Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

  Examen de la proposition de loi visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux cas de condamnation pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire (n° 759) (Mme Aurore Bergé, rapporteure)                            2

 Examen de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (n° 758) (M. Bruno Studer, rapporteur)                            18

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive (n° 740 2e rect.) (Mme Naïma Moutchou, rapporteure)                            35

 Informations relatives à la Commission ............... 36

 

 

 

 

 


Mardi  
28 février 2023

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 38

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Sacha Houlié,
Président


  1 

La séance est ouverte à 17 heures 10.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

M. le président Sacha Houlié. L’ordre du jour appelle l’examen de deux propositions de loi. Nous commençons par celle visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux cas de condamnation pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire.

Ce texte sera examiné en séance publique le mardi 7 mars, dans le cadre de la partie de l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée proposée par le groupe Renaissance.

La commission examine la proposition de loi visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux cas de condamnation pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire (n° 759) (Mme Aurore Bergé, rapporteure).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La proposition de loi que j’ai conçue avec le président de la commission des lois, Sacha Houlié, et que je présente devant vous aujourd’hui s’inscrit dans la droite ligne des dispositifs de probité que nous avons votés au début de la précédente législature.

Revenons rapidement sur son cheminement législatif.

En 2017, en cohérence avec le programme du Président de la République, nous avons adopté la loi pour la confiance dans la vie politique, qui visait à renforcer la dignité de la vie publique. Accroître la transparence à l’égard de nos concitoyens, garantir l’exemplarité des élus, renforcer le contrôle du financement de la vie politique : ce sont ces grands objectifs qui ont alors motivé notre action.

L’article premier de cette loi visait ainsi à renforcer l’exigence de probité des élus du point de vue des condamnations pénales. Nous avions alors évoqué plusieurs solutions juridiques.

Notre commission s’était tout d’abord prononcée en faveur d’un dispositif qui exigeait de tous les candidats aux élections un casier judiciaire ne présentant pas de mention de condamnation pour certaines infractions. On parlait improprement de « casier judiciaire vierge », mais en réalité cela ne concernait que certaines infractions qui étaient énumérées dans le texte de loi.

Il existait un réel consensus entre les différents groupes politiques sur ce dispositif du « casier judiciaire », mais des doutes importants sur sa conformité à la Constitution s’étaient fait jour. Ce sont ces risques d’inconstitutionnalité, partagés par la présidente de la commission des lois d’alors, Yaël Braun-Pivet, et par la garde des sceaux de l’époque, Nicole Belloubet, qui ont finalement conduit notre Assemblée à modifier l’article premier en séance publique pour voter, à la place, une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité prononcée par un juge – juge qui conserve cependant la liberté d’y déroger, à la condition de motiver sa décision.

Il y avait donc un débat sur la forme juridique, mais, dans les deux cas, ces dispositifs poursuivaient le même objectif politique : garantir la probité des élus et des personnes candidates à une élection. D’ailleurs, la façon de procéder était finalement assez proche puisque, pour chacun des deux dispositifs, les infractions entraînant l’inéligibilité étaient énumérées.

Or, comme pour toute liste, la question se pose de savoir quelles infractions y faire figurer. C’est sur ce point qu’intervient la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et qui vise à compléter, et non à modifier, l’article que nous avons rédigé en 2017.

En plus des crimes, nous avions alors choisi d’intégrer à cette liste plusieurs délits considérés comme incompatibles avec l’exercice d’un mandat électif, notamment les faux, la fraude électorale, la fraude fiscale aggravée et les manquements aux obligations en matière de financement politique. Nous y avions également ajouté les délits de discrimination, certains actes de violence, les agressions sexuelles et le harcèlement moral ou sexuel.

Au groupe Renaissance, nous estimons que nous avons oublié de prendre en compte des actes qui sont pourtant contraires à l’idéal républicain et qui ne manquent pas de heurter, légitimement, nos concitoyens. Je vous propose donc d’élargir la liste des infractions pour lesquelles la peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoire, en y incluant les violences aggravées ayant entraîné peu ou pas d’incapacité temporaire de travail (ITT), telles que sanctionnées à l’article 222-13 du code pénal.

Cet article prévoit vingt-trois circonstances aggravantes, qui portent manifestement atteinte aux valeurs républicaines que tout élu devrait partager : violences à caractère raciste ou antisémite, violences intrafamiliales, violences conjugales, violences commises contre des personnes vulnérables ou en situation de handicap, violences perpétrées à raison de l’orientation sexuelle…

Ces exemples sont suffisamment parlants pour illustrer la démarche qui nous anime. Notre objectif est de garantir l’exemplarité des élus de la République car la confiance des citoyens dans leurs élus constitue le socle de la démocratie représentative.

Qui peut comprendre qu’une personne condamnée pour des violences racistes, antisémites, homophobes, conjugales ou intrafamiliales puisse briguer ou exercer un mandat électif public ? Qui peut raisonnablement s’opposer ou ne pas prendre position en s’abstenant, alors que les Français attendent fortement cette mesure ?

J’espère qu’en examinant ce texte, nous aurons cet objectif commun à l’esprit. J’espère que nous retrouverons le consensus qui existait en 2017 et que nous adopterons à l’unanimité cette proposition de loi.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sabrina Agresti-Roubache (RE). La vie politique est de façon récurrente secouée par l’apparition d’affaires, qui, fondées ou non, suscitent des réactions dans la société. Celles-ci manifestent l’attachement à des valeurs qu’il convient d’entendre ; ces dernières années, les citoyens ont adressé une profonde demande de transparence et de moralisation de la vie politique.

Cette exigence nous oblige car le mandat public électif confère responsabilité et devoirs pour porter la voix des citoyens ; il nous oblige car, au-delà de la légitimité des suffrages, seule l’exigence d’intégrité politique permettra de renouer avec l’indispensable confiance des citoyens envers leurs représentants.

Sur le plan juridique, le droit positif a bénéficié des avancées introduites par les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, et les lois organique et ordinaire de 2017, soutenues et portées par notre majorité, pour la confiance dans la vie politique.

Cette dernière loi ordinaire a substantiellement étendu le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité, introduite par la loi Sapin 2. Aux termes de la loi du 15 septembre 2017, cette peine est obligatoire pour les condamnations criminelles et pour certaines condamnations délictuelles, limitativement énumérées par la loi, telles que les manquements à la probité, dont la fraude électorale ou la fraude fiscale aggravée, les agressions sexuelles ou encore les discriminations et les violences graves.

Plus récemment, la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a complété cette liste en y intégrant le délit relatif aux violences commises à l’encontre des forces de sécurité intérieure, qu’elles aient entraîné ou non une incapacité temporaire de travail.

Ces lois ont raffermi les fondements de notre contrat social, à savoir le lien de confiance entre les concitoyens et les représentants politiques. Ces textes, dont celui de 2017 qui a été adopté dès le début de la précédente législature, déploient des mesures concrètes pour apporter plus de transparence au monde politique et pour renforcer les exigences en matière de probité et d’exemplarité des élus. Ils proscrivent définitivement certaines pratiques et organisent les conditions de possibilité d’un vrai choc de confiance entre les citoyens et leurs représentants.

En cohérence avec ces différentes avancées législatives pour la confiance et la transparence du monde public et politique, il nous faut aller plus loin car le mandat électif public doit répondre aux plus hautes exigences de probité. Tel est exactement l’objet de la proposition de loi, qui vise à étendre la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux violences aggravées visées par l’article 222-13 du code pénal – violences commises sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable, sur le conjoint, avec une arme, et sur les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’ITT.

L’exigence d’exemplarité que porte ce texte est partagée par bon nombre d’entre vous, au-delà de la majorité présidentielle et sur tous les bancs de l’Assemblée ; en témoignent l’adoption à une très large majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale de la loi de 2017 ainsi que les ajouts, défendus par différents groupes au cours de la navette parlementaire, visant à étendre la peine complémentaire obligatoire aux violences contre les personnes.

Parce qu’elle guide le sens de l’action publique et qu’elle retisse cette confiance indispensable avec les citoyens, le groupe Renaissance votera en faveur de la proposition de loi.

Mme Pascale Bordes (RN). Nous sommes une majorité à comprendre l’esprit de cette proposition de loi, mais nous sommes aussi nombreux à nous interroger sur la méthode choisie. Plus largement, je m’inquiète d’un dévoiement de la production législative au service de l’instantané et de l’émotion, si juste et légitime soit-elle. En effet, c’est bien la présence dans l’hémicycle d’un député de l’une des oppositions, condamné pour violences conjugales, qui a motivé cette proposition de loi. Nous ne devons jamais céder à la dictature de l’émotion !

À l’instar d’une majorité de nos concitoyens, je condamne avec les plus grandes fermeté et énergie ces actes, d’autant qu’ils sont relativisés et minimisés par une partie d’une formation politique qui stigmatise à tout-va et qui pratique la cancel culture comme une arme de terrorisme intellectuel. Au-delà de ce constat, j’éprouve le très désagréable sentiment que nous débattons d’une loi de nature principalement politique, légèrement mâtinée d’opportunisme, dans une acception peu noble du terme. Cet opportunisme que d’aucuns se font une spécialité de reprocher en permanence à d’autres formations politiques que la leur.

Il y a déjà eu des parlementaires condamnés pour avoir violenté d’autres parlementaires, et cela n’a jamais donné lieu à une réaction législative. Il nous faut aller de l’avant et combattre haut et fort les violences conjugales et celles faites aux personnes en état de vulnérabilité, véritable cancer de notre société. Il faut dissuader les conjoints violents par des peines d’emprisonnement lourdes et fermes, mais la question de l’inéligibilité doit rester une sanction complémentaire à la peine principale, à la seule discrétion du juge et sans que le pouvoir législatif ne l’y contraigne. Il n’est par ailleurs pas déraisonnable de penser que c’est aux électeurs de se prononcer sur ce qu’ils attendent humainement et moralement de la représentation nationale. C’est aussi cela la démocratie représentative.

Les violences faites aux femmes sont un sujet trop grave pour que l’on en fasse un objet bassement politicien et à géométrie variable. Les intégrismes religieux, au premier rang desquels figurent l’islamisme et ses atteintes massives et répétées à la liberté et à l’intégrité des femmes, ne déchaînent pas la même passion ni la même inflation législative. Pourtant, près de 125 000 femmes ont été victimes de mutilations génitales et près de 8 % des femmes de Seine‑Saint‑Denis auraient subi une excision : là encore, force est de constater que la réponse législative est muette. Il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures.

C’est la raison pour laquelle, le groupe Rassemblement national n’est convaincu, à ce moment de la discussion, ni de la pertinence de la proposition de loi, ni des motivations de la majorité présidentielle. L’enjeu me paraît trop vaste et important pour donner dans l’effet de manche avec une proposition opportuniste et cosmétique. Les femmes et les personnes vulnérables méritent mieux que cela. Voilà pourquoi, en l’état actuel du texte, notre groupe s’abstiendra.

M. le président Sacha Houlié. Le juge sera libre de prononcer ou d’écarter la peine complémentaire d’inéligibilité, même s’il devra motiver son refus de l’appliquer.

Il s’agit d’une évaluation de la loi : j’avais formulé une remarque sur l’application du dispositif de la loi de 2017 après la condamnation judiciaire de l’un de nos collègues. Le travail d’évaluation législative donne lieu, ou non, à des propositions de loi visant à compléter le droit existant.

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi séparatisme, comprend des dispositifs importants sur le traitement réservé aux femmes par les intégristes, notamment islamistes, qui ont déjà connu de nombreuses applications. De même, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie comporte des mesures de lutte contre les excisions ainsi que des dispositions visant à faciliter le regroupement familial ou la protection des victimes d’excision.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à étendre la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune ITT. Parmi la longue liste des violences concernées figurent celles commises sur le conjoint. Ses auteurs prétendent vouloir renforcer les exigences de probité inhérentes aux fonctions d’élus et auxquelles ils restent pleinement attachés. De manière plus explicite, le président de notre commission, deuxième signataire du texte, avait, lors de l’annonce de son dépôt en janvier dernier, expliqué ceci : « On a tiré les conséquences d’un vide juridique qu’on avait constaté lors de la condamnation d’Adrien Quatennens par la justice. »

Cette proposition de loi s’inscrit donc dans la dynamique « un fait d’actualité, une loi », mais pas n’importe quel fait d’actualité puisqu’il s’agit d’une affaire judiciaire concernant un opposant politique appartenant à la principale force d’opposition et d’alternative à la macronie. Nous avons affaire à une grossière et dangereuse instrumentalisation de la justice et des violences faites aux femmes à des fins bassement politiciennes. Peut-on prétendre de manière crédible être attaché aux exigences de probité, d’exemplarité et de dignité des élus quand on fait partie d’un groupe politique et qu’on soutient un exécutif, qui ont à leur actif, en cinq ans, onze condamnations, dont deux pour violences conjugales avec refus de lever l’immunité parlementaire pour l’un et de retirer l’investiture aux élections législatives pour l’autre, huit mises en examen, dont le secrétaire général de l’Élysée et l’actuel garde des sceaux accusés de prise illégale d’intérêts, et douze enquêtes en cours, dont celle qui vise l’actuel ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, soupçonné de corruption et de prise illégale d’intérêts, le tout sans oublier que l’un des signataires de ce texte est accusé de viol et de tentative de viol ?

