élevées que les nouvelles dépenses engagées par le PLFR, notamment grâce au dynamisme de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés – autres signes que notre économie résiste remarquablement en dépit du contexte.

Il s’agit non pas de s’adresser des satisfecit, mais de constater que notre pays, malgré les aléas, ne cède pas un pouce de terrain au laisser-aller budgétaire. Plutôt que d’une politique d’austérité, il s’agit d’une trajectoire de sérieux, que nous tiendrons en 2023 et les années suivantes afin d’assurer la stabilisation de la dette et le retour du déficit sous la barre des 3 % en 2027.

Nous pouvons nous rassembler autour de l’objectif consistant à protéger nos compatriotes – les étudiants, qui doivent continuer à aller à l’université ; les agriculteurs, qui sont confrontés aux aléas climatiques ; les armées en opérations extérieures –, comme nous pouvons nous rassembler autour de l’idée selon laquelle il importe de tenir les comptes publics.

M. le président Éric Coquerel. Il n’y a pas grand-chose à dire puisque le texte que vous nous présentez s’inscrit dans la continuité de la loi de finances rectificative votée cet été, sans contenir des éléments tels que ceux que je contestais fortement, comme la suppression de la contribution audiovisuelle.

La prolongation des crédits alloués au chèque énergie, l’aide aux universités, le soutien à l’Ukraine ou encore les mesures visant à faire face à la crise agricole sont peu contestables. Toutefois, je persiste à penser que les défauts inhérents à la loi de finances rectificative de cet été perdurent en arrière-plan de ce texte : les aides ponctuelles ne suffisent pas à compenser la baisse du pouvoir d’achat, laquelle s’amplifiera en 2023. Cela rejoint d’ailleurs le débat que nous avons autour du projet de loi de finances, notamment s’agissant de la taxation des superprofits : aucun de ces textes ne témoigne de la volonté d’aller chercher l’argent où il se trouve, à savoir dans les profits et dans les dividendes, qui atteignent des niveaux historiques.

Nous avons fait en sorte, il y a quelque temps, que les personnels médicaux relevant du ministère des armées bénéficient des revalorisations salariales découlant du Ségur. Je proposerai un amendement visant à ce qu’il en aille de même pour les personnels des centres de santé municipaux, qui en sont toujours privés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais tout d’abord souligner la justesse des prévisions qui avaient été faites. On nous a souvent accusés d’être optimistes, de dépasser le consensus en matière de projections. Or, document budgétaire après document budgétaire, nous confirmons la croissance de 2,7 % sur l’année 2022. L’économie française s’avère particulièrement résiliente.

En dépit des exhortations à augmenter les impôts pour accroître les recettes fiscales, nous avons choisi de baisser les taux et le rendement continue à augmenter, avec de bonnes surprises pour l’année 2022. Les recettes supplémentaires, associées aux moindres dépenses s’agissant des prélèvements sur recettes, représentent à peu près 7,4 milliards d’euros.

Je me réjouis du partage qui en a été fait : elles sont consacrées pour moitié au soutien des Français, le reste allant à la réduction du déficit public. Celui-ci passe de 5 % à 4,9 % ; il est important de garder le cap, pour atteindre l’objectif de passer sous 3 % en 2027. S’agissant des mesures de soutien, soulignons les dispositifs que vous avez détaillés, monsieur le ministre délégué : chèque énergie, aides aux agriculteurs, aux universités et à l’apprentissage, prolongation de la remise sur l’essence, ou encore renforcement de MaPrimeRénov’.

Plus d’un milliard d’euros de crédits sont ouverts en faveur des armées : pouvez-vous expliciter les fondements précis de ce choix ?

France compétences bénéficie de 2 milliards de crédits supplémentaires. Si nous nous accordons tous sur l’importance de l’apprentissage, on peut s’interroger quant à l’augmentation continue des coûts qui y sont associés. Il importe de contrôler ces coûts et de s’assurer que le pilotage des dispositifs est efficace. Quel est votre sentiment à ce propos ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons eu des débats relatifs au budget de France compétences dans le cadre du PLFR de cet été, qui prévoyait déjà une ouverture de crédits importante.

Nous avons tous à cœur de soutenir l’apprentissage. Il est bénéfique pour les jeunes, qui développent des compétences et des qualifications. Il l’est également pour les entreprises, qui forment des jeunes de manière à ce que ces derniers répondent à leurs besoins. Il l’est pour l’économie française, puisqu’ensuite ces jeunes trouvent du travail.

France compétences est un opérateur majeur au service de cette politique. Toutefois, le besoin de financements complémentaires est structurel. La preuve en est que nous avons ouvert des crédits cet été et que nous devons recommencer. France compétences doit donc s’engager dans une logique d’économies, ce qui est d’ailleurs prévu : une baisse de 10 % des coûts liés à la prise en charge des contrats doit avoir lieu au titre des années 2022 et 2023, ce qui représente 800 millions d’économies.

D’autres leviers d’économies sont possibles. Vous aurez l’occasion d’en débattre lors de l’examen de la mission Travail et emploi, en seconde partie du PLF. Un amendement du Gouvernement, notamment, vise à réaliser 800 millions d’euros d’économies supplémentaires, de manière à rendre plus soutenable la trajectoire financière de France compétences.

