Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

 

  Commission d’évaluation des politiques publiques relatives à la mission Engagements financiers de l’État 2

Discussion unique sur l’exécution budgétaire (M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics) 2

-          mission Engagements financiers de l’État : M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial 4

-          comptes d’affectation spéciale Participations financières de l’État ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; compte de concours financier Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics : M. Philippe Brun, rapporteur spécial              5

Discussion sur la thématique d’évaluation ...................13

-          Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) et sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i) (M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial)              13

  présences en réunion................................23

 


Jeudi
1er juin 2023

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 88

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

Mme Marina Ferrari,

Secrétaire

 

 


  1 

La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.

Mme Marina Ferrari, présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre du jour de notre réunion appelle l’examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, de la mission Engagements financiers de l’État ainsi que des comptes d’affectation spéciale Participations financières de l’État et Participation de la France au désendettement de la Grèce et du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics. Monsieur le ministre Gabriel Attal, vous avez la parole.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. Je vais dresser aujourd’hui devant vous le bilan de l’exécution 2022 de la mission Engagements financiers de l’État, puis du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Ces missions et les programmes qui les constituent ont un aspect très technique au premier abord, mais elles portent des politiques essentielles pour les contribuables comme pour notre économie, qu’il s’agisse de la bonne gestion de notre endettement et donc du financement de l’action de l’État, du soutien aux entreprises pendant la crise du Covid par les prêts garantis par l’État ou encore de la politique de l’État actionnaire. Plus largement, c’est aussi un pan de notre souveraineté qui se joue.

Commençons par l’exécution 2022 de la mission Engagements financiers de l’État, qui recouvre sept programmes budgétaires, dont deux programmes à crédits dits évaluatifs. Cette mission regroupe une pluralité d’instruments permettant à l’État d’assurer son financement dans les meilleures conditions possibles, de porter nos services publics partout dans le pays et d’apporter son soutien au financement de l’économie. Hors programmes à crédits évaluatifs, par rapport au total des ressources ouvertes en cours d’exercice, 75,46 % des crédits de paiement ont été exécutés au niveau de la mission, avec une forte hétérogénéité entre les taux d’exécution des programmes qui la composent. Chacun des deux programmes à crédits évaluatifs présente un taux d’exécution final légèrement supérieur à ses ressources, comme votre commission en avait été préalablement informée en fin d’année dernière, en application de l’article 10 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Je vais concentrer mon propos sur les programmes 117 et 114, qui représentent l’essentiel des crédits de la mission. Le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État a pour objectif de gérer la dette de l’État et sa trésorerie dans les meilleures conditions pour les contribuables et pour nos finances publiques. J’en profite d’ailleurs pour souligner le travail remarquable des fonctionnaires de l’Agence France Trésor, dont la mission consiste à garantir à notre pays les conditions optimales de financement. Les crédits évaluatifs alloués au programme 117 étaient de 38,65 milliards d’euros en LFI 2022, dont 37,45 milliarspour couvrir la charge de la dette proprement dite, le reste étant destiné à la trésorerie. Les réévaluations successives de la charge de la dette ont conduit à une ouverture de crédits à l’été 2022. Par la première loi de finances rectificatives, nous avons ouvert 11,89 milliards d’euros sur le programme 117, avant que la seconde loi de finances rectificative n’ouvre 2 milliards d’euros supplémentaires. Cela a porté les ressources du programme à 50,54 milliards d’euros. Cette révision était nécessaire pour faire face à une inflation plus élevée qu’anticipée, avec la révision à la hausse de la charge d’indexation du capital, et pour faire face à la hausse des taux d’intérêt de court terme, avec une révision à la hausse de la charge nette d’intérêt sur les bons du Trésor à taux fixe. Le montant de crédits finalement consommés en 2022 a été légèrement supérieur aux crédits évaluatifs, à 50,71 milliards d’euros, soit un taux d’exécution de 100,34 %. Globalement, l’exécution 2022 sur le volet dette dépasse de 13 milliards d’euros l’exécution 2021.

S’agissant du programme 114 Appels en garantie de l’État, au 31 décembre 2022, l’exécution s’est élevée à 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), pour 1,49 milliard d’euros de ressources disponibles après les annulations en cours de gestion, soit un taux d’exécution de 100,91 %. La dépense est essentiellement concentrée sur les garanties relatives au financement des entreprises et à l’industrie, lesquelles recouvrent le traitement des prêts garantis par l’État (PGE) et qui sont en très forte augmentation par rapport à 2021 : 1,37 milliard d’euros consommés en 2022 pour 192 millions d’euros en 2021. Les évaluations et les anticipations des PGE restent soumises à de fortes incertitudes. La budgétisation du programme repose sur une estimation faite par la direction du budget et la direction générale du Trésor sur la base des prévisions de faillites de la Banque de France. C’est pourquoi, au vu des réestimations successives en cours d’année, ce programme a donné lieu à une annulation de crédits pour 2 milliards d’euros lors de la loi de finances rectificative de l’été dernier. Face aux prévisions de faible sinistralité, nous avons ainsi diminué les prévisions de 2 milliards d’euros. Finalement, les anticipations d’exécution sur le programme se sont révélées supérieures de 40 millions d’euros à la prévision retenue pour la loi de finances rectificative de fin de gestion, du fait d’un léger ressaut des appels en garantie fin 2022, qui ne s’est pas poursuivi début 2023. Le niveau d’appel en garanties au titre des PGE a ainsi légèrement dépassé la prévision actualisée de septembre 2022. Ce dépassement, comme le précédent, a été notifié aux présidents des commissions des finances. Le dispositif de PGE classique a pris fin le 30 juin 2022, avec des durées de remboursement allant jusqu’à six ans. Le taux de sinistralité définitif reste ainsi soumis à des évolutions de conjoncture qui sont difficiles à anticiper jusqu’en 2028, mais la dernière modélisation de la Banque de France anticipe un taux de défaut des PGE de 4,4 %, soit un taux très faible et qui plus est en diminution par rapport à l’estimation précédente de 4,6 %.

Je passe maintenant à l’exécution 2022 du compte spécial Participations financières de l’État (CAS PFE). L’essentiel de l’activité relève du compte 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État. Ce compte a été doté d’un total de 7,7 milliards d’euros de crédits en loi de finances initiale 2022, auxquels se sont ajoutés en gestion les 12,73 milliards d’euros de crédits votés en LFR2 aux fins de financement de l’offre publique d’achat simplifiée d’EDF et d’opérations confidentielles, pour une dépense finale de 10,46 milliards d’euros, soit un taux d’exécution de 52 %. Ce résultat s’explique notamment par la prolongation de l’offre publique d’achat simplifiée sur la gestion 2023. Parallèlement, le CAS PFE a bénéficié en recettes de deux abondements via le programme 367 à hauteur de 11,46 milliards d’euros, contribuant ainsi au financement des opérations de recapitalisation d’EDF en avril 2022 et de l’offre publique d’achat simplifiée d’EDF en fin 2022. En conséquence, le compte affiche au 31 décembre 2021 un solde cumulé de son activité d’un montant de 6,75 milliards d’euros. Les opérations réalisées sur le programme 731 ont notamment été les suivantes : l’offre publique d’achat simplifiée d’EDF pour 4,46 milliards d’euros, l’augmentation du capital d’EDF à hauteur de 2,65 milliards d’euros, les rachats de titres Orano à Areva, la participation au financement d’opérations en fonds propres au titre des PIA, notamment le PIA4 France 2030 à hauteur de 1,78 milliard d’euros, le renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement, mais aussi la poursuite de l’augmentation du capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB).

S’agissant maintenant du compte 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État, en 2022, ce programme n’a porté que des dépenses liées au cantonnement de la dette Covid pour 1,9 milliard d’euros, soit le montant prévu en loi de finances 2022. Le programme a aussi bénéficié d’un montant de recettes de même montant à partir d’un abondement du budget général qui passe par le programme 369, afin de doter à due concurrence en capital la Caisse de la dette publique. À l’origine, le programme 732 devait retracer les contributions apportées au désendettement de l’État et des établissements publics de l’État, à partir principalement de la meilleure valorisation possible des participations financières de l’État. Or le contexte économique fortement dégradé après la crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis un coup d’arrêt temporaire aux cessions de participation, quelles qu’elles soient. Depuis 2020, aucune reprise de cession n’est envisagée.