Vous ne pouvez arguer d’aucun magistère moral et vos justifications sont hypocrites. Vous ne faites surtout pas grand cas de la justice car on ne renforce aucune exigence quand on restreint les marges d’appréciation de l’autorité judiciaire. Votre proposition d’étendre la peine d’inéligibilité imposera une nouvelle obligation aux juges, qui devront prononcer une peine ou se justifier de ne pas le faire. L’obligation de motivation alourdira leur charge de travail et le temps consacré à l’explication de la décision. Les compositions de jugement, déjà complètement surchargées, devront rédiger des motivations spéciales dans la quasi-totalité des cas, où la peine d’inéligibilité n’a aucun sens. Votre mesure vise en réalité un nombre d’affaires très minoritaire dans la masse des violences que les tribunaux ont à traiter. Dans la majorité des cas, la peine sera écartée pour les auteurs qui ne sont pas des élus ni des militants politiques, associatifs ou syndicaux car elle ne présentera aucune utilité compte tenu de leur profil. La proposition revient à créer une loi pour une minorité des cas d’espèce et elle porte une atteinte disproportionnée à un droit civique fondamental.

L’inflation pénale, notamment l’aggravation des peines, pèse sur le fonctionnement de la justice, sans qu’elle n’ait le moindre effet en matière de dissuasion ou de prévention de la récidive. Si un changement de culture est effectivement nécessaire dans la société et dans l’institution judiciaire pour mieux appréhender les violences faites aux femmes, il doit passer en priorité par un ralentissement de la cadence pénale pour mieux enquêter et analyser les situations particulières des personnes en cause ; il faut également permettre aux victimes de faire valoir leurs droits dans les meilleures conditions. L’urgence est à la mise en place d’un plan clair de prévention, de formation, d’aide aux associations et d’investissements financiers massifs dans les services publics comme celui de la justice. Ainsi, tous les professionnels concernés devraient recevoir une formation spécifique et obligatoire en matière de violences sexistes et sexuelles. Il y a également lieu de créer un pôle judiciaire spécialisé dans les violences intrafamiliales dans chaque cour d’appel, de favoriser la désistance des hommes violents qui devraient suivre des stages de responsabilisation, et de renforcer les effectifs du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip). De tout cela, il n’est nulle part question dans votre texte.

Vous avez par ailleurs écarté tous les amendements que nous avons déposés, alors qu’ils ne portaient que sur des demandes de rapport.

Nous refusons l’escalade répressive qui constitue la seule réponse que vous apportez à tout propos, sans jamais vous attaquer aux causes structurelles des problèmes ni mettre les moyens financiers pour y remédier.

M. le président Sacha Houlié. J’ai en effet pratiqué, comme pour chaque proposition de loi, un examen de recevabilité des amendements.

M. Ian Boucard (LR). Nous pouvons toutes et tous reconnaître qu’il n’est pas souhaitable que quelqu’un soit élu lorsqu’il a été condamné pour des violences commises sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable, sur son conjoint, avec une arme et pour toutes les violences aggravées ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’ITT.

Il convient néanmoins de revenir sur la forme : ce texte est un coup de communication de la majorité consécutif à la condamnation de l’un de nos collègues, Adrien Quatennens – son nom a déjà été cité, je me permets donc de le faire à mon tour. Est-ce souhaitable de légiférer après un fait ayant déclenché une polémique il y a quelques semaines ? Je suis d’accord avec les propos tenus tout à l’heure : notre collègue doit être battu dans les urnes et c’est aux citoyens d’en juger. La majorité parlementaire n’a pas à élaborer un texte de loi opportuniste, d’autant qu’elle a compté dans ses rangs, lors de la législature précédente, un député accusé de faits extrêmement graves ; or, à cette époque, aucun texte de loi n’avait été déposé.

Dans le cas qui vous a poussé à rédiger cette proposition de loi, le juge aurait déjà pu prononcer l’inéligibilité de notre collègue s’il l’avait souhaité. Est-il nécessaire de voter une loi rappelant au juge ce qu’il peut faire ? Cela participerait de l’inflation législative, qui n’est pas positive pour notre démocratie. Il serait sans doute plus populaire et mieux vu médiatiquement de dire qu’il est essentiel d’empêcher ce collègue de revenir à l’Assemblée et de se représenter à une élection, mais le juge aurait déjà pu le déclarer inéligible : il faut expliquer cela aux Français car tout ne peut pas être de la communication. Si les citoyens de sa circonscription ne veulent plus de lui comme député, ils n’ont qu’à le faire battre à la prochaine élection.

M. le président Sacha Houlié. La loi pénale n’étant pas rétroactive, cette proposition de loi ne s’appliquera pas au collègue dont vous parlez. Il s’agit bien d’une mesure pour l’avenir, élaborée dans le cadre de l’évaluation de la loi, comme je l’ai précisé précédemment.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Le dispositif suggéré vise à compléter la loi de 2017, qui traduisait le vaste débat de l’époque sur la probité et l’exemplarité des élus et qui avait fait l’objet d’un très large consensus politique. La moralisation de la vie publique était un thème important des campagnes électorales de cette année-là. L’opinion publique attendait du Parlement nouvellement élu qu’il prenne des initiatives pour assurer cette moralisation.

Les exigences de l’opinion visaient non seulement l’exercice honnête par les élus du mandat confié par le peuple, mais également l’exemplarité de comportement dans certaines situations particulièrement sensibles, comme les violences au sein du couple et de la famille. C’est ainsi que la peine d’inéligibilité obligatoire en est venue à s’appliquer à des comportements relevant de la conduite personnelle de l’élu. À cet égard, la proposition de loi se situe bien dans la continuité du texte voté en 2017, même si elle n’apporte pas de changement important au droit positif – les variations sur son titre ne peuvent d’ailleurs que renforcer cette impression. Elle complète une liste de délits, déjà très longue, et elle se borne à rendre obligatoire ce qui était facultatif pour les infractions prévues à l’article 222-13 du code pénal. On pourrait s’interroger sur la logique poursuivie, alors que d’autres infractions, dont l’actualité nous fournit hélas de nombreux exemples, auraient pu être retenues.

Nous devons nous interroger collectivement sur les prolongements possibles de la sanction d’inéligibilité, au-delà des domaines auxquels elle s’applique maintenant. Il ne faudrait pas que, sous prétexte d’adapter le champ d’application de l’inéligibilité aux attentes de l’opinion publique, nous nous rapprochions du mandat révocatoire, soutenu par certains partis politiques ; j’y suis personnellement opposé au nom du respect de la démocratie représentative. Je me reconnais dans la prudence affichée par ma collègue du groupe Démocrate, Laurence Vichnievsky, lorsqu’elle évoquait la difficulté de choisir entre telle ou telle infraction devant donner lieu à une peine d’inéligibilité.

Il n’y a évidemment pas de débat sur la condamnation des violences intrafamiliales. On comprend le sentiment de révolte et d’impuissance éprouvé par les victimes, qui méritent mieux qu’une législation au coup par coup. Le caractère obligatoire de la peine d’inéligibilité n’aura pas une influence déterminante sur la réponse pénale car le juge se prononcera toujours en fonction des circonstances de l’espèce.

Dans ces conditions, je ne peux qu’émettre, au nom de mon groupe, les plus grandes réserves sur le texte tel qu’il a été déposé. Comme en 2017, il appelle à un plus vaste débat, en vue de dégager une réponse utile au grave problème posé.

M. Hervé Saulignac (SOC). Je veux d’abord redire notre détermination à lutter contre toutes les formes de violence et à renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus. Le chemin à parcourir est encore long, et nous apporterons avec responsabilité notre pierre à l’édifice. Le combat contre les violences sexuelles et sexistes figure pour nous au rang de priorité ; ces violences ne sauraient souffrir de la moindre forme de tolérance, quel que soit le statut de celui ou de celle qui en est l’auteur. Le groupe Socialistes et apparentés estime que des mesures nouvelles doivent être prises pour prévenir ces violences, mieux accompagner les victimes et sanctionner plus efficacement les coupables. Quelles que soient les critiques que nous pourrons formuler sur cette proposition de loi, aucune d’entre elles ne doit servir de prétexte à remettre en cause cette détermination sincère et solide.

Pour la clarté de nos convictions, je tiens à préciser que le statut d’élu n’emporte aucun privilège, aucun passe-droit, aucune mansuétude. Les violences de toutes natures sont à combattre, à proscrire et à sanctionner, quel que soit le statut de leurs auteurs ; s’il s’agit d’un élu, sa légitimité à exercer ses fonctions peut être remise en cause.

Sur ce sujet, vous aviez, madame la rapporteure, une belle occasion de rassembler la représentation nationale autour d’un combat fédérateur ; votre proposition de loi aurait pu recueillir un large assentiment, mais vous avez choisi de faire un coup politique, dans une forme de précipitation qui vous conduit à étendre la peine d’inéligibilité à une liste impressionnante de délits, qui figure à l’article 222-13 du code pénal. Il ne fait aucun doute que si vous aviez ciblé les violences conjugales et intrafamiliales, vous auriez reçu un très large soutien, mais je veux croire que les débats en séance publique parviendront à resserrer le cadre du dispositif à ces seules violences. C’est à l’aune de ces débats en séance que nous arrêterons une position définitive.

Nous ne sommes pas dupes de la manœuvre et le fait qu’elle fleure bon le populisme ne semble pas vous embarrasser. Quelle audace quand on sait qu’il y a quelques jours encore, votre formation politique hésitait à investir dans une élection législative partielle, dans la neuvième circonscription des Français de l’étranger, l’un des vôtres, ancien collègue ayant été condamné en première instance à trois ans de prison, dont un an ferme, et deux ans d’inéligibilité pour violences volontaires sur un responsable du parti socialiste. Nous regrettons par ailleurs de ne pas vous avoir beaucoup entendus lorsqu’un ancien collègue député de l’Ain a été jugé coupable de harcèlement sexuel sur sa collaboratrice parlementaire ou lorsqu’un ancien collègue député de Gironde a fait l’objet de nombreuses interrogations sur la nécessité ou non de lever son immunité parlementaire que le parquet de Bordeaux réclamait car il souhaitait son placement en garde à vue. Je pourrais aussi revenir sur le cas d’élus locaux qui appartiennent à votre famille politique et qui continuent d’exercer des mandats de maire ou de conseiller régional malgré des condamnations judiciaires pour des faits de violences conjugales – ces exemples posant la question de la poursuite de l’exercice d’un mandat électif par des personnes condamnées pour des violences sexistes ou sexuelles. On peut légitimement regretter que le Gouvernement n’utilise pratiquement pas son droit de révoquer des élus coupables de crimes ou de délits.

Si je dresse cette liste, ni agréable ni exhaustive, c’est pour rappeler que l’on ne peut faire illusion sur un sujet aussi grave et sérieux ; il est impossible de se parer de toutes les vertus et de s’acheter une bonne conscience à moindres frais. Vous auriez pu lancer une initiative pluraliste pour rassembler un large panel de députés dans une réflexion collective et vous auriez pu chercher à réduire la durée des procédures contre ceux qui ne plaident pas coupables et qui utilisent toutes les voies de recours au détriment des victimes ; au lieu de cela, vous étendez presque aveuglément la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité, dans une précipitation qui démontre que la communication politique prime à vos yeux sur le résultat réel que votre proposition de loi ne parviendra malheureusement pas à atteindre.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui vise à rendre obligatoire le prononcé d’une peine complémentaire d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans pour celui ou celle qui se rendrait coupable de violences dites aggravées ayant entraîné une ITT ne dépassant pas huit jours ou aucune ITT.

En l’état du droit, une personne qui se rendrait coupable de telles violences sur son conjoint, sur son enfant, sur une personne exerçant une mission de service public ou sur une personne faible, peut déjà être condamnée à une telle peine complémentaire. Il s’agit d’une faculté donnée au juge, dans le cadre de son appréciation des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur, et ce conformément au principe d’individualisation des peines.

À côté de cette faculté, le code pénal prévoit que, pour les délits et les crimes les plus graves, ou ceux qui traduiraient un manquement à la probité élémentaire, comme le favoritisme, cette peine complémentaire soit obligatoire. Ces dispositions essentielles tendent à encadrer les comportements des élus de la République. C’est un sujet majeur pour notre démocratie et pour la confiance des électeurs dans leurs représentants et leurs institutions. Cette confiance est indispensable au bon fonctionnement du système électoral, qui repose sur la probité, l’impartialité et la déontologie que chaque élu doit respecter. Lorsqu’un élu manque à son devoir, c’est toute la démocratie qui en est fragilisée.

C’est la raison pour laquelle les gouvernements et majorités successifs se sont appliqués à poser des règles en matière de transparence des financements, de prévention et de cessation des conflits d’intérêts, de conditions d’embauche, de nomination des collaborateurs ou d’inéligibilité.

