Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Audition commune de MM. Bruno Lasserre, président des États généraux de l’information, et Christophe Deloire, délégué général              2

 Examen du rapport de la mission d’information sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques (Mmes Graziella Melchior et Francesca Pasquini, rapporteures)              18

– Présences en réunion..............................19

 

 

 

 

 


Mercredi
6 décembre 2023

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
Mme Isabelle Rauch,
Présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)

 

La commission procède à l’audition commune de MM. Bruno Lasserre, président des États généraux de l’information, et Christophe Deloire, délégué général.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Bruno Lasserre, qui est notamment ancien vice-président du Conseil d’État et ancien président de l’Autorité de la concurrence, et M. Christophe Deloire, journaliste, ancien directeur du Centre de formation des journalistes et secrétaire général de Reporters sans frontières. Vous êtes accompagné par le rapporteur général des États généraux de l’information, M. Maxence Langlois-Berthelot.

Messieurs, en octobre 2023, le Président de la République vous a chargés de piloter de façon indépendante l’organisation des États généraux de l’information (EGI), qui se déroulera en trois phases. Attendue depuis longtemps par les journalistes et les citoyens, cette réflexion collective sur la place de l’information et son importance pour notre cadre démocratique s’inscrit désormais dans un calendrier plus précis.

Une première phase, initiée d’octobre à décembre 2023, doit établir le diagnostic de la situation et formuler des propositions quant à l’adaptation de notre cadre réglementaire et légal face aux nombreux nouveaux enjeux, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de l’éducation, des médias et de l’information, du modèle économique et de l’indépendance du journalisme, ou encore de la lutte contre les manipulations de l’information. Le travail des EGI sera, dans ce premier temps, conduit sous la houlette de groupes thématiques. Pouvez-vous revenir sur des thèmes retenus et le choix des personnalités qui composent ces groupes ? Auront-ils une méthode de travail commune et communiqueront-ils entre eux ?

Dans un second temps, entre janvier et mars deux 2024, auront lieu des délibérations sur les propositions avancées par les groupes de travail thématiques. Pourriez-vous nous préciser le cadre de ces délibérations ? Pouvez-vous également mettre l’accent sur la manière dont les parlementaires seront associés à leur production ?

Ensuite, entre avril et juin 2024, viendra le temps de la synthèse et de la restitution. Quelle forme celle-ci devrait-elle prendre ? Comment éviter le risque d’aboutir à un rapport sans mise en œuvre pratique des propositions ? Enfin, les États généraux de l’information ont vocation à s’intéresser aux nouveaux acteurs de l’information, notamment les influenceurs. Certains effectuent un travail de qualité, d’autres peuvent aussi contribuer à un brouillage des frontières de l’information telle que l’on pouvait la connaître. Comment ces acteurs sont-ils inclus dans le processus de réflexion initié par les EGI ?

M. Bruno Lasserre, président des États généraux de l’information. Je vous remercie pour votre introduction et, au-delà, pour cette invitation à dialoguer avec vous ce matin. Vous avez insisté sur la qualité nécessaire du dialogue entre les États généraux de l’information et la représentation parlementaire, qui sont également essentiels, de notre point de vue. La qualité de l’information et l’accès des Français à une information libre, pluraliste, fiable, pertinente et de qualité constituent deux des moyens de faire vivre la citoyenneté et la démocratie. C’est un sujet politique, au bon sens du terme. Il est donc normal que nous puissions dialoguer avec vous, membres de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale.

Il n’est pas question de nous substituer à vous, législateurs. Nous devons faire des propositions dont vous vous saisirez ou non, mais nous respectons aussi la séparation des pouvoirs. Nous sommes là pour faire émerger un constat, des idées et des propositions, mais il appartiendra évidemment au Gouvernement et au Parlement de se saisir de ces propositions, dont certaines relèvent du champ législatif et d’autres de solutions concrètes et opérationnelles qui peuvent changer la vie des Français car, évidemment, tout ne passe pas par la loi.

Ensuite, permettez-moi de revenir brièvement sur vos questions. Où en sommes-nous dans l’avancée des EGI ? Le comité de pilotage, installé en juillet, comprend cinq personnalités qualifiées : Nathalie Collin, Anne Perrot, Camille François, Christophe Deloire délégué général, et moi-même, qui le préside. Ce comité a pour objet d’organiser les États généraux, mais aussi de garantir les valeurs qui constituent la condition du succès de cet exercice : l’indépendance – nous mènerons en effet cet exercice en toute indépendance vis-à-vis des pouvoirs, quels qu’ils soient, politiques ou économiques –, l’impartialité – nous voulons entendre toutes les voix qui peuvent s’exprimer, toutes les propositions et contributions qui peuvent émerger – et enfin, le respect de la commande présidentielle, c’est-à-dire faire en sorte que tous les sujets mentionnés dans la lettre de mission soient traités par le rapport de synthèse que nous fournirons en juin.

La convocation d’États généraux apparaît souvent comme une solution séduisante. Il s’agit en quelque sorte de mener une réflexion, avec toutes les parties prenantes, mais aussi les Français, pour essayer de trouver des solutions collectives à un problème donné. Aujourd’hui, les Français sont perplexes et inquiets de la qualité de l’information. Nous avons commencé notre travail en commandant un sondage pour mesurer les attentes des Français sur ces questions. Il apparaît que 60 % d’entre eux estiment éprouver des difficultés à distinguer le vrai du faux. Ils sont perdus dans le nouvel espace informationnel, n’ont plus confiance dans les médias traditionnels pour leur apporter cette information qui les rassure. Une grande majorité estime que les médias traditionnels sont sous le contrôle de grands groupes financiers ou pas assez indépendants du gouvernement. Ils expriment des préoccupations très concrètes sur la possibilité, une fois encore, de pouvoir distinguer ce qui relève du vrai ou du plausible, du faux ou de l’invraisemblable, en expliquant qu’ils n’ont plus les moyens, aujourd’hui, d’y parvenir dans leur vie quotidienne.

Cette inquiétude et cette fatigue informationnelle témoignent de la perplexité des Français face à un nouvel espace fonctionnel qui a considérablement changé et des questions centrales qu’il implique. Quel est aujourd’hui le modèle économique qui permet en France de produire une information de qualité, qui a un coût ? Quelles sont les conditions nécessaires pour faire en sorte que nous ayons des groupes de presse, des médias disposant des moyens d’investir pour produire cette information de qualité, pour financer l’avenir des médias d’information et du journalisme au sens large ? En effet, il ne peut y avoir d’information de qualité sans journalistes bien formés, bien recrutés, bien reconnus et bien rémunérés. Les Français s’interrogent enfin sur les menaces technologiques, en lien avec le développement de l’intelligence artificielle.

Pour répondre à ces questions, nous avons essayé d’organiser les EGI sur trois piliers. Le premier pilier concerne un travail de réflexion mené au sein de cinq groupes de travail. Ils sont composés d’un ou une présidente qui anime les travaux autour de six à dix membres pour chaque groupe de travail. Ces membres ont tous été choisis après appel à candidatures et nous avons reçu de nombreuses marques d’intérêt, dont nous avons tenu compte pour la composition des travaux.

