Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

 

–  Audition de M. Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sur la conjoncture économique              2

–  Information relative à la commission................23

  présences en réunion...........................24

 


Mercredi
17 mai 2023

Séance de 9 heures 

Compte rendu n° 74

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend M. Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sur la conjoncture économique.

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons ce matin M. Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE afin d’évoquer les questions de conjoncture économique. Cette audition s’inscrit dans un cycle qui nous a conduits à auditionner la Banque de France au mois de mars, l’Insee et l’OCDE en avril.

L’OFCE a publié une note au mois d’avril intitulée « Le prix de l’inflation ». Il y est indiqué que l’inflation devrait rester élevée jusqu’à la fin de l’année 2023, entre 5,5 % et 6,5 % ; et que le pouvoir d’achat par unité de consommation (UC) baisserait de 1,2 % sur la période 2022-2024. La note envisage également un retournement du marché du travail en 2023, avec une hausse du chômage.

M. Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Je vous remercie de nous avoir sollicité pour cette audition. Je représente l’OFCE et viens vous présenter la note de conjoncture, que nous avons publiée il y a un mois.

Les évolutions du produit intérieur brut (PIB) depuis la fin 2019 montrent que la France a retrouvé assez vite son niveau d’avant crise, au troisième trimestre 2021. La reprise a été plus dynamique qu’anticipée avant que la France soit confrontée à un nouveau choc lié à la crise énergétique. Depuis cinq trimestres, on constate un aplatissement de l’activité française, ce qui est moins le cas dans les autres pays de la zone euro : le dynamisme est moindre en France malgré les mesures budgétaires et une plus faible inflation.

La croissance du PIB français s’est établie à 1,3 % au premier trimestre 2023, au-dessus de son niveau d’avant crise, mais en deçà des 2,8 % de la zone euro. La croissance est molle en France depuis la fin 2021, puisqu’elle augmente en moyenne de 0,6 % par trimestre sur cinq trimestres consécutifs. Dans le détail, l’activité est tirée par les entreprises, dont l’investissement est resté très dynamique et qui ont en outre reconstitué des stocks. En revanche, le comportement des ménages pèse sur l’activité : la contribution de la consommation et de l’investissement des ménages pèsent sur la croissance. Les comportements des ménages sont ainsi marqués par le retour de l’inflation et le maintien d’une épargne élevée.

L’évolution de la consommation alimentaire témoigne d’une évolution historique : une perte de 10 % depuis la fin de l’année 2021, soit un retournement inédit depuis les années 1950. Un tel découplage entre les entreprises et les ménages a rarement été autant observé dans les enquêtes. Ainsi, les enquêtes de l’Insee montrent que le climat de confiance des affaires est au-dessus de sa moyenne de long terme, mais du côté des ménages, nous sommes actuellement à un plus bas historique de ce climat de confiance, en dessous du niveau atteint lors du choc Covid et de la crise des Gilets jaunes. Le seul précédent historique équivalent est 2013, lors du tournant de l’austérité fiscale, qui a entraîné un choc sur le pouvoir d’achat. Les ménages français sont ainsi inquiets quant aux perspectives concernant leur niveau de vie.

Enfin, le déficit commercial constitue un point noir. Le choc initial subi sur l’énergie dans la balance commerciale est à peu près équivalent au premier choc pétrolier, c’est-à-dire presque 3 points de PIB. Depuis deux trimestres, la tendance se redresse, dans la mesure où les prix de l’énergie refluent. En revanche, le déficit commercial hors énergie est passé en terrain négatif alors que nous étions excédentaires. Cela est dû à la forte baisse des excédents dans le secteur des matériels de transport (perte de près d’un point de PIB par rapport à 2019) et à la hausse du déficit dans les biens d’équipements.

Les prévisions de croissance sont donc impactées par différents chocs : le choc énergétique ; un choc d’approvisionnement ; un choc lié à la remontée des taux ; des incertitudes et des tensions géopolitiques.

À la fin 2021, avant le choc énergétique et la guerre en Ukraine, la croissance était prévue à 4,1 %, mais elle s’est en réalité établie à 2,6 % en 2022. L’année 2022 a été marquée par le choc énergétique et les tensions géopolitiques, notamment les difficultés d’approvisionnement.

En 2023, en l’absence de choc, la croissance se serait établie à 1,6 %. Mais en 2023, les taux d’intérêt seront la variable la plus marquante, bien plus que les problèmes d’approvisionnement ou les tensions géopolitiques. Nous allons donc passer de 1,6 % à 0,8 % de croissance. De plus, les taux d’intérêt sont marqués par un effet retard : les effets des décisions de la Banque centrale européenne (BCE) sur l’activité jouent à plein entre douze et dix-huit mois après avoir été prises. Cela signifie que les décisions sur les taux de 2022 se feront sentir en 2023 et 2024.

En 2024, les taux d’intérêt auront donc un impact important, quand les prix de l’énergie seront plus neutres. Mais, simultanément, des mesures budgétaires de soutien, comme le bouclier tarifaire, vont être retirées. En résumé, nos prévisions de croissance du PIB sont de 0,8 % en 2023 et de 1,2 % en 2024.

Dans le détail, le taux de croissance trimestriel du PIB montre que l’économie française n’est pas retombée en récession. En début d’année 2023, le taux est de 0,1 % : la croissance a donc résisté, mais la dynamique reste faible. De même, les taux de croissance attendus sont également faibles : 0,2 % au deuxième trimestre et 0,3 % aux troisième et quatrième trimestres 2023.

Nous pensons que la consommation va malgré tout prendre le relais, compte tenu des taux d’épargne élevés. En revanche, l’investissement devrait diminuer, notamment l’investissement des ménages dans le logement, compte tenu de la remontée des taux. Les entreprises font quant à elles face à une augmentation des taux de refinancement et une hausse des coûts de production, ce qui devrait peser sur leur investissement. La contribution du commerce extérieur devrait être plus positive via un effet de rattrapage, notamment grâce au secteur aéronautique.

Notre prévision d’inflation via l’indice des prix à la consommation (IPC) est relativement élevée jusqu’à la fin de l’année 2023 (entre 5,5 % et 6 %), avant de converger vers 3 % à la fin 2024. Le poids de la consommation d’énergie représente à peu près 9 % de la consommation totale, contre 16 % pour l’alimentation ; mais leur contribution à l’inflation a été importante car leurs prix ont beaucoup plus fluctué.

En 2022, l’inflation était surtout tirée par l’énergie, à hauteur de 40 %, malgré le bouclier tarifaire. En 2023, la principale contribution à l’inflation relèvera de l’alimentaire, qui sera quatre fois plus élevée que celle de l’énergie (2,4 points contre 0,6 point), à comparer avec 2022, où l’énergie avait contribué à l’inflation à hauteur de 2,2 points contre 1,1 point pour l’alimentaire. En résumé, l’impact distributif du choc inflationniste sera différent dans sa structure en 2023 par rapport à 2022. Cette diffusion de l’inflation alimentaire s’effectue avec un effet retard.

Les revenus nominaux vont augmenter via les salaires, mais moins rapidement que l’inflation. C’est la raison pour laquelle la spirale inflationniste n’est pas auto-entretenue. Le pouvoir d’achat par unité de consommation est marqué par cette inflation : il devrait baisser de 1 % en 2023 après avoir baissé de 0,2 % en 2022, avant de se stabiliser en 2024. Dans le contexte actuel, cela pose un certain nombre de difficultés, mais au regard des chocs macroéconomiques enregistrés, l’impact aurait pu être encore plus difficile.

Aujourd’hui, la difficulté ne réside pas seulement dans un choc lié à l’inflation, mais dans l’hétérogénéité des situations. Dans certains cas, le pouvoir d’achat peut être préservé par l’augmentation des salaires ou des revenus, voire une inflation moindre si l’exposition à l’énergie ou l’alimentaire est plus faible. Dans d’autres cas, les chocs peuvent être assez puissants. Fin 2024, on retrouverait le niveau de pouvoir d’achat de 2019, malgré les mesures fiscales déployées, qu’il s’agisse des mesures structurelles, comme la baisse de la taxe d’habitation, ou des mesures conjoncturelles, comme le bouclier tarifaire.

Nous constatons également une forme de sur-épargne accumulée depuis la crise de la Covid. À la fin 2022, le niveau d’épargne était de 18 %, contre 15 % avant la crise. Les ménages sur-épargnent donc 3 points de revenus, soit un montant élevé. Nous considérons que petit à petit, le taux d’épargne devrait se normaliser et revenir à une situation d’avant crise.

Normalement le taux d’épargne est sensible au taux de chômage, mais cela ne se vérifie pas actuellement, compte tenu de cette épargne de précaution élevée.

De même, le niveau des actifs reste élevé et engendre donc un effet de richesse positif, qui en théorie devrait diminuer le taux d’épargne, mais ce n’est pas ce que l’on constate actuellement.

Cette sur-épargne devrait atteindre à la fin 2024 près de 13 % du revenu annuel, soit environ 200 milliards d’euros de sur-épargne accumulée. Cela pose problème, d’autant plus qu’une partie de celle-ci est érodée par l’inflation. Par conséquent, la manière dont les ménages utiliseront cette épargne sera essentielle. En outre, cette épargne est très concentrée : en 2020, d’après l’Insee, 80 % de cette épargne était détenue par 25 % des ménages, c’est-à-dire les ménages les plus aisés.