En dépit de ce contexte, l’État a souhaité afficher dès 2022 une trajectoire d’apurement de la dette née de la crise sanitaire. Il s’agit ainsi d’amortir sur une période de vingt ans le montant de la dette Covid contractée dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, qui s’élève aujourd’hui à 165 milliards d’euros, par des dotations annuelles auprès de la Caisse de la dette publique. Ainsi, en l’absence de recettes de cessions et compte tenu du caractère stratégique de la dépense, chaque échéance annuelle versée à la Caisse nécessite l’abondement préalable en recettes du CAS PFE à partir du programme 369 que j’évoquais, à hauteur de la dépense envisagée. Le programme a été doté de 165 milliards d’euros en autorisations d’engagement dès le PLF 2022, correspondant au montant total de remboursement en capital qui est attendu d’ici à 2042. Le montant de crédits de paiement est ainsi calculé chaque année en fonction d’une prévision de surplus de recettes entre l’année de référence et 2020, soit 1,9 milliard d’euros en 2022.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial (Engagements financiers de l’État). Les crédits consommés de la mission Engagements financiers de l’État ont connu une hausse exceptionnelle en 2022. Ils se sont élevés à 54 milliards d’euros en crédits de paiement et 217 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Je souligne qu’il s’agit d’une hausse inédite. Ces niveaux sont supérieurs de 10 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2022. Ils sont en progression de 15,9 milliards d’euros en crédits de paiement par rapport à 2021. En autorisations d’engagement, la hausse atteint 179,2 milliards d’euros par rapport à 2021, sous l’effet de l’enregistrement comptable de la dette Covid à amortir. Les engagements financiers de l’État représentent le deuxième poste de dépenses après l’enseignement scolaire. La France y consacre un montant plus important qu’à ses armées (51,7 milliards d’euros pour la mission Défense). Or je souhaite insister sur le fait que la mission Engagements financiers de l’État porte pour l’essentiel sur des dépenses qui sont liées à la charge de la dette, c’est-à-dire des dépenses qui sont totalement improductives. Certes, le recours à l’endettement est parfois utile pour investir ou incontournable pour protéger les Français en période de crise, mais face à de telles hausses, dues en particulier aux obligations indexées sur l’inflation, on ne peut que s’alarmer. Ces crédits pourraient être mieux employés dans le cadre de politiques publiques plus utiles aux Français.

Le Gouvernement anticipe par ailleurs des montants inédits de charge de la dette pour les années à venir, sous l’effet de la remontée des taux d’intérêt qui prendraient le relais de l’inflation. Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a lui-même indiqué qu’en 2027, la charge de la dette française atteindra 70 milliards d’euros. Il s’agit du premier poste de dépenses de l’État. Au vu de l’écart entre les prévisions et l’exécution 2022, nous pouvons nous inquiéter d’un éventuel dépassement de ce montant, notamment en cas de nouveau choc économique. Ce sont les contribuables qui, en définitive, auront à payer le prix de cette insouciance coupable vis-à-vis de la dette française.

Les mouvements législatifs et réglementaires de crédit en 2022 illustrent les conséquences massives de l’inflation sur la charge de la dette. J’aurai l’occasion d’y revenir en détail dans le cadre de l’examen de mon rapport d’information sur les OAT indexées. Le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État porte 93 % des crédits de paiement de la mission. 11,9 milliards d’euros ont dû être ouverts en première loi de finances rectificative pour faire face à la progression inédite et non anticipée de la provision pour charge d’indexation du capital des titres de dette indexée sous l’effet de l’inflation. Un dépassement de 169 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts a été constaté sur le même programme 117. Cela intervient après une hausse inattendue des taux d’intérêt sur les titres de court terme en fin d’année. Le projet de loi de règlement propose de régulariser ces dépenses supplémentaires. Je rappelle que le programme porte des crédits évaluatifs et non limitatifs.

Le programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19, créé par la LFI pour 2022, a donné lieu à l’engagement de 165 milliards d’euros. Ces autorisations d’engagement correspondent à l’encours de la dette Covid de l’État à amortir. 1,9 milliard d’euros de crédits de paiement ont été décaissés en 2022. 6,6 milliards d’euros devraient être dépensés sur le programme en 2023. Pour couvrir les engagements d’ici 2042, comme le prévoit le Gouvernement, le rythme de décaissement devra augmenter à l’avenir. Je voudrais rappeler que l’isolement d’une partie de la dette demeure une opération purement comptable, sans effet sur le stock de dette ni sur les conditions de son financement. Cela explique que l’exécution se soit déroulée conformément aux prévisions.

Sur le programme 114 Appels en garantie de l’État, 90 % des dépenses correspondent à des appels en garantie au titre des prêts garantis par l’État (PGE). Ce programme a été fortement sous-exécuté. L’année 2022 a donc été plutôt rassurante du point de vue de la sinistralité des PGE, mais les prévisions du Gouvernement en la matière se sont avérées inexactes. Je veux rappeler que c’est à moyen terme que se posera avec le plus d’acuité la question de la capacité des entreprises à rembourser cette dette. Le programme 114 doit donc faire l’objet d’une attention particulière, notamment si les perspectives macroéconomiques venaient à se dégrader.

Les autres programmes de la mission contribuent de manière plus marginale à ces dépenses ou n’ont pas été exécutés en 2022. La fiche d’exécution budgétaire qui vous a été communiquée analyse les mouvements de crédits qu’ils ont connus en 2022. Monsieur le ministre, au vu des montants en jeu, je veux revenir sur ce qui constitue le cœur de la mission Engagements financiers de l’État, la charge de la dette. Confirmez-vous les prévisions de Bruno Le Maire concernant les montants de charge de la dette de l’État en 2027, à savoir 70 milliards d’euros ? Ne craignez-vous pas que les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose cette prévision s’avèrent optimistes (1,8 % d’inflation en France et 3,4 % de taux d’intérêt à dix ans en 2027 selon le programme de stabilité) ? La dette Covid n’est pas une dette à part. Elle fait partie de la dette de l’État et l’isoler relève d’un exercice comptable et, en définitive, fictif. Au-delà de l’affichage politique, pouvez-vous nous aider à identifier les raisons qui justifieraient le décaissement de montants importants en crédits de paiement, en dehors du programme dédié à la charge de la dette ? Je vous remercie.

M. Philippe Brun, rapporteur spécial (Participations financières de l’État ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics). Je concentrerai mon propos sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, puisqu’il concentre les opérations centrales dans la politique de l’État actionnaire, dont les activités avaient été ralenties à la suite de la crise du Covid. Dans ce contexte, il faut noter l’importance des recettes du compte en 2022 : 17,4 milliards d’euros qui sont constitués à 89 % de versements du budget général, puisque les dividendes que perçoit l’État ne sont pas encaissés sur le compte d’affectation spéciale. La sous-exécution des crédits du compte d’affectation spéciale est quasiment systématique depuis sa création en 2007.

En 2022, les dépenses se sont élevées à seulement 12,4 milliards d’euros, contre 17,4 milliards d’euros en recettes. Le décalage en exécution est essentiellement lié au surdimensionnement de l’ouverture de crédits réalisés en loi de finances rectificative à l’été 2022, pour faire suite à l’annonce de la montée au capital d’EDF à 100 %. Je vous rappelle que nous avions voté une enveloppe de 12,7 milliards d’euros pour une exécution annoncée au moment de l’offre publique d’achat simplifiée (OPAS) à seulement 9,7 milliards d’euros.

Je souhaite relever qu’au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, les dépenses restantes prévues pour les trois derniers mois de l’année s’élevaient à 11,7 milliards d’euros. Même en déduisant de cette somme le montant relatif à la finalisation de la montée au capital d’EDF, soit 5,2 milliards d’euros, le montant des dépenses effectivement exécutées ne reflète pas l’ensemble de celles qui étaient prévues. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles opérations n’ont pas pu avoir lieu et pourquoi ?

Toujours à l’automne, la seconde loi de finances rectificative pour 2022 a procédé à l’annulation de 2 milliards d’euros, tandis que le présent projet de loi de règlement annule 2,9 milliards d’euros de crédits sur ce compte d’affectation spéciale. Ces annulations sont cohérentes : le rachat d’EDF ayant été retardé par des actions contentieuses, l’intégralité de l’opération n’a pas pu être menée en 2020.

Il faut souligner que contrairement aux autres missions du budget général, pour lesquelles la loi de règlement se contente de constater l’exécution et d’annuler des crédits en conséquence, les comptes spéciaux sont un véritable enjeu du projet de loi de règlement, car les reports de crédits étant la règle, les annulations proposées résultent réellement d’une décision de l’exécutif. Cependant, la documentation budgétaire est silencieuse sur la manière dont le Gouvernement décide du montant de ces annulations. Pourquoi, par exemple, procéder à près de 3 milliards d’euros d’annulations, qui portent le solde du compte d’affectation spéciale PFE à 6,7 milliards d’euros au 31 décembre 2022 ?

À ce stade de l’exécution 2023, monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire plus sur les opérations confidentielles qui ont justifié l’ouverture de 7,9 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2023, c’est-à-dire 75 % des crédits du programme 731 ?

S’agissant du compte de concours financier Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, il s’agit d’un compte à la vocation technique, qui sert à faire transiter les avances du Trésor à l’Agence de services et de paiement (ASP), dans le cadre notamment du préfinancement des aides agricoles européennes. Nous voyons dans ce projet de loi de règlement, à nouveau, un montant d’annulations important, sans que les rapports annuels de performance ne permettent de comprendre les raisons de ces annulations. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus ?

Pour finir, le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce, qui a été clôturé au 31 décembre 2022, servait à transférer vers l’État grec les revenus d’intérêt perçus par la Banque de France sur les obligations de la Grèce qu’elle détient. En raison du non-respect de certains engagements de la Grèce dans le cadre de son programme d’assistance financière, ces versements ont été temporairement interrompus entre 2015 et 2018. Le solde du compte est apuré par l’article 7 du projet de loi de règlement. Ce solde est aujourd’hui excédentaire et nous pouvons constater qu’il est regrettable que la France, qui s’était engagée à contribuer au désendettement de la Grèce dans le cadre de l’Eurogroupe, tire un bénéfice budgétaire de l’interruption des versements au détriment des comptes publics grecs.

