Compte rendu

Commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français

 Audition, à huis clos, de M. Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE, ministère de l’économie et des finances)              2

– Présences en réunion................................20

 

 

 

 

 


Mardi
14 mars 2023

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de
M. Jean-Philippe Tanguy,
Président de la commission

 


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Mardi 14 mars 2023

La séance est ouverte à dix-huit heures.

(Présidence de M. Jean-Philippe Tanguy, président de la commission)

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M. le président Jean-Philippe Tanguy. Nous procédons à l’audition de M. Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), qui dépend de la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Ce service a pour mission de protéger les actifs stratégiques de l’économie française contre les menaces étrangères, ce qui en fait une structure essentielle pour la défense de notre souveraineté économique et pour se prémunir des ingérences étrangères hostiles. À la demande de notre invité, cette réunion se tient à huis clos.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Joffrey Célestin-Urbain prête serment.)

M. Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques. Le SISSE est en effet un des services de la direction générale des entreprises (DGE). Cette direction de Bercy a la particularité de regrouper à la fois les activités de politique industrielle et de soutien à l’innovation et celles qui relèvent de la sécurité économique au sens défensif du terme. La synergie entre les deux a motivé le regroupement des fonctions de commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques et de directeur général des entreprises en 2018. Le SISSE pour sa part est né en 2016 de la réunion d’une délégation interministérielle située à Matignon et d’un service de coordination de l’intelligence économique qui était à Bercy.

Nous avons pour mission principale le pilotage de la politique de sécurité économique de l’État, qui consiste à organiser la protection des actifs stratégiques de l’économie française face aux ingérences et aux menaces économiques étrangères.

Le service regroupe cinquante-quatre agents, qui ne sont pas tous à Paris : nous avons vingt délégués à l’information stratégique et à la sécurité économiques (DISSE) dans nos antennes régionales placées auprès du préfet de région. Le fait qu’ils travaillent avec les différents services de l’État dans les régions et départements nous est très utile pour avoir des informations de terrain et mieux connaître de petites entreprises que nous aurions du mal à voir depuis Paris.

Pour cibler les actifs stratégiques dont nous devons assurer la protection, nous fonctionnons à partir de trois listes, couvertes par le secret de la défense nationale, qui constituent notre référentiel. La première, qui a vu le jour en 2019, est celle des entreprises stratégiques pour l’économie française. Leur nom et leur nombre sont classifiés. Ce référentiel n’existait pas auparavant. Nous n’avons pas repris telles quelles les listes préexistantes relatives aux organismes et aux entreprises sensibles, comme la liste des opérateurs d’importance vitale, celle des opérateurs privés ou publics de services essentiels, qui présentent des systèmes d’information critiques, ou la liste des entreprises dont l’État est actionnaire. Nous avons décidé d’établir une liste ad hoc, fondée sur des critères de sécurité économique et qui dépasse les catégories existantes.

Les entreprises stratégiques pour la sécurité économique ne sont pas directement rattachées à un régime juridique propre. Notre référentiel est large et nous permet de couvrir tant des grands groupes que des sous-traitants critiques de certaines filières stratégiques, ou des PME technologiques et des start-up – nous ne nous contentons pas de surveiller le CAC40 ou le SBF120. Cet aspect est important car la sécurité économique s’est construite en extension de l’approche traditionnelle de la souveraineté, laquelle cherchait à protéger l’outil de défense nationale, la base industrielle et technologique de défense, les industries de la sécurité, les moyens pour assurer l’ordre public ainsi que les secteurs aéronautique et spatial, compris dans une approche profondément régalienne. L’invention d’une liste liée à la politique de sécurité économique a permis le développement d’une approche élargie des enjeux de souveraineté économique.

La deuxième liste concerne les technologies critiques pour l’économie française, à un niveau de granularité élevé. Elle est classifiée afin que les puissances étrangères ne sachent pas précisément quelles technologies nous souhaitons protéger – c’est une pratique répandue, utilisée également par les Chinois, les Américains ou les Russes. Elle nous permet de protéger par exemple la propriété intellectuelle d’une start-up qui ne fait pas partie de la première liste mais qui travaille à une technologie stratégique. Cette approche technologique enrichit perpétuellement notre champ.

Notre troisième liste recense les laboratoires publics de recherche économiquement sensibles, qui ont longtemps été un angle mort de la sécurité économique.

Voilà le triptyque de ce que nous cherchons à défendre en priorité. Grâce à ce référentiel, l’ensemble des administrations qui concourent à cette politique ont la même conception des choses, ce qui offre un gain de temps important dans la décision. Ainsi, en cas de projet de rachat ou de partenariat de recherche de la part d’un acteur étranger, soit l’entreprise ou le laboratoire concernés figurent dans ces listes, auquel cas nous mobilisons tous les outils de la sécurité économique, soit non, et ce sont d’autres administrations qui prennent le relais s’il y a lieu.

Le SISSE est une vigie interministérielle qui collecte de nombreuses informations stratégiques issues du renseignement, de nos réseaux propres, notamment de terrain, et des entreprises, qui nous contactent de manière confidentielle, parce qu’elles nous font confiance, afin de nous transmettre des éléments sensibles. Nous caractérisons ces informations et, lorsque nous sommes en présence d’une entreprise, d’un laboratoire ou d’une technologie stratégiques qui sont face à un acteur étranger que nous savons dangereux, cela donne une alerte de sécurité économique. L’objectif qui nous a été fixé est de 100 % de réponse à ces alertes.

En raison du caractère sensible de ces missions, nous travaillons avec toute une chaîne de décision placée au-dessus de nous, qui comprend le ministre de l’économie et des finances, dépositaire de cette politique en vertu d’un décret d’attribution, mais aussi la Première ministre et le Président de la République.

Nous avons proposé aux décideurs politiques la création de cette plateforme qui permet de réunir des informations puis de produire des décisions ou des recommandations qui leur sont adressées. Il fut un temps où des opérations étrangères sur des actifs stratégiques pouvaient être révélées par les médias. Désormais, la multiplicité de nos capteurs nous permet non seulement de ne plus être pris en défaut, mais aussi de communiquer aux autorités en temps réel les informations essentielles et de les renseigner sur l’état de traitement des différentes alertes.

Plusieurs outils sont à notre disposition pour éteindre une menace étrangère, le plus connu étant le « décret Le Maire », précédemment « décret Villepin » puis « décret Montebourg », qui date de la rumeur de rachat de Danone par PepsiCo au début des années 2000 et qui nous permet de contrôler les rachats d’entreprises exerçant une activité stratégique. La définition de ces dernières est fournie par le code monétaire et financier, lequel établit, s’agissant des investissements étrangers en France (IEF), des catégories précises, antérieures à nos propres critères de sécurité économique. Nous avons tout un travail d’articulation entre les deux à fournir. Ainsi, l’arrêté qui fixe la liste des technologies stratégiques au titre du contrôle des IEF n’en répertorie que neuf, tandis que nous en dénombrons plusieurs centaines au titre de la politique de sécurité économique. De façon générale, de nombreux outils de politique publique qui s’avèrent extrêmement utiles pour neutraliser la menace étrangère se sont construits avant les doctrines et jalons que nous avons développés depuis 2018-2019. Nous sommes dans une phase de réalignement et de convergence de l’ensemble.