Le premier groupe, présidé par Sébastien Soriano, est chargé de la question de l’innovation et de la rupture technologique, notamment en raison du rôle des plateformes numériques. Le deuxième groupe, placé sous la responsabilité de Pascal Ruffenach, président du groupe Bayard, se concentrera sur les sujets essentiels que sont l’éducation, la citoyenneté et la démocratie. Le troisième groupe se penchera sur l’avenir des médias d’information et du journalisme, sous la houlette de Christopher Baldelli, qui dirige aujourd’hui la chaîne Public Sénat, après une carrière très diversifiée dans les médias et la presse. Le quatrième groupe, présidé par Arancha Gonzalez Laya, ancienne ministre des affaires étrangères espagnole et présidente de l’École des affaires internationales de Sciences-Po Paris, va s’intéresser à la souveraineté et à la lutte contre les ingérences étrangères. Le dernier groupe, coordonné par Isabelle Falque-Pierrotin, ancienne présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et actuelle présidente de l’Autorité nationale des jeux, sera chargé de la question centrale de l’État et de la régulation : comment refaçonner une régulation de l’information qui réponde aux défis et aux menaces de notre temps ?

Le deuxième pilier, que Christophe Deloire vous présentera plus en détail, porte sur la dimension citoyenne. Nous voulons mesurer les attentes des Français, les placer au cœur de la réflexion et les faire débattre de ces sujets, y compris les jeunes, auxquels nous voulons nous adresser en priorité. Comment former les citoyens ? Comment éduquer les Français aux médias, leur apprendre à faire jouer leur esprit critique, à prendre de la distance ? Enfin, le troisième pilier est constitué par le pilier académique, puisque nous avons lancé un appel à contributions auprès des universités et des centres de recherche, afin de faire émerger des solutions nouvelles.

Aujourd’hui, il est trop tôt pour parler de propositions, mais nous reviendrons évidemment volontiers devant vous pour présenter, au moment où nous les aurons élaborées et selon le processus que je viens de rappeler, les propositions que nous transmettrons au mois de juin.

M. Christophe Deloire, délégué général des États généraux de l’information. Madame la présidente, vous avez posé la question fondamentale de la mise en œuvre de ces États généraux, de leur utilité et de leurs débouchés.

Pourquoi croyons-nous que ces États généraux seront un succès ? D’abord, le périmètre retenu, celui de l’espace informationnel dans son ensemble, nous semble être pertinent. Aujourd’hui, ces questions informationnelles sont très souvent traitées de manière séparée, quand ce champ est particulièrement vaste, puisqu’il porte à la fois sur le débat public, démocratique, la communication privée, le marché des opinions, des idées, des informations dont les médias, au sens classique du terme, c’est-à-dire les médias d’information, ne sont pas les uniques acteurs.

Si nous voulons réfléchir aux bouleversements dans le champ informationnel, à la désintermédiation et la mondialisation de cet espace informationnel, il faut nous placer dans une perspective holistique, afin d’obtenir une vision claire des univers de concurrence, des types d’acteurs, des droits et obligations, des responsabilités qui peuvent être attendus. Nous avons donc posé le sujet en partant du citoyen, c’est-à-dire du droit à l’information fiable, indépendante, libre dont celui-ci est titulaire.

La fiabilité suppose évidemment l’indépendance, la liberté et le pluralisme. Sans information fiable, l’ensemble de nos droits sont mis en péril et ces États généraux visent évidemment à contribuer à la défense de notre démocratie, de nos droits, mais aussi de nos vies, au moment où les citoyens éprouvent un sentiment de perte de contrôle devant les outils numériques.

Ensuite, cette initiative n’a évidemment aucune logique partisane. D’une certaine manière, l’information constitue un bien commun, quand on l’envisage comme l’espace dans lequel nous échangeons des idées, des opinions et des informations. En utilisant la métaphore de la « place du village », cette place représente ce bien commun et son organisation doit faire l’objet d’un assentiment général. Au sein du comité de pilotage, nous avons l’obsession de l’intérêt général et nous prêterons la plus grande attention à l’indépendance, et à son caractère non partisan.

Nous avons déjà eu nombreux échanges avec des parlementaires de tous les groupes et nous observons que jusqu’à présent, personne n’a récusé la pertinence et l’importance du sujet lui-même. Cela vaut non seulement pour les élus, mais aussi pour les acteurs économiques et sociaux, les citoyens. Les fausses informations et les rumeurs sont des dangers et la perception est à ce titre assez unanime, au-delà des divergences d’interprétation qui peuvent exister sur les conséquences qui doivent en être tirées.

En outre, nous sommes animés par une logique de recherche du consensus. À ce titre, si l’on ne peut pas parler d’obligation de résultat, nous sommes malgré tout liés par une forme d’obligation de moyens, pour rechercher des propositions qui puissent recevoir l’assentiment le plus large, à tous les niveaux, y compris celui des acteurs du monde des médias. Les représentants de salariés et les représentants patronaux ont parfois eu des divergences historiques, mais les bouleversements sont tels que de tels acteurs sont aujourd’hui susceptibles de se rapprocher autour de préoccupations communes, pour répondre précisément à l’émergence d’autres acteurs dont les valeurs et les intérêts sont radicalement différents. Je pense naturellement aux plateformes numériques, notamment.

Les groupes de travail sont à l’œuvre ; ils ont déjà mené de nombreuses auditions et ils se réunissent sur une base hebdomadaire. Nous recevons chaque jour de nombreuses propositions élaborées par des organisations, des médias et des associations. Par ailleurs, la participation citoyenne représente un enjeu majeur. Nous avons organisé un premier événement à Auxerre, en faisant le pari de ne pas aller dans la « France du TGV », ni dans une métropole régionale, encore moins à Paris. Il s’agissait là d’un signal fort, qui sera suivi : nous allons procéder à un « Tour de France » des États généraux de l’information en début d’année, avec des assemblées citoyennes dans toutes les régions. À ce titre, nous ferons en sorte de trouver les moyens de la participation la plus large possible, y compris celle du monde de la recherche, afin que les propositions que nous formulerons soient les plus pertinentes possible.

Enfin, en matière de restitution, si ce rapport a été demandé par le Président de la République, il sera évidemment remis également à la représentation parlementaire. Nous effectuerons aussi une forme de restitution aux Français. Elle interviendra d’ailleurs au moment des élections européennes et, le cas échéant, elle inclura des propositions pour l’Union européenne.

Nous ne traitons pas les influenceurs comme une catégorie séparée. Il existe de nombreux acteurs de nature très différents sur les réseaux sociaux. Les influenceurs en sont une partie, mais au-delà, il existe un grand nombre de producteurs de contenus qui ne sont ni des journalistes, ni des influenceurs et qui sont aussi appelés à intervenir.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je vous remercie. Je cède à présent la parole aux orateurs des groupes.

Mme Céline Calvez (RE). Monsieur le président, monsieur le délégué général, deux mois après le lancement officiel des États généraux du droit à l’information, je tenais à vous assurer, au nom des députés du groupe Renaissance, de notre soutien total afin de faire de ces EGI une réussite pour le droit à l’information en France, promesse du président Emmanuel Macron en 2022.

Si cette initiative a certes pris un certain temps pour se concrétiser, aujourd’hui, les bases sont désormais posées afin d’en faire un espace d’échanges libre, indépendant des pouvoirs politiques et économiques, un espace d’échanges impartial, ouvert à toute la société et pas uniquement aux seuls professionnels de l’information. Nous pouvons nous en réjouir. En effet, vous souhaitez associer l’ensemble de nos concitoyens à ces États généraux afin de leur permettre de contribuer au débat, mais aussi d’entraîner une véritable prise de conscience des Français sur l’importance de bénéficier d’une information de qualité et, ainsi, peut-être aussi les orienter vers les bonnes pratiques à adopter.

