Compte rendu

Commission d’enquête visant
à établir les raisons de la perte de
souveraineté et d’indépendance
énergétique de la France

– Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Ristori, ancien directeur général de l’Énergie auprès de la Commission européenne (2014-2019).              2

– Présences en réunion................................19


Mercredi
1er mars 2023

Séance de 20 heures

Compte rendu n° 48

session ordinaire de 2022-2023

 

Présidence de
M. Raphaël Schellenberger,
Président de la commission
 


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Mercredi 1er mars 2023

La séance est ouverte à 20 heures.

(Présidence de M. Raphaël Schellenberger, président de la commission)

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M. le président Raphaël Schellenberger. Nous reprenons les travaux de notre commission d’enquête en recevant monsieur Dominique Ristori, ancien directeur général de l’énergie auprès de la Commission européenne. M. Ristori, je vous remercie d’avoir répondu favorablement à notre invitation.

Les travaux d’une commission d’enquête du Parlement français se tiennent dans des délais restreints, ce pour quoi les mécanismes et les principes définis par l’Union européenne n’ont pu faire l’objet d’un examen approfondi alors même qu’ont été régulièrement évoquées et souvent critiquées certaines dispositions adoptées par différentes instances européennes. Plus encore, une écoute privilégiée aurait été offerte, dans le domaine de l’énergie, à certains États membres, contrairement à la France peut-être. Une des premières auditions menées par notre commission d’enquête a porté sur les données statistiques. Eurostat nous a ainsi présenté le bilan énergétique de l’Europe en le replaçant dans le contexte tendu actuel.

En outre, deux éléments relevant de la compétence de l’Union européenne ont été mis en exergue lors de nos auditions, à savoir le marché intérieur dans ses deux dimensions, c’est-à-dire la formation des prix et l’accès concurrentiel des entreprises au marché, et les interconnexions, notamment des réseaux électriques. En effet, ce marché ne correspond pas uniquement à des règles d’échange, mais aussi à des infrastructures physiques de réseau. Ces deux préoccupations relèvent de la politique de l’Union européenne dans le domaine énergétique et elles sont censées contribuer à sa sécurité d’approvisionnement, laquelle relève également de la politique de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie aux termes de l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le quatrième volet de la politique énergétique de l’Union européenne a quant à lui été abordé essentiellement au niveau national français. Le traité donne en effet compétence à l’Union européenne pour « promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ». Afin de mettre en œuvre cet objectif, divers instruments ont été mis en place au niveau européen et dotés d’une force contraignante pour les États membres. Or la filière nucléaire semble avoir été ignorée, voire mise de côté, malgré sa contribution importante et déterminante à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à la neutralité carbone. Les débats sur la taxonomie qui ont animé les derniers mois en témoignent d’ailleurs, de même que, probablement, les plans d’action et les programmes de recherche définis au niveau européen. Telle est la première impression qui se dégage des auditions de notre commission d’enquête. Votre intervention permettra peut-être de corriger, de confirmer ou d’infirmer ces sentiments.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Dominique Ristori prête serment).

M. Dominique Ristori, ancien directeur général de l’Énergie auprès de la Commission européenne (2014-2019). Je vous remercie monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs. L’Europe a reconnu, dès son origine, le caractère stratégique de la politique énergétique. Elle est née à la fin de la seconde guerre mondiale avec la CECA, car à l’époque, le charbon était dominant et l’acier était utilisé pour la reconstruction. En 1958, le traité Euratom, instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique, et le traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne, ont été signés. Après l’intervention de Suez, nous avions déjà le sentiment qu’il était nécessaire de prendre une certaine autonomie vis-à-vis du pétrole en assurant la promotion de l’atome, ce qui a mené au traité Euratom.

Ensuite, un développement de droit secondaire a eu lieu dans le domaine de l’énergie, touchant l’efficacité énergétique ainsi que le marché intérieur européen et s’appuyant sur des bases juridiques voisines ou annexes, c’est-à-dire ayant une relation avec l’énergie, en l’occurrence l’environnement et le marché intérieur. Ni l’Acte unique européen en 1986 ni les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice qui ont suivi n’ont abouti à un article énergie. En effet, il a fallu attendre le traité de Lisbonne en 2007 et l’article 194 pour avoir une définition des compétences respectives des États membres et de l’Union européenne.

Le volet de mix énergétique continue à relever du niveau national, même si les États membres peuvent se mettre d’accord sur une base volontaire pour favoriser ou atteindre un objectif en matière d’énergies renouvelables, qui elles-mêmes sont citées dans les compétences communautaires, à savoir la promotion des énergies renouvelables, de la sécurité d’approvisionnement ainsi que des interconnexions et du marché intérieur. Des compétences sont clairement partagées entre l’Union européenne et les États membres en matière énergétique. Depuis lors, toute une série d’initiatives a d’ailleurs vu le jour en lien avec à peu près tous les volets de la politique énergétique. L’approche privilégiée fut celle d’une combinaison entre des objectifs politiques convenus avec le Conseil européen sur proposition, en général, de la Commission européenne notamment, par exemple les objectifs dits « 20‑20‑20 », et un cadre réglementaire très conséquent. Celui-ci est en effet probablement le plus développé et solide à travers le monde.

Aujourd’hui, l’Union européenne a réduit de 11 % la part des énergies fossiles depuis 1990. Cette situation nous place à l’avant-garde mondiale en matière de production d’électricité décarbonée. La contribution des énergies renouvelables et du nucléaire représente environ deux tiers de la production électrique, d’ores et déjà décarbonés. Si ces progrès se poursuivent dans la ligne des nouveaux objectifs fixés, nous pourrions arriver à un taux de 95 % de la production électrique décarbonée dès 2030. Vis-à-vis de la situation de nos concurrents et partenaires, nous sommes donc les meilleurs dans ce domaine. Évidemment, cette question est liée à celle des effets en matière de souveraineté énergétique. Ce terme n’est d’ailleurs plus un tabou en Europe. Il concerne certes l’énergie, mais aussi le domaine alimentaire, les semi-conducteurs ou la santé. La France contribue d’ailleurs de manière importante à cette souveraineté en Europe, comme le prouvent les conclusions de l’agenda de Versailles, sous impulsion française.

En définitive, le développement d’un cadre de droit secondaire très important est survenu en matière d’énergie nucléaire. L’Europe représente maintenant l’espace le plus développé en termes de cadre réglementaire dans le domaine du nucléaire notamment. Ce cadre aborde par exemple les niveaux adéquats de sûreté et les questions de traitement des déchets et de combustibles usés.

De plus, les objectifs de neutralité carbone fixés à horizon 2050 ne seront pas atteints par soustraction, mais par addition. Il ne faut en effet pas choisir entre une source d’énergie décarbonée et une autre. Concrètement, il est nécessaire d’additionner les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. Évidemment, cette combinaison amènera des niveaux de dépendance bien moins importants que ceux que nous connaissons aujourd’hui.

M. le président Raphaël Schellenberger. Comment décririez-vous la spécificité du modèle énergétique français au sein du paysage énergétique européen, du moins s’il y en a une ?

