Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

–  Audition de M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), et M. Julien Pouget, chef du département de la conjoncture, sur la conjoncture économique              2

–  Avis public sur la nomination par la Présidente de l’Assemblée nationale de Mme Emmanuelle Auriol, M. Denis Duverne et Mme Florence Parly, à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations              22

–  Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (n° 1022) (Mme Sandrine Rousseau, rapporteure)              24

  Information relative à la commission................26

  présences en réunion...........................27

 


Mercredi
5 avril 2023

Séance de 8 heures 30

Compte rendu n° 56

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), et M. Julien Pouget, chef du département de la conjoncture, sur la conjoncture économique.

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons ce matin le directeur général de l’Insee, M. Jean-Luc Tavernier, ainsi que le chef du département de la conjoncture, M. Julien Pouget, afin d’évoquer les questions de conjoncture économique. Cette séquence se poursuivra avec l’audition du directeur adjoint de la branche des études de politique économique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur le même thème. 

L’Insee produit un grand nombre de séries statistiques qui sont particulièrement précieuses en cette période d’inflation soutenue. Au delà des publications récurrentes, nous sommes heureux de vous entendre nous livrer votre analyse sur la situation économique, l’état des finances publiques et les perspectives d’évolution qui se dessinent.

M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’InseeL’INSEE réalise huit exercices de conjonctures par an dans une perspective de prévision de trois à six mois. Ainsi, la dernière note de conjoncture de l’Insee parue le 15 mars établissait des prévisions pour le premier trimestre 2023 ; la première estimation des comptes doit quant à elle être réalisée par les comptables nationaux à la fin du mois. Au delà des chiffres, cette réunion est l’occasion pour nous de débattre de l’actualité, qui n’a pas été avare d’événements ces derniers mois.

Comme le titre de la note de conjoncture en témoigne : « La croissance résiste, l’inflation aussi. » En effet, malgré les chocs, l’impact a été beaucoup plus limité sur l’activité, notamment au quatrième trimestre 2022, que ce que nous aurions pu craindre. Nous prévoyons ainsi une croissance faiblement positive pour ce début d’année, accompagnée d’une inflation forte et d’une inflation sous-jacente qui continue à croître légèrement. Nous développerons ce constat en détaillant les conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages, sur le marché du travail et la situation des entreprises. Nous évoquerons notamment les questions posées lors des enquêtes et l’inflation différenciée selon le panier de consommation. L’exposé portera d’abord sur le contexte général, puis sur l’activité économique. Il se poursuivra par le choc inflationniste, le marché du travail, les ménages et les entreprises, pour se terminer sur la question des finances publiques.

Tout d’abord, il n’est pas nécessaire de rappeler le choc : celui-ci est énorme et fait suite à la reprise de l’activité post-Covid-19 et surtout à l’agression de l’Ukraine par la Russie. Ce choc a fortement influencé le prix du gaz en Europe et entraîne des conséquences sur les rythmes d’inflation des différentes économies. Aux États-Unis, l’inflation a été plus rapide et plus précoce qu’en Europe, car elle est moins liée à la hausse du prix du gaz. Cette inflation montre un mouvement d’ensemble dans les pays européens, même si elle reste moins importante en France, en raison du bouclier fiscal qui a été mis en place rapidement, et se dirige aujourd’hui vers une dynamique de reflux, douze mois après le début du conflit ukrainien.

La tendance est moins spectaculaire à ce jour en comparaison des montagnes russes que nous avons connues pendant le Covid-19, avec -7,9 % de produit intérieur brut (PIB) en 2020 et +6,8 % en 2021. La France montre ainsi des chiffres de croissance faiblement positifs : 0,2 % au troisième trimestre 2022 et 0,1 % au quatrième trimestre 2022. Les prévisions sont similaires avec 0,1 % au premier trimestre 2023 et 0,2 % au deuxième trimestre 2023. Il en va de même pour les autres pays européens, bien que l’Allemagne subisse un léger recul d’activité, lié à son exposition forte aux prix de l’énergie. Aussi, l’ensemble des prévisionnistes  ̶  mais nous pourrions néanmoins tous nous tromper  ̶  ne prévoit pas de récession pour le début de l’année 2023, à l’exception d’une nuance qui concerne le Royaume-Uni.

Je rappelle que le taux de croissance prévu pour 2022 atteignait 2,6 %. Les taux de croissance en cours d’année étaient néanmoins relativement faibles, en raison de l’activité de certains secteurs encore grevés par les effets du Covid-19.

Nos prévisions retiennent un acquis de croissance de 0,6 % à la fin du deuxième trimestre 2023, dans une perspective de croissance égale à zéro aux troisième et quatrième trimestres 2023. En revanche, si l’on se projetait avec 0,2 % de croissance sur ces troisième et quatrième trimestres, la croissance annuelle se situerait à 0,75 %. Cette croissance atteindrait même 1 % de moyenne annuelle, comme le prévoit le Gouvernement depuis le projet de loi de finances (PLF), si l’on envisageait une accélération encore plus forte.

S’agissant de la résilience de l’activité, notre indicateur phare qui correspond au climat des affaires vu par les entreprises révèle une chute bien visible en mars 2020, puis une remontée par bonds successifs, notamment dans les services. Par ailleurs, les différents secteurs, c’est-à-dire l’industrie, les services et le commerce de détail, s’incarnent dans une courbe qui se situe au-dessus de la moyenne historique depuis la fin de l’année dernière. En outre, cette courbe s’est maintenue, à l’exception du commerce de détail dont le niveau est repassé sous la moyenne historique. Cet indicateur a donc résisté à un choc de prix d’ampleur. Cependant, si on examine de plus près les réponses aux enquêtes, les branches les plus énergivores révèlent une détérioration liée au prix de l’énergie, en particulier l’industrie chimique qui correspond à l’industrie ayant le plus souffert à l’automne 2022.

Nous avons tenté d’éclairer de différentes façons le choc ressenti par les entreprises quant au coût de l’électricité. L’Insee a étudié notamment les impacts des contrats pluriannuels, en enquêtant auprès des clients et de cinquante fournisseurs, selon une répartition par puissance consommée. Il s’avère que pour l’ensemble des puissances, les fournisseurs annoncent, en dehors de tout dispositif étatique, une augmentation de 20 % du prix en moyenne annuelle en 2022, et une augmentation de 80 % en 2023. Notons que la hausse indiquée serait un peu plus forte pour l’industrie et un peu moins pour le secteur tertiaire. Quant aux entreprises, les enquêtes menées fin 2022 et début 2023 montrent que le pourcentage de firmes prévoyant de réduire ou d’arrêter leur activité en raison du coût de l’énergie est très minoritaire, ce qui dément certains traitements médiatiques du sujet. En effet, la majorité des entreprises indiquent qu’elles ont plutôt l’intention d’augmenter leurs prix en comprimant leurs marges et beaucoup ont l’intention de changer leur méthode de production. Cette situation a d’ailleurs surpris beaucoup de conjoncturistes en Allemagne. Nous y reviendrons, mais cette adaptation entraîne évidemment une moindre prise sur l’activité, ainsi qu’une hausse des prix de détail en aval.

S’agissant des tensions sur l’offre, il faut savoir qu’historiquement, les entreprises françaises se sont toujours décrites comme contraintes par des difficultés de demande et non par des difficultés d’offre. C’est la situation qui prévaut depuis longtemps, excepté au début des années 2000. Or, depuis quelques années, et particulièrement depuis le Covid-19, cette situation s’est inversée : la majorité des entreprises se disent être contraintes en raison de difficultés tenant à l’offre. L’écart commence néanmoins à se résorber très graduellement depuis quelques mois, que ce soit en termes de difficultés de recrutement ou d’approvisionnement.

Nos prévisions de croissance, qui se situent, je le rappelle, à 0,1 % pour le premier trimestre 2023 et à 0,2 % pour le deuxième trimestre 2023, montrent que la demande la plus atone se situe du côté des ménages : on note ainsi 0,2 % et 0,1 % de croissance du côté des ménages, après une baisse au quatrième trimestre 2022 et un investissement vers le logement orienté à la baisse.

L’analyse de l’inflation révèle des soldes d’opinion historiquement élevés dans le cadre des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises, notamment dans les secteurs de l’industrie et du commerce de détail : les entreprises indiquant que leurs prix de vente devraient s’accroître sont donc plus nombreuses que celles qui pressentent une baisse. Le solde d’opinion se situe ainsi à des niveaux très élevés et le reste, même s’il est légèrement orienté à la baisse dans l’industrie. Il faut savoir que l’inflation en elle-même s’analyse selon plusieurs données : selon le glissement annuel d’inflation, c’est-à-dire l’indice des prix à la consommation ; et selon les différentes contributions, qui comprennent l’énergie qui repart à la hausse, les services, les produits manufacturés, et l’alimentation. L’inflation sous-jacente correspond quant à elle à un calcul dans lequel sont soustraits les prix de l’énergie et ceux des produits alimentaires frais, ces derniers étant distingués des produits non frais au sein du secteur alimentaire. 

Le point de conjoncture révèle qu’au fil du temps les contributions des services ainsi que des industries manufacturières et surtout les contributions des prix alimentaires sont devenues prééminentes dans la diffusion des prix à l’aval. Ainsi, la contribution à l’inflation des prix alimentaires est largement dominante. En outre, plus de douze mois après le début de la crise en Ukraine, le glissement des prix de l’énergie est en train de se réduire dans tous les pays, pour atteindre zéro dans les mois à venir. Cela signifie que l’inflation et l’inflation sous-jacente sont en train de se croiser : les prévisions pour juin 2023 fixent à 5,4 % l’inflation totale en glissement annuel et à 6,4 % l’inflation sous-jacente. L’inflation s’est donc diffusée. Si elle est liée en grande partie à la répercussion des prix en amont sur ceux en aval, l’inflation d’ensemble restera selon nous élevée.