Par ailleurs, la situation actuelle est marquée par une forte singularité : les créations d’emploi sont plus nombreuses que l’activité ne le laisserait supposer. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le marché du travail : les chiffres du premier trimestre de 2023 font état de 1 150 000 emplois nets supplémentaires par rapport à 2019, soit 5,8 % d’emplois en plus. En revanche, le niveau d’activité est seulement 1,3 % au-dessus du niveau d’avant crise. En résumé, nous avons besoin de plus d’emplois qu’avant pour créer la même valeur ajoutée.

La conséquence est assez évidente mais également inquiétante pour la suite : un affaissement de la productivité. L’enjeu consiste donc à savoir si cette baisse est temporaire ou structurelle. Les raisons sont diverses selon nous : elles sont liées au phénomène de l’apprentissage, à la durée du travail ou au faible nombre de faillites. Dans notre étude, nous estimons ainsi que par rapport au cycle habituel, le nombre d’emplois est environ supérieur d’un million, soit un montant très élevé. On n’assiste donc pas à la fin du travail ou à un choc positif sur la productivité qui serait induit par le numérique.

Les chiffres du chômage ont été publiés ce matin et se sont établis à 7,1 % au premier trimestre 2023. Notre discours consiste à dire que le taux de chômage va rester relativement bas jusqu’à la fin du premier semestre, mais nous considérons que le marché du travail va se retourner en raison des conditions macroéconomiques, qui sont liées notamment à une croissance poussive et un choc de productivité négatif. Il est ainsi fort probable que les entreprises vont chercher à un moment donné à récupérer une partie de la productivité perdue, car elle affecte la rentabilité, jusqu’à provoquer dans certains cas des faillites.

À partir du moment où la situation est normalisée et que les aides sont retirées, les entreprises vont chercher à récupérer de la productivité. De plus, la prime d’apprentissage doit également se réduire, alors que l’apprentissage a contribué de manière assez nette à enrichir la croissance en emplois. Cet ajustement du marché du travail devrait se traduire par des destructions d’emplois à partir du troisième trimestre 2023.

Cela correspondrait environ à 100 000 emplois perdus d’ici la fin 2024, soit un taux de chômage de 7,9 %. Ce choc n’est pas extrêmement violent et ne prend pas en compte une normalisation des niveaux de faillites, que nous avons envisagés de manière assez conservatrice. La réforme des retraites est cependant intégrée dans nos modèles : en reportant de quelques mois l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation, on maintient plus longtemps le nombre de personnes en activité ou au chômage, ce qui augmente mécaniquement la population active, à hauteur de 0,2 % en 2024.

Par ailleurs, nos prévisions de cadrage budgétaire sont assez proches de celles du Gouvernement. En 2022, le déficit a été plus bas que ce que nous pouvions anticiper, puisqu’il s’est finalement établi à 4,7 %. En réalité, les recettes fiscales ont été très dynamiques malgré une croissance qui a été pourtant plus impactée. Cela devrait être moins le cas en 2023, selon nos prévisions mais également celles du ministère de l’économie.

Le déficit devrait donc augmenter en 2023 avant de diminuer en 2024. Tout d’abord, les assiettes fiscales devraient être moins dynamiques et se coupler avec une hausse des charges d’intérêt, quand les années précédentes avaient permis de bénéficier d’une baisse de ces dernières. En revanche, l’État devrait profiter d’une baisse significative du montant global des mesures non pérennes entre 2022 et 2024.

Ainsi, la réduction des mesures budgétaires liées à la crise sanitaire est supérieure aux nouvelles mesures budgétaires prises pour faire face à la hausse de l’énergie. Or en 2022, les mesures prises pour amortir les effets de la crise sanitaire et ceux de la crise énergétique représentaient 2,8 % de points de PIB. Elles devraient désormais s’estomper progressivement. En résumé, il existe donc une réserve de baisse de déficit liée au caractère non pérenne de ces mesures.

Enfin, malgré un déficit élevé, la dette publique en points de PIB diminue. En effet, l’inflation permet de réduire plus facilement la dette : même avec un déficit compris entre 4,2 et 5 %, la dette publique passerait de 111,6 % du PIB en 2022 à 107,8 % en 2024.

J’ajoute cependant que plusieurs aléas pèsent sur nos hypothèses.

Tout d’abord, les incertitudes géopolitiques jouent sur l’activité et les différents chocs que nous avons enregistrés, y compris sur l’énergie. Dans notre prévision, nous supposons que la situation se normalisera progressivement et nous n’intégrons donc pas une nouvelle flambée des prix de l’énergie. Nous n’avons donc pas envisagé des difficultés d’approvisionnement sur les stocks de gaz cet hiver. Si tel était finalement le cas, les prix de l’énergie repartiraient à la hausse et entraîneraient donc un impact négatif sur l’inflation et la croissance.

De plus, si notre scénario intègre une remontée des taux, il n’envisage pas non plus un choc financier ou une crise bancaire. Cette remontée des taux devrait amputer l’activité d’un point de PIB sur 2023 et 2024, à travers les canaux classiques de transmission du crédit. Dans les pays émergents, la hausse des taux pourrait ainsi provoquer une sortie de capitaux. En résumé, ces risques financiers sont réels, mais nous ne les avons pas intégrés dans nos prévisions.

S’agissant de la France, nous sommes assez prudents sur les risques de faillite, c’est-à-dire que nous considérons un retour progressif sur des taux de faillite d’avant 2020, sans pour autant envisager un rattrapage des faibles niveaux de faillite enregistrés depuis 2020. En effet, en 2020, 2021 et 2022, le niveau des faillites était historiquement bas.

Comme je l’ai indiqué précédemment, le taux d’épargne est particulièrement élevé en France, notamment en comparaison avec les autres pays, qui sont revenus au niveau d’épargne d’avant crise, voire sont passés en dessous. Ces niveaux d’épargne sont déconnectés des sous-jacents habituels. Se pose également la question de la réserve d’épargne accumulée depuis maintenant quatre ans sur les comptes courants. Il est donc possible de se demander si une partie ne sera pas rognée par les tensions inflationnistes et si elle ne pourrait pas être utilisée à un certain moment pour soutenir la consommation.

Enfin, parmi les effets positifs potentiels, il faut mentionner l’amélioration de la compétitivité et des gains de part de marché. Les secteurs des matériels de transport et de l’aéronautique pourraient ainsi bénéficier d’un certain rattrapage. En outre, l’inflation française est en réalité restée moins élevée que celle de nos voisins européens, ce qui a créé des effets de gains de prix relatifs, puisque les prix augmentent moins vite en France que dans le reste de la zone euro. Nous avons moins pâti d’effets de second tour car le choc inflationniste a été moins élevé dans notre pays, ce qui pourrait potentiellement entraîner des effets à moyen terme.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour cette présentation. J’observe tout d’abord que les chiffres produits par l’OFCE infirment parfois ceux du Gouvernement. Je pense notamment à l’augmentation du PIB inférieure à la moyenne de la zone euro et au taux de chômage de 7,9 % que vous prévoyez pour la fin 2024, ce qui nous éloigne du plein emploi. Dans ce cadre, je souhaiterais que vous nous fassiez part d’un commentaire sur les prévisions de l’OFCE quant à l’impact de la réforme des retraites. Il me semble d’ailleurs qu’elles ont été évoquées devant le Haut conseil du financement de la protection sociale, à travers la prévision d’une hausse de 0,9 % du taux de chômage et d’une diminution de 3 % des salaires.

Ensuite, vous avez indiqué que l’inflation devrait diminuer car les salaires ne suivent pas le même rythme. Pourtant, il semble bien que l’inflation est plus due à la composante des profits que celle des salaires. Ceci se constate par la reconstitution de marges par les entreprises dans certains secteurs, notamment dans l’agroalimentaire. À partir du moment où cette inflation n’est pas tirée par les salaires, d’où provient ce relatif optimisme ?

Par ailleurs, vous avez évoqué un découplage entre les entreprises et les ménages. Ce découplage est-il à terme soutenable ? De plus, vous relevez que nous subissons un réel problème de demande et de consommation, qui traduit des pertes de pouvoir d’achat et peut entraîner un impact important sur l’activité économique. Or le Gouvernement a annoncé des baisses de dépenses publiques dans les années à venir. Après la crise des subprimes de 2010, la France avait précisément évité la récession grâce aux dépenses publiques. Par conséquent, n’êtes-vous pas inquiet de l’effet récessif que pourrait induire une baisse des dépenses publiques ?

Enfin, dans votre note de conjoncture économique, vous avez indiqué que le relèvement des taux d’intérêt directeurs par la BCE engagé en juillet 2022, en réaction à l’emballement de l’inflation, pèsera négativement sur la croissance à hauteur de 0,1 % de PIB en 2021, puis de 0,4 % en 2023 et de 0,5 % en 2024. Nous constatons donc que la politique monétaire restrictive actuellement conduite entraîne des effets négatifs significatifs sur la croissance.

