Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 Examen pour avis et vote des crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis), « Sécurités » (MM. Éric Pauget et Thomas Rudigoz, rapporteurs pour avis) et « Immigration, asile et intégration » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis).                            2             

 

 

 

 

 


Mardi
18 octobre 2022

Séance de 21 heures 30

 

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Sacha Houlié,
Président


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La séance est ouverte à 21 heures 30.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La commission examine pour avis les crédits de la mission « Administration générales et territoriale de l’État » (M. Ugo Bernalicis, rapporteur).

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Cette mission est constituée du programme 354 Administration territoriale de l’État, du programme 232 Vie politique et du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. J’ai consacré mon étude thématique à l’accueil des usagers dans les services publics, notamment dans les préfectures et les sous-préfectures, ainsi que dans les maisons France services.

Lorsque nous vous alertions sur les suppressions d’effectifs dans les administrations déconcentrées, nous nous entendions dire qu’il n’y avait pas de difficultés et que les gains d’effectifs dus à la dématérialisation seraient redéployés, surtout dans les services d’accueil des étrangers. La Cour des comptes s’est chargée de rétablir la vérité, dans un rapport paru le 14 avril 2022 sur « Les effectifs de l’administration territoriale de l’État ». Elle s’y montre très sévère avec la politique menée dans le cadre des réformes successives, notamment du programme Action publique 2022 et de la mise en œuvre du Plan préfectures nouvelle génération (PPNG). Elle montre que le gain en équivalents temps plein travaillé (ETPT) ne correspond pas aux objectifs que le ministère s’était lui-même fixés et que les redéploiements promis au lendemain de la mobilisation des gilets jaunes pour renforcer l’échelon départemental n’ont pas été tous réalisés. Elle indique, sans doute avec plus d’autorité que moi, que le recours aux contrats infra-annuels a augmenté, pour un coût qui est passé de 10 à plus de 60 millions d’euros, entraînant de nombreuses difficultés de gestion des personnels.

La Défenseure des droits a remis deux rapports, en 2019 et en 2022, sur la dématérialisation des services publics. Elle note que celle-ci est souvent à l’origine des signalements concernant les relations entre les administrations et les citoyens, en augmentation de 18 %. Nous avons dénoncé les conditions dans lesquelles les étrangers sont accueillis dans les préfectures et les sous-préfectures, notamment en Seine-Saint-Denis, où un business a prospéré pendant quatre ans – il fallait débourser 500 euros pour une prise de rendez-vous – avant qu’une nouvelle procédure y mette fin.

Le Conseil d’État également a rendu, le 3 juin dernier, une décision relative à la dématérialisation des titres de séjours par l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef). Il a invité le ministère de l’intérieur à prévoir un accompagnement adapté et une voie de substitution non dématérialisée. La préfecture de Seine-Saint-Denis a remis en place, grâce au concours de six ETP, une procédure d’accueil et de suivi du dossier par un même agent – c’est donc bien qu’un tel dispositif était possible et qu’il peut être dupliqué. Les agents, qui ont été les premiers à souffrir des réformes successives, sont heureux d’y participer.

La réforme des secrétariats généraux communs, d’ordre réglementaire, nous a échappé, mais rien n’empêche que nous nous intéressions à ses conséquences. Toutes les organisations syndicales dénoncent les situations de grande souffrance qu’elle a entraînées, alors que les objectifs de la mise en commun des fonctions supports – ressources humaines, paye, exécution de la dépense – ne sont pour l’instant pas atteints.

Il est prévu de faire machine arrière et de recréer des filières d’accueil dans les préfectures et les sous-préfectures. Nous nous en réjouissons, même si le projet n’a pas de traduction budgétaire ou organisationnelle et qu’il n’est encore qu’à l’état d’ébauche, comme l’a indiqué le secrétaire général du ministère. Un document sur les missions prioritaires des préfectures (MPP) fait état des moyens de fidélisation des agents. Il évoque le complément de rémunération que sont les nouvelles bonifications indiciaires (NBI) – mais d’autres agents se les verront supprimer puisqu’elles sont appliquées à périmètre constant – ainsi que des bons d’achat, pour des vêtements ou le coiffeur – j’ignorais que les agents de préfecture étaient si mal coiffés !

Si l’on veut que ces nouvelles filières d’accueil voient le jour, il faut rémunérer et former les agents correctement. Le ministère, que j’ai interrogé sur ce point, m’a expliqué sérieusement qu’il existait une formation à distance sur la gestion des conflits… Par ailleurs, le premier accueil en préfecture, comme le démontre le rapport de la Cour des comptes, est assuré par des jeunes en service civique, envoyés, sans formation aucune, au-devant d’usagers souvent mécontents. On me l’a expliqué à la préfecture de Seine-Saint-Denis, les services ont du mal à recruter, puis à garder ces jeunes sur toute la durée de leur service.

Le ministre a parlé de 208 ETPT supplémentaires pour le programme 354. Une lecture attentive du projet annuel de performance (PAP) montre cependant qu’il ne faudra compter, pour toute la France, que sur 25 ETPT supplémentaires, puisque 183 ETPT sont transférés d’un autre programme. Je vous laisse juges de l’adéquation de ces chiffres avec les constats dressés par la Cour des comptes et la Défenseure des droits.

Autre point d’alerte, le programme 216 perd des ETPT alors que, pour conduire, encadrer les projets et dépenser les 15 milliards d’euros prévus par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), il faut des effectifs supplémentaires. Ne croyons donc pas aux phrases grandiloquentes qui annoncent que, pour la première fois dans l’histoire, les effectifs sont stabilisés. On en a tant supprimé ces dernières années qu’il y a urgence à les rétablir.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), chargée de piloter, avec peu de moyens, les maisons France services, n’a pas produit d’état des lieux sur leur déploiement. Certaines maisons sont des endroits qui existaient déjà et qui ont été, en quelque sorte, repeints ; d’autres, créées ex nihilo, fonctionnent bien. Toutefois, les agents disent avoir eux-mêmes des difficultés pour établir des contacts privilégiés dans les administrations et aider ainsi les personnes. La Défenseure des droits a même expliqué que, dans certaines villes, les administrations fermaient leurs accueils physiques et renvoyaient les usagers à la maison France services. Il faut que nous restions très vigilants.

Vous l’aurez compris, je rends un avis très critique sur ces programmes. Vous trouverez aussi dans mon rapport une focale sur le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), dont les missions et l’activité prendront une certaine ampleur à l’approche des Jeux olympiques.

M. le président Sacha Houlié. Il est vrai que les préfectures ont manqué de moyens, notamment pour la numérisation des procédures, et que les difficultés qui en ont découlé ont été encore aggravées par la crise sanitaire. Le renouvellement des titres, transféré pour partie aux collectivités, n’a pas été sans entraîner quelques incompréhensions chez nos concitoyens.

Je n’ai pas vos réserves sur la qualité des réseaux préfectoraux, qui se trouve renforcée par le recrutement de personnes non issues du sérail, ce qui participe de l’attractivité des métiers.

Je suis tout à fait en désaccord avec vous sur les maisons France services, alors que j’étais de ceux qui n’y croyaient pas lors de leur création. Plus personne ne se plaint aujourd’hui de difficultés d’accès aux services publics dans les territoires ruraux alors que la grogne était forte en 2019. Certes, tout n’est pas optimal et il est vrai que certaines administrations dans les territoires urbains ont tendance à se délester sur le réseau pour des raisons de simplification. Mais dans l’ensemble, c’est une réussite.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je ne suis pas opposé aux maisons France services, bien au contraire ! Je fais part des dysfonctionnements qui ont été constatés, souvent par les agents qui y travaillent. Alors que des moyens ont été mis pour le déploiement de ce réseau et qu’on accompagne les personnes qui ont des difficultés avec le numérique, on continue de dématérialiser les procédures, si bien que le taux de saisine de la Défenseure des droits a augmenté de 18 % ! Il faudra que les administrations se résignent un jour à réorganiser des accueils téléphoniques. Il faudra même aller au bout de la démarche et garantir à chacun la possibilité de se rendre physiquement dans les lieux pour faire ses démarches. La numérisation concerne, en réalité, 80 % des personnes. La Défenseure des droits nous a expliqué que les jeunes, entre 18 et 25 ans, sont ceux qui se plaignent le plus des difficultés d’accès aux services publics. Ne croyez pas que faire une démarche en ligne, c’est comme poster sur TikTok… Il ne faut pas mégoter sur les moyens, sinon c’est la défiance envers la République et ses institutions qu’on nourrit.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean Terlier (RE). Je crois, monsieur le rapporteur pour avis, que votre vision des maisons France services est un peu trop urbaine. Dans le Tarn, les vingt-cinq maisons France services, qu’elles aient été créées ex nihilo ou constituées à partir de structures déjà existantes, fonctionnent très bien et ce sont toujours les citoyens les plus éloignés des services publics qui en profitent.

La mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) poursuit son objectif de modernisation de l’action publique, tant dans son organisation que dans ses moyens. Un effort budgétaire inédit est consenti avec 500 millions d’euros de crédits supplémentaires, hors programme 232, afin de financer les ambitions du projet de Lopmi. Le projet de loi prévoit notamment une augmentation des moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels de 15 milliards. Pas moins de 8 500 postes seront créés au cours du quinquennat, avec un triple objectif : engager la transformation numérique du ministère ; rapprocher les services des citoyens ; mieux prévenir les crises.

Après deux ans de stabilisation des effectifs de l’administration territoriale de l’État, les effectifs des préfectures et des sous-préfectures augmenteront pour la première fois depuis dix ans. Conformément à l’engagement du président de la République, quarante-huit postes seront créés dès 2023 – concrètement, le Tarn gagne un quatrième sous-préfet.

L’effort de modernisation de l’action publique se poursuit. L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) bénéficiera d’un relèvement du plafond des taxes qui lui sont affectées, à hauteur de 22 millions, pour financer des projets tels que l’identité numérique.

La tendance au recul des services publics s’inverse et l’État renforce sa présence dans les territoires, avec la création de plus de 2 000 espaces France services. Si le programme est une réussite dans la ruralité, les territoires urbains en bénéficient aussi. À Castres, agglomération de 40 000 habitants, la réouverture en sous-préfecture d’une maison France services est particulièrement bienvenue.

Les effectifs des services locaux de l’État ont cessé de décroître et le niveau départemental, celui de la proximité, a été revalorisé. Ces services continueront de renforcer leur présence dans les zones périurbaines et rurales, notamment celles qui connaissent une démographie dynamique.

Le groupe Renaissance votera ces crédits.