Mme Marina Ferrari, présidente. Avant de passer la parole à notre rapporteur général du budget, monsieur le ministre, j’ai quelques questions. La première porte sur la situation de la charge de la dette, que vous avez évoquée dans votre propos introductif, puisque certaines prévisions plutôt défavorables estimeraient que celle-ci pourrait atteindre 52 milliards d’euros en 2023, si nous n’arrivions pas à rectifier le tir. En effet, la hausse des taux d’intérêt influencée par les politiques monétaires qui sont menées actuellement par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, combinée à une hausse importante du volume de la dette, fait planer un risque d’accroissement de la charge de la dette pour les années à venir. Je rappelle que chaque euro dépensé pour la charge de la dette est un euro que nous ne pouvons pas investir dans le soutien à nos politiques publiques et que nous tenons à rester dans l’épure afin d’éviter d’augmenter la fiscalité, pour nos concitoyens et nos entreprises.

Par ailleurs, je souhaite vous interroger sur le programme 114 et plus spécifiquement sur le dispositif de prêts garantis par l’État, notamment sur le cumul des PGE et des PGE résilience qui ont été créés en avril pour prendre le relais des PGE dits classiques. La sinistralité était faible sur l’année 2022. Nous commençons à craindre une sinistralité en augmentation sur l’année 2023. Avez-vous déjà une tendance à nous indiquer sur ce sujet ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Madame la présidente, je ne partage pas nécessairement toutes les conclusions que vous avez faites. La mission Engagements financiers de l’État concentre, outre la question de la charge de la dette, l’impact financier de l’action de l’État face à la crise du Covid. Les dispositifs mis en place ont permis à notre pays de résister et à notre économie de rebondir plus fortement que la majeure partie des pays européens. Certes, ces mesures ont généré une dette supplémentaire, mais elles ont permis à nos entreprises d’éviter la faillite. Elles ont également préservé beaucoup de nos concitoyens des impacts néfastes du chômage ou de l’aggravation de la pauvreté. Nous avons été nombreux à voter ces dispositifs et je défie ceux qui nous reprochent aujourd’hui le niveau de notre dette de me dire exactement quelles sont les mesures qu’ils n’auraient pas votées. Certains voudraient aujourd’hui baisser la TVA, ce qui revient à aggraver la dette.

Il s’agit désormais de rembourser cette dette. C’est dans ce but qu’a été créé le programme 369 Amortissement de la dette de l’État lié à la Covid-19, avec un engagement de 165 milliards d’euros en AE. La mission Engagements financiers de l’État contient également le programme 114 Appels en garantie de l’État, dont 90 % des crédits portent sur les engagements liés aux prêts garantis par l’État, à hauteur de 1,37 milliard d’euros. Notre économie a mieux résisté que certains ne le prédisaient. C’est la raison pour laquelle ces crédits ont été sous-consommés en 2022. Sur ce premier semestre 2023, observez-vous un renversement de tendance sur ce sujet ?

Sur le CAS PFE, qui a permis de faire transiter les crédits ayant servi à mener à bien la montée de l’État dans le capital d’EDF, il me semble qu’en 2022, il a montré tout son sens. Nous l’avions dit et nous l’avons fait. Nous avons surconsommé par rapport à ce qu’était la loi de finances initiale et légèrement sous-consommé par rapport aux recettes totales du compte. Cela n’est pas complètement illogique. Il me semble que nous l’avons fait à un bon prix. Certains ont tenté de s’approprier la paternité de la nationalisation d’EDF. Je voudrais rétablir un certain nombre de faits. Je comprends, monsieur le ministre, que l’opération devrait être finalisée le 8 juin. Y a-t-il encore des obstacles potentiels à la clôture de cette nationalisation à 100 % d’EDF ?

M. Gabriel Attal, ministre. En ce qui concerne les questions du rapporteur Mauvieux, je confirme les prévisions de Bruno Le Maire que vous avez rappelées sur la charge de la dette, à savoir 70 milliards d’euros en 2027. Vous avez raison de souligner que cela redeviendrait le premier poste de dépenses pour l’État, ce qui doit évidemment à la fois nous préoccuper, mais surtout nous mobiliser dans la trajectoire de désendettement que nous avons indiquée avec Bruno Le Maire, dans le nouveau programme de stabilité qui doit nous conduire à revenir à 2,7 % de déficit en 2027 et à démarrer notre désendettement en 2026. Cette trajectoire constitue un renforcement d’ambition par rapport à celle qui avait été présentée l’an dernier, avec un ratio de dette sur PIB de quatre points inférieur à ce qui était prévu dans la trajectoire précédente.

Sur les hypothèses macroéconomiques, nous savons à quel point la prévision est complexe d’une manière générale, mais a fortiori dans le contexte géopolitique, économique, international et sanitaire que nous connaissons aujourd’hui. Nous nous fondons sur un travail réalisé par la direction générale du Trésor, qui s’appuie sur des prévisionnistes qui publient un certain nombre de données sur les années à venir. Sur la prévision de croissance, par exemple, je constate qu’à chaque fois, les prévisions se sont réalisées. Nous entendions beaucoup de doutes sur notre capacité à atteindre une croissance à 2,5 %, comme nous l’avions annoncée en 2022 ; nous l’avons dépassée. En novembre dernier, si j’avais écouté un certain nombre de prévisionnistes ou de politiques, il était totalement insensé de prévoir une croissance positive pour la France en 2023, et plus encore à 1 %. Or l’économie résiste et les prévisionnistes ont revu un certain nombre d’anticipations et se rapprochent de 1 %. Sans excès d’optimisme, il est donc nécessaire d’être volontariste.

Effectivement, la dette Covid n’est pas une dette à part. Le flux budgétaire vise ici à isoler la partie de la charge de la dette liée au Covid, dans une logique pédagogique et de transparence envers le Parlement. C’était souhaité au moment de la crise sanitaire. L’amortissement du surcroît de la dette publique liée à la Covid est un mécanisme qui permet de retracer dans les comptes publics l’amortissement progressif de la dette d’État liée à la crise sanitaire et d’affecter le produit d’une part des recettes liées à la croissance à son remboursement. Ce mécanisme répond au double objectif d’isolement comptable de la dette issue de la crise sanitaire et d’affichage d’une trajectoire de traitement de cette dette entre 2022 et 2042. Le projet de loi de finances prévoit 165 milliards d’euros d’autorisations d’engagement correspondant au surcroît de dette de l’État due à la Covid-19 par rapport aux prévisions établies avant la crise. C’est un isolement comptable qui a une visée pédagogique importante.

S’agissant des questions de Philippe Brun sur les opérations qui n’ont pas pu avoir lieu, il est difficile de communiquer sur ces opérations parce qu’elles sont confidentielles. Sur les 9,7 milliards d’euros consacrés à la renationalisation d’EDF en 2022, 4,6 milliards d’euros ont été réalisés. Le reste le sera en 2023. Pourquoi procéder à 3 milliards d’euros d’annulations, qui portent le solde à 6,7 milliards d’euros ? Le niveau de crédits disponibles en fin d’exercice sur le CAS s’élève à 22 milliards d’euros. Il se compose du report du solde budgétaire 2020 (1,6 milliard d’euros), des crédits ouverts en LFI (9,5 milliards d’euros) et des crédits ouverts en loi de finances rectificative au titre de la montée de l’État à 100 % du capital EDF (12,7 milliards d’euros minorés des 2 milliards d’euros d’annulations de la LFR2 pour ajuster le niveau de crédits disponibles sur le CAS aux opérations qui étaient prévues). Compte tenu d’un niveau de consommation de 12,3 milliards d’euros, le solde budgétaire de fin d’exercice s’élève à 9,6 milliards d’euros, le montant reportable étant toutefois inférieur car limité par le solde comptable de 6,7 milliards d’euros.

En ce qui concerne les opérations confidentielles, qui représentent 75 % des crédits du programme 731, il s’agit pour 8,1 milliards d’euros de dépenses au titre d’opérations sur le périmètre de l’APE, dont 4,46 milliards d’euros au titre de la première partie de la nationalisation d’EDF, 2,6 milliards d’euros dans le cadre d’une augmentation de capital d’EDF et 638 millions d’euros pour le rachat des titres Orano.

Je souhaite en outre rappeler que 98 % des PGE ont été octroyés à des PME ou des TPE. Selon la Banque de France, le taux de défaut anticipé des PGE reste très faible et a même diminué dans la dernière estimation, passant de 4,6 % à 4,4 %. Nous avons soutenu nos entreprises et le programme des PGE a été un grand succès. Un surcroît de sinistralité a été constaté fin 2022, mais selon des informations qui m’ont été communiquées aujourd’hui, ce surcroît ne s’est pas confirmé au début de l’année 2023.

Du point de vue de la situation des entreprises en 2023, avec 46 000 défaillances en avril sur les douze derniers mois, nous restons en deçà du niveau d’avant crise (55 000 sur une période comparable). Le taux de sinistralité global des PGE n’augmente pas et se limite toujours à 4,4 %.

En ce qui concerne les questions de Jean-René Cazeneuve sur EDF, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a confirmé le retrait de la cote d’EDF le 8 juin. Nous nous attendons donc à prendre le contrôle d’EDF à 100 % au 8 juin et nous n’identifions pas d’obstacle particulier à ce jour.

