Compte rendu

Délégation aux droits des enfants

 

 Audition, ouverte à la presse, de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’Enfance 2

 Présences en réunion..............................18

 

 


Mardi
25 octobre 2022

Séance de 8 heures

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de Mme Perrine Goulet,
Présidente


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La séance est ouverte à 8 heures.

Présidence de Mme Perrine Goulet, présidente de la délégation

La Délégation aux droits des enfants auditionne Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’Enfance.

Mme la présidente Perrine Goulet. Je suis heureuse d’inaugurer les travaux de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale par votre audition, Madame la secrétaire d’État, qui vous permettra de nous présenter vos priorités.

Vous vous êtes réjouie de la création de notre délégation transpartisane, en la qualifiant de lieu utile pour rendre compte de la mise en œuvre des politiques prises en faveur des droits des enfants et en améliorer la visibilité. Nous sommes pour notre part ravis de pouvoir travailler avec vous pour faire de l’enfance une des priorités de ce quinquennat, comme le Président de la République en a pris l’engagement. Votre rattachement à la Première ministre marque la volonté de faire de la politique de l’enfance un sujet interministériel, les politiques éducatives, sanitaires, judiciaires, voire numériques, devant être mieux coordonnées, avez-vous indiqué, pour le bien des enfants. Comment envisagez-vous le travail avec vos collègues ?

Les autres acteurs incontournables de cette politique sont les départements et les associations qui œuvrent chaque jour pour les droits des enfants. Dans quelques semaines, le groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée, issu d’une proposition de la mission d’information sur l'aide sociale à l'enfance dont le rapport a été publié en juillet 2019, sera opérationnel. Il rassemblera l’État, les départements et les associations. Pouvez-vous faire un point d’étape de sa création ?

L’actualité de ces derniers jours m’oblige à vous poser deux questions. Suite au reportage Zone interdite diffusé sur M6, même si de nombreux professionnels font merveilleusement bien leur travail auprès des enfants, beaucoup reste à faire en matière d’aide sociale à l’enfance. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, vise à apporter des améliorations, mais force est de constater que tous les décrets n’ont pas été publiés. Quand les derniers le seront-ils ? À la suite de ce reportage, vous avez également évoqué la formation de 300 professionnels pour réaliser des contrôles. Où en est-on ?

Enfin, il y a quelques jours, des enfants et leurs mères ont été rapatriés de Syrie. Comment sont-ils pris en charge ? Quels sont les points sensibles de ces rapatriements ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. La délégation parlementaire aux droits des enfants est une grande chance. Elle sera un interlocuteur de choix et un stimulateur indispensable dans la mission qui m’a été confiée, mais engage aussi tout le Gouvernement.

Vous l’avez rappelé, le Président de la République a souhaité me placer auprès de la Première ministre pour favoriser l’interministériel, mais également les relations avec le Parlement, les départements et tout le secteur associatif – on sait combien ce dernier est engagé.

Beaucoup a été réalisé au cours du précédent quinquennat. La loi portée par Adrien Taquet est essentielle. Elle traduit le souhait de faire de la protection de l’enfance un enjeu qui dépasse le seul ministère en charge des affaires sociales, les dispositions adoptées témoignant d’une logique beaucoup plus transversale. Vous avez également adopté des lois essentielles dans le champ du numérique, dont on sait qu’il potentialise des richesses, certes, mais engendre aussi des difficultés et perturbe, a fortiori les enfants. Je pourrais également évoquer le plan de lutte contre les violences scolaires, la stratégie de protection de l’enfant, le plan de lutte contre les violences, le plan de lutte contre la prostitution, etc.

Le Président de la République a souhaité faire de l’enfance, et en particulier de la protection de l’enfance, une priorité, car il sait qu’il reste malheureusement beaucoup à faire. Les chiffres sont encore dans le rouge : un enfant meurt dans le cadre familial tous les cinq jours. Comment faire pour que le processus de repérage des violences soit efficace et la prise en charge la plus complète possible ?

L’égalité des chances doit concerner tous les enfants, la Première ministre y est particulièrement attachée car on peut tirer la mauvaise carte à la naissance, avec des familles ou négligentes ou violentes. Les éléments que nous livre la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) doivent nous interroger sur cet enjeu, encore plus sociétal que légal, car il engage notre société à tous les niveaux.

En outre, un quart des sans domicile fixe sont d’anciens enfants placés. Je suis donc également en lien avec le ministère en charge du travail, de la formation professionnelle et de l’insertion professionnelle, avec le ministère en charge du logement et celui en charge des solidarités.

L’actualité est bien sûr marquée par le reportage de Zone interdite. S’il faut avoir conscience du prisme journalistique, très particulier, des magazines d’investigation, il faut aussi être conscient que des défaillances persistent et que subsiste un problème d’attractivité des métiers. Ce type de reportage contribue d'ailleurs à ce que les personnels s’interrogent encore davantage sur le sens de leur travail et l’efficacité du dispositif, et donc à rendre le secteur de moins en moins attractif. En conséquence, les personnels ont encore moins de temps pour bien prendre en charge les enfants. Ils ont aussi moins de temps pour se parler, renforcer leur pratique professionnelle et partager les diagnostics sur les enfants dont ils ont la charge.

Il faut se ressaisir, à tous les niveaux. Au niveau de l’État, bien sûr, et cela suppose le renforcement de la place de l’État auprès des départements. Si le Président de la République a évoqué la recentralisation de l’aide sociale à l’enfance, nous avons surtout besoin de proximité et de territorialisation des politiques publiques. L’État ne doit pas se désengager au motif que les départements sont chefs de file car l’enfance n’est le monopole de personne. Ainsi, un enfant va à l’école, il a besoin de soins, du respect de ses droits – donc de justice –, trois domaines régaliens. C’est tout le sens de ma mission : faire en sorte que les ministres – ils sont tous investis, mais ne se parlent pas nécessairement – reviennent dans les territoires porter les engagements de l’État auprès des départements, mais aussi du secteur associatif.

Je compte bien évidemment sur vous pour stimuler le dialogue entre acteurs et entre ministres, mais aussi éclairer les travaux du Gouvernement, en pointant les sujets prioritaires, en faisant remonter les difficultés, en mettant en valeur les bonnes pratiques des territoires. Depuis six mois, je me rends compte que la dispersion est un risque permanent quand on s’occupe d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes, de 0 à 21 ans. J’aime beaucoup le contact des enfants et des professionnels et je serai ravie de rencontrer ceux de vos territoires, pour mieux comprendre les difficultés, mais aussi découvrir de belles histoires.