S’agissant du ministère des armées, 398 millions d’euros de crédits mis en réserve sont annulés, dont 20 millions au titre de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, compte tenu de moindres besoins concernant les dispositifs de dettes viagères. De l’autre côté, 1,45 milliard d’euros de crédits sont ouverts. Il s’agit de financer le fonds spécial permettant au gouvernement ukrainien d’acquérir des équipements de défense et de sécurité, conformément aux annonces du Président de la République ; l’acquisition par la direction générale de l’armement de munitions pour les forces françaises ; la mise en cohérence des moyens des forces armées avec le contexte géostratégique ; la hausse du prix des carburants opérationnels, conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi de programmation militaire, à hauteur de 200 millions d’euros.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs de groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Alors que nous connaissons un contexte absolument inédit, le PLFR s’inscrit dans la droite ligne des textes présentés depuis 2018, conformément à l’exercice de sincérisation qu’a rappelé le rapporteur général. Cela permet de se concentrer sur ce qui constitue l’objet principal des textes de ce type, à savoir la présentation de la fin de gestion financière de l’année en cours. À cet égard, le texte préfigure les lois de fin de gestion, nouvelle catégorie créée par Éric Woerth et Laurent Saint-Martin dans le cadre de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

On ne peut que se réjouir collectivement de cette avancée : les lois de finances de fin d’année ont trop souvent été considérées comme des sessions de rattrapage du projet de loi de finances. Or ce n’est pas la seconde mi-temps du PLF qui se joue : le texte est centré sur les ouvertures et annulations de crédits nécessaires en cette fin d’année et auxquelles nous pouvons toutes et tous nous rallier pour continuer à protéger nos compatriotes dans le contexte actuel.

On ne peut également que se réjouir des bonnes nouvelles que contient ce texte en matière de finances publiques, avec une dette en diminution de 1,3 point et un déficit en baisse de 1,6 point. Ces résultats s’expliquent par l’amélioration des recettes, notamment des plus-values mobilières – ce qui démontre que la baisse des impôts, en particulier celle des impôts sur le capital, favorise l’augmentation des recettes, comme l’a prouvé France Stratégie –, mais aussi par la diminution des dépenses : 900 millions d’euros de moins que les prévisions de la loi de finances initiale (LFI). Grâce à ces efforts, le Gouvernement peut poursuivre son soutien aux ménages et aux entreprises face à l’inflation.

Je salue également le fait que l’ensemble des annulations concerne des crédits préalablement mis en réserve ou n’ayant pas vocation à être consommés.

Ma question, en tant que rapporteur spécial, concerne l’exécution des crédits des programmes 104 Intégration et accès à la nationalité française, et 303 Immigration et asile. Si une dépense était imprévisible, c’est bien celle en faveur des protégés temporaires ukrainiens. Un décret d’avance ouvrant 300 millions d’euros a été ratifié en milieu d’année, mais il reste environ 280 millions d’euros à financer pour assurer la totalité de cette dépense. Comment comptez-vous ouvrir ces crédits à travers le PLFR ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je déplore la façon dont est traité le Parlement : le PLFR nous a été envoyé dans la nuit. Comment voulez-vous que nous nous exprimions de façon pertinente ? Un tel mode de fonctionnement est indigne d’une démocratie parlementaire normale. Alors même que le Gouvernement est en minorité, les oppositions doivent disposer de délais suffisants pour faire leur travail correctement.

Sur le fond, vous ne pouvez pas corréler l’augmentation des recettes à votre politique fiscale. Les recettes issues de l’impôt sur les sociétés augmentent dans toutes les démocraties occidentales, dans un contexte d’inflation et de spéculation : les surprofits entraînent mécaniquement et proportionnellement une augmentation des recettes fiscales.

Par ailleurs, le PLFR aurait dû être l’occasion d’une discussion sur le pouvoir d’achat. La fin de la ristourne sur les carburants est une illusion : vous ne savez pas comment sortir de ce dispositif, que vous allez, je l’espère, prolonger. Or aucune disposition financière n’existe pour anticiper cette prolongation.

Du reste, il aurait fallu parler de la manière dont cette ristourne est répercutée sur le terrain. Les retours que j’en ai me conduisent à penser que la remise n’est pas appliquée dans son intégralité ni dans toutes les stations-service.

Enfin, vous faites une fois de plus l’impasse sur certaines mesures nécessaires : rien n’est prévu concernant le chauffage au bois et au fioul. Plus grave, le chèque alimentation que le Gouvernement s’était engagé à créer semble avoir disparu. Que comptez-vous faire pour aider les personnes ayant du mal à s’alimenter et à nourrir leurs enfants ?

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Ce nouveau PLFR, dans la droite ligne de celui de cet été et dans l’esprit du PLF, bricolé dans l’urgence, est la preuve que votre politique est inefficace. En refusant des hausses de revenus pérennes, auxquelles vous préférez un saupoudrage ponctuel, à coups de petits chèques inefficaces, dérisoires et provisoires, ainsi que d’aides soumises à conditions, parfois financées au détriment de la protection sociale, vous n’apportez aucune solution concrète pour protéger les Françaises et les Français des ravages de l’inflation.

