Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
visant à sécuriser et
réguler l’espace numérique

 

 

 

 Suite de l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (n° 1514 rect.) (M. Paul Midy, rapporteur général, Mme Mireille Clapot, Mme Anne Le Hénanff, M. Denis Masséglia, Mme Louise Morel, rapporteurs)                            2

 


Mercredi
20 septembre 2023

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 4

2022-2023

Présidence de
M. Luc Lamirault, Président


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La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Luc Lamirault, président.

La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (n°1514 rect.) (M. Paul Midy, rapporteur général, Mme Mireille Clapot, Mme Anne Le Hénanff, M. Denis Masséglia, et Mme Louise Morel, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/vwCIX0  

M. le président Luc Lamirault. Nous poursuivons l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, entamé hier soir ; 650 amendements restent en discussion.

Article 1er (suite) : Nouvelles missions confiées à l’Arcom en matière de contrôle de l’inaccessibilité aux mineurs des contenus pornographiques en ligne et d’établissement d’un référentiel obligatoire s’agissant des systèmes de vérification d’âge pour l’accès à ces contenus

Amendements CS287 de Mme Sophia Chikirou et CS289 de M. Andy Kerbrat (discussion commune)

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à apporter des garanties de protection de nos libertés publiques au référentiel que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a pour mission d’établir ; faute d’encadrement, l’article 1er n’en offre en effet aucune, ce qui est inquiétant. Comme l’indique La Quadrature du net, imposer l’identité numérique constituerait un précédent et contribuerait à mettre fin à l’anonymat en ligne.

Nous souhaitons donc que soient inscrites dans la loi les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), en précisant que la collecte directe de documents d’identité, l’estimation de l’âge de l’utilisateur à partir de son historique de navigation ainsi que le traitement biométrique aux fins d’identifier une personne physique sont exclus des caractéristiques techniques déterminées par le référentiel. Nous partageons le souci de protéger les mineurs mais la solution ne réside pas dans le déploiement de ce type d’outils : la prévention et l’éducation doivent être des priorités.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Par cet amendement de repli à l’amendement de repli, il s’agit d’empêcher le traitement en temps réel de l’image des personnes à des fins d’exploitation biométrique. L’amendement est encore moins-disant que le précédent.

Mme Louise Morel, rapporteure pour les titres Ier et II. Nous poursuivons le débat que nous avons entamé hier. Même remarque : nous ne souhaitons pas préciser le référentiel. Nous voulons laisser l’Arcom faire son travail. Je rappelle que l’alinéa 3 évoque, dans une formule très large, le « respect de la vie privée ». Par ailleurs, le référentiel sera bien soumis au règlement général sur la protection des données (RGPD). Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS196 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Un amendement de la sénatrice Laurence Rossignol a permis de fixer un délai de six mois pour établir et publier le référentiel relatif aux systèmes de vérification de l’âge déployés pour l’accès aux services de communication au public en ligne de contenus pornographiques. Cet accès étant actuellement très facile, il serait préférable de réduire le délai à trois mois. Les travaux engagés depuis plusieurs années montrent que ce problème persiste. La situation appelle une réaction la plus rapide possible de la puissance publique par le truchement de l’Arcom.

Mme Louise Morel, rapporteure. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation : si l’Arcom peut publier le référentiel plus tôt, tant mieux mais, en l’état, mieux vaut prendre le temps d’organiser la consultation du public sur le projet. Le traitement des observations ne doit pas non plus être négligé. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique. Même avis.

Mme Marie Guévenoux (RE). Hier, le ministre délégué s’est engagé à ce qu’une présentation générale du référentiel soit faite avant la séance. Le groupe Renaissance y tient beaucoup : cette lecture permettra de remédier aux deux problèmes soulevés dans l’article, ceux de la protection des utilisateurs, avec le respect de leur vie privée, et de la vérification fiable de la majorité des usagers, afin que les mineurs soient protégés des contenus illicites, inappropriés à leur âge.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS741 de Mme Louise Morel et CS333 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

Mme Louise Morel, rapporteure. Nous proposons de compléter l’alinéa 5 en précisant que l’Arcom rend compte chaque année au Parlement des actualisations du référentiel et des audits des systèmes de vérification de l’âge mis en œuvre par les services de communication au public en ligne. Cela nous permettra d’être bien informés sur cette question.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Mon amendement va dans le même sens. L’Arcom doit rendre compte chaque année au Parlement des actualisations du référentiel : il va de notre responsabilité de contrôler et de s’assurer que celui-ci est suffisamment contraignant pour les éditeurs et qu’il respecte l’équilibre que nous souhaitons tous entre la protection des mineurs et celle de la vie privée.

Mme Louise Morel, rapporteure. Mon amendement prévoit que le référentiel est présenté dans le cadre des travaux continus de l’Assemblée ; le vôtre, qu’il fait l’objet d’une présentation distincte par l’Arcom. Je vous suggère donc de le retirer, pour ne pas alourdir nos travaux et le fonctionnement de notre assemblée.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La présentation de l’architecture générale du référentiel permettra de rassurer ceux qui sont soucieux de l’efficacité des systèmes de vérification de l’âge comme ceux qui se préoccupent de préserver la vie privée. En outre, l’amendement de la rapporteure permettra à l’Arcom de rendre compte au Parlement au fil de l’eau. Chacun peut ainsi être rassuré sur la nature du dispositif.

Je donne donc un avis favorable à l’amendement CS741 et propose aux auteurs de l’amendement CS333 de s’y rallier.

La commission adopte l’amendement CS741.

En conséquence, l’amendement CS333 tombe.

Amendement CS407 de Mme Francesca Pasquini

Mme Louise Morel, rapporteure. Mon amendement a prévu que le référentiel serait actualisé en tant que de besoin. Je ne comprends donc pas la mention des trois ans. Avis défavorable.

M. Paul Midy, rapporteur général. De nombreux amendements ont été défendus depuis hier, pour préciser ou qualifier le référentiel : ils sont souvent satisfaits et nous sommes conduits à en demander le retrait ou à leur donner un avis défavorable.

Pour la majorité d’entre eux, j’ai l’impression que nous avançons dans le même sens que leurs auteurs, celui de disposer d’un référentiel le plus robuste possible, qui place des garde-fous solides dans l’élaboration des solutions techniques. Je rappelle les deux objectifs qui figurent dans la loi à l’article 1er : la fiabilité du contrôle de l’âge et le respect de la vie privée.

Nous avons en revanche refusé les amendements qui apportaient des précisions technologiques ou forçaient l’éditeur à opter pour certaines technologies : nous voulons laisser les utilisateurs choisir le type de technologies qu’ils adoptent, dans le cadre du référentiel. Si nous avons repoussé ces amendements, ce n’est pas que nous n’en partageons pas l’objectif mais parce que notre rédaction nous semblait la plus robuste pour atteindre notre objectif commun.

Pour ce qui concerne le calendrier, nous voulons aller vite : six mois semblent une éternité. Pourtant, pour que le dispositif fonctionne, il faut laisser du temps à la consultation publique et aux vérifications juridiques. Vous voyez avec les amendements de la rapporteure qu’en demandant à l’Arcom de présenter les actualisations du référentiel, nous cherchons à nous assurer de sa robustesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS246 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Nous avons expliqué hier que nous n’acceptons pas de donner un blanc-seing à l’Arcom pour la création de ce référentiel, par un décret. Les parlementaires sont dans le flou. Nous vous avons proposé des garde-fous législatifs : vous les avez tous refusés. La moindre des choses est d’accepter un rapport qui évalue la mise en œuvre du référentiel et émette des recommandations pour améliorer le dispositif eu égard au respect des libertés individuelles. Le but est de trouver le bon équilibre entre protection de la vie privée et protection des mineurs, et que les parlementaires puissent revenir étudier le référentiel dans les prochains mois.

Mme Louise Morel, rapporteure. Il revient au Parlement de se saisir de ces questions, et il est doté de moyens pour le faire. La commission spéciale sera d’ailleurs amenée à évaluer l’efficacité de cette loi. L’amendement est donc presque satisfait. Pour l’heure, les députés intéressés pourront échanger avec l’Arcom dans quinze jours, lorsque la commission des affaires culturelles auditionnera ses représentants. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS616 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Toutes ces interdictions visent à respecter les dispositions de l’article 227-24 du code pénal. Nous avons adopté hier soir un amendement de la rapporteure, qui a fait tomber certains des nôtres. D’ici à l’examen en séance, nous pourrons encore travailler la rédaction de l’article car elle n’est pas tout à fait convaincante : on peut aller plus loin.

En l’état je retire mon amendement, qui semble superfétatoire par rapport à celui de la rapporteure.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcom en matière de restriction d’accès des mineurs aux sites pornographiques

Amendement de suppression CS292 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cet amendement vise à éviter que l’Arcom contourne la procédure judiciaire, comme vous le proposez à l’article 2. Monsieur le ministre délégué, vous avez dit devant le Sénat le 4 juillet 2023, que vous prévoyiez « d’aller beaucoup plus vite, en contournant la procédure judiciaire pour procéder à ce blocage » et qu’il s’agissait de « demander à l’Arcom de prendre une décision assez lourde, à savoir ordonner en quelques semaines le blocage et le déréférencement du site ».

Cette décision est en effet très lourde, et elle doit faire l’objet d’un jugement par un juge. La procédure judiciaire a été rendue inefficace par excès de procédures d’appel mais le fait qu’un juge décide n’est pas anodin. Il paraît indispensable de maintenir le pouvoir de bloquer un site entre les mains d’un juge.

Mme Louise Morel, rapporteure. J’entends votre volonté de laisser une place au juge judiciaire. Toutefois, cela revient à laisser la situation telle quelle. Or, elle ne fonctionne pas, sans quoi nous ne serions pas réunis aujourd’hui. Nous proposons de transformer la procédure judiciaire en procédure administrative de sanction et de blocage, qui peut toujours faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, même si ce n’est pas la même chose, nous en convenons. Nous avons évoqué hier l’absence de condamnations prononcées. Il faut avancer : nous ne pouvons pas laisser le dispositif en l’état. En supprimant l’article 2, vous proposez de ne rien changer. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je rejoins les propos de la rapporteure. Rappelons le dispositif et les délais : d’abord, l’Arcom fait part de ses observations par une lettre motivée, remise par tout moyen propre à en établir la date de réception. Le destinataire dispose d’un délai de quinze jours pour y répondre. Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que l’Arcom peut, le cas échéant, mettre en demeure l’éditeur du site de se conformer aux caractéristiques techniques du référentiel, dans un délai de quinze jours. Le dispositif est assorti de possibilités de recours, pour les sites qui se considéreraient lésés. Avis défavorable.

Mme Caroline Parmentier (RN). Conserver le dispositif actuel est irresponsable. Le texte permettra de condamner les sites diffusant de la pornographie, qui sont une agression pour les enfants et les jeunes. Je me permets de vous rappeler vos responsabilités dans ce domaine.

M. René Pilato (LFI-NUPES). L’irresponsabilité est de ne pas respecter la séparation des pouvoirs. Depuis le début de la législature, sans parler de la précédente, votre volonté systématique de contourner la justice est étonnante. De quoi avez-vous peur ? Des atteintes aux libertés impressionnantes sont commises. Demander que la justice puisse trancher une décision, c’est respecter la séparation des pouvoirs : cela est fondamental dans un État de droit. Si vous contournez la justice, vous n’êtes plus dans un État de droit.

Mme Caroline Yadan (RE). Vous parlez de contournements inquiétants du juge, et de non-respect de l’État de droit. Ce n’est pas ce qui se passe. Dans plusieurs domaines de notre droit, il y a une compétence tantôt du juge judiciaire, tantôt du juge administratif. C’est le cas pour le droit des étrangers, vous ne l’ignorez pas.