Mme Marina Ferrari, présidente. Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses. Nous allons maintenant donner la parole aux orateurs de groupe.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je voudrais d’abord à mon tour saluer les fonctionnaires à la fois de l’AFT et de l’APE, parce que nous entendons trop souvent dans cette commission des polémiques qui jettent le discrédit sur leur travail. Je voudrais également dire à notre rapporteur spécial Kévin Mauvieux, qui parle d’insouciance coupable s’agissant de l’endettement, qu’il est préférable d’agir. Vous déplorez ainsi les conséquences dont vous chérissez les causes en ne souhaitant pas agir sur l’endettement de notre pays. De ce point de vue, la majorité prend ses responsabilités et souhaite agir pour le désendettement dans un pays qui emprunte plus d’un milliard d’euros par jour ouvré. Je souhaite également rappeler qu’un débat s’est tenu dans cette commission sur la dette par rapport à la charge de la dette. La dette génère bien entendu de la charge de la dette. Cependant, nous ne pouvons pas nous réfugier derrière l’augmentation des taux d’intérêt pour critiquer toute forme d’endettement, comme le fait le président Coquerel.

Sur le CAS PFE, je souhaite rappeler au nom du groupe Renaissance que malgré sa forme, il s’agit d’un compte notionnel par définition, qui correspond à des opérations dont on peut comprendre qu’elles soient secrètes. Ce CAS a permis aussi de sauver notre tissu économique. Je pense notamment à Air France-KLM et à la SNCF.

Pour les OAT à dix ans, nous avons prévu un taux de 2,5 % fin 2022 et 2,6 % en 2023. Le contexte est aujourd’hui différent, avec une hausse des taux directeurs de la BCE et du dollar et une volatilité accrue des marchés financiers. Monsieur le ministre, envisagez-vous de revoir cette prévision ou est-il trop tôt pour le dire ?

M. David Guiraud (LFI- NUPES). En ce qui concerne les obligations indexées sur l’inflation, ce n’est pas un soupçon. Nous posons des questions qui nous paraissent légitimes. Depuis 2014, c’est-à-dire depuis qu’Emmanuel Macron est ministre de l’économie, 150 milliards d’euros d’obligations indexées sur l’inflation ont été émis par la France. Ce montant est considérable et vous en connaissez la conséquence. Nous devons aujourd’hui payer 15 milliards d’euros d’intérêts sur la dette indexée sur l’inflation. Or en 2015, les emprunts à taux fixes étaient à moins de 1 %. Ils ont même parfois été nuls voire, en 2020, négatifs. Nous ne comprenons pas comment les dirigeants ont pu juger préférable d’indexer sur l’inflation plutôt que d’émettre à des taux quasiment nuls. Pour que le calcul soit gagnant par rapport à un taux fixe, l’inflation aurait dû demeurer sous 1,5 % jusqu’à 2021, puis pendant dix ans. Or nous savions dès 2015 que nous pouvions atteindre quelques points d’inflation supplémentaires, du fait de la politique monétaire de la BCE. Une question politique se pose dès lors : pourquoi Emmanuel Macron l’a-t-il permis ?

En ce qui concerne la dette Covid, pourquoi avoir affecté 136 milliards d’euros de dette Covid à la sécurité sociale via la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) ? Cela n’est pas normal de notre point de vue, la sécurité sociale n’ayant pas à gérer les choix politiques de l’État. Le calcul est de surcroît dangereux pour la sécurité sociale, puisque l’État peut faire rouler la dette et n’en paie donc que les intérêts alors que la sécurité sociale doit rembourser pleinement les 136 milliards d’euros et les intérêts. Cette situation met en danger la sécurité sociale.

M. Pascal Lecamp (Dem). La notation abaissée qui nous a été attribuée par Fitch fin avril n’a pas été abordée. Nous recevrons demain la notation de Standard & Poor’s. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences que peuvent avoir pour notre économie des dégradations de note ? Sont-elles à relativiser ?

Les plans d’épargne logement (PEL) souscrits avant 2011 peuvent en outre continuer de cumuler des intérêts assez élevés et ne sont pas limités dans le temps. Qu’avez-vous envisagé pour cesser de payer des taux d’intérêt élevés dans les années à venir ?

Lors de son audition fin janvier, Nicolas Dufourcq estimait la sinistralité des PGE à 3 %. Nous parlons aujourd’hui de 4,4 % à horizon 2028 selon la Banque de France. Un article que j’avais lu estimait les pertes possibles entre 5 et 9 milliards. À combien évaluez-vous la perte totale en milliards d’euros ?

Enfin, comme le rapporteur général, je salue l’action pour reprendre 100 % des parts d’EDF.

M. Philippe Brun (SOC). Je remercie mon groupe de me permettre de poser une question complémentaire au ministre en réponse à son intervention. Je comprends bien qu’il y ait une confidentialité dans les opérations. Nous parlons tout de même de montants importants, en l’occurrence 6,5 milliards d’euros d’opérations qui n’ont pas eu lieu l’an dernier, soit trois fois le budget du ministère des affaires étrangères. Pour l’exécution 2023, 7,9 milliards de crédits sont ouverts, un montant là aussi très important, davantage que les montants et les bénéfices attendus de la lutte contre la fraude telle que telle que vous l’avez annoncée cette semaine. Ne pourrions-nous pas nous saisir de l’idée qui nous a été soumise par la Cour des comptes dans la dernière note d’exécution budgétaire, qui propose de créer une forme de délégation parlementaire aux affaires financières, laquelle permettrait d’échanger, dans le respect du secret des affaires, un certain nombre d’informations avec des parlementaires, nous permettant d’avoir connaissance des opérations en cours, avec un cadre juridique et des sanctions qui s’appliqueraient en cas de divulgation ? Cela permettrait un minimum de contrôle parlementaire sur ces sommes qui sont très importantes et qui font aujourd’hui l’objet d’une certaine opacité.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés souhaiterait vous interroger sur la sinistralité des PGE et sa trajectoire sur l’année 2023. Tout le monde s’accorde à dire que la prévision d’exécution ne s’est pas réalisée. C’est une bonne chose, mais la somme de 1,4 milliard d’euros est tout de même considérable. Nous souhaiterions savoir quelles sont les caractéristiques des entreprises qui sont concernées aujourd’hui par ce type de sinistre. Y at-il des secteurs d’activité plus touchés ?

Je souhaite également vous interroger sur le programme 145, qui concerne l’épargne, puisqu’il comporte 28 niches fiscales, dont beaucoup concernent le logement. Un de nos rapporteurs précise dans son rapport que les plans épargne logement (PEL) et les comptes épargne logement (CEL) ne sont pas soldés parce que les Français n’avaient pas confiance. Ceux qui entreprennent des travaux de réhabilitation financés par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), pour 50 % d’entre eux, ont plus de soixante ans. Ce sont ceux qui ont aujourd’hui le plus d’épargne sur les comptes épargne logement et plans épargne logement, qu’ils ne mobilisent pas. Ne pourrions-nous pas inciter ces mêmes épargnants de plus de soixante ans qui ont des CEL et des PEL pleins à financer ainsi leurs travaux de réhabilitation après aide de l’Anah ? C’est une idée, monsieur le ministre, pour la prochaine loi de finances, afin de pouvoir avoir des réhabilitations complètes.

M. Kévin Mauvieux (RN). Je suis marqué, dans les interventions que j’ai entendues et qui ont évoqué la charge de la dette, par une forme de politique de l’autruche. Madame la présidente, vous avez évoqué la hausse des taux d’intérêt qui génère une hausse de la charge de la dette. Vous ne parlez à aucun moment de la hausse de l’inflation qui est à l’origine de la très grande partie de l’explosion de la charge de la dette cette année. J’entends aussi, du côté de monsieur le rapporteur général, que la hausse de la dette et de sa charge sont dues à la Covid. Rappelons que lors de la dernière législatuure, un tiers de l’augmentation de la dette est dû à la Covid et deux tiers ont des causes autres. J’ai également entendu monsieur Lefebvre nous dire que nous n’agissions pas, or nous ne sommes pas au pouvoir. En tant que rapporteur spécial, j’effectue un constat. Je constate que notre charge de la dette a explosé entre 2022 et 2023, majoritairement sous l’effet des OAT indexées, comme je l’ai dit.

M. Gabriel Attal, ministre. Pour répondre d’abord à la question de Matthieu Lefebvre sur l’actualisation des prévisions de taux, elle a déjà été effectuée dans le programme de stabilité. Le taux de 2,6 % à la fin de l’année 2023 correspondait au taux à dix ans sous-jacent au projet de loi de programmation des finances publiques que nous avions déposé en septembre dernier. Dans le programme de stabilité, nous avons actualisé cette prévision à 3,4 %, en cohérence avec la hausse des taux qui a été observée fin 2022 et début 2023. Une forte volatilité depuis le début de l’année est à noter, mais la prévision à 3,4 % reste la prévision du Gouvernement.

S’agissant de la question de monsieur Guiraud sur les OAT indexées, nous y reviendrons dans quelques instants à l’occasion de l’examen de la thématique d’évaluation de M. Mauvieux.