Les statistiques de l’année 2021 indiquent une très forte croissance des dossiers IEF, dépassant les 300 cas par an. Dans notre cadre plus général, nous observons également une très forte augmentation de la menace économique étrangère. Aux débuts de la plateforme, en 2020, nous avons détecté environ 350 alertes. Nous en sommes à 700 alertes par an en 2022 : certes notre capacité de détection s’est améliorée, mais il y a aussi une augmentation brute de la menace. À un rythme de soixante nouvelles alertes par mois, soit deux nouvelles par jour, nous devons absolument être capables de traiter tous les flux afin de n’avoir presque aucun stock d’alertes non traitées. Cela suppose toute une ingénierie administrative très efficace, qui nous permet de surcroît de mesurer objectivement, ce qui n’était pas possible auparavant, l’efficacité de la politique d’intelligence économique de l’État, puisque nous avons des chiffres, des processus et des informations en continu.

Environ 40 % des 700 alertes sont de nature capitalistique. Elles n’entrent pas toutes dans le champ du contrôle des IEF : il y a plusieurs critères d’éligibilité, comme la prise de contrôle de l’entreprise, ou une prise de participation d’au moins 25 % par des intérêts étrangers tiers à l’Union européenne. Or la menace capitalistique peut prendre d’autres formes. Ainsi, un fonds d’investissement activiste peut, en ne possédant que quelques pourcents du capital de l’entreprise, déclencher une campagne de déstabilisation ou la pousser à prendre des mesures de gouvernance visant à accroître ses performances financière et opérationnelle. L’IEF ne peut pas couvrir ce genre d’action, qui n’implique pas une position de contrôle au sein de l’entreprise.

L’autre grand pôle de menace, qui compte également pour 40 %, est la captation de propriété intellectuelle et d’informations sensibles.

Les autres cas constituent un mélange disparate de difficultés financières que connaissent des entreprises stratégiques, de problèmes de réputation – des attaques de désinformation cherchant à compliquer le refinancement de l’entreprise et à nuire à son image – et de délinquance commune, comme des vols de propriété intellectuelle et des intrusions dans des sites sensibles.

La menace cyber, que nous identifions comme vecteur dans 8 % des cas, est un moyen utilisé à des fins bien précises : déstabiliser l’entreprise, récupérer de l’argent dans le cas de la délinquance financière, obtenir des informations sensibles. Par ailleurs, l’extraterritorialité du droit peut constituer un danger : les procédures juridiques à l’étranger impliquant des entreprises françaises servent également de vecteur dans 10 % des cas.

La menace économique étrangère est donc très créative et couvre un champ extrêmement large. Il peut s’agir du basculement du capital de start-up stratégiques à l’occasion d’une levée de fonds : pour elles c’est une chance, pour nous c’est aussi une vulnérabilité. Le fait qu’une start-up stratégique ne trouve aucun financement en France ou en Europe et se tourne vers des fonds étrangers peut avoir d’importantes conséquences.

Des sous-traitants industriels critiques peuvent également se retrouver au tribunal de commerce avec une seule et unique offre de rachat, de la part d’un acteur étranger problématique. Ces cas-là sont des impasses : on sauve soit les emplois, soit la souveraineté.

Il peut aussi y avoir une offre publique d’achat étrangère hostile sur un grand groupe.

Nous pouvons également rencontrer une demande d’information sensible dans des procédures judiciaires étrangères. Ainsi, une PME technologique, leader français et européen dans un des segments du cyber, a subi pendant deux ans une procédure civile aux États-Unis intentée par son concurrent américain, qui réalisait vingt fois son chiffre d’affaires. Pendant tout ce temps, l’entreprise n’a pas pu mener à bien sa levée de fonds, les investisseurs attendant que le procès soit clos, et a dû supporter des frais d’avocat astronomiques, tandis que son concurrent américain, avec sa surface financière, pouvait se permettre de faire durer la procédure. Les procédures judiciaires étrangères ont un impact majeur pour nos petites entreprises.

Beaucoup de choses se passent également dans le domaine de la recherche, que nous négligions un peu auparavant en raison de notre focalisation sur les entreprises et qui fait désormais l’objet d’un bon suivi de la part du ministère de la recherche et des services de renseignement. Certains pays asiatiques notamment adoptent la stratégie du « saumon sauvage » : ils remontent les chaînes de valeurs, puisqu’ils ont dorénavant du mal à racheter des entreprises françaises du secteur industriel, du fait du contrôle des IEF. Ce nouveau positionnement nous oblige à étendre notre protection, notamment aux unités mixtes de recherche et aux universités de taille moyenne, qui manquent de financements par rapport aux grandes facultés. Les Chinois par exemple ont bien identifié cette vulnérabilité.

La culture de la science ouverte qui irrigue tout à fait légitimement le monde de la recherche peut créer des tensions entre les objectifs des politiques publiques. Un institut public de recherche de pointe en France s’est vu proposer par une entreprise chinoise un financement de 5 millions d’euros pour un programme de recherche d’une durée de trois à cinq ans. Lorsque nous l’avons contacté, l’institut nous a répondu qu’aucun acteur français n’avait manifesté son intérêt ou n’était capable de financer ce programme.

Ces situations sont pénibles à la fois pour l’État et pour les laboratoires ou les start-up : il est compliqué de refuser une solution qui s’avère être économiquement la meilleure. Mais nous pouvons bloquer une opération, ou l’accepter moyennant des garde-fous extrêmement lourds. Cela nous rend parfois impopulaires, mais la souveraineté passe par là.

Bref, le SISSE organise la réponse de l’État. Parfois il s’implique énormément, parfois peu car d’autres administrations ont déjà établi une réponse efficace. Le ministère des armées surveille par exemple de très près le monde de la défense et les fournisseurs liés aux programmes d’équipement de l’armée.

Concernant la problématique des législations extraterritoriales, nous observons une intensification du recours à l’arme normative, comme le montrent de nombreux exemples chinois et américains. Le retour des sanctions extraterritoriales américaines contre l’Iran, en 2018, a notamment obligé de nombreuses entreprises françaises fortement implantées dans les secteurs automobile et aéronautique à quitter le marché iranien.