Dès lors, je m’interroge sur la persistance d’une approche monétariste aussi restrictive. Il est donc possible de se demander si elle ne fait pas plus de mal que de bien à l’économie réelle et à la richesse nationale. Quelle pourrait être une approche moins orthodoxe ? Dans le prolongement de cette question, la note de l’OFCE que j’ai mentionnée relève que la hausse des taux ampute le PIB d’un point sur trois ans. La note ajoute que « nous n’inscrivons pas d’effets amplificateurs de ce choc, qui pourraient passer par une crise bancaire ou un credit crunch. » Pensez-vous néanmoins qu’une telle crise bancaire est une possibilité ? Comment pourrions-nous y faire face ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous accordons toujours un grand intérêt aux travaux de l’OFCE. Je retiens de votre présentation quelques éléments encourageants. L’économie française redémarre aujourd’hui, même si cela peut paraître lent. Vous avez souligné le niveau important de l’investissement des entreprises et la résistance de l’emploi dans notre pays. En outre, le déficit reculera dans les trois prochaines années. Vous indiquez que les salaires ont augmenté de plus de 5 % en 2022 et vous projetez qu’ils augmenteront de 5,6 % en 2023 et de 4,9 % en 2024.

La politique monétaire s’est considérablement resserrée depuis un an et le débat au sein du conseil des gouverneurs de la BCE porte actuellement sur le principe et le timing de la fin du resserrement. Considérez-vous que la transmission à notre économie de la politique monétaire plus restrictive de la BCE soit acquise ? Que lui reste-t-il à faire selon vous pour atteindre ses objectifs en matière d’inflation sans risquer une récession généralisée de notre économie ?

Ensuite, vous anticipez une hausse modérée mais effective du taux de chômage d’ici la fin de l’année 2024. Ce taux resterait néanmoins inférieur à 8 %. Le marché du travail a plutôt bien résisté depuis quatre ans. Quels sont les sous-jacents qui vous font penser que le chômage va malgré tout augmenter dans les prochains trimestres ?

De plus, vous montrez une augmentation des salaires moyens assez proche de l’inflation. Votre note précise que le salaire moyen s’est accru de 5,6 % et l’inflation de 5,2 % en 2022. Vous prévoyez une augmentation des salaires de 5,6 % en 2023 et de 4,9 % en 2024 contre une hausse de l’inflation comprise entre 5,5 % et 6,5 % en 2023 et de 3 % en 2024. Certes, les écarts varient selon les foyers, mais l’on peut considérer que les ordres de grandeur sont assez proches. En revanche, les perceptions, notamment en matière de pouvoir d’achat, ne sont pas de cet ordre. Quel est votre éclairage à ce sujet ?

Enfin, vos prévisions sur le niveau des finances publiques sont un peu plus optimistes que celles du Gouvernement. Pouvez-vous nous en détailler les raisons ? Par ailleurs, quel est le niveau de la croissance potentielle aujourd’hui en France selon vous ? Quelles sont vos préconisations de politique économique pour la renforcer ?

M. Mathieu Plane. L’OFCE est assez surpris de la plus faible dynamique de l’activité française par rapport à celle de ses voisins européens. Le PIB de la zone euro est aujourd’hui tiré par les pays du sud de l’Europe, comme l’Espagne ou l’Italie. La politique publique française avait plutôt bien amorti le choc de l’énergie, comme nous l’avons constaté au niveau de l’inflation. Cependant, le déficit extérieur s’est beaucoup plus creusé qu’ailleurs et la consommation est plus en berne en France, en raison d’un taux d’épargne qui reste particulièrement élevé.

Le ministère de l’économie établit des prévisions sur l’emploi mais pas sur le chômage, dont il ne détaille pas la trajectoire. Il faut aussi reconnaître que par le passé l’OFCE s’est trompé en sous-estimant la dynamique de l’emploi, dans la mesure où nous sommes sortis des cadres habituels de la productivité. Depuis trois à quatre ans, cette perte de productivité se chiffre en plusieurs points de pourcentage (5 %). Cela pose de nombreuses questions en termes macroéconomiques. Nous pouvons continuer à nous tromper, c’est-à-dire que le chômage continuerait à baisser, mais si tel est le cas, cela sera soit lié à une croissance plus élevée, soit à une nouvelle dégradation de la productivité, ce qui poserait à son tour la question du moyen terme et de la croissance potentielle.

En effet, la productivité est le facteur central de la croissance potentielle : dans les éléments de projection de croissance potentielle, la productivité est projetée à 0,9 % par an sur le moyen et long terme. Or le niveau de cette productivité diminue, ce qui pose la question de sa réconciliation avec la croissance potentielle. Si l’on ne veut pas que l’ajustement se fasse par la négative sur le marché du travail, la croissance doit donc être plus dynamique.

S’agissant de l’inflation, nous faisons partie des prévisionnistes qui maintiennent un taux d’inflation relativement élevé, avec une diffusion de l’inflation importée, notamment aux salaires. Cette inflation pourrait être autoentretenue dans une spirale prix-profits, que l’on observe dans certains secteurs, comme l’industrie agroalimentaire, l’énergie ou les services de transports. L’industrie agroalimentaire avait connu des pertes pendant un temps et procède actuellement à un fort rattrapage.

En matière de marges, deux périodes doivent être distinguées : la période 2018-2021, qui a été marquée par la crise sanitaire ; et la période 2021-2022, celle du choc énergétique. Dans l’ensemble, le taux de marge global a assez peu varié, mais une hétérogénéité très forte entre les secteurs doit être relevée. Certains secteurs ont vu leurs marges s’améliorer très nettement comme l’énergie et les transports. L’industrie agroalimentaire a vu de son côté ses marges se dégrader fortement (-10 points de marge) lors de la crise sanitaire, avant de se relever fortement par la suite (+15 points de marge). En revanche, d’autres secteurs comme les matériels de transport, la restauration (-15 points de marge) ou les services aux ménages sont sortis perdants de l’épisode 2018-2022. Il peut donc exister des mécanismes d’inflation entretenus par l’amélioration des marges et des profits dans certains secteurs, quand d’autres secteurs ont compressé leurs marges.

Nous considérons que les marges ne peuvent pas augmenter indéfiniment, surtout compte tenu des pertes de productivité : les chocs seront plutôt sectoriels. Nous estimons que l’inflation va refluer à partir de 2024 en tablant sur une stabilisation des prix de l’énergie et l’absence d’une inflation autoentretenue par une boucle prix-salaires, ce qui ne signifie pas que les prix vont baisser. Simplement, ils augmenteront moins rapidement.

Une fois encore, nous constatons une déconnexion importante et quasi inédite entre les entreprises et les ménages. Il se trouve que les entreprises sont dans une situation assez particulière : elles ont plutôt bien résisté à la crise et les carnets de commande sont restés assez fournis au niveau international. Cependant, si jamais les ménages consomment moins de manière durable, le climat des affaires devrait lui aussi s’en trouver affecté.

Au sein de la dépense publique, il faut distinguer d’une part ce qui est lié aux évolutions structurelles et d’autre part les aides ou prestations temporaires, qui ont vocation à s’arrêter. Si des gains de productivité et d’efficacité sont matérialisés, la dépense publique peut s’en trouver allégée. Cependant, une grande partie de cette dernière est constituée par des transferts aux ménages et aux entreprises. De fait, si la redistribution vers les classes moyennes passe peu par les transferts fiscaux et sociaux, elles reçoivent beaucoup de prestations en nature, pour l’éducation, la santé. Le sentiment de choc sur le pouvoir d’achat peut donc être amplifié par une perception qui peut être biaisée sur l’éducation et la santé. En effet, la France se distingue des autres pays par le pouvoir redistributif de son système de protection sociale et de son système éducatif.

Par ailleurs, les multiplicateurs budgétaires peuvent être différents selon les situations cycliques : les ajustements budgétaires sont plus faciles à absorber lorsque l’économie est dynamique et légèrement en surrégime. En matière budgétaire, l’enjeu porte donc sur le bon calibrage en fonction du contexte macroéconomique. Or, nous sortons d’une période de politiques économiques extrêmement accommodantes. Finalement, l’économie française a bien résisté aux différents chocs enregistrés depuis 2020, grâce aux politiques publiques et aux mesures d’intervention. Certains peuvent d’ailleurs critiquer ce niveau d’intervention, qui a artificiellement empêché des faillites de se produire. En outre, les politiques monétaires non conventionnelles étaient très accommodantes, mais elles se normalisent peu à peu.

Désormais, le rétablissement des comptes publics revient sur le devant de la scène et la politique monétaire est plus restrictive, compte tenu de l’inflation. Par conséquent, le soutien de type policy mix sera beaucoup moins présent à l’avenir, mais la question porte sur la vitesse de l’ajustement. Nous prévoyons que la hausse des taux pourrait encore se poursuivre à hauteur de 0,25 point, avant de se stabiliser. En revanche, nous ne pouvons plus attendre de soutien des politiques budgétaires et monétaires.

Il est difficile d’anticiper la remontée des taux, dont une partie a été très critiquée, compte tenu du différentiel d’inflation entre la zone euro et les États-Unis. En 2021, l’inflation américaine sous-jacente était très dynamique, bien avant le choc sur l’énergie, car la reprise y avait été très puissante grâce aux plans de relance de grande ampleur. La demande était très importante et l’offre ne parvenait pas à la satisfaire, conduisant à une économie sous tension.

