Compte rendu

Groupe de travail sur le développement durable de l’Assemblée nationale

 Audition de M. Jason Saniez, chef de projet « administration publique », The Shift Project. 2

 

 


Mercredi 25 janvier 2023

Séance à 13 heures 45

Compte rendu n° 6

 

Présidence de

M. Jean-Marc Zulesi,

Vice-président


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L’audition commence à treize heures cinquante.

 

Le groupe de travail sur développement durable de l’Assemblée nationale a auditionné M. Jason Saniez, chef de projet « administration publique », The Shift Project.

 

M. le président Jean-Marc Zulesi. Monsieur Saniez, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation pour participer à ce groupe de travail qui a vocation à transformer l’Assemblée nationale. Cette audition constitue un complément à celle de M. Laurent Delcayrou, chef de projet au sein du Shift Project. Nous allons pouvoir échanger autour du rapport « Décarboner l’administration publique » et vous pourrez partager les propositions qui peuvent, selon vous, être transposées à l’Assemblée nationale. Vous pourrez également évoquer votre ambition sur le sujet ainsi que ce qu’il vous semble utile de mettre en place, notamment au regard du travail réalisé sur la rénovation thermique des bâtiments publics. Nous lancerons d’ailleurs une mission d’information commune, sur ce sujet de la rénovation énergétique des bâtiments, entre la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et la commission des affaires économiques. Un récent article du journal Le Monde a déterminé que la rénovation devait porter sur une surface de 400 millions de m², dont un quart relève de l’État.

M. Jason Saniez, chef de projet « administration publique », The Shift Project. Je vous remercie pour cette invitation et je commencerai par vous présenter le contexte du rapport qui a été produit. Celui-ci intervient effectivement dans le cadre du plan de transformation de l’économie française (PTEF), initié au début de la crise du Covid-19, et qui vise à définir des leviers et une trajectoire pour aligner l’économie française sur l’ambition des objectifs de Paris ainsi que sur la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Ce rapport se décompose en quinze grands secteurs, dont l’un porte sur l’administration publique. Celle-ci, composée de l’État, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale, représente effectivement une part des actifs physiques et des émissions de gaz à effet de serre du territoire : il est donc nécessaire qu’elle produise sa part d’effort sur le sujet.

En outre, un aspect symbolique caractérise les travaux menés sur l’administration publique, car si elle est en mesure d’appliquer ce qui est demandé aux citoyens, elle acquiert une légitimité et une crédibilité certaines. Face aux enjeux de changement climatique et de dépendance aux énergies fossiles, l’État et les administrations vont réfléchir aux moyens d’être résilients vis-à-vis des différents chocs afin de garantir la continuité du service public. Enfin, l’investissement dans ces enjeux produit un effet d’entraînement à la fois sur le sujet de la commande publique, sur les agents et sur les usagers qui se présentent dans les établissements. En effet, l’inscription de l’administration publique dans une trajectoire de décarbonation ambitieuse crée un effet moteur sur les autres pans de la société.

Nous avons réalisé un diagnostic de l’état des administrations publiques vis-à-vis de ce sujet. Nous avons constaté que cette transition était bel et bien engagée, notamment avec des agents et des élus qui portaient un discours sur la volonté de transformation des organisations. Cependant, cette transition est insuffisante et elle doit être davantage alignée avec les accords de Paris ou la SNBC.

Le premier pilier pour parvenir à une bonne stratégie correspond à la réalisation du bilan de gaz à effet de serre (bilan GES), car celui-ci représente un élément indispensable à l’identification des bons leviers et à la définition d’une trajectoire. Au moment de la sortie du rapport, nous avions constaté qu’environ 20 % des établissements publics avaient réalisé et publié leur bilan GES. En outre, le taux de conformité de ces bilans vis-à-vis des scopes 1, 2 et 3 était de l’ordre d’un sur dix. Cependant, la qualité de l’information disponible au départ est importante pour la définition d’un plan. Si nous ne savons pas quels sont les impacts des établissements publics, il est en effet impossible d’identifier les points sur lesquels concentrer l’action.