M. Stéphane Rambaud (RN). La mission AGTE est dédiée à trois objectifs : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des libertés publiques ; assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République ; mettre en œuvre, localement, les politiques publiques nationales. Elle regroupe les crédits consacrés au fonctionnement des services déconcentrés du ministère, à ses fonctions support ainsi qu’aux subventions et aides publiques dont il assure la gestion. Les crédits s’élèvent à 3,75 milliards d’euros ; 53 % d’entre eux vont au programme 354, 43 % au programme 216 et 4 % au programme 232.

La modernisation de l’action publique, le renforcement de l’efficacité des services déconcentrés, la création de nouveaux emplois dans les préfectures et les sous-préfectures font partie des ambitions affichées du budget.

Je ne demande qu’à croire le PAP, mais je ne peux juger de la pertinence de ces informations. Il faudra m’expliquer comment on entend faire mieux avec moins de crédits, puisque la mission AGTE était dotée de 4 milliards en 2022.

Où en est-on du projet de création d’un site unique du renseignement intérieur ? Les 28 millions destinés à la construction du futur site de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen seront-ils suffisants ? Comment s’articulent-ils avec les 30,5 millions en crédits de paiement (CP) prévus pour ce projet immobilier ? Que deviendront les locaux de Levallois-Perret, qui ont coûté si cher ?

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). En écoutant l’analyse de notre rapporteur, je me disais qu’il n’était question que d’une seule chose : le service public comme patrimoine de ceux qui n’ont rien.

Pour que le service public puisse assurer ses missions, il faut en garantir l’accessibilité physique et matérielle. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’arrêt de la saignée dans les effectifs, mais cela n’est pas suffisant et je crains qu’il ne faille de nombreuses années pour récupérer tout ce qui a été supprimé.

Avec les difficultés de renouvellement des cartes nationales d’identité (CNI), des passeports et des titres de séjour, nous sommes devant un paradoxe : c’est le système lui-même qui crée des situations de non-accès aux droits – un comble ! Les procédures, désormais assurées par les collectivités pour le compte de l’État, se sont allongées, la production est débordée : il faut désormais soixante-cinq jours pour une CNI, parfois cent jours dans certains départements, contre un jour et demi en avril 2021. Les moyens humains manquent, c’est évident.

Pour la continuité du service public, les moyens qui permettent au système de fonctionner – immobilier, numérique, maintenance des matériels, développement des applications – doivent être mobilisés. Cependant, je rejoins le rapporteur pour avis lorsqu’il nous invite à aller au bout de la démarche. La Défenseure des droits l’a noté, la hausse des signalements est due à la poursuite de la dématérialisation ; nous devons donc être très prudents à l’égard des développements qui sont prévus. C’est en tout cas l’avis du Conseil d’État, qui a demandé au Gouvernement de prévoir une solution de substitution non dématérialisée.

Que la sécurité privée se soit développée de façon exponentielle après les attentats de 2015, avec un élargissement du cadre réglementaire en matière de fouilles ou de contrôle, devrait nous interroger. Il convient de rapporter les 183 000 salariés des 12 000 entreprises privées – pour un chiffre d’affaires de 8 milliards – aux 224 000 policiers et gendarmes. On nous explique qu’il faudrait prévoir 20 000 à 25 000 salariés supplémentaires pour la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques. Il y a là matière à réflexion : des missions de service public aussi majeures peuvent-elles être assurées dans ce cadre ?

Pour conclure, une remarque sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) : il est toujours surprenant, pour un élu local qui demande une subvention pour des médiateurs de nuit, de se voir opposer la mise en œuvre d’un réseau de vidéosurveillance.

M. Alexandre Vincendet (LR). Le budget de cette mission ne peut être décorrelé cette année du projet Lopmi, dont l’article 2 prévoit une progression constante des CP et des plafonds des taxes affectées – 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans. Pourtant, nous ignorons quel montant sera affecté à la mission AGTE.

Le programme 354, placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère, concentre plus de la moitié des crédits de la mission. Il permet de financer les 74 000 agents du réseau de l’administration territoriale de l’État. Dans son rapport sur les effectifs de l’administration territoriale pour la période 2010-2020, la Cour des comptes souligne que l’effort demandé chaque année aux services depuis la réorganisation de 2010 a mené à la suppression cumulée de 14 % de l’effectif initial, soit 11 763 ETPT. La baisse est d’une ampleur identique pour le seul périmètre des préfectures ; compte tenu des crises successives auxquelles le pays a été confronté, il est essentiel de consolider l’échelon départemental.

Les efforts de modernisation entrepris en 2018 doivent être poursuivis. Dans le cadre du programme national d’équipement (PNE) des préfectures, près de 100 millions ont été consacrés à l’entretien lourd, au développement durable et à la sécurisation du patrimoine immobilier, tandis que 14 millions permettaient de financer des opérations de sécurisation des installations.

À compter de 2023, les services dont l’activité constitue un enjeu majeur pour le ministère – instruction et délivrance des titres de séjour, lutte contre le séparatisme et la radicalisation, communication et gestion de crise, accueil des usagers – bénéficieront de 210 nouveaux ETP ces trois prochaines années. Si l’on peut se réjouir des moyens humains supplémentaires accordés à la lutte contre le séparatisme et la radicalisation, on peut s’interroger sur la priorité accordée aux délais de traitement des demandes de titres de séjour quand 7 millions de Français se voient imposer une attente interminable pour refaire leur CNI ou leur passeport. Je rappelle que de nombreux Français n’ont pas pu partir en vacances cet été.

Le groupe Les Républicains a toujours prôné une meilleure accessibilité des citoyens aux services déconcentrés de l’État. Nous saluons la création, sur le quinquennat, de 8 500 postes au sein du ministère et la hausse des effectifs de l’administration territoriale, avec la création de quarante-huit postes en 2023 et la réouverture de six sous-préfectures.

Le niveau exceptionnel d’investissement pour le numérique de l’ATE – près de 90 millions entre 2019 et 2022 – a permis de répondre au développement massif du télétravail et de faire converger les infrastructures départementales, métropolitaines et ultramarines pour tirer les conclusions de la nouvelle organisation territoriale de l’État (OTE). Alors que nos concitoyens sont nombreux à accéder difficilement aux services territoriaux de l’État, nous ne pouvons qu’espérer un réarmement de l’État dans ce domaine.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Le groupe Démocrate salue l’effort budgétaire inédit de 500 millions, qui s’inscrit dans le cadre de la future Lopmi. Il se traduira par un renforcement de la présence de l’État dans les territoires, une augmentation des effectifs – 210 ETP sur trois ans, dont 48 dès l’année prochaine – étant prévue pour les préfectures et les sous-préfectures. Celles-ci pourront ainsi assurer les missions que le Gouvernement a désignées comme prioritaires : la lutte contre la radicalisation et le séparatisme, le pilotage des crises, l’accompagnement des étrangers et l’accueil du public.

Nous sommes particulièrement attachés à la décentralisation et à la territorialisation de l’action publique. Or nos concitoyens se heurtent souvent à des délais de délivrance importants et à des obstacles liés à la numérisation des formalités. Il a été décidé de déployer les maisons France services dès 2019 sur l’ensemble du territoire. Dans le Loir-et-Cher, 19 maisons France services ont été labellisées, où les habitants effectuent leurs démarches de proximité et bénéficient d’un accompagnement physique personnalisé. Les retours sont excellents, et le maire de Montrichard Val de Cher me faisait part récemment de sa fierté d’avoir la maison la mieux notée du département. Si le chemin est encore long à parcourir, on peut se réjouir d’apporter une réponse concrète à la fracture territoriale.

Le président de la République a inauguré la semaine dernière la sous-préfecture de Château-Gontier, fermée en 2016 ; d’autres sous-préfectures rouvriront bientôt, et avec elles de nouveaux points d’accueil où les agents pourront instruire plus rapidement les demandes. L’État doit entendre les difficultés et apporter des solutions au plus près des territoires : un plan d’urgence a été mis en place en mai pour réduire les délais de délivrance des CNI, qui sont passés de 55 jours à 38 jours en septembre ; les dispositifs de recueil des empreintes digitales ont été également renforcés. Ne pensez-vous pas, monsieur le rapporteur pour avis, que les maisons France services pourraient avoir leur place dans cette chaîne ?

Nous sommes convaincus que c’est en retissant le lien entre l’État et les citoyens que nous parviendrons à redonner confiance dans l’action publique. Ce budget en nette augmentation participe de cet objectif et est résolument tourné vers les territoires.

Le groupe Démocrate soutiendra cette dynamique.

M. Hervé Saulignac (SOC). Cette mission concerne très directement la présence de l’État sur l’ensemble du territoire, donc sa capacité à mettre à mettre en œuvre les politiques publiques nationales. Les deux dernières années ont été marquées par une nouvelle organisation territoriale, avec un schéma d’emplois qui a mis fin à la suppression des effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures, initiée en 2007 par la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Pourtant, je veux souligner combien la création de 208 ETP sur trois ans paraît bien modeste face aux enjeux. Beaucoup de sous-préfectures sont dormantes et l’accueil du public a vécu. Heureusement, les députés assurent une partie du travail, assistés d’un ou deux collaborateurs ; ils doivent souvent intercéder pour ceux de leurs concitoyens qui ne parviennent pas à entrer en contact avec les services de l’État. Les maisons France services n’ont pas tout réglé, forcément, et il peut paraître ubuesque d’en voir certaines ouvrir au sein même des sous-préfectures. On finit par se demander s’il n’aurait pas mieux valu y laisser des fonctionnaires – cela aurait coûté moins cher !

Les préfectures ont accéléré la dématérialisation durant la pandémie, peut-être parce que leurs services ont alors pu trouver le temps nécessaire : il n’est à présent plus possible de prendre un rendez-vous physique avec les services de l’État – un onglet existe sur la plupart des sites des préfectures mais il n’est pratiquement jamais opérationnel. En Ardèche, on ne peut prendre de rendez-vous que pour les passages en commission médicale pour les permis de conduire.

En conséquence, des dizaines de milliers de personnes n’ont pas accès à leurs droits, notamment les publics étrangers qui, pour demander leur titre de séjour ou leur régularisation, ont besoin, plus que tout autre public, d’un échange physique, d’autant que nombre d’entre eux n’ont pas accès à internet. Les préfectures sont d’ailleurs parfois condamnées par le tribunal administratif, à la suite de référés mesures utiles, pour avoir refusé ces rendez-vous.

Que les documents budgétaires aient porté le délai cible pour le renouvellement des titres de séjour à cinquante jours pour 2023, contre trente jours en 2022, atteste de la difficulté des services à traiter ces renouvellements. Le ministère de l’intérieur a conscience de ces difficultés : en juillet 2021, le ministre s’était engagé à inscrire à la mission en charge des services des étrangers un plan de soutien triennal de 570 ETP. Avec ces nouveaux moyens, un calendrier de réouverture de services est-il prévu ?