La transmission des prix amont sur les prix aval s’illustre selon quatre courbes issues de l’analyse des prix du secteur alimentaire. La courbe la plus dynamique correspond au prix en euros des matières premières alimentaires importées et a connu de fortes hausses en mars-avril 2022 pour les céréales et les produits oléagineux. Nous étudions également les prix des produits agricoles à la sortie de la ferme en France, les prix de production des industries agroalimentaires, ainsi que l’évolution des prix à la consommation, qui se situe à la fin de la transmission. Il est visible que la transmission permet d’amortir et d’atténuer le choc initial, mais ce constat est tout à fait logique. En effet, en allant vers l’aval, on intègre de fait certains coûts, tels que les coûts salariaux ou les coûts d’amortissement du capital qui ont pour effet d’atténuer le coût des intrants. Il existe également une question de délai : la transmission de la hausse des prix de l’amont vers l’aval prend un certain temps, en raison de facteurs comme le stock ou le changement des étiquettes apposées sur les produits.

Il faut également examiner l’exposition des ménages à la hausse des prix selon leur situation. Cette analyse est intéressante, particulièrement dans un contexte d’évolution forte des prix et de variation en fonction des produits. Pour calculer les conséquences de ces hausses sur les différents paniers de consommation, l’Insee examine l’inflation d’ensemble et l’inflation selon les catégories de ménages. Ainsi, la médiane montre que plus de la moitié des ménages subit une inflation plus forte que les 6 % d’inflation médiane du mois de janvier 2023. Quant aux quartiles, ils révèlent que 25 % des ménages sont concernés par une inflation inférieure à 4,7 % alors que 25 % des ménages subissent une inflation supérieure à 7,2 %. L’inflation moyenne cache donc des disparités importantes : 50 % des ménages se situent dans un intervalle de 2 % autour de l’inflation médiane, tandis que 50 % se situent en dehors de cet intervalle. 

Une analyse par catégorie de ménages, c’est-à-dire par âge, par revenu et par commune de résidence, révèle que les revenus jouent en réalité moins que le lieu de résidence et surtout que l’âge. L’agglomération parisienne est par exemple moins exposée que les milieux ruraux et les jeunes ménages s’avèrent moins exposés que les personnes âgées. Cependant, l’intérêt d’une étude par médiane et par quartile est aussi de montrer que chaque catégorie connaît beaucoup de variances et qu’il n’est donc pas possible de se limiter à des généralités : les paniers de consommation subissent différemment l’inflation et dépendent de données telles que la possession d’une automobile ou le mode de chauffage utilisé. Il faut donc considérer qu’il existe autant de variances intra-catégories que de variance inter-catégories, afin de réfléchir aux manières d’aider les ménages à amortir le choc d’inflation ressenti.

Le marché du travail s’analyse selon deux indicateurs : le salaire moyen par tête, qui connaît de fortes variations liées aux dispositifs d’activité partielle mis en place pendant le Covid-19, et le salaire mensuel de base, qui n’est pas perturbé par cette donnée. Si la hausse des salaires est effective, elle est moins rapide que celle de l’indice des prix à la consommation. De plus, il faut noter que la prime de partage de la valeur (PPV) largement utilisée par les entreprises n’entre pas dans le calcul du salaire mensuel de base, mais qu’elle est incluse dans le salaire moyen par tête.

L’emploi et la productivité constituent un sujet particulièrement clivant pour les conjoncturistes dans le cadre de l’évolution du marché du travail. L’emploi salarié montre une évolution toujours positive à ce jour, trimestre après trimestre, avec des chiffres plus élevés que toutes nos prévisions, alors même que l’Insee faisait partie des mieux-disants en matière de hausse des emplois. Cependant, cette hausse rapide de l’emploi qui a démarré à l’été 2021 débouche finalement sur une perte de productivité : nous sommes revenus beaucoup plus rapidement à un niveau d’emplois qu’à un PIB pré-Covid-19.

Ainsi, en termes de productivité par tête dans le secteur marchand, le niveau pré-Covid n’a pas été retrouvé. En outre, si on se place dans une perspective de gains de productivité tendanciels, l’écart avec le sentier de croissance est encore plus élevé que l’écart en niveau, par rapport à la productivité qui prévalait avant le Covid-19. Or les points de productivité perdus correspondent à plusieurs centaines de milliers d’emplois, voire plusieurs millions. S’agit-il finalement de pertes de productivité durables ou de pertes temporaires ? Il faut également garder à l’esprit qu’un gain de productivité pour les entreprises serait plutôt synonyme d’orientation négative pour la période à venir du point de vue de l’emploi, et d’un taux de chômage à la hausse.

De manière objective, nos prévisions tablent sur un taux de chômage stable à 7,2 % pour les deux trimestres à venir. Cette prévision émane des enquêtes de conjoncture qui montrent que les entreprises souhaitent massivement embaucher, alors que les difficultés de recrutement restent importantes, même si elles tendent à se réduire légèrement. Ainsi, les taux d’activité et d’emploi qui n’ont jamais été aussi hauts sont davantage liés à l’entrée de nouveaux actifs sur le marché du travail qu’à une baisse du taux de chômage.

S’agissant du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages, les enquêtes mensuelles aboutissent à des courbes historiquement basses : elles correspondent à l’opinion des ménages sur leur situation personnelle passée et future, ainsi que sur le niveau de vie global en France passé et futur. La courbe du niveau de vie futur, déjà très basse au moment de la crise des gilets jaunes et du Covid-19, a de nouveau chuté lors de l’éclatement du conflit ukrainien. Si cette courbe est très dépendante des grands événements, la courbe qui correspond à la vision des ménages sur leur situation personnelle se situe elle aussi à un niveau très bas, plus bas même que lors de la crise des gilets jaunes ou de la crise financière européenne en 2011-2012. Quant à la seconde question posée, c’est-à-dire la préférence en faveur de l’épargne ou des achats importants, les ménages répondent massivement qu’ils préfèrent épargner, même si leur revenu se trouve réduit. L’humeur n’est donc pas à la consommation.

L’évolution du revenu des ménages trimestre après trimestre s’analyse au travers de deux prismes : en euros courants, déflatés par l’inflation, et en pouvoir d’achat. De plus, le calcul prend en compte différentes composantes : l’inflation, les revenus d’activité, les revenus de la propriété, les prestations sociales et les prélèvements. Il faut retenir qu’une baisse du pouvoir d’achat a eu lieu au début de l’année 2022, en raison de la recrudescence de l’inflation. On note ensuite une légère reprise du pouvoir d’achat au second semestre 2022, liée à des mesures fiscales : la  suppression de la redevance audiovisuelle, une nouvelle étape dans le cadre de la suppression de la taxe d’habitation et certaines mesures d’indexation anticipée des prestations sociales. Il s’avère que les prévisions s’orientent vers une baisse du pouvoir d’achat assez significative, avec -0,8 % au premier trimestre 2023, et -1,5 % sur l’ensemble du semestre, cette baisse étant liée au contrecoup des mesures fiscales de 2022, ainsi qu’à l’inflation qui prend de nouveau sa part. 

Dans ce contexte de baisse du pouvoir d’achat, on pourrait s’attendre à un amortissement important lié à la baisse du taux d’épargne. Les prévisions ne vont pas dans ce sens, puisque ce taux resterait stable, aux alentours de 15 %, et devrait se maintenir au-dessus de son niveau pré-Covid-19, au vu de la préférence des ménages pour l’épargne. Si l’on a beaucoup parlé de la sur-épargne au moment du Covid-19, on a moins commenté l’effet de l’inflation en termes de réduction de la valeur réelle de l’épargne qu’il faut pourtant prendre en compte. Ce phénomène s’analyse à travers plusieurs facteurs : le total des actifs financiers, en euros courants, et la déflation par les prix, qui aboutissent à une baisse de la valeur réelle de l’épargne en 2022. La sur-épargne a donc été largement érodée par l’inflation qui a suivi.

La baisse du pouvoir d’achat et la baisse relative du taux d’épargne aboutissent à une consommation qui connaîtra des hauts et des bas en fonction des trimestres, soit une croissance estimée à +0,1 ou +0,2 %, ce qui colore beaucoup l’ensemble de l’activité. Il est important de signaler la forte réaction des ménages aux hausses de prix, en termes de consommation. On a en effet beaucoup commenté la baisse de consommation d’énergie à l’automne 2022, en raison des conditions météorologiques d’une part et d’un comportement frugal d’autre part. Cependant, on a moins évoqué la baisse continue de la consommation alimentaire, pourtant assez inédite. Nous avons enquêté auprès de deux mille ménages, en leur demandant si leurs habitudes de consommation avaient changé du fait de l’inflation. Ils ont répondu en minorité « non, pas du tout » et en majorité « oui, un peu » et « oui, beaucoup », sauf pour les plus âgés. En outre, lorsqu’on les interroge précisément sur les habitudes qui ont été modifiées, les ménages indiquent avoir changé leurs habitudes de consommation d’énergie, d’alimentation, et à des degrés moindres leurs habitudes de déplacements, leurs achats de fin d’année et leur consommation de vêtements.

Quant aux changements d’habitudes alimentaires, il faut noter que 40 % des ménages indiquent moins consommer. Si un quart de ces ménages choisit de diversifier les magasins et un quart préfère changer de gamme de produits, il est probable que les 40 % des ménages cités s’orientent vers une consommation moindre de produits tels que la viande ou le poisson.

Pour terminer sur le sujet des ménages, les enquêtes dans le secteur du bâtiment et de la promotion immobilière se révèlent assez mal orientées, ce qui est à mettre en lien avec la hausse des taux d’intérêt.

S’agissant du taux de marge des sociétés non financières, il faut savoir que celui-ci se situe historiquement aux alentours de 32 % et s’avère plutôt bien orienté. Il est resté à ce niveau, malgré certaines variations qui sont à imputer d’une part au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et à la baisse d’allègement de charges en 2019. D’autre part, il est à mettre en lien avec l’effet des mesures d’aides aux entreprises durant le Covid-19 en 2021. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que ces prévisions pourront être fortement révisées à la lumière des liasses fiscales des entreprises lors de l’établissement des comptes annuels.