Dans la zone euro en revanche, l’inflation est arrivée avec six mois de retard, et elle était essentiellement liée à une inflation importée. Par conséquent, le relèvement des taux par la BCE a été critiqué car l’inflation n’était pas liée à un choc de demande important mais plutôt à un choc d’offre négatif lié à l’énergie. Néanmoins, la BCE était confrontée à une situation complexe : face à la remontée des taux américains, ne rien faire risquait d’entraîner une dépréciation de l’euro et une fuite de capitaux.

De plus, la BCE regarde également l’anticipation des marchés en matière d’inflation future. En réalité, quand la BCE relève les taux, elle ne cherche pas tant à réduire l’inflation à court terme qu’à envoyer un signal à moyen terme sur le fait qu’elle va tout entreprendre pour tenir son mandat d’inflation à 2 %. Au fond, la croissance n’est pas très dynamique, mais si la BCE n’agit pas, la crédibilité de son mandat serait remise en cause et la monnaie pourrait se voir dépréciée, dans un contexte où les prix de l’énergie sont par ailleurs libellés en dollars. La BCE a donc suivi la remontée des taux de la Réserve fédérale américaine (FED), qui a été historique.

Ensuite, la remontée des taux déstabilise les économies réelles et financières. Cela s’est manifesté aux États-Unis par des faillites bancaires et en Europe par des mouvements sur les obligations. La BCE doit donc agir avec prudence à l’avenir en matière de taux et nous estimons qu’elle les stabilisera à 4 %. De plus, la transmission des taux aux entreprises et aux ménages doit être prise en compte. En Europe, cette transmission est réelle mais beaucoup moins rapide qu’aux États-Unis, où le crédit hypothécaire s’établit à 6 ou 7 % pour le refinancement.

Par ailleurs, le marché du travail peut continuer à surprendre de manière positive. Cependant, comme je l’ai précédemment indiqué, puisque le niveau de la productivité diminue, la question de sa réconciliation avec la croissance potentielle devra nécessairement se poser à un moment.

Le salaire moyen par tête n’est pas nécessairement plus faible que l’inflation telle que mesurée par l’IPC. Cependant, pour le calcul du salaire réel, on applique le déflateur de la consommation, dont le calcul est un peu différent. Ainsi, quand on calcule le pouvoir d’achat ou le revenu disponible brut réel, on utilise ce déflateur de la consommation, dont la pondération diffère de celle de l’IPC. Il intègre en effet les services d’intermédiation financière, dont les coûts augmentent compte tenu de la remontée des taux. Le déflateur de la consommation s’établit en réalité à 7,4 % en 2023. Par conséquent, le salaire réel se calculera par rapport à ce déflateur.

À partir de 2024, le salaire réel redeviendra positif. J’ajoute que les personnes les plus concernées par le choc inflationniste n’ont pas leur revenu indexé. Aujourd’hui, le problème est le suivant : les salariés au-dessus du SMIC qui constituent le bas de la classe moyenne ne voient pas forcément leur salaire revalorisé ; tout dépend de leur employeur et donc de la situation sectorielle des entreprises. Par conséquent, il n’existe aucune protection du pouvoir d’achat pour le bas de la classe moyenne.

Notre prévision sur la trajectoire des finances publiques a été effectuée avant la présentation du programme de stabilité. Or il est particulièrement difficile de réaliser des calculs précis sur le bouclier tarifaire, notamment pour le bouclier électrique et la contribution au service public de l’énergie. Le bouclier net est un peu plus élevé sur l’électrique, ce qui explique la trajectoire rehaussée dans notre mise à jour. Enfin, la croissance potentielle est un élément déterminant du débat des retraites, compte tenu notamment de l’évolution future de la productivité. Comme je vous l’ai indiqué lors de ma première intervention, les économistes s’interrogent sur la perte de productivité que nous connaissons actuellement.

M. Daniel Labaronne (RE). Je souhaite mettre en miroir votre analyse économique avec la politique économique et fiscale que nous conduisons depuis six ans. Vous nous indiquez que le PIB en France est moins dynamique que celui de la zone euro, mais il convient de rappeler que notre niveau de croissance avant la crise Covid était le plus élevé d’Europe, compte tenu de la politique économique que nous avions mise en œuvre, notamment via la simplification du marché du travail et la baisse des impôts, et de notre sérieux budgétaire. Après la crise Covid, nous avions également redémarré plus rapidement que les autres pays d’Europe. Il me semble donc que ces derniers bénéficient actuellement d’un effet de rattrapage vis-à-vis de la croissance française. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Ensuite, la croissance est la conséquence de notre politique visant à favoriser le développement du capital humain (les qualifications, la formation, l’apprentissage), notre politique à destination des lycées professionnels, mais également notre politique en faveur du capital technique. Vous soulignez l’importance des investissements des entreprises et il me semble que nous sommes dans le cadre d’une croissance endogène. Que faudrait-il faire pour renforcer les éléments de cette croissance endogène ?

L’évolution de notre déficit de biens hors énergie montre que la situation n’est pas si catastrophique. Pourquoi parle-t-on uniquement de la balance commerciale mais jamais de la balance des paiements, dont les résultats sont beaucoup plus satisfaisants au regard de notre situation économique ?

Par ailleurs, vous avez évoqué le pouvoir d’achat. À cet égard, on ne prend pas suffisamment en compte l’évolution de la consommation effective, c’est-à-dire les transferts sociaux en nature que réalisent les administrations publiques et les institutions sans but lucratif. Il me semble donc qu’il faudrait adopter une approche en termes de revenus disponibles bruts ajustés pour bien connaître l’évolution de la situation de nos concitoyens.

Enfin, s’agissant de la productivité du travail, nous avons réenclenché une politique de réindustrialisation et nous bénéficions des investissements directs étrangers (IDE). Par conséquent, ces éléments peuvent nous permettre de rehausser notre productivité et notre croissance potentielle. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je vous remercie pour votre présentation. Quand on regarde la structure de l’inflation en France et en Europe et qu’on la compare avec celle des États-Unis, on ne peut que s’interroger sur la pertinence de la politique monétaire de la BCE. Puisque l’inflation est liée à l’alimentation et à l’énergie, je ne comprends pas en quoi augmenter les taux et donc aggraver le financement des entreprises permet à ces dernières de limiter leurs coûts, notamment en matières premières. N’y a-t-il pas là un effet de mimétisme automatique entre les différentes banques centrales européennes et la FED ?

Après ne pas avoir tiré les leçons de la mauvaise politique monétaire japonaise, il semble que nous ne tirions pas de manière adaptée les leçons de la politique monétaire américaine. Vous avez ainsi souligné l’absence de boucle inflation-salaire. En outre, les pays européens subissent un véritable appauvrissement en termes de salaires, notamment la France depuis 2019. Les salaires réels subissent ainsi une baisse indéniable : le travail n’arrive plus à payer. Certes, les transferts sociaux existent en France, mais les gens veulent vivre de leur travail. De fait, le pessimisme des Français qui travaillent est fondé lorsqu’ils constatent leur appauvrissement. Il se traduit d’ailleurs dans la baisse de la consommation alimentaire. Les ménages français sacrifient ainsi leur niveau de vie, leur bien-être, voire leur santé.

Par ailleurs, n’y a-t-il pas un problème d’outils statistiques ? Les outils statistiques occidentaux ont été majoritairement construits pendant la période d’hyperinflation et l’on peut se demander s’ils n’ont pas atteint leurs limites. Visiblement, il existe une sous-déclaration de l’inflation réelle : les chiffres annoncés ne semblent pas sincèrement refléter la réalité. Enfin, n’y a-t-il pas également une faillite de la politique d’apprentissage ? Vos chiffres montrent bien en effet que l’apprentissage a peu d’impact dans l’industrie et le secteur du bâtiment, alors qu’il devrait constituer la priorité. Les effets d’annonce ne se retrouvent pas dans l’économie réelle.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). En vous écoutant et en lisant votre document, on constate que les chiffres invalident les prévisions du Gouvernement. On observe également que la stratégie du Gouvernement entraîne une chute de la productivité et de la qualité des emplois créés. En outre, le marché de l’emploi est conduit à se dégrader en 2023 et en 2024, les ménages sont clairement sacrifiés sur l’autel de l’inflation et les salaires réels devraient connaître une baisse de 1,3 % en 2023.

Puisque l’inflation frappe particulièrement les plus pauvres, qu’elle n’est pas nourrie par une boucle prix-salaires et que la consommation des ménages pèse négativement sur la croissance du PIB, une politique de hausse des salaires pérenne vous semble-t-elle pertinente pour permettre un redémarrage de l’économie ?

Je souhaite également connaître votre avis sur les dernières annonces du Président de la République, qui portent notamment sur les promesses de baisse d’impôts à hauteur de 2 milliards d’euros pour la « classe moyenne ». À cet égard, je ne sais pas qui est en mesure de définir la classe moyenne dont nous parle le Président. Ensuite et surtout, le président du Haut conseil des finances publiques et le gouverneur de la Banque de la France ont indiqué à plusieurs reprises qu’il fallait mettre un terme à cette course à la baisse des impôts, quand elle n’est pas compensée par une hausse d’autres impôts. De fait, cette baisse a nécessairement des conséquences sur les finances publiques et le budget de l’État.