L’idée est d’être plus efficace pour punir qui doit l’être et pour prononcer plus facilement des sanctions. M. le ministre délégué l’a dit, il y aura des voies de recours. Par voie de conséquence, l’État de droit est parfaitement respecté.

Mme Marie Guévenoux (RE). La rapporteure l’a dit, voter l’amendement, c’est faire en sorte que la situation actuelle perdure et que nous soyons démunis pour empêcher les utilisateurs mineurs d’accéder à ces contenus.

Quant à l’argument d’un contournement du pouvoir judiciaire, qui jette l’opprobre sur la justice administrative, il est faux. L’article prévoit des recours, si bien que les éditeurs pornographiques pourront se défendre des injonctions que lui adressera le président de l’Arcom. Le délai de recours est suffisamment long pour permettre à ceux qui ne sont pas d’accord de faire respecter leurs droits. Quant à nous, nous souhaitons faire en sorte que le droit des mineurs soit respecté dans l’article.

M. Paul Midy, rapporteur général. Si on supprime l’article, le cœur du dispositif tombe car il importe de donner à l’Arcom le pouvoir de menacer les éditeurs. Le but est non de bloquer les sites, mais que la menace soit suffisamment crédible pour qu’ils aillent au bout du déploiement des solutions techniques. La rapporteure l’a dit, si on y renonçait, on se retrouverait dans la situation actuelle : trois ans de procédure judiciaire, qui n’ont mené à rien.

Quant à savoir si ce rôle revient à la justice ou à l’Arcom, nous proposons un choix équilibré, proportionnel, pragmatique et efficace. Il serait disproportionné de donner cette arme à l’Arcom pour des sites politiques ou d’information, mais nous parlons de sites pornographiques. En l’espèce, une erreur de l’Arcom conduirait à un blocage indu de Pornhub pendant quelques jours. C’est moins dramatique que s’il s’agissait d’un autre type de site, d’autant qu’il y a des possibilités de recours efficaces auprès du juge administratif. Le dispositif est encadré par la justice, dans le cas où l’Arcom commettrait des erreurs.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS677 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS192 de M. Laurent Esquenet-Goxes

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). En cohérence avec un amendement similaire déposé à l’article 1er, le présent amendement a pour objet de renforcer la contrainte exercée sur les plateformes pornographiques afin qu’elles soient tenues à une obligation de résultat dans la vérification de la majorité de leurs utilisateurs.

La nouvelle procédure est une véritable avancée : grâce à ce texte, qui donne à l’Arcom un pouvoir de blocage, nous pourrons aller plus vite.

Mais il faut veiller à ne pas déresponsabiliser les plateformes. Sanctionner une plateforme parce qu’elle ne met pas en œuvre un système qui correspond au référentiel n’est pas assez ambitieux par rapport à la situation de départ. Actuellement, les plateformes doivent déjà empêcher les mineurs d’accéder à leurs contenus.

Le souci d’aller vite ne doit pas nous conduire à abaisser les ambitions et les contraintes qui pèsent sur les plateformes : il faut continuer à leur imposer de respecter leurs obligations pénales. Tel est l’objet de l’amendement.

Mme Louise Morel, rapporteure. Nous partageons la nécessité d’introduire des obligations de résultat et de moyens. Nous l’avons déjà écrit à l’article 1er et il n’est pas utile de le préciser à chaque article. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS678 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS170 de Mme Christine Loir

M. Jordan Guitton (RN). Nous souhaiterions que la plateforme ou l’éditeur de site qui reçoivent des observations de l’Arcom soient informés des sanctions qu’ils encourent, pour les dissuader de continuer à publier du contenu pornographique qui pourrait être accessible aux mineurs. La connaissance de la sanction peut être dissuasive. Elle permettrait peut-être que les contenus en ligne soient retirés plus rapidement.

Mme Louise Morel, rapporteure. Votre amendement part d’une bonne intention mais nul n’est censé ignorer la loi. Nous n’allons pas faire de la pédagogie avec les éditeurs de sites pornographiques en l’inscrivant explicitement dans le texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS197 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Il s’agit de raccourcir de quinze à sept jours le délai de réponse d’un éditeur qui n’a pas instauré un système de vérifications d’âge conforme aux caractéristiques techniques du référentiel. L’enjeu de cette mesure, la protection de l’enfance, est grave et implique une réponse rapide. Ce délai de sept jours laisse un temps suffisant à l’éditeur pour adresser ses observations à l’Arcom.

Mme Louise Morel, rapporteure. Le délai de quinze jours paraît raisonnable pour respecter le principe du contradictoire, d’autant que c’est l’ensemble du service qui s’expose à des sanctions, non le seul éditeur.

Je rappelle que la procédure se déroule en trente jours, entre le moment où l’Arcom envoie sa première lettre et la sanction : l’Arcom envoie une lettre d’observations à l’éditeur, qui a quinze jours pour répondre. Puis, elle peut faire parvenir une mise en demeure de se conformer à la loi sous quinze jours, à l’issue desquelles des sanctions peuvent être prononcées – sanctions pécuniaires, blocage du site sous quarante-huit heures, notification de déréférencement aux moteurs de recherche sous cinq jours. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Le recours au tribunal administratif étant de cinq jours, si on réduit à sept jours la possibilité de répondre à la lettre de l’Arcom, cela ne laisserait qu’une très courte marge de manœuvre pour saisir le tribunal administratif. Nous sommes donc contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS67 de Mme Christine Engrand

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement de pure forme vise à préciser que le délai court à compter de la date de réception du courrier.

Mme Louise Morel, rapporteure. Cette mention est inutile car la phrase précédente insiste sur l’établissement de la date de réception de la lettre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS679 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS622 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). L’amendement vise à rendre obligatoire la mise en demeure à l’issue du délai de quinze jours. En l’état, la loi ne prévoit aucune automaticité. Nous devons nous assurer qu’à terme, les personnes concernées seront tenues de se mettre en conformité et qu’elles prendront les mesures nécessaires pour empêcher les mineurs d’accéder à leurs contenus.

Il s’agit de clarifier les choses. Si la plateforme ou le service d’accès en ligne n’a rien fait, n’est pas conforme ou fournit des observations non satisfaisantes, il est automatiquement mis en demeure de se conformer dans un délai de quinze jours.

Mme Louise Morel, rapporteure. L’amendement est satisfait pour l’essentiel, seule la rédaction diffère. L’Arcom sera responsable pour juger du caractère satisfaisant des observations formulées en retour. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L’alinéa 3 laisse une marge d’appréciation à l’Arcom, tant sur l’opportunité de mettre en demeure l’éditeur que de demander un avis à la Cnil, le cas échéant. Avant toute mise en demeure, une analyse est faite, avec éventuellement un avis de la Cnil. C’est la raison pour laquelle l’automaticité n’est pas prévue à l’alinéa 3. Même avis que la rapporteure.

M. Erwan Balanant (Dem). Vous assumez donc qu’il n’y a pas d’automaticité, contrairement à ce qu’a dit la rapporteure. Une fois le délai de quinze jours passé, on peut imaginer une mise en demeure automatique si les observations ne sont pas satisfaisantes. Je maintiens donc l’amendement.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous ne voterons pas cet amendement. Nous sommes pour la justice, et la justice n’est pas automatique : elle prend en compte de nombreuses variables, comme la mesure. Une sanction automatique n’est pas juste. Elle ne tient pas compte de la gravité des faits, ni d’éventuels conseils. Un courrier contenant des recommandations peut être suivi d’effet, sans qu’il y soit répondu. Votre amendement équivaut à passer sous un portique avec un morceau de métal et être automatiquement arrêté, quand bien même le métal serait une boucle de ceinture.

Mme Louise Morel, rapporteure. J’ai dit que l’amendement était satisfait pour l’essentiel car il comprend deux étapes. L’Arcom peut demander des informations complémentaires et décider qu’elles sont satisfaisantes. Introduire l’automaticité revient à balayer la réponse apportée. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à l’amendement.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. C’est un processus par étapes. Si l’Arcom doute de la conformité ou constate que le dispositif de la plateforme ou de l’éditeur ne semble pas répondre au référentiel, elle envoie une lettre d’observations. En fonction de la réponse du contrevenant elle peut le mettre en demeure, le cas échéant après avis de la Cnil. Il y a bien un embranchement entre deux possibilités : poursuivre la procédure si les réponses apportées ne sont pas satisfaisantes ou l’arrêter si la réponse de la plateforme a rassuré l’Arcom.

M. Erwan Balanant (Dem). L’amendement ne vise pas à une automaticité, madame Amiot. Je le retravaillerai d’ici à l’examen en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS172 de Mme Christine Loir et CS240 de Mme Francesca Pasquini (discussion commune)

M. Jordan Guitton (RN). Il conviendrait de se mettre d’accord, d’ici à l’examen en séance, sur le fait que le non-respect de la mise en place d’une vérification d’âge entraîne automatiquement une sanction et la fermeture du site. Il faut laisser l’Arcom faire son travail : si elle juge le dispositif satisfaisant, il ne doit pas y avoir de sanction, mais si l’obligation n’est pas respectée, il faut sanctionner.

Mme Louise Morel, rapporteure. Nous venons de débattre de cette question : l’avis est défavorable sur les deux amendements. Je soutiendrai plus tard des amendements liant la mise en demeure de se conformer au référentiel à l’injonction de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs aux contenus incriminés.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous comprenons votre souhait de faire immédiatement cesser le problème que constitue l’accès des mineurs à des images à caractère pornographique, mais il faut tout de même faire prévaloir l’État de droit et laisser aux représentants du service éditant ces contenus la possibilité de se défendre dans une procédure contradictoire.

Quel équilibre trouver entre la protection des mineurs, l’accès des majeurs à ce type d’images et le déploiement de sanctions dans le respect du droit ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS117 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Mon amendement a également pour objet de réintroduire le juge dans la procédure.

Sur le plan des principes, c’est au juge de prendre des mesures de restriction de liberté. Ce pays a une fâcheuse tendance depuis quelques années à déléguer cette responsabilité aux autorités administratives : entre autres exemples, les préfets prennent des arrêtés préventifs destinés à empêcher d’exercer la liberté de manifester. Je ne souhaite pas que le mouvement de restriction des libertés se propage au numérique.

Je ne suis pas non plus convaincu par l’argument du rapporteur général selon lequel il ne serait pas grave de fermer quelques jours, même par erreur, des sites au motif qu’ils ne sont que pornographiques. Nous connaissons parfaitement le mécanisme : on crée un précédent juridique, en l’occurrence donner à l’Arcom le pouvoir de fermer un site pornographique sans saisir de juge, que l’on étendra demain à des sites ayant un objet différent. Le schéma est toujours le même.

Enfin, vous affichez un objectif de rapidité, mais l’Arcom a-t-elle plus les moyens que la justice d’agir rapidement ? Quand il s’agit de sanctionner des responsables de programmes de télévision au cours desquels des propos racistes ou des incitations à la haine sont proférés, l’Arcom prend tout son temps : soit elle manque de moyens, soit elle est réticente à le faire, mais dans tous les cas, votre dispositif ne nous convainc pas. Réintroduisons le juge dans la procédure de sanction des sites !

Mme Louise Morel, rapporteure. Le texte reconnaît la place du juge, puisqu’il est toujours possible de former un recours devant le juge administratif. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS680 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS199 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Il s’agit d’imposer à toute personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permettant l’accès à des contenus pornographiques de se conformer, dans un délai de sept jours, aux caractéristiques techniques du référentiel après une mise en demeure de l’Arcom.

Ce délai de sept jours semble nécessaire et adapté, dans la mesure où la gravité de la matière dont il est question exige une réponse rapide, qui ménage toutefois à la personne incriminée un délai suffisant pour réagir.