À ce jour, l’analyse par secteur montre une forte hausse du taux de marge pour les services de transport, hausse largement liée à la « bulle » autour du fret, qui profite à des sociétés comme CMA-CGM. De plus, le secteur de l’énergie, de l’eau et des déchets connaît des fluctuations assez importantes du fait de la volatilité des prix de l’énergie. Quant au secteur de l’industrie agroalimentaire, les marges ont été réduites durant l’année 2021 et le début de l’année 2022, au moment où la hausse des prix des matières premières était forte, mais ces marges sont en train d’être restaurées.

Enfin, en ce qui concerne les finances publiques, vous savez que le déficit public s’est réduit en 2022 avec 4,7 % du PIB, grâce à des dépenses en part de PIB en baisse face à des recettes en hausse. Il faut garder à l’esprit qu’un choc d’inflation est généralement plutôt favorable aux finances publiques la première année, en raison d’un certain nombre de dépenses non indexées sur l’inflation et une plus forte proportion de recettes, comme la fiscalité indirecte ou les cotisations sociales. La forte surprise sur l’inflation est donc plutôt profitable aux finances publiques, comme le montre l’année 2022. Par ailleurs, les mesures prises par l’État pour amortir la hausse des prix de l’énergie en 2022 sont assez commensurables aux mesures prises pour amortir la crise sanitaire en 2021.

La dette bénéficie quant à elle d’un effet favorable de la hausse des prix : la hausse nominale du PIB en 2022 entraîne un léger repli de la dette. Il s’agit bien là d’un effet ponctuel, lié à l’inflation élevée en 2022.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour cette présentation précieuse et le travail de l’Insee, qui nous fournit beaucoup d’informations. Je vais réagir davantage par des remarques que par des questions à ces données que chacun pourra interpréter au travers d’analyses politiques.

Au vu du titre de votre étude : « La croissance résiste, l’inflation aussi », je pense que nous aurions pu ajouter « le pouvoir d’achat baisse, la demande aussi ». À partir de ce constat, nous pouvons nous interroger sur les répercussions de cette tendance, et in fine sur les conséquences pour la croissance, si la dynamique était amenée à se maintenir. En fonction du scénario de croissance, 0,75 % ou 0,5 %, les conséquences sont à envisager avant tout sur la vie de nos concitoyens.

Le chiffre de l’inflation sous-jacente me paraît très inquiétant. En effet, celle-ci n’est plus liée aux prix de l’énergie, mais à la hausse de la marge des entreprises, malgré la demande et le pouvoir d’achat en baisse. En outre, j’ai noté que cette marge des entreprises augmentait singulièrement pour les entreprises agroalimentaires, manufacturières et celle du secteur de l’eau et de l’énergie. Autrement dit, l’inflation n’est pas liée aujourd’hui à la question des salaires, mais au maintien ou à l’augmentation des marges des entreprises. Je le souligne, car la question des politiques de taux d’intérêt est généralement guidée par la volonté d’éviter une surchauffe des salaires, alors qu’il s’agit là en réalité du maintien des profits, notamment dans les très grandes entreprises. Or cette situation a des conséquences fortes : l’inflation sous-jacente induit une hausse massive des prix alimentaires, des produits manufacturés, de l’énergie, et donc un renforcement des inégalités. Votre analyse montre bien que cette inflation pèse d’abord sur nos concitoyens les plus défavorisés, c’est-à-dire ceux pour qui le secteur de l’alimentation pèse le plus.

En outre, nous sommes loin de nous diriger vers le plein emploi. En effet, il faut rappeler que la stabilité du chômage est aussi une conséquence de la soustraction des apprentis des chiffres du chômage et des mesures prises ces dernières années vis-à-vis des chômeurs. Par ailleurs, l’emploi est en train de faiblir. Si on conjugue les problèmes de demande et de consommation, notamment sur le marché intérieur, ainsi que le problème de l’emploi, nous faisons face à tous les éléments propres à une crise de la demande. Ainsi, toute politique qui en viendrait encore à affaiblir la demande pourrait avoir des conséquences sur la crise que nous connaissons.

Ma deuxième question est plus précise : elle concerne la PPV, qui explose à la fin de l’année 2022. Je pense que les problématiques de primes ont eu une particularité que vous soulignez d’ailleurs comme un éventuel effet d’aubaine : ces primes ne donnent pas lieu à cotisations sociales. Or, si l’on favorise des primes qui n’entrent pas dans un mécanisme de salaire socialisé, nous risquons de faire face à un problème majeur. La réponse donnée jusqu’ici à cette interrogation était le caractère modéré de ces primes, mais comme vous l’indiquez, un recours continu à ces dispositifs de prime pourrait entraîner des problématiques structurelles importantes. C’est pourquoi j’estime qu’il faut payer les salariés en salaires et non pas en primes qui affaiblissent nos mécanismes de solidarité, voire nos mécanismes fiscaux.

Enfin, l’Insee a engagé une réflexion pour augmenter les comptes nationaux, afin de dépasser l’indicateur du PIB et avoir une information enrichie de l’appréciation du bien-être collectif, appréciation qui passe par la prise en compte des inégalités d’environnement. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cette démarche est en voie d’aboutir ? Pourrait-elle conduire à terme à ce que la communication de l’Insee mette l’accent sur ces comptes nationaux augmentés ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je remercie l’Insee pour la grande qualité de ses travaux, qui aident la commission des finances dans sa réflexion. Je souhaiterais procéder à quelques remarques liminaires.

Tout d’abord, je souhaite souligner la performance de 2022 que vous avez notée : la France est l’un des pays qui a le mieux résisté à l’inflation. Nous devrions également nous féliciter collectivement quant aux taux d’activité et d’emploi qui augmentent significativement, réduisant ainsi les inégalités.

Il faut également saluer le fait que les prévisions pour 2023 s’orientent plutôt à la hausse, trimestre après trimestre, que ce soit pour l’emploi ou la croissance. Nous avons été accusés d’être trop optimistes dans le cadre du PLF, mais je constate que vos études se rapprochent de nos prévisions. Enfin, je souhaite vous dire, monsieur le président, que les marges des entreprises n’ont pas bougé sur le long terme, à 1 % près peut-être, sur vingt ans.

Quant aux finances publiques, cette politique de soutien à nos concitoyens, cette politique de soutien à nos entreprises ont un coût et nous devons sortir de ce principe du « quoi qu’il en coûte » pour maîtriser la trajectoire de nos finances publiques et retrouver ce déficit en dessous de 3 % que nous visons pour 2027.

Par ailleurs, si je suis également inquiet face à l’inflation des produits alimentaires, l’OCDE montre que ces prix seraient plutôt à la baisse : quand pensez-vous que cette baisse se fera sentir sur l’inflation des produits alimentaires en France ?

Ma deuxième question porte sur le comportement d’épargne des ménages qui est assez surprenant. Vous avez montré que l’inflation se répercutait de façon contrastée quel que soit le décile de revenus de nos compatriotes. Le comportement d’épargne suit-il la même logique ?

Ma troisième question porte sur la politique monétaire qui fait l’objet en zone euro d’un resserrement très rapide et volontariste : comment évaluez-vous à ce stade la transmission des décisions de la Banque centrale européenne (BCE) à l’économie réelle ? Ce resserrement des taux n’a-t-il pas été trop rapide ?

Enfin, si certains prévoyaient qu’une récession ait lieu en France, force est de constater que l’économie résiste, à hauteur d’un taux de croissance de 0,6 % sur l’année 2023. Nous avons forcément envie de prolonger vos courbes de la même façon en ce qui concerne l’emploi. Existe-t-il réellement un ralentissement de l’emploi ? Anticipez-vous une baisse ou une stabilité de la création d’emplois pour l’année 2023 ?

M. Jean-Luc Tavernier. Je voudrais d’abord revenir sur le taux de marge des entreprises et sur la question des prix alimentaires. Nous avons analysé le prix de production des industries agroalimentaires et ses différentes composantes au fil des trimestres, jusqu’au quatrième trimestre 2022. Deux facteurs sont à considérer : le coût des intrants, c’est-à-dire les prix agricoles en eux-mêmes ; et la contribution des marges d’exploitation, qui est passée d’un solde négatif en 2021 à un solde positif courant 2022. Ainsi, au quatrième trimestre 2022, la hausse des prix des matières premières avait toujours cours, mais si les industries agroalimentaires ont d’abord absorbé cette hausse en diminuant leurs marges, elles les ont ensuite restaurées. Quel que soit le jugement que l’on porte sur ce constat, cette situation n’a rien de pathologique. Néanmoins, comme l’État s’y emploie, ces évolutions méritent une surveillance et une vigilance.  

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Lorsque vous faites référence aux intrants, entendez-vous bien « matières premières » et « énergie » ?

M. Jean-Luc Tavernier. Oui, vous avez raison de le préciser, car les industries subissent les deux chocs : le prix des produits agricoles et celui du gaz et de l’électricité.

Je comprends que ce sujet suscite la vigilance, comme d’ailleurs la BCE l’a exprimé sur son blog. En effet, l’inflation sous-jacente est alimentée, d’une part, par l’évolution des salaires et d’autre part par l’évolution des marges des entreprises. Ainsi, pour éviter que l’inflation s’ancre, complique la conduite de la politique monétaire et nous amène à des hausses de taux durables, la BCE appelle chacun à faire sa part : orienter davantage les salaires sur les perspectives d’inflation, soit revenir à la cible de 2 %, et modérer les marges des entreprises.

Je souhaite préciser que les présentations peuvent être un peu trompeuses à ce stade, en laissant croire que l’inflation n’est plus liée à l’énergie. Or toute la complexité de la situation réside dans le fait que la hausse des prix est encore essentiellement due à la transmission de la hausse des prix en amont, en raison des matières premières et de l’énergie. C’est ce qui rend la tâche des banques centrales difficile : il faut à la fois tenir compte de la transmission des prix sur laquelle la politique monétaire n’a aucune prise et éviter que cette évolution ne devienne la nouvelle norme d’inflation. C’est en effet sur cette norme que s’ancrent les comportements des agents, au travers de la négociation salariale ou de la fixation des marges. Si ma réponse est sans doute confuse, c’est en raison de la complexité des enjeux de l’inflation sous-jacente.