Faute d’un nombre suffisant d’opérations de rénovation thermique et d’un blocage des prix, les mesures que vous prenez dans ce domaine ne sont que des pansements sur une jambe de bois. La rénovation reste trop chère pour les plus pauvres. Le rapport de l’Institut de l’économie pour le climat de février 2022 estime que les aides ponctuelles ne permettent pas de rendre économiquement viables les rénovations globales, dont le reste à charge est généralement prohibitif et conduit les ménages à abandonner le projet avant même d’envisager de contracter un emprunt. Résultat, l’an dernier, seuls 2 500 logements sont sortis du statut de passoire thermique. À ce rythme, il faudrait deux millénaires pour rénover l’ensemble des logements concernés.

Les rémunérations augmentent moins vite que l’inflation : la hausse moyenne des prix est supérieure d’environ trois points à celle des salaires, ce qui se traduit par un incroyable transfert de richesse des salariés vers les profits. Qui plus est, derrière cette moyenne, se cachent des disparités qui frappent plus particulièrement les ménages les plus pauvres, contraints de consacrer une part importante de leurs dépenses aux produits les plus touchés par l’inflation, comme l’énergie ou l’alimentation – le prix des produits alimentaires s’est envolé : 11,8 % de plus en octobre.

Le pouvoir d’achat des ménages, quant à lui, est en chute libre : il connaît sa baisse la plus forte depuis quarante ans, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Mais ce n’est pas la crise pour tout le monde : les grandes entreprises et les actionnaires continuent à se gaver, et vous vous entêtez à refuser toute taxation des superprofits et à poursuivre vos cadeaux fiscaux pour les plus riches. Cette politique rend tout simplement impossible une véritable redistribution des richesses et les inégalités explosent.

L’OFCE estime que le pouvoir d’achat va continuer de se dégrader en 2023. Contrairement à Bercy qui prévoit une hausse de 0,9 % du pouvoir d’achat l’an prochain, l’OFCE anticipe une baisse de 0,8 % du pouvoir d’achat par unité de consommation.

Ce PLFR, comme celui que vous aviez présenté cet été, n’est tout simplement pas à la hauteur de la crise et de la souffrance sociale.

Mme Véronique Louwagie (LR). La France a la chance d’avoir des recettes dynamiques : le gain est supérieur à 30 milliards d’euros par rapport à la LFI. Nous ne sommes pas le seul pays à connaître cette tendance : les recettes de l’Allemagne sont nettement plus dynamiques encore.

On ne peut que s’en réjouir, car c’est une bonne nouvelle, mais les résultats ne sont pas aussi positifs en matière de dépenses. Le Haut Conseil des finances publiques constate ainsi une hausse de certaines dépenses non directement liées à la crise. Il observe également que l’amélioration du solde public – le déficit passe de 5 % à 4,9 % – résulte du dynamisme des recettes et non d’un effort de maîtrise des dépenses publiques, ce que nous ne pouvons que regretter. De même, la baisse du ratio de la dette publique par rapport au PIB est due non pas à la maîtrise des dépenses mais à la croissance économique.

En revanche, il convient de saluer le soutien aux ménages et aux entreprises, qu’il s’agisse du chèque énergie exceptionnel, de la prolongation de la remise de 30 centimes ou de l’aide apportée aux universités.

Les articles 7 et 8 font apparaître une augmentation importante des équivalents temps pleins (ETP) : 907 au titre des emplois de l’État et 174 au titre des opérateurs. On peut s’étonner d’une telle évolution à un mois de la fin de l’exercice.

Les émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats, s’élèvent à 260 milliards d’euros. Quel est le taux d’intérêt associé ?

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je me réjouis de l’amélioration du solde public prévue dans le PLFR, et ce en dépit des nouvelles dépenses, que nous soutenons, visant, d’une part, à accompagner les Français face à la hausse des prix, notamment ceux de l’énergie, et, d’autre part, à renforcer le flanc oriental de l’Otan. Je vous suis également reconnaissant pour tout ce qui a été fait en faveur de l’apprentissage.

Les députés démocrates soutiennent donc ce PLFR de fin de gestion.

Le Gouvernement a annoncé en septembre que quatre ménages sur dix bénéficieraient d’un chèque énergie exceptionnel, en complément des dispositifs existants. Le nombre de ménages concernés est nettement supérieur à celui des bénéficiaires du chèque énergie traditionnel. Comment comptez-vous cibler ces ménages ? Quels seront le calendrier et les modalités de versement ? L’Agence de services et de paiement (ASP) en sera-t-elle chargée ? Ne faudrait-il pas faire varier le montant en fonction des énergies ? Comment ce chèque exceptionnel coexistera-t-il avec l’aide pour les ménages se chauffant au fioul que nous avons votée cet été ?

M. Mickaël Bouloux (SOC). Vous nous proposez un deuxième PLFR qui contient certaines dispositions utiles, qu’il convient de relever, même si elles sont ponctuelles et font apparaître des manques flagrants, comme dans le domaine alimentaire.

Le PLFR permet le déploiement de mesures de protection face à la hausse des prix de l’énergie : chèque énergie exceptionnel, soutien aux universités, aux opérateurs de recherche et aux CROUS. Il prévoit également la prise en charge des aides aux agriculteurs face aux calamités agricoles, le remboursement des dispositifs de formation – notamment en ce qui concerne l’apprentissage – et le financement des opérations extérieures de la France. Toutes ces dispositions sont utiles.