M. Dominique Ristori. Effectivement, il y en a une. Si vous regardez les chiffres simples, la part des énergies fossiles en Europe - autour de 70 % - est moindre que celle de tous les autres continents. En France, cette part s’élève environ à 43 % : nous avons, par conséquent, un niveau de dépendance moins important que celui de nos voisins et partenaires européens. Dès lors, il me paraît très important de ne pas surestimer les conséquences d’une situation de crise, qui est, par essence, temporaire.

Nous avons vécu récemment une sorte de triple tsunami.

Premièrement, les conséquences du Covid-19 et la reprise économique qui y a succédé ont amené une tension très forte sur les prix de l’énergie.

Deuxièmement, la guerre russo-ukrainienne a entraîné la perte, en un an, d’environ 100 milliards de mètres cubes de gaz. Si vous aviez demandé à n’importe quel expert avant cet évènement quelles auraient été les conséquences pour l’énergie en Europe, je pense que tous vous auraient dit que nous allions droit dans le mur. Le gaz est en effet très important pour la production d’électricité. Or vous avez vu que nous traversons l’hiver avec des résultats plus que satisfaisants en termes de gestion grâce aux efforts consentis. La France se distingue tout de même par le fait que l’approvisionnement russe qui a été coupé ne représentait qu’une part faible de son mix énergétique et de son approvisionnement. Outre la prépondérance du nucléaire, notre pays se caractérisait en effet par une diversité de fournisseurs, tels que la Norvège ou l’Algérie.

Troisièmement, nous avons connu une crise nucléaire en termes de temporalité, car plus de la moitié du parc a été rendu indisponible par le phénomène de corrosion sous contrainte. Celui-ci était imprévisible, car il n’atteint visiblement pas les réacteurs les plus anciens. Cependant, grâce à la très bonne gestion d’EDF, ce problème est en train d’être résorbé et nous devrions revenir à une situation beaucoup plus normale.

Il est donc très important de regarder les éléments de crise ponctuelle, de même que leur origine et les conditions dans lesquelles nous devons en sortir.

Compte tenu de la spécificité de la France en termes de bouquet énergétique, les conséquences en termes de dépendance dans le temps sont beaucoup moins graves qu’ailleurs. Cet élément représente une force. En revanche, je ne dis pas qu’il ne doit pas y avoir d’analyse permettant d’améliorer ce qui peut l’être afin de disposer des amortisseurs les plus performants possible en cas de crise. Concrètement, il faut éviter le risque de surestimation d’un élément de crise, qui est par définition temporaire.

M. le président Raphaël Schellenberger. Pourriez-vous apporter des éléments sur la spécificité du modèle français au sein du système énergétique européen ? Vous avez abordé la constitution du mix, mais j’aimerais également vous entendre sur la question de l’organisation du système énergétique français par rapport à l’organisation énergétique en Europe.

M. Dominique Ristori. L’organisation du système énergétique français part d’une situation dans laquelle vous avez la plus grande concentration de production d’énergie nucléaire au monde dans un pays donné. Cette situation découle d’un choix énergétique et industriel fort, qui a été mis en place dans un délai relativement court. Cette organisation a été définie alors que le niveau de concurrence n’était pas identique à celui qui s’est progressivement développé avec et au sein du marché européen.

Il est maintenant déterminant que les réflexions nécessaires soient menées sur les choix d’investissements. La lisibilité d’une politique énergétique est très importante pour tous les acteurs, qu’ils soient politiques ou économiques. Il est en effet nécessaire d’offrir une réelle visibilité aux acteurs et aux investisseurs y compris français. D’ailleurs, il me semble qu’aujourd’hui, une ligne claire se dessine. Elle est fondamentale, car il est important que les choix d’investissements aillent dans la bonne direction. Concrètement, l’électricité sera primordiale pour l’avenir énergétique et la décarbonation. En effet, toutes les analyses indiquent qu’il n’y aura pas simplement une augmentation de la consommation d’électricité à horizon 2050, mais une augmentation forte. Si cet élément fondamental n’est pas suivi par des décisions d’investissements suffisamment fortes pour prendre en compte cette demande, non seulement par rapport aux besoins français, mais aussi à l’échelle européenne et au-delà, des ambiguïtés ou des difficultés apparaîtront.

La Commission européenne est d’ailleurs complètement ouverte aux investissements énergétiques, y compris dans le domaine nucléaire. L’approche est quelque peu différente en termes d’accompagnement d’aides d’État entre le nucléaire et le reste, car les dossiers nucléaires sont très peu nombreux, ce pour quoi ils sont examinés au cas par cas. Toutefois, les bons dossiers sont validés. Nous faisons donc face à une situation qui n’est pas immobile, mais qui se caractérise par de grands changements des systèmes énergétiques. Ils impliquent en outre des niveaux d’investissements à la mesure des besoins et en proportion de l’importance de la demande électrique. Les investissements nécessaires doivent être dirigés vers la production et, de manière claire et préférentielle, vers les énergies renouvelables et le nucléaire, sans toutefois oublier les réseaux de transport et de distribution. Avec le développement à venir de la mobilité électrique, nous rencontrerons des problèmes si le raccordement au réseau et le développement de bornes de recharge ne sont pas suffisamment envisagés. Tous ces éléments doivent être pris en compte et ils sont observés par les investisseurs. En conclusion, une vision de ce qui est nécessaire pour la politique énergétique française en termes d’investissements pour les différents secteurs doit être dessinée. Des corrections peuvent également être apportées, notamment vis-à-vis de la lenteur qui caractérise parfois l’obtention des permis.

M. le président Raphaël Schellenberger. Vous avez été directeur chargé de la politique européenne de l’énergie à la direction générale de l’Énergie entre 1996 et 1999, puis vous avez été directeur général de l’énergie de 2014 à 2019. Entre 1996 et 2019, qu’a apporté la concurrence au système énergétique européen, notamment en matière de sécurisation des approvisionnements ?

M. Dominique Ristori. La mise en place progressive du marché intérieur de l’énergie a eu lieu via les premières directives électricité et gaz qui ont été lancées en 1996 et 1997. Elles ont été suivies par d’autres directives sorties en 2003 et en 2007 ; des compléments ont ensuite été présentés en 2016 avant d’être conclus en 2018 et 2019. Ces directives étaient basées sur quelques principes clés en matière de marché ouvert et de concurrence. Le premier d’entre eux correspondait au libre choix du fournisseur. Il devait d’abord être mis en place pour les clients industriels, puis pour les clients domestiques. Le deuxième principe est celui de l’accès non discriminatoire au réseau. Progressivement, RTE (Réseau de Transport d’Électricité) a été créé, car il était nécessaire notamment d’obéir au troisième principe, à savoir la séparation entre les activités de production ainsi que de fourniture, d’une part, et les activités de transport, d’autre part. Par ces développements et les couplages de marché, le marché intérieur a renforcé significativement la liberté de choix des consommateurs et le niveau de sécurité d’approvisionnement.