Un autre exemple récent est celui des nombreuses restrictions imposées par les États-Unis dans le domaine des semi-conducteurs, qui ont conduit les fournisseurs américains de ces produits technologiques à cesser toute exportation vers l’entreprise Huawei. Les commentateurs américains ont considéré qu’il s’agissait là de l’acte de guerre économique allant le plus loin qu’on puisse imaginer, juste en deçà d’une guerre au sens conventionnel du terme. La mesure s’est avérée très efficace puisque Huawei a dû affronter une perturbation majeure de sa chaîne de valeur, qui s’est traduite par une perte de chiffre d’affaires assez importante. Les semi-conducteurs sont nécessaires à peu près partout ; confrontée à un problème d’approvisionnement, Huawei n’a pas pu assembler ni vendre autant de smartphones que d’habitude, ni d’ailleurs d’équipements de radio et de télécommunication 5G. C’est un exemple d’utilisation agressive du droit, ne visant pas à réguler des situations économiques ou à équilibrer des rapports de force, mais plutôt à faire mal et à infliger des pertes à un adversaire. En la matière, la Chine n’est évidemment pas en reste puisqu’elle s’est également dotée d’une politique publique de contrôle à l’exportation qui lui permet, le jour venu, de prendre des mesures de représailles à l’encontre des pays qui lui imposent des dispositions de ce type.

Vous m’avez interrogé en particulier sur les stratégies de quatre États : la Chine, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Inde. Si la Chine est évidemment assez représentée dans les menaces que nous percevons, les trois autres pays le sont beaucoup moins. Les États qui nous intéressent sont ceux qui mènent une véritable stratégie de puissance et dont les investissements tendent à se concentrer assez systématiquement sur les filières stratégiques de notre pays. Les sujets immobiliers nous paraissent un peu moins stratégiques – il faut bien faire des choix ! Le Qatar et les Émirats arabes unis mènent une stratégie un peu différente : ils exercent un soft power, investissent dans le sport, mais nous n’avons pas repéré d’activité dans les secteurs stratégiques qui nous intéressent. Il en va de même pour l’Inde, qui ne représente pas pour nous une menace très significative en matière de sécurité économique. Mais le décollage économique de ce pays, notamment dans les filières très technologiques, est encore largement devant nous ; il n’est donc pas impossible que la situation vienne à changer.

Notre système de détection étant totalement adaptable, si nous repérons une tendance ou identifions un pays qui commence à se manifester régulièrement dans nos écosystèmes stratégiques, nous pourrons réorienter nos capteurs et inciter la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) à le surveiller de près.

Les investisseurs étrangers susceptibles de poser un problème agissent toujours dans des écosystèmes stratégiques, en suivant une stratégie de puissance et en adoptant un comportement atypique par rapport aux acteurs de marché classiques, qui correspondent au modèle européen. Nous analysons toutes les informations dont nous disposons à leur sujet, sur leur historique d’investissements et leurs pratiques d’affaires. Ont-ils été mêlés à des affaires de corruption ? Ont-ils déjà promis certaines choses à la France mais en n’investissant jamais dans l’usine rachetée, se contentant de piller sa technologie et de créer une usine miroir dans le pays hôte ? Le SISSE a accumulé de multiples connaissances lui permettant de caractériser les comportements problématiques des acteurs étrangers.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Comment la protection économique et capitalistique dont votre service est chargé s’articule-t-elle avec le concept même d’Union européenne ? Vous avez parlé de la Chine et des États-Unis, deux États souverains d’organisation classique. L’Union européenne, quant à elle, est un ensemble de pays dont la nature institutionnelle est très originale, au sens strict du terme : elle mêle des institutions communautaires, qui ont des interprétations diverses des traités, et des États souverains, qui ont aussi leur propre interprétation des traités et leurs propres intérêts.

Les traités encadrent la liberté des capitaux et déterminent ce qui est autorisé ou non dans le cadre de la libre concurrence : ils limitent donc, d’une certaine manière, la capacité des États à se protéger. Les règles que vous avez évoquées, notamment le seuil de 25 % du capital qui caractérise une attaque menée par un pays étranger, résultent-elles d’une interprétation des traités, d’un compromis entre ce que nous voudrions faire et les règles européennes ? Il pourrait très bien n’y avoir aucun critère, comme aux États-Unis, où les actions à mener pour garantir la sécurité économique sont à la libre appréciation du président et de son administration. Ainsi, un jour, les services de la présidence ont fait savoir, sans donner aucune justification, qu’ils refuseraient tout investissement étranger dans les ports américains. Pourquoi ne pourrions-nous pas déterminer souverainement ce qui relève ou non de notre intérêt économique ?

Par ailleurs, nous pouvons certes estimer que tous les États membres de l’Union européenne sont des amis – c’est ce que nous souhaitons – mais nous devons aussi prendre en considération l’existence de tensions et d’intérêts économiques divergents entre eux. Comment les opérations intra-européennes, entre États membres, sont-elles appréhendées ? J’ai cru comprendre qu’elles faisaient l’objet d’un traitement différent. Il me semble que dans les années 2000, notamment au moment de l’affaire Parmalat, les Italiens réagissaient assez vivement aux opérations menées par les Français contre leurs intérêts nationaux. De même, lors de la décennie précédente, Siemens a failli prendre le contrôle de la branche énergie d’Alstom, puis d’Alstom Transport : nous aurions alors pu considérer cette opération comme une prise de participation hostile, en tout cas non favorable aux intérêts français.

M. Joffrey Célestin-Urbain. D’un point de vue juridique, le mot « souveraineté » ne figure pas dans les traités européens. La notion y est appréhendée de manière très restrictive : les impératifs liés à la défense, à la sécurité nationale et à l’ordre public sont les seules dérogations possibles à la liberté de circulation des capitaux que vous avez mentionnée, et aux quatre libertés de manière générale.

La notion de souveraineté entendue au sens large étant absente des traités européens, nous ne disposons pas d’une base légale très étendue pour aller bien loin dans le domaine de la sécurité économique. En pratique, à traités constants, nous essayons de prendre tout l’espace disponible pour assurer une sécurité économique qui aille au-delà de ces trois domaines de la défense, de la sécurité nationale et de l’ordre public. La France dispose de l’un des dispositifs de contrôle des IEF les plus étoffés avec un grand nombre de secteurs couverts. Il me semble que, depuis la crise du covid et la guerre en Ukraine, et peut-être même un peu avant – je pense à une communication de mars 2019 sur la Chine –, l’exécutif européen a opéré une sorte d’aggiornamento intellectuel : il a compris qu’il serait politiquement très compliqué d’embêter un État membre au motif que ce dernier mènerait une politique de souveraineté assez agressive dès lors que ses intérêts légitimes étaient menacés. Depuis le COVID, la Commission a d’ailleurs encouragé les États membres à se doter de mécanismes de contrôle.

Il n’empêche que le cadre juridique est contraint. La jurisprudence n’est pas très fournie sur ces sujets. La question sera probablement tranchée par le juge européen le jour où il sera confronté à un État membre qui interprétera de façon très large la sécurité économique pour bloquer des opérations n’ayant rien à voir avec les critères assez restrictifs définis par les traités.

Le corollaire est que la construction économique européenne s’est réalisée sans prendre en compte la notion de souveraineté. Cette dernière a été laissée aux États membres et considérée, en quelque sorte, comme une exception, une dérogation aux traités. C’est pourquoi l’Europe a bien du mal, même si elle commence à le faire, à s’approprier la notion d’intérêt économique européen.