Il est essentiel de renforcer la confiance de nos concitoyens vis-à-vis de l’information, qui connaît aujourd’hui une certaine crise face aux bouleversements technologiques, économiques et politiques. Les études que vous avez mentionnées expriment ces inquiétudes, cette fatigue informationnelle. Je souhaitais recueillir votre avis sur l’implication des médias eux-mêmes dans la démarche des EGI, non seulement au sein des groupes de travail, mais aussi à travers leurs contributions écrites, dont Christophe Deloire se fait d’ailleurs le relais dès à présent sur les réseaux sociaux, contribuant ainsi à la transparence et à la valorisation de ces réflexions. Dans quelle mesure la démarche même des États généraux de l’information peut-elle constituer une grande opération d’éducation aux médias et à l’information pour les jeunes et les adultes de notre pays, une occasion de comprendre que si la démocratie n’a pas de prix, la contribution de l’information à celle-ci nécessite un certain coût, un investissement auquel nous devons tous contribuer ?

Mme Caroline Parmentier (RN). « Là où Bolloré passe, le journalisme trépasse. C’est un ogre qui digère les médias et les transforme en organes d’opinion. Il a instauré un régime de terreur. » Monsieur le délégué général, tels sont les propos que vous avez tenus sur France Inter, en juillet dernier. Ces déclarations ne nous auraient pas étonnés outre mesure sur les ondes du service public si elles n’émanaient pas précisément du tout fraîchement nommé délégué général des États généraux. Vous comprenez qu’après les déclarations de la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, toujours sur France Inter, menaçant de priver les chaînes C8 et CNews de leur fréquence, l’impartialité et l’indépendance de votre comité interpellent. C’est en pleine grève du Journal du dimanche (JDD), pour protester contre l’arrivée de son nouveau directeur de la rédaction, que le Président de la République a lancé cette réflexion sur les médias et sur le droit à l’information. Vous vous êtes alors engagé, monsieur Deloire, aux côtés de la rédaction du JDD, en appelant Arnaud Lagardère à mettre fin à la « menace » Bolloré, votre bête noire, en somme.

L’exécutif a promis un processus ouvert et contradictoire conduit par un comité indépendant et des États généraux, dont vous dites qu’ils doivent appartenir à tous les Français. Force est de constater que votre comité, dont plusieurs membres ont appelé à voter Emmanuel Macron et qui est un aréopage de gens qui pensent la même chose, n’a rien de neutre ni de transpartisan. Les parlementaires que nous sommes, attachés à la liberté de la presse et au pluralisme des opinions, seront extrêmement vigilants après de tels propos clairement partisans. Quelles garanties, monsieur le président, monsieur le délégué général, pouvez-vous nous donner quant à votre impartialité, votre respect et votre considération de tous les médias, y compris ceux dont vous ne partagez pas les opinions et qui agacent le pouvoir en place ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Messieurs Lasserre et Deloire, je vous remercie pour votre présence. Je m’étais rendue, à votre invitation, à une audition des parlementaires dans le cadre des États généraux de l’information. Je me félicite que nous, parlementaires, puissions vous auditionner aujourd’hui. Je commencerai ainsi, sans surprise, par relever la question du cadre et des objectifs de ces EGI.

Force est de constater qu’ils suscitent une certaine méfiance et la crainte de retrouver une énième réplique du grand débat, qui fut une opération de communication présidentielle et de contournement des représentations parlementaires pour finalement ne pas aboutir à grand-chose. Lors de nos récurrentes alertes sur les nombreuses atteintes au droit à l’information, à l’indépendance de la presse, à la protection des sources, ce cadre nous a souvent été présenté comme celui d’où pourraient un jour venir les mesures nécessaires.

À peine est-il ouvert que la ministre de la Culture ferme la porte à toute réponse d’ampleur. Selon ses propres termes, cela ne sera pas le « grand soir législatif ». Tout au plus peut-on espérer quelque modernisation de lois qui n’ont pas pris en compte toutes les évolutions numériques. Pourtant, je suis convaincue que ce grand soir législatif est attendu par la population, dont la défiance envers les médias n’a jamais été aussi élevée. La question de la déontologie est plus que jamais posée, à l’heure où l’éditorialisme moutonnier et la quête du buzz supplantent de plus en plus le travail d’enquête journalistique de reportage, parfois même au détriment de la véracité pure et simple des informations diffusées.

Ce grand soir est attendu par les journalistes eux-mêmes. Jeudi dernier, plus de cent médias et organisations – syndicats, collectif de journalistes, associations de défense des droits se sentant peu associés – se sont réunis au sein de leurs propres États généraux de la presse indépendante et ont émis cinquante-neuf propositions pour libérer l’information et renforcer cette liberté fondamentale qu’est le droit de savoir des citoyennes et des citoyens.

J’identifie trois grandes sources d’entraves à ce droit et je voudrais savoir à quel point vos groupes thématiques ont prévu de les traiter. La première porte sur la structure économique du paysage médiatique, marqué par l’hyper concentration des médias, nullement compensée par les aides à la presse qui l’alimentent plutôt. La seconde concerne les entraves judiciaires et procédures-bâillon s’appuyant sur le secret des affaires, de l’instruction et de la défense, qui émanent aussi bien du pouvoir économique que politique, comme nous l’avons vu récemment avec les poursuites contre Ariane Lavrilleux et certains journalistes enquêtant sur les pratiques de maintien de l’ordre. La dernière entrave, et non la moindre, a trait à la précarisation des journalistes qui détériore la fiabilité de l’information, mais aussi sa diversité, en opérant un tri social. Ces conditions de travail seront-elles couvertes par l’un de vos groupes thématiques ?

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Le rapport du public aux médias est assez mitigé. Il balance entre attachement et insatisfaction, avec une méfiance sur la fiabilité de l’information délivrée. La diversification des sources d’information brouille la hiérarchie de leur légitimité, avec des frontières floues entre opinion et information, entre promotion et information. Le développement de l’intelligence artificielle renforce ce risque de manipulation et rend encore plus floue la frontière entre le vrai et le faux. Ainsi, 85 % des jeunes croient d’ailleurs à au moins une théorie du complot. Dès lors, informer est une mission de service public, un pilier essentiel de notre démocratie.

Pourquoi, selon vous, le taux de satisfaction, la confiance vis-à-vis des médias, et notamment des médias publics, sont-ils meilleurs au Royaume-Uni, en Allemagne et même en Espagne qu’en France ? Alors même que vous souhaitez que les États généraux ne soient pas corporatistes et ne virent pas à l’entre-soi, pourquoi le grand public boude-t-il quand même cet événement ? À Auxerre, les États généraux ont surtout attiré des journalistes et les citoyens étaient presque introuvables dans les Vosges, où personne ne m’en a jamais parlé. Par conséquent, j’émets des doutes sur la représentation du grand public, mais aussi sur l’exercice lui-même. Hier, nous avons connu le grand débat face aux gilets jaunes, la convention citoyenne sur le climat, le Conseil national de la refondation. Je vous fais également part de mes doutes aussi sur les retombées de ces États généraux. La ministre a déjà annoncé qu’il n’y aurait pas de grand soir législatif et à Bruxelles nous sommes actuellement en pleine négociation, dans le cadre du trilogue réunissant la Commission, le Conseil et le Parlement européen sur un projet de règlement concernant la liberté des médias, qui vise à protéger les journalistes, la liberté et l’indépendance éditoriale des rédactions face aux tentatives d’ingérence et face à la concurrence des plateformes en ligne et des réseaux sociaux.

Certes, vous tirerez des conclusions, mais dans quel but ? Quelle sera l’articulation avec ce projet de règlement européen ? Quelles retombées et quelles traductions concrètes attendez-vous ?

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Monsieur le président, monsieur le délégué général, si l’information est toujours suivie avec un grand intérêt, la confiance à l’égard de ceux qui la produisent s’étiole. De plus en plus de craintes se font jour sur l’impression d’une soumission des journalistes, l’oppression du pouvoir et/ou de l’argent. Pourtant, je veux dire ici l’importance que ceux-ci puissent travailler en toute indépendance et notamment indépendamment des désirs de leurs actionnaires.