La justice serait donc laxiste et prononcerait si peu cette peine d’inéligibilité que nous devions examiner cette proposition de loi ? De fait, dans les cas visés de violences aggravées, cette nouvelle disposition a pour objectif d’obliger le juge à prononcer cette peine complémentaire, et non plus seulement de lui en offrir la possibilité, comme c’est le cas aujourd’hui.

Si nous souscrivons pleinement à la nécessité de sanctionner plus fermement les personnes qui se rendent coupables de délits portant atteinte aux fondements mêmes de notre démocratie, cette proposition de loi nous interroge toutefois sur plusieurs points.

D’abord, sur sa temporalité : notre groupe estime que notre rôle de députés est de légiférer pour l’avenir et de penser le temps long, sans nous laisser embarquer dans une forme de sur-réactivité de l’instant – un fait divers, une loi !

Ensuite, sur l’échelle des peines : sont aujourd’hui visés par le prononcé d’une peine d’inéligibilité obligatoire les délits les plus graves, comme ceux ayant entraîné une infirmité permanente, ou directement liés à l’exercice d’un mandat, comme le favoritisme, mais n’est-il pas opportun de distinguer le caractère obligatoire du prononcé de cette peine pour les délits les plus graves et de le laisser à l’appréciation du juge pour les autres délits ? Rappelons à cet égard que l’impunité n’est jamais de mise car, dans ce dernier cas, le juge a la faculté d’apprécier l’opportunité de cette peine complémentaire.

Enfin, cette proposition de loi nous interroge sur notre vision de la politique pénale de réinsertion en cas de primo-délinquance. Doit-on vraiment traiter de manière équivalente un primo-délinquant et un récidiviste ? La première condamnation doit se donner comme objectif principal, non seulement de punir, mais de prononcer la peine la plus efficace pour dissuader son auteur de passer à nouveau à l’acte. Lorsque cette peine n’a pas empêché la récidive, l’auteur, pleinement conscient des risques, doit être sanctionné avec la plus grande fermeté. Ne serait-il pas pertinent de prévoir cette forme de peine minimale pour les auteurs de violences aggravées commises en état de récidive légale ?

Comme vous l’avez compris, de nombreuses questions nous rendent, selon la jolie formule de notre collègue, très réservés sur ce texte.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Avec cette proposition de loi, vous ajoutez les violences aggravées à la liste des délits pour lesquels la peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoirement, mais pas automatiquement, prononcée à l’encontre d’un élu lorsqu’il en est l’auteur. Ces violences sont notamment celles exercées sur mineur, sur personne vulnérable ou sur conjoint.

Cette proposition de loi ne vient pas lutter contre le fléau des violences intrafamiliales, n’apportant ni moyens supplémentaires ni actions concrètes en la matière. Elle est le symbole d’une tentative de renouer la confiance des électeurs envers les élus, en affirmant le devoir d’exemplarité de ces derniers. C’est du moins le cas dans l’affichage que vous en faites, car vous n’appliquez ce devoir qu’à la frange de la classe politique que vous appelez « opposition ». Il est, à dire vrai, un peu cocasse que cette proposition émane de vos rangs, mes chers collègues de La République en marche, tant on compte parmi les vôtres d’affaires et de mises en examen : François de Rugy, Richard Ferrand, Muriel Pénicaud, Nicolas Hulot, Éric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Agnès Buzyn, Damien Abad, Olivier Dussopt… j’en omets, car notre temps de parole est limité. Vous protesterez en invoquant la présomption d’innocence ou le fait que les affaires soient classées ou jugées sans suite, mais le président Macron avait placé le début de son mandat sous le signe de la moralisation de la vie publique et, durant sa campagne de 2017, affirmé qu’un ministre mis en examen ne pouvait rester en poste.

Rétablir la confiance dans la vie politique, c’est d’abord tenir ses promesses – et je ne parle pas là des retraites. C’est aussi agir de façon objective et transparente, et non à des fins politiciennes. Si vous aviez vraiment voulu renforcer l’exemplarité des élus, vous auriez certainement agi différemment envers votre ancien collègue Benoît Simian. En effet, il ne s’agit pas ici d’une affaire ou de plaintes classées sans suite, mais de quelqu’un qui a été condamné par la justice pour avoir harcelé sa femme. Or, à l’époque, voilà sept mois seulement, l’idée d’une telle proposition de loi ne vous a pas effleurés.

Je rappelle que M. Simian a été condamné à huit mois de prison avec sursis, assortis d’une interdiction de s’approcher de son épouse ou de son domicile pendant un an, pour avoir harcelé celle-ci. À cette époque, le bureau de l’Assemblée nationale, majoritairement composé de députés du groupe La République en marche, avait refusé la levée de son immunité parlementaire. Pourquoi ce revirement soudain ? Le timing politique est opportun, et nous l’avons bien saisi.

Cette proposition de loi peut être analysée comme un message positif pour les victimes, mais nous ne sommes pas dupes de vos intentions. La question est trop grave pour être instrumentalisée – mais vous l’avez pourtant fait. Le groupe GDR sera donc attentif aux travaux de notre commission et se déterminera à leur issue.

À titre personnel, je précise que je me suis attachée au fond, et uniquement au fond, m’efforçant de faire abstraction tant du timing que de vos intentions. Je voterai donc cette proposition – mais si vous déposez demain une proposition de loi sur la fin de l’opportunisme politique, je la voterai également.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Nous sommes, à l’Assemblée nationale, 37 % à connaître le cas particulier des femmes en politique et vous êtes vous-même, madame la rapporteure, bien placée pour le savoir – vous étiez de fait l’une des rares femmes de droite à avoir témoigné au titre de Me Too, témoignage qui vous a valu d’abord quelques difficultés avant de produire ses effets. Durant la précédente mandature, nous sommes nombreuses à avoir subi, impuissantes, la révélation des cas que vous avec cités : M. Benoît Simian, condamné à huit mois de prison avec sursis pour quarante chefs d’accusation, après avoir harcelé deux femmes, ou M. Trompille, évoqué tout à l’heure sans être nommé, condamné pour harcèlement sexuel envers une collaboratrice – des hommes auxquels leur position a donné du pouvoir sur des personnes qui travaillent pour nous et avec nous au service de la nation. Tous ont échappé tant à l’inéligibilité qu’à des sanctions de la part de l’Assemblée nationale, qui est fort dépourvue en la matière.

La justice, elle aussi, peine à apporter des réponses aux victimes : en 2020, 0,6 % des viols déclarés ont été jugés. Environ 100 000 femmes avaient été violées cette même année : je vous laisse calculer le nombre de celles qui se taisent, qui souffrent et qui ne reçoivent aucune réponse, dans nos murs et au-dehors.

Il est donc temps de réagir. L’exemplarité et la probité sont au cœur de ce que vous nous avez expliqué et du contrat de confiance que nous passons avec la nation. Au fil des affaires, des mises en examen, des non-lieu pour prescription et des condamnations, ce contrat est mis à mal et impose un devoir accru d’exemplarité collective.

Pour agir, nous avons heureusement des exemples de dispositifs efficaces. Ainsi, le Parlement européen a pris depuis 2014 des mesures en faveur de l’exemplarité de l’élu, érigée en valeur centrale, et peut agir à ce titre en ses murs et au-dehors : en 2014, c’était la création du comité consultatif sur le harcèlement moral et sexuel et sur sa prévention ; en 2017, une résolution par laquelle le Parlement assumait sa responsabilité et prévoyait de débattre en séance sur des outils lui permettant de progresser et d’être exemplaire pour toute la société ; rebelote en 2018, puis en 2019. L’Assemblée nationale, en revanche, est, selon la Fondation Jean Jaurès, la seule qui refuse d’avancer, et se distingue par la lenteur de la mise en place d’un dispositif et, à rebours de toutes les autres institutions, par le refus de vouloir assumer une responsabilité propre en matière de sanctions des élus mises en cause. Vous renvoyez une nouvelle charge vers la justice, qui n’a pas les moyens de traiter tous ces cas, et nous refusons d’agir, alors que nous en avons le devoir et que nous devrions assumer nous-mêmes ces obligations.

Votre proposition de loi, c’est l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique qui en parle le mieux, en en tirant un bilan acide : le groupe Renaissance a choisi, avec une loi ad hominem, d’intervenir sur un champ très étroit en matière de violences sexistes et sexuelles commises par des hommes politiques, excluant les 99 % de femmes dont les plaintes n’obtiennent jamais de réponse.

Je suis plutôt optimiste et je crois que nous avons le pouvoir de changer les choses. Je viens d’un parti qui ne s’est jamais caché, qui n’a jamais eu de pudeur et qui a pris des décisions difficiles dans une société qui les refuse et dans un champ politique qui les condamne. Vous avez encore le choix : coconstruire avec nous, selon les mots de votre Première ministre, une véritable loi pour agir, ou continuer dans la voie qui a été dénoncée par toutes les oppositions, en vous en tenant à de la pure communication. Choisissez votre camp, madame Bergé !

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Xavier Breton (LR). J’ai noté les réserves que plusieurs orateurs ont eu le courage d’exprimer. Il ne faut pas trop jouer avec l’actualité, madame la rapporteure, sous peine de discréditer à la fois votre démarche politique et le travail législatif. Nous ne devons pas réagir à des cas particuliers, mais traiter des faits de société pour améliorer la situation.

Votre proposition de loi soulève de nombreuses objections et la prudence s’impose. À cet égard, nous ne mettons pas en cause la justice, dont nous respectons pleinement le travail, mais il ne faut pas ajouter de nouvelles mesures en fonction de l’actualité, au risque d’ajouter aussi des crispations. Votre responsabilité en la matière est d’autant plus grande que vous présidez un groupe parlementaire, majoritaire de surcroît – même si cette majorité est relative. Vous devriez prendre en compte les signaux qui vous ont été envoyés, notamment par votre majorité. De fait, nombre de nos concitoyens s’inquiètent de voir les libertés mises en cause et d’imaginer un pays dans lequel un groupe majoritaire ferait une loi en réponse au comportement d’un député de l’opposition, même si ce comportement est inacceptable et a été jugé. Ce pays, c’est le nôtre. Il faut être très prudents dans la manière dont nous usons de notre démocratie.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Après avoir répondu sur le plan des principes, j’ajouterai des éléments plus personnels en réponse aux interpellations des groupes GDR‑NUPES et Écologiste-NUPES, car je souscris à certaines de ces remarques.

Madame Bordes, vous pouvez trouver toutes les circonlocutions que vous voudrez pour dire que cette proposition de loi n’est pas bonne, mais il n’est pas très raisonnable de justifier votre abstention en invoquant la cancel culture et la lutte contre les mutilations imposées aux femmes. Heureusement, en effet, ces mutilations sexuelles – comme l’excision, que vous avez citée – sont clairement réprimées par notre code pénal et nous n’avons pas besoin de légiférer en la matière.

Je constate que vous avez retiré les amendements de suppression que vous aviez initialement déposés. Vos amendements restants sont assez caractéristiques, toutefois, de votre culture politique. Vous proposez ainsi de retirer la discrimination du champ de la loi. Je crois qu’un consensus se dégagera pour repousser ces amendements, car un élu condamné pour des faits de discrimination et qui s’est ainsi éloigné du champ républicain et des valeurs que, je l’espère, nous partageons ici doit faire l’objet d’une peine d’inéligibilité.

Monsieur Saulignac, on me reproche, d’un côté, d’avoir assigné à la loi un champ trop restreint et, d’un autre côté, on m’objecte que ce champ est trop large et qu’il aurait fallu restreindre ce champ aux violences conjugales. Or, si je l’avais ainsi restreint, on m’aurait évidemment reproché un opportunisme politique qui aurait été clairement établi – mais ce n’est pas le choix que j’ai fait. D’autre part, les violences conjugales répétées sont déjà couvertes par la loi actuelle.

La question était de savoir si nous considérons comme légitime d’élargir le champ actuel de la peine complémentaire d’inéligibilité, certes obligatoire, mais toujours laissée à l’appréciation du juge, à des violences aggravées n’ayant pas entraîné d’ITT de plus de huit jours. L’article auquel nous renvoyons est, de ce point de vue, assez exhaustif, mais il est très difficile d’établir une hiérarchie entre les différentes circonstances aggravantes qu’il prévoit. Pourquoi mon groupe aurait-il déposé une proposition de loi ne visant que les ITT de moins de huit jours, mais ne concernant que certaines formes de violence ? Je ne saurais établir de hiérarchie entre les violences conjugales, intrafamiliales, visant des personnes en situation de handicap ou vulnérables, à caractère homophobe, commises en raison de l’identité de genre, à caractère raciste ou antisémite, qui entrent dans le champ de la proposition de loi et sont assez graves pour être intégralement couvertes. Du reste, si le législateur a condensé l’ensemble de ces infractions à l’article 222–13 du code pénal, c’est précisément pour ne pas établir de hiérarchie entre elles. Le champ large de cette proposition de loi est ainsi une nécessité éthique.