Jusqu’à présent, le logiciel dominant est celui de la liberté de circulation des capitaux. En vertu d’une loi de 1966, les relations financières entre la France et le reste du monde sont libres. Les intérêts nationaux ne sont opposables à la liberté de circulation européenne que dans les trois matières que j’ai citées. L’Union européenne ne considère pas encore qu’elle a une souveraineté et des intérêts économiques essentiels à défendre, qui vont bien au-delà de la somme des intérêts des États membres, mais je pense que ce sera l’aboutissement naturel des choses.

Puisque l’Europe avance à tâtons, la politique de sécurité économique demeure très nationale. Par exemple, la Commission a décidé de se saisir de la question du contrôle des IEF, mais uniquement pour faciliter le partage d’informations entre les États membres, dont plus de la moitié ont mis en place un dispositif similaire au système français. En effet, si par exemple les Italiens prennent une décision relative au rachat d’une entreprise italienne par un groupe chinois, cela peut avoir un impact sur les pays alentour, compte tenu du fonctionnement des chaînes de valeur ; il est donc logique que la France ait son mot à dire. Ce mécanisme d’information est opérationnel mais ne va pas bien loin : si nous disons aux Italiens qu’une telle opération est une mauvaise idée, ils n’en resteront pas moins totalement souverains dans leur prise de décision. Aussi l’intégration européenne dans ce domaine est-elle très progressive. Mais dans quelques années émergera peut-être la notion d’intérêt économique essentiel de l’Union.

Si les traités sont théoriquement très limitatifs, nous nous trouvons, dans la pratique, très peu contraints par l’application qu’en fait la Commission européenne. Cette dernière n’a jamais vu aucun problème dans les extensions successives de notre réglementation IEF, que ce soit pour couvrir le domaine des biotechnologies, en avril 2020, ou les technologies d’énergies renouvelables, en 2022.

Le seuil de 25 % a été fixé au niveau national : il n’est donc pas forcément le même dans les autres pays. Du reste, il ne s’applique pas aux investisseurs européens. Si un groupe originaire d’un État membre de l’Union européenne rachète 30 % d’une entreprise stratégique française sans en prendre le contrôle, cette opération ne sera pas soumise au contrôle IEF. En revanche, si l’investisseur est une entreprise chinoise, le rachat fera l’objet d’un contrôle IEF, indépendamment de toute prise de contrôle.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Quel est le statut du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Norvège ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Le Royaume-Uni est soumis aux règles applicables aux investisseurs extracommunautaires. Depuis le Brexit, nous commençons à avoir quelques sujets en matière de sécurité économique à travers l’application de procédures juridiques étrangères qui dans certains cas méconnaissent notre droit national.

La France bénéficie d’une bonne marge de liberté dans ce schéma communautaire, puisque nous avons pu ramener le seuil de 25 % à 10 % pour les sociétés cotées, par une mesure à l’époque exceptionnelle visant à faire face à la crise économique et à la crise du covid. Nous craignions que de nombreux États étrangers, profitent de l’effet d’aubaine que représentait l’affaiblissement du tissu économique français pour racheter des entreprises stratégiques.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Le seuil a-t-il été baissé par voie réglementaire ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Oui : c’est un décret de 2020, prolongé en 2021 et en 2022.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’applique donc toujours ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Tout à fait. Nous ne sommes pas encore complètement sortis de l’après-covid. Il est vrai que cette mesure a ses avantages – nous nous demandons d’ailleurs, en toute transparence, si elle ne devrait pas être pérennisée.

Le système américain est assez différent du nôtre. Les critères permettant au Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis, le CFIUS, de contrôler une opération sont plus larges : nos homologues américains disposent d’une marge d’interprétation plus importante et ont une pratique plus discrète du contrôle. Le président Trump a d’ailleurs largement renforcé ce dispositif en 2018 dans le cadre du Foreign Investment Risk Review Modernization Act, ou loi FIRRMA. Notre pratique est différente puisque nous sommes contraints par le traité, même si nous nous inspirons autant que possible de la logique américaine. Elle est plus institutionnalisée, et la procédure encadrée par un certain nombre de délais. Nous sommes relativement transparents et négocions de bonne foi avec les investisseurs.

S’agissant des opérations intra-européennes, les critères de déclenchement du contrôle sont différents. Pour chaque opération, il nous faut déterminer si l’entreprise cible française entre dans les catégories du contrôle, si elle est stratégique pour notre sécurité économique – je vous rappelle que nous avons nos propres référentiels – et si le profil intrinsèque de l’investisseur étranger pose un problème. La nationalité constitue l’un des critères, mais ce n’est pas le seul. Il est assez naturel de considérer moins défavorablement un investisseur européen qu’un investisseur originaire d’un pays tiers, mais nous ne pouvons pas nous contenter de ce prisme d’analyse. La nationalité affecte bien sûr le profil de risque d’un investisseur : certaines nationalités emportent assez naturellement un profil de risque plus élevé. Nous examinons les choses au cas par cas, faute de quoi nous manquerions à notre mission.

Un critère a été ajouté dans le décret IEF parmi les motifs de refus d’une opération : l’existence d’un lien avéré entre l’investisseur et un État tiers. Il nous permet de rattraper des investisseurs qui, en réalité, ne sont pas privés mais servent les intérêts de puissances étrangères de telle sorte qu’on ne peut les assimiler à des entreprises ou à des investisseurs avisés dans une économie de marché. On retrouve également ce critère très puissant d’ingérence étrangère dans la loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux de télécommunications mobiles, dite « loi 5G ». Il faut cependant savoir prouver ces accointances.

La difficulté, dans notre politique de sécurité économique, c’est que nous nous trouvons perpétuellement dans une zone grise. La guerre économique transcende totalement la distinction entre le légal et l’illégal, car « ingérence » n’est pas synonyme d’« illégalité » : des pratiques légales peuvent être de la pure ingérence. L’un de nos critères pour caractériser l’ingérence ou la prédation économique est l’existence d’un lien avec un État étranger. Il y a là aussi une différence entre les Européens et les non-Européens.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Je voulais justement évoquer ces liens avec un État tiers, ce phénomène de cheval de Troie. Prenons l’exemple de l’acquisition d’Alcatel par Nokia : à première vue, il s’agit d’une société finlandaise qui acquiert une société franco-américaine ; sauf qu’on connaît les liens très forts de Nokia avec des capitaux américains. Si une situation comparable devait se reproduire, dans quel cadre entrerait-elle ? De même, l’Europe est réputée accueillir facilement des fonds étrangers faisant office de cache-sexe. Je pense au cas d’Alstom Transmission et Distribution, qui avait été vendu à Areva mais que cette dernière souhaitait revendre. Pour ne pas passer sous les fourches caudines de la surveillance française, General Electric a voulu utiliser un fond luxembourgeois. La transaction ne s’est pas faite, pour diverses raisons, mais comment contrôlez-vous ce genre d’opérations ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. De la même façon : nous examinons le profil de risque au cas par cas. C’est un mélange de doctrine bien balisée, fondée sur les listes d’acteurs stratégiques à protéger au niveau français, et de souplesse, qui nous permet d’adapter notre décision au profil de risque de l’investisseur étranger. Nous regardons qui se cache derrière le fonds d’investissement, quels sont les fonds investis, qui est le bénéficiaire ultime et s’il a des liens avec des États étrangers. En d’autres termes, nous établissons une cartographie des risques autour de cet acteur. Je le répète, nous n’avons pas automatiquement un avis favorable sur un investisseur établi en Europe car, dans certains cas, il peut être utilisé comme un véhicule d’investissement par des intérêts tiers, pour des raisons juridiques ou fiscales par exemple.