Dans la situation de crise que nous vivons, nous voyons toute l’importance des échanges d’électricité et du travail constant effectué par les gestionnaires de réseaux, les régulateurs et l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), qui s’est vu attribuer un renforcement de ses domaines de compétences pour toutes les activités transfrontalières, telles que la surveillance de la gestion des capacités. Tout ceci a permis et permet tous les jours d’éviter tout black-out important. Durant cette période de crise, nous avons par exemple envoyé du gaz à notre voisin allemand, qui nous a quant à lui fourni de l’électricité. La France dispose de six interconnexions extrêmement importantes avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Suisse et la Belgique : celles-ci contribuent de manière très importante à notre niveau de sécurité d’approvisionnement, car nous pouvons avoir besoin d’importer dans certaines situations imprévues ou de crise. La qualité des relations entre tous les acteurs, qui sont appuyées par la Commission européenne, est d’ailleurs un élément d’attention permanente, comme les groupes de crise gaz, électricité ou pétrole.

M. le président Raphaël Schellenberger. Je comprends l’enjeu des infrastructures physiques de raccordement électrique ou d’échange de stock. Je comprends aussi que ces infrastructures contribuent à assurer une meilleure sécurité d’approvisionnement. Vis-à-vis de l’électricité, elles entraînent néanmoins une fragilité supplémentaire, ou une interdépendance supplémentaire. Le rapport entre bénéfice et risque semble largement pencher du côté du bénéfice, mais il existe le risque que tout s’écroule en même temps. Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’au-delà des interconnexions physiques qui présentent, de mon point de vue, un réel intérêt en matière de sécurité d’approvisionnement, les règles de marché, et notamment l’injonction à la concurrence dans la fourniture, permettent d’assurer une plus grande sécurité d’approvisionnement aux Européens, particuliers ou entreprises ? Sur quels indicateurs pourrions-nous nous fonder pour évaluer cette question ?

M. Dominique Ristori. La Commission européenne avait demandé une étude à l’ACER, où sont représentés tous les régulateurs nationaux, dans la perspective de remettre, entre autres, un rapport au Conseil européen. Celui-ci est sorti en 2022 et il a fait état d’un bénéfice pour le consommateur européen de l’ordre de 34 milliards d’euros par an comme résultant du marché européen. Par ailleurs, les interconnexions représentent un élément de sécurité important, et non un danger particulier. Il n’y a jamais eu un incident capable d’aboutir à un black-out qui aurait découlé d’une interconnexion. Les interconnexions sont gérées par de très grands experts, à savoir les chefs des différents gestionnaires de réseaux de transport, qui coopèrent de manière remarquable sous la surveillance et l’autorité des régulateurs de l’énergie. D’ailleurs, nos grands concurrents étrangers nous observent et nous copient. Nous constituons tout de même le plus grand marché intégré du monde dans ce domaine : ces éléments nous rapprochent et nous protègent simultanément. Le marché intérieur est à la fois une force à l’intérieur et vis-à-vis de l’extérieur, car il nous offre des moyens d’action extrêmement importants.

M. Antoine Armand, rapporteur. Nous sommes très désireux de comprendre comment fonctionne réellement le marché européen et nous avons souvent eu l’impression, lors de nos différentes auditions, de recevoir des réponses de principe sur le sujet. Avant l’ouverture à la concurrence et la création du marché européen de l’énergie, c’est-à-dire de nouvelles règles post-ouverture à la concurrence, telles que l’indexation sur le coût marginal de production, comment les échanges d’électricité étaient-ils opérés en Europe ? En effet, ils s’effectuaient sans black-out et à des prix énergétiques particulièrement raisonnables pour les particuliers et les industriels français. Comment le système fonctionnait-il auparavant et quelle défaillance justifiait, du point de vue français, l’ouverture à la concurrence et l’adoption d’un modèle énergétique et d’échanges d’électricité aussi différent ?

M. Dominique Ristori. Il est exact que des systèmes à l’état de démarrage s’étaient mis en place. Ils étaient coordonnés par les différents gestionnaires de réseaux, mais les niveaux d’échanges étaient alors très bas. Quand il a été proposé d’aller dans cette direction, pour l’énergie comme pour les autres secteurs, il existait le sentiment qu’il fallait créer un marché en Europe au sein duquel les échanges allaient croître substantiellement. Pour cette raison, nous avons piloté ce projet avec les textes de directives ainsi que les règlements afférents au marché intérieur et en développant les réseaux transeuropéens, c’est-à-dire en cofinançant des investissements dans les interconnexions.

M. Antoine Armand, rapporteur. Comment le système fonctionnait-il auparavant ?

M. Dominique Ristori. Les échanges existaient déjà, mais en volume restreint et le sentiment d’aller vers une croissance de la demande énergétique était clairement établi. La demande électrique s’est d’ailleurs développée de manière exponentielle dans nos pays, comme cela s’amorce maintenant dans les pays dits émergents. La demande électrique devait augmenter en lien avec le développement d’une société au sein de laquelle l’électricité allait jouer un rôle croissant, notamment en raison de l’accroissement du nombre de téléviseurs ou de la part du digital. Par conséquent, les textes relatifs au marché intérieur ont été doublés d’objectifs et d’encadrement pour le développement des infrastructures et des interconnexions. Nous visions un objectif, en 2020, de 10 % des capacités d’interconnexions et il doit être porté à 15 % pour 2030. L’objectif correspond donc à un fort développement. D’ailleurs, nous ne vivons pas en vase clos, car nous évoluons avec nos partenaires et nos voisins, qui réclament une approche et une gestion communes afin d’accroître la sécurité.

M. Antoine Armand, rapporteur. Une augmentation de la consommation d’électricité importante et soutenue a été constatée au niveau français, même si elle ne me semble pas exponentielle à la lecture des chiffres. Cependant, à la fin des années 1990, notre consommation finale d’électricité était plus que couverte par notre production d’électricité d’origines nucléaire et hydraulique, car nous exportions de l’électricité. Quel était alors l’intérêt pour la France de disposer d’un marché européen ?

Vous avez pris l’exemple du marché unique ou du marché intérieur de manière générale. Il existe visiblement des arguments économiques valables du point de vue du marché unique, comme l’expose la théorie du commerce international. Cependant, nous parlons d’un marché monoproduit et vis-à-vis duquel notre pays présentait un avantage compétitif très important par rapport aux autres pays. Cet avantage était d’ailleurs à la fois compétitif du point de vue économique et écologique. Je comprends donc quel est l’intérêt des échanges plus fréquents pour des Slovaques, des Slovènes ou des Allemands. En revanche, nous ne connaissions pas de problèmes de sécurité d’approvisionnement électrique, de carbonation du mix ou de compétitivité économique : par conséquent, je ne comprends pas ce qui présentait, du point de vue des dirigeants, un avantage. Les responsables politiques que nous avons interrogés ont même expliqué qu’ils étaient entrés dans le marché intérieur à reculons. En conclusion, je comprends le raisonnement du point de vue d’un autre Européen, mais pas d’un Français.