Les questions de financement sont également essentielles. On oppose souvent les 8 milliards d’euros engagés par les départements aux centaines de millions d’euros alloués à la protection de l’enfance au sein de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Mais d’autres crédits concourent au sein du budget de l’État à la protection de l’enfance : justice des mineurs, unités d’accueil pédiatrique, enquêteurs chargés des violences familiales, etc. Il faut parvenir à les regrouper dans un document de politique transversale, un « jaune budgétaire » afin de bien les identifier, de mieux travailler ensemble dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Vous m’interrogez sur le GIP, créé par la loi du 7 février 2022 précitée. On attend beaucoup de cette institution qui va rassembler trois acteurs : l’État, d’abord, dans toute sa diversité – solidarités, justice, éducation nationale, etc. ; tous les présidents des conseils départementaux, ensuite, et c’est indispensable car, si l’association des départements de France (ADF) réalise un remarquable travail de concertation, le consensus n’est pas toujours au rendez-vous – j’ai pu le vérifier lors de la signature de la convention du GIP et le secteur associatif, enfin, très riche, engagé mais également gestionnaire.

S’agissant des départements, je salue le rôle moteur du président François Sauvadet et de Florence Dabin, qui pilote une organisation spécifique à l’enfance au sein de l’ADF, et préside le GIP Enfance en danger (GIPED) et bientôt le groupement en cours de constitution.

En résumé, donc, responsabilité et légitimité de l’État, liberté de gestion des collectivités territoriales et liberté associative, autant dire que le GIP sera d’abord une instance de liberté, avant d’être une instance de convergence, d’autant qu’il opère également la réunion de plusieurs institutions très différentes : le 119, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (Onpe), l’Agence française de l’adoption (AFA) et le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop). Sur le papier, les intentions sont là, mais, dans la réalité, il faudra faire prendre la mayonnaise et faire naître les synergies.

Le secrétariat du Conseil national de la protection de l’enfance (Cnpe), chargé d’éclairer le Gouvernement sur ces enjeux, est également associé au GIP. Le Cnpe est saisi de l’ensemble des projets de décrets de la loi du 7 février 2022. Il espère que l’Onpe et le 119 viendront nourrir ses avis mais il nous faut industrialiser – si vous me permettez l’expression – le processus car le délai, légitime, de rendu des avis peut parfois retarder l’entrée en vigueur des textes.

La loi imposait un délai de six mois pour créer le GIP, qui aurait donc dû être opérationnel le 7 août. Pierre Steker, ancien directeur du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, a été désigné préfigurateur en juin, à une période où les administrations étaient en stand-by et les ministres encore en transition, après une longue période électorale. Nous avons pris un peu plus de temps car, derrière les acteurs publics, il y a des personnels, et j’ai voulu éviter les crispations. Nous avons tenu à faire converger les statuts vers le haut et à ce que tous les agents soient payés sur les mêmes grilles indiciaires. Nous avons toujours un problème d’organigramme car la fusion de plusieurs services aboutit à un nombre très important de responsables en poste. Or on ne peut avoir autant de chefs que d’opérateurs. En prenant en compte l’engagement de chacun, nous réfléchissons à une organisation cohérente et une mise en commun des compétences et des responsabilités.

Dans un contexte financier que vous connaissez entre les départements et l’État, nous avons décidé d’additionner les budgets de chaque instance, en y ajoutant les coûts de la transition – adaptation des locaux, système numérique commun –, mais il faut aussi un financement additionnel lié aux trois nouvelles missions confiées au GIP – le fichier des assistants et des agréments familiaux, le centre de ressources que devient l’ONPE et le fichier de l’adoption. Le budget du GIP sera validé par son conseil d’administration, et non par la secrétaire d’État à l’enfance qui, du reste, n’y siège pas.

Les différentes instances décisionnaires pourraient se réunissent en décembre, et nous pourrions peut-être fêter la nouvelle année en saluant la naissance officielle du GIP. Ce n’est pas simple et il faut être attentif à la situation des personnels. Je pense notamment aux écoutants, qui se considèrent comme des oubliés du Ségur et qu’il faut accompagner. Leurs revendications pourraient se traduire dans les jours à venir par des manifestations, qu’il faudra bien évidemment entendre.

Mme la présidente Perrine Goulet. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Éric Poulliat (RE). Notre groupe se félicite de la création de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale. À l’initiative de la présidente de notre Assemblée, Mme Yaël Braun-Pivet, la délégation aura la charge d’informer les parlementaires sur toutes les questions relatives aux droits des enfants et de faire entendre leurs droits dans les textes examinés par l’Assemblée : aide sociale à l’enfance, lutte contre les violences intrafamiliales, mineurs non accompagnés, lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, protection de l’enfance sur internet contre la pornographie ou la prostitution, accès aux soins, handicap, mais aussi rôle des parents. Ces enjeux sont cruciaux, tant par les conséquences qu’ils peuvent avoir sur la construction des enfants, que sur ce qu’ils disent de notre société.

Vous avez évoqué le rôle de l’État. La construction d’un État directorial, et non centralisé, est une belle ambition. L’enfance peut être un beau point de départ.

Vous pouvez compter sur la volonté de notre groupe pour faire avancer la cause des enfants, comme nous l’avons démontré dans le précédent quinquennat : protection de l’enfance, enfants influenceurs, code de justice des mineurs, nous avons voté de nombreux textes avec motivation.

Je veux revenir sur l’affaire dite de Noyelles-sous-Lens dans le Pas-de-Calais, où trois mineurs issus d’une fratrie de dix ans ont porté plainte contre leurs parents pour acte de maltraitance physique et psychologique. À cette occasion, vous avez regretté les défaillances dans la coordination et l’échange d’informations entre services. La loi du 7 février 2022 précitée prévoit, à titre expérimental, la création de comités départementaux pour la protection de l’enfance. Au-delà des questions d’organisation que vous avez évoquées, pourriez-vous nous préciser quelles premières initiatives ont été prises pour valoriser ces comités auprès des départements et les accompagner dans leur mise en œuvre ?

Mme Laure Lavalette (RN). Alors que nos collègues parlementaires du Sénat sont parvenus à faire émerger le sujet de l’accès à la pornographie chez les mineurs, il est nécessaire que nous leur emboîtions le pas. Leur rapport d'information sur l'industrie pornographique, Porno : l’enfer du décor, publié le 28 septembre dernier, alerte notamment sur les dangers et les dérives de la pornographie chez les plus jeunes. À l’adolescence, les conséquences sont lourdes. Chez les plus vulnérables, la confusion entre la réalité et la fiction peut provoquer une vision normée et violente de la sexualité. Il s’ensuit un manque de confiance en soi, un délitement de la vie affective, une banalisation de la violence sexuelle, la reproduction de rapports non protégés et, bien souvent, une ignorance du concept de consentement.