Concernant la sécurité sociale, je pense que notre action, qui consiste à chercher à ramener notre sécurité sociale à l’équilibre et à la désendetter, est saine pour le modèle social français. Elle nous permet par ailleurs d’avoir un budget pour l’hôpital public qui dépasse 100 milliards d’euros cette année, ce qui est inédit dans l’histoire de notre pays. Par ailleurs, nous ne pouvons pas nécessairement opposer les dettes entre elles et les politiques les unes avec les autres. Sans le « quoi qu’il en coûte », la dette de la sécurité sociale aurait été bien plus élevée, en raison d’une explosion du chômage et des faillites d’entreprises. Dans ces conditions, il y aurait eu beaucoup moins de Français au travail et beaucoup moins de cotisations sociales versées. Je rappelle que nous avons créé 1,5 million d’emplois depuis 2019 et 1,7 million depuis 2017, soit 25 milliards d’euros de recettes en plus pour la sécurité sociale. Nous voyons donc à quel point cet investissement budgétaire de l’État a permis aussi de préserver les finances de la sécurité sociale.

J’en viens maintenant aux questions de monsieur Lecamp. Je ne vais pas me prononcer sur des décisions avant qu’elles aient été prises. La décision de dégradation de l’agence Fitch a eu très peu d’impact sur nos taux et sur notre spread avec l’Allemagne. Une décision inverse a été rendue par l’agence Moody’s, qui n’a pas revu notre évaluation. Nous attendons la décision de l’agence Standard & Poor’s. Quelle qu’elle soit, nous sommes déterminés à poursuivre la trajectoire de désendettement de la France qui a été présentée par Bruno Le Maire et moi-même dans le nouveau programme de stabilité il y a quelques semaines de cela. Nous assumons de ne pas le faire dans une logique de consolidation brutale et austéritaire, dont nous avons vu, après la crise 2008-2010, qu’elle se traduisait par de la dette en plus, de la croissance en moins et du chômage en plus.

Sur la question des PEL, nous souscrivons à l’analyse de la Cour des comptes selon laquelle ils ont été quelque peu dévoyés de leur raison d’être. Une très faible proportion d’entre eux sert in fine à financer un projet immobilier. Il est cependant compliqué de modifier les caractéristiques des PEL qui ont déjà été conclus, puisqu’elles relèvent des relations contractuelles entre la banque et l’épargnant. S’agissant des autres questions que vous abordiez, il est possible que la remontée des taux d’intérêt que nous connaissons actuellement redonne de l’attractivité aux prêts d’épargne logement et nous réfléchissons par ailleurs à des pistes d’évolution des PEL pour qu’ils puissent mieux servir à la politique du logement, par exemple à la rénovation énergétique, qui est un de nos grands objectifs.

J’en viens ensuite à la question de monsieur Brun : l’association des parlementaires à l’activité de l’APE est aujourd’hui très forte. Ils sont destinataires chaque année du rapport d’activité et du projet annuel de performances. Ils reçoivent chaque année les réponses écrites aux questionnaires budgétaires. Nous organisons chaque année des auditions avec le commissaire aux participations de l’État ou son adjointe dans le cadre de la préparation et du suivi de l’exécution. Dans le cadre de ces auditions, des réponses écrites sont apportées dans les conditions fixées par la LOLF. Je pense que c’est aussi là que le débat doit se faire. Un droit d’accès aux documents susceptibles d’intéresser les parlementaires est déjà prévu. Ce droit d’accès sur place a été régulièrement exercé. Vous l’avez d’ailleurs vous-même exercé, M. Brun. Pour l’ensemble de ces raisons, je pense qu’il existe déjà un cadre qui permet d’accéder à un certain nombre d’informations. Je répète que la confidentialité a un sens. Ces informations de marché peuvent avoir un impact négatif pour des entreprises qui peuvent être concernées par des projets et également pour les intérêts patrimoniaux de l’État.

Enfin, concernant l’intervention de monsieur Jolivet pour inciter les épargnants de plus de soixante ans à consacrer l’épargne aux rénovations complètes, la question du financement de la transition écologique, notamment la question de la rénovation, est au cœur de nos préoccupations. Toutes les pistes doivent être étudiées. Nous étudierons donc votre piste dans le cadre du PLF.

M. Pascal Lecamp (Dem). Avez-vous une estimation du montant que représente une sinistralité des PGE à 4,4 % ? Nous avions inscrit 1,3 milliard d’euros en 2021 dans la loi de finances.

M. Gabriel Attal, ministre. Nous vous transmettrons un chiffre.

Mme Marina Ferrari, présidente. Nous arrivons au second temps de la discussion de notre commission d’évaluation. Monsieur Kévin Mauvieux, vos travaux ont porté sur les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) et sur l’indice des prix en zone euro (OAT€i).

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je voudrais pour commencer vous donner un chiffre : 414 %. C’est la hausse en 2022 du coût pour l’État et donc pour le contribuable de la dette indexée sur l’inflation. De tels taux d’évolution sont rares en exécution budgétaire, à plus forte raison lorsque les montants en jeu sont importants. Nous parlons ici d’une hausse de 12,5 milliards d’euros par rapport à 2021, soit un montant net supérieur, par exemple, au budget de la justice, qui est de 10,7 milliards d’euros en 2022. Autrement dit, les OAT indexées comptent pour deux tiers dans la hausse totale du budget de l’État entre 2021 et 2022, qui s’est établie à près de 19 milliards d’euros hors remboursements et dégrèvements.

Lorsqu’en 1998, le Gouvernement socialiste de Lionel Jospin et son ministre de l’économie et des finances Dominique Strauss-Kahn ont proposé au Parlement d’autoriser l’indexation sur l’inflation d’obligations assimilables du Trésor, plusieurs arguments étaient mis en avant. D’abord, la France serait l’un des premiers États européens à émettre de tels titres et attirerait donc plus d’investisseurs étrangers, dans le contexte de la création de l’euro. Le marché des OATi permettrait ainsi de diversifier les sources de financement de l’État. Les OATi permettraient par ailleurs l’économie d’une prime de risque inflation qui est intégrée dans le taux de marché des OAT nominales. En contrepartie, l’État consentirait à supporter lui-même ce risque, qui apparaissait faible à l’époque, car l’inflation était basse. Troisièmement, le risque lié aux effets de l’inflation sur la dette indexée apparaissait comme maîtrisé, car la part de titres indexés représentait initialement seulement 3 % du total.

Les bénéfices de la dette indexée sont demeurés relativement théoriques ou sont en tout cas difficilement quantifiables. En revanche, nous voyons aujourd’hui à quel point les risques identifiés dès l’origine sont, eux, avérés. Le principe de l’indexation de la dette est simple : alors que le capital d’une OAT classique est fixe, celui d’une OAT indexée croît avec l’inflation constatée chaque année. En contrepartie de cette progression du capital remboursé à l’échéance, le taux de coupon qui sert au calcul des intérêts est plus faible. Il s’agit donc d’un pari sur le niveau futur d’inflation. S’il s’avère inférieur aux prévisions, l’État est gagnant, mais s’il est supérieur, les OAT indexés coûtent plus cher que les OAT classiques.

Une première alerte avait été donnée en 2008. Sous l’effet d’une inflation de 2,8 %, supérieure aux prévisions, la provision budgétaire représentative du coût des OAT indexées avait été multipliée par 2,5 par rapport à 2007. Son montant n’atteignait alors que 4,6 milliards d’euros, un niveau qui est resté inégalé jusqu’en 2022. Par la suite, la part de la dette indexée, qui avait atteint 15 % en 2008, a certes été réduite. Elle est de 11,5 % de la dette totale aujourd’hui et plus de 12 % de l’encours de moyen et long terme.

Si la baisse de taux peut sembler rassurante à un œil non averti, elle cache une évolution bien plus alarmante qui a contribué à la situation actuelle. En termes de montant, l’encours de dette indexée a considérablement progressé sous l’effet de l’endettement croissant de l’État. Entre 2008 et 2022, l’encours total de dette indexée a presque été doublé en valeur, s’élevant aujourd’hui à 262 milliards d’euros. Les mesures à même de prévenir le risque constaté en 2008 n’ont donc pas été prises. Avec un tel encours de dette indexée, une variation durable d’un seul point d’inflation à la hausse entraîne un surcoût annuel de plus de 2,5 milliards d’euros. Pire encore, l’encours de dette indexée continuant à progresser sous l’effet conjugué de l’inflation et des nouvelles émissions, la sensibilité de la charge de la dette à l’inflation continue de s’accroître. Pour 2023, près de 14 milliards d’euros ont d’ores et déjà été provisionnés au titre du coût des OAT indexées en loi de finances initiale. Ce montant semble déjà sous-estimé au regard du relèvement des prévisions d’inflation du Gouvernement, qui peuvent parfois être erronées. Comme le montre une récente étude de la Banque de France, l’inflation devrait en outre s’avérer plus volatile à l’avenir, sous l’effet notamment de la lutte contre le réchauffement climatique. Au total, nous ne pouvons donc pas prétendre, monsieur le ministre, que le recours à ce type d’instruments financiers est, dans la durée, avantageux pour le financement de la dette publique. Si l’État a bien enregistré quelques gains limités à la suite de plusieurs années d’inflation plus faible qu’anticipée, ceux-ci ont été plus qu’effacés par le choc d’inflation qui est toujours en cours. Rien ne permet d’envisager un redressement de cette situation, ni à court terme ni à long terme, bien au contraire. Les gains réalisés pendant quelques années ont été effacés en à peine deux ans.

Je voudrais, monsieur le ministre, vous soumettre quelques propositions pour trouver une issue à cette impasse. Premièrement, à court terme, il est urgent de dresser un bilan chiffré de l’impact sur les finances publiques de la dette indexée. C’est d’ailleurs ce que vous conseille également la Cour des comptes. Il est indispensable de savoir ce que rapportent et ce que coûtent à l’État les OAT indexées via l’économie de la prime d’inflation, la diversification des sources de financement et surtout l’écart aux prévisions d’inflation. Ce bilan doit vous permettre d’ajuster dès que possible le programme de financement annuel que votre Gouvernement détermine et qui s’impose à l’Agence France Trésor.