Pour répondre à la question du rapporteur général sur l’évolution des prix alimentaires dans le futur, ma réponse sera brève, car, nous arrêtons nos prévisions en juin. Cependant, nous essayons de suivre les questions de fixation des prix et de négociations entre la grande distribution et l’industrie : une négociation aura peut-être lieu en cours d’année, autour des prix orientés à la baisse. La courbe des matières premières ayant commencé à baisser, la transmission des prix amont devrait amener un repli au rythme des négociations, sujet dans lequel je n’entrerai pas, d’autant que vous venez de voter une proposition de loi sur la question.

Pour répondre à Monsieur le président, le pouvoir d’achat est clairement en baisse au premier semestre 2023, et si cette baisse devrait être suivie d’une remontée au second semestre, je ne sais pas ce qu’il en sera et à quel niveau s’établira la moyenne annuelle du pouvoir d’achat. Il est néanmoins certain que cette baisse très sensible a un impact sur la demande, comme vous le soulignez.

Je ne vous suivrai en revanche pas sur le fait que les ménages les plus modestes seraient les plus affectés par l’inflation, notamment en ce qui concerne l’énergie. Les plus modestes ne possèdent pas forcément de voiture et utilisent un mode de chauffage qui n’impacte pas forcément leur revenu de manière nette. En revanche, lors des mois à venir qui verront le coût de l’énergie baisser dans un contexte où le coût de l’alimentaire restera élevé, avec une inflation autour de 15 %, les plus modestes souffriront davantage.

M. le président Éric Coquerel. Les inégalités spatiales sont cependant assez importantes.

M. Jean-Luc Tavernier. Effectivement, mais les intervalles des paniers de consommation sont très différents dans chacune des situations. C’est donc plutôt la hausse à venir de la contribution des prix alimentaires à l’inflation qui validera votre vision.

S’agissant du marché du travail et de l’emploi, il est certain qu’une partie de la baisse de la productivité est liée au développement de l’alternance, mais il ne s’agit pas d’une manipulation statistique : nous comptons bien les emplois d’alternance comme des emplois salariés, tout en signalant que cette situation amène une baisse mécanique de la productivité, puisque les alternants sont moins productifs que les autres salariés d’une entreprise.

Par ailleurs, les mesures prises en matière d’indemnisation des chômeurs n’ont pas d’impact sur le taux de chômage tel que nous le mesurons à travers les critères du Bureau international du travail (BIT).

Vous avez raison, Monsieur le président, la situation a un impact sur la demande, et pour répondre à la question du rapporteur général sur les phénomènes de transmission à l’économie réelle, l’impact sur le logement apparaît de manière probante, tout comme le taux de change. Cependant les entreprises du secteur industriel se disent majoritairement contraintes par l’offre et non par la demande, ce qui amoindrit l’effet déflateur de la demande.

S’agissant des comptes nationaux augmentés, nous avons effectivement publié avant-hier deux billets de blog sur le site de l’Insee. L’un avait pour but d’expliquer que le PIB avait ses limites, mais qu’il restait une donnée utile ; l’autre indiquait que l’Insee souhaitait néanmoins pousser ses analyses au-delà du périmètre du PIB en inventant l’expression des « comptes nationaux augmentés ». Il s’agit d’inscrire, dans le cadre de la comptabilité nationale, différentes évolutions, selon les catégories de ménages, en matière de consommation et d’épargne. Ces démarches se font d’ailleurs déjà dans beaucoup de pays de l’OCDE et nous mènerons ces études de manière plus régulière à partir de 2024. Nous souhaitons également augmenter les PIB nationaux en les verdissant, sans pour autant calculer un PIB vert qui nous paraît quelque peu chimérique. Cependant, nous souhaitons inclure au sein de nos tableaux emplois-ressources certains flux en termes de carbone, ou encore réfléchir à ce que pourrait être une situation d’épargne prenant en compte l’évolution du capital humain et celle de notre bilan carbone. Le billet de blog rappelle donc que notre ambition consiste à publier régulièrement sur le sujet à partir de l’année prochaine.

Pour répondre à la dernière question qui portait sur la PPV, je laisse la parole à M. Julien Pouget.

M. Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l’Insee. Un peu plus de 4 milliards d’euros ont été versés sous forme de PPV au second semestre 2022 à 5 millions de salariés, soit un montant moyen de 800 euros par salarié concerné. Il existe cependant des disparités entre les secteurs, puisque cette prime a concerné 17 % des salariés du secteur de l’hébergement et de la restauration mais 80 % de ceux du secteur de la cokéfaction et du raffinage.  

Si en théorie, cette prime ne peut se subsister à d’autres, prévues par exemple par un accord salarial ou par un contrat de travail, nous avons observé un dynamisme des salaires de base plus faible qu’envisagé dans nos prévisions au quatrième trimestre 2022. Nous estimons donc à 30 % ce que nous avons appelé l’« effet d’aubaine » : 30 % de ces 4 milliards d’euros auraient été versés d’une manière différente en l’absence du dispositif des PPV.

M. Daniel Labaronne (RE).  Il m’apparaît que l’intérêt de votre audition est de valider en termes statistiques le bien-fondé de la politique économique que nous mettons en œuvre. Cette politique vise à renforcer la capacité productive de nos entreprises dans une logique d’offre et à préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens dans une optique de demande. Cette politique donne des résultats : notre acquis de croissance mi-2023 ressort à hauteur de 0,6 %. Notre croissance crée des emplois, diminue le chômage, permet un taux d’emploi exceptionnel, favorise un rythme élevé d’investissement des entreprises, et de surcroît aboutit à une contribution positive de la balance commerciale.

En matière de pouvoir d’achat, les Français bénéficient de l’un des taux d’inflation les plus bas d’Europe, d’une progression de leur rémunération salariale et d’une évolution favorable de la redistribution de la valeur créée. Cette situation explique sans doute que la consommation des ménages ne s’est pas autant repliée depuis la crise sanitaire, comparée aux autres économies de la zone euro. J’imagine que vous évoquez ici la consommation finale des ménages et non la consommation effective : il serait intéressant que vous nous confirmiez ce point. Je vous poserai trois questions.

Comment expliquez-vous le fort taux d’épargne des Français, alors que le rendement de cette épargne est érodé par l’inflation ? S’agit-il d’une épargne de précaution ou d’une épargne de consolidation de la valeur réelle des actifs financiers en période inflationniste ?

Quel est selon vous l’impact de la crise énergétique sur notre croissance potentielle, dans la mesure où vous notez des difficultés d’offre dans l’industrie française et une moindre productivité par tête dans le secteur marchand non agricole ?

Enfin, comment expliquez-vous la relative stabilité du taux des marges des sociétés non financières françaises depuis plus de vingt ans ? Cette stabilité montre qu’il n’existe pas de déformation de la répartition des richesses en faveur des revenus du capital dans les entreprises, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, faussement. Toutefois, cette stabilité du taux de marge ne s’observe pas dans les autres économies européennes. Comment expliquez-vous alors cette spécificité française en matière de répartition primaire de la valeur ajoutée des entreprises ?

M. Frédéric Cabrolier (RN).  Les salaires ne suivant pas l’inflation, le pouvoir d’achat baisse sans surprise. De plus, votre étude montre que les retraités en milieu rural sont les plus impactés par cette inflation.

S’agissant des matières premières agricoles et de la loi dite EGalim 2, promulguée en octobre 2021, qui était censée être favorable aux agriculteurs, on observe une augmentation du prix des produits agricoles à la production jusqu’en juin 2022, puis une baisse. En parallèle, le prix de production de l’agroalimentaire n’a fait que croître. Envisagez-vous de réaliser une étude spécifique sur les marges de l’industrie agroalimentaire qui bénéficie manifestement des lois EGalim ?

Le repli de l’immobilier en 2023 que vous avez noté constitue un point inquiétant, puisque la situation économique découle largement du dynamisme de ce secteur. Nous savons en effet que le bloc communal est très pourvoyeur en matière de marchés publics dans le domaine de l’immobilier, or celui-ci a restreint les budgets.

S’agissant du résultat des entreprises, avez-vous mesuré l’impact des prêts garantis par l’État (PGE) au moment de leur lancement et dernièrement après le début de leur remboursement ?

M. Michel Sala (LFI-NUPES).  La source de l’inflation n’est plus la même qu’il y a un an, au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. En effet, le prix du pétrole a flambé puis reculé, le gaz reste cher, mais n’atteint pas des niveaux faramineux. C’est donc l’alimentation qui constitue la principale contribution à l’inflation, soit 14,1 % sur un an en février 2023, 15,8 % en mars 2023 et 16,6 % pour les produits frais. Qui pâtit de cette situation ? Si on rapporte cette hausse à celle des revenus des ménages, ces conséquences sont nettement plus fortes pour les ménages pauvres. Cela s’explique par le fait que plus on est pauvre, plus ces postes de dépenses représentent une part importante des ressources. Les revenus des Français augmentent moins vite que l’inflation, la conséquence directe étant la suivante : le pouvoir d’achat des ménages perdra 0,7 % au premier semestre 2023.

D’où vient alors la hausse des prix alimentaires ? Alors que le gouvernement cherche sans beaucoup de succès à faire pression sur les enseignes de la grande distribution, cette inflation n’est due que pour moitié au coût de l’énergie des matières premières, et pour moitié à l’amélioration des marges des entreprises agroalimentaires, via une sorte d’effet d’aubaine. Les hausses des salaires ont eu en revanche un impact très limité dans cette hausse des prix alimentaires. L’inflation voit donc son origine dans une boucle prix-profit, plutôt que prix-salaire.