En outre, nous manquons d’ambition par rapport à la trajectoire. Les objectifs présentés s’appuient sur des indicateurs qui ne sont pas forcément directement en lien avec l’objectif de 1,5 degré ou de neutralité carbone à horizon 2050. Par exemple, certains objectifs de niveau de décarbonation de la flotte de véhicule peuvent être poursuivis sans ambition de présenter des objectifs de réduction des émissions liées aux déplacements engendrées par ces véhicules. À l’époque de la sortie du rapport, nous ne parlions pas encore de sobriété et celle‑ci n’était donc pas encore identifiée comme un levier de décarbonation. La situation a évidemment évolué, même si le plan de sobriété s’inscrit dans un contexte de tension sur l’approvisionnement des énergies. Il reste cependant à examiner les usages relatifs au logement, au déplacement et à la consommation.

Les leviers d’action sont connus pour les administrations comme pour les entreprises. Ils portent, pour une administration publique, sur les bâtiments, les déplacements, la restauration collective et les achats, qui regroupent la partie numérique, les fournitures et les prestations de service. Le volet numérique pourrait d’ailleurs être isolé et constituer un levier d’action à part entière.

Au sujet des bâtiments, nous pouvons par exemple réduire les consommations énergétiques, utiliser des modes de chauffage moins carbonés et avoir recours à des systèmes de pilotage de la consommation. En outre, le périmètre des bâtiments intègre également les questions liées à la construction et à la rénovation. Par exemple, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt de construire de nouveaux bâtiments ou d’optimiser des surfaces existantes. Plus précisément, il est possible de déterminer la surface par agent actuelle et de réfléchir à la manière de l’optimiser afin de consacrer certains bâtiments existants à d’autres usages.

Par ailleurs, j’aimerais insister sur le cadre qui permet la réussite de la mise en œuvre d’un plan d’action et d’une stratégie de décarbonation. L’intérêt de réaliser un diagnostic réside dans la connaissance de la situation de départ, notamment via la définition d’ordres de grandeur. En effet, il est difficile de présenter les résultats d’une mesure appliquée, à la flotte de véhicule par exemple, si l’impact initial de celle-ci n’est pas connu. Lorsque nous réalisons le bilan GES, nous réutilisons des données d’activités et des données monétaires. Il est nécessaire de s’appuyer sur cette base de données initiale pour réaliser une trajectoire de décarbonation et la mettre en œuvre. Par exemple, nous pouvons prendre en compte les kilomètres parcourus et la quantité de carburant consommé pour les déplacements afin de réfléchir à la manière d’agir sur un de ces deux postes. Toutes ces données permettent d’objectiver les débats sur les mesures à mettre en place et de partager ces ordres de grandeur au plus grand nombre. De plus, ce point est essentiel dans l’acceptation des mesures qui seront prises, celles-ci pouvant d’ailleurs être spécifiques au contexte de l’administration. Cet exercice de transparence permet également de montrer aux collaborateurs ainsi qu’aux citoyens quel est l’objectif recherché et de communiquer sur la capacité d’atteinte de celui-ci.

Par ailleurs, il est nécessaire d’évaluer régulièrement l’atteinte des objectifs. Par exemple, nous proposons dans le rapport de réaliser un bilan GES tous les ans plutôt que tous les trois ans afin de s’assurer que les objectifs sont atteints ou non. D’ailleurs, si les objectifs sont atteints plus tôt que prévu, il sera possible de communiquer sur le sujet. Dans le cas contraire, la trajectoire pourra être réorientée plus rapidement.

Nous recommandons en outre de suivre l’approche méthodologique "éviter-substituer- améliorer", ou "avoid-shift-improve" en anglais, qui a notamment été reprise dans le dernier rapport du GIEC. La partie « éviter » concerne la réduction des usages consommateurs d’énergie ou des produits à fort contenu GES. Dans le secteur du transport et des déplacements, il est par exemple possible de réduire les kilomètres parcourus. La partie « substituer » induit de privilégier des modalités moins consommatrices d’énergie. Toujours dans le secteur des transports, il est par exemple possible de remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques. Enfin, la partie « améliorer » porte davantage sur les processus résiduels qui sont encore carbonés et sur lesquels il est nécessaire de mettre en place l’efficacité énergétique. Par exemple, même si des véhicules thermiques sont encore utilisés, il est possible de réfléchir au covoiturage ou à la mutualisation des véhicules. Il est en outre important de respecter l’ordre de cette méthodologie lors de la réflexion sur les mesures à mettre en place. La partie « éviter » est cependant la plus importante, car dans chaque scénario, nous ne pourrons pas décarboner l’ensemble des usages énergétiques actuels à la même hauteur. Dès lors, nous devons réduire l’assiette de la consommation énergétique et actionner des leviers de sobriété.