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Avec plus de 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement, les crédits alloués au pilotage territorial des politiques du Gouvernement connaissent une évolution substantielle et nécessaire.

Après la suppression cumulée de 14 % de l’effectif des services déconcentrés, soit près de 12 000 ETP, depuis 2010, le budget pour 2023 consolide l’échelon territorial, si important pour les élus et nos concitoyens. Les crédits ainsi débloqués permettront l’instruction et le suivi des dossiers au quotidien dans les sous-préfectures et les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR). Le groupe Horizons salue cette initiative, qui contribuera à renforcer les administrations et à rééquilibrer les territoires.

Nous avons également noté l’augmentation du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, dans lequel figure notamment le Fonds interministériel de prévention de la délinquance. Dans les territoires ruraux, cet outil a donné aux élus la possibilité de déployer la vidéoprotection dans le cadre du contrat d’engagement républicain, tout en luttant contre les dérives sectaires et séparatistes. Le FIPD est doté d’environ 80 millions en 2023, en augmentation de 10 millions.

La réouverture des sous-préfectures est un symbole fort pour les élus et pour nos concitoyens. Elle doit s’accompagner d’un renforcement encore plus net des services existants, pour permettre le fonctionnement courant de l’administration des territoires. La création de 210 ETP sur trois ans dans les services chargés des étrangers y contribue, mais ces postes sont aussi nécessaires en matière d’animation des politiques publiques interministérielles, de contrôle de légalité des actes des communes et pour mieux accompagner le soutien aux aléas climatiques.

La répartition des emplois entre préfectures sera progressivement rééquilibrée en tenant compte de la réalité des territoires. Comment ce rééquilibrage se fera-t-il dans les départements du Nord, de la Corse et de la Manche : combien d’emplois seront concernés ? S’agira-t-il de créations d’emplois nets ?

Le groupe Horizons votera les crédits de cette mission.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). M. le ministre veut faire disparaître les files d’attente devant les préfectures par le biais de la dématérialisation – des personnes qui ont traversé la moitié de la planète pour fuir la guerre, la misère, les persécutions ne font probablement pas assez propre dans nos centres-villes…

On annonce des robots d’accueil, des visioplaintes, un traitement quasi automatisé des demandes d’asile, et ce traitement dématérialisé serait aussi envisagé pour les violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes. Quand on connaît la réalité du travail des personnels dans les préfectures, en dehors des cabinets, on pourrait se réjouir de cette possibilité d’allégement des tâches. Or ce n’est pas tant de cela que l’on a besoin que de personnels supplémentaires. Selon les spécialistes, la dématérialisation, par sa déshumanisation, peut aussi provoquer un recul de la confiance dans les institutions et creuser davantage la rupture entre les Français et celles-ci. Comment traiter des violences intrafamiliales de façon dématérialisée ?

Ce qui se dessine à travers cette simplification, ce n’est pas plus de services publics, c’est moins d’accueil et plus de limitations pour les personnes. Certes, les maisons France services sont censées apporter une aide pour les démarches de proximité. Mais pourquoi mettre les moyens, en personnel et en dotations, dans des créations quand on pourrait renforcer l’existant ?

Depuis des années, pour demander une subvention nationale ou européenne, les paysans doivent remplir des formulaires d’une telle complexité qu’ils en sont réduits à payer les services de l’État pour les accompagner dans cette démarche. Pour les paysans, qui ne touchent que 300 à 500 euros par mois, la dématérialisation c’est 50 à 80 euros par acte, parce qu’ils n’ont pas de temps à y consacrer – avant, ils étaient accompagnés d’un bout à l’autre de la procédure de dépôt de dossier, et ne perdaient ni temps, ni argent. Voilà la réalité que l’on promet à tous les Français et aux personnes qui ont fui l’horreur pour venir chez nous.

L’an dernier, 26 millions d’euros ont été affectés à la dématérialisation, et on nous promet de nouvelles dotations. Peut-être pourrait-on envisager d’autres perspectives ?

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Dois-je me réjouir de cette mise en lumière du manque d’accompagnement de la dématérialisation ? J’ai eu si longtemps l’impression de passer pour une ringarde qui voulait empêcher la numérisation ou la dématérialisation lorsque j’en pointais les dysfonctionnements !

À titre personnel, je m’en satisfais tout à fait, car elle me permet de gérer à distance nombre de tâches et d’alléger ma charge mentale. En tant qu’élue d’une circonscription populaire, en revanche, je vois de plus en plus de personnes dont les problèmes se sont aggravés, qui éprouvent une colère grandissante envers les services publics censés leur apporter des réponses et garantir l’égalité. La dématérialisation est une fracture supplémentaire dans le pays, et la présence des services publics ne se pose pas seulement dans les zones rurales. Dans ma permanence, en zone très urbanisée, je dois traiter de façon récurrente les problèmes liés aux permis de conduire, aux cartes grises, mais aussi aux services des étrangers.

L’État, c’est affolant, a accordé en quelque sorte une délégation de service public gratuite à nombre d’associations et d’élus. On finit par trouver normal que certains actes relevant auparavant des agents en préfecture soient à présent effectués par des associations – d’ailleurs, largement discriminées pour la plupart – ou par des élus qui pourraient avoir d’autres missions à accomplir. À la préfecture test des Hauts-de-Seine, la dématérialisation a été amorcée depuis longtemps. Lorsque la création d’un point d’accueil a été envisagée pour aider les usagers, on m’a dit sans plaisanter qu’il fallait demander un rendez-vous en ligne pour y accéder – au moins ai-je pu obtenir l’installation d’un numéro de téléphone.

Ce n’est là qu’une « aide à cliquer », alors que les usagers les plus vulnérables ont plutôt besoin d’une aide pour constituer les dossiers, comprendre les consignes. Essayez de déposer un dossier dématérialisé au service chargé des étrangers. Je l’ai fait plusieurs fois sans être sûre d’avoir fait les choses correctement ; quant à joindre le service pour s’assurer du bon dépôt du dossier, demander quel est le temps d’attente et, le cas échéant, faire une relance, il n’y a personne pour répondre ! L’enjeu ici est tout autre que la possibilité de régler des petites choses par voie dématérialisée ; c’est la possibilité de rester dans le pays, d’avoir un boulot, d’ouvrir un compte en banque, de scolariser ses enfants.

S’il y a des moyens supplémentaires, nous les prendrons, évidemment, car ils sont nécessaires. Mais on sait qu’un agent d’accueil qui n’accueille plus, ou de plus en plus mal, est exposé aux risques psychosociaux, à la souffrance au travail, et finit par partir. S’ensuit un turnover qui augmente, au point que dans nombre de services de préfectures, les vacataires sont plus nombreux que les titulaires. Et le traitement des dossiers se passe encore plus mal.

La dématérialisation n’accélère donc pas non plus le rythme de traitement des dossiers ; elle a même plutôt tendance à le ralentir et à créer mal-être au travail et incertitudes pour les usagers.

M. Paul Molac (LIOT). La réouverture de six sous-préfectures est certes un symbole, mais ne réglera pas grand-chose : ce n’est pas tant un échelon administratif supplémentaire que nos concitoyens demandent, mais des services publics locaux, proches de préférence, et qui fonctionnent. L’installation des maisons de services au public (MSAP) n’avait pas été simple : les fonctionnaires territoriaux avaient dû se former, des bugs informatiques se produisaient – j’ai eu quelques déboires pour immatriculer un tracteur un peu trop âgé…

La situation, pour les cartes grises, s’est un peu améliorée. Pour les passeports et les CNI, il ne faut pas être pressé. En passant par la voie ordinaire, j’ai obtenu un rendez-vous dans un délai de quatre mois pour renouveler mon passeport ; en faisant jouer la carte de député pour aider des citoyens dont la date de départ se rapproche, on peine tout de même à obtenir des rendez-vous plus rapidement. Quant aux étrangers, la situation est gaguesque : certains titres ne sont pas renouvelés à temps ; à Rennes, deux Marocains ont été envoyés directement à La Cimade par la préfecture, pour être aidés.

Finalement, je suis content des maisons France services, où les fonctionnaires sont bien formés car ils se sont frottés à la réalité. Certes, l’État se décharge sur les collectivités territoriales, mais le service est là – c’est toujours ça de gagné.

Le projet de Lopmi souligne la question des moyens numériques. Le contact de proximité sera-t-il maintenu dans les territoires ruraux ? Pour mon passeport, j’ai obtenu un rendez-vous dans une mairie à 20 kilomètres de mon domicile, mais certains devront en parcourir 50 ou 60.

Je termine avec la propagande électorale, dont je me suis occupé sous le quinquennat Hollande. Je reste attaché à la propagande papier, qui est bien souvent le seul lien direct des citoyens avec leurs futurs élus. La distribution en avait été très perturbée lors des élections régionales et départementales de juin 2021 ; elle s’est améliorée lors de l’élection présidentielle et des élections législatives. Il faudra veiller à ce que les commissions de propagande se tiennent assez tôt pour que l’impression et la distribution se fassent dans la plus grande fluidité. 

M. Rémy Rebeyrotte (RE). La Défenseure des droits s’est montrée moins sévère que le rapporteur, et même plutôt optimiste, vis-à-vis des maisons France services, tout en soulignant la nécessité d’une mission d’évaluation en 2023 ou 2024, après un temps de fonctionnement du dispositif. La satisfaction est plutôt bonne, tant pour l’accueil des jeunes, auxquels la e-administration pose aussi des problèmes, que pour celui des plus âgés. Dans ma circonscription, les maisons France services ont ramené au service des citoyens des administrations qui avaient quitté le territoire.

Je suis d’accord avec le rapporteur, les préfectures, qui sont au cœur de notre vie administrative, doivent revoir et privilégier l’accueil, de la même façon que le font toutes les communes, qui maintiennent quelques heures d’ouverture pour accueillir le public, au moins par téléphone.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Ma sévérité à l’égard des maisons France services est plutôt une exigence : ces structures doivent fonctionner, elles ne peuvent pas décevoir. Or, dans certains endroits, elles ne sont pas correctement déployées – la Défenseure des droits l’a signalé sans que les préfectures qui pilotent ce déploiement en tiennent toujours compte.