M. Dominique Ristori. Nous n’avions absolument pas ressenti ce sentiment à l’époque, y compris de la part du président d’EDF de l’époque, qui était très ouvert sur ces questions. Nous n’avions en tous cas pas le sentiment que l’entrée dans le marché intérieur européen amputerait la compétitivité de l’électricité française. Certains ont peut-être d’autres avis aujourd’hui, mais les responsables de l’époque, tant politiques qu’industriels ou économiques, ne sont pas entrés dans ce marché à reculons. D’ailleurs, plusieurs Français ont pris des responsabilités au niveau de l’Association européenne des gestionnaires de réseaux ou des régulateurs de l’énergie et le climat était alors très positif. Je ne me suis jamais heurté à des positions telles que vous les avez décrites. Encore aujourd’hui, un Français est président de l’Association européenne des gestionnaires de réseau de distribution et des Français jouent un rôle important au niveau national et dans les coopérations avec leurs collègues. Ils développent d’ailleurs des relations bilatérales importantes et positives pour l’image de la France en Europe. Il me semble que l’ouverture, de ce point de vue, est plus importante que la fermeture.

M. Antoine Armand, rapporteur. La construction du marché tel qu’il existe aujourd’hui a permis le développement massif d’interconnexions. En revanche, nous rencontrons des difficultés à comprendre les responsables politiques qui disent que sortir du marché européen revient à s’exposer au black-out, alors que cela représente la disjonction de l’existence de tuyaux et des règles qui entourent les échanges qui ont lieu dans ces tuyaux. Existe-t-il réellement un point bloquant, notamment vis-à-vis de l’interconnexion des règles de marché au mécanisme de supervision d’appel à la dernière minute permettant un rééquilibrage permanent ? La situation serait-elle ingérable si les vingt-sept pays n’étaient pas coordonnés au sein de règles physiques et énergétiques spécifiques ? Ou ce procédé est-il possible, même à un coût beaucoup plus élevé, ce qui relève d’un autre champ de décisions ?

M. Dominique Ristori. Aujourd’hui, le couplage des marchés est très développé. L’électricité et les capacités d’interconnexions pour la transporter peuvent être échangées sur une plateforme commerciale commune de l’Union européenne. Ces opérations sont effectuées non seulement entre gestionnaires de réseaux, mais aussi sous la supervision des régulateurs et avec des règles, des normes et des codes extrêmement développés. Concrètement, il me paraîtrait plus que risqué de s’écarter de cette voie.

M. Antoine Armand, rapporteur. Pour quelle raison ?

M. Dominique Ristori. Le maillage est tellement profond que s’isoler de nos partenaires européens entraînerait des conséquences extrêmement négatives.

M. Antoine Armand, rapporteur. Nous faisons de la politique, au sens noble du terme je l’espère, c’est-à-dire que nous participons au débat public et que nous essayons de prendre des décisions éclairées. Dans ce débat public actuel, personne ne saurait se satisfaire d’une telle réponse. Vous ne pouvez pas simplement nous indiquer qu’il serait risqué d’en sortir, car tout a bien été élaboré. Pour servir votre argumentaire, vous devez nous aider à pointer les réelles conséquences d’une sortie de ce système. Plus simplement, si la France trouvait la situation insupportable pour ses industriels en termes de prix et qu’elle décidait de sortir de la plateforme d’échange commune telle qu’elle existe pour acheter de gré à gré lorsqu’elle en a besoin, que se passerait-il concrètement ?

M. Dominique Ristori. Ce type de raisonnement induit que les prix élevés de l’électricité proviendraient du marché intérieur européen ou de son fonctionnement. Cependant, ce n’est pas le cas. Les prix ont bondi de cette manière, notamment en France, car nous rencontrions les effets globaux de la guerre russo-ukrainienne sur le gaz – 100 milliards de m³ perdus sur 155 – et car nous avons eu la moitié, voire davantage, de notre parc nucléaire à l’arrêt. Pour cette raison, il est très important de pointer les causes et origines de cette situation. Je n’affirme pas que le fonctionnement européen est totalement parfait ; j’indique seulement que les prix irrationnels de l’électricité que nous avons constatés s’expliquent par les effets conjugués de la crise du gaz et de la partielle indisponibilité du parc nucléaire français, ce qui n’a aucun lien avec le marché intérieur.

M. le président Raphaël Schellenberger. Soit, je ne comprends pas ce que vous dites, soit je n’ai toujours pas compris les règles de marché européennes. La France a payé le prix le plus élevé de la déstructuration liée à la crise conjuguée à l’indisponibilité plus importante que d’habitude de son parc nucléaire cet hiver. J’avais cependant cru comprendre que le prix de négociation de l’électricité sur le marché européen était le même pour tous. La dernière capacité appelée définit en effet le prix européen d’échange d’électricité. La France ne paie, par conséquent, pas l’électricité qu’elle achète à ses voisins à un prix plus élevé que les autres pays européens, hors Espagne ou Portugal. Je ne comprends donc pas votre démonstration.

M. Dominique Ristori. Certains achats sont à terme. Lorsque nous avons assisté à une hausse de prix extrêmement importante, certains éléments de situation étaient influencés par l’indisponibilité exceptionnelle de plus de la moitié du parc nucléaire français. Ce sont pour ces achats à terme que nous avons fait face à des envolées irrationnelles. Pour le reste, les prix sont lissés comme vous l’avez décrit, c’est-à-dire que la dernière unité appelée au coût marginal fixe le prix. À partir du moment où un choc tel que la guerre russo-ukrainienne survient, il est évident que le dernier appelé serait la centrale à gaz avec un prix faramineux. Nous devons donc doter l’arsenal et les outils européens de moyens capables de réduire la volatilité des prix. Les réformes en cours devraient d’ailleurs privilégier les contrats à long terme entre les producteurs et les clients, notamment les grands clients de l’énergie. De plus, les nouvelles règles devraient privilégier l’ensemble des énergies bas carbone et se limiter à ceux qui produisent du nucléaire et de l’électricité.

M. le président Raphaël Schellenberger. Est-ce qu’EDF vendait à ses voisins européens de l’électricité par des contrats à terme qu’elle n’aurait pas pu fournir du fait de l’indisponible d’une partie de son parc ?

M. Dominique Ristori. EDF s’est retrouvée dans la situation que vous connaissez et elle a tenté d’y mettre progressivement un terme de façon la plus adéquate, c’est-à-dire en accordant la priorité absolue à la sûreté.

M. le président Raphaël Schellenberger. Ce n’est pas ma question.

M. Dominique Ristori. Il était très important d’assurer une gestion très responsable de cette situation, qui était observée avec attention. Aujourd’hui, nous faisons face à une décrue des prix de l’électricité et du gaz et nous ne nous situons donc pas dans la continuité d’une crise de prix telle que nous l’avons connue.

M. Antoine Armand, rapporteur. Les Français auraient-ils donc payé plus cher leur électricité, car le parc nucléaire était tellement indisponible qu’EDF ne pouvait pas honorer sa production, y compris au titre des tarifs réglementés ?