Mais les dangers de la pornographie ne se limitent pas aux adolescents. Les jeunes enfants se retrouvent confrontés de plus en plus tôt, y compris non intentionnellement, aux contenus pornographiques. Selon le ministère en charge des solidarités, à douze ans, un enfant sur trois a déjà été confronté à des contenus pornographiques et, selon les associations, ce chiffre serait largement sous-évalué. À neuf, dix ou onze ans, la pornographie peut évidemment entraîner des traumatismes qui dureront toute une vie. Les pédopsychiatres parlent d’une situation d’incompréhension et de sidération face à ces images. L’enfant n’a alors pas les capacités de les décoder et de les analyser. Il se retrouve au contact d’un réel qui n’a aucun sens pour lui.

L’article 22-27 du code pénal interdit pourtant l’accès à la pornographie aux mineurs. Mais il s’agit d’une interdiction de façade, les mécanismes d’accès aux sites pornographiques étant beaucoup trop simples – affichage d’un pop-up contenant lui aussi des images pornographiques, alors même que le mineur n’a pas encore cliqué sur le bouton « J’ai plus de dix-huit ans ».

Allez-vous faire de ce sujet une de vos priorités et protéger les enfants afin d’éviter un délitement de leur vie affective et sexuelle future ?

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Dans une tribune publiée vendredi dernier, plus de 4 000 soignants en pédiatrie ont alerté sur la situation intenable dans leurs services. En cause, l’arrivée des épidémies saisonnières, notamment celle de bronchiolite, qui touche les plus petits. Emmanuel Macron s’est affolé, dégageant une enveloppe de 150 millions d’euros. Et pourtant, vous refusez de discuter du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en utilisant l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution !

L’hôpital est en souffrance de manière systémique. Il doit faire face, l’été, aux canicules, l’hiver, à la grippe et aux bronchiolites, épidémies banales et attendues. Pourquoi cette situation n’a-t-elle pas été anticipée ? On constate un afflux massif dans les services et des temps records d’attente pour les enfants. Les services d’urgence sont saturés, à tel point qu’une quinzaine d’enfants ont déjà été transférés des réanimations d’Ile-de-France, car 15 % à 25 % des lits de pédiatrie sont fermés. Le ministre ose banaliser ces transferts ! Pourtant, tout le monde sait que transporter un petit en détresse respiratoire à cent kilomètres et déléguer une intervention n’est pas sans conséquence. Et je ne parle pas de la détresse des parents pour qui la distance s’ajoute à l’inquiétude.

Ces 150 millions ne compensent même pas la baisse des budgets prévue dans le PLFSS, puisque leur augmentation est inférieure à l’inflation. Vous posez un pansement sur une jambe de bois ! Le problème de fond ? On le connaît de longue date. C’est le manque de lit, de personnels, de moyens. Une spécialité qui faisait rêver – la pédiatrie – fait désormais fuir parce qu’il y a surcharge de travail, trop de pression, des horaires intenables, des salaires trop bas et, finalement, une perte de sens.

La richesse d’un État, ce n’est pas sa capacité à faire des économies. C’est sa capacité à soigner sa population, notamment les plus fragiles, au premier rang desquels nos enfants. Le message des soignants est clair : nous mettons nos enfants quotidiennement en danger – ce sont leurs mots.

Vous mettez en avant votre rôle interministériel. Avez-vous un plan d’action pour la pédiatrie ? Ou allez-vous être, comme avant vous Adrien Taquet, une secrétaire d’État sans moyens, donc sans résultats ?

M. Alexandre Portier (LR). Nos interrogations portent bien sûr sur la pédiatrie, mais également la pédopsychiatrie, centrale pour beaucoup des problématiques que nous aurons à aborder dans le cadre de cette délégation. Comment jugez-vous l’état de la pédopsychiatrie en France et les moyens qui lui sont alloués ? Beaucoup d’acteurs de terrains les jugent insuffisants, notamment du côté des départements. Est-ce votre cas ? Qu’envisagez-vous en termes de financement et de formation pour répondre aux besoins du terrain ?

M. Erwan Balanant (Dem). Il est logique, madame la secrétaire d’État, que vous soyez la première auditionnée par notre nouvelle délégation, fruit d’une préoccupation commune du groupe socialiste, du groupe Renaissance et du groupe MODEM au cours de la législature précédente. Nous pouvons nous en féliciter.

Elle est également le reflet de la préoccupation de notre société pour l’enfance. C’est un fait nouveau. Pendant longtemps, l’enfance a été un angle mort des politiques publiques dans notre pays. Certains ont dit que votre prédécesseur n’avait pas eu de moyens. Pourtant il a eu de sacrés résultats et mis l’enfance au cœur des débats et des politiques publiques.

Mais il reste de nombreux sujets à traiter. Pour que l’enfance se déroule bien et que la parole de l’enfant se libère, il faut qu’il connaisse ses droits et, pour cela, il faut mettre en place des programmes d’information. Comment faire pour que les enfants connaissent leurs droits ?

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je me félicite de vous recevoir au sein de cette délégation, dont j’ai pris une part active à la création, avec mon groupe. Pendant onze ans, j’ai été la vice-présidente chargée de la protection de l’enfance dans le Val-de-Marne. À mon arrivée à l’Assemblée nationale, en septembre 2020, je me suis fait une promesse, celle d’agir pour venir en aide à ces enfants et de lutter contre ces violences innommables. Cela supposait une feuille de route et un cadre, dans lequel déployer des politiques publiques efficaces.

Nous avons un quinquennat pour mener à bien cette politique globale de l’enfance. Cela doit se traduire par des moyens budgétaires. Les questions à traiter sont transversales et concernent aussi la justice : certaines de ses décisions sont difficiles à entendre. Le temps de l’enfance n’est ni le temps du politique, ni celui de l’administration. La feuille de route nous oblige à avancer sur ces questions.

M. Paul Christophe (HOR). Parmi les résultats de votre prédécesseur à ce poste, il y a la loi du 7 février 2022 relative à la protection de l’enfance, qui est le fruit d’une large concertation, puisque nombre d’entre nous ont été associés à son élaboration. Elle prévoit de chercher systématiquement à confier l’enfant à une personne de son entourage. Sur ce sujet, constatez-vous des avancées ? J’aimerais connaître le point de vue des juges sur cette mesure.

Le reportage à charge sur l’ASE diffusé récemment sur une chaîne de télévision a relancé le débat, notamment sur les placements à l’hôtel, qui devaient prendre fin. Où en est-on ? Il pointe également du doigt le secteur de la pédopsychiatrie, qui est en déshérence. Quelle impulsion pourriez-vous donner à ce secteur en grande difficulté ?

Enfin, que pouvez-vous nous dire des sorties sèches de l’ASE, quand on sait qu’un quart des sans-abri sont d’anciens enfants placés ?

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). La semaine dernière, nous avons reçu des représentants de l’association Jamais sans toit, de l’Unicef, de la fondation Abbé Pierre, d’Emmaüs, de la fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), du collectif Associations unies et de la fédération des acteurs solidaires.