La technologie et les gains d’efficacité énergétique qu’elle amènera ne suffiront jamais à eux seuls à réduire les consommations énergétiques finales à hauteur de l’apport des capacités de production d’énergie décarbonée. Concrètement, la technologie présente des limites et il sera nécessaire de basculer vers des modalités moins consommatrices.

Lorsque nous avons été auditionnés pour le plan de sobriété, nous avions identifié des critères de priorisation. Certains d’entre eux permettent concrètement de réduire les consommations énergétiques. D’autres revêtent plutôt un aspect symbolique et montrent que l’Assemblée nationale joue le jeu de la décarbonation. En outre, des mesures permettent la sensibilisation et la motivation des agents et des élus : elles doivent être mises en place rapidement afin d’embarquer tout le monde. Si ce n’est pas le cas, il est probable que nous n’arrivions pas à conserver la trajectoire de réduction dans la durée.

Par ailleurs, il est nécessaire d’appliquer une planification à un juste rythme, car il n’est pas forcément judicieux de s’engager dans l’ensemble des leviers d’un seul coup. En effet, il est demandé de respecter une trajectoire de réduction à hauteur de 5 % par an. Nous constatons que les administrations, et notamment les collectivités, disposent d’une liste importante de leviers à actionner, mais les réflexions portant sur la manière dont ils permettront d’atteindre les objectifs ne sont pas toujours suffisamment menées. Il est donc judicieux d’identifier les leviers qui permettront de respecter la trajectoire à court terme et sans trop de frais. Il faut ensuite réfléchir aux leviers qui seront mis en place dans le temps et qui permettront d’enregistrer des gains à une plus large échelle de temps. De cette manière, personne ne sera surpris par l’évolution et le cadencement de ces leviers. De surcroît, définir un calendrier ou une marche à suivre facilite l’acceptation des efforts qui doivent être consentis.

Enfin, le pilotage passe par l’évaluation. Concrètement, le choix des leviers à mettre en place doit prendre en compte la difficulté à piloter et à évaluer les gains engendrés par ces différents leviers. Nous recommandons en effet de communiquer sur les gains réalisés, ce pour quoi il est nécessaire d’évaluer les mesures mises en œuvre.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous devrons donc mettre en œuvre l’évaluation la plus fine possible afin d’être pertinents. J’aimerais d’ailleurs avoir votre avis ou vos recommandations sur des outils qui permettent d’effectuer un suivi de ce sujet. De plus, certaines mesures plus incitatives pourraient être prises, notamment vis-à-vis du type de véhicules utilisés. Cependant, je me demande comment il est possible d’évaluer les gains que représente une telle mesure sur le bilan GES.

M. Jason Saniez. La personne en charge de réaliser le bilan GES devra réfléchir aux données dont elle dispose pour appréhender le sujet des déplacements des parlementaires. Il est clair que des outils devront être mis en place pour suivre ce sujet. Par exemple, les administrations travaillent souvent avec une flotte de véhicule et il est possible de mettre en place un boîtier télématique qui enregistrerait automatiquement les différentes données relatives aux véhicules, comme la durée d’utilisation, la consommation ou le régime d’utilisation. Dans le cas de location de véhicules, il est possible de demander que ces données fassent partie du marché. Ce type de mesure permet en effet d’éviter les approximations.

Lorsque le bilan GES sera réalisé pour la première année, les données ne seront peut-être pas encore d’une extrême finesse, mais la collecte de la donnée doit également progresser au fil du temps. En synthèse, des outils simples doivent être privilégiés, notamment pour la transmission des données déclaratives. Évidemment, plus la donnée sera fine, plus il sera possible d’évaluer les gains avec précision.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous connaissons certains moyens d’évaluation pour connaître approximativement notre bilan carbone. Connaissez-vous des outils pertinents que nous pourrions mettre en place à l’Assemblée nationale ?