M. Dominique Ristori. Si des risques de voir la demande insatisfaite émergent sur un marché à la suite d’une baisse extrêmement forte de l’offre, notamment en raison d’un motif peu connu, un sentiment d’incertitude survient et il dérange extrêmement les marchés. Cet état des marchés a donc entraîné l’envolée irrationnelle des prix. Ils ont d’ailleurs décru dès lors qu’une compréhension du phénomène et de la manière de le résoudre s'est initiée.

M. Antoine Armand, rapporteur. Nous pourrions dire que l’intérêt d’un marché européen est de pourvoir aux besoins de chacun en permanence et de bénéficier des capacités de production de chaque pays, quitte à être moins avantageux pour un pays comme la France en temps normal. Le fait que les mécanismes de capacité aient été développés après la mise en place du marché tel qu’il est et le fait que les prix du gaz aient dû être plafonnés montrent que le marché n’était pas conçu pour une telle situation. Le marché ne semble donc pas représenter un avantage en situation normale comme en situation de crise. Certains nous disent que le marché européen a été élaboré pour le rythme de croisière, tandis que d’autres expliquent qu’il est utile en situation de crise. Dès lors, quel était le premier critère auquel devait répondre le marché européen et l’a-t-il satisfait ?

M. Dominique Ristori. Le critère initial retenu était le fait d’assurer le meilleur niveau possible de sécurité d’approvisionnement. De ce point de vue, l’objectif a été atteint de manière satisfaisante. Le marché a en effet permis d’opérer des échanges, c’est-à-dire d’importer et d’exporter. Certains pays d’Europe sont structurellement déficitaires en termes de production ; ils ont donc besoin de recevoir de l’électricité de la part de leurs partenaires. Les mesures d’exception ont simplement été prises en raison du caractère exceptionnel des évènements. Si nous misons toute l’analyse sur les conséquences liées à la crise elle-même, nous passons à côté de ce qu’il y a en dehors de celle-ci. Cependant, la crise ne durera pas éternellement, même si des effets de long terme perdureront au niveau des approvisionnements gaziers. Nous avons d’ailleurs fourni un effort conjugué à la fois sur la demande et sur l’offre de gaz, ce qui amène des perspectives prometteuses.

M. Antoine Armand, rapporteur. Vous expliquez que les évènements étaient tellement exceptionnels qu’ils n’entraient pas dans le cadre du marché. Dans le système actuel, lorsqu’il y a des tensions et des besoins urgents, le prix du gaz, du charbon et du lignite s’impose. La logique de ce marché veut que, lorsque tout va bien économiquement et écologiquement, tout fonctionne. Cependant, lorsque des tensions géopolitiques ou économiques surviennent, un cercle vicieux se déclenche. En effet, les anticipations des acteurs font augmenter les prix, ce qui nécessite de plus en plus de production ou de capacités. Dès lors, le prix augmente et cette augmentation elle-même entraîne une forme de panique, qui fait encore augmenter le prix. De plus, l’énergie est de plus en plus carbonée dans ces situations de tension. Le système ne joue-t-il pas contre lui-même du point de vue économique et dans une optique de sortie des énergies pilotables et fossiles ? Si votre seule solution pour gérer les crises et les tensions correspond à disposer d’énergies pilotables, et par conséquent fossiles, le marché n’est pas préparé à l’émergence de tensions.

M. Dominique Ristori. Nous avons observé que les prix étaient bas pendant une très longue période et les demandes des acteurs français portaient sur la mise en place d’un marché de capacité, ce qui a été réalisé à travers la réforme de 2018-2019. Dès lors, la crise présente un caractère exceptionnel, car elle est liée à des évènements qui n’avaient jamais été connus et qui étaient totalement imprévisibles. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas améliorer les conditions pour disposer d’amortisseurs de la volatilité.

Dans une logique de production d’énergie durable, les contrats à long terme ne devraient être admissibles que pour les producteurs d’électricité nucléaire et d’électricité renouvelable. De cette manière, nous pourrions atténuer très fortement les éléments de volatilité et nous pourrions même aller plus loin que là où nous sommes parvenus. En effet, presque deux tiers de la production électrique européenne sont décarbonés, ce qui est largement supérieur aux résultats des concurrents à travers le monde. La France est d’ailleurs le premier pays à réussir une COP et cette réussite découle notamment d’un travail commun entre les autorités françaises et la Commission européenne. De plus, notre modèle européen se démarquait de celui des voisins et, après la COP21 de 2015, la plupart des pays dans le monde ont copié notre approche. En effet, ils se sont fixé des objectifs en matière de baisse des émissions, de développement des énergies bas carbone et d’efficacité énergétique, car nous nous étions fixé des objectifs et nous les avions atteints, et même dépassés. Il en est résulté un niveau de système électrique décarboné envié par la plupart de nos concurrents. Nous avons donc les moyens d’encore améliorer notre manière d’amortir les effets des crises et de lutter contre la volatilité des prix de l’électricité via le développement de contrats à long terme pour les énergies décarbonées, nucléaire et énergies renouvelables.

M. le président Raphaël Schellenberger. La France produit, lors d’une année normale, à peu près 20 % de l’électricité européenne. En 2022, la production d’électricité française s’est effondrée de 15 %, ce qui correspond donc à 3 % de la production européenne. Concrètement, il a manqué 3 % de production d’électricité sur la plaque européenne et les marchés se sont emballés. Considérez-vous que la sécurité d’approvisionnement de la plaque européenne soit assurée dans de telles conditions ?

M. Dominique Ristori. Je ne le considère pas, car l’emballement a été totalement irrationnel. En termes de marché, il existe toujours une période d’incertitude qui provoque ces effets lors de survenue de crises. A posteriori, nous remarquons que les améliorations ont été amenées relativement rapidement. Cependant, il régnait une totale incertitude au moment où les courbes de prix ont dérapé.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Si vous savez que les marchés peuvent être irrationnels lors des périodes d’incertitude, pourquoi avez-vous laissé des dispositifs qui leur permettent de faire payer aux consommateurs et à l’industrie cette incertitude ?

M. Dominique Ristori. Les crises ne surviennent pas toujours : en effet, il se passe des décennies sans que de telles situations se rencontrent.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La dernière crise gazière est survenue en 2009.

M. Dominique Ristori. Je l’ai bien connue, car je suis immédiatement parti en Slovaquie et en Bulgarie.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ma question n’est pas celle-là. Bien que vous sachiez que les marchés sont irrationnels, pourquoi avez-vous créé un marché qui n’a aucune mesure pour prévenir cette irrationalité ?

M. Dominique Ristori. Il n’existe pas de système dans le monde qui puisse avoir des prévisibilités sur des évènements tels que nous les avons connus. Si on avait posé la question sur le quasi-arrêt des livraisons de gaz russe juste avant le début de la guerre, tout le monde aurait répondu que cette idée était tout à fait farfelue. Or elle s’est concrétisée avec un impact d’une violence inouïe. La panoplie de mesures prises, relatives aux économies gazières et d’électricité, a engendré des résultats exceptionnellement bons. Cependant, la perfection n’existe pas dans les systèmes économiques : en effet, certains éléments peuvent toujours être améliorés vis-à-vis de la survenue de potentielles crises futures.