Au lieu de soutenir le pouvoir d’achat en baisse, la BCE et le gouvernement prétendent casser la demande, afin de contenir l’inflation, en relevant les taux directeurs. Cela a pour conséquence de renchérir le coût du crédit, ainsi que de ralentir la demande des ménages et des entreprises. Les réformes du gouvernement s’inscrivent dans cette logique : le véritable objectif de la réforme des retraites est en réalité d’exercer une pression à la baisse sur les salaires, mais est-ce pour casser l’inflation ou plutôt pour assurer une rémunération du capital supérieure à celle du travail ?

Puisque l’inflation frappe plus durement les plus pauvres, qu’elle est nourrie par les profits et non par les salaires et que tout indique que ces profits continueront à s’accroître en 2023, leur encadrement ne doit-il pas constituer le cœur des politiques menées en matière de lutte contre l’inflation ? Que ce soit sur le plan budgétaire ou monétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR).  Vous avancez que l’Europe est davantage exposée au choc énergétique que les États-Unis. Or il est visible que les premiers chocs sur les prix ont eu en réalité lieu avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, soit dès juillet 2021. Comment expliquez-vous ces premiers chocs ?

Quand les clients finaux pourront-ils observer sur leur facture de gaz la traduction de la baisse des prix ?

S’agissant de la croissance en France, vous annoncez 0,1 % de croissance pour le premier trimestre 2023 et 0,2 % pour le deuxième trimestre, mais vous estimez que cette croissance annuelle se situera à 0,6 % à mi 2023. J’ai une vraie difficulté à comprendre le résultat de l’addition de ces deux trimestres qui n’aboutit pas arithmétiquement à 0,6 %. Avez-vous choisi ce chiffre pour être cohérent avec les prévisions du gouvernement qui envisage une croissance à 1 % ?

S’agissant de la disparité d’inflation importante entre les ménages, votre étude montre bien qu’il ne faut pas avoir plus de 60 ans, de surcroît, plus de 75 ans et vivre dans un territoire rural. Vous avancez des facteurs comme le mode de chauffage ou le fait d’être équipé d’un véhicule, mais plus concrètement, comment une politique pourrait-elle prendre en compte cette réalité ?

M. Luc Geismar (Dem).  Poussée par les prix de l’alimentaire, l’inflation grimpe encore en France au mois de février. Ainsi le taux de hausse des prix à la consommation sur un an s’établit à 6,3 %, soit à un niveau légèrement supérieur aux premières estimations de l’Insee. Ce taux n’avait pas été atteint depuis les années 1980. Pensez-vous que cette inflation continuera sur cette lancée ? S’accompagnera-t-elle corrélativement d’une baisse durable du pouvoir d’achat des Français ? Une accalmie est-elle au contraire à prévoir ? Le pouvoir d’achat des Français se stabilisera-t-il un jour ?

Par ailleurs, la spirale inflationniste est-elle créée par la hausse des salaires ? Est-il possible d’augmenter les salaires sans provoquer une spirale entraînant les prix ?

M. Mickaël Bouloux (SOC). Notre pays traverse depuis plus d’un an une inflation sans précédent qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Si l’inflation annuelle atteint presque 6 % et l’inflation sous-jacente est encore plus forte, l’inflation des biens consommés par les plus précaires est bien supérieure. En effet, l’inflation alimentaire annuelle ne cesse de s’accélérer, en atteignant 14,5 % en février 2023, alors qu’elle était de 2,1 % un an auparavant.

Parallèlement, l’Insee indique que les marges bénéficiaires des entreprises augmentent, ces dernières progressant donc avec l’inflation. En somme, on pourrait déduire qu’alors que les ménages peinent de plus en plus en fin de mois, les entreprises voient leurs marges prospérer, au travers de ce que l’on pourrait qualifier de « cascade prix -profit ». L’agence Reuters a parfaitement illustré cette situation en janvier dernier en rapportant que les profits des 106 grandes entreprises du secteur de la consommation en zone euro avaient progressé de près de 11 % entre 2017 et 2022, soit en seulement cinq ans.

Cette situation s’inscrit également dans un contexte économique mondial affecté par les annonces de la Maison-Blanche sur la politique de réduction de l’inflation, datant de l’été dernier. Si cette politique favorise les investissements verts aux États-Unis, elle menace surtout l’attractivité de l’Europe en raison des avantages fiscaux divers qu’elle offre aux investisseurs étrangers ou en raison des mesures protectionnistes imposant de consommer américain.

Les besoins en investissements dans le secteur énergétique seront donc particulièrement importants dans les années à venir et le bouclier énergétique ne pourra pas à lui seul amortir la hausse des prix future, induite par la raréfaction de la ressource. L’inflation est donc devenue un problème de redistribution des richesses. Mes questions sont donc les suivantes : à quel point les PPV ont-elles remplacé les augmentations pérennes de rémunération ? Ne serait-il pas pertinent de mesurer une inflation pour le premier et le dernier décile ?

M. François Jolivet (HOR). Ma première question concerne les finances publiques. L’Insee ayant baptisé depuis le 22 juillet Action logement d’« organisme divers d’administration centrale », ce groupe n’a plus la possibilité d’emprunter au-delà de 12 mois, alors qu’il vient de lever près 2,5 milliards d’euros d’obligations. Quel sort est donc donné à sa dette et cette dernière est-elle consolidée au sein de la dette publique de l’État ?

Si les marges des entreprises manufacturières sont en augmentation, disposez-vous d’une étude spécifique sur les manufacturiers du pétrole ? Le baril n’a en effet jamais été aussi faiblement payé et les prix à la pompe n’ont jamais été aussi hauts.

Mme Éva Sas (Écologiste-NUPES).  Je retiens principalement trois éléments de votre présentation.

Premièrement une hausse de près de 15 % des prix alimentaires sur deux ans qui a obligé 40 % des ménages à baisser leur consommation alimentaire : les Français n’ont donc plus les moyens de se nourrir. Les écologistes défendront demain dans leur niche parlementaire une prime d’alimentation d’une valeur de 50 euros par mois. Les données que vous nous présentez en confirment la nécessité.

Deuxièmement, je suis frappée par l’augmentation très faible des salaires compte tenu de l’inflation, alors même que le taux de marge des entreprises repart à la hausse au premier trimestre 2023. Comme vous le soulignez avec l’effet d’aubaine de la PPV, nous avons mis en évidence un effet d’éviction sur les augmentations de salaire estimé entre 15 et 40 %, dans le cadre de la mission que nous menons actuellement sur le partage de la valeur. Cette estimation converge avec la vôtre qui se situe à 30 %. Vous confirmez donc que la PPV contribue à freiner l’augmentation des salaires, ce qui me paraît particulièrement préoccupant.

Je note troisièmement un taux d’emploi particulièrement élevé, supérieur à 68 %, ce qui dément les fables selon lesquelles les Français ne voudraient pas travailler. Je voudrais surtout savoir si vous anticipez de ce fait une évolution de la masse salariale particulièrement dynamique. Cette évolution aboutirait en effet à des recettes de la sécurité sociale particulièrement dynamiques qui confirmeraient les excédents du régime de retraite constatés en 2022, dans la perspective d’une consolidation du régime général et de la retraite complémentaire.

Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Je centrerai mon intervention sur les outre-mers auxquels l’Insee consacre régulièrement des études qui sont trop peu prises en compte dans la politique mise en œuvre par le gouvernement, à mon grand regret.

À l’instar de l’hexagone, l’inflation est également galopante à La Réunion, bien que légèrement inférieure. Le renchérissement de l’approvisionnement en produits alimentaires et biens de consommation pourrait conduire à une majoration de 10 à 15 % dans nos territoires. Or, lorsque les prix de l’alimentaire sont structurellement plus chers et que 36 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, contre 14 % en hexagone, l’inflation se fait d’autant plus ressentir.

Cette pauvreté, significativement élevée s’explique, toujours selon l’Insee, par un déficit d’emploi qui demeure important sur l’île. Ainsi, dans les outre-mers, après des mois de crise, les tensions sur le pouvoir d’achat risquent de provoquer une crise sociale majeure. La réforme des retraites se fera particulièrement ressentir dans nos territoires, où les carrières complètes sont rares. La Réunion est déjà le département où les pensions de retraite sont les plus faibles de France : selon votre étude du 18 mai 2022, la moitié des retraités perçoit un montant brut de retraite inférieur à 850 euros, soit 43 % de moins que dans l’hexagone.

De plus, 26 % des retraités réunionnais ont été concernés par un départ pour inaptitude, soit trois fois plus que la moyenne nationale. Le départ à 64 ans s’avère particulièrement compliqué pour une large partie des seniors réunionnais : 17 % sont concernés par le minimum vieillesse, contre 4 % en hexagone. Est-ce que des études ont été réalisées afin d’estimer l’évolution de la paupérisation des seniors réunionnais ? Pouvez-vous également nous indiquer quel sera l’impact de la décote pour carrière incomplète sur nos seniors et sur le recours au minimum vieillesse ?  

M. Michel Castellani (LIOT). La croissance a été estimée à 1 % par le gouvernement pour 2023, ce qui correspond davantage à une ambition qu’à une certitude selon les termes du ministre. S’agissant du déficit public, celui-ci est estimé à 5 % du PIB comme nous le savons. Or le Haut Conseil des finances publiques nous indique que cette évaluation est légèrement sous-estimée, de même pour l’inflation prévue à 4,3 %. Nous nous situons donc finalement bien au-dessus de ce dernier chiffre, malgré les dispositifs de soutien mis en place, surtout pour les produits alimentaires.

Considérez-vous que le Parlement travaille dans un contexte d’incertitude statistique ? Peut-on qualifier la conjoncture actuelle de période de stagflation ? Cela poserait d’énormes problèmes de gestion des comptes publics.

En ce qui concerne les disparités régionales, il faut rappeler que dans notre pays très centralisé, les dispositifs adaptés à la diversité des territoires sont rares, en tout cas en ce qui concerne les régions périphériques métropolitaines, telles que la Corse. Au regard de vos études, considérez-vous que les politiques relatives à la pérennité économique des territoires sont suffisantes pour pallier les difficultés structurelles des régions les plus fragiles ? 