Comme j’ai pu le constater au cours des travaux que j’ai menés, le choc d’inflation actuel a révélé des failles dans la structure de la dette de l’État. En premier lieu, la part largement majoritaire d’OAT indexées sur l’inflation européenne (presque 70 %) expose nos finances publiques au risque d’un choc asymétrique en plus du simple choc inflationniste. En 2022, l’inflation a été plus forte en zone euro qu’en France : 9,2 % en zone euro contre 6 % en France pour les indices de référence du mois de décembre 2022. C’est d’ailleurs toujours le cas en 2023. Dans une telle situation, le coût des OAT indexées progresse fortement, mais la maîtrise de l’inflation en France modère la progression automatique des recettes fiscales sous l’effet de la hausse des prix. Il y a là un risque pour le présent, mais aussi pour l’avenir et il vous revient, monsieur le ministre, d’y apporter une solution. Vous pourriez par exemple décider dans un premier temps de diminuer les émissions d’OAT indexées, qui représentent 25,4 milliards d’euros en 2022, en faisant prioritairement porter l’effort sur les OAT€i.

En second lieu, la France se distingue par une proportion et un encours de dette indexée supérieurs à ceux de ses voisins de la zone euro, comme l’Allemagne et l’Espagne. Cela doit nous conduire à nous interroger. Il serait notamment intéressant d’évaluer l’importance réelle de la dette indexée dans l’architecture de l’épargne réglementée, qui est une spécificité française.

L’évaluation que je vous propose de mener doit par ailleurs présenter des gages d’indépendance et être absolument transparente. Depuis 2023, un rapport annuel sur la dette des administrations publiques donne lieu à un débat au Parlement. C’est un progrès pour l’information des parlementaires. Je vous invite, monsieur le ministre, à vous saisir pleinement de cet outil, en y incluant une actualisation du bilan de la dette indexée. De cette manière, l’autorisation annuelle que le Parlement vous concède serait accordée sur des bases réellement éclairées.

J’ai mené mes travaux dans un esprit de justesse et avec comme seule boussole l’intérêt de la France et des Français. Je remercie d’ailleurs les différents interlocuteurs, y compris les services de Bercy, qui y ont participé en toute transparence. J’en tire une conclusion simple : à terme, l’intérêt de l’État est de mettre en extinction les OAT indexées. Je vous soumettrai d’ailleurs une proposition de loi en ce sens. Je crois que nous pouvons parvenir à mettre un terme à l’émission de dette indexée en cinq ans. C’est l’objectif que je vous propose de nous fixer.

L’exemple britannique nous montre d’ailleurs qu’il est possible d’inscrire la part des émissions de dette indexée sur une trajectoire nettement décroissante. Depuis 2018, le Royaume-Uni a abaissé ses émissions de 25 % du total, une part très excessive, à environ 10 %, dans le but de réduire l’exposition de sa dette à l’inflation. Ils avaient, rappelons-le, été précurseurs dans ce domaine en Europe. Je note à cet égard que notre cible d’émissions actuelle, de 10 %, certes indicative, correspondrait à ce que réalise le Trésor britannique, alors même que celui-ci est marqué par une forte demande de titres indexés émanant du secteur particulièrement actif des fonds de pension. Je souhaite préciser que l’extinction des titres de dette indexée doit intervenir dans le cadre d’un désendettement global de notre pays, qui connaît un taux d’endettement excessif. Cela garantira en outre l’absence de report des émissions de dette indexée vers des titres nominaux.

Monsieur le ministre, disposez-vous d’une estimation actualisée du coût de la dette indexée pour 2023 à la suite du relèvement des prévisions d’inflation ? Considérez-vous que le coût des OAT indexées en 2022 (15,5 milliards d’euros) et en 2023, qui résulte des programmes de financement dont le Gouvernement a la responsabilité, relève d’une gestion de la dette au mieux des intérêts du contribuable ? Quelles sont les mesures que vous imaginez pour prévenir à l’avenir de telles charges liées à l’effet de l’inflation sur le stock de dette ? Enfin, lors de la création des OATi en 1998 par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn, il n’avait pas été évoqué le fait que le secteur institutionnel et en particulier les banques, pour leurs investissements, avaient besoin de couvrir l’obligation de rémunération de l’épargne réglementée qui est indexée sur l’inflation. À plusieurs reprises au cours des auditions, des investisseurs ont dit avoir besoin de ces souches pour financer l’épargne réglementée indexée sur l’inflation. Pourquoi les OATi ont-elles été créées alors même qu’à l’époque, l’épargne n’était pas soumise, réglementairement parlant, à une indexation sur l’inflation ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. Il s’agit d’un sujet important et tout à fait légitime, dont nous avons déjà eu l’occasion de discuter dans l’hémicycle. Nous sommes un pays qui a besoin d’emprunter beaucoup, notamment parce que nous avons une dépense publique qui reste extrêmement élevée. J’aimerais que nous entendions ceux qui dénoncent le recours à des OAT indexées sur l’inflation, lequel participe à une logique de diversification nécessaire si nous souhaitons être capables de couvrir nos besoins, nous défendre et nous accompagner quand nous portons une politique qui vise à réduire la part de la dépense publique dans notre richesse nationale. J’aimerais que nous sortions également de solutions avancées avec facilité, c’estàdire la contribution à l’Union européenne ou l’immigration. Ceux qui critiquent le recours à l’emprunt devraient nous faire un certain nombre de propositions pour réduire la dépense publique.

Nous devons couvrir un niveau de dépenses qui est élevé et faire face à deux incertitudes fondamentales, d’une part sur l’évolution de la demande de titres de la part des investisseurs et d’autre part sur les conditions économiques et financières futures. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de diversifier nos émissions. Un certain nombre de canaux nous permettent ainsi de nous financer : la dette de court terme, de moyen terme, de long terme, de très long terme et enfin, pour environ 10 %, la dette indexée sur l’inflation française ou de la zone euro. Chaque canal correspond à des besoins d’investissement différents que l’État peut ainsi mobiliser.

Les titres indexés sur l’inflation nous donnent accès aux investisseurs qui doivent offrir une protection contre l’inflation à leurs clients. C’est notamment le cas des fonds d’épargne qui collectent le livret A, qui est à moitié indexé sur l’inflation. Ces investisseurs paient une prime pour acheter ce type de titres par rapport à un titre non indexé équivalent. Lorsque nous apprécions seulement l’évolution de la charge d’indexation, nous oublions l’autre partie pertinente pour évaluer le programme des OAT indexées, à savoir le moindre coût de financement ex ante grâce à la prime de risque qui est payée par ceux qui ont recours à ce type d’obligation.

Une incertitude pèse en outre sur les conditions économiques et financières futures. Le fait de disposer d’une diversité de titres permet de diviser les risques auxquels est exposé l’État. La charge de la dette de très long terme est figée pour longtemps. Elle repose sur les anticipations d’inflation à la date de l’émission. La charge de la dette indexée reflète les évolutions de l’inflation réalisée et la charge de la dette de court terme varie rapidement. L’approche ne peut donc se limiter à un compartiment de la dette de l’État, mais doit intégrer la dynamique de l’ensemble du portefeuille, dont chaque composante voit ses conditions de financement évoluer en fonction de la croissance, de l’inflation et des anticipations d’inflation, raison pour laquelle tous les pays du G7 ont recours à des OAT indexées sur l’inflation, plutôt dans les mêmes proportions que la France.

Sur la question de la transparence et de l’information, d’abord, je suis d’accord avec la nécessité de renforcer l’information du Parlement et sa capacité à analyser ces sujets, en prévoyant, au sein du rapport sur la dette des administrations publiques qui est présenté par le Gouvernement de façon annuelle, une actualisation annuelle en ce qui concerne la dette indexée. Je note d’ailleurs que le ministère des finances a d’ores et déjà réalisé une étude à la demande du rapporteur spécial du Sénat, qu’il a publiée dans son rapport public sur le projet de loi de finances pour 2023 en novembre, qui permet de visualiser l’impact global du programme au fil des années. Nous voyons bien que le choc d’inflation enregistré depuis fin 2021 fait suite à des gains importants liés aux périodes de faible inflation enregistrée depuis le lancement du programme en 1999. Ce choc fait office d’exception depuis ces vingt-cinq dernières années. Dans ce contexte, supprimer de nos produits les OAT indexées sur l’inflation en France et sur l’inflation européenne serait une mesure lourde de conséquences. En termes de canaux de financement, il nous faudrait rebasculer nos besoins de financement sur les OAT à taux fixe et sur les bons du Trésor à court terme, sous l’hypothèse que cela soit possible lorsque l’on doit lever 270 milliards à moyen et long terme, ce qui est un montant inédit. Cette hausse de la demande entraînerait mécaniquement une hausse du coût de la dette des compartiments associés. En termes de risque financier, ce serait faire un pari avec l’argent des Français, à savoir le pari que l’inflation sera structurellement plus élevée que les anticipations. Ce pari serait perdant si, par exemple, la hausse des taux engagée par la BCE permettait de ramener l’inflation à son niveau cible et plus encore si la zone euro retombait dans un régime d’inflation basse. Notre stratégie de gestion de la dette consiste à ne pas prendre de pari hasardeux et à gérer ces risques par la diversification des produits.