La consultation actuelle entre tous les États doit permettre d’identifier des moyens qui réduiront de manière importante la volatilité des prix. Je reste convaincu que nous avons la possibilité de continuer à développer un marché intérieur de l’énergie, car il est extrêmement positif en matière de durabilité notamment. En agissant d’abord sur les énergies décarbonées, nous nous affranchirons automatiquement des niveaux de dépendance qui représentent les risques que vous connaissez. Ces éléments sont très importants et porteurs pour l’avenir. Celui-ci n’est d’ailleurs pas lointain, car nous pouvons aboutir à un système électrique européen décarboné à 95 % en 2030. Pour ce faire, des décisions nécessaires d’investissements et de production devront être prises.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je n’ai pas reçu de réponse à ma question. Par ailleurs, vous venez d’évoquer à nouveau la décarbonation, mais vous ne parlez jamais des autres objectifs, tels que le prix de l’électricité ou le fait que tout pays puisse prendre des décisions souveraines s’il le souhaite, à l’instar du Royaume-Uni. En effet, tout pays a droit de sortir d’un modèle sans compromettre sa sécurité d’approvisionnement.

M. Dominique Ristori. Je ne peux pas commenter les décisions nationales et il ne me paraît pas que la situation du Royaume-Uni soit resplendissante depuis sa sortie de l’Union européenne.

Les prix ne se décrètent pas. D’ailleurs les notions de prix bas et de prix hauts n’ont guère de sens. Seul importe le prix compétitif, fixé selon les critères du marché.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Avant la libéralisation de l’électricité, son prix était décroissant en France depuis la mise en exploitation du parc issu du plan Messmer. La libéralisation a donc amené une augmentation du prix de l’électricité.

M. Dominique Ristori. Les prix ne se décrètent pas sur un marché, mais ils découlent des règles de marché ainsi que du fonctionnement de l’offre et de la demande. Soit on se place dans une perspective d’économie libérale, soit on en conteste les principes, mais la situation relève d’un choix.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les Français ont fait le choix, par leur Constitution, de déclarer que les monopoles naturels devaient être des monopoles publics. Par ailleurs, il existe plusieurs conceptions du libéralisme. Les libéraux ont d’ailleurs inventé le concept de monopole naturel comme une exception aux marchés. Précédemment, vous avez indiqué que vous aviez appliqué à l’électricité les mêmes principes qu’à tous les autres produits. Or pour des raisons physiques que personne ne conteste, l’électricité n’est pas un bien comme un autre, car il est nonstockable ainsi que non-substituable et il est impossible de produire une électricité d’une qualité supérieure à une autre. La seule exception pourrait exister entre l’électricité carbonée et décarbonée. Toutefois, ces conceptions n’existaient pas au moment de la libéralisation dans les années 1990. Sur quel corpus idéologique vous fixez-vous pour affirmer que la libéralisation de l’électricité a fonctionné à un seul moment du développement industriel ?

M. Dominique Ristori. Le statut d’une entreprise, y compris dans un marché concurrentiel, n’entre pas en considération. Par conséquent, il est possible d’avoir une entreprise publique qui fonctionne dans un marché libéral et ouvert. La seule question porte sur l’application des règles posées et il en est ainsi pour l’énergie comme pour les autres secteurs.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez dit que vous n’aviez pas rencontré d’hostilité dans l’application des règles européennes de la part des acteurs français et, en particulier, de la part du PDG d’EDF à cette époque. Cependant, tous les articles de presse témoignent que la France était toujours en retard vis-à-vis de l’application de ces directives et à la limite de la mise en demeure. Les travaux du Parlement et les discussions relatives à l’ensemble des lois qui ont transcrit les directives ou les décisions permettant au marché français d’être plus ou moins en conformité avec les volontés édictées à Bruxelles traduisent pourtant une résistance des acteurs français. Bruxelles a d’ailleurs cherché, et cherche encore, à condamner la France lorsqu’elle n’applique pas les décisions.

M. Dominique Ristori. Je réaffirme que, dès le début de la libéralisation, soit vers la fin des années 1990, les conditions étaient celles d’un dialogue extrêmement positif entre la Commission européenne et, non seulement les autorités françaises mais aussi les acteurs français. De plus, le PDG d’EDF de l’époque se montrait absolument constructif. Certains ont pu avoir d’autres avis, mais il revient à chacun de se déterminer en fonction de ce qu’il pense être le meilleur pour son entreprise et son pays. Cependant, l’ensemble des évolutions du droit européen et du droit relatif au marché intérieur a été approuvé par le Parlement et le Conseil européens avec des majorités écrasantes et dans des conditions tout à fait dédramatisées.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Sous serment, vous nous dites que l’attitude des acteurs français auprès des institutions européennes dont vous avez eu connaissance n’est pas semblable à celle qu’ils adoptent dans le débat public français.

M. Dominique Ristori. Je vous indique ce que j’ai vécu. Dans l’ensemble des négociations que nous avons conduites sur tous les fronts de la politique énergétique, les débats ont toujours été constructifs, et jamais dramatiques, avec les acteurs politiques français, quelle que soit leur origine. Ils se sont d’ailleurs traduits par les décisions entérinées avec l’appui de notre pays.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les importations nettes d’électricité en 2022 se sont élevées à 15 térawattheures et le président de la commission a souligné les conséquences de la faible variabilité de la production sur les prix. Par ailleurs, la Commission européenne n’a visiblement jamais conseillé aux États de produire leurs propres moyens de production. Vous avez énormément parlé de ce que l’Europe a fait pour favoriser les interconnexions, et beaucoup moins du développement des moyens de production. Or 15 térawattheures correspondent à six turbines à gaz telles qu’elles existent à Landivisiau et à Bouchain. Chacune a représenté un coût de 400 millions d’euros : dès lors, six turbines supplémentaires représenteraient un coût de 3 milliards d’euros. En revanche, les importations de l’année 2022 ont coûté 7 milliards d’euros. Par conséquent, où est la rationalité économique ?

M. Dominique Ristori. Je répète que les investissements sont très importants. De surcroît, l’investissement dans la production est un élément fondamental et essentiel pour couvrir les besoins futurs notamment. Il ne faut donc pas tarder à prendre les décisions d’investissement dans la production et les réseaux. Il est du ressort de chaque État membre et des entreprises concernées de les mettre en avant. D’ailleurs, la Commission européenne met toujours l’accent sur les besoins d’investissements dans ce domaine et ils doivent être réalisés à la mesure des prévisibilités en matière d’augmentation de la demande énergétique et électrique. Il est essentiel que, dans les différents États membres, la lisibilité des politiques en matière d’investissements soit telle qu’elle se traduise par des décisions effectives et dans la direction des énergies décarbonées.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez évoqué le traité Euratom et celui-ci avait, initialement, la même valeur institutionnelle que les deux autres piliers de la construction européenne. Je pense que nous pouvons dire objectivement que ce pilier est resté à ras de terre vis-à-vis de ces deux autres piliers. Comment expliquez-vous que le traité Euratom ait totalement été mis de côté, y compris après les crises pétrolières ? Comment expliquez-vous qu’il ne soit pas relancé malgré les différentes négociations et opportunités en lien avec le nucléaire ?