Mme Louise Morel, rapporteure. Le raccourcissement du délai de mise en conformité que vous proposez est excessif. Le délai maximum de trente jours me semble parfaitement proportionné et conforme à l’application efficace de la loi. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS198 de Mme Caroline Parmentier, CS367 de M. Hervé Saulignac et CS623 de M. Erwan Balanant

Mme Caroline Parmentier (RN). Si la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permettant d’avoir accès à des contenus pornographiques n’a pas mis en œuvre de système de vérification de l’âge conforme aux caractéristiques techniques du référentiel de l’Arcom, n’a pas répondu à la lettre de l’Autorité dans le délai imparti de quinze jours et se trouve mise en demeure d’agir, l’amendement propose qu’il soit enjoint à cette personne de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs aux contenus incriminés.

L’automatisation de cette injonction semble nécessaire compte tenu de la gravité des faits et de la nécessité d’y mettre fin le plus rapidement possible.

M. Hervé Saulignac (SOC). L’amendement vise à lier la mise en demeure des plateformes de respecter le référentiel et l’injonction de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs aux contenus incriminés.

L’article 23 de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet oblige les plateformes à prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs à ces contenus. Or ce projet de loi se contente d’une mise en demeure de se conformer aux caractéristiques techniques du référentiel. Nous avons débattu hier soir de la tension entre l’obligation de moyens et celle de résultats : il ne faut surtout pas abandonner la seconde, d’où notre demande d’assortir automatiquement la mise en demeure d’une injonction à prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs aux contenus pornographiques.

M. Erwan Balanant (Dem). Il y a des règles que l’Arcom doit faire respecter. La deuxième phrase de l’alinéa 3 dispose que la mise en demeure peut être assortie d’une injonction : cette rédaction est indulgente avec les plateformes. Il faut que l’injonction accompagne obligatoirement la mise en demeure : tel est le sens de cet amendement, de repli par rapport au CS622.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je ne suis pas favorable à la mise en place d’une injonction automatique. Il faut laisser l’Arcom apprécier les situations ainsi que l’opportunité d’accompagner la mise en demeure d’une injonction. L’avis est défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je partage l’avis de la rapporteure : prévoir des mesures automatiques en plus de celle de se conformer au référentiel est inutile. Je demande donc aux auteurs des amendements de les retirer.

À l’issue du double délai de quinze jours, l’Arcom peut prononcer des amendes mais également ordonner le blocage et le déréférencement du site. L’alinéa 9, qui évoque cette possibilité de blocage, pose une obligation de moyens et de résultats, puisqu’il cite explicitement l’article 227-24 du code pénal.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous ne sommes pas opposés à des sanctions rigoureuses et rapides contre les plateformes qui n’empêchent pas les mineurs d’avoir accès à des contenus pornographiques, mais quelle est la nature du référentiel et quelle pourrait en être l’efficacité dans le respect d’un équilibre complexe entre la liberté de création et le devoir de protection des mineurs ?

Tant que les incertitudes ne seront pas dissipées et que tout n’aura pas été dit à la représentation nationale, comme cela doit être le cas en démocratie, le débat restera bloqué.

M. Laurent Croizier (Dem). Je défends ces amendements qui accroissent la légitimité de l’Arcom. L’objectif du dispositif n’est pas la mise en demeure, mais le respect de la loi et celui de leurs obligations par les éditeurs de contenus. Ils réaffirment enfin l’exigence du législateur envers l’Arcom.

Mme Marie Guévenoux (RE). Nous l’avons rappelé lors de l’examen de l’article 1er, nous sommes extrêmement attachés à l’obligation de moyens mais aussi à celle de résultats : nous comprenons donc parfaitement l’esprit de ces trois amendements identiques.

Cependant, si l’on confère à une autorité administrative indépendante (AAI) un pouvoir de mise en demeure et de sanction, il faut lui laisser la liberté de décider de l’engagement de cette procédure. Nous sommes attachés à la marge d’appréciation et à l’avis de la Cnil, parce que ces éléments contribuent à la robustesse législative de l’article. Comme l’ont rappelé le rapporteur général et le ministre délégué hier, nous devons, si nous voulons concevoir un dispositif efficace, nous conformer aux deux bornes que sont les cadres conventionnel et constitutionnel : le respect de ces exigences juridiques sera évidemment scruté de près. Voilà pourquoi, tout en comprenant l’esprit des amendements défendus par les collègues, je souhaite que nous en restions à la rédaction actuelle afin de ne pas fragiliser le dispositif.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS681 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS414 de Mme Sophia Chikirou

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cet amendement vise à réaffirmer la place du juge judiciaire dans la procédure de blocage des sites. J’ai entendu hier un député siégeant sur les bancs de la majorité – probablement un marxiste – dire qu’il n’avait pas confiance dans l’Arcom. La question mérite en effet d’être posée : à qui faisons-nous confiance pour surveiller simultanément des centaines de sites et de chaînes de télévision, faire preuve de la réactivité nécessaire et rester juste ?

Nous proposons que ce soit un juge judiciaire qui prononce la peine de blocage des sites, entreprises à but commercial qui, même quand elles éditent des contenus pornographiques, ne doivent pas être privées de leur activité sans justification.

Mme Louise Morel, rapporteure. S’agissant de la confiance que nous pouvons nourrir dans l’Arcom, je vous rappelle que l’activité de l’Autorité fait l’objet d’un rapport annuel présenté devant le Parlement, celui-ci désignant une partie des membres de son collège. Il est assez dangereux d’exprimer une défiance réitérée envers l’Arcom.

Le dispositif en vigueur n’a pas permis de sanctionner les sites qui ne remplissent pas les obligations posées par la loi actuelle. L’avis est défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il faut tout d’abord souligner l’expertise technique de l’Arcom.

Cette compétence est renforcée par une solide expérience juridique. En effet, depuis trois ans, l’Arcom s’est trouvée en première ligne dans de très longues procédures judiciaires ou de médiation engagées par les batteries d’avocats des sites pornographiques : aucun autre acteur français n’a autant agi que l’Autorité dans ce domaine.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Ce sont des députés siégeant dans la « travée centrale », pour reprendre votre expression, qui ont remis en cause l’Arcom, pas nous.

Nous souhaitons introduire le juge judiciaire dans ces procédures qui visent à mettre en cause un service de diffusion d’images pornographiques. Les décisions de suspension d’activité ou de fermeture d’un site doivent être prises par un tribunal judiciaire et non par une autorité administrative. Cette dernière doit saisir la justice, qui devra, dans le respect des principes du contradictoire et de la défense, se prononcer.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS682 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS200 de Mme Caroline Parmentier et amendements identiques CS897 de M. Paul Midy, CS174 de Mme Christine Loir et CS335 de Mme Emeline K/Bidi (discussion commune)

Mme Caroline Parmentier (RN). L’amendement vise à aggraver les sanctions pécuniaires prévues à l’article 2 du texte. En l’état, celles-ci ne semblent pas suffisantes compte tenu de la gravité des faits en cause. Rappelons qu’il s’agit, par exemple, de la défaillance d’une personne qui édite un service de communication au public en ligne permettant d’avoir accès à des contenus pornographiques et qui n’a pas installé de système de vérification de l’âge ou en a choisi un qui n’est pas conforme au référentiel.

Ces comportements doivent être sanctionnés avec sévérité et fermeté : il y va de la protection de la jeunesse, car les répercussions peuvent être terribles pour les enfants. Aussi convient-il de doubler les montants maximaux de 75 000, 150 000, 250 000 ou 500 000 euros qui sont insuffisants, surtout lorsque l’on connaît les gains de certaines plateformes. Les bénéfices économiques ne seront pas mis à mal par des sommes si faibles, si bien que les sanctions n’auront pas d’effet dissuasif.

De même, il y a lieu d’augmenter la sanction relative au pourcentage du chiffre d’affaires annuel en prévoyant un taux maximal plus élevé, fixé à 2 %, 4 % ou 6 % selon la gravité du manquement ou son caractère réitéré.

Seule une politique de fermeté et de dissuasion protégera la jeunesse : l’urgence et le sérieux de la situation l’exigent.

M. Paul Midy, rapporteur général. L’amendement va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté, puisqu’il vise à doubler le plafond des sanctions encourues par les éditeurs qui installeraient un système de vérification d’âge non conforme au référentiel. La rédaction en est toutefois quelque peu différente car pour les éditeurs n’ayant pas mis en place de système, nous préférons une amende représentant 4 % de leur chiffre d’affaires, sanction bien supérieure à une amende forfaitaire.

Mme Christine Loir (RN). La mise en place de la vérification d’âge est essentielle pour la protection des mineurs. L’amendement a pour but d’augmenter les peines encourues afin de les rendre réellement dissuasives.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). L’idée est la même : un taux de 1 % nous paraît trop faible compte tenu du chiffre d’affaires et des bénéfices que peuvent engranger ces entreprises. Pour être efficace, la peine doit être dissuasive, donc nous souhaitons la durcir.

M. Paul Midy, rapporteur général. Madame Parmentier, je vous propose de retirer votre amendement au profit du CS897 et identiques.

La commission rejette l’amendement CS200.

Elle adopte les amendements identiques.

Amendements CS202 de Mme Caroline Parmentier, CS886 de M. Paul Midy et CS201 de Mme Caroline Parmentier (discussion commune)

Mme Caroline Parmentier (RN). Les alinéas 6, 7 et 21 de l’article 2 augmentent le montant de la sanction dans le cas où l’infraction en cause réitère un précédent manquement ayant fait l’objet d’une décision définitive il y a moins de cinq ans.

La majoration est nécessaire pour dissuader la commission de manquements répétés dans l’application du référentiel ou dans la mise en œuvre des injonctions adressées par l’Arcom pour le blocage ou le déréférencement du site concerné.

Toutefois, fixer le délai de la réitération à cinq ans semble insuffisant compte tenu de la gravité de l’enjeu en cause, à savoir la protection de l’enfance. Il serait plus efficace de le porter à quinze ans, afin de renforcer la finalité dissuasive du dispositif.

M. Paul Midy, rapporteur général. Je remercie les collègues qui ont déposé des amendements sur le sujet : ne prendre en compte qu’un délai de cinq ans pour la réitération est en effet un peu court. Nous avons retenu un délai de dix ans, qui représente une moyenne des propositions que vous avez avancées et qui assure une couverture large mais proportionnée.

Mme Caroline Parmentier (RN). Les alinéas 6, 7 et 21 de l’article 2 accroissent le montant de la sanction en cas de réitération d’un précédent manquement ayant fait l’objet d’une décision définitive il y a moins de cinq ans. Cette majoration est nécessaire, comme nous venons de l’expliquer.

Il convient d’allonger le délai de prise en compte de la réitération pour renforcer la finalité dissuasive du dispositif. À défaut de retenir un délai de quinze ans, une durée de dix ans me paraît adaptée.

M. Paul Midy, rapporteur général. Je vous propose de retirer vos amendements au profit du mien.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Marie Guévenoux (RE). Je soutiens ces amendements, notamment celui du rapporteur général. Depuis la loi de 2020, les éditeurs de contenus pornographiques ont contourné leur obligation d’empêcher les mineurs d’accéder à leurs sites. Il faut donc durcir la sanction si leur système de vérification de l’âge n’est pas conforme au référentiel et allonger le délai de prise en compte de la réitération de cinq à dix ans : ces mesures sont opportunes et proportionnées.

Les amendements CS202 et CS201 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS886.

Amendement CS368 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac (SOC). Cet amendement vise à ce que la sanction retenue pour tout manquement réitéré corresponde au montant le plus élevé entre les deux options disponibles, à savoir 500 000 euros ou l’équivalent de 6 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. Les chiffres d’affaires de ces plateformes sont parfois énormes, donc les entreprises doivent être condamnées à des sanctions pécuniaires très élevées.