Nous devons, plus globalement, engager un choc de confiance positif à l’égard du lien entre les Français et les médias. Dès lors, c’est peu dire que les États généraux de l’information étaient attendus et même demandés. La loi de 1986 sur la concentration des médias est usée, les ingérences étrangères dans nos médias sont mal détectées, le modèle économique de l’information est bouleversé par le numérique et personne n’a encore trouvé le moyen d’y répondre.

Dans ce contexte, tout le monde souhaite être entendu. Il n’est pas étonnant que des initiatives complémentaires se forment. Comme vous le savez, nous avons constitué un groupe de travail de députés « Médias et information majorité présidentielle » (MIMP) pour apporter des contributions aux EGI. Par ailleurs, une centaine de médias indépendants ont formulé cinquante propositions pour une presse libre et indépendante. Enfin, les journalistes et polémistes proches du groupe Bolloré se sont aussi réunis mi-novembre sur le sujet. Ainsi, comment ces initiatives seront-elles intégrées à vos propositions finales ?

Aussi, comme je le disais en préambule, nous devons réparer le lien de confiance entre la population et les médias. Il est pour cela absolument nécessaire d’associer les citoyens aux EGI. Je sais que vous en avez conscience. Pourtant, nous connaissons les difficultés qui existent pour toucher les citoyens les plus éloignés, ceux que nous devrions aller chercher en priorité. Dès lors, sur quels moyens de communication grand public comptez-vous vous appuyer pour obtenir leur contribution, et non simplement celle d’un public averti ou intéressé ?

M. Johnny Hajjar (SOC). Je vous remercie de m’accueillir de nouveau dans cette commission pour représenter mon collègue Inaki Echaniz, malheureusement indisponible aujourd’hui, et plus largement mon groupe, sur un sujet aussi important que l’information – je dirais pour ma part la connaissance –, qui est pour moi un bien commun. La liberté de la presse, son indépendance et son pluralisme, le droit de savoir en toute transparence et en toute vérité, l’éthique et les valeurs constituent des éléments essentiels de notre démocratie et du vivre ensemble, dans le respect des valeurs humanistes et universelles.

Ils sont menacés à bien des égards, et il est urgent d’agir. En ce sens, nous saluons cette initiative de voir le droit à l’information faire l’objet d’une réflexion et d’une analyse globale et collective sur le fond, en prenant en compte les enjeux contemporains. Le constat est clair. Aujourd’hui, l’information, sous des apparences de vérité, est très facilement orientée, déformée, manipulée, noyée et attachée nécessairement à de bonnes ou de mauvaises intentions. Il suffit d’avoir une maîtrise suffisante des moyens de communication pour arriver à toucher le socle émotionnel des personnes dans leur dimension individuelle et collective.

Ainsi, aujourd’hui, n’importe qui peut se proclamer spécialiste et exercer une influence certaine, à partir de quelques savoir-faire, sur la conscience collective humaine, tout en étant à distance et dans un espace virtuel. Alors, plus que les États généraux de l’information, ne serait-il pas plus judicieux de parler, de réfléchir et de raisonner sur le droit à la connaissance ? La raison ne doit-elle pas l’emporter sur l’émotion ? L’un des fléaux qui nous guette en tant que citoyens n’est-il pas d’être conditionné et noyé dans une information insuffisamment filtrée et plus émotionnelle que véridique, et donc de ne plus avoir la capacité de discernement nécessaire pour trier le bon grain de l’ivraie ?

Encore aujourd’hui, aussi bien l’argent que le pouvoir constituent des enjeux pour certains, minoritaires en nombre, au détriment de l’humain, du bien vivre ensemble et de la paix. Les puissances économiques s’approprient des médias et se consolident ; les extrémistes s’affichent et se renforcent. Il ne reste que l’État et la puissance publique pour réguler, protéger et empêcher l’accroissement des inégalités et des injustices qui se développent. Dès lors, la connaissance n’est pas seulement essentielle, elle devient vitale. Quelle place accordez-vous au diagnostic et à la prospective au sein de ces États généraux de l’information, au droit fondamental à la connaissance pour toutes et tous ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Monsieur le président, monsieur le délégué général, je vous remercie de venir devant notre commission pour cette audition importante. Je souhaite entamer mon intervention pour assurer à la journaliste Ruth Elkrief le soutien du groupe Horizon, après les attaques ignominieuses de Jean-Luc Mélenchon à son endroit. La liberté de la presse constitue la sentinelle et le gardien de la démocratie. Dans une démocratie, on n’agresse pas aussi violemment une journaliste parce que l’une de ses interviews nous a déplu. En démocratie, on ne fait pas le tri entre les journalistes : il n’y a pas les bons et les mauvais journalistes. En démocratie, on ne met pas une cible dans le dos des journalistes.

La liberté de la presse est le seul rempart contre la tyrannie. Notre liberté dépend de la liberté de la presse et elle ne saurait être limitée sans être perdue, comme le souligna, il y a déjà plus de deux cents ans, Thomas Jefferson. En tant que responsables politiques et quelles que soient nos orientations, il nous appartient de protéger cette liberté, de respecter les journalistes, même ceux qui posent les questions qui fâchent et qui peuvent déranger. C’est la condition d’une démocratie en bonne santé.

La réussite des États généraux est essentielle et vous avez le soutien des députés Horizon. Alors que nous sommes entrés dans l’ère de la post-vérité ou celle des vérités alternatives, alors qu’une majorité de nos concitoyens s’informent aujourd’hui sur les réseaux sociaux, alors que la raison issue de l’esprit des Lumières est menacée par l’exploitation de nos biais cognitifs et de nos données intimes, vos préconisations sont cruciales et attendues par les Français.

Dans notre société de l’information, la confiance dans la presse et les médias constitue un socle dont nous ne pouvons pas nous passer. Cette confiance est aujourd’hui érodée et, dans un contexte de guerre de l’information à des fins économiques et politiques, voire d’ingérence étrangère, exercer son esprit critique, prendre du recul sur le flux incessant d’informations et débattre dans un cadre pluraliste deviennent de véritables défis.

De nombreuses questions se posent, tant en matière de fiabilité des contenus, de statut des journalistes que de pluralisme, d’indépendance et d’impartialité des médias. En compagnie d’un certain nombre de députés, nous avons constitué un groupe et nous vous remettrons notre contribution. De nombreuses initiatives ont vu le jour à côté des EGI. Comment allez-vous articuler leurs travaux et les vôtres ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Monsieur le délégué général, vous estimez que ces États généraux de l’information seront un succès. Au nom du groupe Écologiste, nous l’espérons également. Nous considérons en effet que la situation de la presse de notre pays, de l’accès à l’information, de sa fiabilité, de la confiance que peuvent y placer les citoyens et citoyennes de notre pays et qui sont des éléments consubstantiels à la démocratie, méritent en effet une action résolue et, en premier lieu, une concertation extrêmement large.

Au stade actuel de vos travaux, considérez-vous qu’une grande loi soit nécessaire ? De notre côté, nous estimons que tel est bien le cas pour sécuriser le financement du service public de l’audiovisuel et pour mettre fin à une concentration qui est aujourd’hui extrêmement dangereuse et dont les effets sont réels et immédiats dans notre pays. Cette loi est également nécessaire pour permettre l’indépendance des journalistes, notamment en raison de leurs conditions de travail et d’emploi, mais aussi pour conférer des droits collectifs aux rédactions, qui doivent avoir leur mot à dire.

Dans les semaines qui ont suivi le lancement des EGI, de nombreuses personnes, de nombreux collectifs ont exprimé un certain nombre de doutes, de regrets, voire de récriminations par rapport à l’organisation de ces États généraux et à la façon dont elles sont associées. Il faut que vous donniez effectivement des garanties sur votre capacité à entendre tous les messages qu’elles ont à vous donner.