Cependant, des précisions seraient utiles s’agissant de certaines avancées que vous semblez concéder.

Ainsi, le coût du premier chèque énergie exceptionnel est estimé à 1,8 milliard, mais la budgétisation de 2 milliards en autorisations d’engagement (AE) et 1,5 milliard seulement en crédits de paiement (CP) sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines laisse présager un déploiement en plusieurs temps, dont une partie en 2023. Est-ce bien le cas ? Pouvez-vous préciser le calendrier de déploiement ?

Le second chèque énergie exceptionnel correspond à une budgétisation de 230 millions d’euros d’aide aux ménages se chauffant au fioul, adoptée lors de la loi de finances rectificative de juillet dernier. Quelles seront les conditions pour être éligible ? Y aura-t-il des contrôles ? Par ailleurs, quelles mesures sont prévues pour aider ces foyers à adopter aussi rapidement que possible un mode de chauffage plus vertueux écologiquement et économiquement ?

Au détour de la page 55, jusqu’à 6 millions d’euros sont prévus pour une campagne de communication sur la fin de la redevance audiovisuelle. Cette campagne mentionnera-t-elle le risque que fait peser cette décision sur le financement et l’indépendance de l’audiovisuel public ? Il y a mieux à faire avec les deniers de l’État que de dépenser en campagnes de communication pour une mesure que vous avez défendue en dépit du désaccord d’une grande partie de l’Assemblée.

En tant que rapporteur spécial de la mission Recherche et enseignement supérieur, je me réjouis que les surcoûts énergétiques subis par les unités de recherche soient abondés de 152 millions d’euros, mais encore faudrait-il préciser qu’elles y auront droit, car vous avez surtout parlé des universités.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je n’aurai pas de remarque particulière concernant les ouvertures de crédits, dont une partie nous semble nécessaire. Je pense notamment à l’élargissement du chèque énergie, qui constitue la meilleure façon d’accompagner les ménages face à la flambée des prix de l’énergie, puisque cette mesure cible davantage les ménages modestes et décourage le financement des consommations superflues des plus riches. Les crédits supplémentaires pour les universités sont également bienvenus : il faut aider ces établissements à faire face à l’augmentation de leurs factures énergétiques et à assurer la continuité des cours.

Je regrette cependant que ces mesures d’urgence ne soient pas accompagnées de dispositions structurelles, que ce soit dans le PLFR ou dans le PLF pour 2023. Une telle démarche est pourtant nécessaire pour réduire durablement la consommation d’énergie. Je pense à la rénovation thermique des logements et des bâtiments publics, ainsi qu’à des mesures en matière de transports, qui permettraient de développer des solutions alternatives aux véhicules individuels.

Nous constatons 36 millions d’annulations de crédits de paiement pour les infrastructures de transports, 40 millions pour l’enseignement scolaire et 63 millions sur le programme Vie étudiante de la mission Enseignement supérieur. Quelles seront les conséquences de ces annulations ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Tout d’abord, la manière dont est traité le Parlement pose problème. Recevoir un PLFR à vingt-deux heures quarante et un, sous embargo, le mardi, auditionner le ministre le mercredi à treize heures, produire les amendements, traiter le texte le samedi en commission pour qu’il passe en séance le lundi : tout cela n’est ni très sérieux ni très respectueux du Parlement.

Sur le fond, ce PLFR, qui procède à des ajustements de crédits, n’emporte pas de remarques extrêmement importantes. Il soulève toutefois quelques questions – d’abord, quant à la ligne suivie, qui est la même que celle du PLF et du premier PLFR pour 2022. Ensuite, et puisque vous vous êtes targué d’une augmentation des crédits en faveur de l’apprentissage, il ne faudrait pas que ce choix nuise aux lycées professionnels. Il serait déplorable que la réforme des lycées professionnels vienne démontrer que l’apprentissage est préférable à la formation initiale.

Concernant le chèque énergie, quelle est la répartition prévue pour le programme 174 ? Le texte prévoit 2 milliards en autorisations d’engagement et 1,5 milliard seulement en crédits de paiement, alors que Bruno Le Maire avait dit que 1,8 milliard d’euros étaient nécessaires. De plus, l’augmentation de MaPrimeRénov’ figure dans la même enveloppe. Dès lors que nous avons voté 7 milliards d’euros supplémentaires pour ce programme en 2023, il paraît légitime de supprimer l’augmentation que vous avez prévue pour 2022.

Vous vous targuez d’une augmentation de plus de 2 milliards des recettes de l’impôt sur le revenu. Toutefois, les tranches du barème n’avaient été relevées que de 1,4 % en 2022, avec une inflation à 6 %. En outre, la revalorisation des pensions et des salaires, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), a produit une augmentation mécanique des recettes fiscales.

Enfin, concernant l’article 10, avez-vous les premiers retours des demandes d’acompte au titre du filet de sécurité pour le bloc communal ?

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Si un projet de loi de finances rectificative est un classique des travaux parlementaires, le texte qui nous réunit, dévoilé au dernier moment, n’est pas sans nous interpeller collectivement. Cela dit, je me concentrerai plutôt sur le fond que sur la forme.