Étaient également présents autour de la table deux mamans et deux jeunes mineurs non accompagnés. Nous étions réunis pour dénoncer le scandale des 1 766 enfants qui se trouvent à la rue, faute de places d’hébergement d’urgence. Un enfant dans la rue en France en 2022, c’est déjà trop, mais 1 766, c’est scandaleux. Un toit au-dessus de leur tête devrait être une évidence. La France est-elle toujours le pays des droits de l’homme ? Respecte-t-on la Convention internationale des droits de l’enfant, lorsqu’on envisage de supprimer 14 000 places d’hébergement d’urgence, alors que la demande est croissante et que ce sont les associations qui jouent le rôle de protecteur qui incombe à l’État ?

J’étais assise face à une maman sans toit. Courageusement, elle a témoigné de son quotidien de mère seule, des soins qu’elle apporte à son enfant, de son combat pour le faire vivre dans un endroit digne et pour le scolariser. Les enfants sont, dès leur plus jeune âge, confrontés à la violence de la société, qui les considère comme un paquet que l’on peut transférer d’un lieu précaire à un autre, sans que leur fatigue et leur détresse ne suscitent d’indignation. Indignons-nous, révoltons-nous ! Les hébergements d’urgence ne sont pas une solution à long terme, mais il est trop tôt pour y supprimer 14 000 places.

Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Il y a un enjeu prioritaire pour la santé des enfants malades des outre-mer et les difficultés pour les accompagner lorsqu’ils doivent être transférés dans l’Hexagone pour bénéficier de soins adaptés qui ne sont pas disponibles sur place.

La caisse générale de sécurité sociale (Cgss) prend en charge le billet d’un seul parent, en plus de celui de l’enfant. Si la situation de l’enfant nécessite qu’il soit accompagné par un médecin ou une infirmière, c’est le billet du personnel médical qui est pris en charge, au détriment de celui du parent accompagnateur – dont le billet est alors payé par le département. L’évacuation sanitaire d’un mineur malade, obligé de se faire soigner à des milliers de kilomètres, suppose que l’enfant quitte tout ce qui est nécessaire à son équilibre et à sa guérison: son autre parent, une fratrie, des amis, un territoire, un climat, des habitudes. J’avais déposé des amendements au PLFSS pour 2023 pour prendre en compte cette situation, mais ils ont été jugés irrecevables.

J’aimerais également appeler votre attention sur les problèmes que pose le bilinguisme dans les outre-mer : 81 % des Réunionnais déclarent maîtriser le créole et certains ne maîtrisent d’ailleurs que cette langue. Nombre d’enfants sont victimes de maltraitance dans nos territoires. Or, si un enfant qui ne parle que le créole appelle le 119, personne dans l’Hexagone ne peut le comprendre. Les associations locales pourraient prendre en charge ces appels d’urgence, mais cela suppose un accompagnement et une formation de la part de l’État.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État. Je découvre le dernier point qui a été soulevé : je ne suis pas sûre que créer des 119 spécifiques partout soit une solution, mais il faut en trouver une très rapidement. Quant à l'accompagnement d’un enfant malade par ses parents, c’est aussi un droit fondamental. D’une manière générale, il faut absolument veiller au respect des droits en outre-mer.

Madame la présidente, vous m’avez demandé comment nous pouvions travailler ensemble. La Première ministre réunira le 21 novembre le comité interministériel de l’enfance. Nous travaillons à faire remonter toutes les priorités relatives à l’enfance des différents ministères, pour que la Première ministre en ait une vision transversale et puisse établir la feuille de route du Gouvernement.

Au niveau territorial, le comité départemental pour la protection de l’enfance (Cdpe) encore en expérimentation est un lieu qu’il faut absolument privilégier et dont les acteurs doivent se saisir. Je suis très optimiste, car tous les présidents de conseil départemental à qui j’ai proposé de mettre en place ce dispositif m’ont paru très demandeurs. Il est nécessaire de mettre autour de la table le président du conseil départemental, le préfet, le recteur, l’agence régionale de santé (ARS) et l’autorité judiciaire pour faire un diagnostic de la situation et un état des lieux des dispositifs existants en matière de protection de l’enfance ou de la santé. Il faut accroître l’offre et rendre ces métiers plus attractifs. Toutes ces questions doivent être à la fois pilotées par l’État et les territoires. On doit aussi pouvoir constituer des cellules autour des cas particulièrement complexes. Cela doit permettre d’éviter les situations catastrophiques où des enfants passent d’un dispositif à l’autre, chacun « se repassant la patate chaude ». Il faut prendre le temps d’examiner ces cas difficiles et de faire un diagnostic en commun. Le Cdpe sera un formidable levier. Nous sommes en train de finaliser le décret, tout en attendant l’avis du Cnpe. Les choses sont déjà en train de se mettre en place dans certains départements.

J’en viens à la question de la pornographie, qui m’occupait déjà lorsque j’étais aux côtés du Premier ministre. C’est un sujet qui commence à me faire perdre patience ! On oppose quand même la liberté, pour des adultes, de consulter des sites pornographiques et le traumatisme subi par des enfants ! Des textes ont certes été adoptés sur cette question, notamment celui relatif au contrôle parental des équipements numériques, mais c’est insuffisant. En face de nous, il y a une industrie et des opérateurs qui considèrent que la protection des données des adultes, la liberté des adultes, est le saint Graal.

J’ai rencontré la commissaire européenne aux affaires intérieures qui, elle aussi, perd patiente. Nous sommes décidées à faire bouger les lignes, par exemple en imposant l’utilisation d’une carte bleue pour zéro ou un euro. Ce serait déjà un filtre. On nous oppose que ce ne serait pas un filtre parfait. Soyons pragmatiques : si on peut déjà protéger 30 % ou 40 % des enfants, ce sera une victoire. Certains adolescents ont une carte bleue dès l’âge de treize ans, mais quand mon enfant utilise la sienne, je reçois une alerte, ce qui me permet de savoir si la transaction va à YouPorn ou à McDonald’s.

Nous sommes le quatrième pays producteur d’images pédopornographiques. Quand ouvrirons-nous enfin les yeux sur cette réalité ? Je sais que ma colère est partagée. J’en discuterai bientôt avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Arrêtons de prendre des pincettes et allons-y franchement ! La pornographie détruit nos enfants de l’intérieur. Je suis certaine qu’elle entretient la chaîne des violences sexuelles.

S’agissant du contrôle des personnes accueillant des enfants, ne mélangeons pas tout. Avant la loi du 7 février 2022 relative à la protection de l’enfance, nous contrôlions déjà le bulletin n° 2 du casier judiciaire d’un certain nombre de professionnels. Mais vous avez décidé d’élargir ce contrôle à l’ensemble des personnes, y compris aux mineurs de treize à dix-huit ans, lorsqu’ils vivent dans l’environnement des familles d’accueil. Ces contrôles prennent du temps, puisque le B2 n’est pas accessible en ligne. Nous avons élargi ce contrôle au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv).