M. Jean-Luc Tavernier. Vos questions portent pour beaucoup sur l’inflation et son impact sur les différentes catégories de ménages. Je voudrais vraiment insister sur le fait que nous sommes dans une situation assez évolutive et qu’au regard des paniers de consommation, l’effet anti-redistributif de l’inflation ne sera pas le même si celle-ci est d’abord de composante énergétique ou de composante alimentaire. Nous continuerons donc à mettre à jour les graphiques dans les mois à venir pour montrer les évolutions de l’inflation qui passera d’une dominante énergétique à une dominante alimentaire, ce qui aura sans doute un effet différent sur le revenu.

Je voudrais également insister, et cela répondra à la question de Marie-Christine Dalloz, sur le fait qu’on ne peut pas tirer des généralités de cette étude quant au poids de l’inflation sur certaines catégories de Français. Les paniers sont très différents et la statistique ne suffit pas à prendre en compte la réalité de chacun, ce qui pose d’ailleurs la question des mesures à prendre. Comment fait-on pour cibler à partir du moment où les situations sont aussi variables ? Ce n’est pas dans mes fonctions d’y réfléchir, mais certains pays ont fait des propositions : l’Allemagne essaye de mettre en place des dispositifs fondés sur la consommation passée. Si cette proposition est pleine de chausse-trappes, car la consommation peut évoluer comme le lieu de résidence, elle permet de prendre en compte la diversité de manière certaine.

Je comprends que la question de la responsabilité dans la formation des prix des intrants, des coûts salariaux et des marges des entreprises vous passionne et vous divise. Je constate que la courbe présentée peut satisfaire les interprétations de chacun et je dois vous confesser que je ne saurais pas vous répondre tant que nous n’aurons pas pu exploiter les comptes des entreprises. Certains profits de notoriété publique, comme ceux de CMA-CGM, ont un effet macro sur le taux de marge des entreprises, proche du point de PIB, et cet effet disparaîtra. Néanmoins, je n’ai pas d’autres informations individuelles à vous transmettre sur les marges trimestrielles des principales entreprises industrielles ou de la grande distribution.  Il faudra donc attendre l’exploitation des liasses fiscales des entreprises qui aura lieu dans douze à quinze mois.

Aujourd’hui, cette courbe ne suffit pas pour dénoncer une situation scandaleuse selon laquelle les entreprises gagneraient un maximum de profit en aval, car bien d’autres coûts que les matières premières peuvent jouer. De plus, les chocs sont de toute façon amortis en allant vers l’aval. En outre, la note de conjoncture montre bien l’effet de temporalité : les industries agroalimentaires ne répondent pas immédiatement à la hausse des prix amont par une hausse des prix aval, elles diminuent leur marge puis les restaurent. Je ne saurais vous dire objectivement si les marges des industries agroalimentaires sont au bon niveau ou si elles alimentent indûment l’inflation. Néanmoins, il s’agit d’un point de vigilance que nous sommes obligés d’étudier, même si le directeur de la Banque de France pourrait mieux vous éclairer sur cette question. Je pense d’ailleurs que les banques centrales émettront des messages dans les deux directions, que ce soit en matière de boucle prix-salaire ou de la contribution des marges des entreprises au prix. 

S’agissant de l’évolution des salaires, il est relativement naturel que les salaires ne suivent pas l’inflation en temps réel, compte tenu des rythmes des négociations salariales. En revanche, l’indexation du salaire minimum de croissance (Smic) évolue mécaniquement dès que la hausse des prix est supérieure à 2 % par rapport à l’indexation antérieure, ce qui laisse présager une évolution du Smic au cours du trimestre.

L’enjeu en matière de politique monétaire et de hausse des taux est de savoir si les négociations salariales à venir s’ancreront en fonction de l’inflation passée et alimenteront donc la boucle en fonction de l’inflation en repli. De ce point de vue, l’utilisation de la PPV crée effectivement une tension : comme l’a dit le président Éric Coquerel, on pourrait préférer que les salaires contribuent pleinement au modèle social, mais la PPV permet également une certaine réversibilité en fonction des évolutions de la situation économique. Mon rôle n’est pas de prendre parti sur ce sujet, mais d’expliquer les deux points de vue.

En ce qui concerne la prise en compte des PGE au sein des comptes d’exploitation, je ne pense pas me tromper en vous indiquant que les PGE ne se situent pas dans les comptes d’exploitation et se retrouvent donc plus en aval. Les PGE ne jouent donc pas dans les taux de marge. En revanche, les autres dispositifs de soutien mis en place pour soutenir les activités pénalisées par la crise du Covid-19 jouent un rôle dans les taux de marge. De même, le remboursement ne joue pas non plus de rôle au sein des comptes d’exploitation et concerne peut-être davantage les enquêtes menées par la Banque de France.

Sur la question technique de l’acquis de croissance, posée par Marie-Christine Dalloz, je confirme que nous ne trafiquons pas les chiffres pour faire plaisir aux uns et aux autres : il est important pour moi que les études produites par l’Insee ne soient pas discréditées en cette période particulière. Je ferai d’ailleurs part de vos remerciements aux équipes, y compris en ce qui concerne La Réunion, car nous sommes trop souvent accusés injustement de ne pas produire assez d’études sur les DOM. De même, il existe encore trop de discours complotistes affirmant que l’Insee minimise l’inflation, ce qui est d’autant plus injuste, lorsque l’on constate que les hausses rapportées par certaines chaînes de télévision sont similaires à celles décrites par l’Insee pour des paniers comparables.

Il en est de même pour la croissance, l’acquis ne correspond pas à la somme des deux trimestres : il faut prendre en compte l’ombre portée de la fin de l’année précédente qui jouera sur la moyenne de l’année en cours. Si vous examinez l’année 2022, le phénomène est frappant :  le taux de croissance se situe à 2,6 %, alors que les glissements sont beaucoup plus bas. Cette situation s’explique par un fort taux de croissance au quatrième trimestre de l’année 2021, en raison de la reprise d’activité du secteur de l’hébergement et de la restauration.

Pour répondre à la question de Daniel Labaronne sur le taux d’épargne, je n’ai pas plus d’éléments à vous présenter que le solde d’enquête d’opinion, mais j’ai la conviction qu’il s’agit là d’une épargne de précaution et non d’un effet de richesse. Nous n’avons d’ailleurs pas constaté de baisse du taux d’épargne lorsque les actifs flambaient.

J’aurais bien du mal à vous répondre quant à la question de l’impact de la crise énergétique sur la croissance potentielle. Néanmoins, la question essentielle est de savoir si la croissance potentielle a perdu 1 % chaque décennie depuis quarante ans. Continue-t-on à chuter sans arriver à mettre en place les bonnes mesures ou cette période de faible productivité est-elle intrinsèquement liée aux chocs produits par le Covid-19 et les prix de l’énergie ? Nous n’avons sincèrement pas la réponse.

Enfin, s’agissant de la stabilité du taux de marge, il faut rappeler que ce dernier a été stable durant une certaine période, puis qu’il a connu au moment du choc pétrolier une forte baisse qui a induit une hausse de la part des salaires dans la valeur ajoutée durant les années 1970 et 1980. Enfin, après le contre-choc pétrolier, nous sommes revenus au taux de marge qui prévalait précédemment. Les années 1980, souvent citées, ne constituent donc pas un bon référentiel, car celui-ci se situe au milieu des chocs pétroliers. Le taux est donc globalement stable.

J’ignore si ce que vous avez dit est valable pour tous les pays européens, mais il est vrai que le partage s’est déplacé en faveur de la rémunération du capital et au détriment des salariés, notamment dans les pays anglo-saxons. Néanmoins, ce n’est pas le cas chez nous à ce jour. De la même façon, les inégalités se sont davantage creusées à l’étranger qu’en France.

M. le président Éric Coquerel. Cela se vérifie-t-il ?

M. Jean-Luc Tavernier. Oui, si vous croyez aux études des instituts statistiques.

M. le président Éric Coquerel. Je crois en vos études, mais j’attends que vous me présentiez des tableaux sur la distribution du taux de marge entre salaires et capital depuis cinq ans. 

M. Jean-Luc Tavernier. Les taux de marge sont présentés.

M. le président Éric Coquerel. Je ne parle pas du taux de marge, mais de la phrase stipulant qu’il n’y a pas eu de disparité entre les salaires et le capital depuis quelques années.

M. Jean-Luc Tavernier. Je n’entre pas plus dans l’arène et passe à deux sujets qui ne sont pas directement liés à la conjoncture.

J’ai bien la noté la demande d’une étude sur la paupérisation des seniors à La Réunion, que je transmettrai à la direction régionale.

Quant à Action logement, je serai très clair sur cette affaire de classement. Action logement a intenté un recours contre ma décision et, s’il est bien malheureux que nous devions payer des frais d’avocat sur ce dossier, la manière dont les organismes sont comptabilisés nationalement au regard de la dette publique ne doit être dictée que par nos propres règles. Le fait que l’État ait décidé et que le législateur ait voté en faveur du fait que les organismes divers d’administration centrale ne pouvaient pas emprunter ne doit avoir aucune conséquence sur la décision que je prends de classer Action logement ou non parmi les organismes divers d’administration centrale (ODAC). Je suis bien conscient qu’une négociation est nécessaire pour obtenir éventuellement une exonération de cette disposition législative, mais cela ne peut être mon problème et encore moins celui d’Eurostat, qui contrôle étroitement l’Insee. Néanmoins, je comprends cette action au tribunal administratif que je ne commenterai pas.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Vous avez indiqué premièrement que le besoin de financement des administrations publiques se réduit de plus de 37 milliards d’euros par rapport à 2021 et que le poids de la dette diminue. Quel est le poids des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi) au titre de l’année 2022 dans la charge de la dette ?