Par ailleurs, le traité Euratom montre bien que l’Europe est un continent sans ressource et que le nucléaire est la seule manière d’assurer une prospérité durable et souveraine. Par le passé, l’URSS n’avait pas souhaité confier à la Pologne des technologies de nucléaire civil. Cependant, pourquoi l’Union européenne, dès qu’elle a eu des contacts avec la Pologne à la fin de l’URSS, n’a-t-elle pas promu le développement du nucléaire ? La substitution du charbon par l’énergie nucléaire est d’ailleurs adaptée à la Pologne au vu de sa population et de son industrie. Je n’ai toutefois trouvé nulle trace qui traduise la moindre volonté de favoriser le nucléaire en Pologne de la part des institutions européennes, ni dans aucun autre pays de l’ex-bloc soviétique.

D’ailleurs, la pénétration du marché nucléaire des pays d’Europe de l’Est par la Russie est importante, voire préoccupante. Nous savons, depuis la crise gazière de 2009, que la Russie utilisait les terminaux gaziers et les gazoducs comme moyen de pression sur les pays d’Europe de l’Est. D’ailleurs, ces pays ont manifesté leur opposition lors de la mise en œuvre des gazoducs Nord Stream. Les Américains ont aussi souligné que cette situation entraînait une dépendance déraisonnable des Européens à la Russie. En revanche, les institutions européennes se sont occupées de démanteler ou d’affaiblir le modèle français, mais elles ont moins évoqué les solutions pour l’Europe de l’Est et la suppression de la dépendance à la Russie jusqu’à une période très récente. De plus, aucune pression n’a été exercée sur l’Allemagne lors de la mise en place du premier gazoduc.

M. Dominique Ristori. Le traité Euratom est effectivement lex specialis, c’est-à-dire d’un niveau juridique égal aux autres. De plus, il a été développé et nous avons assisté à un développement de droit secondaire très important dans les années 2006 à 2011. Des directives ont également été élaborées à l’initiative de la Commission européenne lorsque j’étais directeur général adjoint de l’énergie. Elles portaient notamment sur la sûreté nucléaire ainsi que sur les déchets et combustibles usés. Ces travaux ont fourni une base extrêmement importante dans ce domaine. La France couvre d’ailleurs, en termes de compétences, la construction des réacteurs, le retraitement, l’enrichissement et la production du combustible.

En ce qui concerne les volets que vous avez mentionnés, la Commission européenne s’est efforcée, vis-à-vis de Nord Stream 2, de s’opposer et d’indiquer que cette action se traduirait par un surcroît de dépendance extrêmement dangereux vis-à-vis de la Russie. Pour cette raison, nous avons demandé à amender la directive gaz en la rendant applicable à tous les gazoducs prenant leur origine dans un pays tiers, ce qui a été effectué en 2019.

Au sujet des autres pays d’Europe de l’Est et de la Pologne, il existe effectivement un formidable enjeu de sortie du charbon. Nos partenaires ont en outre un grand souci d’indépendance et de sécurité d’approvisionnement. Ils ont donc ouvert une voie sur le nucléaire et il serait important qu’une partie significative de ces nouvelles installations nucléaires adoptent des technologies européennes. Les premiers choix semblent tournés vers des technologies américaines ou sud-coréennes, mais je souhaite que les relations entre la France et la Pologne puissent permettre de nouer des partenariats dans ce domaine. Dans ces régions, il existe à la fois une volonté de changement et de maintien des nouveaux emplois dans les régions mêmes où les mines devraient être fermées. Ces projets devront donc être doublés de mesures liées à l’environnement et à la formation des ingénieurs ainsi que des techniciens. La France a d’ailleurs des arguments à faire valoir dans ce domaine. Il existe donc une attente pour les décisions d’investissement dans le domaine nucléaire. En effet, la neutralité carbone ne sera atteinte que par l’addition des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire. Enfin, les opportunités de partenariats dans le cadre d’autonomie stratégique européenne devront favoriser les partenariats européens et il me semble que les atouts de notre pays dans ce domaine sont considérables.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je ne peux pas me satisfaire de votre réponse sur le nucléaire au niveau européen. Certes le traité Euratom a eu des prolongements sur la sûreté et la gestion des déchets, mais il avait plutôt vocation à développer des moyens de production nucléaire et un parc de réacteurs européens à grande échelle. Il devait même aboutir à la systématisation d’un parc nucléaire à l’échelle européenne. Vous ne pouvez donc pas dire que le traité Euratom a fonctionné, car il a produit quelques directives sur la gestion des déchets et la sûreté ainsi que quelques laboratoires de recherche. En effet, ses ambitions initiales n’ont pas été atteintes.

De plus, vous n’avez pas répondu à ma question sur le fait que la Pologne est entrée dans l’orbite des institutions européennes par des mécanismes de préadhésion et par une aide de développement économique dès les années 1990. Cependant, vous évoquez des développements sur le nucléaire qui datent d’à peine quelques années. En effet, aucun chantier n’a débuté. Par conséquent, que s’est-il passé compte tenu de la taille de la Pologne ainsi que de son économie, et du fait qu’elle s’appuie massivement sur le charbon et le lignite pour que les institutions européennes ne fassent rien pendant trente ans pour favoriser l’énergie nucléaire, notamment vis-à-vis des objectifs de décarbonation ?

M. Dominique Ristori. La Pologne n’est entrée dans l’Union européenne qu’en 2004. En outre, les choix fondamentaux dans le domaine de l’énergie sont à poser par les gouvernements nationaux, car le mix énergétique relève d’une compétence nationale. La Pologne travaillait dans un contexte où elle devait d’abord viser son développement économique et amorcer progressivement la sortie du charbon, ce qui nécessite une importante préparation. Il n’était en effet pas question pour les Polonais de sortir brutalement du charbon qui représente 80 % de son électricité. À travers nos discussions, nous avons cependant toujours essayé de préparer le terrain et la piste nucléaire a toujours été ouverte. Cependant, tout est à créer sur le nucléaire en Pologne.

M. le président Raphaël Schellenberger. À partir du début des années 2010, voire vers la fin des années 2000, les marchés de l’électricité ont commencé à émettre des signaux autour d’apparition de prix négatifs pour les échanges. Comment perceviez-vous ces anomalies au niveau de la direction de l’énergie ?

M. Dominique Ristori. Ce type de phénomènes était lié à un niveau de production jugé abondant et à une demande plus que satisfaite. Nous avions considéré qu’il fallait faire évoluer la situation qui n’était pas durable en raison du potentiel de développement de la demande énergétique et des signes de vieillissement des appareils de production. Désormais, l’urgence d’investissements saute aux yeux et ils doivent être opérés dans des délais rapides pour assurer le maintien d’un niveau de production suffisant. Les investissements doivent aussi être orientés dans des directions de durabilité et de protection vis-à-vis des dépendances extérieures.

M. le président Raphaël Schellenberger. Vous avez mentionné que vos analyses prévoyaient une forte hausse de la consommation d’électricité d’ici 2050. Dans ce cadre, comment comprenez-vous que la France, et notamment RTE, produisait dans les années 2010 des analyses qui affichaient une tendance inverse ?