Nous sommes en train de finaliser un dispositif numérique qui doit permettre d’accélérer ces contrôles, afin qu’ils ne bloquent pas totalement le système. Il permettra aux départements et à l’ensemble des acteurs de mobiliser très rapidement la sous-direction du casier judiciaire et le Fijaisv, à la fois au moment de l’embauche, mais aussi de manière régulière lors de leur activité – selon un rythme qui reste à définir.

Le contrôle de probité des professionnels et des bénévoles intervenant auprès de nos enfants dans les structures de placement et de l’environnement des familles d’accueil est une chose. Le contrôle des services et des établissements en est une autre. Certains départements y procédaient déjà, ainsi que certains services de l’État, notamment la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais de manière très ponctuelle. En général, ils intervenaient lorsque les choses n’allaient pas ou que des problèmes financiers se posaient. À cet égard, il faut un vrai plan de contrôle de la qualité de la prise en charge. Cela suppose un renforcement des services de l’État. Dans le projet de loi de finances pour 2023, j’ai demandé trente et un fonctionnaires supplémentaires pour la police judiciaire et vingt pour la direction générale de la cohésion sociale.

Il faut éduquer nos enfants, les sensibiliser aux enjeux du droit, de la protection, de la sexualité et de la prévention. On demande beaucoup de choses à notre école, mais de façon trop dispersée : sensibilisation à l’égalité entre les hommes et les femmes, prévention des discriminations, éducation à la sexualité, droit des enfants, etc. J’ai demandé à la Première ministre que l’on remette tout cela à plat. Certaines familles considèrent que l’éducation à la sexualité relève de leur compétence, non de l’État. Or on sait très bien que les enjeux de protection des enfants justifient l’intervention de l’État.

Il faut aller vers une éducation au droit à la vie affective et à la sexualité, qui intègre toutes ces questions, y compris une approche de la parentalité. Il faut aborder la question de la parentalité beaucoup plus tôt avec nos enfants : ce peut aussi être une façon pour certains d’entre eux de comprendre que leurs parents n’ont pas les bonnes méthodes de parentalité. Il importe de mettre à plat ce qui est transmis par l’école sur ces questions et je compte sur votre délégation pour nourrir nos travaux. Cet enjeu doit dépasser la sexualité et devenir un enjeu d’éducation de nos enfants à leur vie d’adulte.

J’en viens à la pédiatrie et la pédopsychiatrie. L’offre de soins est un problème global : c’est bien pour cela qu’une ministre déléguée est spécialement chargée de cette question. Il y a un problème d’offre, mais aussi une fuite des professionnels. J’ai été très surprise d’apprendre que nous perdons des pédopsychiatres. Ce sont souvent des femmes qui exercent ce métier et elles ont du mal à faire face à la violence qu’elles découvrent ; elles ne supportent pas la souffrance des enfants qu’elles reçoivent.

Il faut donc accompagner ces professionnels et réfléchir à la question de leur recrutement, sachant qu’il faut huit à dix ans pour former un pédopsychiatre. C’est le travail du ministre de la santé et de sa ministre déléguée. Il importe de documenter la question de la santé mentale de nos enfants, mais aussi les tendances que nous percevons. Certaines sont conjoncturelles – crise covid, guerre, etc. –, d’autres sont plus structurelles – le numérique, la violence – et d’autres encore plus structurelles – l’impact de l’environnement sur la santé de nos enfants. Un nombre croissant des troubles du neurodéveloppement serait directement lié à l’environnement.

Dans certaines familles en difficulté – conflit conjugal, séparation, famille monoparentale –, des problèmes éducatifs se posent, qui ne relèvent pas nécessairement de troubles du comportement ou de troubles psychiatriques. Lorsqu’on ne fait pas le bon diagnostic, ou que l’on ne choisit pas le bon accompagnement, on est parfois contraint, quelques années plus tard, de mobiliser la pédopsychiatrie en urgence. Il importe donc de favoriser la prévention, le diagnostic et l’accompagnement avant de faire appel au 15 et de mobiliser l’arme lourde de la pédopsychiatrie.

Il est essentiel d’avoir un accompagnement pluridisciplinaire des troubles du comportement de nos enfants. À l’école se pose le problème des accompagnants d’élèves en situation de handicap (Aesh). On manque par ailleurs de places dans les instituts médico-éducatifs (IME) et les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), que l’on a un peu mis de côté, dans le cadre de notre politique du tout inclusif – que je ne conteste absolument pas. On fait du tout inclusif à l’école, mais quid du périscolaire, quid du samedi et du dimanche, quid du répit des familles ? Quid, enfin, des professionnels ? Au moindre échec, à la moindre défaillance à la maison ou à l’école, on fait appel aux services de protection de l’enfance, et on se retrouve avec des gamins qui multiplient les troubles du comportement.

Le rapprochement des équipes éducatives et psychologiques, en soutien de la pédopsychiatrie, me semble être un axe prometteur. Je porte un grand intérêt à l’expérimentation qui a consisté à introduire une structure d’IME dans les établissements scolaires où une classe se fermait. De cette façon, l’équipe pluridisciplinaire de l’IME peut accompagner les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et les équipes d’Aesh. L’enfant peut ainsi passer d’une étape à l’autre, dans un sens ou dans l’autre, parce que les troubles du comportement peuvent évoluer avec le temps. Il faut faire équipe et disposer d’équipes mobiles faisant de l’aller vers. À La Réunion, par exemple, nous disposons de formidables équipes pluridisciplinaires, composées d’un éducateur de la PJJ, d’un assistant social et d’un psychologue, en lien avec le pédopsychiatre. Tout cela permet de faire de l’aller vers, d’accompagner la parentalité et de bien distinguer ce qui relève de la pédopsychiatrie et ce qui n’en relève pas.

S’agissant de la justice des mineurs, je travaille de concert avec le ministre de la justice. Nos concitoyens, j’en ai conscience, ont du mal à comprendre certaines décisions des juges des enfants, des juges aux affaires familiales, des juges correctionnels, en particulier dans les familles qui vivent des violences intrafamiliales ou sexuelles. Je suis mobilisée sur ces questions, notamment sur celle des parents dits protecteurs, qui se sentent insuffisamment entendus : après avoir dénoncé des violences familiales, ils doivent encore accepter le droit de visite ou d’hébergement du parent mis en cause. Le temps de l’enquête, la présomption d’innocence, la protection des enfants, la parole et l’écoute de cette parole sont des sujets essentiels. Il y a eu – je le dis en tant que magistrate –, un effet Outreau, qui a sidéré la chaîne judiciaire – police et justice incluses. Les lois de 1998 ont levé le voile sur les affaires d’infractions sexuelles. De nombreuses plaintes ont alors été enregistrées, puis il y a eu un coup d’arrêt avec le procès d’Outreau, qui a tétanisé les enquêteurs et les magistrats, parce qu’ils ont compris que la parole pouvait conduire à des erreurs judiciaires.