M. Paul Midy, rapporteur général. Je suis très favorable à l’amendement, qui vise à renforcer les sanctions. En effet, une amende assise sur une part du chiffre d’affaires sera plus élevée, donc plus dissuasive pour les acteurs les plus puissants.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Avis également très favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS683 et CS684 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendements identiques CS177 de Mme Christine Loir et CS336 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Christine Loir (RN). L’amendement a pour objectif de doubler les peines encourues en cas de manquement réitéré à la mise en place d’un système de vérification d’âge. Nous devons être intraitables sur le sujet.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Cet amendement, cohérent avec le CS335, vise à doubler les sanctions pécuniaires en cas de non-respect du référentiel, afin de renforcer le caractère dissuasif du dispositif.

M. Paul Midy, rapporteur général. L’avis est défavorable. Je vous propose de conserver l’équilibre que nous venons de trouver sur le doublement des sanctions et sur le choix de l’amende la plus élevée entre un montant absolu et une part du chiffre d’affaires. Le taux de 8 % que vous défendez est supérieur à celui de 6 % que nous avons introduit dans le règlement européen du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques (DSA, ou Digital Services Act), ce qui le rendrait contraire à cette norme.

Ces amendements sont en partie satisfaits par les dispositions que nous venons d’adopter, donc je vous en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous débattons d’un régime de sanction se rapportant à un système dont nous ignorons la nature et dont nous doutons de l’efficacité. Tant que les contours du dispositif ne seront pas définis et que le ministre délégué ne dévoilera pas davantage le référentiel, nous ne pourrons pas avancer de manière éclairée.

L’amendement CS177 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS336.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement rédactionnel CS400 de M. Hervé Saulignac.

Amendement CS399 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac (SOC). Cet amendement reprend le même dispositif que le CS368, à savoir le choix du montant le plus élevé de sanction : le premier portait sur les systèmes non conformes au référentiel quand celui-ci concerne l’absence de tout système de vérification d’âge.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS293 de M. Andy Kerbrat

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 9 à 22 de l’article. Nous nous opposons au changement de procédure, lequel remplace la censure judiciaire par une censure administrative des sites à caractère pornographique.

Ma collègue Élisa Martin vient de le rappeler, nous ne connaissons toujours pas le référentiel, donc nous ignorons si les systèmes seront opérants. Il apparaît pour l’instant qu’il n’existe pas de référentiel parfaitement respectueux des droits de chacun. C’est à un juge de se prononcer sur les manquements à l’obligation de déployer un système de vérification de l’âge des utilisateurs des sites pornographiques destiné à empêcher les enfants d’y accéder.

Mme Louise Morel, rapporteure. Votre démarche est cohérente, la mienne également : nous constatons, pour la regretter, l’inefficacité de la procédure judiciaire, laquelle nous conduit à présenter cette évolution et à repousser votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS685 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendements CS203 de Mme Caroline Parmentier et CS369 de M. Hervé Saulignac (discussion commune)

Mme Caroline Parmentier (RN). L’amendement vise à systématiser les notifications prévues à l’alinéa 9 de l’article 2.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous saluons le fait que la procédure de blocage des sites soit administrative et non plus judiciaire. Toutefois, nous vous alertons car elle ne repose plus que sur le fondement du référentiel et non plus sur l’obligation de respecter l’article 227-24 du code pénal.

Il faut renforcer la procédure pour la rendre plus efficace : ainsi, la notification de blocage, adressée par l’Arcom aux fournisseurs de la plateforme ne respectant pas la mise en demeure, doit devenir automatique.

Mme Louise Morel, rapporteure. Bloquer un site est une sanction parfois utile mais lourde, qui doit relever de l’Arcom. L’Autorité pourrait prononcer une sanction financière dans un premier temps, avant de décider du blocage ou du déréférencement du site. N’oublions pas, par ailleurs, que les décisions de l’Arcom sont susceptibles de recours. Laissons-la faire son travail et conservons la rédaction du texte : l’avis est défavorable sur les amendements.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il convient de maintenir une marge d’appréciation pour assurer la sécurité et la solidité juridiques du dispositif. Si celui-ci ne prévoyait que des mesures automatiques, les acteurs en dénonceraient le caractère disproportionné devant les juridictions compétentes.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS686, CS687 et CS688 ainsi que l’amendement CS689, de précision, de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS88 de Mme Christine Engrand

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement de bon sens vise à faciliter le travail de l’Arcom en l’autorisant à ne publier qu’une seule page d’information, sur laquelle seraient indiqués les motifs susceptibles d’entraîner le blocage d’un site.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je ne comprends pas bien votre amendement, qui affaiblit la précision de la rédaction de l’alinéa 10, puisque tous les éléments seront explicités dans les courriers d’observation et d’injonction envoyés par l’Arcom. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS247 de M. Aurélien Lopez-Liguori

Mme Caroline Parmentier (RN). L’article 2 prévoit que lorsque l’Arcom bloque un site pornographique car les mineurs y ont accès, les utilisateurs seront redirigés vers une page d’information sur le site de l’Autorité indiquant les raisons du blocage. L’amendement vise à ce que cette page fasse état des dangers de la consultation de contenus pornographiques par les mineurs. Notre objectif est de sensibiliser ces derniers aux dangers de la pornographie et à sa toxicité pour leur vie future.

M. Paul Midy, rapporteur général. Votre proposition est intéressante, mais il me semblerait plus opportun de prévoir un rappel à la loi sur le fait qu’il est illégal d’exposer des mineurs à la pornographie, cette infraction entraînant le blocage des plateformes. Nous pourrions travailler sur cette piste d’ici à la séance publique. En attendant, je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous craignons qu’une telle mesure ne serve à rien du tout.

M. Erwan Balanant (Dem). Comme vous !

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Pardon ? Vous savez que nous avons la même légitimité démocratique que vous, monsieur Balanant. Nous avons été élus dans les mêmes conditions que vous, mais nous sommes habitués à ce mépris absolu et permanent.

Nous craignons que la disposition proposée n’ait qu’un caractère cosmétique car elle ne dissuadera pas le mineur de consulter un contenu pornographique si cela est techniquement possible pour lui. Il serait plus pertinent que les heures prévues pour l’éducation à la vie affective et sexuelle soient bien assurées à l’école.

M. le président Luc Lamirault. J’appelle chacun d’entre vous à respecter ses collègues et à laisser l’orateur s’exprimer.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Le Gouvernement et la majorité, comme la NUPES, semblent souffrir d’hémiplégie. On peut très bien afficher à la fois les sanctions pénales encourues et un lien vers le site d’une association présentant les dangers du porno. De même, on peut proposer ce lien tout en dispensant à l’école des cours de sensibilisation à ces dangers.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Notre collègue Balanant a pris à partie Mme Martin et l’a insultée. Il serait bon de s’abstenir de ce genre de comportement.

M. Erwan Balanant (Dem). Des insultes, il n’y en a pas eu. Je me suis permis – à tort, et je prie qu’on m’en excuse –, pour la première fois en six ans, ce que vous faites sans arrêt à échelle industrielle : interpeller et taquiner.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS841 de Mme Louise Morel, CS121 de Mme Violette Spillebout et CS178 de Mme Christine Loir

Mme Louise Morel, rapporteure. Il s’agit d’uniformiser le délai laissé aux moteurs de recherche et annuaires pour effectuer le déréférencement.

Mme Violette Spillebout (RE). Le renforcement des pouvoirs de l’Arcom permet à celle-ci, en cas d’inexécution de ses injonctions par les éditeurs de sites qui ne respecteraient pas le référentiel, de notifier directement aux fournisseurs d’accès les adresses des sites non conformes, afin d’en bloquer l’accès.

Le projet de loi comprend de multiples mécanismes de blocage qui contribuent à protéger la plus grande partie des utilisateurs, mais les délais d’intervention ne sont pas uniformisés. Nous proposons de garantir l’égalité de traitement en ramenant à quarante-huit heures le délai de cinq jours laissé aux moteurs de recherche pour déréférencer les sites irrespectueux des règles, comme pour les fournisseurs d’accès internet.

L’amendement a été préparé avec les membres de la Fédération française des télécoms, mobilisés pour rendre la navigation plus sûre en déployant une multitude d’outils.

Mme Christine Loir (RN). Si les contenus pornographiques accessibles sans vérification d’âge peuvent être signalés et traités rapidement, n’oublions pas qu’ils sont susceptibles d’être très vite diffusés sur d’autres plateformes. Il est donc nécessaire d’accélérer la réaction des services de déréférencement.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS691 et CS693 de Mme Louise Morel, rapporteure, ainsi que son amendement de clarification CS694.

Amendements CS888 de Mme Louise Morel et CS248 de M. Aurélien Lopez-Ligori (discussion commune)

Mme Louise Morel, rapporteure. Il s’agit de prévoir un bilan de l’issue des recours formés contre les injonctions prononcées par l’Arcom. Il sera intégré au rapport de cette dernière.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Nous proposons d’ajouter au rapport d’activité annuel de l’Arcom, prévu dans l’article, un bilan de l’issue des recours exercés contre ses décisions de blocage. Nous sommes d’accord pour que l’on donne à l’Arcom le pouvoir d’injonction en vue d’un blocage, mais il nous faut savoir ce qu’il advient des recours et nous assurer qu’il n’y en a pas trop, ce qui révélerait des dysfonctionnements de la part de l’Arcom.

Mme Louise Morel, rapporteure. Notre volonté est la même, mais la rédaction de mon amendement est un peu plus précise. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis : demande de retrait au profit de l’amendement CS888.

À ceux qui s’inquiètent des conditions dans lesquelles l’Arcom rendra compte du fonctionnement du dispositif, je rappelle la teneur de l’alinéa 14 : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de décisions d’injonction et les suites qui y ont été données, ainsi que le nombre d’adresses électroniques qui ont fait l’objet d’une mesure de blocage d’accès ou de déréférencement. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. »

M. Éric Bothorel (RE). Je reviens à une discussion précédente. Le blocage repose sur le système DNS – Domain Name System –, qui ne permet pas aux fournisseurs d’accès internet de personnaliser la page. Dès lors, comment personnaliser une page vers laquelle on est redirigé à la suite d’un blocage ?

M. le président Luc Lamirault. L’amendement en ce sens n’a pas été adopté.

La commission adopte l’amendement CS888.

En conséquence, l’amendement CS248 tombe.

Amendement CS370 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac (SOC). On m’opposera la fragilité juridique de cet amendement, mais il nous semble essentiel de maintenir une procédure de blocage indépendamment du contrôle de la conformité au référentiel. C’est ce que prévoit l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020. La création d’un référentiel ne doit pas servir de prétexte aux plateformes pour se soustraire à leurs responsabilités, notamment quand elles présentent des failles ou des vulnérabilités : elles pourraient alors faire valoir qu’elles ont bien suivi le référentiel mais que le respect de celui-ci n’a pas produit les effets escomptés. La violation par les plateformes de l’article 227-24 du code pénal doit rester le fondement d’une procédure de blocage.

Mme Louise Morel, rapporteure. Avis défavorable. Nous en avons déjà débattu.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je le répète, à l’article 2 figurent et l’obligation de résultat et l’obligation de moyens. C’était moins vrai de l’article 1er, mais il a été amendé.