M. Dominique Ristori. Les choses évoluent et changent : ce qui était courant en 2010 ne l’est plus en 2023. Nous faisons maintenant face à une accélération importante de l’objectif de décarbonation. À partir de ce moment surgit un élément qui n’était pas présent dans les débats de l’époque : la demande d’électricité sera beaucoup plus forte que ce que prédisaient les anciennes prévisions, car l’électricité est indispensable pour parvenir à la décarbonation, dans les secteurs résidentiel, industriel et de la production d’électricité.

M. le président Raphaël Schellenberger. Votre réponse signifie-t-elle que les analyses produites par RTE au milieu des années 2010 sur la consommation française n’étaient pas en contradiction avec les analyses effectuées par la direction de l’énergie ?

M. Dominique Ristori. Ce n’était pas forcément le cas, car à ce moment-là, nous n’avions pas encore défini des objectifs de décarbonation tels qu’ils existent aujourd’hui. En effet, nous avons assisté à une accélération très forte d’un sujet comme celui de l’urgence climatique et les politiques se déclinent selon celui-ci. L’énergie est particulièrement concernée, car elle représente, en termes de production et de consommation, les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre. Le niveau d’exigence actuel n’était donc pas dans les esprits de tous à l’époque. Dès lors, l’exigence d’une croissance forte de la demande électrique s’est étendue et est maintenant reconnue par chacun. Les éléments considérés à l’époque n’étaient donc pas faux, mais ils n’anticipaient pas la rapidité avec laquelle nous devons maintenant développer ce type de politiques.

M. le président Raphaël Schellenberger. En 2015, vous considériez, au niveau de l’Union européenne, que la demande d’électricité allait croître sur la plaque européenne tandis que RTE estimait que la France pourrait diminuer ses capacités de production.

D’un point de vue plus administratif ou politique, quelle est la nature des luttes d’influence entre États au sein de la direction de l’énergie ?

M. Dominique Ristori. Au sein de la direction de l’énergie, les agents sont portés sur leur mission, à savoir défendre les politiques européennes. Cependant, certaines présences sont plus importantes que d’autres en termes d’intervenants. Toutefois, la discipline des équipes les amène à faire abstraction de ces éléments.

M. le président Raphaël Schellenberger. Qu’en est-il de la définition des politiques menées par la direction générale de l’énergie ?

M. Dominique Ristori. Au niveau de chaque mandat de la Commission européenne et du Parlement européen, des priorités sont définies et présentées par le nouveau président ou la nouvelle présidente avant d’être appuyées par le Parlement. Chaque présidence présente donc une priorité plus forte que les autres. Le volet de l’énergie était par exemple très important lors de la présidence de Jean-Claude Juncker. La commission actuelle s’est quant à elle davantage portée sur le pacte vert et le travail dans les services se décline ensuite en fonction de ces priorités.

M. le président Raphaël Schellenberger. Qu’en est-il des autres filières énergétiques européennes telles que l’éolien et le photovoltaïque ? Quelles étaient les préoccupations et les actions de la Commission européenne en la matière ?

M. Dominique Ristori. Toute cette réflexion est très importante. En ce qui concerne l’éolien, il est essentiel que l’Europe conserve un leadership dans la production des turbines. De plus, les développements technologiques liés à la construction des lames d’éoliennes ou d’éoliennes off shore ne doivent pas être oubliés. L’ensemble de ces composants doit en effet faire l’objet d’une priorisation, ce qui est le cas actuellement, dans le cadre des actions REPower et des fonds européens.

Ce discours s’applique également à l’ensemble de la gamme du photovoltaïque : il n’est en effet pas judicieux de rester dépendants de la Chine pour les panneaux photovoltaïques. Ceux-ci nécessitent des matériaux rares, ce qui sous-entend un effort important, notamment en matière de recyclage et de réutilisation.

De manière générale, l’ensemble des technologies dites émergentes fait l’objet d’une attention toute particulière. Ce propos est aussi valable pour le domaine nucléaire et tout ce qui concerne les SMR (Small Modular Reactor), car nous ne devons pas laisser la suprématie à d’autres. En Europe, de nouveaux projets ont été lancés et les États nucléaires européens, soit la moitié des États européens, se sont réunis à Stockholm afin de développer des actions communes dans ce domaine. Ces réflexions s’appliquent enfin aux batteries et celles-ci doivent être doublées de réflexions sur la réouverture de mines de lithium. Une grande partie des dispositifs de soutien européens appuieront ces projets, de même que le développement du biométhane ou de l’hydrogène.

M. le président Raphaël Schellenberger. Vous avez indiqué que le marché n’imposait pas la nature des sociétés. Dès lors, de quelle manière le marché conduit-il à remettre en question les concessions hydro-électriques ou à vouloir casser le modèle intégré d’EDF ?

M. Dominique Ristori. Les traités européens n’ont pas pour objet d’interdire le statut d’une entreprise publique. Cependant, lorsque des règles sont édictées, elles s’appliquent à toutes les entreprises, y compris aux entreprises publiques. Par ailleurs, la sortie du problème des concessions hydrauliques implique une négociation conduite avec succès et, d’ailleurs, plusieurs modèles peuvent être retenus, mais un choix clair doit être opéré au niveau national. Certaines perspectives sont certainement possibles entre régie et concession, mais une ligne doit être arrêtée. Ce dossier devra être débloqué et il n’existe actuellement aucune fermeture au dialogue vis-à-vis du statut même des entreprises : il est simplement nécessaire de choisir l’approche qui permettra finalement de renouveler les concessions dans des conditions satisfaisantes pour tous.

En outre, le modèle intégré d’EDF est en attente de décisions qui doivent être prises au niveau national. Il n’existe cependant aucun tabou du côté de Bruxelles et, à nouveau, une ligne claire doit être arrêtée au niveau national avant que les discussions soient ouvertes, en sachant ce que l’on veut.

M. le président Raphaël Schellenberger. Nous avons auditionné le nouveau PDG d’EDF qui soutient la conviction que, plus le système devient complexe et intelligent, plus il s’avère nécessaire de disposer d’un outil intégré.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La Commission européenne aurait-elle accepté, dans le cadre de la libéralisation du marché européen, que la France conserve EDF comme une société publique pleinement intégrée avec la maîtrise de toutes les concessions hydro-électriques ?

M. Dominique Ristori. L’important pour Bruxelles réside dans le fait que les règles en vigueur dans l’ensemble des secteurs soient respectées. Au niveau d’EDF, Bruxelles aurait toutefois demandé la séparation entre, d’un côté, la production et la fourniture et, d’un autre côté, le transport. Cependant, ces compétences pourraient se retrouver dans la même maison, mais il est nécessaire de disposer de degrés d’autonomie suffisants entre le transport et la production.

M. le président Raphaël Schellenberger. Monsieur Ristori, je vous remercie de vos réponses et de votre disponibilité.

 

La séance s’achève à 22 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. – M. Antoine Armand, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusé. – Mme Valérie Rabault.