À grand renfort de communication, vous allez certainement nous rebattre les oreilles avec la France championne des prélèvements obligatoires et les résultats satisfaisants obtenus par rapport aux prévisions de mi-année – les éléments de langage sont désormais bien rodés.

Vous inscrivez ce second PLFR dans la continuité du paquet pouvoir d’achat voté cet été. Il inclut un chèque énergie exceptionnel, une prolongation de la ristourne à la pompe et des crédits supplémentaires pour soutenir les universités. Si j’étais ironique, je dirais que ces mesures correctives viennent corroborer les arguments déployés par les oppositions depuis plusieurs semaines à l’appui des amendements que vous rejetez. Mais mieux vaut être entendu tardivement que pas du tout.

Le chèque énergie constitue un pis-aller compte tenu d’une urgence sociale et environnementale absolue. Vous faites le choix d’aider les Françaises et les Français les plus modestes. L’estimation fait état de 12 millions de ménages bénéficiaires, alors qu’il y en a bien plus en train de se paupériser. Pensez-vous étendre durablement le nombre de bénéficiaires potentiels, rehausser la valeur faciale du chèque énergie, voire moduler celui-ci en fonction des zones climatiques ?

Ne pensez-vous pas que le fait de limiter ces politiques d’intervention devrait vous pousser à accepter, pour 2023, un grand plan de rénovation énergétique ?

La ristourne à la pompe constitue une mesure indifférenciée. Les impôts qui grèvent le plus le budget des ménages appartenant aux catégories populaires et aux classes moyennes sont ceux qui pèsent sur la consommation – ce sont ce que j’appellerai des prélèvements de la vie quotidienne.

Mon groupe est tout de même satisfait de voir le budget de France compétences abondé de 2 milliards supplémentaires.

Si gérer un pays exige une capacité d’adaptation continue, la vision à long terme doit rester la qualité première. Nous espérons que vous ne l’oublierez pas dans les prochains collectifs budgétaires.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Lefèvre, concernant l’accueil des réfugiés ukrainiens, seuls 19,5 millions d’euros sont ouverts dans le PLFR, financés par l’annulation de 19 millions d’euros de crédits sous-consommés par ailleurs. En tenant compte des décrets d’avance et des précédents textes budgétaires, cet objectif a bénéficié au total, en 2022, de plus de 300 millions d’euros.

Monsieur Tanguy, vous dites que les recettes n’augmentent au titre de l’impôt sur les sociétés que du fait de l’inflation, comme par une espèce de magie. Je réponds que non.

Vous faites une comparaison avec l’Allemagne. Or la France a retrouvé plus vite son niveau d’activité d’avant-crise – nous sommes même le premier pays de la zone euro à l’avoir fait, six mois avant ce que nous avions prévu. Cela est dû au plan de relance, évidemment, mais surtout à la formidable mobilisation, au dynamisme, au travail acharné de tous les entrepreneurs et de tous les salariés qui se lèvent le matin pour faire tourner l’économie française. Les recettes importantes s’expliquent aussi par le regain de l’activité économique. Nous pouvons nous en réjouir collectivement, par-delà les clivages idéologiques, sans chercher à expliquer que cela est dû au hasard, ou à prétendre que ce n’est que le fait du Gouvernement.

Vous dites que nous ne savons pas comment faire après la ristourne. J’ai rappelé ce qui est prévu : le dispositif, prolongé jusqu’à la fin de l’année, va passer à 10 centimes. Nous avions indiqué dès le départ que la sortie serait progressive.

Surtout, le Président de la République a annoncé un dispositif ciblé sur les gros rouleurs, que j’appelle les « gros bosseurs », qui ont besoin de leur véhicule pour aller travailler. Cette aide sera versée au début de l’année 2023. Nous avions prévu dans le PLF pour 2023 une enveloppe destinée à financer une mesure de pouvoir d’achat liée au carburant, ciblée sur les Français qui travaillent et qui ont besoin de leur voiture. Elle pourra donc être activée en début d’année.

Les modalités en seront précisées dans les prochaines semaines, mais elles devraient être proches de ce qui avait été prévu dans le cadre de l’indemnité carburant pour les travailleurs, que nous avions présentée l’été dernier et qui avait finalement été retirée au profit d’un renforcement de la ristourne. Ce dispositif a le mérite d’être prêt. Il repose sur un guichet unique, qui m’avait été présenté par la direction générale des finances publiques (DGFiP). L’idée est simple : vous renseignez votre numéro de télédéclarant, votre numéro de carte grise et les fichiers sont croisés. Dès lors que vous avez des revenus d’activité et qu’ils se situent à un niveau ouvrant droit à la prime, celle-ci est versée quelques jours plus tard sur votre compte bancaire. Il s’agit d’un véritable dispositif de soutien aux classes moyennes qui travaillent.

Vous dites que rien n’est prévu pour le fioul. Or une enveloppe de 230 millions d’euros a été votée. Notre responsabilité est de mettre en place le dispositif. La prime sera disponible à partir de mardi prochain pour 1,6 million de ménages en France qui se chauffent au fioul. Une partie d’entre eux sont des bénéficiaires du chèque énergie en 2022 ; ils recevront automatiquement le chèque exceptionnel de 200 euros. Les Français qui se chauffent au fioul, qui sont éligibles à l’aide mais pas au chèque énergie pourront quant à eux recevoir, selon leurs revenus, une aide de 100 à 200 euros. Un portail dédié sera accessible mardi prochain. Les parlementaires et l’ensemble des élus devraient relayer l’information pour que les Français concernés puissent faire leur demande.