J’entends les réserves qui s’expriment quant au moment choisi pour présenter une telle proposition de loi. C’est une vraie question, qui s’est posée à maintes reprises à l’ensemble des formations politiques. Nous nous sommes évidemment demandé s’il fallait succomber à un fait divers, mais nous ne pouvons pas non plus nous abstraire de la réalité. Nos propositions émanent aussi des retours de nos concitoyens, qui réagissent à nos prises de position publiques et aux actes que nous posons ou ne posons pas, et qui, alertés par des faits, nous demandent d’agir. Nous devons nous positionner, prendre nos responsabilités et nous demander si la singularité et l’importance de ces faits, ou leur écho auprès de nos concitoyens, justifient que nous agissions. La politique n’est pas hors-jeu, car nous sommes des élus politiques. J’assume le fait que nous n’avons pas à nous abstenir de faire de la politique lorsque nous portons des propositions de loi.

Madame Obono, je n’ai pas compris la position de votre groupe et je ne sais pas si vous voterez pour ou contre cette proposition de loi, ou si vous vous abstiendriez, car vous ne l’avez pas dit. Toujours est-il que vous recourez à toutes les circonvolutions possibles parce que le fait déclencheur de cette proposition concerne quelqu’un qui vous est proche. Soyons très clairs : nous devons tous balayer devant notre porte. Les faits que vous avez cités et qui ont eu lieu durant la précédente législature ont fait honte à notre assemblée. Sans nommer les collègues que vous avez cités, je reprends vos propos à mon compte. S’il faut, dans une logique transpartisane, aller plus loin, notamment pour ce qui concerne les règles relatives à l’immunité, ni mon groupe ni moi n’y verrons aucun problème.

Je suis prête à soutenir une proposition de loi émanant de vos rangs et inscrite dans le cadre d’une niche parlementaire écologiste ou communiste – ce que vous n’avez pas encore proposé. L’immunité doit protéger ce qui peut se dire dans l’hémicycle, mais en aucun cas des comportements déviants, qui donneraient l’impression que les élus sont à l’écart de la République et de la justice. Lorsque ces faits sont apparus, je ne siégeais pas au bureau de l’Assemblée nationale – où, du reste, les présidents de groupe n’ont pas le droit de vote. D’autres avaient, à l’époque, le pouvoir d’agir, mais tous les groupes politiques représentés autour de la table du bureau de l’Assemblée nationale, à l’unanimité, ont pas choisi de ne pas lever l’immunité. Clémentine Autain y siégeait pour La France insoumise ; les socialistes et les communistes étaient eux aussi représentés.

S’il faut balayer devant notre porte, nous devons tous le faire. Il s’est produit des faits qui n’ont pas fait honneur au groupe auquel j’ai appartenu ni à notre institution. Après les semaines que nous avons vécues, tout ce qui peut renforcer l’image de notre Assemblée auprès de nos concitoyens est vital pour notre démocratie, notamment sur les questions que nous abordons aujourd’hui.

Madame Regol, les sujets que vous évoquez ne relèvent pas du champ de loi. C’est moi qui ai proposé d’auditionner l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique, qui réalise un travail pertinent et utile. J’ai dit aux représentantes de cet organisme que certaines de leurs propositions, qui ne sont pas d’ordre législatif, méritaient d’être abordées dans le cadre du bureau de l’Assemblée nationale. Ces personnes m’ont dit, par exemple, que des femmes avaient essayé d’alerter la cellule anti-harcèlement sans trouver d’écoute ou de réponse. J’ai immédiatement prévenu la présidente de l’Assemblée nationale, qui a immédiatement saisi cette cellule pour vérifier les faits et s’assurer que chaque femme – ou chaque homme – qui pourrait la saisir reçoive une réponse appropriée. Là aussi, s’il faut, dans un cadre transpartisan, aller plus loin, mon groupe et moi-même y sommes prêts, afin de garantir que les hommes et les femmes travaillant au sein de l’Assemblée nationale qui pourraient demain être victimes de harcèlement se sentent protégés par l’institution.

Je comprends, je le répète, les réserves qui peuvent exister quant à l’opportunité politique qu’il peut y avoir à légiférer, mais vous ne pouvez pas ignorer que le fait qu’un député condamné pour violences conjugales revienne siéger sur nos bancs gêne un grand nombre de nos collègues, non seulement de la majorité, mais aussi de l’opposition et au sein de la NUPES – nous en avons d’ailleurs régulièrement parlé. Nous sommes plusieurs femmes à être sorties ce jour-là, dans un état qui nous a très sincèrement réunies. On ne peut pas ignorer l’existence de ce fait dans le débat public ni qu’il a choqué ou, à tout le moins, interrogé, l’opinion publique.

La loi n’est pas rétroactive en matière pénale et ne s’appliquera donc pas à ce député, qui se présentera ou non aux prochaines élections, et que son parti investira ou non. Pour ma part, comme je l’ai toujours dit, si j’étais présidente de son groupe, je l’aurais déjà exclu, et non pas seulement suspendu. J’ai toujours dit qu’un élu condamné serait, dans la seconde même, exclu de mon groupe. Il existe toutefois des principes dans un État de droit : si nous, parlementaires, commençons à juger avant les juges sur des affaires en cours, il n’y a plus de justice possible. Si nous ne tenons pas cette position au sein de la commission des lois et de l’Assemblée nationale, peu de gens la tiendront à l’extérieur. Ces questions nous placent évidemment – et moi-même en qualité de présidente de groupe – dans des situations délicates, mais je ne change pas d’avis en fonction des personnes ou des partis politiques concernés. Je tiens la même ligne : je ne juge pas avant les juges. Mais lorsque la chose a été jugée et qu’une personne fait l’objet d’une condamnation au titre de l’article 222-13 du code pénal, elle n’a plus sa place dans le groupe que je préside. Les juges doivent aller plus loin et dire que telle personne ne mérite pas de se présenter à nouveau aux suffrages des Français.

Nous avons assisté à un renouvellement de notre assemblée, et c’est tant mieux. Je rappelle toutefois que les élus ne sont pas seuls concernés par cette proposition de loi : elle s’applique à tous nos concitoyens, à qui il faut dire que celles et ceux qui, demain, souhaiteraient être élus doivent avoir un comportement en tout point exemplaire. C’est aussi un signal envoyé aux magistrats, qui nous ont indiqué, durant les auditions auxquelles nous avons procédé, qu’ils avaient déjà le réflexe de prononcer cette peine complémentaire lorsqu’ils ont affaire à des élus ou à des militants politiques. Nous leur suggérerions ainsi d’aller plus loin et de penser que tout citoyen qui se présente devant eux peut demain devenir un élu  : cela peut justifier le prononcé de cette peine.

J’entends donc les réserves qui s’expriment, mais nous ne sommes pas hors du monde politique ni de l’actualité de notre pays. Nous ne sommes pas éloignés des doutes, des inquiétudes et des attentes des Français. S’il ne faut pas faire une loi par fait divers, il n’en reste pas moins que certains faits ne sont pas vraiment « divers » et peuvent interpeller assez fort l’opinion publique pour nous dire d’agir.

La seule question qui se pose pour décider si on vote pour ou contre cette proposition de loi, ou si on s’abstient, est de savoir si on a un avis : si on en a un, on vote, et on ne s’abstient pas ! Nous devons dire clairement si nous voulons que, demain, cette peine complémentaire doive être prononcée à l’encontre de personnes qui, je le répète, ont frappé leur conjoint ou leur enfant, ont frappé pour des raisons racistes ou antisémites, ont frappé des personnes en situation de handicap. Si on considère, au contraire, que cela va trop loin, cela signifie qu’on est contre. C’est la seule question qui nous est posée, et qui nous sera posée lorsque cette proposition de loi fera – peut-être – l’actualité. C’est bien au-delà du fait divers et de la personne qui a donné lieu à cette proposition.

Si nous pouvons tirer de cette affaire un consensus au sein de l’Assemblée nationale et démontrer son entière détermination à agir, peut-être alors cela aura-t-il été positif. Je me tiens à la disposition de tous les groupes qui veulent sincèrement avancer sur cette voie pour continuer à travailler sur cette proposition de loi et, surtout, sur le sujet majeur qu’est la lutte contre toutes les violences.

Avant l’article unique

Amendement CL12 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). En m’extrayant du contexte et de la répulsion que suscite la manœuvre, je me suis seulement demandé si, dans un autre contexte et à un autre moment, j’aurais voté cette loi. Oui, je l’aurais fait et je reste fidèle à mes convictions. J’ai déposé cet amendement car je considère qu’on ne peut traiter de la même manière des personnes agissant pour la première fois ou en récidive : il faut être plus sévère envers les récidivistes – qui, je l’espère, représentent un phénomène très minoritaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je comprends l’objet de cet amendement, dont la rédaction pose toutefois problème. Outre la question légistique que soulève la référence à la récidive, et qui est susceptible d’être corrigée, il pose en effet un problème constitutionnel, car il ne prévoit par pour le juge de possibilité de déroger au seuil que vous proposez pourcette peine complémentaire... Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article unique (art. 131-26-2 du code pénal) : Peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité pour les condamnations en raison de violences aggravées ayant entraîné
une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité

L’amendement rédactionnel CL14 de la rapporteure est adopté.

L’article unique est adopté modifié.

Après l’article unique

L’amendement CL1 de M. Bruno Bilde est retiré.

Amendement CL3 de M. Bruno Bilde.

Mme Pascale Bordes (RN). La proposition de loi constitue, selon les propres mots de Mme la rapporteure, une réponse politique au retour à l’Assemblée nationale d’un député de l’opposition condamné pour violences conjugales. Cependant, le champ de cette proposition de loi ne se limite pas aux violences conjugales, puisqu’elle vise à sanctionner d’une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité les violences aggravées visées par l’article 222-13 du code pénal, c’est-à-dire notamment les violences commises sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable, sur le conjoint ou avec arme, ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’ITT.

Cet amendement tend donc à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport comptabilisant l’ensemble des violences physiques commises par des parlementaires au cours des dix années précédentes, ainsi que les suites judiciaires et politiques apportées.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. Il s’agit d’abord, en effet, quasiment d’un principe au sein de cette commission en cas de demande de rapport, mais c’est aussi – et c’est très important – parce que le champ de la proposition de loi ne se limite pas aux seuls parlementaires : elle vise tous les citoyens qui pourraient être, demain, concernés par la possibilité d’une peine complémentaire d’inéligibilité.

M. Erwan Balanant (Dem). Je note avec intérêt l’honnêteté intellectuelle de ma collègue du groupe GDR-NUPES, et je souscris à ses propos.

Par ailleurs, vos explications, madame la rapporteure, et les autres éléments que vous avez apportés, ont eu raison des réserves que j’avais initialement quant à ce texte qui pouvait sembler de circonstance. Comme vous l’avez bien dit, nous ne légiférons pas seulement pour l’actualité, mais aussi pour la vie – c’est un argument de poids.

De fait, l’inéligibilité concerne non seulement les élus, mais aussi les futurs élus. Il est bon que le juge doive l’appliquer, pour une durée qu’il déterminera, à des personnes qui ne pourront donc, durant cette période, se présenter aux suffrages des électeurs.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Monsieur le président, vous nous avez annoncé, sans vraiment la justifier, l’irrecevabilité de nos amendements, vous contentant de nous expliquer que vous en aviez le droit. C’est révélateur. Mme la rapporteure s’enflamme pour nous convaincre de votre volonté de lutter contre les violences et de montrer l’exemple mais vous repoussez la demande d’un simple rapport pour évaluer le nombre de fonctionnaires qui manquent à l’institution judiciaire alors que l’augmentation du nombre de personnels permettrait d’améliorer l’accueil des victimes et la reconnaissance de leur préjudice. Vous rejetez également la demande d’un rapport sur la création, au sein des juridictions, d’un pôle judiciaire de lutte contre les violences intrafamiliales, le doublement de l’aide juridictionnelle, les plans de formation, les mesures pour favoriser la non-récidive des violences, les moyens d’améliorer le dépôt de plainte, l’application des séances d’éducation et de formation. Ces sujets méritent un vrai débat. Or, depuis cinq ans, vous vous en êtes désintéressé. La majorité des organisations ne cesse de décrier votre bilan en ce domaine.

En l’espèce, vous avez fait un choix politique et politicien, que vous assumez très bien. Personne ne remet en cause votre engagement en la matière. C’est aussi le nôtre, en tant qu’élus ou militantes féministes. Nous refusons cependant que cette cause soit ainsi instrumentalisée. Vous avez vos raisons, nous avons les nôtres, tout aussi légitimes, y compris pour ce qui est de notre conception du mandat et de l’inéligibilité. C’est un vrai débat mais vous avez raté l’occasion de le tenir sérieusement, dans un esprit constructif.

M. le président Sacha Houlié. Les amendements que vous évoquez ont leur place au sein des projets de loi de finances ou dans des textes relatifs à la lutte contre les violences conjugales. Le Conseil constitutionnel n’a jamais remis en cause ma manière d’examiner la recevabilité des amendements, malgré les recours déposés par les députés de La France insoumise. J’espère que vous serez aussi intransigeante à l’égard de M. Coquerel que vous l’êtes envers moi car son interprétation de l’article 40 de la Constitution me laisse dubitatif, tout comme la présidente de l’Assemblée nationale.