M. Jason Saniez. Je recommande de ne pas utiliser d’outils automatiques. Par exemple, nous ne sommes pas favorables aux outils qui se basent sur les flux monétaires pour calculer les émissions de gaz à effet de serre. En effet, les facteurs d’émissions sont difficiles à connaître à partir de lignes comptables et il suffit de réduire les dépenses pour réduire le bilan GES. Il est préférable de garder en tête qu’il est nécessaire de disposer d’un réseau de données assez robuste. Cette collecte a d’ailleurs vocation à s’automatiser au fil du temps. Cependant, la logique des flux financiers est proche de celle du bilan carbone : en effet, nous disposons d’un budget qu’il convient de piloter et d’atteindre. Dès lors, une structure technique et organisationnelle est nécessaire à sa réussite. Il est donc opportun de se projeter dans ce type de schéma, même s’il ne faut pas forcément créer une comptabilité carbone à l’image de la comptabilité financière.

Par ailleurs, quatre axes structurent la démarche. D’abord, une gouvernance doit être mise en place pour suivre le déploiement des mesures. Ensuite, la partie compétence et formation doit permettre d’embarquer l’ensemble des acteurs dans la démarche de réduction des gaz à effet de serre. De plus, le volet budgétaire doit déterminer les moyens nécessaires pour atteindre les ambitions fixées, ce qui ne devrait pas poser de trop importants problèmes pour l’Assemblée nationale. Le budget vert permet quant à lui de regarder dans quelle mesure les dépenses ont un impact positif ou non sur la trajectoire de décarbonation. Enfin, le pilotage représente le quatrième axe majeur, car l’évaluation permet de communiquer sur les résultats enregistrés. En revanche, si l’Assemblée nationale ne s’inscrit pas dans une logique de transparence, l’impact des mesures sera amoindri. Par ailleurs, lorsque le bilan GES aura été réalisé, il pourrait être utile de le comparer à une organisation équivalente, même si l’Assemblée nationale est unique.

Quand nous échangeons avec des responsables d’administration, ceux-ci sont capables de nous lister de nombreux leviers qui sont déjà mobilisés. Réaliser le bilan GES met donc aussi en évidence toutes les dispositions qui ont déjà été prises pour la réduction des émissions. Enfin, il est conseillé de s’appuyer sur les agents et les élus qui sont prêts à agir et à s’investir. En effet, Malcolm Gladwell s’est aperçu que, lorsque 10 % d’une organisation était embarquée, un point de bascule était atteint et le reste de l’organisation suivait le mouvement. Concrètement, cet élan accélère la mise en œuvre des leviers.

À la sortie du rapport, nous avions lancé un « Appel des agents publics pour décarboner les services publics » qui avait récolté six mille signatures. Ces personnes voulaient que ces sujets progressent plus rapidement au sein de leur organisation. Des collaborateurs, des parlementaires et des agents seront également favorables à ces mesures. Faire appel à toutes les bonnes volontés redonne du sens à l’action interne menée au sein d’une organisation.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure. Nous allons réaliser un bilan GES et nous devrons concevoir un outil de pilotage adapté à la structure pour suivre plus finement les évolutions qu’avec un bilan annuel. Je sais notamment que l’ADEME accompagne ces procédés. Par exemple, un salarié identifié peut prendre en charge le suivi de ce sujet.

M. Jason Saniez. Je ne connais pas exactement l'outil utilisé par l’ADEME, mais cette question est liée à la réalisation du bilan GES et aux spécificités de l’Assemblée nationale. En effet, certaines données seront nécessaires pour suivre et évaluer les différents postes. Le bureau d’études qui réalisera le bilan demandera certaines informations métriques et il pourra en outre calculer ou approximer des données à partir de certaines données physiques. De plus, toutes les tâches de compilation des données doivent être automatisées au maximum et être opérées avec la plus grande fréquence. Il est même possible de travailler avec des fichiers Excel. Certains points de blocage seront certainement rencontrés et il faudra trouver les solutions pour les dépasser. Par ailleurs, il sera nécessaire que les remontées fassent partie des fonctions transverses de l’organisation.