Vous dites que rien n’est fait en faveur de l’alimentation. Or, pour l’année 2022, nous avons créé un dispositif de soutien spécifique destiné à faire face à l’inflation des prix : l’aide exceptionnelle de rentrée, d’un montant de 100 euros par adulte et 50 euros par enfant, a été versée à plus de 8 millions de foyers, ce qui représente 15 millions de bénéficiaires. Il s’agissait de soutenir l’accès à une alimentation bio, de qualité, en circuit court. Le Parlement a voté cet été un milliard d’euros de crédits qui ont permis de verser cette aide.

S’agissant du chèque alimentaire, les travaux se poursuivent. Pour l’instant, sur le plan technique, nous n’avons pas trouvé de dispositif permettant d’atteindre les objectifs que j’évoquais, mais nous sommes ouverts à toutes les contributions des parlementaires sur le sujet.

Madame Leduc, vous nous reprochez de ne pas taxer les superprofits, mais c’est précisément ce que prévoit de faire le PLF pour 2023 : les superprofits réalisés dans le secteur de l’énergie, les rentes indues constituées par les énergéticiens – qu’ils interviennent dans le secteur des énergies renouvelables ou dans celui des énergies fossiles – grâce à l’inflation des prix de l’énergie seront captés. Cet été, quand nous avons annoncé que nous travaillions à un mécanisme européen sur la question, de nombreux élus d’opposition ont rétorqué que ce n’était qu’une manœuvre dilatoire. Or nous avons bel et bien trouvé un mécanisme européen et il est transcrit dans le PLF par la voie d’amendements gouvernementaux. Entre le mécanisme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et le nouveau dispositif, plusieurs dizaines de milliards d’euros de superprofits sont captés auprès des énergéticiens. Cela permet de financer le bouclier tarifaire pour les Français, dont le coût passe ainsi de 45 milliards à 16 milliards d’euros.

Vous proposez pour votre part de taxer l’ensemble des grandes entreprises qui réalisent des profits, indépendamment de tout rapport avec l’inflation et quel que soit le secteur. Ce n’est pas notre position. Nous défendons une forme de cohérence et de stabilité en matière de fiscalité, qui nous a d’ailleurs permis de redevenir le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers et de créer des emplois.

Vous dites que le texte n’est pas à la hauteur. Nous aurons un débat sur les mesures que vous proposez. Certes, selon ses convictions, on peut considérer qu’un texte ne va pas assez loin, mais j’espère que vous soutiendrez celui-ci, car il vise à soutenir le pouvoir d’achat des Français ayant du mal à payer leurs factures d’électricité ou de gaz ; à aider les agriculteurs confrontés à des catastrophes naturelles ; à financer les CROUS et les universités pour leur permettre d’accueillir les étudiants cet hiver dans des bâtiments chauffés et éclairés ; à mettre du carburant dans les véhicules des forces armées qui interviennent en opération extérieure. Si nous cherchons tous à soutenir les Français et à être constructifs, nous pouvons nous retrouver autour de ces objectifs. J’ai noté que le président de la commission des finances voyait dans ce texte moins d’éléments irritants que dans le paquet pouvoir d’achat de cet été, dont certaines mesures cristallisaient l’opposition – notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, la monétisation des RTT et la suppression de la redevance audiovisuelle.

Madame Louwagie, je n’ai pas compris si vous m’interrogiez sur le taux d’exécution du programme d’émission de dette ou sur le taux auquel nous empruntons.

Le taux d’exécution du programme de financement, net des rachats, s’établit à 91,5 %, soit 260 milliards d’euros. L’exécution est comparable à l’année dernière et nous sommes en avance par rapport aux années précédentes.

Le taux à dix ans s’élevait en début de semaine à 2,6 %. Depuis cet été, les taux sont très volatils : on est passé de 1,4 % à 3 %. Quoi qu’il en soit, le taux actuel est cohérent avec la prévision du Gouvernement, sous-jacente au texte budgétaire de l’automne, qui est de 2,5 % en fin d’année.

Le texte prévoit 907 ETP supplémentaires. Cette hausse est due pour l’essentiel au relèvement du plafond d’emplois du ministère de la justice, pour pérenniser le renforcement des moyens en matière de lutte contre les violences intrafamiliales, le reste étant affecté au volet civil de la justice de proximité. L’une de nos priorités est en effet de réarmer le ministère de la justice : 8 500 créations de postes sont prévues au cours des cinq prochaines années.

Pour ce qui est des opérateurs de l’État, les relèvements de plafonds bénéficient principalement à l’Agence de la transition écologique (Ademe), pour la soutenir dans la mise en œuvre du plan France 2030 et d’un certain nombre de dispositifs tels que le fonds chaleur, qui suscite des appels à projet importants. La dynamique concerne également les agences régionales de santé (ARS) : à la suite de l’affaire Orpéa, nous avons décidé de renforcer massivement les contrôles dans les EHPAD.