Je vous renvoie à l’alinéa 9 : sans préjudice de la possibilité offerte à l’Arcom de prononcer des sanctions pécuniaires, lorsqu’elle « constate que l’absence de mise en conformité à la mise en demeure [adressée au site] permet à des mineurs d’avoir accès à des contenus pornographiques en violation de l’article 227‑24 du code pénal, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut notifier aux fournisseurs de services d’accès à internet ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine », etc. C’est-à-dire que l’Arcom active le blocage lorsqu’elle constate l’absence de moyens mis en œuvre au service du résultat : il faut que les deux soient réunis.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement de précision CS695 et les amendements rédactionnels CS697 et CS699 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS315 de Mme Francesca Pasquini

M. Paul Midy, rapporteur général. Merci de cet amendement, dont nous avons suivi l’esprit en doublant le montant et le taux des peines et en précisant que ce seront les pourcentages qui s’appliqueront s’ils aboutissent à un montant plus élevé. C’est un bon équilibre. Demande de retrait ; sinon, défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement d’harmonisation CS698 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS408 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier. Lorsqu’elle exercera les pouvoirs de sanction visés à l’article 2 pour non-respect du référentiel, l’Arcom sera amenée à constater des infractions mettant gravement en danger la jeunesse.

L’exposition de notre jeunesse à la pornographie est un problème systémique. Le chef de l’État, Emmanuel Macron, l’a dénoncée le 20 novembre 2019, lors de son discours d’ouverture du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant et de la Journée mondiale de l’enfance, en déclarant : « En moyenne, on considère que dans notre pays, c’est à 13 ans qu’on accède à la pornographie. […] Comme dans la société, on doit protéger nos enfants et ne pas considérer que le numérique est un espace où tout est permis. »

Le rapport d’information sur l’industrie de la pornographie fait au nom de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et paru en septembre 2022 confirme et alerte : « Le porno, y compris le porno le plus “trashˮ et extrême, est accessible gratuitement en quelques clics. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés à des images pornographiques, volontairement ou involontairement. Chaque mois, près d’un tiers des garçons de moins de 15 ans se rend sur un site porno. […] Les conséquences sont nombreuses et inquiétantes : traumatismes, troubles du sommeil, de l’attention et de l’alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, (hyper)sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc. »

Toute infraction grave au référentiel qui mettrait la jeunesse en danger doit faire l’objet d’un signalement au procureur de la République. Dans ce cadre, l’Arcom, par ses compétences, occupe une position centrale comme informateur. Cette obligation résulte certes de l’article 40 du code de procédure pénale, mais doit être rappelée compte tenu de l’importance des enjeux.

Mme Louise Morel, rapporteure. Vous avez raison : le numérique ne doit pas être un endroit où tout est permis ; mais votre amendement est satisfait. Ce n’est pas l’objet de la loi que de rappeler sans cesse des dispositions en vigueur. L’Arcom a l’obligation de signaler au procureur de la République toute infraction au code pénal et, en tant qu’autorité publique indépendante disposant de la personnalité morale, elle applique l’article 40 du code de procédure pénale.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Avant que nous ne terminions l’examen de l’article 2 – que je voterai évidemment –, et bien que les deux premiers articles aillent dans le bon sens, je souhaite vous faire part d’une inquiétude, qui m’inspirera d’ailleurs un amendement en séance, relativement à un effet de bord des dispositions que nous nous apprêtons à voter. Le risque est que les grandes plateformes comme Pornhub appliquent la loi, mais que l’on ne parvienne jamais à déréférencer l’ensemble du porno en ligne, qui repose sur de nombreux micro-acteurs et passera par des sites écrans sur lesquels nous aurons beaucoup moins de prise. Quand les plateformes les plus connues, qui jouent davantage le jeu et régulent leurs contenus, vont être interdites aux mineurs, ces derniers se retrouveront dans les limbes d’internet, confrontés à du porno ultra-trash, beaucoup moins contrôlé.

M. Paul Midy, rapporteur général. C’est un sujet très important, à propos duquel je serai heureux de travailler à des amendements avec vous d’ici à l’examen en séance.

Comme avec le filtre anti-arnaque, il s’agit de traiter la masse – un tiers de la bande passante d’internet est consacré au porno –, non d’aller chercher le dernier pouillème de pour cent. Il faut que le dispositif fonctionne pour les grandes plateformes, qui représentent les volumes les plus importants. Cela pourra donner lieu à des échanges entre plateformes. Peut-être les plateformes historiques se conformeront-elles à leurs obligations tandis que de petits malins essayeront de les contourner, mais ils seront repérés par l’Arcom dès qu’ils traiteront de plus gros volumes.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La très bonne remarque de Pierre Cazeneuve a souvent été formulée par les sites eux-mêmes lors des procédures judiciaires. Le présent dispositif a été conçu pour qu’il soit plus facile à l’Arcom de lancer largement ses filets. L’alinéa 23 de l’article 2 dispose que les constats d’absence de vérification d’âge peuvent être réalisés par des agents de l’Arcom spécialement habilités et assermentés. Auparavant, ils dépendaient d’un constat d’huissier, qui est coûteux, ce qui empêchait l’Arcom d’intervenir sur de nombreux sites en même temps. L’idée est de dissuader désormais non seulement les plus gros, mais la palette la plus vaste possible.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

La réunion est suspendue de onze heures quinze à onze heures vingt-cinq.

Après l’article 2

Amendement CS366 de Mme Isabelle Santiago

Mme Marietta Karamanli (SOC). L’article 227-24 du code pénal, qui punit le fait de diffuser par quelque moyen que ce soit un message pornographique lorsque celui-ci est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, précise bien depuis la loi de 2020 que « les infractions prévues au présent article sont constituées y compris si l’accès d’un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans ». Il s’agit bien de soumettre les plateformes pornographiques à une obligation de résultat en matière d’absence d’exposition des mineurs, indépendamment du système de contrôle d’âge. Nous proposons de mettre l’alinéa à jour en ce sens.

Mme Louise Morel, rapporteure. L’article 227-24 du code pénal est très contesté et très difficile à mettre à jour. L’alinéa tel qu’il est rédigé apporte déjà un complément d’information sur la constitution de l’infraction. En outre, nous avons adopté mon amendement à l’article 1er qui fait mention de l’article 227-24. L’obligation de résultat figure donc bien dans le présent projet de loi comme dans cet article du code pénal.

Par prudence, demande de retrait ; sinon, défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Nous avons veillé hier à ce que soit intégrée aux deux premiers articles la mention de l’article 227-24 du code pénal dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). En revanche, faire référence à la LCEN dans cet article du code pénal pourrait le fragiliser, alors que nous en avons besoin puisqu’il impose l’obligation de résultat.

Même avis que la rapporteure, pour des raisons non d’esprit ou d’intention, mais bien de sécurité juridique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS502 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (RE). Cet amendement, présenté au nom du groupe de travail transpartisan sur les influenceurs, est cosigné par Arthur Delaporte et Dominique Potier ; j’en ai parlé également avec Ségolène Amiot.

C’est sur les réseaux sociaux traditionnels, notamment Instagram, Snapchat ou Twitter, que se fait l’essentiel de la publicité, du marketing et de l’acquisition de clients et d’audience au profit des comptes hébergés et ouverts par des influençeuses, des créatrices ou des créateurs de contenus sur les plateformes de pornographie à la demande comme OnlyFans. Sur ces réseaux, on peut y poster des liens vers un compte OnlyFans ou insérer celui-ci dans son profil, en espérant attirer le chaland et l’inciter à s’abonner, puis à venir consommer, en payant, du contenu pornographique sur demande. Tinder, en revanche, a interdit que ses utilisateurs fassent mention de leur compte OnlyFans dans leur profil.

Je propose donc que l’on applique aux personnes postant de tels liens le mécanisme d’exclusion de l’audience de tous les utilisateurs mineurs que le DSA impose aux plateformes de communication.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je comprends l’idée, mais sa rédaction rend l’amendement difficile à mettre en œuvre. Le lien dont vous parlez est-il un lien hypertexte qui renvoie vers un éditeur de contenus pornographiques ou concerne-t-il l’envoi de contenus entre personnes physiques qui les auraient elles-mêmes produits ?

En outre, quand le clic sur un lien redirigera l’internaute vers un site, la vérification d’âge aura lieu.

Enfin, l’article 227-24 du code pénal s’applique déjà.

Votre amendement peut laisser penser qu’il faudrait organiser une surveillance généralisée des contenus, en particulier s’agissant des messageries interpersonnelles.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

En effet, le fait de poster un lien ne s’apparente pas à une exposition des mineurs à de la pornographie et n’est donc pas interdit ; mais si on clique sur ce lien, le dispositif des articles 1er et 2 s’appliquera et la vérification d’âge empêchera d’accéder aux contenus un mineur abonné à la page de la personne qui a posté le lien.

M. Stéphane Vojetta (RE). Il s’agit en somme de faire la promotion d’un compte qui donne notamment accès à des contenus pornographiques, ou de proposer d’y souscrire ou de s’y abonner. Or, dans la loi « influenceurs », nous avons interdit la promotion de certaines activités, comme la chirurgie esthétique, lorsqu’elle n’est pas adaptée à l’audience non filtrée des réseaux sociaux. Sans parler de surveillance généralisée, nous suggérons un dispositif similaire par cette proposition d’interdiction qu’il faudra retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Article 2 bis : Obligations portant sur les boutiques d’applications logicielles en matière de restrictions d’accès des mineurs aux sites pornographiques et aux réseaux sociaux

 

Amendement de suppression CS305 de Mme Virginie Duby-Muller

Mme Virginie Duby-Muller (LR). L’article semble disproportionné et inadapté. Or, si la lutte contre la diffusion de contenus pornographiques auprès de publics jeunes et vulnérables est une priorité absolue, la réponse législative doit être appropriée pour être pleinement efficace.

Empêcher complètement l’accès à des réseaux sociaux remettrait en cause le principe de liberté d’expression et de communication. Il serait préférable de renforcer les dispositifs de protection des mineurs.

Mme Louise Morel, rapporteure. La loi du 7 juillet 2023, visée dans l’article mais pas encore entrée en vigueur, ne prévoit pas de dispositif de blocage ou de déréférencement par les fournisseurs d’accès à internet et les moteurs de recherche.

Je suis défavorable à votre amendement, mais je sais que nous devons retravailler l’article en séance.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

L’article 2 bis a été introduit par le Sénat, à l’initiative de la présidente de sa commission spéciale, pour ajouter le déréférencement des boutiques d’applications à celui des moteurs de recherche et des sites permettant l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques, lorsqu’un site incriminé est accessible par le biais de ces boutiques.

L’amendement est retiré.

Amendement CS421 de M. Jean-François Coulomme

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Partout où l’administratif se substitue au judiciaire, l’arbitraire s’impose au contradictoire. Or nous sommes pour le contradictoire, qui permet d’éviter des abus de l’administratif.

Nous souhaitons donc qu’il soit possible de saisir le tribunal judiciaire pour qu’il ordonne aux boutiques d’applications logicielles de bloquer lesdites applications. Cet amendement de repli vise à affirmer la place du juge dans la procédure de blocage des sites. Inspiré par les centristes du Sénat, il a pour but de responsabiliser les magasins d’applications, par lesquels on accède à la pornographie bien plus souvent qu’en saisissant une URL dans la barre de recherche du navigateur. La procédure proposée reprend celle que vous avez adoptée à l’article 2.

Mme Louise Morel, rapporteure. Vous êtes constant quant à la place que vous souhaitez donner au juge judiciaire, mais votre amendement ne tient plus après l’adoption des articles 1er et 2 : on y donne à l’Arcom une compétence dont il serait incohérent de la dessaisir à l’article 2 bis.

Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Agnès Carel (HOR). Je suis évidemment défavorable à l’amendement, mais nous devons nous réjouir que les sénateurs aient voulu renforcer le dispositif que nous avions fait adopter à l’unanimité par les deux chambres. Notre seule boussole est la protection des mineurs. Nous devons nous donner les moyens de faire respecter les règles que nous instaurons. J’approuve donc certaines restrictions.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Non, cela ne peut pas être notre seule boussole : la protection des libertés individuelles, notamment de la liberté d’expression, et de la liberté des médias est presque aussi importante.