Enfin, j’imagine que les déplacements et les bâtiments représentent les deux principaux postes d’émissions de gaz à effet de serre de l’Assemblée nationale et ils risquent d’être assez éloignés des standards attendus.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure. Nous devons également concilier ces sujets avec les enjeux patrimoniaux. En effet, nous ne pouvons pas rénover les bâtiments en prenant uniquement en compte l’aspect de décarbonation.

M. Jason Saniez. Le Centre de ressources sur la réhabilitation du bâti ancien (CREBA) offre un appui à la maîtrise d’œuvre et il propose des plans d’action de rénovation pour les bâtiments anciens ou classés. Il s’appuie également sur un outil d’aide à la décision qui est automatisé. Concrètement, il permet d’optimiser les travaux à réaliser. En synthèse, les technologies sont identifiées et existantes : il n’est donc pas toujours nécessaire de modifier l’aspect extérieur des bâtiments.

L’Assemblée nationale dispose d’un certain budget et le patrimoine bâti est relativement limité. Il est donc possible de définir une trajectoire qui permettra d’atteindre les objectifs fixés à horizon 2050. Au vu du nombre restreint de bâtiments, il est déjà possible de définir une cadence de rénovation de ceux-ci.

En revanche, les déplacements posent d’autres questions. Il sera d’ailleurs nécessaire de parvenir à réaliser un bilan GES assez fin et intégrant de la métadonnée. Concrètement, plutôt que de simplement connaître le nombre de trajets en avion effectués, il est utile de savoir quels profils sont concernés par les différents types de déplacement. Tous ces sujets doivent être mis sur la table et les contextes ainsi que les disparités doivent être exposés afin de pouvoir débattre en toute transparence.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure. Les trajets en avion ne peuvent pas être supprimés ou trop diminués. En effet, il n’est pas possible de demander aux députés d’Outre-mer de venir moins souvent à Paris. Je pense donc que les déplacements représentent un poste où de nombreux éléments seront incompressibles.

M. Jason Saniez. Toutefois, certaines personnes peuvent décider de réaliser une part plus importante que ce qui leur est demandé. Concrètement, il est difficile de prendre des décisions générales et applicables à tous.

M. le président Jean-Marc Zulesi. La question de la compensation obligatoire se pose également.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). En effet, car ces déplacements relèvent tout de même d’un enjeu démocratique.

M. Jason Saniez. Les sujets doivent être envisagés dans le temps long et les considérations évolueront certainement. Par exemple, certains déplacements pour des votes en commission pourraient être réalisés à distance à l’avenir.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure. Des commissions et des séances dans l’hémicycle sont organisées toutes les semaines. Concrètement, le calendrier de l’Assemblée nationale ne permet pas forcément de réduire les déplacements vers Paris. Dès lors, le seul levier disponible correspond à la modification du calendrier et cette question me semble complexe à l’heure actuelle. Toutefois, nous pourrions réfléchir à la possibilité de ne pas siéger une semaine par mois.

M. Jason Saniez. Il est plutôt question d’optimiser les temps de présence.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure.  J’habite à une heure de train de Paris, ce qui me permet d’effectuer de nombreux allers-retours entre Paris et ma circonscription. Il est donc également nécessaire de ne pas créer trop d’inégalités entre les parlementaires.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Le sujet de la compensation carbone est relativement critiqué. Quel regard portez-vous sur celui-ci ?

M. Jason Saniez. Il est nécessaire de différencier les objectifs de décarbonation de ceux liés à l’augmentation des puits de carbone. Autrement dit, la compensation ne doit pas freiner la réduction des émissions. Pour parvenir à la neutralité carbone, il revient à la fois de réduire les émissions et d’augmenter les puits de carbone à l’échelle de la France. L’Assemblée nationale doit donc atténuer son taux d’émission et, simultanément, elle peut recourir à des formes de compensation qui contribuent au développement des puits de carbone. Si la compensation est trop rapidement privilégiée à la réduction des émissions a priori incompressibles, le débat sur ce qui est compressible ou non va tourner court. En synthèse, il est possible d’augmenter la contribution aux puits de carbone tout en poursuivant la réduction des émissions.