Monsieur Laqhila, conformément à l’annonce de la Première ministre, nous allons verser un chèque énergie exceptionnel qui concernera 12 millions de ménages, c’est-à-dire un nombre de bénéficiaires deux fois supérieur à celui du chèque énergie classique, lequel permet aux 20 % de ménages les plus modestes, soit 5,8 millions, de payer leurs factures d’énergie. Le chèque exceptionnel, d’un montant de 100 à 200 euros, sera versé automatiquement courant décembre aux 40 % de ménages les plus modestes. Il n’est donc pas nécessaire d’engager des démarches particulières. Je salue à ce titre le travail remarquable de l’Agence de services et de paiement de l’État (ASP), qui nous permettra d’adresser ce chèque énergie aux Français qui y ont droit.

Madame Sas, les annulations de crédits mis en réserve, s’agissant de l’enseignement supérieur, s’élèvent à un peu plus de 124 millions d’euros, mais nous avons ouvert 151,7 millions d’euros de nouveaux crédits, destinés notamment à financer un fonds exceptionnel de soutien pour les opérateurs qui se trouveraient en difficulté du fait des prix de l’énergie. Sur cette somme, 23 millions d’euros sont affectés au prolongement des contrats doctoraux et 7 millions d’euros consacrés à une avance pour le projet immobilier de l’université Paris-Est Créteil (Upec).

Monsieur Sansu, mon souhait est que les parlementaires puissent travailler le plus en amont et le mieux possible. L’élaboration d’un PLFR de fin d’exercice s’inscrit toujours dans des délais très restreints, puisque par définition son examen doit avoir lieu le plus tard possible dans l’année, pour correspondre autant que faire se peut à la réalité de la fin de l’exécution budgétaire. Nous avons fait le choix d’adresser dès hier, c’est-à-dire avant même sa présentation en Conseil des ministres, l’avant-projet de loi à l’ensemble des parlementaires. Peut-être était-ce un peu tardif, mais il y a une amélioration par rapport à la précédente législature : même le rapporteur général découvrait le texte en même temps que le reste des parlementaires, c’est-à-dire au moment de l’audition… Je ne dis pas que c’est parfait, mais j’essaie de faire mieux.

Le filet de sécurité pour les collectivités locales face à l’augmentation des prix de l’énergie a été voté à l’unanimité l’été dernier, pour un montant de 430 millions d’euros. J’ai demandé à la DGFiP et aux directions départementales des finances publiques (DDFiP), non pas d’attendre que les collectivités se manifestent, mais d’identifier celles qui sont les plus fragilisées pour leur faire connaître le dispositif. Le vendredi 28 octobre, 8 000 contacts avaient ainsi été pris par les DDFiP, 710 communes avaient formulé une demande et, pour les deux tiers d’entre elles, l’acompte était en voie de versement. J’ai demandé à mon cabinet de faire le point chaque semaine, de sorte que chaque parlementaire – de la majorité comme de l’opposition – reçoive un mail contenant la liste des communes de sa circonscription dont la demande d’acompte est acceptée. Dans la mesure où le dispositif a été coconstruit par l’ensemble des parlementaires et voté à l’unanimité, il est normal que vous ayez accès à l’information concernant sa mise en œuvre.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Thomas Cazenave (RE). Un dispositif exceptionnel de 275 millions d’euros est proposé pour les universités. Lors des débats relatifs au PLF pour 2023, j’avais indiqué à ceux de mes collègues qui voulaient déposer des amendements qu’un mécanisme était en cours d’élaboration. Celui que vous proposez sera-t-il immédiatement mobilisable par les universités ?

Mme Constance Le Grip (RE). Je salue ce PLFR qui prolonge les dispositions de soutien et en institue d’autres pour les ménages, les entreprises, les agriculteurs et les universités. Quels opérateurs du ministère de la culture seront concernés par les mécanismes de soutien et quelles en seront les modalités ?

M. Daniel Labaronne (RE). Le taux de défaut pour le remboursement des prêts garantis par l’État est en diminution. Des économies ont donc été réalisées sur les impayés. Pouvez-vous faire un point d’étape sur ce dispositif dont chacun reconnaît la simplicité, l’efficacité et la rapidité de mise en œuvre ?

M. Louis Margueritte (RE). France compétences recevra 2 milliards d’euros de crédits supplémentaires. Quels sont les secteurs d’activité qui en bénéficieront ? Pouvez-vous dresser un bilan rapide du dispositif de formation proposé par l’opérateur depuis sa création en 2019 ?

M. Fabien Di Filippo (LR). On y voit désormais clair : à la fin de l’année, la dépense publique battra un nouveau record : 57,6 % du PIB. Les prélèvements obligatoires augmenteront quant à eux de près de 1 % par rapport à l’année dernière et atteindront 45,2 % du PIB – là aussi, il s’agit d’un record. Quand proposerez-vous une réforme structurelle pour inverser la tendance et quel sera son contenu ? Il faut impérativement réduire les prélèvements obligatoires, qui pénalisent de plus en plus nos entreprises et nos compatriotes.