Par ailleurs, sur la distinction en termes de risques entre les titres indexés sur l’inflation française d’une part et européenne d’autre part, si une différence a pu apparaître en 2022, qui est le fait d’une meilleure protection face à l’inflation en France que dans les autres pays de l’Union européenne, les deux inflations sont en réalité très étroitement corrélées. Les investisseurs achètent des OAT indexées sur l’inflation européenne pour couvrir leurs engagements indexés sur l’inflation française. Par ailleurs, l’émission d’OAT indexées sur l’inflation européenne nous donne accès à une base d’investisseurs beaucoup plus large. Il me semblerait limité d’opposer une exposition de l’État à l’inflation française, qui serait bonne, à une exposition qui serait excessive s’agissant de l’inflation européenne.

Les États sont particulièrement bien positionnés pour émettre des obligations indexées, dans la mesure où leurs recettes sont elles-mêmes très corrélées à l’inflation. D’ailleurs, en cas d’inflation importante, il y a certes un surcroît de charge de la dette sur les OAT concernées, mais aussi un surcroît de recettes pour l’État.

Mme Marina Ferrari, présidente. Vous l’avez rappelé, depuis 1998, l’État français émet des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix à la consommation en France et, depuis octobre 2001, des obligations indexées sur l’indice des prix de la zone euro. Il est important de rappeler, et c’est là que nous avons une divergence de vues, que l’émission des titres obligataires indexés sur l’inflation est un outil très intéressant de diversification pour réduire la charge d’intérêts moyenne de l’État qui, en vendant une assurance contre l’inflation, économise une prime de risque. Vous l’avez également évoqué. Par ailleurs, les avantages de l’émission de ce type de produit doivent être envisagés sur le temps long. En effet, celle-ci permet à l’État de lisser son déficit sur l’ensemble du cycle économique lorsque l’inflation est à un niveau faible.

Alors qu’une partie importante de la dette actuelle arrivera à maturité dans les prochaines années, monsieur le ministre, pourriez-vous évoquer la stratégie d’émission de dette souveraine mise en œuvre par l’Agence France Trésor et plus spécifiquement la place qui sera donnée dans les mois à venir aux émissions d’OATi et d’OAT€i ? Est-elle comparable à celle de nos voisins européens ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais remercier le rapporteur spécial, qui nous parle d’un sujet important, bien que je ne partage pas ses conclusions. Les OAT indexées permettent à l’État de diversifier sa base d’investisseurs, ce qui, dans la durée, renforce la sécurité de son financement et minimise son coût pour le contribuable du point de vue des intérêts. Pour payer les intérêts du livret A, les banques ont besoin elles-mêmes de se financer sur des ressources variables et achètent donc notamment des titres d’État indexés pour trouver des prêteurs. Ces mêmes banques achèteraient des OAT indexées à d’autres pays si la France venait à ne plus en émettre. Par ailleurs, l’Agence France Trésor n’a pas d’obsession à augmenter la part indexée. Elle était de 16 % en 2008, et est aujourd’hui de 12 %. Cette part variable a permis de faire baisser significativement la charge de la dette entre 2008 et 2022, alors que le montant en euros de la dette a augmenté. Nous devons faire confiance à l’Agence France Trésor.

Enfin, en ne choisissant que des OAT à taux fixe, il est possible que l’inflation soit amenée à diminuer et les taux d’intérêt à augmenter. Cette solution serait ainsi perdante.

M. Gabriel Attal, ministre. Je souscris à cette remarque du rapporteur général, que je remercie pour avoir rappelé un certain nombre de choses. Je n’avais pas répondu à une question de monsieur Mauvieux sur le fait de savoir pourquoi, en 1998, mon prédécesseur avait pris cette décision alors que le livret A n’était pas explicitement indexé. Je crois que l’intérêt n’est pas limité aux banques et que d’autres investisseurs souhaitent se couvrir contre l’inflation, par exemple les assureurs.

Concernant l’estimation actualisée du coût de la dette indexée pour 2023, je vais vous répondre dans un instant, puisque Marina Ferrari m’a interrogé sur le programme prévisionnel lié aux émissions de titres indexés pour 2023. L’État maintient son engagement de réaliser environ 10 % de ses émissions via des obligations indexées sur l’inflation, comme annoncé dans son programme indicatif de financement pour 2023, qui est public. À fin mai 2023, la part des obligations indexés dans le volume des émissions 2023 est de 6,3 %. L’État a également indiqué dans son programme indicatif de financement la création d’un nouveau titre de référence à dix ans indexé sur l’inflation de la zone euro. S’agissant de la création d’un nouveau titre indexé sur l’inflation française, un titre de référence d’une maturité comprise entre quinze et vingt ans pourra être émis par syndication en 2023, en fonction de l’évolution de la demande et de l’opportunité d’émettre. Sur la question de la prévision financière, le choc d’inflation en 2022 s’est traduit par une provision d’inflation. La dernière révision réalisée en comptabilité nationale est de 23 milliards d’euros en 2022. Ce montant devrait refluer à 8,9 milliards d’euros en 2023 selon le programme de stabilité.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit en effet d’un thème intéressant et je salue les annonces du ministre pour aller vers davantage de transparence à l’endroit du Parlement. Nous avons objectivement le risque de faire d’un thème d’évaluation un thème polémique. Il s’agirait de se demander pourquoi la France aurait fait ce choix ces vingt dernières années, si ce n’est, à entendre certains, pour se tirer une balle dans le pied. Il me semble très risqué de penser ainsi. Vous l’avez rappelé, cette pratique date de 1998, avec des taux moyens qui étaient plus élevés avant l’élection du Président de la République actuel. En 2007, 19 % de notre endettement était indexé. Au Royaume-Uni, ce taux s’est élevé jusqu’à 25 %. Dans la mesure où 70 % sont indexés sur l’inflation européenne et 30 % sur l’inflation française, il s’agit d’une façon pour nos opposants politiques de reconnaître que nous avons l’inflation la plus basse de la zone euro.

Par ailleurs, nous n’avons pas entendu les opposants à cette politique dans les années 2010, quand l’inflation était en dessous de 2 %. Le rapport du Sénat précise que cette opération est neutre pour les finances publiques.

Combien cette politique a-t-elle permis de rapporter aux finances publiques dans les années 2010, à un moment où l’inflation était inférieure à la cible de 2 % fixée par la BCE ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je remercie notre collègue Kévin Mauvieux pour ce très bon rapport. Je salue le fait que nous puissions débattre de ce sujet, sans esprit de polémique, en échangeant sur les intérêts et les désavantages de ce mécanisme.

Il s’agit effectivement d’un problème politique, mais il n’est pas déshonorant d’avoir des divergences politiques sur ce que doivent être la politique monétaire et la politique d’emprunt. Nous avons un désaccord sur le rôle de la Banque centrale ainsi que sur le fait que l’État ne devrait pas, pour ce qui relève de l’investissement et pour un certain nombre de dépenses d’avenir, emprunter avec des risques. À partir du moment où nous ne reconnaissons pas la pertinence de la prime de risque, reconnaissez que nous sommes cohérents en affirmant qu’utiliser des titres indexés sur l’inflation parce que cela supprime la prime de risque n’a pas grand intérêt.

Face à votre cohérence, qui consiste à libéraliser les marchés monétaires et considérer que l’État est un emprunteur comme un autre sur les marchés financiers, notre cohérence, qui est souverainiste, consiste à considérer que l’État n’est pas un acteur économique comme un autre. Deux débats s’affrontent ainsi dans le respect mutuel. Je remercie le ministre d’être dans une démarche de transparence.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Je n’ai pas d’opposition à la dette en soi, mais une question se pose sur les techniques d’emprunt et la perte d’argent parce que les titres de dette indexés sur l’inflation nous font perdre 15 milliards d’euros en 2022.

Certaines réponses me surprennent, monsieur le ministre, bien que je salue l’effort de transparence. Vous indiquez que nous avons recours aux emprunts indexés sur l’inflation notamment pour trouver des acheteurs de nos titres de dette, mais nous n’avons jamais manqué d’acheteurs. L’offre est supérieure à la demande. Dans le cas contraire, je vous invite à me préciser quand la France n’a pas réussi à vendre ses titres de dette et sur quel marché. Vous indiquez également que nous devons diversifier pour réduire les risques, mais quel est le risque d’un emprunt à taux fixe à 0 % ?

Nous le savons, depuis 2015 environ, la BCE a une politique d’assouplissement quantitatif. Quand la France trouve un preneur d’un titre de dette, les dettes sont rachetées immédiatement par la BCE via la Banque de France. Pourquoi donc diversifier ?

Pour revenir sur les propos de monsieur Cazeneuve, la question qui se pose est de savoir pourquoi le Gouvernement a pris cette décision. Vous avez suggéré d’emprunter à présent parce que l’inflation allait peut-être baisser. Je ne le ferais pas, car je ne sais pas quels seront les chocs dans les dix prochaines années.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’essentiel réside dans le niveau de la dette et la soutenabilité de la charge qui en découle. Des arbitrages ont été effectués entre le recours à des OAT indexées ou non et l’avenir nous dira ce qu’il en sera.