Certaines maisons France services sont ouvertes dans des sous-préfectures. Ne serait-il pas plus simple de rouvrir les sous-préfectures ? Même si on peut se faire plaisir avec un label, l’important est d’avoir un accueil, quelqu’un auprès de qui les citoyens peuvent trouver des réponses et un accompagnement. Il ne faudrait pas, toutefois, que le bon démarrage des maisons France services serve de prétexte à certaines administrations pour fermer leurs accueils physiques – un phénomène déjà commencé et signalé par la Défenseure des droits et les agents. Je me dois d’alerter à ce sujet et aussi de mettre un bémol à la réussite des maisons France services : on en ouvre de plus en plus, à la satisfaction du public, et pourtant la Défenseure des droits constate une augmentation de 18 % des saisines.

Le problème perdure donc parce qu’on démultiplie les expériences de dématérialisation dans de nombreux domaines. Cette conduite du changement pourrait servir de cas d’école pour enseigner aux fonctionnaires ce qu’il ne faut pas faire : surtout, ne pas retirer les effectifs des structures avant de constater les gains concrets dans les procédures. Cela figure dans mon rapport et la Cour des comptes l’a également pointé. Ce ne sont pas 240 ETP, que l’on ne retrouve d’ailleurs pas dans le budget pour 2023, qui compenseront les centaines d’effectifs supprimés au sein des préfectures dans les cinq dernières années – depuis 2010, selon la Cour des comptes. Cela repart dans le bon sens, certes, mais trop timidement, et les problèmes persistent.

Le gain est plus appréciable dans les zones rurales, car les structures sont créées ex nihilo, sur l’emprise de chefs-lieux de canton. Mais il bénéficie surtout à l’administration, car le gain de temps résulte non pas de l’accélération des procédures, mais du report de la constitution des dossiers sur l’usager. Quand l’usager n’y arrive pas, parce que ses informations ne rentrent pas dans les cases du logiciel ou que celui-ci ne fonctionne pas toujours comme on l’espérait, on en arrive aux situations ubuesques décrites par M. Molac : les services de l’État le redirigent vers des associations.

Au nom de la majorité, M. Terlier a reconnu que l’on inversait la dynamique de recul des services publics. C’est bien de reconnaître ses erreurs, mais c’est aussi dommage d’avoir alerté en vain, en étant pris, comme l’a dit Elsa Faucillon, pour des ringards. Ces points d’accueil ne peuvent pas être que de l’aide au clic. Selon la Défenseure des droits, certains problèmes des personnes en situation d’illectronisme pourront être résolus dans les maisons France services, mais, pour celles qui n’utilisent pas habituellement d’adresse mail, ils perdureront. C’est pourquoi il faut que le législateur décide de garantir une procédure papier pour toute personne qui en fait la demande. C’est une exigence démocratique, pour rendre effectif l’accès au droit.

Monsieur Rambaud, je ne connais pas les projets immobiliers du ministère s’agissant de l’emprise territoriale de la DGSI. Le programme 216 pilotera de nombreux projets immobiliers et numériques au titre des 15 milliards d’euros de la Lopmi. Or, pour 2023 et les années suivantes, je ne vois pas d’effectifs dédiés à leur gestion. Il faut pourtant des gens pour dépenser 15 milliards, pour suivre les volets informatique et immobilier des projets, vérifier l’avancement des chantiers, traquer les malfaçons. Le schéma d’emplois indiqué dans le PAP pour 2023 est de moins 7 équivalents temps plein – sans même parler du plafond, qui est en baisse.

Élisa Martin a évoqué le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dont la moitié finance des dispositifs de sécurisation ou de vidéosurveillance. Or ceux-ci n’ont pas démontré leur efficacité pour prévenir la délinquance. Plusieurs études, dont une de la gendarmerie, ont même montré le contraire. Il faudrait que ces crédits servent vraiment à la prévention de la délinquance.

En matière de radicalisation, j’ai été quelque peu choqué par les éléments de langage relatifs au contre-discours employés sur le compte Twitter du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à évaluer l’usage des crédits gérés par le FIPD, au regard de la pertinence et des effets.

Monsieur Vincendet, le détail de la ventilation des 15 milliards d’euros a été promis au rapporteur de la Lopmi, M. Boudié, qui s’est engagé à le transmettre aux commissaires aux lois. J’attends, comme tout le monde, ce document, non sans saluer le tour de force du ministre, qui a réussi à obtenir 15 milliards, avant d’expliquer à quoi ils allaient servir !

Madame Jacquier-Laforge, la délivrance des cartes d’identité et passeports s’améliore, mais on partait de loin. Les gains escomptés de la spécialisation et du découpage des procédures n’ont pas été obtenus. Il faut écouter les alertes et arrêter de conduire des réformes en quatrième vitesse, sans agents, sans encadrement, car on finit par externaliser même au sein de ces services. L’Agence nationale des titres sécurisés passe ainsi des marchés publics pour des plateformes téléphoniques : ce sont désormais des salariés au lieu de fonctionnaires du service public qui répondent aux questions des usagers. La précarité et la paupérisation sont en marche !

Monsieur Saulignac, il était important que des référés mesures utiles soient déposés et que les avocats se saisissent de la question. Depuis juillet dernier, on ne peut plus prendre de rendez-vous en ligne à la préfecture de Seine-Saint-Denis, et c’est tant mieux car cela a mis fin au business qui était apparu dans ce domaine. En revanche, pour une démarche simplifiée, il est possible de solliciter le service, qui donne une date.

Il n’est pas vrai que 2021 et 2022 ont marqué la fin des schémas d’emplois négatifs. Ces deux années, le périmètre budgétaire a été modifié : on est passé du programme 333 au programme 354, avec des transferts d’agents des directions départementales interministérielles, ce qui a permis d’afficher une non-diminution de façade. Le rapport de la Cour des comptes indique que, dans l’intervalle, des économies ont bien été réalisées et que, pour l’ensemble de l’administration de l’État, il y avait bien une diminution. C’était d’ailleurs le but des réformes successives et de la mise en place des secrétariats généraux communs, qui n’ont pas fonctionné.

Madame Poussier-Winsback, j’attends, comme vous, des détails sur le rééquilibrage des dotations des préfectures. Le secrétaire général du ministère, que nous avons interrogé lors de l’audition sur la Lopmi, a indiqué avoir pris connaissance du rapport de la Cour des comptes, et qu’il ferait des rééquilibrages à l’occasion des nouvelles arrivées d’effectifs. C’est souhaitable car plusieurs sous-préfectures sont en sous-administration.

Quant au contrôle de légalité, la Cour des comptes a été claire : les engagements pris pour le renforcer n’ont pas été honorés. Il continue donc d’être sous-doté, et des décisions qui ne sont pas examinées par les préfectures vont au contentieux.

Monsieur Molac, la situation de la propagande électorale était « moins pire » lors des élections présidentielle et législatives, mais on ne peut se satisfaire de 10 % à 20 % de non-distribution. Chaque fois, cela éloigne des gens du vote, ce qui a des conséquences directes sur l’abstention.

La promesse de réinternaliser la distribution dans les préfectures n’a pas été tenue, et plus de 40 % de la propagande a continué d’être externalisée pour les élections présidentielle et législatives – on est obligé de croire sur parole les prestataires pour ces chiffres, ce qui n’est guère satisfaisant. L’État n’est jamais mieux servi que par lui-même pour garantir la bonne tenue des élections.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Rambaud, selon les informations communiquées à la Délégation parlementaire au renseignement, le programme immobilier de la DGSI devrait voir le jour à Saint-Ouen à l’horizon 2026 : des crédits de 1,2 milliard d’euros ont été inscrits dans le budget.

Nous en venons à l’examen des amendements sur les trois missions en discussion.

La commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission « Sécurités » (MM. Éric Pauget et Thomas Rudigoz, rapporteurs pour avis).

Article 27 et État B

Amendement II-CL4, II-CL5, II-CL2, II-CL3 et II-CL6 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Le ministre a confirmé des créations nettes d’emplois, mais mieux vaut prévenir que guérir. L’amendement II-CL2 vise à créer 1 000 emplois supplémentaires dans la police nationale et, pour cela, à affecter 64 millions d’euros au programme 176 Police nationale en prélevant un montant équivalent sur le programme 152 Gendarmerie nationale, étant entendu que nous appelons le Gouvernement à lever le gage.

L’amendement II-CL3 présente une disposition miroir en faveur de la gendarmerie : la création de 1 000 emplois supplémentaires par l’affectation de 64 millions au programme 152 Gendarmerie nationale, compensés par un prélèvement d’un montant équivalent sur le programme 176 Police nationale. Là encore, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.

Les derniers amendements tendent à augmenter les crédits affectés à la formation des policiers et des gendarmes et à renforcer les moyens dédiés à la police judiciaire, notamment lorsqu’elle prête son concours à la justice. Nous avons prévu des compensations mais nous préfèrerions que le Gouvernement lève le gage.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Les transferts financiers que vous proposez tendent à contourner l’article 40 de la Constitution, mais seul le Gouvernement est autorisé à lever le gage de ces amendements.

Concernant les effectifs, le Gouvernement s’est engagé à ouvrir 8 500 postes dans la police et la gendarmerie entre 2023 et 2027. Durant le précédent mandat, 10 000 postes avaient déjà été créés. Plus de 1 900 postes le seront dès l’année prochaine dans la police et plus de 900 dans la gendarmerie.

D’autre part, la nouvelle formation initiale des gardiens de la paix a été augmentée et s’étend désormais sur vingt-quatre mois : douze mois en école, contre huit auparavant, qui intègrent six semaines de formation en alternance, puis douze mois de formation d’adaptation au premier emploi dans le service d’affectation. Il est prévu d’attribuer 252 formateurs supplémentaires à la police nationale et 247 à la gendarmerie nationale.

Enfin, il reviendra au projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de prévoir les crédits affectés à la police judiciaire. Rappelons cependant que la formation de tous les nouveaux policiers à la compétence d’officier de police judiciaire et la création des futurs assistants d’enquête prévue par le projet de Lopmi visent précisément à soutenir l’activité de police judiciaire. Pour nous éclairer, Mme Marie Guévenoux et M. Ugo Bernalicis conduisent une mission d’information sur la réforme de la police judiciaire. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice ont saisi l’Inspection générale de l’administration (IGA), l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la justice pour réaliser un audit. Lorsque les conclusions des audits et de la mission seront communiquées au ministre, celui-ci présentera aux syndicats les mesures qu’il compte prendre. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL83 de Mme Élisa Martin. 

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous proposons que la France étende sa flotte de bombardiers d’eau pour pouvoir mettre fin aux incendies plus rapidement et venir en aide à nos voisins.

M. Éric Pauget, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Je partage votre proposition d’augmenter les moyens de la sécurité civile. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL78 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’Office national des forêts (ONF) a perdu près de 2 000 emplois ces dernières années. Cette institution manque de moyens matériels et humains pour remplir ses missions de police de l’environnement. Ses agents réalisent un travail essentiel pour lutter contre les atteintes à l’environnement, protéger les forêts, notamment contre les risques d’incendie, et prévenir le réchauffement climatique.