Il faut redonner confiance à ces professionnels et faire en sorte qu’ils écoutent mieux la parole des enfants et des parents. Il faut un après-Outreau. Il faut écouter la Ciivise, qui a souligné qu’on n’écoute pas suffisamment les parents protecteurs et les enfants. Il faut faire bouger les lignes, même si c’est très complexe.

En outre, la coordination entre magistrats exerçant des offices différents est compliquée. Le juge des enfants n’est pas le juge aux affaires familiales, qui n’est pas le juge correctionnel. Pour autant, les trois sont saisis des mêmes situations familiales. Quand le juge des enfants a connaissance d’une affaire classée sans suite au pénal, qu’en fait-il ? Comment traite-t-il le dossier alors que la mère lui décrit des agressions sexuelles ou des violences intrafamiliales et regrette de ne pas avoir écouté? Il faut que les professionnels de la justice se saisissent de cette difficulté, avec l’aide du ministère, afin de ne pas laisser la situation se dégrader. Pour protéger les enfants, les éducateurs mettent en avant l’aliénation parentale lorsqu’ils sont confrontés à des conflits non résolus ou non gérés. Je travaille pour remédier à ces problèmes dans le respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il faut partir de la loi du 7 février 2022 précitée dite loi Taquet et reprendre avec les juges des enfants ainsi que l’ensemble des acteurs de la justice et de l’enquête, ce qui n’a pas été adopté par le législateur, notamment en matière de formation.

Les unités d’accueil pédiatrique enfance en danger (Uaped) dont l’Assemblée a voté l’extension et le financement, sont des lieux exceptionnels qu’il faut absolument préserver. Elles permettent aux enquêteurs, médecins, éducateurs et assistantes sociales de partager leurs visions professionnelles au service des enfants et au contact des familles. Il faut s’en inspirer et peut-être y inclure le monde judiciaire.

Le tiers digne de confiance est un sujet très compliqué pour une institution qui a dû absorber – je sais de quoi je parle – la révolution que constitue la réforme du code de la justice pénale des mineurs. Il faut saluer le travail réalisé pour liquider le stock et mettre en œuvre la réforme ainsi que l’engagement des magistrats. Les juges des enfants sont souvent regardés sévèrement par les acteurs publics, mais c’est oublier qu’ils ont effectué un travail exceptionnel dans les juridictions. La crise sanitaire et le nouveau code de la justice pénale ont fortement perturbé la justice civile des mineurs. Pendant la première, toutes les décisions ont été maintenues sans voir les familles. Tous les dossiers de protection des mineurs sont en train d’être revus, venant s’ajouter au stock qui s’est constitué ainsi qu’à la hausse des saisines depuis que le voile qui a été levé sur les violences intrafamiliales.

Pour différentes raisons, nous avons besoin d’un pilotage plus fort de la justice des mineurs, respectueux de l’indépendance des magistrats. Nous manquons notamment de données ; malgré un ambitieux plan numérique, les applications du ministère de la justice ne prennent pas en considération la justice civile des mineurs. Nous devons y remédier. Les données relatives à la protection des enfants feront l’objet d’un effort particulier au sein du GIP « France enfance protégée » ; elles pourraient notamment intégrer celles dont dispose le juge des enfants.

En ce qui concerne les mineurs non accompagnés (MNA), nous sommes incapables aujourd’hui de donner des chiffres précis sur ceux qui viennent directement devant le juge des enfants, ceux qui sont pris en charge par le département, et ceux dont la situation fait l’objet de recours devant le juge des enfants ou devant la cour d’appel. Nous sommes incapables d’étayer avec des chiffres une procédure qui peut s’avérer compliquée lorsque la minorité est contestée. C’est inacceptable pour un pays comme le nôtre ! Il faut avancer sur ce sujet.

Plus de 200 mineurs de retour de zone irako-syrienne sont pris en charge sur notre territoire. Ils rentrent par trois voies : premièrement, des familles reviennent de leur propre initiative et, si elles se font connaître, elles peuvent être prises en charge au titre de la protection de l’enfance ; deuxièmement, dans le cadre du protocole dit Cazeneuve, protocole de coopération policière entre la France et la Turquie aux termes duquel les personnes expulsées du territoire turc sont prises en charge dès leur descente de l’avion en Seine-Saint-Denis ; troisièmement, dans le cadre de retours organisés par l’État, baptisés « opération Baudelaire », et sauf erreur, nous en sommes à la sixième opération.

Le dispositif de prise en charge sur notre territoire a pu être expérimenté grâce aux retours perlés. S’ils ont pu être contestés, ces retours échelonnés ont aussi permis de mieux connaître ces enfants âgés de zéro à dix-huit ans, mais aussi de former les intervenants et de développer une approche interdisciplinaire.

En Seine-Saint-Denis, les professionnels, que je remercie, ont créé un dispositif ad hoc dès l’arrivée des premiers enfants de Syrie, qui associe les cellules prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (Cepraf), dont certaines ont été dédiées aux mineurs de retour de zone, mais aussi l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse du parquet national antiterroriste, du parquet du lieu d’arrivée, du juge des enfants, ou de la protection judiciaire de la jeunesse – une mesure éducative prise par la PJJ double systématiquement celle de l’aide sociale à l’enfance du département. S’y ajoute le secteur de la santé ; l’hôpital Avicenne à Bobigny a ainsi mis en place un dispositif dédié d’accompagnement des enfants dans le temps et d’étude de leur évolution. Comment imaginer qu’un enfant de trois ans de retour de zone de guerre n’aura pas de réminiscences à l’adolescence des violences auxquelles il a assisté ? L’éducation nationale est aussi partie prenante pour favoriser l’intégration des enfants et accompagner le retour à l’école. Des familles d’accueil ont également été formées spécifiquement.

Le dispositif, créé en Seine-Saint-Denis, a été dupliqué dans les Yvelines, là où ont atterri les avions en provenance de Syrie dans le cadre des rapatriements organisés par l’État à Villacoublay. À partir de ces expériences, une instruction du Premier ministre – d’abord de Bernard Cazeneuve puis d’Édouard Philippe, enfin de Jean Castex – a été rédigée. Le dispositif est donc bien cadré. Aujourd’hui, nous avons déployé la prise en charge en matière de santé, qui est le cœur du réacteur, dans quatre agences régionales de santé – Nice, Lille, Lyon et Bordeaux.

L’objectif est d’inciter chaque département à instaurer une organisation pluridisciplinaire. La dernière instruction du Premier ministre comporte ainsi une convention qui donne aux acteurs des départements les outils et la méthode pour prendre en charge un mineur de retour de zone irako-syrienne. Compte tenu du nombre de mineurs déjà rentrés et du nombre encore attendu, il faut les répartir sur le territoire rapidement afin de ne pas créer d’embolies dans certains départements. Il faut également penser à l’avenir, autrement dit au retour des enfants dans leur département d’origine pour qu’ils retrouvent la vie, une vie – quelle vie ? L’avenir le dira.