Ensuite, la journée de travail organisée à Auxerre ne fut pas un succès. Pourtant, les États généraux doivent être conduits en lien avec la population. Comment allez-vous faire en sorte que les prochaines initiatives soient plus réussies, avec notamment davantage de personnes dans les salles ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Nous pensons qu’il est urgent d’agir en matière de médias, d’accès à l’information, de pluralisme, de lutte contre les fausses informations et d’éducation. Depuis des années, de nombreux journalistes, médias indépendants, associations sonnent l’alerte. Mais plus nous attendons, plus les difficultés s’accumulent et plus il est compliqué de légiférer. C’est la raison pour laquelle nous soutenons toute initiative qui permettrait d’agir concrètement et rapidement dans ce domaine, tant il en va du devenir de notre démocratie. Nous restons dubitatifs sur ces États généraux qui ont été plusieurs fois repoussés, mais nous ne demandons qu’à nous tromper et qu’ils soient finalement un succès.

Plusieurs dizaines de propositions existent déjà et sont portées ici même depuis plusieurs années. Nous plaidons en faveur d’une réforme complète de la loi de 1986, dont une modernisation des seuils anti-concentration, mais surtout une modernisation des périmètres pris en compte. Nous déposons des amendements, régulièrement, pour définir et protéger les équipes rédactionnelles, pour leur donner de nouveaux pouvoirs, notamment dans le choix des directions. Cela s’est traduit par le dépôt d’une proposition de loi collective, sous l’impulsion de notre collègue Sophie Taillé-Polian, allant jusqu’au droit de veto.

En corollaire, la réforme des aides à la presse, mieux ciblées en faveur de l’indépendance financière, est nécessaire. Le constat est aujourd’hui connu, les propositions sont sur la table et il ne manque plus qu’une majorité pour les porter avec nous. En 2007, lors des États généraux pour le pluralisme organisés au Sénat par Acrimed, nous disions déjà « qu’il faut une véritable rupture avec les pratiques actuelles pour dégager les médias de la logique financière sans les replacer sous tutelle de l’État, ce qui suppose de nouvelles formes d’appropriation sociale ». Cette question de l’appropriation sociale des médias reste pleinement d’actualité. La lutte contre la désinformation et pour l’éducation critique ne pourra se faire sans elle.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Une des priorités des États généraux consiste à structurer le champ de l’éducation à l’information et aux biais cognitifs. Dans un livre blanc publié en 2022 par Reporters sans frontières, trente propositions pour le droit à l’information étaient décrites. Certaines concernaient l’accès à l’éducation des jeunes, à la formation, en particulier la proposition sur le développement de l’éducation aux médias en unissant aux techniques de fact checking celles relatives à la mise en place d’un « pass média » pour les jeunes de 15 à 24 ans, ou encore celles sur la création de contenus pour un public jeune. Certaines de ces propositions seront-elles reprises dans le cadre de vos travaux, en particulier celles concernant l’accès et l’éducation des jeunes à l’information ?

La consultation des États généraux de l’information, qui était ouverte du 3 octobre au 19 novembre, a permis à tous de participer à des débats thématiques et de soumettre leurs propositions. Il était par exemple possible de débattre sur le thème de l’éducation aux médias et sur le pouvoir d’agir. J’ai notamment pu y lire une personne qui souhaitait que l’éducation aux médias ne soit pas réservée qu’aux plus jeunes. Nous sommes en effet tous concernés par ce sujet et, compte tenu de l’évolution rapide des moyens d’information et des outils numériques de diffusion, nous devons, à tout âge, être formés aux nouveaux outils de lutte contre la désinformation.

Il semble que, lors de la journée d’échange organisée à Auxerre le 29 novembre dernier, ce sujet ait été évoqué, en partant d’une éducation à l’information de la maternelle à l’Ehpad. Auriez-vous déjà des pistes de réflexion sur ce sujet ? Par ailleurs, cet événement n’a pas attiré autant de citoyens qu’espéré. Comment mobiliser davantage ?

M. Bruno Lasserre. Je vous remercie d’avoir exprimé avec franchise votre soutien, mais aussi vos doutes et vos attentes. Je remarque qu’aucun d’entre vous ne se satisfait de l’idée qu’il n’y aurait rien à faire et j’entends la demande des Français de trouver des réponses collectives à leur insatisfaction et leur perplexité. Les États généraux visent précisément à se saisir d’un problème, pour trouver ensemble des solutions collectives qui vont dépasser les clivages traditionnels, autour d’un bien commun. J’ai en effet la conviction nous pouvons nous retrouver autour d’un bien commun sur ces sujets centraux de la démocratie et de la citoyenneté.

Madame Parmentier, vous avez mis en doute l’indépendance du comité de pilotage. Permettez-moi de répondre avec la même franchise et la même vivacité. Tout au long de ma carrière, j’ai agi au service de l’État et de l’intérêt général, y compris pour des causes difficiles qui demandaient du courage et, justement, de l’indépendance. Je conçois vraiment le rôle du comité de pilotage comme le garant de cette indépendance et de cette impartialité. En dehors de la lettre de mission qui fixe le cadre de notre travail, nous n’entendons recevoir aucune instruction, ni même aucune suggestion ou recommandation du pouvoir politique. L’équipe que nous avons constituée est la nôtre, elle n’est pas celle des ministères intéressés à l’action publique dans ce domaine. Je ne sais pas comment ont voté tel ou tel membre du comité de pilotage et je peux dire que nous nous réunissons régulièrement, souvent une fois par semaine, depuis juillet. Jamais, je n’ai senti dans les interventions des cinq membres du comité de pilotage un parti pris politique ou partisan qui refléterait, sur les sujets qui sont les nôtres, un manque d’indépendance ou d’impartialité.

À ce titre, laissez-moi vous citer les dix priorités que le comité de pilotage a adoptées et qui vont guider les propositions que nous ferons dans le futur, et dites-moi si vous n’êtes pas d’accord avec ces priorités vers lesquelles, encore une fois, nous nous sommes tous retrouvés. Elles sont les suivantes : s’assurer que les plateformes mettent en place des dispositifs structurels pour la fiabilité de l’information ; obtenir que les sociétés technologiques et les annonceurs contribuent efficacement au financement du journalisme ; garantir l’indépendance de l’information dans les médias aussi bien privés que publics ; favoriser l’émergence de champions français sur le plan international dans le domaine des médias ; moderniser les règles applicables en matière de pluralisme et de concentration des médias ; renforcer la fonction sociale du journalisme et protéger le droit au secret des sources des journalistes ; développer une éthique de la discussion pour débattre sans nous insulter ; structurer le champ de l’éducation à l’information et aux biais cognitifs ; renforcer les protections contre les ingérences et les manipulations étrangères ; et promouvoir un espace informationnel démocratique sur le plan international.

J’ignore ce que les cinq membres du comité de pilotage pensent individuellement, mais je peux vous dire que nous n’avons pas eu de difficultés pour nous retrouver dans l’adoption de ces priorités, qui me semblent dépasser les clivages politiques ou traditionnels, autour de priorités qui permettent de nous rassembler. Je tenais donc à vous répondre, mais aussi à vous rassurer sur les questions d’indépendance et d’impartialité, qui se traduiront par notre capacité à entendre toutes les voix qui s’exprimeront sur les sujets qui sont les nôtres, sans distinction d’origine. Nous voulons entendre toutes les voix et toutes les contributions, d’où qu’elles viennent. Je ne dis pas que nous souscrivons à toutes les propositions, parce que certaines sont contradictoires ou divergent les unes par rapport aux autres, et il nous appartiendra, à un moment, de choisir et de nous engager. Mais nous voulons entendre toutes les voix et faire remonter toutes les propositions avant de choisir celles vers lesquelles nous nous engagerons. En résumé, je tiens à vous assurer de notre volonté d’être un lieu neutre, impartial, transpartisan et indépendant.