Alors que l’ONF aurait besoin de 500 équivalents temps plein, elle n’en compte plus que 300. Nous vous proposons d’affecter 20 millions d’euros à la création de ces 200 postes et au financement de leur formation.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Vous proposez de prélever une somme très importante, 20 millions d’euros, du programme Sécurité et éducation routières, pourtant essentiel. Le budget du programme 161 Sécurité civile de la mission Sécurités s’établit à 640,6 millions en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 13 % par rapport à 2022.

D’autre part, le ministre vient d’annoncer la formation de 3 000 gendarmes en 2023 pour assurer la sécurité environnementale. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). C’est vrai, on peut penser qu’il y aurait d’autres manières de gager cette somme. Le Conseil d’État a condamné l’État français à payer deux astreintes de 10 millions d’euros pour ne pas avoir pris des mesures de nature à réduire la pollution de l’air. S’il n’avait pas été condamné, il aurait eu à sa disposition ces 20 millions !

Vous créez 3 000 agents verts. Sur le papier, c’est très beau, mais la réalité est moins reluisante : ces agents sont simplement des référents. Or, nous avons besoin d’agents assermentés, capables d’agir pour protéger nos forêts et nos cours d’eau, pour empêcher les industriels de polluer nos nappes. Pourquoi nous priver des agents de l’ONF qui sont formés et assermentés ? Nous ignorons tout de la formation des agents que vous créez. Finalement, ils vous coûteront plus cher que si vous aviez renforcé les effectifs de l’ONF.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les gendarmes verts joueront un rôle répressif. Contrairement à une idée très répandue, ce n’est pas en réprimant que l’on prévient ! De nombreuses études l’ont montré : aggraver l’échelle des peines ne réduit pas le nombre d’infractions. Les agents de l’ONF menaient des actions de prévention, ne serait-ce qu’en entretenant les domaines, notamment les forêts privées qui représentent la plus grande partie des forêts de notre pays. Un incendie se propage moins vite et est plus facilement maîtrisé dans une forêt bien gérée. Hélas, l’ONF, en tant que coopérateur de l’État, a subi les fameuses coupes budgétaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL79 de M. Antoine Léaument. 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’amendement tend à créer une nouvelle ligne budgétaire pour lutter contre la délinquance économique et financière, la criminalité organisée et le trafic d’armes. Depuis le Livre blanc de la sécurité intérieure de 2020 jusqu’à la LOPMI de cette année, en passant par la réforme de la police judiciaire, on a le sentiment que la politique de sécurité du Gouvernement se résume à augmenter la pression pénale sur les populations les plus précaires et à concentrer son action sur les infractions qui leur sont propres – atteintes aux personnes, délinquance sur la voie publique, troubles à l’ordre public etc. Il ne s’agit pas d’excuser cette délinquance, mais les moyens supplémentaires que vous accordez semblent relever d’une forme de populisme pénal à finalité électorale. Or, sans mesure de prévention, ces dispositions ne seront pas efficaces. Vous ne devez pas donner l’impression de ne vous attaquer qu’à la petite délinquance pendant que la grande délinquance financière serait négligée. La fraude et l’évasion fiscale nous font perdre 80 milliards d’euros chaque année et la fraude aux cotisations patronales, 7 ou 8 milliards. Si nous luttions plus efficacement contre les trafics d’armes, nous subirions peut-être moins de tirs de mortiers et d’attaques à main armée.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Les moyens supplémentaires que nous accordons à la police et à la gendarmerie nous permettront de lutter contre toutes les formes de délinquance, pas seulement la petite délinquance de quartier. Les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale progressent de 1,3 milliard d’euros par rapport à l’année dernière.

La lutte contre la délinquance économique et la criminalité implique une détermination totale, y compris au niveau budgétaire. C’est dans cet objectif que les services de police ont systématisé la saisie d’avoirs criminels au travers de l’activité de la plateforme d’identification des avoirs criminels et de l’office central pour la répression de la grande délinquance financière. Ils ont également renforcé le traitement de l’information criminelle par le déploiement des antennes territoriales du service d’information du renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Vous oubliez le trafic d’armes et la grande délinquance. Votre projet de réforme de la police judiciaire donne le sentiment que vous voulez lutter contre cette délinquance par des enquêtes au long cours. Or, vous lutteriez plus efficacement contre le trafic d’armes ou de drogue en démantelant les réseaux plutôt qu’en contrôlant ceux qui vendent des boulettes de cannabis. Les trafics de drogue et d’armes sont liés à la délinquance financière, puisqu’ils s’appuient sur des réseaux de blanchiment d’argent.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Je vous invite à lire, dans mon rapport, la partie relative à l’Office français antistupéfiants (Ofast), dont il est essentiel de maintenir les budgets. Le travail de proximité est important.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL75 de M. Jordan Guitton. 

M. Jordan Guitton (RN). Il s’agit d’orienter les dépenses vers des missions plus urgentes afin de mieux protéger les Français. La Direction centrale de la police aux frontières est en sous-effectif et il est primordial d’augmenter leur budget, afin qu’ils puissent exercer leur travail dans des conditions plus dignes.

Face à l’ampleur de l’immigration illégale, cet amendement tend à diminuer les moyens liés à la sécurité routière, afin de renforcer ceux de la police nationale pour contrôler les personnes aux frontières et lutter plus efficacement contre l’immigration clandestine.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Les crédits des programmes Gendarmerie nationale et Police nationale connaissent une hausse historique. Surtout, l’action 04 Police des étrangers et sûreté des transports internationaux regroupe plus de 15 000 ETP pour contrôler les flux migratoires, garantir la sûreté des transports et lutter contre l’immigration clandestine. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). C’est en effet une hausse historique, mais je ne crois pas que le service de la police aux frontières était le moins doté. À titre de comparaison, vous prévoyez 5 600 agents pour la police judiciaire. On a compris quelles étaient vos priorités.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL84 de M. Antoine Léaument. 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel tend à vous alerter sur l’absence, dans votre texte, de dispositif susceptible de relever l’enjeu de lutte contre les violences faites aux femmes.

Nous vous proposons de créer un programme pour garantir un meilleur accueil aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats.

Le programme du candidat Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle prévoyait d’allouer 1 milliard d’euros aux associations de lutte contre les féminicides. Il reste beaucoup à faire au niveau de la police, de la justice, des hébergements d’urgence, de l’école. En l’espèce, il s’agit d’éviter aux femmes d’être victimes deux fois: lorsqu’elles subissent les actes incriminés et lorsqu’elles en font part aux services de police. Un tiers seulement des victimes osent porter plainte et 80 % des plaintes sont classées sans suite. Seules 6,6 % des agressions donnent lieu à une plainte qui aboutit. Nous avions également proposé de former les agents pour les sensibiliser au caractère particulier de ces plaintes et s’assurer que les victimes déclarant des violences conjugales se verraient systématiquement communiquer leurs droits.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. À la suite du Grenelle des violences conjugales, nous avons pris des mesures pour améliorer l’accueil réservé aux victimes dans les commissariats. Une formation spécifique est prévue dans les écoles de police et de gendarmerie, ainsi que des modules de formation continue à ceux qui n’auraient pas pu suivre la formation initiale. Environ deux tiers des effectifs sont formés. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’Espagne a mené des expérimentations dont il résulte que les formations en psychologie permettent aux policiers et aux gendarmes de mieux recueillir la parole des victimes. Les agents de police, sur le terrain, sont les premiers à demander à suivre une telle formation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL82 de Mme Élisa Martin. 

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nicolas Sarkozy a supprimé dix écoles de police. L’amendement tend à financer la réouverture d’écoles nationales de police et à porter à deux ans la formation des élèves gardiens de la paix.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Les crédits dévolus à la formation des policiers progressent de 3,5 % en 2023, et je ne crois pas que des écoles de police aient été fermées.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nicolas Sarkozy a bel et bien fermé des écoles de police et certaines n’ont pas été rouvertes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a fallu recruter 10 000 policiers et ramener la durée de la formation à neuf mois.

Vous prévoyez un nouveau recrutement massif sans pour autant ouvrir de nouvelles écoles. Cela fait cinq ans que je dépose des amendements en ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL74 de M. Jordan Guitton 

M. Jordan Guitton (RN). Pour renforcer la lutte contre les feux de forêt, cet amendement tend à transférer des crédits de la sécurité routière à la sécurité civile.

M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL76 de M. Jordan Guitton

M. Romain Baubry (RN). Durant ces vingt dernières années, plus de 1 200 policiers ont mis fin à leurs jours, sans que rien ne puisse enrayer cette vague de suicides. Nous vous proposons de doubler les moyens du programme de mobilisation contre le suicide, afin de financer la construction de structures qui permettraient aux forces de l’ordre de sortir du contexte professionnel, à la suite d’un attentat, d’une fusillade, d’une confrontation à la mort ou de la succession d’interventions difficiles.

L’administration n’a rien prévu pour mettre au vert les fonctionnaires de police qui auraient besoin de prendre du recul hors du commissariat, loin de leur hiérarchie ou des psychologues de l’administration. Le fait de se retrouver dans une structure neutre, face à des professionnels qui ont vécu les mêmes traumatismes, leur permettrait de trouver des oreilles attentives au récit de leur expérience. L’objectif est de prévenir une souffrance causée par une pression quotidienne, avant d’entrer dans une spirale infernale dont il leur sera impossible de ressortir et qui pourrait les conduire à passer à l’acte.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation, mais nous ne pouvons pas doubler le budget du programme de mobilisation contre le suicide, qui s’élève à un million d’euros, sans avoir pris le soin d’évaluer la pertinence de ce dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL81 de M. Antoine Léaument 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous vous proposons d’ouvrir des crédits pour assurer un contrôle externe de la police. Selon un sondage YouGov, 70 % des Français seraient favorables à une réforme de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui la rendrait indépendante du ministère de l’intérieur. Le fait qu’elle dépende du directeur général de la police nationale pose un problème. Selon l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. D’autre part, l’article 15 de ce même texte dispose que la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. L’instance de contrôle doit être indépendante et dépendre du Défenseur des droits.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Il serait préférable de déposer cet amendement au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Remarquons cependant qu’à la lumière des conclusions du rapport de la commission d’enquête de nos anciens collègues Jérôme Lambert et Jean-Michel Fauvergue, présenté l’année dernière, la direction de l’IGPN a été confiée, pour la première fois de son histoire, à une magistrate judiciaire. C’est une première étape. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL80 de Mme Élisa Martin 

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous proposons de financer un audit financier du coût global de la réforme de la police judiciaire, laquelle prévoit de créer des postes de directeurs départementaux de la police nationale et de renforcer la fonction état-major.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait par les travaux que conduisent Mme Marie Guévenoux et M. Ugo Bernalicis, qui se conjuguent à un prochain rapport du Sénat et aux rapports des inspections préalablement demandés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL72 de Mme Elsa Faucillon.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Il s’agit d’attirer l’attention sur les crédits de l’action Sécurité et paix publiques du programme 176.