Des crédits sont prévus, notamment en matière de santé pour financer des études de long terme sur ce dispositif. Les associations d’aide aux victimes du terrorisme nous ont aidés à écrire l’histoire de ces enfants, en demandant qu’ils soient considérés comme des victimes du terrorisme. Il est important de le dire et de le répéter. Ces enfants sont entrés sur notre territoire à bas bruit, ils doivent pouvoir vivre autrement que dans une certaine clandestinité. Il ne s’agit pas de les mettre en lumière : ce sont eux qui choisiront avec leur famille la façon de vivre cette histoire particulière. Mais nous avons un devoir de solidarité. Les familles, qui sont restées sur notre territoire, ont été mises au ban de leur quartier. La suite ne sera pas simple pour ces enfants, qui sont victimes du terrorisme, mais aussi de leurs parents. C’est une autre forme de trauma infantile à partir duquel se reconstruire ne sera pas chose aisée.

M. Bruno Studer (RE). En ce qui concerne l’application de la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, communément appelée loi sur les influenceurs, disposez-vous des premiers résultats de la consultation publique sur le décret prévu par son article 3 que la direction générale des entreprises a organisée en septembre dernier. Quant à l’article 7, où en est le rapport sur l’évaluation du renforcement de la protection des données des mineurs depuis l’instauration du règlement général sur la protection des données (RGPD) ?

Mme Francesca Pasquini (Ecolo-NUPES). Je n’ai pas eu de réponse à mon interpellation sur les 14 000 places d’hébergement supprimées.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). S’agissant de la prise en charge psychologique des enfants victimes de violences, il y a aussi des exemples encourageants. Ma circonscription abrite ainsi un institut psychothérapique de jeunes qui est désireux d’accroître ses capacités d’accueil mais ne peut pas le faire faute de moyens pour payer des médecins pédopsychiatres en formation, pourtant demandeurs. Il lui manque 30 000 euros par an – j’avais saisi votre prédécesseur, Adrien Taquet, à ce sujet. Ma circonscription compte également un centre éducatif fermé en milieu rural dans lequel il est difficile de faire venir des pédopsychiatres pour assurer une prise en charge psychologique.

Le juge fait peu usage de la possibilité de suspendre l’autorité parentale. Comment l’expliquez-vous ?

Mme Alexandra Martin (LR). Je note avec beaucoup d’espoir que vous prenez très au sérieux le suivi des enfants souffrant de troubles cognitifs – ces handicaps invisibles que sont les dyslexies, les troubles de l’attention, mais aussi les hauts potentiels, qui sont souvent pour les familles un véritable cataclysme. Les Aesh sont, vous l’avez dit, un maillon essentiel dans l’accompagnement de ces enfants. Or force est de constater, un mois et demi après la rentrée scolaire, que de nombreux enfants n’ont toujours pas d’Aesh à leurs côtés ou doivent la partager alors que leur cas exige un accompagnement individuel. Que comptez-vous faire pour renforcer le dispositif et la formation de ces personnes essentielles ?

M. Léo Walter (LFI-NUPES). La Ciivise a publié le 31 mars un rapport sur son travail dont les conclusions sont aussi effrayantes que salutaires. Le fléau des violences intrafamiliales faites aux enfants, notamment de l’inceste, n’est malheureusement pas une nouveauté ni une découverte. Ce qui l’est, en revanche, c’est la prise de conscience de l’ampleur du phénomène qui n’épargne aucune catégorie sociale, aucun milieu, aucune institution. Je me souviens de la sidération des enseignants lorsqu’au début de l’année 2021, des études ont montré que dans chacune de leur classe, au moins un enfant, sans doute deux, en était victime. Je me souviens aussi de leur désarroi et de leur solitude pour y faire face en tant qu’adulte, en tant que pédagogue ou en tant qu’éducateur.

Le rapport de la Ciivise trace quatre axes pour agir : repérer, traiter, réparer et prévenir. Il présente vingt préconisations courageuses, concrètes et réalisables. Il apporte enfin les réponses que les professionnels de l’enfance et de la jeunesse attendent pour combattre et éradiquer ce fléau. La synthèse qui ouvre le rapport le dit avec force : la protection des enfants n’attend pas. Comptez-vous suivre ces préconisations et associer les parlementaires, en particulier celles et ceux qui composent la délégation, à l’élaboration d’un plan d’action gouervnemental ?

Mme Michèle Peyron (RE). Dans un communiqué du 6 avril 2021, Adrien Taquet et Sophie Cluzel avaient proposé des actions interministérielles visant à renforcer la prise en charge des troubles du neurodéveloppement, notamment la détection qui fait souvent défaut. Ce plan d’action reposait notamment sur la diffusion aux cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip) d’une liste de médecins experts de l’autisme, des troubles dys et Tadh ainsi que des troubles spécifiques du langage et des apprentissages mais aussi de magistrats chargés de faire sous cinq jours un diagnostic. Le groupe de travail interministériel créé sous le précédent quinquennat continuera-t-il sa tâche dans les mois à venir ?

Mme Servane Hugues (RE). Pour la rentrée 2022, le budget de l’école inclusive représentait 3,5 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 66 % depuis 2017, preuve de la volonté de bâtir une société plus juste. Cela dit, les Aesh ne doivent pas se substituer aux enseignants, aux médecins ou aux psychologues. L’intégration des enfants en situation de handicap doit s’étendre au temps périscolaire, ainsi qu’aux loisirs afin d’assurer la sociabilisation et l’épanouissement de l’enfant. Comment passer d’une approche individuelle à une approche collective pour garantir efficacement l’inclusion de nos enfants en situation de handicap ?

Mme Charlotte Goetschy-Bolognese (RE). Chaque année, 2 500 enfants atteints d’un cancer sont diagnostiqués en France. Derrière ces chiffres, ce sont de véritables drames que vivent les familles. Elles doivent effectuer une demande d’allocation, telle que l’allocation journalière de présence parentale (Ajpp) ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (Aeeh). Pour la première, le délai de traitement des dossiers est de trois mois ; pour la seconde, il peut varier considérablement d’un département à l’autre.

Cette situation vient ajouter du drame au drame pour les familles. Les conséquences financières peuvent être désastreuses, en particulier pour les familles monoparentales. Pire, il arrive parfois que l’aide ne soit versée qu’après le décès de l’enfant.

La fraude à ces deux allocations est quasiment inexistante. Votre secrétariat d’État mène-t-il une réflexion dans le but de simplifier et d’accélérer le traitement de ces dossiers ?