Ensuite, j’ai entendu que certains condamnaient par avance les États généraux en interprétant les propos de la ministre de la Culture sur l’absence de grand soir législatif. Certains ont voulu voir dans cette phrase l’idée que le pouvoir politique ne ferait rien des propositions issues des États généraux de l’information. Cela n’a pas été dit et cela ne me semble pas représenter la pensée de la ministre de la Culture et du Gouvernement tout entier. Parmi les propositions que nous formulerons, certaines relèveront du champ législatif, puisque nombre d’entre elles supposent la modification des textes. La loi de 1986 a été à ce titre mentionnée. Est-elle toujours adaptée aux temps actuels ? N’est-il pas nécessaire de la moderniser, de la renforcer ou de l’adapter sur un certain nombre de points ? Cependant, il n’y aura pas que des modifications législatives.

Par ailleurs, quand on parle de grand soir législatif, sans doute évoque-t-on une loi monumentale qui réunirait dans son texte l’ensemble des propositions que nous ferons. Il est loisible d’imaginer plusieurs textes et que l’initiative du gouvernement soit partagée avec celle des parlementaires. Il s’agit là d’une des raisons pour lesquelles nous avons souhaité aussi auditionner des parlementaires qui ont travaillé sur ce sujet et ont déposé des propositions de loi, des amendements. Pourquoi ne pas imaginer que, sur certains sujets, l’initiative soit portée par des parlementaires ou des groupes politiques, sans que le gouvernement ne soit nécessairement à l’origine de tous les changements législatifs souhaitables ? De notre côté, nous proposerons des changements qui relèvent de la loi, mais d’autres relèvent du niveau européen. À ce titre, quelle sera l’efficacité des nouveaux textes comme le règlement sur les marchés numériques (DMA) et le règlement sur les services numériques (DSA) ? Faut-il d’ores et déjà imaginer quelles suites seront données à ces textes ?

De nombreux sujets relèvent des politiques publiques et des moyens associés, sans obligatoirement nécessiter des changements de texte, par exemple l’éducation aux médias. Dans un pays très « légicentré » comme la France, où l’on attend tout – et parfois trop – de la loi, les Français attendent également des solutions concrètes. Ils nous demandent de les aider à distinguer le vrai du faux, à trouver où est la vérité, à s’orienter dans ce paysage informationnel qui a beaucoup changé. Mais la loi ne pourra pas tout.

Madame Parmentier, la presse d’opinion ne constitue pas un délit en France ; la liberté de la presse a été établie pour accueillir aussi toutes les sensibilités. Le pluralisme est au cœur de nos réflexions, afin que les Français aient le choix entre différentes lignes éditoriales, avec une information retraçant les faits et les événements de manière respectueuse. Vous le voyez, nous sommes pleinement engagés, nous voulons tout faire afin que ces États généraux soient un succès et nous croyons fermement que sur des sujets aussi essentiels, un bien commun émergera autour duquel nous pourrons nous retrouver, dans l’intérêt de notre pays.

M. Christophe Deloire. Mesdames et messieurs les députés, je partage évidemment les propos de Bruno Lasserre.

Ensuite, s’agissant de la question de Mme Parmentier, j’ai tenu des propos avec d’autres casquettes, sur lesquels je ne vais pas argumenter aujourd’hui. Simplement, de manière constante, la défense de la liberté de la presse par Reporters sans frontières est absolument neutre sur le plan politique. Toutes les lignes éditoriales sont légitimes. La question de l’indépendance éditoriale ne vaut pas que pour un groupe ou pour un homme. Il s’agit d’une question générale, d’une demande très forte des Français, quand selon certains sondages, plus de 80 % d’entre eux ne sont pas convaincus de l’indépendance des journalistes vis-à-vis de l’argent. Ces Français ne sont pas orientés politiquement, je pense qu’ils se retrouvent dans tous les camps politiques.

Effectivement, il faut absolument veiller à ce que tous les processus visant à l’intégrité de l’information ne soient pas biaisés par des orientations politiques, idéologiques, religieuses. Ce risque existe. Pardonnez l’excès de mon propos, mais à une époque où tout le monde veut censurer tout le monde, garantir la liberté d’opinion et d’expression n’est pas contradictoire avec le fait d’avoir des formes de responsabilité en termes d’indépendance éditoriale, de pluralisme. Selon certaines interprétations, le droit international et notamment l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, consacre le besoin d’informations factuelles. La vérité n’est ni de droite ni de gauche, du centre ou d’ailleurs.

Il existe des pays dans le monde – je ne parle pas de la France – où le pluralisme existe, mais où il s’agit d’un pluralisme d’oligarques, où des hommes d’affaires, des responsables politiques contrôlent les groupes de médias. Il peut exister simultanément une diversité de lignes éditoriales, mais également une information sous contrôle. Dès lors, s’agit-il exactement de pluralisme ? La diversité de la ligne éditoriale s’inscrit aussi dans un cadre où la production d’informations est détachée des intérêts d’untel ou d’un autre. On peut se demander si l’intégrité suppose de limiter les conflits d’intérêts, les interférences sur le contenu.

Ensuite, je souhaite revenir sur la question de la participation, en distinguant bien les deux sujets. Il nous a parfois été reproché de ne pas avoir réuni uniquement le secteur des médias. Nous avons pris la décision de ne pas agir de la sorte et de ne pas structurer ces États généraux dans l’entre-soi, à huis clos. Ceci nous semble fondamental, car nous parlons du droit des citoyens, et non de droits corporatistes : le périmètre des États généraux, c’est-à-dire celui du champ de l’information, dépasse celui des médias.

Vous avez cité notamment des communiqués publiés au début de nos travaux. Deux des quatre syndicats signataires avaient été consultés avant le lancement des États généraux. Pour en avoir reparlé avec un certain nombre d’entre eux, dont des responsables syndicalistes, le reproche d’un manque d’intégration n’existe plus ou est à tout le moins très limité.

Il est légitime que ces États généraux rassemblent les journalistes, mais aussi l’ensemble des acteurs du secteur, et au-delà. Ces acteurs ont en effet un impact sur la production de l’information. Des associations sont représentées, notamment des associations de journalistes, dans les groupes de travail, qui ont été établis conformément à un processus légitime d’appel à candidatures. L’ensemble des associations qui souhaitent contribuer le font et ces contributions seront étudiées avec le plus grand intérêt.

Ainsi que M. Esquenet-Goxes l’a souligné, d’autres initiatives ont été lancées en parallèle des EGI et sont parfois présentées comme concurrentes, voire perturbatrices. Une première initiative a été organisée à la salle Gaveau par Mme Christine Kelly. Celle-ci a indiqué qu’une contribution serait fournie aux EGI. Plus récemment, est intervenue l’initiative du fonds pour une presse libre, appelée « États généraux de la presse indépendante », à laquelle j’ai assisté. Ses promoteurs ont sollicité une audition et leurs cinquante-neuf propositions ont été envoyées aux États généraux de l’information. Enfin, La Marseillaise a organisé à Marseille des « rencontres citoyennes », qui s’inscrivent aussi dans le cadre des États généraux.