Le Gouvernement met en avant la poursuite de la trajectoire d’augmentation définie lors de la législature précédente, avec une croissance d’environ 700 millions d’euros. Les effectifs de la police nationale devraient même progresser, avec 1 907 emplois. Mais en fait ce n’est qu’un rattrapage.

Deux écueils persistent. D’une part, le recours massif aux réservistes révèle l’insuffisance de l’effort consenti et l’ampleur des disparités territoriales en matière d’effectifs. D’autre part, on observe une baisse de 16 % des crédits de l’action Sécurité et paix publiques en 2023, soit un montant de 500 millions d’euros. Il y a peut-être une explication rationnelle, mais nous y voyons la confirmation des orientations du projet de Lopmi et de votre refus de faire évoluer les missions de la police nationale pour rétablir le lien de confiance indispensable entre nos concitoyens et les acteurs de la paix publique.

La doctrine actuelle de maintien de l’ordre augmente le risque d’emploi excessif de la force, mais aussi un manque de réactivité des services pour intervenir localement ou prendre en charge des victimes. Cela nous ramène au problème de l’encadrement d’une police débordée, désorientée et mal considérée, qui peine à trouver les moyens de répondre à la demande croissante de sécurité.

Le PLF privilégie la répression au détriment de la prévention, avec une baisse des crédits relatifs à la sécurité publique et à la sécurité routière. Il convient de changer d’orientation.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Le PLF n’affaiblit pas la sécurité publique, puisque les effectifs de celle-ci bénéficient d’une augmentation de près de 260 agents.

Les débats sur les conséquences de la suppression de la police de proximité sont récurrents, et je rappelle que cette suppression a été décidée bien avant la législature précédente.

Le ministre de l’intérieur a donné des consignes aux directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) afin que la réorganisation des services permette d’affecter davantage de policiers sur le terrain. Cette réorganisation n’est pas achevée dans tous les départements et il est encore trop tôt pour en dresser un bilan, mais elle va dans le sens d’une plus grande proximité entre les policiers et les citoyens.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). A-t-on des nouvelles de la police de sécurité du quotidien ?

M. le président Sacha Houlié. Vous poserez la question au ministre de l’intérieur lorsqu’il viendra présenter le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), le 2 novembre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL73 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cet amendement donne l’alerte sur la situation de la police judiciaire (PJ), dont les crédits reculeront l’an prochain de plus de 400 millions d’euros.

C’est une manière d’apporter notre soutien aux membres de la PJ, qui sont vent debout contre le projet de réforme. Il est difficile de ne pas voir les prémices de la mutualisation dans ce projet de budget. Celle-ci se traduira par le rattachement de la quasi-totalité des effectifs de la PJ aux commissariats, qui sont eux-mêmes placés sous l’autorité du préfet, fonctionnaire en lien étroit l’exécutif. Ni la PJ, ni la justice, ni surtout nos concitoyens n’ont à gagner quoi que ce soit dans cette réforme.

Suivant l’avis de M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités non modifiés.

La commission examine ensuite pour avis les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis).

Article 27 et état B

Amendement II-CL90 de Mme Julie Lechanteux.

M. Jordan Guitton (RN). L’amendement propose de ramener les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) à 100 millions d’euros, au lieu des 315 millions d’euros prévus dans le PLF.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. L’ADA répond aux besoins élémentaires de subsistance des demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur dossier, conformément aux dispositions de la directive « accueil » du 26 juin 2013.

Avec cet amendement, vous portez atteinte au caractère effectif du droit d’asile.

Vous souhaitez que les dossiers des demandeurs d’asile soient instruits dans leur pays d’origine. Croyez-vous sérieusement que des personnes persécutées vont tranquillement attendre un rendez-vous à l’ambassade de France ?

S’il s’agit d’immigration régulière, elle est déjà traitée par les ambassades et les consulats, qui délivrent les visas de travail ou d’étude. Quant à l’immigration irrégulière, un budget lui est destiné et il augmente de 31 %. Avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). Il s’agit d’instruire les dossiers de demande d’asile dans tous les autres pays du monde, à l’exception de la France.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL89 de Mme Julie Lechanteux.

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement a le même objet que le précédent : tirer les conséquences en termes d’économies du traitement des demandes d’asile en dehors du territoire national.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Traiter les demandes d’asile exclusivement en dehors du territoire français n’est pas conforme à la Convention de Genève.  Elle interdit aux États de renvoyer des personnes présentes sur leur territoire ou à leurs frontières vers un pays où celles-ci risqueraient d’être persécutées.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’oppose d’ailleurs à une telle mesure. Gillian Triggs, Haute commissaire assistante chargée de la protection internationale, expliquait dans un communiqué en 2021 que l’externalisation des demandes d’asile exploiterait à la fois les vulnérabilités des pays en développement et celles des réfugiés.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL92 de Mme Edwige Diaz.

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement propose de réduire de 5,6 millions d’euros les crédits du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Vous souhaitez diminuer les crédits de l’action Accueil des étrangers primo-arrivants en supprimant ceux qui correspondent au contrat d’intégration républicaine (CIR). J’y suis fermement opposée, car cet outil est au cœur du parcours d’intégration, que nous sommes nombreux à vouloir renforcer.

Mme Elodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis lors du précédent PLF, avait consacré son avis à l’évaluation du CIR. Elle avait démontré qu’il est utile et évolutif.

Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il faut toujours revenir aux origines de la République. L’article 4 de la Constitution de 1793 prévoyait ainsi : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité - Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français. »

La République des origines ne faisait pas le tri des gens en fonction de leur origine. Elle a fondé la France telle qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire une République qui intègre tout le monde et ne regarde qu’une chose : l’adhésion au contrat républicain – qui est résumé par la formule très simple de la devise nationale : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Avec cet amendement, vous trahissez une nouvelle fois les valeurs de la République française. C’est honteux. Nous voterons contre cet amendement et contre tous ceux du même acabit.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL93 de Mme Edwige Diaz.

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement propose de réduire de 100 millions d’euros les crédits de l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants et de 60 millions d’euros ceux de l’action 15 Accompagnement des réfugiés.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. L’adoption de cet amendement porterait une atteinte considérable à l’accueil des étrangers, et en particulier des réfugiés, auquel nous sommes très attachés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL71 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti (LR). Cet amendement, ainsi que les amendements II-CL85 et II-CL86 qui suivent, vise à replacer la politique d’éloignement du territoire français au cœur des priorités nationales.

Le tragique assassinat de Lola, qui bouleverse la nation, montre combien la politique d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) est défaillante. Ce n’est malheureusement pas le premier drame de ce type. Je pense aux deux jeunes femmes qui avait été assassinées par un barbare islamiste à la gare Saint-Charles. Dans cette affaire – qui avait eu des conséquences administratives –, l’assassin aurait dû être placé en centre de rétention à Lyon.

Cela pose la question de l’application des OQTF, dont le taux d’exécution est ridiculement faible. Il était à peine de 6 % en 2021, soit deux fois moins qu’en 2017, pour un total de 100 000 OQTF. Cela signifie que quasiment aucune OQTF n’est exécutée.

Le ministre de l’intérieur a lui-même souligné que le taux d’exécution des OQTF concernant les Algériens était de 0,1 % – avec 21 OQTF exécutées pour 7 000 prononcées. Le ministre a été contredit dimanche par le président de la République algérienne, dans des termes très vifs. Si les taux d’exécution sont tellement dérisoires, c’est d’abord par manque de volonté politique. C’est ensuite en raison de la suppression du délit de séjour illégal, qui permettait le placement en garde à vue. Enfin et surtout, cela résulte d’un manque de places dans les centres de rétention administrative (CRA).

Pour être efficace, il faut replacer les CRA au centre de la politique d’expulsions. L’amendement propose donc d’augmenter de 100 millions d’euros les crédits destinés à ces centres, afin de permettre la création de 600 places supplémentaires. Si le PLF 2023 en prévoit 250, on constate cependant que les crédits de paiement affectés aux CRA baissent par rapport à 2022. On ne peut pas dire, comme le fait le ministre de l’intérieur, que l’éloignement constitue une priorité, tout en réduisant les crédits qui lui sont consacrés.

Les amendements II-CL85 et II-CL86 sont des amendements de repli, qui proposent respectivement une augmentation des crédits de 80 millions d’euros et de 60 millions d’euros.

Si l’on veut tirer les leçons de l’actualité tragique et mettre les actes en conformité avec les discours, il faut privilégier la rétention administrative, seule mesure réellement efficace.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Nous ne nous contentons pas de paroles.

Un effort important est consenti par le PLF pour 2023. La capacité des CRA sera portée de 1 859 à 1 961 places, grâce notamment à la livraison du CRA d’Olivet – 90 places – et à l’extension de celui de Perpignan – 12 places supplémentaires.

À l’horizon 2025, le plan d’ouverture de places en CRA devrait permettre une augmentation de 50 % des capacités de rétention en métropole par rapport à 2017. C’est un effort financier important.

Je ne suis pas d’accord avec la baisse des crédits de l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants que vous proposez. Cette action assure le financement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Lutter contre l’immigration irrégulière au détriment des moyens consacrés à l’intégration des étrangers primo-arrivants n’est pas conforme à nos valeurs.

Avis défavorable.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). La course à l’échalote électorale avec l’extrême-droite est ouverte dans le camp des républicains.

On ne peut pas dire que la rétention est une solution efficace quand seulement 42,5 % des personnes placées en CRA sont éloignées.

La durée d’enfermement a été allongée. En 2003, elle était de 32 jours ; en 2011 on est passé à 45 jours ; en 2018, nous en étions à 90 jours. Visiter un CRA permet de constater que ces centres constituent une perte de temps et de moyens, ce que les services reconnaissent eux-mêmes. M. Ciotti n’a pas utilisé son droit de visite de ces lieux de privation de liberté.

La France a été condamnée à huit reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour sa politique en la matière, qu’il s’agisse de la rétention des enfants ou des conditions de rétention.

L’amendement propose de réduire le budget consacré à l’intégration. Une politique humaniste consisterait à éviter ces stratégies d’enfermement absurdes, qui ont prouvé leur inefficacité tout autant aux États-Unis que dans les autres pays européens. Il vaudrait mieux mettre l’accent sur l’intégration.