La commission rejette l’amendement.

Titre

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL13 de Mme Aurore Bergé.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

Puis, la Commission examine la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (n° 758) (M. Bruno Studer, rapporteur).

M. Bruno Studer, rapporteur. Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre du travail que nous avons engagé en 2018. Après la loi du 19 octobre 2020 qui a encadré le travail des enfants influenceurs et celle du 2 mars 2022 qui a renforcé le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet, je vous présente une proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Lorsque la plupart d’entre nous fréquentions encore les bancs de l’école, le droit à l’image n’était pas un sujet. Aujourd’hui, plus de 300 millions de photographies sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux tandis qu’en 2015, Facebook hébergeait déjà plus de 250 milliards de photographies. En moyenne, avant l’âge de 13 ans, un enfant apparaît sur 1 300 photographies en ligne.

Dans une société de l’image, voire du spectacle, l’enfant occupe une place singulière car il n’exerce pas lui-même son droit à l’image : ce sont ses parents qui expriment son consentement. Cette situation juridique est source de frictions à l’heure des réseaux sociaux, utilisés tant par les enfants que par leurs parents. À l’intersection entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à l’image des enfants apparaît comme le terrain d’un potentiel conflit d’intérêt, aggravé par la monétisation des contenus publiés sur les réseaux sociaux mais aussi par des motivations narcissiques.

Dans la majorité des cas, les intentions des parents sont bonnes pour l’enfant mais sont-ils suffisamment informés et formés pour faire des choix éclairés, dans l’intérêt supérieur de l’enfant ?

La diffusion de photographies de famille sur les réseaux sociaux, qui remplacent nos albums photos d’antan, est communément appelée sharenting, contraction des termes anglais pour « partager » et « parentalité ».

Les chercheurs n’ont pas tardé à dénoncer la fausse impression d’intimité que procurent les réseaux sociaux et l’impossibilité d’en contrôler l’audience. Citons, parmi les risques de détournement les plus graves, l’usurpation d’identité en ligne – selon la banque Barclays, d’ici à 2030, 70 % des faits d’usurpation d’identité à visée bancaire concerneront des enfants du fait de la divulgation de données personnelles sur les réseaux sociaux, qu’il s’agisse de la date de naissance ou du surnom – mais aussi le cyberharcèlement, la géolocalisation, la prostitution de mineurs ou la pédopornographie. Selon une étude récente, 50 % des photographie qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux.

Les photographies d’enfants nus, semi-nus ou en tenue sportive sont les plus concernées mais bien d’autres peuvent être utilisées après avoir été manipulées et décontextualisées. C’est le cas de photographies gênantes initialement publiées par des parents dans le but de se moquer de leurs enfants. Je vous invite ainsi à regarder ce que donne le prank « Nutella caca » qui consiste à faire croire à son enfant que le Nutella qu’il a sur les mains était de la matière fécale. Plus d’un million de personnes ont liké

Les conséquences du partage irréfléchi de photographies sur internet sont durables. Les photographies partagées par les parents peuvent porter atteinte à la réputation en ligne de l’enfant devenu majeur. Pire, nous ne mesurons pas encore l’ampleur des dégâts pour l’avenir : des images qui ne posent pas de souci aujourd’hui pourraient devenir inacceptables demain, sans parler du recours croissant à la reconnaissance faciale.

Enfin, certains usages des réseaux sociaux par les parents pourraient s’apparenter à une forme d’exploitation, assimilable à des violences éducatives ordinaires. Le législateur a déjà réagi en adoptant une loi relative aux enfants influenceurs, dont j’ai été le rapporteur.

Nous devons poursuivre nos efforts.

Sans céder à la panique, nous devons faire prendre conscience aux parents des conséquences de leurs actes. Les associations de soutien à la parentalité numérique, dont je salue la contribution à nos travaux, jouent un rôle de médiateurs tout en sensibilisant les parents à ce sujet. C’est aussi le rôle du portail gouvernemental jeprotegemonenfant.gouv.fr, au-delà des enjeux liés à la pédocriminalité. À cet égard, un espace dédié au droit à l’image y trouverait sa place.

Au-delà de la sensibilisation, le législateur doit tracer des lignes rouges et prendre des mesures contraignantes au cas où les parents choisiraient sciemment d’ignorer les droits de l’enfant. La loi s’adresse également aux mineurs qui, trop souvent, n’ont pas conscience de leurs droits ou pensent que leurs parents disposent d’un droit absolu sur leur image.

La précédente proposition de loi relative aux enfants influenceurs témoigne de la capacité du droit à appréhender de nouvelles situations complexes. Elle a permis de protéger les enfants influenceurs dans le cadre d’une relation de travail en rattachant le cadre juridique appliqué aux enfants influenceurs aux dispositions du code du travail qui régissent les enfants dans le spectacle, les professions ambulantes, l’audiovisuel, la publicité et la mode. Mais elle a aussi encadré les cas où l’image de l’enfant serait commercialement exploitée en dehors de toute relation de travail. Par exemple, un parent publie une vidéo où son fils s’illustre en jouant au football. Elle est remarquée par des millions de personnes et une marque de vêtements propose qu’il porte l’une de ses paires de chaussures dans une prochaine vidéo. Il ne s’agit pas d’une relation de travail car l’enfant n’obéit pas à celui qui filme mais à son entraîneur. Cependant, des situations continuaient à échapper à cette loi, en particulier les pranks et les vlogs familiaux – blogs sur lesquels des familles filment leur vie vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette nouvelle proposition de loi, qui vise à compléter le code civil, permettra de moderniser l’exercice de l’autorité parentale afin de permettre aux parents de relever les nouveaux défis auxquels ils sont confrontés. Elle vise à garantir le droit à l’image des enfants en lui donnant toute sa place dans l’exercice de l’autorité parentale. La question juridique est complexe car, par nature, ce sont les parents qui exercent le droit à l’image pour les enfants en exprimant le consentement du mineur. Ainsi, si le droit protège le mineur contre les atteintes à sa vie privée venant de l’extérieur de sa famille, il n’encadre pas précisément l’intervention des parents dans la vie privée de l’enfant.

Les quatre articles de ce texte énoncent des principes mais prévoient également des règles, des limites et des outils juridiques contraignants pour élargir les moyens mis à la disposition des parents et des pouvoirs publics pour protéger les mineurs.

L’article 1er vise à introduire la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale prévue à l’article 371-1 du code civil afin de souligner l’importance que les parents doivent accorder à cet enjeu, de même qu’ils doivent veiller à la sécurité, à la santé ou à la moralité de leur enfant.

L’article 2 rétablit un article 372-1 dans le code civil pour rappeler que le droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents, dans le respect de sa vie privée. L’enfant doit être associé aux décisions concernant son image selon son âge et son degré de maturité. Cet article nuance le libre arbitre des parents dans l’expression du consentement du mineur en les encourageant à prendre en compte l’avis de l’enfant concerné et en anticipant les conséquences éventuelles, notamment dans le futur, de l’utilisation qu’ils font de l’image de leur enfant. La Défenseure des droits, au travers du travail du Défenseur des enfants, Éric Delemar, a montré son attachement à la prise en considération du consentement de l’enfant.

L’article 3 prévoit de compléter l’article 373-2-6 du code civil par une mesure spécifique d’interdiction de publication à l’encontre du parent qui diffuse publiquement des photos de son enfant contre l’avis de l’autre parent. Ce type de décision ne relève pas des actes usuels qu’un parent peut réaliser sans l’accord de l’autre parent. Cette mesure, qui pourrait être prononcée par le juge aux affaires familiales dans l’intérêt de l’enfant, complèterait des dispositions spécifiques existantes pour permettre au juge de répondre à certaines situations, par exemple l’interdiction de sortie du territoire avec un seul parent sans l’accord de l’autre parent.

Enfin, l’article 4 vise à compléter l’article 377 du code civil qui fixe les conditions dans lesquelles l’autorité parentale peut faire l’objet d’une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l’enfant, de crime d’un parent sur l’autre parent ou d’incapacité à exercer l’autorité parentale. L’article 4 prévoit qu’elle peut avoir lieu lorsque la diffusion de l’image de l’enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale. Le juge pourrait alors confier l’exercice du droit à l’image de l’enfant à un tiers, ce qu’il ne pouvait pas faire jusqu’alors si le critère du désintérêt pour l’enfant n’était pas rempli. Or les vidéos témoignent en général du fait que l’enfant ne souffre pas d’un désintérêt. Dans des cas extrêmes, il pourrait même procéder à une délégation totale. Nous y reviendrons en détail à l’occasion de la discussion des amendements.

Nous sommes nombreux à partager le diagnostic qui fonde cette proposition de loi. J’ai voulu élaborer un dispositif qui préserve l’équilibre entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant, entre l’importance de sensibiliser et la nécessité de tracer des lignes rouges, entre la pédagogie et la répression. J’espère que notre discussion permettra de l’enrichir.

Je conclurai en citant un extrait du roman de Delphine de Vigan, Les Enfants sont rois, paru quelques mois après l’adoption de la loi relative aux influenceurs : « Les fans étaient en manque. Vous croyez que je pouvais dire à ma mère :  Sors de ma chambre avec ton putain de téléphone et tes putains de chéris dont certains se branlent sur ces belles images que tu partages avec le monde entier ? ˮ. Non, c’est clair, un enfant ne parle pas comme ça, ne pense pas à ça. Mais aujourd’hui j’ai 18 ans et je parle comme ça. La moitié des gens que je rencontre croient savoir mieux que moi qui je suis, et si par chance ils m’ont ratée, il leur suffit de quatre clics pour me trouver en culotte ou en tutu, en train de manger des chips sans les mains, à même la table, comme un animal. »

À la tentation de la viralité, nous devons toujours privilégier l’impératif de l’intimité.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Sarah Tanzilli (RE). La généralisation de l’usage du numérique dans nos vies a fait émerger de nouvelles opportunités. Les bénéfices sont réels mais les nouveaux dangers auxquels sont exposés nos concitoyens, notamment les plus fragiles, le sont tout autant et nous devons adapter notre arsenal juridique pour mieux appréhender le rapport des enfants au numérique et l’exercice effectif de leurs droits dans cet environnement.

Le numérique permet de conserver un lien social et familial malgré la distance géographique mais le législateur doit s’intéresser aux menaces qui pèsent sur le droit à la vie privée et à l’image des mineurs dans l’espace numérique, du fait de la surexposition de l’image de l’enfant et de l’usage malveillant qui pourrait en être fait par des tiers. En effet, la moitié des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques auraient initialement été publiées par les parents sur les réseaux sociaux. Enfin, il arrive que les intérêts des titulaires de l’autorité parentale soient contraires aux intérêts fondamentaux de l’enfant. Je pense aux vlogs familiaux dans lesquels l’enfant est filmé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les moments les plus intimes de son quotidien, quand il n’est pas pris à des pièges humiliants mis en scène par ses propres parents.

Déjà mobilisé lors de la précédente législature, notre groupe, à l’initiative de Bruno Studer, a poursuivi la démarche engagée en déposant cette proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. L’objectif est d’abord de sensibiliser les parents aux nouveaux enjeux de la parentalité, en leur rappelant leurs droits mais aussi leurs devoirs vis-à-vis de leurs enfants, notamment celui de protéger conjointement son droit à l’image en associant le mineur progressivement, au regard de son âge et de son degré de maturité. Elle permettra également d’encadrer l’exercice de la parentalité numérique en cas de désaccord entre les deux parents. Dans ce cas, le juge aux affaires familiales pourra interdire à l’un des titulaires de l’autorité parentale de publier tout contenu sans l’accord de l’autre, conformément au principe selon lequel le droit à l’image est non usuel, exercé conjointement par les titulaires de l’autorité parentale.

Enfin, en cas de conflit entre l’intérêt des parents et celui de l’enfant, comme c’est le cas lors de la diffusion d’images très intimes, ou qui portent atteinte à la dignité ou l’intégrité morale de l’enfant, cette proposition de loi ouvre la voie à la délégation forcée, partielle ou totale, à un tiers, de l’autorité parentale, prononcée par le juge aux affaires familiales. Si ce texte vise à responsabiliser avant de punir, c’est que le principe de vie privée des enfants est souvent pris en étau entre des intérêts contraires. Nous devons sensibiliser les parents qui n’en sont pas toujours conscients aux menaces que peut représenter l’espace numérique pour leurs enfants. Nous ne voulons pas priver les parents du droit de publier des photographies de leurs enfants dans un cadre restreint mais les éveiller aux dangers du cyberespace, en prévoyant une gradation des mesures susceptibles d’être prises par le juge en cas d’abus.

Sensibilisation, responsabilisation, gradation des mesures pour protéger les droits de l’enfant, tels sont les objectifs poursuivis par cette proposition de loi que notre groupe votera avec conviction.