Nous ne pouvons que saluer ces initiatives. À ce titre, si vous consultez notre site internet, vous pourrez constater que de nombreux événements organisés par les médias et la société civile s’inscrivent dans le cadre de nos travaux, et demandent à être « labellisés » États généraux de l’information. Ce matin, les EGI sont représentés par Christopher Baldelli aux « Rencontres de l’info », un événement organisé par TF1 à Rennes. Pour ma part, je suis allé à plusieurs reprises à des événements organisés par France Télévisions dans le cadre de son « Tour de France de l’éducation aux médias et à l’information ». De même, je me suis rendu hier au salon Presse au Futur.

Par ailleurs, la société civile dans son ensemble s’est saisie des EGI. Nous avons commencé par une consultation citoyenne très structurée, qui a réuni 4 000 participants, et nous avons reçu un total de 80 000 contributions. Ce travail sera poursuivi au mois de février par des journées de délibération citoyenne au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Nous avons par ailleurs choisi d’organiser très rapidement un événement à Auxerre, où les débats ont été extrêmement intéressants, à la fois en plénière et en atelier. Hier, la revue spécialisée, La correspondance de la presse a ainsi publié quatre pages de recension sur les ateliers de travail.

Nous allons poursuivre en ce sens, en étant conscients qu’il est complexe de toucher l’ensemble des citoyens sur ce sujet, notamment à travers le « Tour de France » des assemblées citoyennes. Peut-être y aura-t-il matière à insister plus sur la communication, tant il est vrai que l’enjeu du « faire savoir » est essentiel. Dans ce domaine, nous disposons certainement d’une marge de progression. Des parlementaires ont proposé d’organiser des événements dans leur circonscription. Libre à vous de nous inviter si vous le souhaitez et nous viendrons bien volontiers.

Nous allons également passer par des associations nationales habituées à aller chercher précisément des publics qui généralement ne contribuent pas au débat, mais également, au niveau plus local, par des associations dont les mandats ne portent pas sur les questions informationnelles, pour aller toucher un public le plus large possible. En résumé, ce processus long doit monter en puissance. Nous avons commencé par la structuration et le lancement des groupes de travail. Des émissions de télévision sont en outre prévues à ce sujet.

Enfin, j’étais présent lorsque la ministre de la Culture a prononcé les mots sur le fameux « grand soir législatif », lors du festival Médias en Seine. Pour en avoir parlé avec elle, son intention était de signifier que des évolutions législatives pouvaient sembler nécessaires. Cette expression a ensuite fait l’objet d’un titre, puis est devenue l’information principale qui a été retenue. En l’espèce, replacer une phrase dans son contexte permet de modifier un peu le sens des propos qui ont été tenus.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous passons aux questions des autres députés.

M. Emmanuel Pellerin (RE). Les enjeux autour de la liberté de la presse et de l’indépendance des médias n’ont jamais été aussi prégnants. En tant que rapporteur du projet de résolution européenne sur la liberté de la presse, je suis particulièrement sensible aux garanties assurant cette liberté. La récente affaire de la journaliste Ariane Lavrilleux, les résultats alarmants des sondages sur la confiance des citoyens dans les médias et les défis posés par la surinformation sont autant de sujets qui témoignent de la complexité de notre paysage médiatique actuel. Ils soulignent également l’importance de notre mission pour renforcer l’indépendance de l’information et protéger les droits fondamentaux de nos concitoyens. Dans ce contexte, comment les États généraux de la formation comptent-ils encourager le public à participer activement à l’amélioration de la crédibilité des médias grâce au dialogue et à la critique constructive ?

M. Bruno Bilde (RN). Du 3 octobre au 19 novembre, les États généraux de l’information ont mené une grande consultation citoyenne en ligne qui a pour objectif de recueillir la parole, le point de vue et les idées des citoyens. La société Bluenove supervise la plateforme de consultation numérique et aura également la charge de l’analyse des avis émis. Or cette entreprise était, en 2019, l’un des trois prestataires qui avaient échoué à traiter la moitié des avis hors ligne émis par des participants au grand débat à l’issue du mouvement des gilets jaunes. Seuls 53,8 % des documents numérisés avaient ainsi fait l’objet d’un traitement en 2021. Cette même société était encore à la manœuvre pour l’organisation de la consultation digitale des États généraux de la justice, délivrée là encore avec du retard. Compte tenu du passif de l’entreprise, pouvez-vous affirmer que toutes les précautions ont été prises pour garantir une analyse complète et impartiale des avis émis sur la plateforme numérique ?

Mme Fabienne Colboc (RE). Monsieur le président, monsieur le secrétaire général, je vous remercie de votre engagement à faire des États généraux de l’information une réussite, un succès, et de se saisir de ce sujet crucial qui contribue sans aucun doute au bon fonctionnement de notre démocratie. Tout d’abord, j’aimerais savoir quelles discussions ont émergé lors de vos auditions et rencontres concernant la jeunesse et son rapport à l’information. Comment pouvez-vous et comment pouvons-nous encourager les jeunes à s’engager activement et de manière responsable dans la production d’une information de qualité ?

La protection des journalistes a-t-elle été abordée face aux attaques et menaces qu’ils subissent, notamment via les réseaux sociaux ? Enfin, au sein des EGI, comment abordez-vous le rôle des réseaux sociaux, qui ont transformé notre accès à l’information et notre interaction avec celle-ci ? Quels défis entrainent-ils en matière d’information ?

M. Maxime Minot (LR). Le monde de l’information a été marqué ces dernières années par des bouleversements, notamment liés à la révolution numérique, qui pourraient d’ailleurs être accentués dans les années à venir, avec l’émergence de l’intelligence artificielle. Il a beaucoup été question de ce « Tour de France » des assemblées citoyennes, mais vous avez vaguement répondu sur les actions de sensibilisation que vous alliez mener dans nos territoires respectifs, de la circonscription la plus reculée aux outre-mer, sans oublier bien évidemment les zones urbaines. Comment allez-vous sensibiliser la population et les citoyens pour qu’ils s’intéressent à votre « Tour de France » des assemblées citoyennes ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Le sujet de la protection d’une information libre est essentiel, mais celui de la protection de l’intégrité physique et morale des journalistes est également important. Les violences exercées à l’encontre des journalistes ne sont pas un phénomène nouveau et elles ne se limitent pas à la France. Dans de nombreux pays, y compris au sein de l’Union européenne, les journalistes chargés de recueillir, vérifier et partager l’information sont victimes d’agressions de plus en plus nombreuses. Le 16 septembre 2021, lors de son discours sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a ainsi recommandé aux États membres de renforcer la sécurité des journalistes et des autres professionnels des médias contre le nombre croissant d’attaques et de menaces physiques. Dans le cadre de vos travaux, que pensez-vous d’ajouter notamment les journalistes à la liste des personnes dont la qualité entraîne une circonstance aggravante lorsqu’ils sont victimes de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ?

Mme Frédérique Meunier (LR). Selon les chiffres avancés, 60 % des Français affirment avoir du mal à savoir si les informations délivrées sont vraies ou fausses. Il est primordial qu’aujourd’hui, compte tenu notamment de ce qu’il se passe dans le monde, les Français puissent avoir confiance en l’information qui leur est délivrée. Afin de lutter contre le fléau de la désinformation et accompagner, les grands groupes de médias se mobilisent depuis de nombreuses années. Nous en avons ici auditionné un grand nombre et ils nous ont expliqué tous les moyens qu’ils essayaient de mettre en place pour pouvoir délivrer une « vraie » information. Mais ne croyez-vous pas que les informations contestées aujourd’hui sont dispensées en ligne ou sur les réseaux sociaux ? Quelles seraient, selon vous, les mesures à prendre ?