Nous voyons bien que le Président cherche à éteindre l’incendie nourri par les conséquences de l’inflation et à tourner la page de la réforme des retraites. Je crois que l’OFCE a par ailleurs calculé que cette annonce se traduirait par 100 à 200 euros supplémentaires par an pour les ménages de la classe moyenne, ce qui est bien peu par rapport aux surcoûts engendrés par l’inflation. En outre, ces deux milliards doivent être mis en rapport avec les 60 milliards qui ont été donnés aux plus riches et aux plus grandes entreprises.

Je rappelle que la suppression de l’impôt sur la fortune et l’établissement de la flat tax ont coûté 5 milliards d’euros, au bénéfice des plus riches. De même, la suppression de la taxe d’habitation a porté sur 12 milliards d’euros, dont huit sont captés par les 20 % les plus riches. La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) correspond quant à elle à 16 milliards d’euros, captés par les grandes entreprises.

Enfin, Emmanuel Macron a tout de même précisé lors de son intervention que cette baisse d’impôt serait possible lorsque la trajectoire budgétaire le permettrait. Pensez-vous que ce moment aura réellement lieu ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Dans un contexte record de dettes en valeur nominale et de pression fiscale l’an dernier, le directeur du département analyse et prévisions de l’OFCE a déclaré que les classes moyennes n’avaient pas bénéficié de soutien. Pouvez-vous expliciter cet état de fait ?

Ensuite, les Français ont vu leur niveau de vie diminuer au cours des deux dernières années, et celui-ci continuera de baisser en 2023, puisque l’augmentation des salaires est bien moindre que celle de l’inflation. Disposez-vous d’évaluations quantitatives sur ce sujet, compte tenu notamment de la vigueur de l’inflation sur les biens de consommation du quotidien ?

Par ailleurs, je m’interroge sur l’affaiblissement du potentiel de croissance de la France depuis dix ans, et encore plus depuis les six ans de la présidence d’Emmanuel Macron, contrairement au slogan évoqué tout à l’heure par mon collègue. Quels sont les principaux leviers de la croissance potentielle en France ? S’agit-il des aides sociales, des formations initiales et supérieures pour les professionnels, de l’ouverture asymétrique de nos marchés ou des complexités de notre droit du travail ?

Enfin, je souhaite vous questionner sur notre système de retraites par répartition. Nous observons bien les crispations engendrées par le rehaussement de l’âge légal, ainsi que l’accélération du déclin démographique de notre pays. Cela signifie que dans dix à quinze ans, si le système par répartition est maintenu, l’âge légal de la retraite devra être repoussé jusqu’à 68 ou 70 ans. Que pensez-vous de l’avenir de notre système de retraites par répartition ? Est-il condamné ? Existe-t-il des solutions alternatives ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Je vous remercie pour la grande clarté de votre exposé, particulièrement éclairant. Vos prévisions d’inflation pour la France en 2023 sont parmi les plus élevées de tous les organismes de prévision économique. Le gouvernement et la Banque de France tablent sur une inflation se rapprochant de 5 % pour 2023 mais l’OFCE l’estime à un niveau oscillant entre 5,5 et 6 %. Dans le détail, vous estimez que cette inflation devrait être portée en grande partie par les composantes hors énergie et alimentaire. Pourquoi tablez-vous sur des estimations d’inflation aussi élevées ? Quelles sont les composantes de cette inflation hors prix des produits énergétiques et alimentaires ? J’ai rencontré hier le président de Coop de France et il m’indiquait par exemple que l’inflation alimentaire était faussée par l’inclusion des produits d’entretien et des cosmétiques dans son panier. Est-ce le cas ?

Par ailleurs, en tant qu’ancien de Business France, je regarde toujours avec un intérêt particulier les chiffres de nos échanges économiques internationaux. La France est depuis quatre ans la première destination européenne des investissements directs étrangers. Mais des signaux d’alerte persistent sur notre balance commerciale, à l’image de la perte de 3 points de PIB entre 2021 et 2022. Évidemment, l’enjeu énergétique est patent d’un point de vue conjoncturel.

Cependant, la tendance baissière est à l’œuvre depuis trente ans. Que suggéreriez-vous pour inverser cette tendance ? Nous avons bien compris que la baisse du coût des approvisionnements et la reprise dans l’aéronautique entraîneront mécaniquement une amélioration immédiate du déficit commercial dès 2023. Enfin, ces IDE participent à la réindustrialisation progressive de la France et contribuent à notre croissance et à la création d’emplois. Ne pourraient-ils pas contrer ou au moins équilibrer votre prévision de retournement de la trajectoire du chômage en fin d’année ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je retiens notamment de votre présentation que les salaires réels et le pouvoir d’achat ont reculé depuis 2019. Comme nous le répétons inlassablement, il faudrait une hausse des salaires.

La crise Covid a percuté plus fortement la France que le reste de la zone euro. Depuis, notre rattrapage est moins rapide que celui de nos voisins européens. Selon vous, quels sont les facteurs explicatifs de cette différence ? S’agit-il de choix politiques différents et si tel est le cas, lesquels ? S’agit-il de différences plus structurelles ? Dans le même ordre d’idées, la zone euro marque un retard par rapport aux États-Unis. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Ensuite, en 2022 et 2023, la croissance a été uniquement tirée par les entreprises, qui ont accumulé des stocks. Dans une note récente, vous indiquiez qu’il s’agissait là de la plus forte augmentation enregistrée depuis cinquante ans. Le commerce extérieur est morne et la consommation des ménages atone, compte tenu de l’effondrement de leur pouvoir d’achat. Doit-on en déduire que la politique actuelle du Gouvernement soutient artificiellement des entreprises qui produisent mais que ces biens ne sont pas assez consommés et s’entassent dans des entrepôts ? Si tel est le cas, combien de temps une telle politique peut-elle durer ?

Par ailleurs, vous avez évoqué un risque de crise bancaire. Quel scénario avez-vous en tête et comment l’éviter ? Vous avez en outre détaillé les secteurs qui participent le plus à la chute de notre balance commerciale, c’est-à-dire les matériels de transport et les biens d’équipement. Quelle en est la cause ?

Enfin, je constate qu’une part substantielle de l’évolution de l’emploi est portée par le développement de l’apprentissage. Pouvez-vous estimer à quel point celui-ci s’est substitué à des créations d’emplois plus pérennes ?

Mme Félicie Gérard (HOR). Le contexte de crise de ces dernières années a bouleversé de nombreux aspects de notre économie. Cependant, cette conjoncture économique complexe n’entame pas totalement la confiance des entreprises. Cela est particulièrement le cas dans notre pays. Ainsi, les investissements étrangers connaissent une hausse très importante en France, qui est le pays le plus attractif d’Europe pour la quatrième année consécutive.

Cette confiance et cette compétitivité de notre économie sont essentielles, mais nous ne pouvons occulter un autre constat, celui de la baisse de la consommation des ménages. Cette baisse de consommation et de confiance est-elle selon vous purement conjoncturelle, du fait de l’inflation ? Comment mobiliser au mieux notre surépargne pour relancer la consommation et renforcer l’état global de notre économie ?

Mme Eva Sas (Ecolo-NUPES). Votre présentation a permis de mettre en lumière un certain nombre de points saillants : la baisse du pouvoir d’achat, avec un recul du salaire réel de 1,8 % en 2023 ; le poids de la composante énergétique de l’inflation (2,2 points en 2022) et dans le déficit commercial ; le poids de la composante alimentaire de l’inflation en 2023 (2,4 points).

Ne faudrait-t-il pas passer de mesures de soutien centrées sur l’énergie à des mesures de soutien centrées sur l’alimentaire ? Je pense notamment au chèque alimentaire ou à la prime alimentaire pour les ménages modestes, qui pourraient être financés par une contribution exceptionnelle des industriels de l’agroalimentaire, qui semblent bien profiter de l’inflation. Ne faut-il pas passer à des mesures structurelles de baisse de la consommation de l’énergie pour réduire le déficit commercial ?

Ensuite, vous notez qu’en raison de l’inflation, le poids de la dette passerait de 111,6 points de PIB à 108,7 points de PIB en 2024. En revanche, les charges d’intérêt augmenteraient, pour passer à 2,2 points de PIB en 2024. Quelles peuvent être les conséquences de la hausse de la charge de la dette sur les autres dépenses publiques, sur le PIB et sur la conjoncture ?

Par ailleurs, je suis surprise que vous n’intégriez aucun élément de risque lié au dérèglement climatique, sachant que l’impact d’une canicule sur la productivité peut conduire à une baisse de croissance de 0,1 à 0,2 %. Je suis en outre étonnée que vos présentations soient uniquement centrées sur le PIB, un indicateur un peu limité. Commencez-vous à intégrer dans vos réflexions d’autres indicateurs, par exemple des indicateurs d’inégalité de revenus, de santé, d’éducation et d’environnement, qui permettraient d’avoir une vision plus juste des conditions de vie de nos concitoyens et de réfléchir plus sereinement à des scénarios à croissance faible ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je remercie à mon tour les équipes de l’OFCE pour le travail toujours éclairant qu’elles fournissent. Compte tenu de la nature de l’inflation, pensez-vous que la politique restrictive la BCE puisse constituer un levier efficace contre la hausse des prix ? Cette hausse des prix a pour conséquence de rogner le pouvoir d’achat par unité de consommation, qui est étale sur la période 2019-202 malgré le soutien public. Ne pensez-vous pas qu’il est nécessaire d’augmenter les salaires réels, notamment les plus faibles ? N’est-il pas temps de mettre en place une véritable échelle des salaires indexée sur l’inflation ?