Mme Pascale Bordes (RN). Le développement de l’usage du numérique par les enfants ou à leur encontre doit nous inviter à une vigilance particulière car il repousse sans cesse les frontières de la vie privée des enfants. Bien souvent, les parents diffusent des photos, des vidéos, des informations sur leurs enfants sans leur consentement. Un mariage, une fête familiale, un événement sportif ou culturel, la fête de l’école : tout peut devenir un prétexte pour partager la vie de ses enfants. Dans le cyberespace, ces photos, ces vidéos, ces renseignements personnels peuvent être visualisés et repartagés à l’insu des intéressés. Ce phénomène du sharenting n’est pas sans conséquence pour les droits de l’enfants, dont celui à la vie privée, qui doit être protégé par les parents. Cette envie des parents de partager sur les réseaux sociaux des moments de la vie de leurs enfants et l’obligation, pour ces mêmes parents, de protéger la vie privée de leurs enfants, peut générer, à terme, des contentieux entre parents et enfants devenus jeunes majeurs, dont les photos d’enfance et les détails privés de leur vie ont été publiés des années plus tôt sans qu’ils aient pu y consentir.

Titulaires de l’autorité parentale, les parents ont certes le droit de publier des photos ou des vidéos de leur enfant sur les réseaux sociaux mais ils devraient éviter de compromettre son image, son intérêt, sa sécurité et sa vie privée, pour rechercher avant tout son intérêt supérieur. En outre, dès que la capacité de discernement de l’enfant le permet, les parents devraient en priorité solliciter l’avis de leur enfant et être à son écoute. Cette approche favoriserait son sentiment d’autonomie et une estime de lui positive. En ce sens, le rétablissement de l’article 372-1 du code civil qui dispose que les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image selon sa capacité de discernement va dans le bon sens même s’il fait double emploi avec la nouvelle version de l’article 371-1 du même code en vertu duquel l’autorité parentale appartient aux parents qui associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.

Néanmoins, face à la banalisation du phénomène du sharenting et aux dérives de certains parents qui semblent pris d’une frénésie absolue de publication, allant jusqu’à mettre en scène l’enfant, quitte à l’humilier, il semble nécessaire de se répéter pour protéger la vie privée de ces enfants qui se trouvent empêchés de définir leur propre image et leur propre identité. Je ferai la même observation pour l’article 3 de la proposition de loi qui vise à compléter l’article 373-2-6 du code civil relative aux mesures que peut prendre le juge aux affaires familiales en cas de conflit entre les parents dans l’exercice de l’autorité parentale, dont le droit à l’image n’est qu’une composante. C’est donc au juge aux affaires familiales, à qui l’on demande déjà de trancher les différends parentaux sur le choix d’un établissement scolaire, d’une activité extrascolaire, d’une pratique religieuse, d’une intervention chirurgicale aussi courante que l’extraction des dents de sagesse, qu’il reviendra de s’attaquer à la délicate question de la publication ou non de photos d’enfants.

Une hausse des contentieux est à craindre, opposant des parents qui ne s’entendent pas sur le droit à l’image de leur enfant, l’un dans la toute-puissance, publiant à tout va, l’autre ne le voulant pas.

Le texte qui sera finalement adopté ne règlera pas tous les problèmes, il ne rendra pas à certains parents l’intelligence du cœur qui leur manque mais il aura le mérite de rappeler à tous que l’enfant n’est pas un objet mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, comme le droit à l’image.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Je salue tout d’abord le travail engagé antérieurement à cette proposition de loi que, dans l’ensemble, nous soutiendrons. En tant que législateurs, nous avons le devoir de protéger les plus faibles des abus systématiques et des actions malveillantes. Or les réseaux sociaux et l’emprise des plateformes ont profondément transformé nos rapports collectifs à la vie privée, laissant nos enfants sans protection face aux abus. Leur image, leur vie, peuvent être affichées, parfois détournées, sans qu’ils n’aient eu le temps ou la liberté de choisir qui ils voulaient être. Ce problème est préoccupant, d’abord du fait d’une société de plus en plus numérisée. De WhatsApp à LinkedIn, de TikTok à Tinder, nos vies professionnelles, intimes, familiales, passent de plus en plus par des plateformes qui n’ont de virtuelles que le nom tant leur influence sur nos vies est réelle. On parle même d’une économie de l’influence, qui a vu le jour ces dernières décennies, suite à l’avènement des réseaux sociaux. Celle-ci permet de brasser beaucoup d’argent, tout d’abord grâce à ce qui est tendre et touchant. Les enfants, au même titre que les petits chatons, peuvent devenir des sources de revenus parce qu’ils nous offrent un sourire. En moyenne, vous l’avez dit, un enfant apparaît, avant ses 13 ans, sur 1 300 photos publiées sur les comptes de ses proches ou les siens, malgré la limite d’âge d’inscription sur les réseaux sociaux que tout le monde contourne. Cette exposition de la vie réelle n’est pas sans conséquence pour certains enfants dont l’exposition excessive au jugement et à l’appréciation de tiers sur internet dégrade l’image qu’il peut avoir de lui.

Vous mettez en avant le statut particulier des influenceurs dont certaines pratiques, comme le sharenting, font émerger un conflit d’intérêts entre le rôle de garant de l’intégrité et de la vie privée de l’enfant et le gain financier, social ou émotionnel, à tirer de l’exploitation de l’image de l’enfant. L’enfant peut, dès lors, souffrir d’un conflit de loyauté, voire d’une dissonance cognitive entre ses aspirations propres et la volonté de ses parents. Si ce texte représente une avancée, la loi reste terriblement en retard. Depuis plus de vingt ans, des mineurs sont victimes de l’usage de leur image en ligne à des fins malveillantes. Si les plateformes changent, la loi reste. Nous devons donner aux générations actuelles et futures des outils pour se protéger. Les rapports que nous vous demandions allaient dans ce sens, tout comme l’élargissement du texte au domaine du harcèlement. Il est dommage que nous n’ayons pas été entendus à cause de l’application de l’article 45 de la Constitution., surtout pour celui relatif à Pharos (plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements), qui est l’un de nos meilleurs instruments pour prévenir et analyser la situation des mineurs.

J’espère que nous pourrons avancer de manière transpartisane mais je ne veux pas que l’arbre cache la forêt. Votre minorité gouvernementale a des progrès à faire pour que la protection de l’enfance devienne la grande cause de ce dernier quinquennat. La situation sociale et scolaire est de plus en plus préoccupante. Près de 3 millions d’enfants vivent encore sous le seuil de pauvreté en France, en 2022. La Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) a récemment révélé l’ampleur des violences sexuelles sur mineurs et des violences intrafamiliales. N’oublions pas que la moitié du chemin nous restera à parcourir une fois ce texte adopté car le vrai problème demeure celui de la réglementation des plateformes. Le droit communautaire supplante le droit français. Nous devrons, comme l’Allemagne, adopter des lois beaucoup plus contraignantes pour que les plateformes soient obligées de protéger les droits des enfants.

Notre engagement sur ce texte n’est pas un chèque en blanc. Vous devez tous faire mieux. Nous pouvons agir sur la toile mais pas virtuellement dans nos écoles et nos familles.

M. Raphaël Schellenberger (LR). La discussion de la proposition de loi et la communication dont elle fait l’objet peuvent permettre à certains parents, qui sont mus par un bon sentiment lorsqu’ils partagent l’image de leurs enfants avec des proches sur les réseaux sociaux, de prendre conscience de ce qu’ils font et des conséquences que cela emporte. Le chiffre effrayant qui a été cité – 1 300 photographies d’un enfant sont publiées en ligne avant ses 13 ans – doit nous faire toutes et tous réfléchir.

Au-delà de cette sensibilisation, dans notre travail de législateur, nous devons être attentifs à la fois à la réalité de notre société et à ce qu’est le droit. Au cours des dernières décennies, nous avons tous eu le défaut de vouloir légiférer à tout bout de champ pour réagir à des phénomènes de société que le droit existant permettait déjà de traiter, même sans avoir envisagé les technologies actuelles.

L’article 371-1 du code civil est lu par l’officier d’état civil lors du mariage, mais comme il n’est plus nécessaire d’en passer par le mariage pour exercer l’autorité parentale, il faudrait peut-être trouver un autre moyen d’assurer sa publicité auprès des parents. Il dispose : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Voilà qui résume déjà une grande partie de la présente proposition de loi. Restons prudents quand il s’agit de toucher au code civil. Je partage entièrement vos préoccupations, monsieur le rapporteur, ainsi que l’idée qu’il faut une mobilisation de toute la société face à un phénomène très dangereux et qui pourrait l’être encore davantage pour les générations qui viennent ; mais gardons-nous de dispositions superfétatoires qui risquent de produire des effets impensés. Ainsi, qu’est-ce que la vie privée d’un enfant avant ses 13 ans eu égard à l’autorité parentale ?

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). À l’ère de l’ultradigitalisation, les enfants sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, particulièrement sur les réseaux sociaux.

Le phénomène préoccupant du sharenting – le mot est apparu en 2013 dans le Wall Street Journal – tend à se généraliser ces dernières années. Il a été rappelé qu’en moyenne, 1 300 photographies d’un enfant circulent déjà sur internet lorsqu’il atteint l’âge de 13 ans et que 50 % de celles qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont initialement été publiées par les parents sur les réseaux sociaux.

Le respect de la vie privée des enfants s’impose désormais comme une condition de leur sécurité, de leur bien-être et de leur épanouissement. Face à la multiplication des outils numériques et à leur complexité d’utilisation, il est indispensable de renforcer notre arsenal législatif.

Je salue donc la présente initiative, ancrée dans un écosystème législatif destiné à protéger les enfants. Après la loi du 20 janvier 2018, qui a abaissé à 15 ans – contre 16 dans le droit de l’Union européenne – l’âge auquel le mineur peut consentir seul au traitement des données, la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr, qui recense les moyens de régulation à la disposition des parents, a été créée en février 2020. La loi du 19 octobre 2020 vise quant à elle à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Je tiens également à citer la loi du 30 juillet 2020, qui a interdit aux mineurs l’accès aux sites pornographiques, et celle de février 2022 sur le contrôle numérique, qui renforce les obligations des équipements et services permettant l’accès à internet, afin de faciliter le recours des parents aux dispositifs de contrôle parental. Le législateur s’est ainsi assuré de protéger au mieux les mineurs des différents dangers d’internet et des réseaux sociaux. Mais les pratiques évoluent ; il faut donc aller plus loin pour protéger les enfants des conséquences de l’utilisation de leur image sur internet. L’exposition des mineurs sur les réseaux sociaux fait d’ailleurs partie des sujets abordés par Claire Hédon, Défenseure des droits, dans son rapport annuel sur les droits des enfants, publié en novembre 2022.

Il faut néanmoins un dispositif équilibré : si certains mécanismes existants peuvent apparaître insuffisants, il est impératif que les sanctions restent mesurées et proportionnées à la gravité de l’acte. Ainsi, si la diffusion d’images sexualisées ou violentes peut justifier le recours à des mesures d’assistance éducative, voire à des sanctions, la mise en ligne, même récurrente, de photographies d’un enfant dans son quotidien ne saurait être identifiée à une défaillance appelant une sanction répressive.

Il est donc nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant afin que le législateur continue de garantir à l’ensemble des mineurs une protection suffisante sur internet. Mon groupe accompagnera toute démarche tendant à la préservation des intérêts de l’enfant.

Mme Marietta Karamanli (SOC). La proposition de loi est intéressante par son objet –  un sujet de préoccupation bien réel, identifié par les spécialistes et dont les familles, jeunes compris, font aussi l’expérience –, mais elle est décevante. En effet, elle ne vise qu’à préciser certains points de droit déjà acquis au lieu de s’inscrire dans une véritable politique publique destinée à informer familles et jeunes pour une utilisation rationnelle et raisonnable des réseaux. Je pense notamment à l’éducation au droit de disposer de son corps, dont le texte ne parle pas explicitement. De même, le droit à l’image, prolongement non physique du corps, et la protection du corps des enfants pourraient être garantis comme tels.

L’article 1er introduit la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. Sans y être opposée, je constate que le respect dû à la personne inclut nécessairement le respect de ses droits fondamentaux.

L’article 2 précise que le droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. Mais l’article 372 du code civil prévoit déjà que « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».

L’article 3 précise les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur. Mais ce point a déjà été tranché par le juge dans le cas des parents séparés : l’un des parents ne peut diffuser de photographies de l’enfant sur un réseau social ou professionnel sans l’accord de l’autre.

Enfin, l’article 4 étend la délégation de l’autorité parentale aux cas dans lesquels la diffusion de l’image de l’enfant par les parents porte une atteinte grave à sa dignité, mais on peut raisonnablement penser que l’article 377 du code civil traite déjà cette situation.

Nous ne disposons pas de données sur le volume de saisines du juge et de contentieux en cours concernant ce droit déjà garanti.