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Mon intervention ne sera pas consensuelle, mais le contexte ne l’est pas. J’exprime ma colère de députée mais aussi d’éducatrice dans le domaine de la protection de l’enfance ainsi que celle de mes collègues.

Depuis des années, et le dernier mandat l’a bien montré, le gouvernement ne semble capable de réagir qu’à des reportages médiatiques – la loi du 7 février 2022 précitée dite loi Taquet en est un parfait exemple. Vous n’écoutez pas la colère des professionnels. Pourtant, la violence et la souffrance que vivent les enfants et les professionnels sont permanentes depuis bien trop longtemps.

Je m’adresse à la magistrate que vous êtes : comment accepter dans un pays comme le nôtre des placements non exécutés dans de nombreux départements, ce qui signifie que des enfants sont contraints, faute de places, de rester vivre au domicile familial malgré le danger ? Je n’entends aucune annonce sur le sujet, alors que la situation s’aggrave mois après mois.

Mme la présidente Perrine Goulet. La loi dite Taquet faisait aussi suite à une mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance dont nombre des recommandations ont été reprises. Nous ne travaillons donc pas seulement en réaction à l’actualité et la loi ne fait pas tout. Cela dit, je partage la colère des éducateurs. 

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État. J’ai eu la chance immense de diriger une administration qui comptait des milliers d’éducateurs et de cadres. Je connais donc bien la colère des éducateurs et la réalité du terrain. En qualité de magistrate, je mesure parfaitement la difficulté de la tâche des juges des enfants. Certains choisissent aujourd’hui d’abandonner le métier, c’est un signe auquel je suis particulièrement attentive d’une évolution négative pour des métiers autrefois attractifs.

Le Président de la République s’est déjà mobilisé lors du précédent quinquennat en faveur de la protection de l’enfance – la loi du 7 février 2022 précitée en témoigne. Toutefois, le choix de placer mon secrétariat d’État auprès de la Première ministre montre la volonté du Président de mettre le judiciaire et l’éducation nationale au cœur de la politique de protection des enfants là où mon prédécesseur s’était davantage intéressé à la santé et à la solidarité. J’ai été choisie pour trouver des solutions mais la situation n’est pas simple. Nous vivons dans une société de violence. C’est la raison pour laquelle l’éducation est centrale. Nous devons tordre le bras à l’idée selon laquelle, en matière de pornographie, la protection des données et celles de nos enfants peuvent être mises sur le même plan.

Un plan sera présenté à l’issue du comité interministériel de l’enfance qui doit se tenir le 21 novembre prochain. À cette occasion, seront définies les actions à mener à la suite du rapport de la Ciivise. Plusieurs réunions ont déjà été organisées entre les ministères. Deux préconisations formulées par le rapport ont déjà été retenues, les autres étant à l’étude : d’une part, la grande campagne de sensibilisation sur les violences sexuelles, que nous lancerons en février 2023 ; d’autre part, la création d’un dispositif d’accompagnement des professionnels confrontés à la révélation de délits sexuels. Il n’est pas facile pour des maîtresses d’école, des éducateurs, des médecins libéraux d’avoir à gérer de telles révélations.

J’ai largement évoqué l’accueil des enfants handicapés en soulignant l’importance de la pluridisciplinarité des équipes au sein desquelles les Aesh doivent trouver leur place. Nous sommes, et vous l’avez bien dit, sous forte pression à cause de la hausse des prescriptions d’accompagnement notifiées par les maisons départementales des personnes handicapées (Mdph). Nous avons réalisé de gros progrès grâce aux plateformes de diagnostic. Les enfants sont plus nombreux à être diagnostiqués donc à avoir besoin d’être accueillis. Nous devons maintenant travailler sur les long, moyen et court termes pour garantir le meilleur accompagnement. La situation reste inacceptable pour bien des enfants, il faut donc agir vite. Nous sommes pleinement mobilisés, les moyens supplémentaires en sont la preuve, mais ils ne sont pas encore arrivés jusqu’au dernier kilomètre, si cher à notre Président de la République. Le sujet sera abordé lors du comité interministériel.

En ce qui concerne la prise en charge des parents qui viennent d’outre-mer et la facilitation des démarches lorsqu’un enfant est atteint d’un cancer, il ne devrait pas y avoir de débat. Je m’engage à faire bouger les lignes autant que possible, le plus rapidement possible, tant la situation est inacceptable.

Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, et moi avons réuni l’ensemble des associations la semaine dernière et saisi la Première ministre ainsi que le Président de la République du problème posé par la diminution du nombre de places d’hébergement d’urgence. Les chiffres sur le nombre d’enfants à la rue, même s’ils sont difficiles à établir, sont plus importants que ceux mis en avant par les associations, nous en avons bien conscience. Nous travaillons, d’une part, pour éviter la fermeture d’un trop grand nombre de places, sachant que la solution de l’hébergement d’urgence n’est jamais durable ; en outre, les hôtels auxquels nous avions eu recours pendant le covid demandent aujourd’hui à accueillir plutôt des touristes. D’autre part, nous travaillons sur la répartition sur l’ensemble du territoire des enfants, dans le respect de la vie des familles, afin de soulager certaines métropoles qui sont congestionnées. Il n’est pas simple d’éloigner les enfants des lieux où ils sont parfois suivis dans un hôpital mais cela peut leur offrir une vie meilleure grâce à des logements plus adaptés et des équipes bienveillantes pour les entourer.

Olivier Klein et moi avons créé un petit groupe de travail agile entre nos directions pour faire des propositions très concrètes d’accompagnement de certaines familles vers des territoires plus bienveillants, notamment celles comptant des enfants en grande fragilité. Il est évidemment inacceptable qu’un enfant soit à la rue en 2022.

Monsieur Bruno Studer, la concertation avec l’ensemble des acteurs du numérique s’est achevée le 6 octobre. Leurs réponses sont en cours d’exploitation par les administrations concernées. Nous devrions donc rapidement pouvoir prendre le décret. Je suis plutôt optimiste sur la possibilité d’impliquer les plateformes et l’ensemble des acteurs afin de renforcer l’impact du texte.

S’agissant des influenceurs, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Pour éviter d’être inexacte, je préfère revenir vers vous.

Mme la présidente Perrine Goulet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie, et vous propose que nous fassions un point d’étape dans quelques mois.

 

La séance est levée à neuf heures quarante.

 

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Paul Christophe, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Sophie Errante, M. Philippe Fait, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, Mme Perrine Goulet Mme Servane Hugues, Mme Laure Lavalette, Mme Karine Lebon, Mme Christine Loir, Mme Alexandra Martin, Mme Marianne Maximi, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Alexandre Portier, M. Éric Poulliat, Mme Angélique Ranc, Mme Isabelle Santiago, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Bruno Studer, Mme Isabelle Valentin, M. Léo Walter.

 

Excusés. - M. Perceval Gaillard, Mme Hélène Laporte, M. Hervé Saulignac.