Il ne s’agit pas de substituer le dispositif judiciaire au dispositif administratif : aux termes de notre amendement, l’Arcom peut saisir le tribunal judiciaire, elle ne le doit pas.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS700, CS946 et CS947 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Elle rejette l’amendement CS69 de Mme Christine Engrand.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS703 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Elle adopte l’article 2 bis modifié.

Après l’article 2 bis

Amendement CS505 de M. Stéphane Vojetta

Mme Louise Morel, rapporteure. L’amendement est satisfait, comme l’a montré l’audition de la Fédération française des télécoms. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Article 3 : Pénalisation du défaut d’exécution d’une demande de retrait de contenu pédopornographique par un hébergeur

Amendement de suppression CS299 de M. Andy Kerbrat

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). L’article crée une infraction pénalisant l’hébergeur lorsqu’il ne retire pas le contenu pédopornographique dans les vingt-quatre heures qui suivent une demande de retrait formulée par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).

Compte tenu de la peine encourue et des difficultés d’appréciation dans le délai imparti du caractère manifestement illicite des contenus signalés, cela conduit les opérateurs de plateforme en ligne à prendre le risque de retraits abusifs. Ce type de mesure entraîne ainsi une atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’expression et de communication.

Cette analyse est notamment partagée par La Quadrature du net. Ce risque de surcensure est un danger pour la liberté d’expression. C’était exactement l’enjeu de la mobilisation contre la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet dite « loi Avia », largement censurée par le Conseil constitutionnel, qui imposait des délais fixes trop courts pour retirer des contenus haineux ou à caractère terroriste. Nous nous opposons au présent dispositif pour les mêmes raisons.

Mme Louise Morel, rapporteure. Le 11 mai 2023, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à prévenir et combattre les abus sexuels sur les enfants en ligne. Ce règlement vise à instaurer la possibilité, pour les autorités nationales compétentes, d’émettre des injonctions de détection de contenus pédopornographiques, de signalement et de retrait de ces contenus auprès des fournisseurs de services d’hébergement, des services de communication interpersonnelle et d’autres services opérant dans l’Union européenne. L’application du règlement provisoire prendra fin le 3 août 2024, nécessitant l’adoption d’une nouvelle base juridique afin de permettre la poursuite des politiques de détection des contenus pédopornographiques. L’article 3 anticipe l’adoption de la proposition de règlement du 11 mai 2023. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La loi Avia imposait le retrait sous vingt-quatre heures des contenus d’incitation à la haine et sous une heure des contenus pédopornographiques et terroristes. Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, considérant que la durée d’une heure, trop brève, risquait de conduire à une surmodération de la part des plateformes, et que celle de vingt-quatre heures l’était également, d’autant qu’un contenu d’incitation à la haine n’est pas toujours manifestement illicite. C’est pourquoi, dans les textes qui ont suivi, le législateur a tenu compte de ces réserves, en fixant à vingt-quatre heures le délai pour les retraits de contenus terroristes et pédopornographiques. Il a assorti cette obligation de sanctions pour le non-retrait par les hébergeurs de contenus terroristes. Nous y ajoutons les contenus pédopornographiques. Ce sont 74 000 demandes de retrait de contenus de nature pédopornographique qui ont été adressées aux plateformes en France l’année dernière.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Le délai reste excessivement court pour les petits acteurs d’internet, ce qui les contraindra à faire appel aux solutions payantes des géants de l’internet et ne fera que renforcer leur domination.

M. Philippe Gosselin (LR). Nous sommes nombreux à être sensibles à la surcensure et à la liberté d’expression. La loi Avia posait un certain nombre de difficultés, mais la situation n’est pas comparable. La pédopornographie n’est pas une opinion, c’est un délit. Il ne faut donc pas supprimer cet article.

M. Éric Bothorel (RE). Je rends hommage à tous ceux qui travaillent chez Pharos – plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements – et qui doivent se goinfrer l’horreur au quotidien. Je ne comprends pas votre amendement. À l’heure où émergent les deepfakes, ou hypertrucages, et où certains exploiteront probablement les images d’enfants postées sur les réseaux, comment dire qu’il serait raisonnable de prendre du temps pour retirer des contenus pédopornographiques ? La retenue n’est vraiment pas de mise.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS704 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS403 de Mme Francesca Pasquini

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Le texte reste imprécis sur ce qui constitue une raison technique ou opérationnelle objectivement justifiable, et ne donne aucun recours à l’autorité administrative. Cet amendement, travaillé avec le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade), vise à donner un droit de réponse à l’autorité administrative.

Mme Louise Morel, rapporteure. C’est une bonne idée. L’autorité administrative pourra ainsi apprécier le cas de force majeure ou l’impossibilité de fait qui ne sont pas imputables au service en cause, y compris pour des raisons techniques ou opérationnelles « objectivement justifiables ». Avis favorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS706 Mme Louise Morel, rapporteure.

Amendement CS180 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). La suppression des images pédopornographiques doit être une priorité. Il faut condamner plus lourdement les hébergeurs qui ne se plieraient pas à cette obligation dans le délai de vingt‑quatre heures. Les peines doivent être exemplaires. Nous proposons de doubler le plafond des peines encourues.

M. Paul Midy, rapporteur général. Je vous propose de ne pas revoir le quantum des peines qui est aligné sur le retrait des contenus à caractère terroriste : un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende. Une personne morale s’expose à une amende égale au quintuple de ce montant, soit 1,25 million d’euros, et, en cas d’infraction commise à titre habituel, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’exercice précédent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS181 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Sur le même sujet, l’amendement vise à doubler les peines encourues en cas de récidive.

M. Paul Midy, rapporteur général. Nous ne sommes pas opposés à l’esprit de l’amendement, mais nous craignons que le taux de 8 % ne respecte pas le référentiel du DSA, à 6 %.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS707 et CS708 de Mme Louise Morel, rapporteure.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CS477 de Mme Estelle Youssouffa

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’amendement vise à étendre le pouvoir de Pharos pour les contenus constituant des risques imminents d’atteinte à la vie ou des incitations à la haine et à la violence.

Mme Louise Morel, rapporteure. Le rapport sénatorial « Porno : l’enfer du décor » et nos auditions ont marqué les esprits et montré que Pharos ne procédait pas au retrait de contenus pourtant très choquants et contraires à la dignité humaine. Pharos n’aurait retiré en 2022 que 252 contenus après des signalements pour non‑respect de l’intégrité physique. Ce qui vous préoccupe et nous préoccupe également, ce sont les contenus présentant des actes criminels de torture et de barbarie, des traitements inhumains et dégradants, des viols, des situations d’inceste. Malheureusement, la frontière entre la simulation et la réalité de l’inhumanité de ces actes est ténue ; la notion de consentement est également à interroger.

Les services peuvent-ils incontestablement apprécier la réalité qui se cache derrière certains contenus, particulièrement dans des délais de traitement aussi courts ? Nous souhaitons, pour avancer sur cette thématique qui va bien au-delà du projet de loi, que le Gouvernement nous rende compte du traitement de ces contenus, de leur quantité et de la capacité à les retirer selon cette procédure d’urgence, après signalement sur Pharos.

Je vous demande donc de retirer l’ensemble des amendements qui complètent l’article 6-1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Les représentations des crimes que vous listez peuvent être signalées auprès de Pharos pour déclencher des enquêtes et faire l’objet de demandes de retrait plus classiques auprès des éditeurs et hébergeurs.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Jusqu’à présent certains pays, dont la France, avaient donné pour mission à des autorités ou imposé aux plateformes de retirer des contenus jugés manifestement illicites. Avec le règlement sur les services numériques, les mêmes règles s’appliquent partout en Europe et à toutes les plateformes. Elles ont l’obligation de proposer un bouton de signalement simple, ainsi que de retirer les contenus illicites qui leur sont signalés et de le faire connaître à l’autorité judiciaire du pays. Les coordinateurs des services numériques de chaque État membre désignent également des signaleurs de confiance, qui auront un rang prioritaire.

La mission de Pharos est de solliciter auprès des plateformes le retrait des contenus qui sont manifestement illicites. Soit le contenu est univoque, auquel cas on peut demander aux agents de Pharos d’intervenir, soit le contenu est équivoque, et il convient alors de saisir l’autorité judiciaire.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). L’intention de l’amendement est très louable mais sa définition est trop large, surtout pour une autorité administrative. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs censuré ces dispositions. Il faudrait que nous menions une réflexion plus large sur ce qui se passe sur internet, pour trouver les meilleurs moyens, car, comme certains ont pu le dire hier, c’est une forme de Far‑West.

M. Erwan Balanant (Dem). Sur X, les boutons pour interagir avec le message sont en accès direct, pas celui pour signaler. C’est un aspect qu’il faudra prendre en compte dans l’évolution du DSA et du DMA – Digital Markets Act. Les enfants savent trop peu qu’ils peuvent signaler.

Par ailleurs, Pharos n’est pas une autorité administrative, ce sont les forces de l’ordre.

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’amendement n’étant pas le mien, je ne le retire pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS398 de Mme Isabelle Santiago et CS476 de Mme Estelle Youssouffa

M. Hervé Saulignac (SOC). Nous souhaitons que Pharos soit compétent pour retirer les contenus représentant des actes de torture, de barbarie et des viols, qui sont des crimes. L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » On ne peut pas laisser les sites pornographiques diffuser des scènes constituant pénalement des crimes.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Même argument.

Mme Louise Morel, rapporteure. Votre amendement pose la question de la capacité d’appréciation de Pharos, des délais de traitement, du consentement, de l’éventuelle simulation, autant d’éléments sur lesquels nous devons encore travailler. Demande de retrait en vue d’un travail pour la séance.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Nous pouvons retravailler dessus, mais, aussi terribles que ces images peuvent être, une vidéo exposant des viols, de la barbarie et de la torture n’est pas manifestement illicite. Selon que le consentement a été recueilli ou non, le contenu est illicite ou non. Demander aux agents de Pharos si le consentement a été recueilli, c’est déposséder le juge de sa faculté de le faire en toute indépendance. Notre objectif n’est pas de traiter de l’industrie de la pornographie ou de la prostitution.

M. Hervé Saulignac (SOC). Je vous comprends et loin de moi l’idée de vouloir censurer la création cinématographique. Mais, s’il contient des scènes très choquantes, le film sera interdit aux moins de 16 ans. Là, c’est open bar ! La question du consentement, en l’espèce, est presque secondaire. On montre à des enfants des scènes de viol, en laissant entendre que la sexualité peut s’en accommoder voire en faire son modèle. C’est très dangereux.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Pharos est une force de police. Tout comme la police de la route pour un conducteur dangereux, elle peut intervenir face à des contenus qui ne respectent pas la réglementation et les contrôler. S’ils sont licites, ils seront republiés. Sinon, c’est le juge qui prendra une décision.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Je suis contre cet amendement, qui vient inscrire dans le droit une restriction morale à la pornographie. Il s’agit bien de représentations et non de conditions de production. Je suis tout à fait d’accord, en revanche, pour imposer des coordinateurs d’intimité sur chaque tournage afin de s’assurer de son caractère licite. Mais, si l’on interdit la représentation du viol, on ne pourrait plus diffuser Le Vieux fusil, celle des crimes, tout Julie Lescaut !

Mme Marie Guévenoux (RE). Ce n’est pas du tout open bar, monsieur Saulignac. Si l’on arrive à interdire aux mineurs l’accès aux contenus illicites, ils n’accéderont pas non plus aux contenus représentant des actes de barbarie, de torture ou des viols. Certes, ce n’est pas tout à fait satisfaisant, parce que nous souhaiterions mieux qualifier ces contenus mais nous n’avons pas encore trouvé la bonne accroche formelle.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS535 de M. Christophe Naegelen

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’amendement a trait cette fois à la diffusion d’images montrant des actes de torture à l’égard des animaux, qui ne peuvent pas être simulés. Et l’animal n’a assurément pas donné son consentement pour simuler un viol ! De plus, les études ont montré que ceux qui torturent des animaux sont plus susceptibles d’être un jour violents à l’égard de personnes.