Vous avez en outre insisté sur le niveau de déficit de la balance commerciale hors énergie. Pourtant, vous avez montré que le nombre d’emplois avait simultanément progressé, ce qui est pour le moins surprenant. Avez-vous une idée de la balance commerciale industrielle et de son évolution ? De plus, dans le cadre de la remontée du taux de chômage à l’horizon 2024, avez-vous intégré la situation particulière de la construction, avec la baisse draconienne des mises en chantier, l’augmentation du coût du crédit et des difficultés de financement ? Enfin, quelles sont vos préconisations d’utilisation de la surépargne que vous avez mentionnée, notamment pour réussir la transition écologique ?

M. Michel Castellani (LIOT). Je vous remercie à mon tour pour ce rapport que j’ai lu attentivement. Je constate que vos prévisions de croissance et d’inflation diffèrent des hypothèses macroéconomiques du gouvernement. La dette publique est élevée, le commerce extérieur est en grave déficit, le salaire réel de ménages est en diminution et entraîne une baisse de leur consommation. Il en va de même de la consommation des administrations publiques et des investissements. Vous tablez sur une stabilisation des taux d’intérêt à 4 % mais je dois vous faire part de mes doutes à ce sujet, compte tenu du fait que la FED est déjà 5,25 %. Par ailleurs, la formation brute du capital s’établit à -0,2 ; l’inflation est à 5,8 % et la croissance à 0,8 %. Enfin, vous annoncez une destruction d’emplois à venir.

Vous pensez que le choc énergétique sur le PIB sera nul en 2024, ce que je ne comprends pas. De plus, nous sommes clairement en situation de stagflation. Quelles politiques publiques préconisez-vous ? S’agit-il d’une politique de relance qui affecterait la situation des finances publiques ? D’une politique de refroidissement qui aggraverait le chômage ?

M. Mathieu Plane. La baisse du PIB français par rapport à la moyenne de la zone euro est mesurée depuis la fin de l’année 2019 dans les graphiques que je vous ai présentés. Durant la crise Covid, les pays qui avaient le plus souffert en termes de PIB étaient l’Italie, le Royaume-Uni, la France et l’Espagne, compte tenu des politiques sanitaires particulièrement restrictives observées par ces pays durant le premier confinement. La croissance de 7 % en 2021 en France est ainsi survenue après une baisse de 8 % en 2020. Cela est assez notable, dans la mesure où la France connaît généralement des variations moins cycliques que les autres pays. Depuis l’été 2020, nous étions sur une trajectoire de reprise assez semblable à celle de la zone euro, jusqu’à la fin 2021. Depuis, l’aplatissement est plus marqué en France, quand certains pays du sud de la zone peuvent bénéficier d’un rattrapage plus élevé.

S’agissant de l’emploi et de la croissance endogène, des efforts importants ont été accomplis en matière d’apprentissage et de formation. Depuis la fin de l’année 2019, les effets liés à l’apprentissage correspondent à la création nette de 256 000 emplois. Une partie des créations d’emplois s’explique donc par la politique liée à l’apprentissage, dont le coût budgétaire a été relativement élevé.

Il n’est pas facile d’aborder la question de la croissance endogène. Normalement, les réformes portent sur la productivité. On peut essayer de la faire diminuer de manière temporaire, par exemple à travers les allègements sur les bas salaires. Cependant, les réformes dites structurelles ont souvent vocation à augmenter la productivité, à travers une meilleure confrontation de l’offre et de la demande sur le marché du travail.

On peut imaginer que ces effets soient temporaires dans les créations d’emploi et qu’à mesure qu’ils s’estomperont, on pourra récupérer de la productivité. Au-delà, si les créations d’emploi constituent un paradoxe français, de nombreux pays développés subissent un affaissement des gains de productivité, même si les États-Unis s’en sortent un peu mieux.

Sur le long terme, la dynamique de croissance est nourrie par deux facteurs clefs : la productivité et l’évolution de la population active. Les périodes de croissance très élevées, comme les Trente Glorieuses ou la fin des années 1990 en ont été l’illustration. À l’heure actuelle, les tendances sont très différentes dans la mesure où elles sont marquées par un vieillissement des populations et des gains de productivité de plus en plus faibles.

Le grand débat entre les économistes consiste donc à savoir si nous sommes dans une situation de stagnation séculaire, y compris pour des raisons de transition écologique : on pourrait contraindre l’économie et par là même affecter la croissance. Un autre discours est plus positif : il considère que nous sommes à l’aube d’une révolution technologique, notamment en raison de l’intelligence artificielle, qui pourrait entraîner le remplacement de la moitié des emplois. Au fond, nous constatons une faible productivité et un ralentissement de la croissance, bien que les politiques fiscales portent sur l’offre et que des réformes structurelles soient intervenues sur le marché du travail.

Le déficit commercial hors énergie témoigne d’un choc important sur l’économie française, qui peut être transitoire, notamment sur les biens d’équipement et les matériels de transport. L’aéronautique, le fleuron industriel français, produisait 30 milliards d’euros d’excédents commerciaux avant la crise, mais ceux-ci ont depuis été divisés par deux. La question consiste donc à savoir quelles seront les conséquences structurelles de ces différents chocs (Covid et énergie). En effet, ces chocs ont entraîné des modifications sur le commerce international, la manière de travailler et les investissements réalisés.

Par ailleurs, il est exact que la balance des paiements pourrait également être regardée dans sa globalité. Dans la balance commerciale que je vous ai présentée figure la balance des services, dont les résultats sont nettement meilleurs que ceux de la balance industrielle. En effet, la France présente la particularité de présenter un grand excédent de la balance des services, qu’il s’agisse des services financiers, des transports ou du tourisme.

Il est vrai que l’attractivité témoignée par les IDE ne se retrouve pas dans les chiffres macroéconomiques. C’est effectivement surprenant : le niveau d’investissement est élevé, mais il ne se traduit pas en parts de marché. La politique industrielle est compliquée à mettre en œuvre et nous avons fréquemment procédé par des politiques fiscales. Se posent également les questions du financement de l’innovation et de la formation, dont les effets se font sentir sur le long terme. Le système éducatif, de recherche et d’enseignement constitue enfin une autre composante de la compétitivité hors coût.

Il serait effectivement important d’observer le revenu disponible brut (RDB) ajusté des ménages, qui représente un pouvoir d’achat élargi. Dans ce cas, il faut intégrer les transferts qui interviennent en matière d’éducation et de santé. Ces transferts dits transferts en nature représentent environ 1 000 euros par ménage tous les mois, soit un montant assez considérable. Je précise que l’Insee mène effectivement un travail important pour publier ce RDB ajusté.

Il n’existe pas de mimétisme à proprement parler qui conduirait la politique monétaire de la BCE à se caler sur celle de la banque centrale américaine. Simplement, si une zone du monde présente des taux à rendement élevé, elle aura tendance à attirer des capitaux au détriment d’autres zones proposant des rendements plus faibles. Or la zone euro était plus exposée au choc énergétique que les États-Unis en raison de la guerre en Ukraine, qui fait partie de l’Europe élargie. De leur côté, les États-Unis ont mis en place l’Inflation reduction act (IRA), qui constitue une réponse puissante à l’inflation en termes de politique industrielle, notamment énergétique, et de transition écologique. En outre, ils bénéficient du gaz de schiste sur leur sol : le prix du gaz aux États-Unis n’a strictement rien à voir avec celui que nous connaissons en Europe.

Par conséquent, notre continent était beaucoup plus exposé. Il est vrai que la remontée des taux ne représentait pas une bonne réponse à un choc sur l’énergie. Mais si la BCE ne l’avait pas fait, elle aurait pu prêter le flanc à des critiques sur la crédibilité de sa politique monétaire et la dépréciation de la monnaie unique, ce qui aurait par conséquent contribué à affaiblir la confiance dans la zone euro. Dans ce domaine, il n’existe pas de bonne réponse évidente.

Ensuite, la spirale inflationniste est partielle puisque les salaires augmentent moins vite que les prix. Cependant, les salaires nominaux sont plus élevés qu’auparavant. Avant la crise, la hausse des salaires nominaux s’établissait ainsi à 2 %, contre 4 à 5 % à l’heure actuelle, selon les critères retenus. En outre, un effet de rattrapage avec retard peut parfois intervenir, compte tenu de l’inertie initiale des salaires vis-à-vis de l’inflation.

Par ailleurs, la mesure du pouvoir d’achat s’effectue à partir de concepts fixés par la comptabilité nationale. Or il existe autant de pouvoirs d’achat différents qu’il existe de ménages, en raison des différences dans l’exposition à l’inflation et dans l’évolution des revenus. La perception du pouvoir d’achat peut donc être différente de celle offerte par les chiffres macroéconomiques.