Monsieur le ministre, l’Agence France Trésor avait estimé qu’une hausse d’un point de taux d’intérêt avait pour effet de renchérir la charge d’intérêt la première année de 2,5 milliards d’euros, la deuxième année de 6,1 milliards d’euros et à dix ans de 29,5 milliards d’euros. Pouvez-vous nous indiquer si ces éléments sont toujours d’actualité ?

M. Philippe Brun (SOC). Monsieur le ministre, nous ne critiquons pas de manière générale le recours à ce type d’obligation. Il est bien normal que dans le panier des obligations auxquelles nous avons recours figurent des obligations indexées sur l’inflation. En revanche, nous ne comprenons pas ce recours répété compte tenu des circonstances et de la situation durable d’inflation que nous avons à affronter. Je ne comprends pas que, le 21 avril dernier, nous ayons fait une nouvelle émission obligataire de 1,7 milliard d’euros puis, le 16 mars, une autre émission obligataire de 1,4 milliard d’euros. Nous voyons chaque mois se succéder de nouvelles émissions d’OAT indexées.

Nous sommes le troisième pays du monde en termes d’encours de la dette indexés sur l’inflation, avec 267 milliards d’euros en 2023. 30 % des 50 milliards d’euros de notre charge de la dette en 2023 sont liés à ces obligations indexées sur l’inflation. Un problème se pose donc. Les conséquences budgétaires sont écrasantes pour nos finances publiques. Nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement continue à utiliser ces obligations. Nous pourrions réduire la charge des nouvelles émissions d’obligations que nous faisons.

Je me permets aussi d’attirer votre attention sur le fait que trois quarts des OAT indexées le sont sur l’inflation européenne et que cette dernière est particulièrement mal calculée par Eurostat. Eurostat avait estimé l’inflation des Pays-Bas à 10 % pour l’année 2022. L’institut économique de référence aux Pays-Bas l’a quant à lui estimée entre 7,6 et 8 %.

Je souhaite en outre rappeler que 1 % d’inflation représente 1,5 milliard d’euros de plus pour nos finances publiques. Pour toutes ces raisons, nous ne comprenons pas l’entêtement du Gouvernement à recourir à ces actifs qui, dans ces circonstances, sont particulièrement toxiques. Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de mettre fin à ces émissions obligataires et de permettre une vraie transparence vis-à-vis du Parlement sur ce sujet.

M. François Jolivet (HOR). Monsieur le ministre, lorsque vous avez parlé des emprunteurs, vous avez parlé des banques qui avaient des contrats et des livrets réglementés à gérer. J’imagine que la Caisse des dépôts est un gros acheteur de cette dette. Combien avonsnous de propriétaires français de la dette indexée, rapportés aux détenteurs étrangers ? Cela permettrait peut-être d’ailleurs de clore le débat, parce que s’il apparaît que seules les banques françaises et la Caisse des dépôts ont acheté cette dette, cela leur permet de se couvrir de leurs risques pour faire en sorte que la rémunération de l’épargne populaire soit proche de l’inflation.

Ensuite, je souhaite savoir, monsieur le ministre, si vous avez des informations particulières sur la forte remontée de l’inflation que nous vivons actuellement. D’autres pays qui produisent des obligations indexées sur l’inflation s’assurent pour couvrir le taux de l’inflation. Je souhaiterais savoir si, aujourd’hui, notre pays s’assure sur le risque du taux d’inflation montant.

Enfin, j’ai compris que l’Agence France Trésor continue à émettre ce type de titres de dette. Quelle trajectoire de taux celle-ci envisage-t-elle pour la dette indexée ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je trouve la question de Mathieu Lefèvre, qui souhaite savoir combien nous aurait coûté la dette si nous n’avions eu, depuis 2008, que des taux fixes, très intéressante. Avec toutes les réserves de rigueur s’agissant d’un calcul sommaire, j’estime ce coût de l’ordre de 200 milliards. Le fait d’avoir 10 à 12 % de nos dettes en taux variable nous a permis d’économiser ce coût sur les intérêts.

Par ailleurs, je perçois une contradiction dans les propos de nos deux éminents membres de la NUPES.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Le débat sur le fait de savoir si nous devons emprunter en indexant sur l’inflation s’entend. La question est de savoir pourquoi, entre 2014 et 2020, nous indexions sur l’inflation, alors qu’en réalisant des projections, il apparaissait que pour obtenir un résultat gagnant, l’inflation devait demeurer à 1 ou 1,5 %. Nous savions pourtant que la politique de rachat massif pouvait créer de l’inflation.

M. Philippe Brun (SOC). La France n’a pas toujours eu 10 % de sa dette indexée sur l’inflation. Ce chiffre a progressé, il est vrai, notamment sous le quinquennat Hollande. Le sujet en débat n’est pas le fait que la France ait recours à des obligations indexées sur l’inflation, ce que font tous les pays du monde. Il porte en revanche sur la part de ces titres dans le stock total de dette, qui est élevé, à près de 12 %. Pourquoi ce montant progresse-t-il et pourquoi continuons-nous à tant recourir à ces actifs toxiques pour nos finances publiques et particulièrement coûteux ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). En cas de déflation, l’indexation des titres indexés demeure limitée à 0 % et ne peut pas être négative. Nous pourrions donc aussi imaginer une clause introduisant une limite au coût de l’inflation, en période d’hyper inflation.

M. Gabriel Attal, ministre. Ce débat et cette discussion sont légitimes et peuvent justifier des échanges entre les parlementaires intéressés et l’Agence France Trésor. Je crois qu’aucun parlementaire ici ne remet en cause le très grand professionnalisme et la grande expertise de l’Agence France Trésor et de ses agents, qui opèrent des choix afin de protéger notre pays, de lui permettre de financer ses politiques publiques et de prendre le moins de risques possible.

Je souhaite revenir sur quelques points, notamment une question de Marina Ferrari à laquelle je n’avais pas répondu sur un benchmark avec des pays comparables. Tous les pays du G7 émettent des OAT indexées, notamment les pays qui émettent des volumes de dette importants, à l’image des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Italie et de l’Allemagne. Le Royaume-Uni est passé à 10 % sur les nouvelles émissions, compte tenu de la part déjà très élevée des titres indexés dans son endettement. L’Italie, en proportion, est au-dessus de nous.

Sur la question de Mathieu Lefèvre, en reprenant les informations que nous avons communiquées au rapporteur spécial du Sénat, qu’il a reprises dans son rapport en novembre dernier, à partir de 2012, lorsque la zone euro est entrée dans un régime d’inflation basse, les économies annuelles ont pu atteindre certaines années jusqu’à trois milliards d’euros. Avec le choc d’inflation de 2022, l’impact budgétaire cumulé pour le budget de l’État réduisait l’économie à environ 2 milliards d’euros en 2022, un passage en négatif étant anticipé en 2023. Il est donc faux de dire que l’intérêt d’avoir eu recours à ces produits depuis 2012 a complètement disparu.

Pour répondre à monsieur Guiraud, pendant trente ans, nous avons par ailleurs bénéficié de rendements de – 1 % grâce à des obligations indexées sur l’inflation. Même avec des taux d’intérêt à zéro, des produits qui sont émis nous permettent de bénéficier de – 2 % sur des obligations indexées sur l’inflation.

Nous n’avons en outre jamais autant levé de dette qu’aujourd’hui, d’où la nécessité de baisser notre dépense publique. Nous n’avons pas eu de difficulté majeure à lever de la dette en raison d’une diversification de produits qui sont proposés.

S’agissant de la question de madame Louwagie, je vous confirme que les ordres de grandeur que vous avez donnés sont toujours avérés.

Pour répondre à monsieur Brun, en proportion, il y a eu plus d’émissions sous François Hollande que sous Emmanuel Macron. Nous avons stabilisé la part qui existait sous François Hollande, le pic ayant eu lieu sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Je ne qualifierai pas ces produits de toxiques, comme vous l’avez fait, précisément parce que l’inflation a aussi un impact positif sur le désendettement, que ce soit en matière de recettes ou sur le stock de dette.

Je répète que l’Agence France Trésor est disponible pour poursuivre l’échange avec vous après cette audition.

M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Ce qui rend les OAT indexées toxiques dans la dette française est la part de 70 % indexée sur l’inflation européenne, car nous n’en avons pas la maîtrise. Certes, nous avons des rentrées fiscales qui correspondent à l’inflation et qui permettent une soutenabilité de la dette en période d’inflation, mais si une part de cette dette est indexée sur une inflation européenne plus élevée que celle de France, les rentrées fiscales sont moins importantes qu’elles ne devraient l’être.

Nous avons en outre évoqué l’importance de la diversification. Le Royaume-Uni, qui a été souvent pris en exemple et qui a été précurseur dans la mise en place des OAT indexées, est dans un mouvement de décroissance de la quantité de titres indexés. Le Royaume-Uni est aujourd’hui au même niveau que la France, alors que les fonds de pension sont très actifs et très demandeurs. Cela signifie bien qu’ici, la part d’OAT indexées représente malgré tout un risque : nous pourrions être contraints, en période inflationniste, d’agir moins pour le pouvoir d’achat des Français en raison d’une explosion de la charge de la dette. A minima, une forte réduction des émissions d’OAT indexées est donc à mon sens indispensable.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 17 heures 30

 

Présents. - M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, M. Joël Giraud, M. François Jolivet, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Éric Coquerel, Mme Karine Lebon

Assistaient également à la réunion. - M. Christian Baptiste, Mme Véronique Louwagie