Mme Louise Morel, rapporteure. La zoophilie est interdite par le code pénal. Par ailleurs, il est déjà possible de signaler à Pharos la diffusion sur un site internet ou un réseau social de vidéos ou d’images d’actes de cruauté commis sur des animaux. Mais Pharos n’a pas la compétence pour retirer ces contenus. Nous avons déjà discuté de l’extension des compétences de Pharos pour retirer ou non des contenus, et ce sont les mêmes arguments. Demande de retrait.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Votre amendement est satisfait puisque Pharos peut ordonner le retrait d’un tel contenu, dans la mesure où il est manifestement illicite.

M. Erwan Balanant (Dem). Pharos pourrait-il enquêter pour éclaircir certains points ? Je ne le pense pas, car c’est avant tout une force d’intervention. Mais nous pourrions imaginer que, grâce aux 1 500 cyberpatrouilleurs supplémentaires et aux moyens conséquents dont nous avons doté l’espace numérique, les enquêteurs ouvrent des procédures dans certains cas. Nous pourrons interroger le ministre de l’intérieur sur ce sujet.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Je n’ai pas bien compris les réponses. Mme la rapporteure nous dit que Pharos ne peut pas retirer ces contenus ; M. le ministre délégué nous dit le contraire.

M. Paul Midy, rapporteur général. Pharos, ce sont bien des cyberpatrouilleurs, des policiers qui agissent dans l’espace numérique. Un policier dans la rue interviendra s’il voit des personnes se taper, sans attendre le juge. On a donné à ces policiers le pouvoir d’intervenir quand l’acte est manifestement illicite ou que la présomption est forte ; ce doit être pareil pour Pharos. On a aussi donné aux policiers la capacité d’enquêter et de préparer le travail pour le juge. Pharos peut également agir directement sur des contenus pédopornographiques et terroristes, en demandant aux plateformes de les retirer, sans attendre le juge, et enquêter sur les signalements.

Le sens de l’histoire, c’est de donner à Pharos des capacités pour intervenir dans le numérique comme les policiers le font dans la vie physique. Actuellement, l’équipe ne se compose que de cinquante personnes. Nous ne savons pas encore combien, parmi les 1 500 cyberpatrouilleurs, la rejoindront. Est-ce que l’on étend aussi leur champ d’action au-delà de la pédopornographie et du terrorisme, ce qui pose une question de faisabilité ? L’amendement CS929 demande un rapport au Gouvernement sur l’extension des compétences de Pharos au retrait de nouveaux contenus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS642 de M. Bruno Studer

M. Bruno Studer (RE). Cet amendement vise à rendre public le nombre de requêtes pour retrait de contenus à caractère pédopornographique ou terroriste transmises par les autorités compétentes aux fournisseurs de services d’hébergement. C’est un contrôle qui intervient après celui des plateformes qui ont parfois déjà empêché la publication de certains contenus. Il serait intéressant de savoir quelles plateformes sont particulièrement utilisées, parce que leur politique de contrôle serait un peu moins efficace. Cela permettrait de jouer sur leur réputation.

Mme Louise Morel, rapporteure. Votre amendement est louable, mais il semblerait qu’il risque d’entraver le travail des enquêteurs. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis. Cela risquerait de dévoiler les stratégies d’enquête et permettrait indirectement aux auteurs de ces types de crime de les contourner.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous trouvons cet amendement intéressant, d’autant que la publication, qui permettrait de jouer sur les réputations, interviendrait après l’enquête. Par ailleurs, une telle liste révélerait que le libéralisme, le capitalisme se repaît de tout, y compris des choses les plus effrayantes à l’égard des êtres vivants, et que ce qui sous‑tend tout ça, c’est l’argent et le profit.

M. Éric Bothorel (RE). L’amendement est intéressant. Les éléments que vous demandez pourraient figurer dans le rapport d’activités annuel que Pharos doit présenter, ainsi que la loi, à mon initiative, lui en fait obligation.

M. Bruno Studer (RE). Je comprends que mon amendement est une fausse bonne idée. Je le retire et je propose de travailler avec M. Bothorel pour donner corps à sa suggestion en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CS23 de Mme Véronique Riotton

Mme Véronique Riotton (RE). Ce sont 73 % des femmes qui ont été victimes de violences sexuelles et sexistes en ligne. Trop nombreuses sont celles qui ont retrouvé sur des sites pornographiques des contenus à caractère sexuel qu’elles avaient partagés dans un espace qu’elles croyaient intime et sécurisé.

Si notre droit prévoit déjà des sanctions à l’encontre de l’auteur de la publication, mon intention est de responsabiliser les plateformes complices qui diffusent en toute impunité un contenu volé et qui gagnent de l’argent en brisant une vie. L’amendement a donc pour objet d’instaurer une obligation de retirer les contenus à caractère sexuel qui sont diffusés sans le consentement de la personne dans un délai de sept jours.

Mme Louise Morel, rapporteure. Le code pénal sanctionne déjà l’absence d’accord de la personne pour la diffusion de contenus pornographiques ou présentant un caractère sexuel. Vous souhaitez aller plus loin et nous partageons votre volonté. Toutefois la rédaction de l’amendement pose quelques difficultés. Je vous invite donc à le retirer afin de le retravailler en vue de la séance.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Véronique Riotton (RE). Votre réponse n’est pas satisfaisante. Pouvez-vous préciser les problèmes rédactionnels auxquels vous faites allusion ? Êtes-vous prêts à imposer une obligation aux plateformes et quelle écriture alternative proposez-vous ? Mon amendement est opérationnel.

M. Paul Midy, rapporteur général. Nous partageons entièrement votre objectif. Notre souci est d’aboutir, d’ici à la séance, à un dispositif solide pour lequel je sollicite l’aide du Gouvernement.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le soutien du Gouvernement à ce travail est acquis.

Mme Véronique Riotton (RE). Je le retire mais vous pouvez compter sur moi pour ne pas vous lâcher.

L’amendement est retiré.

Amendement CS506 de M. Stéphane Vojetta

M. Stéphane Vojetta (RE). La production et la consommation de pornographie sont strictement légales dans notre pays. En revanche, la pédopornographie – le fait de mettre en scène des jeunes de moins de 18 ans – est strictement interdite.

Nous devons donc sécuriser l’espace numérique en protégeant les mineurs de la diffusion de contenus pornographiques mais aussi trouver les moyens d’empêcher l’industrie du porno, en particulier celle du porno à la demande, de surfer sur l’ambiguïté quant à l’âge des personnes figurant dans les contenus.

L’amendement, issu du groupe de travail sur les influenceurs, oblige donc les plateformes à s’assurer, d’une part, que les personnes apparaissant dans les vidéos n’ont pas moins de 18 ans, et, d’autre part, que les utilisateurs publiant des contenus pornographiques sont majeurs – cela s’applique au titulaire du compte sur une plateforme mais aussi aux éventuels invités. Le mécanisme de vérification d’âge prévu à l’article 1er pourrait faire partie des instruments imposés aux plateformes.

Mme Louise Morel, rapporteure. Votre préoccupation est satisfaite par le code pénal : demande de retrait, sinon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS168 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Sur ce sujet comme sur d’autres, le Parlement manque d’évaluations ex ante et ex post. Il manque aussi de temps pour évaluer les textes qu’il a votés alors que c’est là une de ses missions premières. Nous ignorons donc les effets des lois que nous votons comme de celle que nous discutons.

Je prends l’exemple des lois relatives à la protection des mineurs sur internet, votées ces cinq dernières années : loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles ; loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ; loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne ; loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire ; loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet ; loi n° 2022-309 du 3 mars 2022, pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinés au grand public. La liste est longue et, très logiquement, nous ne disposons pas d’une vue d’ensemble des effets de ces lois. Nous ne savons pas s’il existe des doublons, des oublis, des dispositifs formidables à dupliquer, ou d’autres inutiles ou contre-productifs à abroger.

Il est nécessaire que le Parlement s’attelle à ce travail – je lance un appel à la commission. Pour l’y aider, il serait bon que le Gouvernement présente un premier rapport exhaustif sur l’efficacité des lois que je viens d’évoquer.

M. Paul Midy, rapporteur général. Nous souscrivons à votre objectif. Pour y parvenir, le Parlement peut créer une commission d’enquête ou une mission d’information. Cette solution nous paraît plus appropriée. Demande de retrait.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Certes, c’est le rôle du Parlement d’évaluer les textes qu’il vote mais il n’a pas les moyens de le faire pour tous. Je maintiens l’amendement qui visait à alerter sur ce point.

M. Erwan Balanant (Dem). Ce n’est pas au Gouvernement de faire un rapport, c’est notre rôle d’évaluer. Le règlement de l’Assemblée nous en fait l’obligation. Les rapporteurs doivent faire leur travail jusqu’au bout, ce qui n’est pas toujours le cas.

Certains des textes que vous avez cités sont trop récents pour être évalués de manière pertinente, mais je ne manquerais pas de le faire en temps voulu en ce qui concerne la loi visant à combattre le harcèlement scolaire.

M. Bruno Studer (RE). Je remercie le Gouvernement pour la publication du décret sur le contrôle parental. En revanche, j’attends toujours, trois ans plus tard, le décret relatif à l’article 3 de la loi sur les enfants influenceurs. Le décret d’application de l’article 1er a été publié, ce qui fait de la France le premier pays à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants, non pas pour les placements de produits ou le mannequinat externe mais pour les revenus qui sont tirés de l’exploitation de l’image. Monsieur le ministre délégué, je suis sûr que vous saurez convaincre vos collègues que le décret est urgent. La position de la France est très attendue parce qu’elle est précurseure.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Madame la députée, je vous remercie de rappeler l’importance de l’application des lois avant même l’évaluation de leurs effets. Votre amendement, même s’il n’est pas adopté, aura été l’occasion pour la représentation nationale de mettre un petit coup de pression sur le Gouvernement.

Monsieur Studer, ce ne sont pas les ministères de Bercy qui tiennent la plume sur le décret que vous demandez, à la différence de celui sur le contrôle parental, mais le message sera transmis.

M. le président Luc Lamirault. La commission spéciale ne peut pas évaluer à six mois et à trois ans le texte qu’elle aura adopté puisqu’elle disparaîtra. En revanche, les commissions permanentes compétentes pourront le faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS929 de M. Paul Midy

M. Paul Midy, rapporteur général. Je l’ai évoqué précédemment, l’amendement vise à demander un rapport sur l’extension des compétences de Pharos. Au fil des débats, de nombreuses missions possibles ont été envisagées : la possibilité d’empêcher la commission d’actes illégaux en direct ; des pouvoirs d’enquête, à l’instar des policiers.

Je remercie tous les collègues qui ont voté la d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en vertu de laquelle 1 500 cyberpatrouilleurs seront recrutés, ce qui permet d’envisager d’étendre les missions de Pharos.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le Gouvernement est prêt à réfléchir à la demande du rapporteur général. Néanmoins, il n’entend pas confier à des policiers ni à une autorité administrative indépendante le soin de faire le tri entre des contenus licites et illicites lorsqu’ils ne le sont pas manifestement. On ne peut pas s’affranchir des limites, au demeurant précieuses, qui sont posées pour préserver les libertés fondamentales.

La situation n’est pas satisfaisante, j’en conviens. Peut-être pouvons-nous faire mieux, notamment grâce aux moyens supplémentaires octroyés au ministère de l’intérieur et au ministère de la justice par le Parlement dans les lois de programmation. Le rapport sera l’occasion d’explorer toutes les pistes.

M. Ian Boucard (LR). Bruno Studer pointe une défaillance dramatique pour notre démocratie. Le Parlement a voté une loi, de mémoire à l’unanimité, et trois ans plus tard, les décrets d’application ne sont pas sortis.