Mme Stella Dupont (RE). Des créations de postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) avaient été décidées en LFI 2022. Un effort important était prévu à cet égard. Ces moyens supplémentaires ont-ils été débloqués à la rentrée ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Cazenave, les universités pourront mobiliser immédiatement le fonds. L’objectif est précisément que l’argent soit décaissé quasi intégralement au cours de l’hiver 2022, ce pourquoi les crédits sont inscrits en PLFR pour 2022 et non en PLF pour 2023. De nombreuses universités envisageaient de recourir à l’enseignement à distance cet hiver. Compte tenu de ce que beaucoup d’étudiants avaient vécu au cours de la crise du covid, nous souhaitions que les cours se déroulent dans des amphithéâtres éclairés et chauffés. Nous avons donc décidé d’investir massivement en direction des universités – ainsi que des CROUS, car les résidences universitaires doivent être elles aussi chauffées et éclairées.

Madame Le Grip, le PLFR prévoit de soutenir les opérateurs du ministère de la culture les plus affectés par la hausse des prix de l’énergie. La situation est très variable en fonction des ministères et même des opérateurs : certains sont en mesure de faire face grâce aux budgets dont ils disposaient. Au sein du ministère de la culture, plusieurs opérateurs sont en difficulté ; nous leur procurons un accompagnement ponctuel. C’est plus facile que pour les universités, qui ont besoin d’un soutien plus massif et global du fait notamment de leur autonomie.

Monsieur Labaronne, la baisse des défauts s’agissant du remboursement des PGE est en effet une bonne nouvelle – cela permet d’ailleurs de répondre aux oppositions, qui nous avaient alertés à propos d’une explosion supposée des défaillances d’entreprise. L’économie réalisée est de 2 milliards d’euros. C’est encore un signe de la résilience de notre économie.

Monsieur Margueritte, l’augmentation des crédits de France compétences bénéficiera à l’ensemble des secteurs d’activité et à tous les niveaux de diplôme, puisque l’apprentissage s’est démocratisé dans l’ensemble de l’économie, y compris dans le tertiaire. En août 2022, selon les dernières données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), on constatait une hausse de 13 % du nombre de contrats signés à ce stade de l’année par rapport à la même époque en 2021 – qui était déjà une année record en matière d’apprentissage. C’est une très bonne nouvelle car notre objectif est que de plus en plus de jeunes s’engagent dans l’apprentissage : nous visons un million d’apprentis.

Monsieur Di Filippo, nous sommes nombreux à penser qu’il faut baisser la pression fiscale sur les entreprises. Vous devriez nous accompagner lorsque nous supprimons, en deux ans, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En ce qui concerne la dépense publique, de beaux débats ont été engagés dans le PLF ; ils se poursuivront. Nous sommes ouverts à toutes les propositions utiles qui nous sont faites. En l’occurrence, les vôtres n’étaient pas très précises.

Madame Dupont, nous avons consenti, depuis 2017, des efforts inédits pour améliorer les conditions d’accueil des élèves en situation de handicap. Entre 2017 et 2022, nous avons financé le recrutement de 26 500 AESH, soit un effort de 1,3 milliard d’euros, que nous poursuivons dans le PLF pour 2023, qui prévoit le financement de 4 000 ETP.

Nous nous sommes également fixé pour objectif d’améliorer les conditions d’emploi des AESH. Nous avons mis fin au recours aux contrats aidés, et la transformation en CDD de tous ceux qui avaient été signés est désormais achevée. Nous poursuivons également l’effort de formation : une dotation de 5,4 millions d’euros est prévue à cette fin dans le PLF pour 2023.

Enfin, nous avons engagé en 2021 une revalorisation de la grille indiciaire des AESH, assortie d’une progression automatique tous les trois ans. Cela représente une augmentation moyenne de 650 euros par an depuis le mois de septembre 2021. La hausse de 8 % du Smic depuis un an a également conduit à revaloriser le premier niveau de la grille, soit environ 1 200 euros supplémentaires sur l’année. Les indemnités kilométriques des AESH utilisant leur véhicule personnel à l’occasion de leurs déplacements professionnels ont été revalorisées de 10 % depuis le 1er janvier 2022. À compter de 2023, les AESH pourront également percevoir les primes versées dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire (REP) et en réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP+).

En complément, le Gouvernement sera favorable à plusieurs amendements – dont le vôtre, madame Dupont – au PLF pour 2023 visant à augmenter de 10 % la rémunération des AESH à compter de la rentrée 2023. Cela concernera 79 000 AESH déjà en poste, pour un montant de 80 millions d’euros. Nous pouvons tous saluer le travail remarquable de ces personnes pour accueillir les enfants en situation de handicap dans les établissements scolaires.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). La mission Remboursements et dégrèvements connaît une hausse importante. Pourrais-je en avoir le détail ? L’évolution est due pour l’essentiel à la mécanique de l’impôt – mais lequel ?

En ce qui concerne les motifs d’annulation de crédits, une distinction devrait être faite entre gel et sous-consommation.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame Pires Beaune, je répondrai en séance à votre question.

En ce qui concerne votre remarque, nous pouvons effectivement améliorer l’information des parlementaires en faisant apparaître plus clairement la distinction entre les crédits gelés et les crédits sous-consommés.

 

 

 

 

*

* *

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 2 novembre2022 à 12 heures 30

 

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Mickaël Bouloux, M. Frédéric Cabrolier, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier

 

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Philippe Schreck

 

Assistaient également à la réunion. - M. Guy Bricout, M. Pierre Cordier, M. Jean-Luc Warsmann