Notre groupe votera donc résolument contre ces amendements.

M. Éric Ciotti (LR). La disproportion des crédits traduit la hiérarchie des priorités du Gouvernement : 2,1 milliards d’euros pour la mission Immigration, asile et intégraion, dont 170 millions d’euros pour les missions d’éloignement. On ne peut pas tenir un double discours en permanence et ne pas se donner les moyens de sa politique. On en paie le prix, avec 94 % des OQTF qui ne sont pas exécutées. C’est un scandale républicain. Cela a pour conséquence tragique l’assassinat de Lola et d’autres faits extrêmement graves.

Le seul moyen pour améliorer le taux d’exécution des OQTF, c’est la rétention administrative. Comme vous l’avez souligné, le taux d’éloignement atteint presque 50 % pour les personnes placées en CRA, contre 6 % si l’on se contente d’envoyer une lettre demandant aux intéressés d’avoir la gentillesse de bien vouloir quitter le territoire français. Le caractère incitatif d’un tel courrier est aussi relatif que l’efficacité de la politique du Gouvernement.

Il faut changer de politique et se donner les moyens d’exécuter les décisions prises par l’exécutif – ce qui constitue un devoir, pas une option.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette les amendements II-CL85 et II-CL86 de M. Éric Ciotti.

Amendement II-CL46 de Mme Andrée Taurinya.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Cet amendement porte sur l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). Depuis 2017, les prévisions du Gouvernement concernant l’ADA n’ont cessé d’être volontairement irréalistes, ce qu’a dénoncé la Cour des comptes. La dotation en faveur de l’ADA s’élève à 314,7 millions d’euros de crédits de paiement dans le PLF 2023, soit une diminution de 173,3 millions d’euros par rapport à 2022. Cette évolution est contradictoire avec l’hypothèse retenue par le projet annuel de performance, c’est-à-dire une poursuite de la reprise du flux de demandes d’asile observée en 2022.

Il est indispensable de tenir compte de l’inflation, qui touche tout particulièrement la population la plus vulnérable. La diminution affichée est d’autant plus incompréhensible qu’il faut aussi prendre en charge la protection temporaire des réfugiés ukrainiens et que la fin de la guerre en Ukraine ne semble pas prochaine.

Nous regrettons que l’ADA ne soit toujours pas versée à Mayotte, ce qui est particulièrement inéquitable.

La majoration de l’ADA est très insuffisante pour les personnes qui ne bénéficient pas d’un hébergement. Trouver un logement avec 230 euros par mois relève du miracle.

Il est urgent d’inverser la tendance à la sous-budgétisation afin d’accueillir dignement tous les demandeurs d’asile, plutôt que de continuer à mettre l’accent sur les aspects sécuritaires et l’enfermement.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Le budget en faveur de l’asile et de l’immigration diminue en effet, mais il s’agit d’une diminution vertueuse.

L’ADA est versée aux demandeurs d’asile pendant toute la durée d’instruction de leur dossier, et nous regrettons tous que ces délais soient trop longs. Si la prévision de dépenses baisse, c’est précisément parce que le Gouvernement s’est engagé à réduire de manière conséquente la durée d’instruction des demandes d’asile, notamment en augmentant les moyens affectés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). L’Ofii va également poursuivre le pilotage de l’allocation en intensifiant les contrôles, notamment pour lutter contre les fraudes. L’application plus systématique du règlement Dublin devrait également permettre de maîtriser les dépenses au titre de l’ADA ; le nombre de transferts est en effet en nette progression.

La note d’analyse de l’exécution budgétaire de la Cour des comptes qui porte sur la mission Immigration, asile et intégration pour l’année 2021 montre que, pour la première fois depuis des années, l’exécution a été marquée par une sous-exécution des dépenses au titre de l’ADA, avec 389 millions d’euros consommés sur les 454 millions d’euros prévus.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL47 de M. Andy Kerbrat.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Le projet de budget affiche la création d’un nombre conséquent de places au titre de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA). Cette augmentation doit être relativisée. On constate une grave pénurie des hébergements d’urgence – dénoncée par de nombreuses associations, dont la Cimade –, ce qui condamne de très nombreuses personnes, dont des enfants, à dormir dans la rue. Les associations ou de simples citoyens s’efforcent d’y pallier en offrant des hébergements solidaires. Ils se substituent de fait à la mission de l’État.

En revanche, à travers ce PLF le Gouvernement prévoit de poursuivre son « plan ambitieux d’ouverture de places en centres de rétention administrative » – comme le demande M. Ciotti. Toutes les associations qui interviennent dans les CRA jugent qu’enfermer davantage et plus longtemps ne conduit pas à des éloignements effectifs, car ces placements sont loin d’être faits avec discernement. Faut-il rappeler qu’en mars 2022, et pour la neuvième fois, la CEDH a condamné la France pour traitements inhumains et dégradants concernant l’enfermement des enfants ? Celui-ci a été rendu possible de facto par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Il faut sortir de cette logique d’enfermement pour passer à une logique conforme aux valeurs de l’humanisme et à la devise républicaine. C’est pourquoi cet amendement propose de consacrer 20 millions d’euros supplémentaires à l’hébergement d’urgence.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Vous avez raison de vouloir augmenter l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile.

Cet amendement souligne le rôle central joué par l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (Huda). Une partie de ce dispositif offre des prestations similaires à celles des centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada), et peut être considérée comme de l’hébergement pérenne. Les structures Huda qui offrent un niveau inférieur de prestations – tels que les dispositifs hôteliers – sont plutôt destinées à un accueil transitoire des demandeurs d’asile. Ces structures sont essentielles.

La dotation prévue par le PLF pour 2023 doit permettre d’étendre le parc pour le porter à près de 53 000 places, avec notamment la création de 900 places outre-mer. Il est prévu de pérenniser le montant additionnel de 13 euros par jour et par place spécialisée dans la prise en charge de femmes victimes de violence ou de traite des êtres humains. Enfin, la dotation tient compte d’une revalorisation de la cible de coût journalier, pour prendre en compte la revalorisation salariale des travailleurs sociaux.

J’entends que de fortes tensions existent dans certaines zones, mais le PLF propose déjà un effort significatif en la matière.

Je remercie les associations, tant à l’échelle locale que nationale, et nos concitoyens pour leur aide très précieuse.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL50 de M. Andy Kerbrat.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Avec cet amendement d’appel, notre groupe dénonce les conséquences dramatiques de la dématérialisation des procédures pour l’accès des étrangers au droit. Il propose de créer un nouveau programme afin d’augmenter les effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures.

Il était clairement expliqué dans le projet de budget pour 2022 de la mission Administration générale et territoriale de l’État que « Le programme " administration numérique pour les étrangers en France "(ANEF) a pour objectif la dématérialisation de " bout en bout "des process métier " étranger " : asile, immigration et accès à la nationalité française. » Ce programme a vocation à devenir l’interface unique de dépôt des dossiers des ressortissants étrangers. Il coûtera 141 millions d’euros sur l’ensemble du quinquennat, pour poursuivre la déshumanisation de nos services publics et mettre bon nombre d’étrangers en situation irrégulière – le ministre lui-même l’a reconnu lors de son audition, lorsqu’il a parlé de « créer des sans-papiers ».

Nous ne sommes pas les seuls à souligner le fait que la dématérialisation provoque des situations irrégulières. La Défenseure des droits, le Conseil national des barreaux et des associations comme la Cimade l’ont fait. Lors d’un référé récent, le Conseil d’État a rappelé que l’obligation faite aux étrangers de prendre rendez-vous en préfecture par voie électronique n’était prévue ni par la loi, ni par les décrets pris en application de celle-ci, et que l’administration est tenue de prévoir une alternative à la procédure dématérialisée.

L’amendement propose donc de prélever 20 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sur l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière et de les affecter à un nouveau programme, intitulé Pour un meilleur accueil des personnes étrangères dans les préfectures.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je partage un certain nombre de vos inquiétudes et de vos constats en ce qui concerne la dématérialisation, et plus précisément l’ANEF.

En revanche, je vous trouve tout de même assez sévère lorsque vous estimez dans l’exposé sommaire que l’ANEF aurait été créée uniquement pour faire des économies. Ce n’est vraiment pas le cas et je souhaite pour ma part qu’on lui laisse une chance. Les premiers résultats constatés s’agissant des titres étudiant et des passeports talent montrent une véritable réussite. Attendons donc que soient réglés les dysfonctionnements techniques, même si tout ne pourra pas être réglé par la dématérialisation des procédures.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL87 de Mme Julie Lechanteux.

M. Jordan Guitton (RN). L’amendement propose d’augmenter les moyens de l’État pour faire face à l’immigration irrégulière, au lieu de les consacrer à l’accueil des étrangers.

J’ai entendu qu’on utilisait l’expression « politique humaniste ». Pour nous, une politique humaniste consiste à s’occuper des neuf millions de pauvres en France.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je m’oppose à cet amendement qui retire 20 millions d’euros destinés aux étrangers primo-arrivants.

Vous le motivez en faisant état de l’augmentation de l’insécurité. Je ne souscris ni à vos analyses, ni à l’objectif de cet amendement – et j’aurais même plutôt tendance à penser l’inverse. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le RN est-il au courant du fait que les crédits pour l’intégration des étrangers primo-arrivants concernent l’immigration légale ?

Vous dites en permanence que vous défendez les territoires ruraux. Mais savez-vous que dans de nombreux hôpitaux de ces mêmes territoires, ce sont des médecins étrangers qui exercent ? Si on ne les avait pas, on serait bien dans la mouise.

Vous stigmatisez systématiquement les gens en fonction de leur origine. Que l’immigration soit légale ou illégale, vous n’en avez à peu près rien à faire. La seule chose qui compte pour vous, c’est de savoir si les gens sont français ou étrangers.

Le rayonnement de la France s’explique aussi par sa capacité à intégrer.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II-CL88 de Mme Julie Lechanteux.

Amendement II-CL7 de Mme Marietta Karamanli.

M. Hervé Saulignac (SOC). Cet amendement propose la création de 1 000 places supplémentaires dans les centres provisoires d’hébergement des réfugiés, afin de répondre aux besoins constatés. Pour cela, il ajoute 10 millions d’euros au programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, en prélevant cette somme sur le programme 303 Immigration et asile.

L’amendement II-CL8, qui vient ensuite en discussion, propose quant à lui de renforcer le budget consacré aux actions d’accompagnement des réfugiés, en augmentant le programme 104 du même montant de 10 millions d’euros.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Le budget alloué au programme 104 progresse déjà de 24 %, précisément pour créer 1 000 places en centres d’hébergement provisoire. Je comprends votre souhait de doubler cette augmentation, mais cela s’effectue au détriment des actions de lutte contre l’immigration irrégulière, auxquelles nous sommes également attachés.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II-CL8 de Mme Marietta Karamanli.