Nous examinons un projet de loi sur le numérique alors que la précédente loi n’est toujours pas appliquée. Les commissions ne peuvent pas évaluer une loi, si le Gouvernement ne la fait jamais appliquer.

Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous prendre l’engagement que la loi, que vous avez votée puisque vous étiez député, sera appliquée très prochainement et que celle-ci le sera aussi à bref délai ? Il y va du respect de la démocratie, des parlementaires et au-delà, du peuple qui nous a élus.

M. Bruno Studer (RE). Je vous rassure, monsieur Boucard, le décret d’application de l’article 1er a bien été pris. Il manque encore le décret sur l’article 3 auquel je tiens beaucoup. C’était le message que je voulais adresser au ministre délégué. Je vous remercie de le soutenir, mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur Boucard, je suis, comme vous, un obsédé de l’article 24 de la Constitution aux termes duquel le Parlement vote la loi, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques.

Lorsque j’ai pris mes fonctions, la première tâche à laquelle je me suis attelé a été de faire l’inventaire des décrets d’application non encore sortis sur des textes adoptés par le Parlement. Tout en haut de la liste figurait celui sur le contrôle parental qui a mobilisé une partie de mon temps, de mes équipes et les administrations de Bercy pour le publier le plus vite possible, le notifier à la Commission européenne, etc.

Il est très important que le Parlement et le gouvernement veillent à ce qu’une énergie suffisante soit déployée pour que les décrets d’application sortent, sans quoi les effets de ce que nous votons adviennent si longtemps après que nos concitoyens finissent par avoir du mal à croire que les lois ont le moindre effet dans leur vie quotidienne.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 bis est ainsi rédigé.

Amendement CS328 de Mme Sophia Chikirou

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). L’amendement a pour objet d’évaluer les moyens accordés aux services de police et de gendarmerie pour lutter contre la pédocriminalité.

Le Centre national d’analyse des images pédopornographiques (Cnaip) mène des enquêtes afin d’identifier des pédocriminels par le biais de la cyberinfiltration et de l’analyse de contenus. Toutefois le manque de personnel est criant puisque le service est composé de seulement six personnes.

La sécurisation et la régulation de l’espace numérique en matière de pédocriminalité sont déjà encadrées par la loi, mais face à l’accroissement des données à traiter, les agents qui en sont chargés ont parfois l’impression de « vider l’océan avec une petite cuillère trouée ».

M. Paul Midy, rapporteur général. Je vous invite à retirer l’amendement qui est satisfait par le rapport dont nous venons d’adopter le principe.

Pharos compte aujourd’hui cinquante agents, mais il en faudrait bien plus – la loi d’orientation d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur dite « Lopmi » prévoit 1 500 cyberpatrouilleurs. J’espère que nous serons nombreux à l’avenir pour voter en faveur du renforcement des moyens dans ce domaine.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 4 A

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS441 de M. Hendrik Davi.

Amendement CS428 de M. Idir Boumertit

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Nous souhaitons insister sur l’importance de la prévention. Pour prévenir les phénomènes d’addiction au numérique, il est impératif de sensibiliser les jeunes citoyens à ses dangers le plus tôt possible. On ne parviendra pas à endiguer ces phénomènes par la seule répression.

Aujourd’hui, 17 % des adolescents de 17 ans déclarent avoir joué à un jeu d’argent et de hasard sur internet alors que les mineurs n’en ont pas le droit ; l’usage des jeux vidéo est problématique pour un adolescent sur huit ; 5 % des garçons et 11 % des filles de 15 ans ont un usage problématique des réseaux sociaux. L’impact de telles addictions sur la santé mentale des jeunes ne doit pas être pris à la légère. C’est par la formation que l’on parviendra à réduire les risques d’addiction, pas par la répression.

Mme Louise Morel, rapporteure. Vous proposez de modifier l’article L. 312-9 du code de l’éducation, qui est déjà très complet.

Il y est écrit que la formation « contribue au développement de l’esprit critique, à la lutte contre la diffusion des contenus haineux en ligne, à la sensibilisation contre la manipulation d’ordre commercial et les risques d’escroquerie en ligne et à l’apprentissage de la citoyenneté numérique ». Cette rédaction me semble répondre à vote préoccupation vis-à-vis des addictions comportementales au numérique dont je reconnais l’importance.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Vous considérez que le dispositif actuel est suffisant.

Si je prends l’exemple de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire, les textes existent mais leur application n’est pas suivie étroitement et les moyens, une fois encore, ne sont pas au rendez-vous.

Le projet de loi vise à protéger contre les dangers de l’accès au numérique – nous en avons évoqué beaucoup depuis deux jours. Puisque les moyens manquent pour appliquer les mesures coercitives, autant faire de la prévention. Le sujet est suffisamment important pour que nous lui accordions la place qu’il mérite.

Mme Louise Morel, rapporteure. Je n’ai pas minimisé l’importance du sujet ni contesté la nécessité d’aller plus loin. Nous ne serions pas réunis si tout fonctionnait correctement et si tous nos concitoyens étaient parfaitement avertis.

Je partage vote objectif mais il ne me semble pas nécessaire de compléter le code de l’éducation pour mettre en place ce que vous proposez.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS103 de Mme Violette Spillebout et CS789 de Mme Agnès Carel (discussion commune)

Mme Violette Spillebout (RE). Nous partageons tous un constat : si l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité de création, d’innovation et d’emplois, elle suscite des craintes parce qu’elle bouleverse notre environnement informationnel et culturel.

Dans la vraie vie, comme sur les réseaux sociaux et les plateformes, on ne peut plus distinguer à l’œil nu une photo, un film, un texte, une œuvre générée par l’intelligence artificielle d’une œuvre originale. Cela change notre rapport à la vérité et aux réalités du monde. Cela met aussi en question la confiance dans l’information, dans les artistes, dans la presse et dans le monde qui nous entoure. Cela déstabilise notre système éducatif et citoyen. Cela pourrait à terme fragiliser nos démocraties.

Il est proposé qu’à l’école primaire et au collège, les élèves bénéficient d’une sensibilisation aux risques des fake news et de tous les contenus générés par l’intelligence artificielle, à l’issue de laquelle une attestation leur serait délivrée.

Je suis consciente que ces sujets font l’objet d’une réflexion approfondie dans le cadre du projet de règlement européen baptisé AI – Artificial Intelligence – Act. Monsieur le ministre délégué, je sais votre implication dans ce domaine et je me réjouis de l’installation du comité de l’intelligence artificielle générative et des moyens financiers qui y seront affectés.

Je souhaite que mon amendement contribue au développement de l’esprit critique des jeunes sur l’intelligence artificielle.

Mme Agnès Carel (HOR). L’amendement présenté par le groupe Horizons tend à rendre obligatoire le suivi de l’actuelle formation au numérique dispensée à l’école primaire, en conditionnant l’inscription au collège à la présentation de l’attestation délivrée à l’issue de ladite formation.

Cette formation, dont le contenu nous semble très complet et pertinent, est inégalement suivie sur le territoire. Or nous savons tous à quel point la formation des plus jeunes à l’utilisation des réseaux sociaux notamment est structurante pour eux mais aussi pour la sécurisation de l’espace numérique de demain.

L’éducation au numérique est, outre une évidence, un devoir, donc soyons responsables !

Mme Louise Morel, rapporteure. S’agissant de l’amendement de Mme Spillebout, nonobstant la mission d’information en cours sur l’intelligence artificielle et la protection des données personnelles, il donne une base juridique à la formation existante donc mon avis est favorable.

L’amendement de Mme Carel est incompatible avec celui de Mme Spillebout. En outre, il conditionne le passage dans la classe supérieure au suivi de la formation, ce qui me paraît problématique. J’y suis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Les auteurs des amendements sont très investis sur le sujet : Mme Spillebout qui a remis récemment, avec Philippe Ballard, un rapport sur l’éducation critique aux médias, Mme Carrel, qui a été très présente tout au long des auditions sur ces questions et Mme Guévenoux.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement de Mme Spillebout relatif à la certification à la fin du primaire et du collège puisqu’il inscrit dans la loi le dispositif qui est généralisé cette année et sera rendu obligatoire l’année prochaine : la certification Pix. L’amendement ajoute opportunément la mention de l’intelligence artificielle, qui, étant donné la place qu’elle est appelée à occuper, mérite d’être prise en considération.

L’avis sera également favorable sur les amendements CS669 et CS788 que nous examinerons juste après et qui concernent la sensibilisation des parents à la citoyenneté numérique. Enfin, je demande le retrait de l’amendement CS789.

Mme Agnès Carel (HOR). Le fait de conditionner l’entrée au collège à l’attestation était une manière de rendre obligatoire la formation dans un domaine essentiel. Le suivi de la formation est inégal, peut-être par faute de temps. Or il est indispensable que les jeunes entrant au collège aient déjà reçu une formation au numérique et aux nombreux sujets que nous avons abordés ce matin, sujets ô combien importants pour leur développement physique et psychique.

Je suis toutefois prête à retirer mon amendement.

M. Éric Bothorel (RE). Je m’interroge sur la référence aux réseaux sociaux dans l’amendement de Mme Spillebout que je soutiens puisque ces derniers ne génèrent pas de contenus.

Mme Violette Spillebout (RE). La mention des réseaux sociaux renvoie au partage qui est susceptible d’amplifier la propagation des fake news.

M. Paul Midy, rapporteur général. Je veux remercier Mmes Spillebout, Guévenoux et Carel d’avoir travaillé sur ce sujet important.

Aujourd’hui, les élèves passent un examen pour obtenir une attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) ; ils sont ainsi formés à ce qu’ils ont le droit de faire ou pas sur la voie publique. L’attestation ouvre des droits puisqu’elle est, par exemple, indispensable pour conduire un scooter. Nous devons nous doter des mêmes moyens pour protéger nos enfants dans l’espace numérique – plus dangereux – que ceux que nous déployons pour les protéger sur la voie publique.

Le Gouvernement n’a pas ménagé ses efforts jusqu’à présent sur le sujet. Nous vous proposons d’adopter les amendements et de poursuivre le travail en vue de la séance pour aller encore plus loin.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je remercie Mme Carrel d’accepter de retirer son amendement.

La présentation du plan de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement sera l’occasion de le réaffirmer, à compter de l’année prochaine, le passeport Pix sera rendu obligatoire pour tous les élèves de sixième, après sa généralisation cette année. Dès l’année prochaine, votre amendement sera quasiment satisfait, ce qui ne doit pas nous empêcher de réfléchir sur le CM2. Mais c’est une autre histoire, notamment parce que les écoles élémentaires sont bien moins équipées que les collèges en matière informatique.

L’amendement CS789 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS103 et les deux premiers alinéas de l’article 4 AA ainsi rédigés.

La séance est levée à 13 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique

Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 9 heures 30

Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Quentin Bataillon, M. Mounir Belhamiti, Mme Lisa Belluco, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Pierre Cazeneuve, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, Mme Mireille Clapot, Mme Fabienne Colboc, M. Jean-François Coulomme, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Alma Dufour, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Géraldine Grangier, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Victor Habert-Dassault, Mme Marietta Karamanli, M. Luc Lamirault, M. Philippe Latombe, Mme Anne Le Hénanff, Mme Christine Loir, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Élisa Martin, M. Denis Masséglia, M. Paul Midy, M. Maxime Minot, Mme Louise Morel, M. Christophe Naegelen, Mme Caroline Parmentier, M. René Pilato, M. Jean-Claude Raux, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Alexandre Sabatou, M. Hervé Saulignac, Mme Violette Spillebout, M. Bruno Studer, M. Aurélien Taché, M. Stéphane Vojetta, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan

Assistait également à la réunion. – Mme Véronique Riotton