Dans ce domaine, je tiens à défendre l’Insee, dont le travail est assez remarquable. J’ajoute que l’Insee prend en compte le pouvoir d’achat arbitrable, c’est-à-dire ce qui reste après les dépenses contraintes. Se pose alors ici la question du périmètre de ces dépenses contraintes, par exemple pour l’alimentaire. Un ménage modeste se serre la ceinture pour ses dépenses alimentaires, qui sont alors considérées comme contraintes. En revanche, les courses effectuées chez Fauchon par un ménage aisé ne peuvent être considérées comme des dépenses contraintes.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la nécessité d’augmenter ou d’indexer des salaires. Comme pour les taux, il n’existe pas de solution idéale par définition. Un choc extérieur négatif doit être partagé et toute la question est de savoir qui va le prendre à sa charge. Il peut s’agir de l’État, comme cela est le cas dans le cadre du bouclier tarifaire. Mais dans ce cas, les finances publiques se voient dégradées. Si la prise en charge est assurée par les entreprises, elles sont alors confrontées à des problèmes de rentabilité. Pour le moment, les ménages en prennent une partie à leur charge et l’État une grande partie. De plus, seulement certains secteurs sont touchés.

Individuellement, on peut comprendre la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des salariés, mais d’un point de vue macroéconomique, l’indexation ne fonctionne pas. En effet, cette indexation aboutit à une spirale autoentretenue, que nous avons déjà connue par le passé lors des épisodes de stagflation dans les années 1970. Ce choc importé avait finalement duré dix ans d’une inflation deux chiffres. À cette époque, il n’y a pas eu de perte de pouvoir d’achat, mais cela s’est terminé au début des années 1980 avec la désindexation des salaires mise en place par Jacques Delors à l’occasion du tournant de la rigueur. Je rappelle qu’aux États-Unis, les taux d’intérêt sont remontés à 19 % au début des années 1980. En revanche, il faut s’intéresser à des indexations partielles pour des salaires qui sont juste au-dessus du SMIC, d’autant plus que la pyramide entre le SMIC et le salaire médian est déjà fortement écrasée en France.

Le Président de la République a effectivement parlé de baisses d’impôts de 2 milliards d’euros, soit 0,1 point de PIB, pour les classes moyennes, si les conditions le permettent. Ce montant relativement modeste (la suppression de la redevance audiovisuelle représentait par exemple 3,2 milliards) et à répartir sur un grand nombre de ménages tient donc compte des contraintes budgétaires. La question du périmètre n’a pas non plus été précisée : on ignore par exemple s’il s’agit uniquement des salariés du privé ou également des fonctionnaires. En outre, les indépendants et les retraités seront-ils concernés ? Pour le moment, nous manquons des éléments techniques pour y répondre.

Par ailleurs, le choc inflationniste présente des effets de diffusion hors de l’alimentaire. Ensuite, si les IDE ne sont pas négligeables, ils ne constituent pas l’essentiel de la politique industrielle. De plus, si l’industrie est importante en matière d’indépendance stratégique, d’aménagement du territoire ou de transition écologique, elle n’est pas forcément très créatrice d’emplois, notamment parce qu’elle se fonde sur des gains de productivité et une forte mobilisation du capital. En revanche, les services créent plus d’emplois.

Les États-Unis ont connu une reprise plus prononcée que l’Europe, laquelle a d’ailleurs suscité des phénomènes inflationnistes, compte tenu de sa vigueur. Le marché américain de l’automobile d’occasion avait par exemple gagné 40 % au début de l’année 2021 puisque l’offre n’arrivait pas à satisfaire la demande.

Les difficultés d’approvisionnement en début de crise ont ensuite entraîné des phénomènes de restockage de la part des entreprises, en prévision de difficultés futures. À un moment donné, il sera donc nécessaire de procéder à un déstockage, lequel entraînera des effets sur la conjoncture.

L’investissement demeure très élevé, comme je l’ai déjà indiqué. En revanche, il concerne en grande partie les services, notamment le numérique. De plus, la décarbonation de l’industrie peut entraîner des investissements dans la chaîne de production, qui n’offrira pas de gains en productivité monétaire, mais en productivité écologique, dont le rendement est plus faible.

L’apprentissage a pu quant à lui susciter des effets d’aubaine. Par conséquent, la réduction de la prime à l’apprentissage devrait mécaniquement entraîner une diminution du nombre d’apprentis.

Les évolutions de niveau de vie à moyen terme sont difficiles à cerner. La productivité a diminué et l’inflation a augmenté, compressant les marges sur les salaires. Il faudrait donc un nouveau choc de productivité permettant d’augmenter les salaires sans dégrader la compétitivité. Ensuite, une plus grande contrainte écologique pourrait également jouer sur les niveaux de vie à terme, l’énergie décarbonée étant plus coûteuse.

L’OFCE éprouve des difficultés à évaluer le risque climatique à court et moyen terme, faute d’outils disponibles pertinents. Cependant, il n’est pas négligeable.

Il est toujours séduisant d’envisager des indicateurs différents du PIB. Mais ce dernier présente un avantage majeur : il offre une représentation comptable. Certes, il ne prend pas en compte des considérations environnementales comme les émissions de CO2. En revanche, 25 % du PIB est constitué d’éléments non marchands comme l’éducation ou la santé. La comptabilité nationale évolue, le PIB doit être enrichi par d’autres indicateurs, mais il demeure central.

La surépargne représentera 200 milliards d’euros à la fin de l’année 2024, soit deux fois le plan de relance. La question de son utilisation sera donc capitale.

Le sujet du chèque alimentaire est pertinent : des moyens importants ont été consacrés à la limitation du choc inflationniste lié à l’énergie, mais l’alimentaire a été moins analysé. Il faut néanmoins reconnaître que les outils sont plus limités dans ce domaine, alors que l’État est fréquemment au capital des entreprises qui produisent de l’énergie, notamment de l’électricité.

M. Emmanuel Lacresse (RE). Le travail remarquable de l’OFCE montre que le Gouvernement est intervenu à divers niveaux pour maintenir la croissance dans un contexte d’inflation et de productivité problématiques. Le Gouvernement a notamment agi sur les prix alimentaires à travers une action vis-à-vis des distributeurs et des transformateurs et sur les prix de l’énergie via le bouclier tarifaire, en particulier pour les ménages, que le Président de la République semble vouloir prolonger. En matière d’emploi et de productivité, l’apprentissage et la réindustrialisation ont enfin produit des effets certains.

De fait, de quelle manière cette productivité pourrait s’accroître grâce à la réindustrialisation ? En effet, la valeur ajoutée de l’industrie est d’importante. Que pensez-vous du maintien d’un amortisseur dans le domaine de l’énergie pour les entreprises, en fonction d’un critère d’exposition à la concurrence internationale ?

M. Dominique Da Silva (RE). Vous avez souligné que le marché de l’emploi surprend par sa vigueur, notamment les emplois créés depuis la crise Covid. Vous indiquez qu’une partie de ces emplois créés s’expliquent par les aides aux entreprises pour 26 %, ce qui montre bien le retour d’investissement du « quoi qu’il en coûte ». Vous l’expliquez également par le recours à l’apprentissage, pour 24 %. Je rappelle à ce titre que deux tiers des apprentis sont embauchés six mois après leur diplôme. Enfin, un autre élément explicatif tient à une moindre durée du travail (18 %). Selon moi, une meilleure insertion et un meilleur accompagnement entraînent logiquement une baisse de la productivité.

L’OFCE estime donc que 30 % du million d’emplois créés demeurent inexpliqués, ce dont je m’étonne, dans la mesure où bien d’autres réformes ont été conduites depuis 2018 et portent leurs fruits encore aujourd’hui. Je pense notamment aux réformes du code du travail, de la formation professionnelle, de l’assurance chômage, mais également au plan « Un jeune, une solution », aux mesures d’attractivité, aux baisses de cotisations ou à l’augmentation de la prime d’activité.

Pourriez-vous expliciter cette absence d’analyse plus approfondie pour expliquer les 30 % d’autres facteurs ? Enfin, pouvez-vous évoquer le lien emploi-logement si la crise devait perdurer ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Ma première question concerne le graphique 11, et notamment la partie « Autres facteurs ». Je veux bien croire que l’investissement ait une répercussion importante sur le segment « Total marchand non agricole ». En revanche, j’ai du mal à voir comment l’investissement a pu entraîner un tel effet en matière d’emplois dans le domaine de la construction. Le nombre d’apprentis est certes passé de 300 000 à 900 000, mais à quel coût ?

Ensuite, la France est soi-disant le pays le plus attractif en Europe pour la quatrième année consécutive. Or on ne voit absolument pas de traduction de cette attractivité en matière de balance commerciale. Comment l’expliquez-vous ?

M. Marc Le Fur (LR). Votre étude devrait alerter le Gouvernement et cette majorité sur notre situation. J’en veux pour preuve votre premier graphique, qui montre que la progression du PIB de la France est en permanence en dessous de celui de la zone euro. Il en va de même de votre graphique très inquiétant sur la consommation des ménages en produits alimentaires : le premier trimestre de l’année 2023 voit ainsi l’effondrement de la consommation des produits alimentaires, particulièrement pour les consommations sortant de l’ordinaire comme les produits bio. Le pouvoir d’achat subit de fait une réelle baisse et nos compatriotes sont obligés d’économiser sur l’alimentation.