Face à une opération comme celle que vous avez mentionnée, nous commençons par déterminer si l’entreprise française est stratégique, si elle entre dans les catégories du code monétaire et financier et si le profil de risque de l’investisseur étranger justifie des investigations complémentaires. Plusieurs cas de figure sont alors possibles.

Il arrive que l’opération n’entre pas dans le champ du contrôle car elle ne correspond à aucune catégorie prévue dans le code monétaire et financier. Nous n’avons alors pas d’autre choix que de laisser faire. En général, l’opération n’est pas stratégique : ce n’est donc pas un problème.

Lorsque l’opération entre dans le champ du contrôle, le ministre a trois possibilités. Si les risques sont bénins, il peut l’autoriser sans condition. S’ils ne le sont pas, il peut l’autoriser avec conditions : il s’agit d’introduire un certain nombre de garde-fous quant au maintien des activités industrielles sensibles en France ou à la protection de la propriété intellectuelle. Il est même possible de prévoir des conditions plus intrusives relatives à la gouvernance de l’entreprise ou au contrôle des informations sensibles. Cette option est assez largement utilisée, puisque plus de la moitié des opérations déclarées éligibles sont autorisées sous conditions.

La troisième option est plus rare mais tout à fait réelle, bien que nous ne communiquions pas sur ce genre de décision : il s’agit du refus de l’opération. Cette option est très encadrée par le droit positif. Une opération ne peut pas être refusée de manière arbitraire. Elle peut l’être par exemple si l’investisseur étranger a été convaincu de fraude ou de délinquance financière, s’il a une honorabilité plus que douteuse, s’il a été condamné à une peine d’emprisonnement, s’il entretient des liens avec un État étranger, si la fixation d’engagements ou de conditions au rachat n’apparaît pas suffisante pour préserver la souveraineté économique de la France.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Au regard de l’ampleur de votre mission et de son intérêt vital, nous espérons que les effectifs du SISSE iront en augmentant. Je me réjouis de l’abaissement du seuil de déclenchement de 25 % à 10 %, en espérant que cette mesure puisse s’inscrire dans le temps.

Peut-on considérer que, grâce aux différents instruments dont elle dispose – fonds activistes, acteurs économiques privés très liés au pouvoir politique, volonté assumée de captation du patrimoine immatériel et de la propriété intellectuelle – la Chine est la principale nation prédatrice pour notre pays, la plus organisée, avec une stratégie assumée ?

Par ailleurs, dans quelle mesure les transferts de technologie liés aux grands contrats, tout à fait réguliers, des industries françaises exportatrices, relèvent-ils du SISSE ? Est-ce un sujet de préoccupation, voire un frein à la conclusion de transactions importantes avec de grandes puissances étrangères ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Nous ferons prochainement des propositions au ministre sur le maintien ou la prolongation du seuil de déclenchement à 10 %. Nous n’avons donc pas encore la réponse.

La Chine constitue assurément une menace : elle cumule plusieurs critères d’alerte et a une stratégie de puissance et de leadership à laquelle l’ensemble du fonctionnement de l’économie chinoise – entreprises, mais aussi citoyens – est subordonné. Cette politique très agressive, comportant des objectifs précis, notamment en matière de parts de marché, est publique, comme en témoigne l’initiative des routes de la soie, dite « Belt and Road », ou encore la stratégie de rattrapage et de domination technologique lancée en 2015 « China manufacturing 2025 ».

Après le temps du rachat d’entreprises industrielles françaises, contre lequel nous nous sommes prémunis, la menace s’est reportée vers le monde de la recherche, traditionnellement moins régulé, où il est possible de déployer une stratégie low cost – installer un chercheur, financer un thésard, conclure un accord-cadre de partenariat, ce qui ne coûte pas très cher… – afin d’accéder à des technologies sans investir beaucoup. Cette stratégie s’est montrée assez puissante puisque, pendant longtemps, elle ne s’est pas heurtée à l’État. Ce n’est désormais plus le cas : les remontées d’informations et d’alerte fonctionnent ; les laboratoires savent à qui s’adresser.

Il existe d’autres types de menaces, plus subtiles, qui ne viennent pas forcément de la Chine : des menaces systémiques liées à la domination qu’exercent certaines puissances sur le système financier. Des fonds d’investissement tout à fait réguliers et pas spécialement prédateurs, appuyés sur l’épargne de concitoyens, disposent de sommes considérables à investir en Europe. Ils font le constat que les entreprises, américaines notamment, sont parfois survalorisées, quand les entreprises européennes sont sous-valorisées : ils investissent donc des sommes importantes dans des start-up ou des PME technologiques. Pendant longtemps, cela a été considéré comme ressortant du libre fonctionnement du marché. Nous opérons désormais une surveillance du point de vue de la sécurité économique.

Mme Caroline Colombier (RN). Concrètement, comment pouvez-vous suivre tout cela sur le terrain ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Nous disposons de plusieurs outils : les informations du renseignement, nos indics sur le terrain (les DISSE), qui sont suffisamment au contact des start-up et des labos pour anticiper les besoins de financement, et les entreprises elles-mêmes. Nous les invitons de plus en plus à nous confier des secrets, que nous sommes outillés pour protéger. Plus elles viendront nous voir, plus nous pourrons anticiper les alertes. C’est un point important car, dès lors qu’un dossier arrive sur le bureau du ministre de l’économie dans le cadre du contrôle capitalistique des IEF, nous n’avons plus que trente puis quarante-cinq jours pour réagir, ce qui est très peu pour trouver des alternatives de financement françaises. Plus nous anticipons, plus le champ des options est large. Nous nous sommes outillés pour répondre à cet enjeu, notamment en matière de repérage des start-up qui auront des besoins de financement sur le secteur non coté.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Quelles sont les possibilités de financement alternatives et qu’en est-il de la banque publique d’investissement BPIFrance ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Ce sont en premier lieu les acteurs privés, les fonds publics n’ayant vocation à intervenir qu’en dernier ressort. Nous sollicitons donc les industriels français – lorsqu’il y en a, ce qui n’est pas le cas dans tous les secteurs. On voit bien que la désindustrialisation n’a pas favorisé la politique de sécurité économique, et qu’inversement la politique de réindustrialisation du Gouvernement renforcera notre bouclier de protection. Ce dernier ne peut se limiter à bloquer toutes les opérations : cela n’aboutirait qu’à détruire de la valeur et freiner le développement des entreprises françaises.