Deuxièmement, vos constats montrent un double phénomène vertueux en matière de finances publiques : les recettes publiques sont plus dynamiques que le PIB en valeur et les dépenses publiques progressent moins vite que l’activité. Ce phénomène explique pourquoi le poids des dépenses publiques continue de reculer et, inversement, que le ratio de prélèvements obligatoires poursuit son augmentation en dépit des baisses d’impôts massives mises en place depuis 2017. Ce même mouvement est-il observable dans d’autres pays européens, en particulier chez nos voisins ?

M. Franck Allisio (RN). 164 milliards d’euros : c’est le chiffre catastrophique du déficit de notre balance commerciale en 2022, soit près du double par rapport à 2021. S’il est évident que l’inflation sur les produits énergétiques est en cause, ce résultat est plus que préoccupant. Le redressement de notre balance commerciale doit être un objectif prioritaire pour notre politique économique, or le contexte international n’y aidera sans doute pas.

En effet ce contexte est celui d’une très forte concurrence internationale, avec la reprise économique que connaît la Chine et la politique américaine que l’on peut a minima qualifier de volontariste, s’incarnant notamment par le fameux Inflation Reduction Act (IRA). Dans ce cadre, avez-vous pu noter des effets significatifs produits par ce contexte international sur notre commerce extérieur au premier trimestre 2023 ? Il s’agit autant d’évaluer nos échanges, en volume et en valeur, que les effets sur l’emploi des délocalisations et relocalisations. Quelle évolution envisagez-vous pour le reste de l’année ?

M. Mohamed Laqhila (Dem). J’aimerais revenir sur le taux de marge et connaître votre définition de la marge des entreprises non financières.

S’agissant du secteur de l’emploi en France, pouvez-vous nous indiquer les secteurs qui créent le plus d’emplois et ceux qui en perdent. Quels sont les points forts et les points faibles de l’économie française par rapport à ses voisins ?

Comment les chiffres de l’Insee peuvent-ils être utilisés pour aider les entreprises à prendre des décisions stratégiques et quelles sont les données les plus importantes à surveiller ? Quelles sont pour vous les mesures qui pourraient être prises pour améliorer l’attractivité de notre pays vis-à-vis des investisseurs étrangers ?

Comment l’Insee travaille-t-il en collaboration avec d’autres institutions et partenaires pour améliorer la compréhension de conjoncture économique en France ?

Enfin, les réformes et les grèves successives auront-elles des répercussions sur la croissance économique et à quelle hauteur ?

M. Xavier Roseren (RE). Les disparités de l’inflation entre les plus jeunes et les plus âgés résultent-elles selon vous de différences de structure des dépenses ou de modes de consommation ?

Les importantes mesures mises en place visant à soutenir notre économie pendant la crise du Covid-19, puis celles liées à l’inflation ont creusé la dette française qui s’apprête à atteindre 3 000 milliards d’euros et 112 % du PIB en 2022. Comment cette dette pourrait-elle avoir un impact sur la conjoncture économique selon vous, dans un contexte de volonté de rétablissement de nos finances publiques ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Il faut rappeler que la dernière mouture de la PPV, plus communément appelée « prime Macron », a vu le jour cet été, au moment où mon camp politique proposait des hausses de salaire. Or, du Rassemblement national à la majorité, chacun a défendu ardemment la mise en place d’une prime plutôt que l’augmentation des salaires.

Vous indiquez finalement qu’une partie des entreprises ont utilisé cette prime pour ne pas augmenter les salaires. Une étude de 2019 montrait déjà que 84 % des salariés n’avaient pas bénéficié de la prime Macron cette année-là, tout comme 93 % pour les aides à domicile, 90 % des salariés du secteur agroalimentaire et 90 % des agents d’entretien. La dernière étude de l’Insee stipule que 70 % des salariés du transport, de la construction et du commerce n’ont pas eu cette prime. Pire, vous nous annoncez que cette prime est utilisée pour ne pas augmenter les salaires. Cette prime, en plus de remplacer les salaires, n’est-elle pas de surcroît une prime concurrente de ceux-ci et agissant même contre eux ? Quels facteurs influent sur l’obtention de cette prime en fonction des secteurs d’emploi ?

M. Dominique Da Silva (RE). Je souhaite revenir sur les taux de marge des entreprises et en particulier sur certains secteurs profiteurs d’inflation. Avez-vous des comparaisons européennes de ces taux de marge au global et par branche ? J’ai le sentiment que nous pouvons nous consoler en nous comparant à nos voisins, même si on ne peut pas se réjouir de cette période inflationniste.

La mauvaise conjoncture de production de logement est-elle due essentiellement à la remontée des taux d’intérêt ou voyez-vous d’autres facteurs qui expliquent cette chute ?

M. Louis Margueritte (RE). Pouvez-vous revenir sur les facteurs de certitude ou d’incertitude expliquant la disparité des chiffres évoqués sur l’effet d’éviction produit par la PPV ? On parle en effet d’un intervalle de 15 % à 40 %.

Quels effets positifs sur la productivité peut avoir le versement de cette PPV ? Les très petites entreprises (TPE) ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME) semblent particulièrement plébisciter ce dispositif.

Avez-vous commencé à chiffrer l’accord interprofessionnel qui donnera largement accès aux TPE et PME au dispositif de partage de la valeur ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Vos récentes études révèlent des chiffres très intéressants : la perception qu’ont les ménages de leur pouvoir d’achat a atteint son niveau le plus bas, tout comme la confiance des ménages en l’avenir, soit autant de signaux de prospective économique loin d’être anodins.

Je mets ce chiffre en perspective avec celui du record de déficit qu’atteint la France en janvier et février, soit plus de 50 milliards d’euros, qui apparaît alors en décalage avec les annonces de réduction des déficits qui ont lieu. À combien estimez-vous la baisse du niveau de revenu réel pour un ménage moyen en 2022 et 2023 ? Je pense que nous assistons à une baisse de niveau de vie des Français sans précédent.

M. Emmanuel Lacresse (RE). Ma question porte sur les facteurs sous-jacents à l’inflation, en dehors des prix de l’énergie et des intrants. Je vous demanderai votre avis sur trois impacts possibles.

Quel est l’impact de la relocalisation de l’activité industrielle que nous cherchons à mettre en œuvre en Europe ? Il est prévu d’y consacrer des subventions considérables, notamment pour répondre au plan américain sur le sujet.

Faut-il relancer les accords commerciaux ?

Quel est l’impact du taux de change dans le contexte actuel ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je souhaite revenir sur les données portant sur la PPV, qui est interprétée de manière très différente en fonction de nos couleurs politiques. Il faut rappeler que 4,1 milliards d’euros de primes supplémentaires ont été versés en 2022 : il n’existe pas de substitution de la prime au salaire. Vous avez en effet estimé l’effet d’aubaine à 30 %, ce qui laisse penser que 70 % de cette prime sont additionnels par rapport aux salaires, soit 3 milliards d’euros de prime. De plus, les salaires ont augmenté à hauteur de 5 % et le Smic à hauteur de 6,6 % en 2022. 

M. Jean-Luc Tavernier. Je me concentrerai sur les questions ne relevant pas de la conduite économique dont je ne suis pas responsable, contrairement au ministre que vous avez l’occasion de rencontrer.

Les intérêts versés sur la dette publique se sont accrus d’un peu moins de 40 % en 2022, soit une hausse de 15,1 milliards d’euros. Cette évolution s’explique intégralement en raison de la charge des OATi. L’effet de la dette sera par la suite plus insidieux dans le cadre de la montée des taux d’intérêt qui se fera ressentir sur la charge d’intérêt année après année et entraînera un effet d’éviction sur le reste des dépenses publiques. De même, une défiance des marchés est à craindre si l’on venait à douter de la soutenabilité de nos finances publiques, mais nous n’en sommes pas là.

S’agissant du commerce extérieur, nous avons indiqué les contributions à la croissance en termes d’exportations et d’importations qui sont exprimées en volume : en 2021, les exportations se sont accrues plus rapidement que les importations, et inversement en 2022. L’année 2023 verrait pour l’instant les importations en volume croître un peu plus rapidement que les exportations, d’où la crainte partagée sur l’attractivité et la compétitivité.

En ce qui concerne les délocalisations et les relocalisations, je vous indiquerai simplement que l’Insee publie aujourd’hui les résultats d’une enquête sur les chaînes d’activité mondiales qui fournissent des informations intéressantes sur le sujet.

Le pouvoir d’achat en revenus des ménages s’établit dans les comptes trimestriels en 2022 à +0,2 %, soit quasiment 0. Ce pouvoir d’achat a donc été préservé, mais si l’on tient compte de l’augmentation de la démographie et du pouvoir d’achat par unité de consommation, on arrive au chiffre de -0,2 %.

Il faut comprendre que, sur la question de l’inflation et du partage de la valeur ajoutée, nous subissons un choc des prix importés qui pèse sur le revenu national. Il a été largement supporté par l’État en 2022 à travers les boucliers. Il impacte également le pouvoir d’achat et les marges des entreprises dans une proportion qui peut être discutée, mais qui aura des conséquences d’une manière ou d’une autre.

Je ne reviendrai pas sur la PPV dont nous avons déjà beaucoup parlé. J’ai expliqué les tensions qui pouvaient peser sur un tel dispositif. Quant à l’explication détaillée du chiffre sur l’effet d’aubaine fourni par l’Insee, je vous invite à vous reporter à la note de conjoncture du 15 mars.

S’agissant de la question sur les niveaux de taux de marge selon les pays, ces données se trouvent sur le site d’Eurostat.

S’agissant des évolutions du déficit en termes de dépenses et de recettes par rapport au PIB selon les pays, l’Insee a réalisé une étude assez complète sur le sujet, et je m’en félicite. Cependant, ce n’est pas forcément le cas pour les instituts statistiques étrangers. Nous procéderons donc aux comparaisons le moment venu. Cet effet de recettes est sans doute partagé dans beaucoup de pays, mais je ne peux pas vous dire si le taux de prélèvements obligatoires a augmenté chez nos voisins.