Ensuite, le graphique intitulé « À la recherche du million d’emplois salariés ! » détaille notamment l’évolution des emplois dans l’industrie. Notre Gouvernement nous explique en permanence que nous sommes très attractifs et que les entreprises du monde entier se précipitent sur notre territoire, mais je constate que l’évolution de l’emploi industriel ne concerne que 2 000 salariés sur trois ans.

M. Kévin Mauvieux (RN). Lors de votre intervention liminaire, vous avez évoqué le ratio dette/PIB qui s’est amélioré lors des dernières années, notamment en raison du niveau de l’inflation. Il serait intéressant de voir, ceteris paribus, si le ratio dette/PIB s’améliore effectivement lorsque l’on neutralise l’effet de l’inflation, qui est plus subie que voulue, lors des quatre dernières années. Qu’en est-il selon vous ?

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je souhaite revenir sur la perte de productivité de l’économie française. Comment l’expliquez-vous ? Est-il possible d’établir un lien avec les salaires, la précarité du travail et les conditions de travail ? Nous savons en effet que les accidents du travail sont en hausse, de même que l’absentéisme.

M. Patrick Hetzel (LR). Les prévisions de croissance pour 2023 sont de 1,2 % pour la France. Il est très inquiétant de constater qu’à l’intérieur de l’espace européen, d’autres pays s’en sortent nettement mieux, notamment la Pologne. Je précise qu’à la fin de l’année 2023, la Pologne connaîtra vraisemblablement une croissance trois fois supérieure à celle de la France. Comment peut-on expliquer que nous soyons autant en retrait par rapport à d’autres pays européens ?

M. Charles de Courson (LIOT). Ma question concerne le programme de stabilité, qui a été présenté ici et transmis à Bruxelles. En matière de balance commerciale, les prévisions gouvernementales sont de 0,1 point par an de taux de croissance cumulatif dans les prochaines années. Pensez-vous que cette prévision est crédible ? À partir de quels éléments la compétitivité s’améliorerait de telle manière que la croissance s’en trouverait augmentée de 0,1 point chaque année jusqu’en 2027 ?

M. Emeric Salmon (RN). À en juger par votre graphique, depuis son pic au premier trimestre 1997, la balance commerciale française n’a cessé de diminuer, de manière relativement régulière. L’atterrissage négatif actuel apparaît donc logique. Comment expliquez-vous que depuis 1997, notre solde commercial ne cesse de se dégrader ? Ensuite, avant la crise de 2021, l’inflation était très faible, quand elle est aujourd’hui très élevée. D’après vos prévisions, il semble que cette inflation demeurera élevée autour de 3 % à partir de 2024. Comment l’expliquez-vous ?

M. le président Éric Coquerel. Pouvez-vous me confirmer que les données sur l’apprentissage sont également liées à un changement statistique ? En effet, il me semble bien que l’apprentissage est désormais intégré dans les statistiques de l’emploi, expliquant ainsi une bonne partie des résultats obtenus.

M. Mathieu Plane. Il existe une forme de décalage entre certaines annonces sur l’attractivité, les IDE réalisés et l’état de l’industrie. De fait, la valeur ajoutée est très différente selon les types de secteurs. En France, les services ont été les plus touchés par la crise Covid, mais ont aussi connu le rattrapage le plus fort a posteriori. Cette même crise Covid a remis en lumière la politique industrielle pour des motifs à la fois économiques mais aussi stratégiques et de transition écologique.

L’industrie soulève également des questions relatives à la concurrence internationale et à sa consommation d’énergie. Le différentiel des prix de l’énergie entre l’Europe et les États-Unis ou d’autres zones du monde joue en notre défaveur, à un moment où tous les pays cherchent à relocaliser et à réindustrialiser. En outre, les États-Unis ont mis en œuvre des outils de réindustrialisation très puissants, notamment à travers l’IRA, et la Chine est traditionnellement interventionniste. Par conséquent, il semble pertinent de mettre en place en France un amortisseur spécifique pour les secteurs les plus exposés au choc énergétique et à la concurrence internationale. Naturellement, il convient également d’évaluer son coût budgétaire.

Ensuite, je précise que nous ne disposons pas des éléments techniques pour identifier 30 % des créations d’emplois intervenues, soit 346 000 emplois. Cela est notamment le cas dans l’industrie, où les chaînes d’approvisionnement ont été beaucoup plus touchées que les services. Par exemple, les industriels n’ont pas licencié des personnels au moment où ils manquaient de pièces : l’activité a chuté mais l’emploi a été conservé. Cependant, au bout d’un moment, la valeur ajoutée doit malgré tout remonter. Dans le BTP, il a été dit que le nombre de travailleurs détachés avait diminué. Or ces travailleurs détachés ne sont pas répertoriés dans l’emploi résident. La valeur ajoutée et le nombre d’emplois n’ont pas changé, mais la nature de ces emplois était donc différente. Enfin, selon certains, le travail non déclaré a également diminué, notamment dans la restauration.

Les secteurs qui ont créé un grand nombre d’emplois nets après la crise Covid ont été la construction (mais la valeur ajoutée n’est jamais revenue à son niveau d’avant crise), l’hôtellerie-restauration et les services à la personne, dont les activités de loisir et les activités artistiques. Tous ces secteurs ont subi des chocs importants sur la valeur ajoutée. Enfin, parmi les autres facteurs figure peut-être un effet organisationnel des entreprises, comme le télétravail, qui peut être encore compliqué à mesurer.

Ensuite, les apprentis font désormais partie des statistiques d’emploi, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Ici, la question porte sur la difficile valeur ajoutée à leur appliquer : un apprenti est par définition en formation et ne génère pas immédiatement de la valeur ajoutée, ce qui contribue effectivement à la diminution de la productivité observée. Selon nous, l’apprentissage expliquerait ainsi 25 % du choc de productivité négatif ou des emplois nets créés.

La consommation alimentaire a connu une diminution inédite, de plus de 10 %. Cette diminution peut être à la fois quantitative et qualitative : certains ménages ont modifié la composition de leurs paniers de course pour acheter des produits moins onéreux. L’élasticité de la consommation alimentaire aux prix est donc en réalité assez forte, alors que l’on imagine d’habitude qu’elle est plus rigide. Paradoxalement, la consommation alimentaire en restauration est plus élevée qu’avant crise. En résumé, les ménages ont réagi fortement à l’inflation en adaptant à la baisse leur consommation énergétique et alimentaire.

Dans un premier temps, le choc inflationniste a été importé. Dans un second temps, cette inflation est devenue plus autonome, à travers l’augmentation du prix de la valeur ajoutée, laquelle a ensuite fait augmenter le prix du PIB. Cependant, les charges d’intérêt sont pour partie fixes. Par conséquent, l’inflation permet de se désendetter plus facilement, puisque la charge d’intérêt augmente moins rapidement. L’inflation constitue de fait une taxe sur les épargnants.

En matière de soutenabilité, l’essentiel concerne l’écart critique, c’est-à-dire l’écart entre la croissance et les taux d’intérêt. Or la croissance nominale a bien plus augmenté que les taux apparents, qui concernent le stock de dette. Par conséquent, le ratio dette/PIB diminue parce que le dénominateur (le PIB) augmente plus rapidement en raison de l’inflation. L’exercice consistant à extraire l’inflation devrait donc porter à la fois sur le PIB et la dette.

S’agissant de la qualité des emplois, on observe que la part des embauches en CDI a eu tendance à augmenter, ne serait-ce que pour des questions d’attractivité. Je ne suis pas assez spécialiste de la Pologne pour porter un jugement suffisamment pertinent sur le taux de croissance de ce pays. Parfois, la croissance est surtout le fait d’un rattrapage, particulièrement après un choc. Nous l’observons en ce moment dans les pays d’Europe du Sud, qui ont en outre particulièrement profité du plan de relance européen.

Le choc sur le déficit commercial est assez important, mais un certain nombre de facteurs peuvent être fortement conjoncturels. Par exemple, de nombreuses importations ont été liées au restockage des entreprises et à l’investissement. A priori, ces phénomènes devraient désormais diminuer et simultanément, l’aéronautique semble regagner une partie des parts de marché perdues. Le commerce extérieur devrait donc augmenter sa contribution à la croissance. De plus, comme je l’ai déjà indiqué, l’effet prix relatif nous est plutôt favorable puisque les prix augmentent moins vite en France qu’ailleurs.

La question du new normal sur l’inflation est effectivement essentielle. Je rappelle que la zone euro connaissait une trop faible inflation avant la crise. Aujourd’hui, le choc énergie a entraîné une hausse de l’inflation, qui est également nourrie structurellement par la transition écologique, la décarbonation et la relocalisation de l’industrie. De fait, compte tenu de ces éléments, on peut se demander si les mandats des banques centrales sur un objectif de 2 % d’inflation sont aujourd’hui bien calibrés.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour votre présentation et les réponses apportées aux questions des membres de la commission.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Christophe Naegelen, rapporteur sur la proposition de loi visant à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières (n° 1145)

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 9 heures

 

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, M. Christophe Naegelen, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Mickaël Bouloux, M. Florian Chauche, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Bryan Masson, M. Jean-Paul Mattei, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. - M. Charles de Courson, Mme Perrine Goulet