M. Philippe Ballard (RN). Ma première question porte sur le droit d’agrément évoqué lors des États généraux, c’est-à-dire la possibilité pour le journaliste de choisir son patron de rédaction. Mais cette question a-t-elle du sens ? Si vous êtes le propriétaire de L’Humanité ou Libération, allez-vous chercher un directeur marqué à droite ? Non, cela n’aurait pas de sens. Il en va de même pour le propriétaire de Valeurs actuelles ou du Figaro magazine, qui n’iraient pas embaucher un directeur marqué à gauche. Ce droit d’agrément n’est-il pas un petit peu lunaire ? Dans l’audiovisuel, nous savons bien que la sensibilité des journalistes est marquée à gauche. Avec un tel dispositif, ne risquons-nous pas de nous retrouver avec une information monocolore ? L’agrément est-il utile ou inutile ?

Ensuite, face à Netflix, Amazon, Disney ou Google, la loi de 1986 sur la concentration des médias est-elle encore adaptée ? Faudrait-il la faire évoluer avant que nos groupes nationaux, publics et privés se fassent dévorer ? Enfin, sentez-vous de la part du Gouvernement une réelle volonté de développer l’éducation aux médias et à l’information ?

M. Bruno Lasserre. Dans vos interventions, j’entends un appel à prendre conscience que des journalistes puissent être aujourd’hui attaqués ou ciblés. Cela nous préoccupe, parce qu’il ne peut y avoir de liberté d’information sans les journalistes. Il n’y aura pas en France de production d’une information de qualité, fiable et pertinente, sans que soit posée la question du statut des journalistes, de leur formation, mais aussi des conditions concrètes dont ils disposent pour mener leur travail d’investigation. Un journaliste libre est un journaliste qui peut investiguer comme bon lui semble, en dérangeant des certitudes ou quelques secrets.

Je ne crois pas à une presse indépendante, ni à une société démocratique sans la reconnaissance solennelle que les journalistes doivent être libres dans leur travail d’investigation et protégés contre les attaques, qui sont autant d’attaques contre la démocratie et la libre circulation des idées, des informations, qui sont au fondement de la civilisation des Lumières et qui inspirent notre droit et notre pratique démocratique. De fait, nous devons réfléchir à un certain nombre de questions. Comment améliorer la protection du secret des sources ? Comment pouvons-nous débattre en France sans nous insulter, dans le cadre d’une éthique de la discussion publique ? Soyez assurés que nous n’hésiterons pas à soumettre des propositions. Les questions des procédures-bâillon et de l’opposabilité du secret des affaires aux journalistes méritent d’être posées. Je le dis très clairement : nous regarderons toutes les solutions sur la table, afin que ce sujet soit traité entièrement, de manière paisible, mais résolue.

Ensuite, un certain nombre de vos questions portaient sur les propositions concrètes. Cependant, au stade actuel, nous ne sommes pas encore en mesure de les formuler sur des sujets de fond importants, comme l’articulation entre le pouvoir éditorial et le pouvoir économique. L’intérêt des EGI réside précisément dans sa capacité à faire remonter des propositions de tous les aspects de la société civile, des acteurs économiques et sociaux, des syndicats, des associations, des Français. À titre personnel, je suis convaincu qu’il existe plusieurs façons de réfléchir à une bonne harmonie entre le pouvoir éditorial et le pouvoir économique, sans lequel il n’y aurait pas d’investissements ni d’entreprises. Si l’information n’est pas un bien marchand comme un autre, elle nécessite des investissements pour être produite et rémunérée.

Avant même de se poser la question de la répartition du pouvoir au sein des entreprises de presse, la question de leur survie et de la pérennité du modèle économique est centrale. Par conséquent, le sujet connexe concerne le partage de la valeur avec les plateformes numériques qui aspirent aujourd’hui une part de plus en plus grande des recettes publicitaires sans lesquelles ces entreprises ne peuvent pas vivre. Ce sujet sera naturellement au centre de notre réflexion.

S’agissant du droit des journalistes de choisir ou non le directeur de la rédaction, voire d’agréer les actionnaires, nous entendons toutes les voix qui s’expriment. Or, sur ce sujet, il est évident que tous les points de vue ne convergent pas. Dès lors, nous voulons trouver un chemin raisonnable qui permette idéalement de réunir un consensus. À ce stade, nous ne sommes pas pour ou contre le droit d’agrément, la recherche de chartes de déontologie ou d’éthique qui seraient opposables à l’actionnaire ou au directeur de la rédaction. En toute bonne foi et en toute bonne volonté, nous voulons trouver les moyens pour traiter ce sujet sensible qui divise et trouver des solutions raisonnables. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous évoluons aujourd’hui.

M. Christophe Deloire. En matière de garantie d’indépendance éditoriale, de nombreuses propositions sont sur la table et nous les utiliserons toutes. Comme le président Lasserre l’a indiqué, nous les recueillons, sans avoir la capacité d’en mener d’étude d’impact. Cependant, il semble qu’une unanimité se dégage pour considérer que la loi de 1986 est en partie caduque et qu’il convient de la réviser.

Ensuite, le groupe de travail présidé par Pascal Ruffenach a fait de l’éducation aux médias l’un de ses sujets majeurs. Plusieurs réunions seront organisées sur ce sujet en janvier et en février, dont un événement qui se tiendra à Lannion dans les Côtes-d’Armor.

Nous n’avons pas traité de la question des circonstances aggravantes en cas d’homicides sur les journalistes. Je peux simplement souligner que ce sujet est très débattu, y compris chez les journalistes. Certains y sont défavorables, considérant que cette qualification reviendrait à institutionnaliser les journalistes, comme peuvent l’être les forces de police.

D’autres questions ont porté sur la sensibilisation du grand public. Les auditions organisées à la rentrée avec des parlementaires, des dirigeants de partis politiques, les partenaires sociaux, les représentants des médias permettront également de mieux faire connaître les États généraux. Elles favoriseront donc l’appropriation locale, qui devra aussi être accompagnée par une bonne communication, réalisée suffisamment en avance, en s’appuyant notamment sur le tissu associatif.

Enfin, sauf erreur de ma part, nous ne sommes pas en relation directe avec la société Bluenove, qui est un prestataire du Cese, avec lequel nous sommes en relation étroite. De manière opérationnelle, Bluenove effectuera un premier tri, mais la synthèse opérationnelle sera réalisée par les équipes du Cese. De notre point de vue, il n’y a pas matière à inquiétude sur le sujet, mais nous sommes à votre disposition si vous disposez d’éléments plus spécifiques.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier pour vos réponses. Dans la continuité de cette audition, je souhaite proposer à mes collègues l’organisation d’un cycle d’auditions sur les différents aspects abordés aujourd’hui. Ces éditions pourraient se tenir le jeudi matin et nous pourrions ainsi apporter la contribution de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation aux États généraux de l’information.

*

La commission examine ensuite le rapport de la mission d’information sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques (Mmes Graziella Melchior et Francesca Pasquini, rapporteures).

En application du 7e alinéa de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, elle autorise la publication du rapport d’information.

Il n’est pas établi de compte rendu de cet examen. La réunion est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/GSutp2

 

 

La séance est levée à douze heures trente.


Présences en réunion

Présents.  M. Rodrigo Arenas, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, Mme Sylvie Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Lionel Causse, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Hendrik Davi, Mme Béatrice Descamps, M. Philippe Emmanuel, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Martine Froger, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Johnny Hajjar, M. Pierre Henriet, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Virginie Lanlo, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Julie Lechanteux, Mme Sarah Legrain, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, M. Maxime Minot, M. Karl Olive, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Lisette Pollet, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, M. Bertrand Sorre, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Léo Walter

 

Excusés.  Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Estelle Folest, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, M. Boris Vallaud, M. Paul Vannier

 

Assistaient également à la réunion.  M. Philippe Berta, M. Laurent Croizier, Mme Frédérique Meunier, M. Paul Molac