Amendement II-CL49 de M. Andy Kerbrat.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Devons-nous préférer le contrôle de la régularité du séjour ou le sauvetage des vies humaines ?

La politique menée jusqu’à présent par la France, soutenue par le nouveau pacte européen sur les migrations et l’asile présenté en 2020, s’inscrit dans une logique répressive et sécuritaire. Ce choix de l’endiguement et des expulsions se fait au détriment d’un accueil qui garantirait la dignité et les droits fondamentaux. Cette approche accroît les risques sur les routes migratoires et rend inévitable le recours à des passeurs, ce qui fait de nous les complices de leur action.

C’est pourquoi le HCR appelle les États à ne renvoyer vers la Libye aucune des personnes sauvées en mer, mais bien à les débarquer en lieu sûr et à leur accorder une protection internationale – en particulier aux mineurs non accompagnés, ainsi qu’aux personnes qui ont survécu à la traite, aux violences fondées sur le genre, à la torture ou au naufrage.

Pourtant, seulement 16 % des personnes interceptées ou sauvées en mer près de la Libye – le plus souvent par des ONG – ont été débarquées dans un lieu sûr. En 2021, 3 230 personnes sont décédées ou ont disparu en mer. Parmi celles qui ont été sauvées, le nombre des renvois en Libye dépasse celui des accueils en Europe – alors que ce pays connaît une guerre civile et que des groupes armés y pratiquent l’esclavage. Cela ne peut plus durer.

L’amendement propose de transférer 4 millions d’euros depuis l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière vers un nouveau programme, intitulé Sauvetage des naufragés. Il financerait des moyens maritimes affrétés par l’État français, afin de porter secours aux navires et embarcations de fortune en détresse. Cela constituerait un formidable appui aux actions humanitaires qui sont déjà menées par des associations, car la somme prévue représente le double du budget de SOS Méditerranée.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. On ne peut pas être insensible à un tel amendement et je partage votre préoccupation.

Depuis 2015, 21 000 personnes ont péri ou ont disparu en Méditerranée ou dans l’Atlantique, en tentant de gagner l’Eldorado européen.

Je rappelle néanmoins que l’Union européenne est très active en la matière : sur la même période, environ 541 600 vies ont été sauvées en Méditerranée grâce à trois opérations conduites par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).

L’action déterminée menée à l’échelle européenne sera beaucoup plus efficace.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL91 de Mme Julie Lechanteux.

M. Jordan Guitton (RN). Adopter cet amendement permettrait d’éviter les drames et les noyades en Méditerranée. Une politique comme celle dite « No Way » menée par l’Australie – que nous souhaitons – revient à lutter contre l’immigration irrégulière et contre les passeurs qui s’engraissent sur le dos de pauvres personnes.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je ne comprends pas bien la logique de l’amendement, qui encore une fois prélève des crédits destinés à l’accès à la nationalité. Avis défavorable.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). À la suite de la crise du covid, la nationalité française a été accordée à bon nombre de personnes qui étaient en première ligne – des infirmières, des aides-soignantes ou des caissières.

Cet amendement est un drame absolu, qui n’a aucun rapport avec les tragédies qui ont lieu en Méditerranée, et votre objectif est de pénaliser encore plus les travailleurs immigrés, qui contribuent pourtant à la vie de ce pays.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL16 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cet amendement propose d’ouvrir les cours de français langue étrangère (FLE) à tous les étrangers en situation régulière qui le souhaitent. Actuellement, ces cours sont exclusivement destinés aux étrangers primo-arrivants qui participent au parcours du contrat d’intégration républicain (CIR).

On constate que de nombreuses autres personnes souhaiteraient en bénéficier. Comme elles ne sont plus primo-arrivants, ce n’est pas possible. C’est tout de même ridicule.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. C’est un bel amendement.

Nous sommes tous très attachés à l’apprentissage et à la maîtrise du français. L’accent a été mis sur les primo-arrivants à travers le CIR, ce qui fonctionne plutôt bien. Mais beaucoup d’autres personnes pourraient bénéficier des cours de FLE. Avis favorable.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). La connaissance de la langue française est l’une des conditions d’intégration exigées par l’administration, notamment dans le cadre d’un parcours de régularisation. Si l’État formule cette injonction, il doit aussi proposer des moyens de s’y conformer.

Cette difficulté concernait il y a quelques années les femmes arrivées dans le cadre du regroupement familial et qui ne travaillaient pas. Elles ne pouvaient pas suivre des cours de FLE, et on leur reprochait de ne pas s’intéresser aux questions touchant à la scolarité de leurs enfants. L’ouverture de ces cours de langue leur a permis, par la suite, de communiquer avec les enseignants et de s’intégrer. C’est donc une mesure extrêmement importante pour sortir les gens de la précarité, mais aussi pour la francophonie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL45 de Mme Elsa Faucillon.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Cet amendement vise à régulariser les travailleurs sans papier.

Ils sont plus de 600 000 et participent à la bonne santé de l’économie française, notamment dans les filières du BTP, de l’hôtellerie, des transports et de la livraison.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Vous souhaitez une régularisation massive des personnes qui travaillent de manière illicite. Je ne suis pas sûre que le PLF soit le texte qui convienne pour cela.

On doit d’abord lutter contre les filières d’immigration clandestine, qui s’apparentent parfois à une forme d’esclavage. J’ai consacré une partie substantielle de mon avis à la régularisation des personnes qui travaillent dans des secteurs particulièrement en tension, que j’estime souhaitable. Mais une régularisation massive pourrait avoir des effets contraires à ceux que vous espérez. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration modifiés.

La commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis).

Article 27 et état B

Amendement II-CL103 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. La Cour des comptes a évalué les réductions d’effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures à environ 4 000 agents depuis 2010. Cet amendement propose de leur affecter des effectifs supplémentaires, afin que le nombre d’agents soit suffisant pour assurer l’accueil des usagers.

Les 67 millions d’euros inscrits au profit du programme Administration territoriale de l’État sont financés par une réduction des crédits de l’action 03 Numérique du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. Cela répond à une certaine logique : moins de développement numérique et plus d’agents pour l’accueil physique.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Cet amendement souligne notre attachement à une présence humaine et à un accueil physique dans de bonnes conditions. Une alternative à la dématérialisation doit continuer d’être proposée. C’est nécessaire pour garantir l’accès au droit de tous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL107 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. L’amendement vise à augmenter le nombre d’emplois au sein du programme 216. Le projet LOPMI prévoit en effet des investissements colossaux dans des projets qu’il faudra bien piloter.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). C’est une question d’efficacité : il faut que les projets majeurs, en matière de numérique ou d’immobilier, soient menés à bien, conformément à la volonté politique affichée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL104 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Chers collègues de la majorité, il serait souhaitable, pour mettre en œuvre votre propre politique, que vous votiez cet amendement. J’ai fait mon travail de rapporteur pour avis et constaté que les 200 000 euros promis au Cnaps, en plus des 10 ETP, n’apparaissent pas. Ce ne peut être qu’un oubli, que je vous propose de réparer.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le recours massif aux sociétés de sécurité privée est un problème en soi. Il faut absolument qu’on donne au Cnaps les moyens d’assurer le contrôle des 20 000 ou 25 000 personnes supplémentaires qui seront embauchées à l’occasion de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL17 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Les préfectures doivent mieux accompagner le public confronté à la dématérialisation des procédures, notamment pour les demandes de titre de séjour.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. La majorité s’honorerait de voter cet amendement symbolique – il augmente les crédits du programme de 1 euro – ; elle tirerait ainsi les conséquences de l’avis du Conseil d’État sur la dématérialisation des demandes de titre de séjour.

Je rappelle que c’est à la suite de cet avis que la préfecture de Seine-Saint-Denis a réorganisé l’accueil en ses murs. Il serait souhaitable que les autres préfectures fassent de même, si ce n’est pour rendre l’accès aux droits effectifs, du moins pour éviter d’autres contentieux administratifs.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État non modifiés.

Avant l’article 41

Amendement II-CL110 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je propose de préciser dans la loi que le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) a aussi pour mission de lutter contre les discriminations et les provocations à la haine et que les dispositifs de vidéoprotection n’entrent pas dans son champ. Ainsi, son activité correspondra au nom qui lui a été donné.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous devons lutter contre les discriminations, car la France est un pays républicain qui, normalement, ne fait pas le tri entre les gens. Par ailleurs, notre société est confrontée à des incitations à la haine fondée sur la religion, des députés s’adonnant régulièrement à ce type de provocations. Il faut que l’Assemblée envoie un signal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL106 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je propose qu’un rapport évalue l’activité du FIPD et son pilotage par le CIPDR. Il analyserait notamment les financements dédiés à la vidéoprotection et au contre-discours, ainsi que leurs résultats en matière de réduction de la criminalité et de prévention de la radicalisation. Nous disposons en effet d’éléments qui tendent à montrer que la vidéoprotection est inefficace – hormis en matière de surveillance et de contrôle des populations, une politique que d’autres que nous défendrons. Que des moyens soient dédiés au contre-discours a fait beaucoup réagir, notamment dans la sphère médiatique. Enfin, la déradicalisation a donné lieu à des gabegies financières, des charlatans ayant proposé leurs services pour des sommes importantes.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Indépendamment des crédits qui lui sont consacrés, le FIPD doit être en soi vertueux. Nous demandons à vérifier que les subventions qu’il accorde ont un effet sur la prévention de la délinquance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL105 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je demande un rapport sur les moyens de l’ANTS et sur les conséquences du recours à des services privés pour faciliter la délivrance de certains titres. Cette externalisation engendre des surcoûts parfois cachés, car ils n’apparaissent pas en dépenses de personnels – on a supprimé des postes d’agent – mais en dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, le travail sur ces plateformes téléphoniques est sujet à des risques psychosociaux aggravés.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il serait quand même étonnant que cette demande de rapport soit rejetée par la majorité, nous privant ainsi de moyens de contrôle sur l’effectivité des politiques et l’usage des deniers publics.

M. le président Sacha Houlié. La commission des lois a pour habitude de rejeter ces demandes de rapport car ses membres se voient confier des missions de contrôle – M. Bernalicis est bien placé pour le savoir.

La commission rejette l’amendement.

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La séance est levée à minuit 30.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Julie Lechanteux, M. Didier Lemaire, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot

Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono

Assistaient également à la réunion. - M. Paul Molac, M. Alexandre Vincendet