Nous sollicitons également les fonds d’investissement français, même si cela n’est pas toujours couronné de succès, notamment parce que nos délais sont souvent très contraints. Mais au moins cela nous permet-il de faire le tour de toutes les alternatives.

Quant à BPIFrance, elle nous intéresse surtout dans la mesure où elle constitue un véhicule d’investissement pour l’État. Peu après la crise du covid, en 2020, nous avons créé le fonds « French Tech souveraineté » (FTS), doté de 650 millions d’euros, qui nous permet de prendre des participations dans des entreprises technologiques françaises vulnérables ayant des besoins de financement. Il n’est certes pas toujours avantageux que l’État entre au capital : il a des revendications et l’équilibre est délicat entre la liberté entrepreneuriale et la souveraineté. En revanche, la présence de BPIFrance, qui est le gestionnaire du FTS, tend à rassurer les fonds privés et à les inciter à investir.

Les transferts de technologie liés aux grands contrats sont effectivement une source de préoccupation, car le risque de fuite – en matière technologique ou de savoir-faire – est important. Mais notre rôle n’est pas complètement institutionnalisé : nous n’avons pas de cadre juridique pour intervenir lorsqu’une des technologies critiques de notre liste est concernée par un transfert. L’État, lui, intervient, dans deux secteurs principaux : celui de la défense, avec tout ce qui touche au contrôle des exportations militaires, via la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, et celui des exportations de biens à double usage, par le biais d’un service dédié qui est rattaché à la DGE. Les biens à double usage peuvent avoir des utilisations à la fois dans les domaines civil et militaire. Ils intéressent notamment beaucoup certains pays asiatiques qui mènent une stratégie de fusion : pour eux, le militaire a des retombées sur le civil, et les programmes civils bénéficient au rattrapage technologique de l’armée.

Nous sommes récemment intervenus en amont, à la demande d’un acteur stratégique français qui envisageait un projet « greenfield », autrement dit un investissement industriel nouveau en France, avec un partenaire d’un pays extrême-oriental : nous l’avons aidé à se doter d’un plan de sécurité suffisamment solide pour pouvoir se lancer dans le projet. Notre objectif est de prévenir les transferts de technologie et d’être sûrs que le partenariat est vraiment équilibré. Le mythe totalement illusoire du « gagnant-gagnant » a longtemps prévalu, mais il a maintenant été remplacé par le « donnant-donnant », qui ne fonctionne que s’il y a réciprocité. Nous avons donc cessé d’être naïfs. Bref, lorsque nous ne recevons pas l’information par nos autres canaux, nous dépendons du bon vouloir des entreprises qui viennent nous solliciter, mais nous sommes très efficaces lorsqu’elles le font.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. J’ai appris dans un article que BlackRock détient plus de capital dans les entreprises cotées en France que l’État français dans son ensemble. Le fonds souverain norvégien n’est pas très loin derrière. Comment contrôlez-vous ces entrées capitalistiques, qui peuvent être diffuses – BlackRock détient globalement 1,8 % du capital de ces entreprises, contre 1,2 % pour le fonds souverain norvégien et 1,6 % pour l’État français – notamment lorsque l’un des acteurs joue un rôle systémique ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Cela fait partie de la zone grise : on peut ou non considérer qu’il s’agit d’un problème de sécurité économique, ce qui entraîne une réponse de l’État différente.

S’agissant d’abord du stock, c’est-à-dire des participations prises avant que la politique de sécurité économique ne se développe, nous ne pouvons pas faire grand-chose : nous n’intervenons que lorsque ces participations se traduisent par des délocalisations ou des transferts de technologie, opérations couvertes soit par la procédure de contrôle des IEF, en amont, soit par la notion de double usage, qui nous permet de revenir ex post, ce qui est souvent assez complexe.

En revanche, s’il s’agit d’un acteur qui veut passer de 5 % à 26 % du capital d’une entreprise considérée comme stratégique, nous pouvons le contraindre à solliciter l’autorisation du ministre de l’économie avant le rachat.

Hormis ces cas de figure, si l’investisseur reste sous les critères, nous ne pouvons pas intervenir. La stratégie de certains investisseurs consiste à se maintenir à 9,99 % du capital de sociétés cotées : dans ce cas, nous ne pouvons rien faire, si ce n’est essayer d’exercer une influence informelle.

De même, nous pouvons être gênés par les fonds activistes, qui prennent des participations très minoritaires. Lorsqu’ils se lancent dans des opérations de déstabilisation massive qui constituent un manquement à la réglementation financière, ils sont suivis par l’Autorité des marchés financiers. Mais pour le reste, nous ne disposons d’aucun régime juridique de police administrative ou financière pour intervenir. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment anormal : un acteur qui prend 5 % ou 8 % du capital ne représente pas le même risque que celui qui est à 30 %. En vertu du principe de proportionnalité, nous contrôlons les opérations qui doivent l’être.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Existe-t-il un risque systémique ? Le fonds souverain norvégien ne me paraît pas poursuivre des ambitions horriblement impérialistes, mais on peut imaginer qu’il soit un jour remplacé par un fonds d’un pays très puissant. L’Arabie Saoudite ou les pays du Golfe par exemple pourraient avoir un agenda bien différent. Si un tel acteur disposant d’une influence économique et financière globale retire d’un coup toutes ses participations françaises, toutes inférieures au seuil de 10 % considérées isolément, n’y a-t-il pas un risque de krach pour la Bourse de Paris ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. C’est un risque symétrique au risque de souveraineté. Il est possible de considérer que l’emprise économique de certains acteurs étrangers, qui détiennent une partie du capital des entreprises françaises, constitue un risque de souveraineté. Dès lors, nous pourrions également envisager qu’ils se retirent. C’est peu probable, car il s’agit souvent d’investisseurs financiers : leur objectif est de faire de l’argent ; ils suivent des cycles d’investissement de sept ou huit ans et s’intéressent principalement à leur résultat net. Je ne crois donc pas à un mouvement coordonné ou à une panique des fonds d’investissement anglo-saxons qui se retireraient tous au même moment pour faire tomber l’économie française : cela n’aurait pas de sens. Mais il est certain que lorsqu’un fonds d’investissement se retire du capital, l’entreprise concernée a un problème de financement. Dès lors, une entrée en bourse peut présenter un moindre risque, du point de vue de la souveraineté, qu’une reprise à 90 % par un investisseur, étant donné que l’entrée en bourse dilue le capital et diminue la probabilité d’avoir un investisseur très dominant.