Parallèlement, plusieurs points restent trop implicites. Tous les mineurs sont considérés de la même façon dans le texte, alors que notre droit distingue selon l’âge des jeunes : dès avant 16 ans, un enfant a le droit de consulter un médecin s’il est capable de discernement ; dès 16 ans, il existe une automatisation de l’accès aux soins par l’assurance maladie et une possibilité de délivrance de carte Vitale. De la rédaction actuelle du code pénal, il est même permis de déduire que les relations sexuelles consenties avec un mineur ou une mineure peuvent ne pas faire l’objet de poursuites entre 13 et 15 ans et après. Dans ce contexte, comment articuler la disposition générale concernant un mineur et les droits reconnus à l’enfant avec l’attribution aux seuls parents de la responsabilité légale ?

Par ailleurs, le texte traite du recours des parents devant le juge en cas de désaccord au sujet des abus par l’un d’eux de l’image de leur enfant, mais, étonnamment, il n’aborde pas la possibilité de recours d’un enfant mineur contre un seul de ses parents. Au demeurant, de nombreux enfants n’ont qu’un parent. La proposition de loi n’évoque pas non plus, dans ce cas, l’hypothèse d’une demande d’intervention extérieure aux parents lorsque ceux-ci veulent diffuser les images sans l’accord de l’enfant. Rappelons que celui-ci a droit à une protection.

Au total, le texte reste de façade : il n’est pas inutile, mais il nous laisse sur notre faim. Je regrette que le droit à la protection du corps ne soit pas envisagé comme une priorité éducative partagée par les parents et par tous les acteurs qui accompagnent l’enfant.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Pour ma part, je n’ai aucun regret, au contraire. Je salue le travail et l’engagement de longue date du rapporteur à propos d’un sujet très actuel, l’un des grands défis pour notre société : la protection de nos enfants à l’ère du numérique et face à ses dangers. On ne mesure pas assez les bouleversements provoqués par l’irruption dans nos vies d’internet et des réseaux sociaux. Mon groupe tient à encourager toutes les initiatives permettant d’en débattre – je pense également à la proposition de loi du président Marcangeli qui sera examinée en séance jeudi et qui vise à instaurer une majorité numérique à 15 ans.

Comme le souligne la Défenseure des droits dans son récent rapport sur la vie privée des enfants, ce qui relève de l’intime, et qui doit être préservé du regard de l’autre, ne saurait être appréhendé sans tenir compte de la révolution numérique que nous vivons. Elle a profondément transformé nos modes de vie et notre façon de communiquer, et nous ne lui avons pas encore trouvé un cadre adapté.

Certes, notre droit a été enrichi pour prendre en compte ces nouveaux canaux d’expression, qu’il s’agisse de traiter le cyberharcèlement, les raids numériques, le droit à l’oubli, le contrôle parental ou le statut des enfants influenceurs. Mais le problème crucial de la diffusion d’images sur internet n’est pas tout à fait réglé. Choisir de diffuser sa propre image est une chose, diffuser celle de ses enfants en est une autre. À cet égard, les chiffres mentionnés dans l’exposé des motifs et déjà rappelés sont proprement ahurissants. Le devoir de protection des enfants s’impose plus que jamais à nous.

Si l’article 9 du code civil consacre le droit à la vie privée de l’enfant comme de l’adulte, la question du respect de la vie privée reste plus floue concernant l’enfant. Nous partageons l’avis du rapporteur : il conviendrait de clarifier et de préciser ce droit, tout comme le rôle protecteur des parents ; c’est à eux, conjointement et dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale, qu’il revient de protéger l’image de l’enfant et de s’assurer du respect de sa vie privée.

L’arsenal juridique proposé tire toutes les conséquences judiciaires de ce principe, particulièrement en cas de conflit entre les deux parents, et il nous semble solide. En effet, s’il y a désaccord entre les parents dans l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur, le juge aux affaires familiales peut être saisi – il en a les compétences et la capacité. En outre, si la diffusion de l’image de l’enfant par ses deux parents porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, l’autorité parentale pourra être déléguée sur ce point, par contrainte, à un tiers de confiance ou à l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Ces dispositions de bon sens méritent d’être définitivement ancrées dans notre arsenal législatif, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant et afin de renforcer l’effectivité de ses droits et de prévenir toute situation pouvant constituer un danger pour lui.

Le groupe Horizons et apparentés sera toujours déterminé à accompagner les évolutions favorables à l’intérêt de l’enfant et à sa protection. Il votera donc pour la proposition de loi.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). En 2022, on comptait en France 53,5 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux, où les Français passaient en moyenne une heure et quarante-six minutes par jour. De tels chiffres témoignent de la place prise dans le quotidien de nos compatriotes par ces réseaux, dont le fonctionnement repose essentiellement sur les contenus postés par les utilisateurs et sur les interactions qu’ils entraînent avec les autres inscrits. Mettre en scène son quotidien en publiant des photos ou des vidéos est devenu une pratique courante.

Vous l’énoncez très bien dans l’exposé des motifs, monsieur le rapporteur : nous vivons dans une société de l’image, où les enfants sont hélas souvent acteurs dans une mise en scène de la vie familiale qu’ils ne choisissent pas, puisque ce sont leurs parents qui sont responsables de leur droit à l’image. La frontière entre public et privé est de plus en plus ténue ; pour certains, les réseaux sociaux sont une vitrine sur leurs vies.

Les utilisateurs et utilisatrices ne mesurent pas toujours à quel point les données qu’ils communiquent peuvent être détournées et manipulées par des personnes mal intentionnées, comme le montre la proportion déjà citée de photos initialement publiées par les parents parmi celles qui s’échangent sur les forums pédopornographiques.

En outre, dans certaines circonstances, les contenus mis en ligne par les parents peuvent être humiliants ou dégradants. Aux termes de l’article 226-1 du code pénal, toute personne ayant diffusé ou publié des images d’une autre sans son consentement encourt une peine d’un an de prison et une amende de 45 000 euros ; l’enfant devenu majeur pourrait attaquer ses parents sur ce fondement.

En responsabilisant davantage les parents, on se prémunirait contre de telles situations.

Nous saluons le travail de M. le rapporteur. Nous approuvons sans réserve l’intégration de la notion de vie privée de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale, ainsi que l’exercice du droit à l’image par les deux parents, sauf désaccord – auquel cas nous pensons qu’il appartient bien à un juge de trancher. Nous partageons également l’objectif de l’article 4, qui ouvre la voie à une délégation forcée de l’autorité parentale lorsque l’intérêt des parents entre en conflit avec celui de l’enfant dans l’exercice de son droit à l’image.

Notre seul bémol serait l’absence d’un volet dédié à la sensibilisation et à l’information des parents. Dans l’un de ses rapports, la Défenseure des droits recommande d’instaurer des modules d’information à l’intention des parents comme des enfants, notamment au sujet des risques du numérique et du droit à l’oubli, car, selon elle, les parents ne savent pas comment obtenir le retrait des images. On voit que les parents méconnaissent l’usage qu’ils font de leur propre image, mais aussi les risques qu’ils font courir à leurs enfants. En les informant mieux, on les responsabiliserait davantage.

Nous soutiendrons toutefois la proposition de loi.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Le sujet de la protection numérique des mineurs mobilise de plus en plus, et c’est heureux. Je pense notamment à la campagne de communication sur la surexposition des enfants aux écrans lancée au début du mois par le ministère délégué chargé de la transition numérique, ainsi qu’aux deux autres propositions de loi dont nous débattrons en séance dans les prochains jours, visant l’une à instaurer une majorité numérique, l’autre à prévenir l’exposition excessive des enfants aux écrans.

Les pratiques numériques des mineurs et les risques auxquels elles les exposent ne doivent toutefois pas occulter une autre dérive : l’exposition des enfants sur les réseaux sociaux du fait de leurs parents. Pour de nombreux parents, partager en ligne des photos ou des vidéos de leurs enfants est devenu un acte banal, mais ces intrusions quotidiennes ne sont pas sans danger pour le développement des enfants, leur sécurité et leur vie privée. Tout cela est parfaitement documenté et vous avez dressé, monsieur le rapporteur, un état des lieux très clair des risques.

Parce qu’il est de notre devoir de protéger les enfants, le groupe Écologiste salue votre volonté de mettre l’ouvrage sur le métier. Mais un constat n’est rien sans solution adaptée, et le lancement de ce chantier présuppose une vision complète et précise des leviers à mobiliser. Or nous sommes réservés quant aux solutions que vous préconisez : il nous semble que le texte ne résout pas entièrement le problème, voire qu’il manque sa cible.

D’abord, faut-il jouer sur l’autorité parentale ? En la matière, notre arsenal juridique est assez satisfaisant. Les premières dispositions du texte sont d’ailleurs traitées dans la législation existante, comme l’a rappelé Mme Karamanli.

Ensuite, la délégation forcée de l’autorité parentale me paraît peu adaptée au problème. C’est une mesure judiciaire très sévère, utilisée par le juge aux affaires familiales dans des cas désespérés. Or, ce que nous visons, ce sont des atteintes quotidiennes à la vie privée des enfants par des parents qui ne sont pas nécessairement malveillants : dans leur grande majorité, ils ignorent les dangers auxquels ils exposent leurs enfants. L’enjeu est de provoquer une prise de conscience, et ce n’est pas en évinçant les parents que nous y parviendrons. La sensibilisation et l’accompagnement me semblent le meilleur moyen d’enrayer ces pratiques. Ils peuvent prendre plusieurs formes ; des amendements ont été déposés en ce sens, que mon groupe soutiendra.

En somme, nous partageons les intentions, mais nous sommes réservés quant aux modalités, en particulier s’agissant de l’article 4. Nous restons disponibles pour travailler à un mécanisme plus équilibré.

M. Bruno Studer, rapporteur. Merci à toutes et à tous.

Madame Tanzilli, grâce à votre vigilance, nous allons nous prononcer sur un amendement qui précise utilement le texte d’origine.

Madame Bordes, nous serons attentifs à la coordination légistique. Quant à l’idée que nous chargerions la barque du JAF, il s’agit en réalité de quelque chose qu’il fait déjà : nous introduisons simplement cette jurisprudence dans le droit positif. Selon les magistrats que j’ai pu rencontrer, ce n’est pas malvenu : ils sentent que le problème se développe et il faut agir avant un vrai dérapage.

Monsieur Kerbrat, vous avez entièrement raison : l’une des grandes motivations de la loi sur les enfants influenceurs était cette situation dans laquelle le conflit d’intérêts, chez le parent, entre protéger l’enfant et exploiter son image entraîne un conflit de loyauté chez l’enfant, qui n’ose pas exprimer son absence de consentement à cause du lien affectif ou même des enjeux commerciaux pour la famille.

En ce qui concerne la réglementation applicable aux plateformes, la charte prévue à l’article 4 de la loi sur les enfants influenceurs est en vigueur. En ce qui concerne les contenus qui ne sont pas manifestement illicites, seul l’enjeu réputationnel nous permet d’agir. Je me réjouis que TikTok ait finalement décidé de la signer.

Quant au droit à l’oubli, la même loi facilite la demande par le mineur de suppression de contenus qui ne lui appartiennent pas, puisque ce sont les parents qui les ont publiés, et qui peuvent faire l’objet de contrats dissuadant les parents de les supprimer eux-mêmes.

Monsieur Schellenberger, je partage entièrement votre point de vue : déposer une proposition de loi, c’est susciter le débat ; l’opinion publique s’en est emparée et je m’en réjouis.

La protection de la vie privée est l’une des grandes missions du parent du XXIe siècle, alors qu’elle n’était pas du tout un enjeu il y a quinze ans. Elle est fondamentale pour les raisons que j’ai rappelées, du risque d’usurpation d’identité au respect de la dignité et à la construction de l’image de l’enfant. Je maintiens donc qu’il est utile de préciser l’article 371-1 du code civil ; nous en débattrons ici, puis dans l’hémicycle avec le Gouvernement qui sera représenté par Charlotte Caubel et Éric Dupond-Moretti.

Madame Desjonquères, merci beaucoup de vos propos ; nous discuterons à l’occasion de vos amendements de la rédaction envisageable pour les articles 1er et 2, et nous en débattrons à nouveau en séance. Il ne faut toucher au code civil que d’une main tremblante. Nous faisons le même constat, mais nous devons également assumer nos divergences.

Madame Karamanli, puisque nous sommes là pour améliorer le texte, vous avez raison de me chercher ! Je travaille sur le sujet depuis 2018, et les lois sur les enfants influenceurs et sur le contrôle parental ont un lien direct avec le présent texte : le contrôle parental permet d’apprendre comment se comporter sur internet ; on y met fin lorsque l’enfant est assez grand pour savoir protéger sa vie privée, ses données personnelles ou son image.

On peut discuter de la portée normative des trois premiers articles, mais les précisions qu’ils comportent me semblent utiles et l’inscription de la jurisprudence dans le droit positif servira au JAF. Quant à l’article 4, il est vraiment novateur ; je ne fais pas la même lecture que vous de l’article 377 du code civil. Il est également utile de spécifier les raisons pour lesquelles on peut permettre au JAF de procéder à une délégation partielle de l’autorité parentale sur le fondement de l’exercice du droit à l’image. C’est nouveau et c’est un progrès.

Nous pourrons reparler de l’articulation avec le droit pénal au cours de nos débats.