En outre, le calcul du gain effectif lié à la compensation est difficile à saisir, car les normes sont très limitées autour des projets de compensation. En effet, vous obtenez des certificats de compensation d’émission lorsque vous plantez des arbres. Ceux-ci quantifient le niveau d’absorption des gaz à effet de serre sur l’intégralité du cycle de vie des arbres. Dès lors, l’absorption du carbone prévue par la compensation est progressive alors que les émissions sont émises immédiatement. Il peut en outre arriver que l’arbre soit abattu ou qu’il meure. De plus en plus d’entreprises privées s’aperçoivent désormais que la compensation est un sujet complexe.

Poser aujourd’hui des idées qui ne sont pas encore audibles permet tout de même de faire progresser le débat. Par ailleurs, le bilan GES détaillé offrira de nombreuses informations sur les possibilités de réduction des émissions. La prochaine SNBC et les travaux de l’ADEME offrent également des pistes concrètes de réduction. Des émissions réellement incompressibles subsisteront cependant et celles-ci pourront être compensées par des efforts plus importants sur d’autres postes à l’échelle de l’organisation. Toutefois, il est clair qu’il sera nécessaire de diminuer le nombre de trajets en avion à l’avenir. Il est, par conséquent, probable que davantage de votes seront effectués à distance. D’ailleurs, je pense que cette modalité a été utilisée pendant la crise sanitaire.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Plus précisément, des jauges avaient été définies et celles-ci respectaient les différents équilibres. Cependant, nous n’avions pas recours au vote à distance.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure. La neutralité carbone doit être atteinte à l’échelle du pays. Dès lors, quelques trajets en avion peuvent tout de même être conservés pour ce type d’activités essentielles.

M. Jason Saniez. Nous parlons aujourd’hui de la neutralité carbone à l’échelle de l’Assemblée nationale, mais ce sujet ne représente pas forcément un objectif à atteindre absolument. Cependant, il est tout de même nécessaire de tendre au maximum vers celui-ci.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Il serait déjà opportun d’appliquer les dispositions inscrites dans la loi Egalim. Je comprends que vous insistiez sur l’évaluation et sur la formulation de réelles propositions. Je suis, pour ma part, favorable à entreprendre une réelle démarche pour les repas. Actuellement, nous avons accès à des repas végétariens et l’application de la loi Egalim à la restauration au sein de l’Assemblée nationale représente un jalon important.

M. Jason Saniez. L’application de la loi est effectivement une première étape, car je pense que le poste de la restauration ne sera pas négligeable. Les leviers sont connus sur le sujet et ils sont réellement efficaces. Si les comportements d’alimentation se modifient, une très forte baisse des émissions peut être enregistrée sur ce poste de la restauration. Par ailleurs, ce sujet ne fait pas réellement face à des difficultés techniques, car il s’agit davantage de mener des actions de sensibilisation et d’accompagnement.

En outre, en se fixant un cadre ambitieux, l’Assemblée nationale envoie un message fort à la population parlementaire, qui retourne ensuite dans les circonscriptions. Par ailleurs, l’expérimentation des contraintes liées à la mise en place des leviers de décarbonation représente le meilleur moyen de définir une bonne politique publique.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je vous remercie, monsieur Saniez, pour l’audition de ce jour. Vous pouvez d’ailleurs nous envoyer des documents complémentaires si vous le souhaitez.

Mme Lisa Belluco, co-rapporteure. Vous avez l’habitude de ce type travaux et, en organisant une audition ponctuelle, nous pourrions contrôler que nous nous engageons dans la bonne voie.

M. Jason Saniez. Nous pourrons effectivement nous rencontrer à nouveau, notamment après la réalisation du bilan GES et sa restitution. Sa réalisation implique aujourd’hui la production de livrables et de sous-livrables qui offrent un réel appui pour structurer le travail à venir. D’ailleurs, ce bilan GES peut être internalisé s’il est réalisé annuellement, ce qui permet d’assurer une réelle continuité dans le suivi des hypothèses de départ.

La séance s’achève à quatorze heures cinquante-cinq.

 


Membres présents ou excusés

Groupe de travail sur le développement durable

 

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 13 h 55

 

Présents. - Mme Lisa Belluco, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Pierre Cazeneuve, Mme Marie Guévenoux, Mme Florence Lasserre, Mme Alexandra Masson, Mme Marie Pochon