D’un autre côté, l’une des politiques prioritaires du Gouvernement vise bien à attirer le maximum d’investissements directs étrangers, qui financent une partie du déficit de la balance des transactions courantes. Cela nous impose de bien doser notre action. À cet égard, les fonds étrangers nous sollicitent de plus en plus pour un dialogue informel, ce qui est nouveau. Ils ont intégré le facteur souveraineté dans leurs opérations et veulent connaître nos méthodes. Ainsi, un fonds étranger souhaitant entrer dans le capital d’une entreprise stratégique française s’interroge désormais sur la liquidité de son actif : le jour de son entrée, trouvera-t-il l’administration française sur son chemin ? Le jour où il voudra revendre sa participation, sera-t-il contraint sur le choix du repreneur ? Ils ont besoin de venir nous en parler. En tout état de cause, notre objectif est de trouver un équilibre permanent entre attractivité et souveraineté.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je reviens sur l’affaire de Carrefour et du groupe québécois Couche-Tard. L’État s’est opposé au rachat au nom de la souveraineté alimentaire, de la sécurisation de l’approvisionnement alimentaire français. Ce type de réaction est-il désormais intégré dans la stratégie en matière d’IEF ? Est-il susceptible de se reproduire ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Absolument, la souveraineté ou sécurité alimentaire fait partie à la fois de la réglementation – c’est l’une des finalités essentielles du code monétaire et financier – et de la doctrine de sécurité économique de l’État. Le covid a validé cette approche. Dès lors que ce critère apparaît dans une opération de rachat, nous sommes susceptibles d’intervenir.

D’un point de vue sémantique, je précise que, pour nous, la notion de sécurité relève d’une action défensive. Nous sommes fiers de l’assumer, car c’est un volet qui a longtemps été absent. Cela consiste notamment en l’organisation de la chaîne d’informations et d’actions. La notion de souveraineté économique, elle, est plus large : elle est assise à la fois sur ce bouclier et sur le glaive qu’est notre capacité à recréer du tissu industriel. Elle intègre donc une forte dimension capacitaire : la capacité à assurer, en toutes circonstances, la prospérité économique des citoyens et des entreprises françaises. Cette indépendance stratégique suppose d’avoir un tissu industriel. Les stratèges chinois de la guerre économique ont longtemps considéré que la puissance américaine était technologique, mais pas industrielle, et qu’il s’agissait donc d’une puissance en bois – un colosse aux pieds d’argile. La souveraineté économique permet de marcher sur deux jambes, l’une défensive et l’autre offensive, l’une n’allant pas sans l’autre.

Outre le critère de la souveraineté alimentaire, nous regardons de très près celui de l’emploi, qui, bien que ne relevant pas directement de la sécurité économique, est important pour la chaîne de valeur et l’emprise industrielle. Le ministre de l’économie, me semble-t-il, a rappelé que Carrefour est le premier employeur de France, avec 200 000 personnes. Si nous considérons que les grands donneurs d’ordre français sont stratégiques, c’est non seulement en raison de leur taille mais aussi et surtout de leur rôle pour telle ou telle filière stratégique.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Vous intéressez-vous de près à l’acquisition assez massive de terres agricoles par des fonds chinois ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Nous nous en préoccupons dès lors que cet objectif stratégique qu’est la sécurité alimentaire est menacé. Sur un plan interministériel, jusqu’à présent, ce mouvement est jugé relativement limité. Je ne me souviens pas d’un dossier IEF lié à cette question, mais nous restons vigilants. Si de tels investissements prenaient un caractère massif, récurrent, ciblé et mono-national, nous pourrions en effet les considérer comme relevant d’une menace économique étrangère sur notre souveraineté alimentaire. Néanmoins, nous n’en sommes pas là.

Nous tenons compte également de menaces qui pèseraient sur des filières très exportatrices.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. M. Montebourg s’est étonné que le décret « Villepin, Montebourg, Le Maire » n’ait été appliqué qu’à Carrefour et jamais à aucune entreprise industrielle, de quelque nature qu’elle soit. Qu’en pensez-vous ? Quid de Latécoère, Exxelia, Technip, Alstom ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. C’est inexact. Nous ne faisons pas publiquement état des refus que nous avons opposés concernant des entreprises industrielles. J’observerai, à ce propos, une stricte confidentialité.

Il a beaucoup été question de Carrefour, en effet, mais c’est un peu l’exception qui confirme la règle. Souvent, ce sont des entreprises cotées qui sont concernées et nous ne tenons pas à interférer avec les cours de la Bourse en claironnant les nouvelles. Toute la difficulté est là : les gens ont besoin de connaître notre action mais nous avons des contraintes de confidentialité bien légitimes en matière de communication.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. D’autres prises de capital ont donc été bloquées dans des entreprises de grande taille ou du CAC 40.

M. Joffrey Célestin-Urbain. D’autres blocages ont effet eu lieu, concernant des entreprises industrielles plus petites mais qui sont critiques pour la chaîne de valeur stratégique. Lorsque nous émettons une proposition de refus, c’est que les enjeux de souveraineté le justifient, que celle-ci ne peut pas être protégée efficacement par une simple lettre de conditions.

Dans d’autres cas, nous avons choisi de mettre des conditions draconiennes. Là encore, nous ne communiquons guère, au risque de laisser croire que nous n’agissons pas assez, mais le fait est qu’en matière de souveraineté, l’État est intransigeant. Lorsque la préservation de la souveraineté est compatible avec une ouverture de capital, nous posons un certain nombre de conditions.

Tout ceci nuance donc les propos dont vous vous êtes fait l’écho.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Des contrôles physiques ont-ils lieu ? Lorsque je travaillais chez General Electric, un site du Creusot fabriquait des turbines, militaires et civiles. Les deux parties de l’usine étaient séparées par… un rideau. Voilà sur quoi reposait le secret défense ! Quelques semaines plus tard, deux stagiaires chinois d’une filiale de General Electric, à Nancy, avaient été mis en examen pour espionnage…

La sécurité a un coût pour les entreprises. Vérifiez-vous les moyens qu’elles utilisent ? Et qu’en est-il des contrôles physiques dans les laboratoires, où la sécurité n’a pas forcément évolué depuis Marie Curie ?

Enfin, votre vigilance s’exerce-t-elle uniquement dans le domaine des sciences dites dures ou vous intéressez-vous aussi aux sciences sociales, où des recherches – par exemple, dans le domaine de la psychologie ou de l’information – peuvent avoir un intérêt pour certains régimes ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Depuis 2022, nous avons engagé un contrôle systématique des lettres d’engagement et des conditions imposées aux investisseurs étrangers. Ce dispositif montera en puissance en 2023 : tous les dossiers d’autorisation faisant l’objet de conditions seront contrôlés, sous la responsabilité du SISSE, chargé de la coordination du suivi de cette politique publique. Le suivi est assuré par l’administration référente désignée dans la lettre de conditions et la coordination que nous exerçons nous permet de détecter le plus tôt possible d’éventuels manquements de la part de l’investisseur étranger. En 2023, nous déploierons un dispositif « à balles réelles » pour un grand nombre de lettres d’engagement.