Au sujet de la mention des deux parents à l’article 4, votre remarque est très judicieuse ; je vous proposerai que nous y retravaillions afin d’améliorer le texte d’ici à son examen en séance.

Madame Moutchou, merci de vos propos et du soutien exprimé au nom du groupe Horizons. Je n’oublie pas que nous avons été les rapporteurs, en 2018, de la proposition de loi relative à la manipulation des informations, qui portait déjà sur l’accompagnement des jeunes dans le monde numérique.

Madame Bourouaha, merci de vos propos. Vous avez raison, il faut peut-être envisager une articulation avec le droit pénal, mais je souhaitais rester dans le domaine du droit civil. C’est un choix politique, que je remercie mon groupe d’avoir soutenu : c’est un texte de sensibilisation que je vous propose.

Seuls les cas les plus extrêmes, monsieur Iordanoff, sont concernés par l’article 4. Il ne s’agit pas d’évincer les parents, mais – par une mesure provisoire – de les inviter à prendre le recul qu’ils n’ont pas su prendre jusque-là. Ce n’est pas une proposition légère, j’en ai bien conscience, et je suis tout à fait prêt à travailler sur les précisions que vous appelez de vos vœux quant au caractère partiel de la délégation. Mais je me suis suffisamment plongé dans ces histoires pour vous le dire : il y a des cas vraiment très graves. Nous reviendrons dans la discussion des amendements sur une éventuelle articulation avec les missions confiées à l’ASE.

Article 1er (art. 371-1 du code civil) : Introduction de la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale

Amendement de suppression CL7 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Beaucoup de nos collègues se demandent quelle est la plus-value de cette proposition de loi, mis à part les enjeux de communication. On le voit dans cet article 1er : à quoi bon préciser que l’autorité parentale s’exerce notamment dans le respect de la vie privée de l’enfant ? C’est une évidence, et cela n’a rien de nouveau.

M. Bruno Studer, rapporteur. Avis défavorable. J’entends vos réserves, mais il me semble qu’il ne faut pas laisser passer cette occasion de moderniser la définition de l’autorité parentale. Ce sont des enjeux très nouveaux, qui n’existaient pas il y a quinze ans.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL12, CL13 et CL14 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Je salue l’engagement et le travail remarquable du rapporteur sur ce sujet qui peut paraître anodin mais qui ne l’est pas du tout pour de nombreux enfants aujourd’hui. Nous ne mesurons pas encore les conséquences de ce phénomène, mais il importe d’ores et déjà de nous préparer.

L’amendement CL12 vise à renforcer la nouvelle rédaction de l’article 371-1 du code civil, en introduisant la notion de dignité de l’enfant. En particulier, il faut s’assurer que l’image de celui-ci n’est pas dégradée. Cette notion est couramment utilisée par la jurisprudence pour les personnes majeures ; elle doit aussi s’appliquer aux mineurs.

L’amendement CL13 vise à éviter de définir la vie privée de manière exhaustive. Vous l’avez dit : l’autorité parentale doit être actualisée.

L’amendement CL14 tend à préciser que l’autorité parentale s’exerce dans le respect de la vie privée de l’enfant également sur internet.

M. Bruno Studer, rapporteur. Je suggère le retrait de ces amendements.

La dignité est un principe absolu, garanti à toutes les personnes humaines avec la même force, contrairement par exemple à la sécurité ou à la moralité, qui présentent des enjeux spécifiques pour les mineurs. Il ne s’agit pas non plus d’un principe spécifique à la relation entre les parents et les enfants. Nous pourrons en parler en séance publique avec le garde des sceaux.

S’agissant de l’adverbe « notamment », nous y avons réfléchi. J’ai décidé de le conserver après avoir consulté les services de la Chancellerie, pour ne pas sous-entendre que le respect dû à la personne tel qu’il est actuellement prévu dans l’article 371-1 excluait jusqu’alors la vie privée.

Le dernier amendement porte sur un sujet que je connais bien, puisqu’il est en lien avec le contrôle parental. Sur le fond, je n’y suis pas défavorable, mais il me paraît satisfait : l’autorité parentale s’exerce de manière générale. En outre, nous avons déjà développé beaucoup d’outils pratiques pour permettre aux parents de mieux protéger leurs enfants sur internet, et le décret qui fixera les caractéristiques minimales du contrôle parental qui sera pré-installé sur les appareils permettant de se connecter à internet doit être publié incessamment.

J’espère vous avoir convaincu !

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Je retire les amendements CL13 et CL14.

Mais je pense au phénomène de plus en plus répandu que l’on appelle prank, c’est-à-dire quand des gens mettent leurs enfants dans une situation indigne, dans laquelle ils sont terrorisés, puis postent les vidéos sur les réseaux pour se moquer d’eux et faire du like. C’est bien la dignité qui est en jeu, et c’est pourquoi je maintiens l’amendement CL12.

Les amendements CL13 et CL14 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CL12.

Amendement CL23 de Mme Mathilde Desjonquères.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Le groupe Démocrate approuve l’objectif de la proposition de loi : garantir la préservation des intérêts de l’enfant lors de l’exercice de son droit à l’image. Il est acquis que les solutions ne peuvent reposer uniquement sur les outils informatiques ; l’engagement des parents est nécessaire et leur acceptation devrait être requise. Il s’agit d’une proposition de loi de responsabilisation des parents.

L’article 1er introduit la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. Par souci de cohérence et de lisibilité, cet amendement précise que les parents associent les enfants aux décisions qui concernent son droit à l’image, selon son âge et sa maturité.

Je précise que cet amendement va de pair avec l’amendement CL25 à l’article 2.

M. Bruno Studer, rapporteur. Après une longue réflexion, j’avoue une préférence pour la rédaction proposée par la proposition de loi. Je suis attaché à ce que la question du droit à l’image soit traité à l’article 372-1 comme cela est prévu par l’article 2. C’est une différence d’appréciation qui porte exclusivement sur la forme.

Demande de retrait. Nous pourrons avoir la discussion en séance publique avec le Gouvernement.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). C’est en effet une précision de forme.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 (art. 372-1 du code civil [rétabli]) : Exercice en commun du droit à l’image de l’enfant par ses parents

L’amendement CL25 de Mme Mathilde Desjonquères est retiré.

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 (art. 373-2-6 du code civil) : Interdiction de publication ou de diffusion de l’image de l’enfant sans l’accord de l’autre parent

Amendement CL22 de Mme Sarah Tanzilli.

Mme Sarah Tanzilli (RE). Cet amendement vise à préciser la portée de l’interdiction qui peut être prononcée par le juge : elle ne peut concerner que les contenus relatifs à l’enfant.

M. Bruno Studer, rapporteur. Avis très favorable. C’est une précision utile pour éviter un risque d’inconstitutionnalité puisque, dans la rédaction initiale, le juge pouvait interdire la publication de tout contenu, ce qui constituerait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (art. 377 du code civil) : Délégation de l’autorité parentale en cas d’usage abusif de l’image de l’enfant

Amendements de suppression CL5 de M. Andy Kerbrat, CL9 de Mme Pascale Bordes et CL21 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, sur les garanties que vous apportez. Nous estimons néanmoins qu’il faut réfléchir au droit à l’image dans le cadre d’un continuum qui va de la formation à l’intervention des services sociaux et finalement à l’application de l’article 378 du code civil, relatif au retrait de l’autorité parentale. L’article 375 du code civil, relatif à l’assistance éducative, nous paraît suffisant, et la modification de l’article 377 relatif à la délégation forcée de l’autorité parentale superflue.

Nous devrions travailler ensemble sur les autres moyens, en particulier l’éducation. Considérez cet amendement comme un amendement d’appel ; nous sommes disponibles pour débattre de la proposition de loi avant la séance.

Mme Pascale Bordes (RN). Vous parlez de diffusion d’une image qui porterait gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de l’enfant, c’est-à-dire à mon sens de photographies à caractère pédopornographique, portant atteinte à la santé ou à la moralité de l’enfant, ou encore témoignant de violences commises à son encontre. Ce sont là des délits, voire des crimes. Dès lors, les articles 378 et 378-1, qui permettent le retrait de l’autorité parentale, me semblent suffisants pour répondre aux problèmes que vous soulevez.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). J’entends que ces dispositions ne devront s’appliquer qu’aux cas les plus graves. Il faudrait sans doute alors préciser la portée de cet article, qui ne doit vraiment constituer qu’un dernier recours. En tout état de cause, il ne nous semble pas possible d’adopter une telle disposition sans l’accompagner de dispositions de prévention et d’éducation des parents.

M. Bruno Studer, rapporteur. Avis défavorable. Je l’ai dit, j’ai conscience des critiques que suscite cet article. Il est conçu comme le dernier étage de la fusée, les articles précédents visant plutôt à prévenir.

Il ne s’agit pas ici de pédopornographie ou de maltraitance, plutôt de mauvaises blagues. On ne retire pas l’autorité parentale pour une mauvaise blague ; mais le juge peut, pour un temps, procéder à une délégation forcée en ce qui concerne le droit à l’image – sans que les parents aient nécessairement commis une infraction pénale, fassent preuve d’un désintérêt manifeste pour l’enfant ou soient dans l’impossibilité d’exercer l’autorité parentale.

Je ne crois pas au risque de raisonnement a contrario, puisque nous prévoyons un cas nouveau dans une liste aujourd’hui très restrictive.

Cet ajout me paraît donc utile ; mais je comprends qu’il puisse paraître disproportionné, et c’est pourquoi nous avons précisé que les atteintes devaient être graves pour conduire à la délégation forcée. La délégation peut être partielle ou totale ; il faut faire confiance au juge, qui ne prononcera la délégation totale que dans les cas d’une extrême gravité. Nous souhaitons que la priorité soit donnée à des délégations partielles limitées à l’exercice du droit à l’image.

À ce stade, c’est le dispositif le plus équilibré que nous ayons trouvé. Peut-être devons-nous encore réfléchir, en nous appuyant par exemple sur l’article 375-2 du code civil qui permet la désignation d’une personne qualifiée pour aider les parents.

Je suis ouvert à la discussion, mais opposé à une suppression sèche du dispositif.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL27 de M. Bruno Studer.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement CL24 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Nous souhaitons favoriser la prévention ; cet amendement vise à compléter l’énumération des prestations assurées par des professionnels de l’action sociale en y incluant un accompagnement de l’exercice parental du droit à l’image de l’enfant. Il s’agit donc d’étendre l’aide à domicile déjà proposée par les services de l’aide sociale à l’enfance, de façon cohérente avec les missions déjà confiées à l’ASE. Cela suffirait à répondre à la majorité des cas.

M. Bruno Studer, rapporteur. J’entends vos arguments mais je demande le retrait de l’amendement.

J’ai une réserve : le dispositif que vous proposez ne me paraît pas opérationnel, car cet accompagnement est attribué par le président du conseil départemental à la demande ou avec l’accord des parents, qui identifient rarement d’eux-mêmes leurs difficultés avec le droit à l’image de leur enfant.

J’ai aussi une proposition : nous pourrions nous appuyer sur l’article 375-2 du code civil pour améliorer, comme vous le proposez, le traitement des problèmes en amont d’une éventuelle délégation de l’autorité parentale.

Je vous invite enfin à interroger le Gouvernement en séance publique sur les compétences de l’ASE, car je ne peux pas vous répondre précisément.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Je retire l’amendement, dans l’attente de vos suggestions. Nous pourrons en reparler en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CL15 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Cet amendement, travaillé avec l’Observatoire de la Parentalité et de l’éducation numérique, le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant et l’association Caméléon, vise à renforcer les sanctions pénales applicables aux parents particulièrement malveillants vis-à-vis de leur enfant. Certaines vidéos confinent vraiment à la maltraitance.

M. Bruno Studer, rapporteur. L’article 226-2-1 que vous proposez de modifier traite de paroles ou images présentant un caractère sexuel. Mais que peut-il exister aujourd’hui entre la prise d’images permettant d’apercevoir les parties intimes, déjà aujourd’hui pénalement sanctionnée par l’article 226-3-1 y compris lorsqu’elle est le fait des parents, et la pédopornographie, pour laquelle les peines sont plus lourdes et applicables également aux parents ? Votre amendement me paraît donc satisfait. Mais nous pourrons en discuter d’ici à la séance publique, même si la priorité de la proposition de loi est de modifier le droit civil.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le président Sacha Houlié. Le vote est acquis à l’unanimité.

*

*     *

Puis, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive (n° 740 2e rect.) (Mme Naïma Moutchou, rapporteure).

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

 

La séance est levée à 19 heures 40.

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Informations relatives à la Commission

 

 

La Commission a désigné M. Sacha Houlié, rapporteur sur la proposition de loi visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire (n° 793).

 

 

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Clara Chassaniol, Mme Mathilde Desjonquères, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, Mme Claire Guichard, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, Mme Marie Lebec, Mme Gisèle Lelouis, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Bruno Studer, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Roger Vicot, M. Lionel Vuibert, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Gosselin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, M. Davy Rimane

Assistaient également à la réunion. - Mme Soumya Bourouaha, M. Dino Cinieri, Mme Marie-Charlotte Garin