Enfin, en ce qui concerne l’effet de la réforme des retraites sur la croissance potentielle, l’Insee s’est engagé auprès du Conseil d’orientation des retraites à étudier l’effet de la réforme sur la population active.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie.

*

*         *

Puis la commission émet un avis public sur la nomination par la Présidente de l’Assemblée nationale de Mme Emmanuelle Auriol, M. Denis Duverne et Mme Florence Parly, à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

M. le président Éric Coquerel. J’ai reçu mercredi dernier 29 mars, de la Présidente de l’Assemblée nationale, une lettre m’informant qu’elle envisage de désigner Mme Emmanuelle Auriol, M. Denis Duverne et Mme Florence Parly pour siéger à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Je vous rappelle qu’en vertu du 6° de l’article L. 518-4 du code monétaire et financier, le Président de l’Assemblée nationale désigne à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations trois membres « en raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable ou économique ou dans celui de la gestion (…) après avis public de la commission permanente de l’Assemblée nationale chargée des finances ».

Lorsque la commission des finances avait eu l’occasion, pour la première fois, de faire application de ces dispositions, en décembre 2019, le Président de l’Assemblée nationale avait à l’époque fait savoir qu’il considérait qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à cet avis public la procédure prévue par l’article 29-1 du Règlement de l’Assemblée nationale. Cette analyse avait été appliquée de la même manière au Sénat pour l’avis public de la commission des finances du Sénat sur les nominations de membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations par le président du Sénat, et elle l’a à nouveau été au Sénat en février 2023 pour le renouvellement de personnalités nommées par le Président du Sénat.

Je vais donc, conformément à cette interprétation juridique commune à nos deux assemblées, recueillir votre assentiment à ces nominations sans audition préalable ni scrutin secret sur ces propositions.

Vous avez eu à connaître du CV des trois personnes dont la nomination est envisagée. Par ailleurs, M. Alexandre Holroyd, qui ne pouvait pas être présent aujourd’hui, m’a demandé, en sa qualité de président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, de porter à votre connaissance quelques lignes au sujet des personnes dont la nomination est envisagée par la Présidente de l’Assemblée nationale :

« Mes chers collègues,

« Étant malheureusement dans l’incapacité de participer aux travaux de la commission aujourd’hui, je souhaitais néanmoins, par la voix de notre président de commission, exprimer très rapidement trois points au sujet de l’avis public sur la nomination par la Présidente de l’Assemblée nationale de Mme Emmanuelle Auriol, M. Denis Duverne et Mme Florence Parly à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations que je préside.

« C’est donc la deuxième fois depuis la loi PACTE que notre commission s’exprime sur la nomination de personnalités qualifiées au sein de la commission de surveillance du groupe Caisse des dépôts et consignations, après les avis en deux temps de décembre 2019 (2 personnalités) et janvier 2020 (1 personnalité). Cet avis est le symbole de la protection et de la supervision du Parlement, et de l’Assemblée nationale en l’espèce, sur ce groupe qui joue un rôle fondamental pour nos concitoyens, nos organismes de logements sociaux et nos collectivités territoriales entre autres.

« Il vous est donc proposé aujourd’hui la nomination de Mme Emmanuelle Auriol, professeure d’économie à la Toulouse School of Economics, M. Denis Duverne, dirigeant d’entreprise, et Mme Florence Parly, ancienne ministre et administratrice indépendante. Aux côtés de tous les autres commissaires surveillants, ces personnalités qualifiées aux expériences professionnelles riches et variées formeraient un collège aux compétences très complémentaires, essentielles à la surveillance du groupe Caisse des dépôts qui, je le rappelle, possède un champ d’intervention d’activité extrêmement large. Leur nomination serait de nature à renforcer l’institution et tout particulièrement le contrôle d’origine parlementaire que la commission de surveillance incarne.

« Placée sous la supervision de l’ACPR depuis la loi PACTE, ces nominations contribueront également à renforcer la capacité de la commission de surveillance à pleinement remplir les exigences du régulateur. C’est à ce titre que je suis tout particulièrement confiant en la capacité de ces personnalités qualifiées à appréhender ces enjeux pour les trois années à venir.

« Je vous remercie. »

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est dit que la Caisse des dépôts et consignations est placée sous la supervision du Parlement. Mais, dès lors, il me semble qu’il faudrait que la commission exprime son avis en votant.

Par ailleurs, je rappelle que l’objectif est de faire bénéficier la commission de surveillance de l’expérience de personnalités passées par des groupes privés.

M. Emeric Salmon. Je suis également surpris d’apprendre que l’avis pourrait être exprimé sans vote. Notre groupe est opposé à ces propositions de nominations.

M. le président Éric Coquerel. Concernant la procédure applicable à cet avis, la rédaction de l’article L. 518-4 du code monétaire et financier fait référence à un avis public de la commission. J’ai déjà expliqué qu’a été retenue une lecture du règlement de l’Assemblée conduisant à ne pas appliquer à cet avis les dispositions de l’article 29-1. Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 63 du règlement de l’Assemblée nationale qui impose un scrutin secret pour les nominations personnelles n’est pas non plus applicable à cette procédure pour avis, car il ne s’agit pas d’une nomination personnelle par l’Assemblée elle-même, ni même d’une nomination par la commission des finances, mais d’un simple avis sur une nomination par la présidente de l’Assemblée.

Mais il est tout à fait possible de recueillir l’avis de la commission par un vote à main levée, ce que je vous propose donc de faire. Je vais mettre aux voix successivement chacune des trois propositions de nomination.

La commission émet, par 19 voix pour et 6 contre, un avis favorable à la nomination de Mme Emmanuelle Auriol comme membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

La commission émet, par 17 voix pour et 8 contre, un avis favorable à la nomination de M. Denis Duverne comme membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

La commission émet, par 19 voix pour et 9 contre, un avis favorable à la nomination de Mme Florence Parly comme membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

*

*         *

Puis la commission examine en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (n° 1022) (Mme Sandrine Rousseau, rapporteure).

Le tableau ci-dessous récapitule le sens des avis émis par la commission sur les amendements.

 

N° Amdt

 

 

Place

 

 

Auteur

 

 

Groupe

 

 

Avis de la commission

 

 48

 PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 58

 PREMIER

 Mme ROUSSEAU Sandrine

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 2

 PREMIER

 M. DE COURSON Charles

 LIOT

 Repoussé

 59

 PREMIER

 Mme ROUSSEAU Sandrine

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 30

 PREMIER

 Mme LOUWAGIE Véronique

 LR

 Repoussé

 40

 PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 41

 PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 60

 PREMIER

 Mme ROUSSEAU Sandrine

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 37

 ap PREMIER

 M. BRETON Xavier

 LR

 Repoussé

 36

 ap PREMIER

 M. BRETON Xavier

 LR

 Repoussé

 33

 ap PREMIER

 M. BRUN Philippe

 SOC

 Repoussé

 38

 ap PREMIER

 M. BRETON Xavier

 LR

 Repoussé

 42

 ap PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 43

 ap PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 44

 ap PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 45

 ap PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 46

 ap PREMIER

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 70

 ap PREMIER

 M. BRUN Philippe

 SOC

 Repoussé

 72

 ap PREMIER

 M. BRUN Philippe

 SOC

 Repoussé

 73

 ap PREMIER

 M. BRUN Philippe

 SOC

 Repoussé

 56

 ap PREMIER

 M. BERTELOOT Pierrick

 RN

 Repoussé

 75

 2

 Mme MARSAUD Sandra

 RE

 Repoussé

 79

 2

 Gouvernement

 

 Repoussé

 47

 2

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 10

 2

 M. RAMOS Richard

 Dem

 Repoussé

 61

 2

 Mme ROUSSEAU Sandrine

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 12

 2

 M. RAMOS Richard

 Dem

 Repoussé

 34

 2

 M. BRUN Philippe

 SOC

 Repoussé

 71

 2

 M. BRUN Philippe

 SOC

 Repoussé

 77

 2

 Gouvernement

 

 Repoussé

 78

 2

 Gouvernement

 

 Repoussé

 22

 2

 Mme LEBOUCHER Élise

 LFI - NUPES

 Repoussé

 62

 2

 Mme ROUSSEAU Sandrine

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 63

 2

 Mme ROUSSEAU Sandrine

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 8

 2

 M. RAY Nicolas

 LR

 Repoussé

 23

 2 bis

 M. MATHIEU Frédéric

 LFI - NUPES

 Repoussé

 25

 2 ter

 M. MATHIEU Frédéric

 LFI - NUPES

 Repoussé

 17

 2 ter

 M. WARSMANN Jean-Luc

 LIOT

 Repoussé

 26

 2 quinquies

 Mme LEBOUCHER Élise

 LFI - NUPES

 Repoussé

 3

 2 sexies

 M. DI FILIPPO Fabien

 LR

 Repoussé

 13

 2 sexies

 M. WARSMANN Jean-Luc

 LIOT

 Repoussé

 15

 2 septies

 M. WARSMANN Jean-Luc

 LIOT

 Repoussé

 5

 ap 2 septies

 M. HETZEL Patrick

 LR

 Repoussé

 9

 ap 2 septies

 M. RAY Nicolas

 LR

 Repoussé

 27

 ap 2 septies

 M. MATHIEU Frédéric

 LFI - NUPES

 Repoussé

 39

 ap 2 septies

 M. ARDOUIN Jean-Philippe

 RE

 Repoussé

 76

 ap 2 septies

 M. BAUBRY Romain

 RN

 Repoussé

*

*         *

Information relative à la commission

La commission a désigné M. Sébastien Jumel rapporteur de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (n° 808), M. Philippe Brun, nommé rapporteur le 18 janvier 2023, le demeurant également.

*

*         *

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 8 heures 30

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, Mme Charlotte Leduc, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, Mme Sandrine Rousseau, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. - Mme Karine Lebon, M. Mathieu Lefèvre, M. Vincent Seitlinger, M. Jean-Luc Warsmann