Nous pouvons être amenés à demander à l’investisseur d’organiser une zone à régime restrictif, dans le cadre du dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation (PPST). Il s’agit de zones dont l’accès est réglementé – normalement, on s’en assure moins par un rideau que par des sas et des registres permettant de retracer les demandes d’accès. Celles-ci remontent au haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère concerné, qui peut être le ministère de la recherche pour certains laboratoires, Bercy pour d’autres. C’est le HFDS qui statue sur la demande : il peut la refuser, ou poser des conditions.

Si, à l’occasion d’un contrôle IEF, nous constatons que la PPST n’est pas correctement assurée par l’investisseur, il y a des conséquences juridiques, avec des sanctions pénales. Toutefois, hors du champ de l’IEF, ce dispositif de PPST reste facultatif : il n’est pas possible de l’imposer à une entreprise ou à un laboratoire, même si nous pouvons les encourager fortement à l’adopter. En revanche, lorsqu’ils ont choisi d’y entrer, ils doivent s’y soumettre, sous peine de sanctions.

La PPST reste le meilleur dispositif de sécurisation d’un site – accès, protection des données sensibles… – après celui de la protection du secret de la défense nationale. Mais ce dernier relève du ministère des armées et nous ne pouvons évidemment pas l’utiliser pour gérer des situations qui concernent la sécurité économique au sens large.

Avec le ministère de la recherche, nous menons une politique assez offensive pour aller voir les laboratoires sensibles de la troisième liste et les encourager à entrer dans le dispositif de la PPST.

Enfin, nous privilégions les sciences dures – je rappelle que nous ne nous en occupions pas du tout il y a encore peu. Nous nous concentrons en particulier sur les technologies que nous avons identifiées comme critiques. Les sciences sociales relèveraient plutôt de la contre-influence au sens large, et donc d’autres services de l’État. Nous savons que certains pays d’extrême orient les utilisent comme vecteur d’influence dans le cadre des « trois guerres » qu’ils mènent : guerre de l’opinion, guerre psychologique et guerre du droit. Mais ce n’est pas de notre ressort : dans nos choix d’allocation des ressources, nous commençons par nous mettre à niveau sur les technologies relevant des sciences dures.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Le SISSE dépend de la direction générale des entreprises, et donc du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Ses activités sont-elles coordonnées, à un moment ou à un autre, avec le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ?

M. Joffrey Célestin-Urbain. Le secrétaire général à la défense et à la sécurité nationales préside les comités de liaison de sécurité économique où sont rendus des pré-arbitrages sur les dossiers les plus importants du moment. Ces dossiers sont extraits de notre flux d’alerte permanent et remontent aux plus hautes autorités. Toute la coordination que fait le SISSE au quotidien est chapeautée à ce niveau interministériel. Le secrétaire de ce comité, chargé de l’animation et du pilotage, est le CISSE, le commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques, en l’occurrence mon supérieur direct. Depuis 2018, il est également à la tête de la DGE. C’est donc la même personne qui est chargée de la politique industrielle et de la politique de sécurité économique. Dans la pratique, le SISSE assure le secrétariat de ces comités pour le CISSE.

Le SGDSN apporte une expertise sur les risques autres que ceux de la sécurité économique : doubles usages, sujets civilo-militaires, prolifération… Il assure la cohérence de la politique de défense et de sécurité de l’État, et apporte une touche interministérielle et de proximité avec Matignon dont tout le monde bénéficie. Le SGDSN, tête de réseau des HFDS, permet de mettre en synergie ces différentes politiques de l’État, ce qui est précieux d’un point de vue administratif. Les actions que je vous ai décrites supposent en effet une ingénierie administrative et une « comitologie » de grande ampleur.

Nous travaillons très bien avec la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) et les services de renseignement. Nous en sommes « clients », et nous les orientons aussi vers les entités prioritaires. La CNRLT coordonne l’ensemble du renseignement économique qui nous arrive, qui est une de nos sources. Nous lui faisons systématiquement un retour circonstancié des actions que nous avons menées ou non. C’est une démarche très utile qui nous permet de leur dire, en toute transparence et amitié, quand les notes de renseignement nous sont utiles ou non. Nous connaissons un niveau de maturité institutionnelle et de confiance humaine qui me paraît assez unique entre des services qui ne se situent pas traditionnellement dans le champ de Bercy et un service qui y appartient. Le niveau d’imbrication opérationnelle est historiquement élevé. Cela a pris du temps et nous ne sommes pas un service de renseignement, mais cela fonctionne très bien aujourd’hui.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. M. Montebourg a qualifié un jour notre intelligence économique d’« indigente ».

M. Joffrey Célestin-Urbain. Peut-être est-ce parce que l’État ne revendique plus une politique d’intelligence économique explicite, à la différence d’auparavant, où l’on ne parlait pas de sécurité économique mais d’intelligence économique ? C’est une notion dont on n’a longtemps pas vraiment su ce qu’elle voulait dire, jusqu’à ce qu’on s’attelle à définir clairement une politique de sécurité économique.

Je ne parle pas trop d’intelligence économique mais nous en faisons, afin de servir les objectifs de souveraineté de l’État. Tout ce dont je vous ai parlé, l’ingénierie administrative, les informations des services de renseignement, nos propres sources, les délégués, les préfets, cela relève de l’intelligence économique interne, qui alimente notre réponse.

Peut-être M. Montebourg parlait-il de l’intelligence économique au sens de la sensibilisation des entreprises ou des programmes académiques. Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons de plus en plus. Nous sommes plutôt orientés sur le « bouclier », mais nous savons que des actions intéressantes peuvent être menées en direction du grand public.

Nous avons ainsi réalisé un guide de sensibilisation des entreprises comprenant vingt-huit fiches « réflexes » que les PME, les entreprises de taille intermédiaire et les laboratoires utilisent beaucoup pour se prémunir des risques principaux, par exemple lorsqu’ils se rendent dans un salon à l’étranger.

Nous avons également créé un outil d’autodiagnostic que les entreprises peuvent télécharger sur le site du SISSE. De leurs réponses à un certain nombre de questions résulte un score de sécurité économique permettant de vérifier leurs éventuelles déficiences. Nous avons aussi travaillé avec le MEDEF et l’Association française des entreprises privées à l’élaboration d’un guide public de protection de la donnée sensible destiné à toutes les entreprises.

Nous créons des ponts avec les formations académiques. Dans cette optique, j’ai commencé un cours sur la souveraineté économique à Sciences Po. Il me semble essentiel en effet de mettre la souveraineté au programme de toutes les formations supérieures – à HEC, à l’ESSEC, à Sciences Po, à l’INSP…

Enfin, nous aidons les entreprises qui veulent s’internationaliser : quand elles envisagent un partenariat avec une entreprise étrangère, elles nous saisissent et nous réalisons des études d’honorabilité pour elles.

 

La séance s’achève à dix-neuf heures cinq.


Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Mireille Clapot, Mme Caroline Colombier, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Anne Genetet, Mme Constance Le Grip, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy.