Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen en application de l’article 88 du Règlement des amendements à :

- la proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation (n° 1774) (Mme Alma Dufour, rapporteure) 2

- la proposition de loi visant à déconjugaliser l’allocation de soutien familial (n° 1770) (M. Hadrien Clouet, rapporteur) 3

– Examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation (n° 1768) (M. Yannick Neuder, rapporteur)              4

– Présences en réunion.................................40

 

 

 

 

 


Mercredi
29 novembre 2023

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 28

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq,
présidente
 

 


  1 

La réunion commence à dix heures.

La commission procède à l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation (n° 1774) (Mme Alma Dufour, rapporteure).

La commission a accepté les amendements figurant dans le tableau ci-après (*) :

Auteur

Auteur

Place

18

M. MOURNET Benoit

RE

1er

38

M. WEISSBERG Christopher

RE

1er

46

Mme LEBEC Marie

RE

1er

19

M. MOURNET Benoit

RE

1er

47

Mme LEBEC Marie

RE

1er

13

M. SITZENSTUHL Charles

RE

1er

22

M. MOURNET Benoit

RE

2

23

M. MOURNET Benoit

RE

2

14

M. SITZENSTUHL Charles

RE

3

25

M. MOURNET Benoit

RE

3

24

M. MOURNET Benoit

RE

3

50

Mme LEBEC Marie

RE

3

51

M. FERRACCI Marc

RE

3

26

M. MOURNET Benoit

RE

3

27

M. MOURNET Benoit

RE

Ap. 3

41

Mme RIST Stéphanie

RE

Ap. 3

33

M. ARMAND Antoine

RE

Ap. 3

48

M. FERRACCI Marc

RE

Ap. 3

34

M. ARMAND Antoine

RE

Ap. 3

35

M. ARMAND Antoine

RE

Ap. 3

28

M. MOURNET Benoit

RE

Ap. 3

42

Mme LEBEC Marie

RE

Ap. 3

16

M. MOURNET Benoit

RE

Titre

43

M. FERRACCI Marc

RE

Titre

17

M. MOURNET Benoit

RE

Titre

45

M. FERRACCI Marc

RE

Titre

29

M. MOURNET Benoit

RE

Titre

39

M. FERRACCI Marc

RE

Titre

30

M. MOURNET Benoit

RE

Titre

36

M. HADDAD Benjamin

RE

Titre

40

Mme LEBEC Marie

RE

Titre

15

M. MOURNET Benoit

RE

Titre

32

M. HADDAD Benjamin

RE

Titre

37

M. WEISSBERG Christopher

RE

Titre

44

Mme RIST Stéphanie

RE

Titre

 

 

La commission procède ensuite à l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à déconjugaliser l’allocation de soutien familial (n° 1770) (M. Hadrien Clouet, rapporteur).

La commission a accepté les amendements figurant dans le tableau ci-après (*) :

Auteur

Auteur

Place

19

Mme LE NABOUR Christine

RE

Ap. 1er

18

Mme LE NABOUR Christine

RE

Ap. 1er

20

Mme LE NABOUR Christine

RE

Ap. 1er

21

Mme LE NABOUR Christine

RE

Titre

22

Mme LE NABOUR Christine

RE

Titre

23

Mme LE NABOUR Christine

RE

Titre

(*) Les autres amendements étant considérés comme repoussés.


Puis la commission examine la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation (n° 1768) (M. Yannick Neuder, rapporteur).

M. Yannick Neuder, rapporteur. L’objet de cette proposition de loi est d’améliorer l’offre de soins dans notre pays, qui subit une pénurie de professionnels de santé et particulièrement de médecins. Je parle effectivement d’une pénurie, car il n’y a pas d’autre mot pour qualifier la situation alarmante de la démographie médicale en France, qui met en péril notre système de santé et l’accès aux soins.

30 % des Français vivent dans un désert médical. 11 %, soit 6 millions de nos concitoyens, dont 600 000 en affection de longue durée, n’ont pas de médecin traitant. 87 % du territoire français est un désert médical. La pénurie est désormais si généralisée que même en Île-de-France, 96 % des habitants résident dans des zones caractérisées par une offre médicale insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.

Tous ces chiffres sont sourcés et vous les retrouverez dans mon rapport. Ils restent inacceptables dans un pays où la protection de la santé est censée être garantie par la Nation, comme le prévoit notre Constitution.

Je dois pourtant reconnaître que nous ne sommes pas restés inactifs ces dernières années. Les pouvoirs publics saisissent peu à peu l’ampleur du problème et mettent en place une succession de stratégies ou de dispositifs, tant pour soutenir la démographie médicale que pour tenter de libérer du temps médical ou pour favoriser une meilleure régulation des professionnels sur le territoire.

Ici même, nous avons multiplié les lois, qu’elles soient de financement de la sécurité sociale ou encore les loi « Rist 1 » ou « Rist 2 », ou encore, dans quelques jours, la « loi Valletoux ».

Ces mesures ont pu avoir certains effets concrets et favorables. Les chiffres transmis par la Caisse nationale de l’assurance maladie montrent, par exemple, un ralentissement de la croissance du nombre de médecins en cessation d’activité.

Néanmoins, le compte n’y est pas. La situation est trop alarmante. Nous devons aller plus loin, adopter des mesures complémentaires et activer d’autres leviers.

Les conclusions de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques sont sans appel. Depuis 2012, la densité standardisée des médecins baisse de façon continue et les projections prévoient, à comportement et législation constants, une poursuite de cette baisse jusqu’en 2030.

Alors que notre pays compte aujourd’hui 99 500 médecins généralistes, ce nombre pourrait chuter à 80 000 en 2025 si nous ne faisons rien, comme le rappelait le Président de la République lui-même dans ses vœux aux soignants en début d’année 2023.

Près de la moitié des médecins généralistes ont aujourd’hui plus de 60 ans, alors même que les jeunes cohortes ont un volume d’activité moindre que leurs aînées, et que dans le même temps, le vieillissement des générations du baby-boom entraîne une augmentation des besoins de santé.

L’équation est donc la suivante : moins de médecins, un volume d’activité plus faible par médecin et une augmentation des besoins de santé. Nous arrivons donc dans une impasse avec, pour effet, une dégradation considérable de l’accès aux soins pour nos concitoyens.

La présente proposition de loi est née en réaction à ces enjeux et s’inscrit dans une double conviction. La première est celle de l’importance de la formation, qui demeure un levier indispensable pour mettre durablement un terme à la pénurie de professionnels de santé. La seconde est la conviction que les territoires doivent être placés au cœur de la réflexion sur l’accès aux soins.

Elle entend proposer des mesures de bon sens à court terme, comme à moyen et long termes, qui répondent au vœu de simplification de la réforme du premier cycle de santé, exprimé par la Conférence des doyens le 20 septembre 2023 mais également à la proposition de l’Académie nationale de médecine d’augmenter rapidement et significativement le numerus apertus, proposition portée par le doyen Patrice Queneau, notamment dans la Revue du praticien d’octobre 2023.

L’article 1er de la proposition de loi vise à rénover et rendre effectif le numerus apertus mis en place par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (OTSS), tout en plaçant les besoins de santé territoriaux en son cœur.

Nous voyons en effet que ce numerus apertus, qui était pourtant nécessaire, est loin d’avoir apporté tous les effets attendus. La fin du numerus clausus n’a ainsi permis qu’une augmentation très limitée du nombre d’étudiants en santé, de l’ordre de 13 % en médecine, d’à peine 1 % en formation de sage-femme, de 9 % en pharmacie et de 17 % en odontologie.

Avec des capacités annuelles d’accueil d’environ 10 000 étudiants en deuxième année de médecine, le numerus apertus permet seulement de retrouver le niveau de formation du début des années 1970, alors que la France compte aujourd’hui plus de 15 millions d’habitants supplémentaires.

Ainsi, malgré cette réforme, les études de santé demeurent excessivement sélectives et ne permettent pas de former un nombre de médecins suffisant pour répondre à nos besoins. Cela s’explique notamment par le mécanisme qui a été mis en place, qui accorde une place excessive à la capacité de formation des universités.

En effet, les effectifs sont désormais déterminés en fonction de deux critères, les besoins de santé du territoire et les capacités de formation de l’université. Néanmoins, en pratique, les capacités de formation des universités limitent leurs capacités d’accueil, en dépit des besoins de santé.

Cet article propose donc de déterminer les effectifs de formation médicale en fonction des besoins de santé, puis seulement, à titre subsidiaire, des capacités de formation.

L’article 1er de la présente proposition de loi propose d’agir, afin d’augmenter plus rapidement et plus efficacement les effectifs de professionnels de santé formés, en redonnant toute leur place aux critères de besoins de santé des territoires dans les processus décisionnels qui déterminent les capacités d’accueil annuelles.

À cette fin, il rénove également la gouvernance du numerus apertus, en créant une commission décisionnelle qui renforcera la place des élus de territoire dans la détermination des capacités d’accueil en premier cycle de formation de santé.

De plus, cet article prévoit de donner aux universités les moyens d’accroître leurs capacités d’accueil, lorsque celles-ci sont jugées insuffisantes, et ainsi d’accueillir chaque année un nombre d’étudiants correspondant aux besoins du territoire.

Chaque université sera ainsi tenue de construire un nombre de places suffisant pour répondre aux besoins de santé du territoire. L’État devra les soutenir dans cet effort.

L’article 2 de cette proposition de loi a, quant à lui, pour objectif de lutter contre la fuite des cerveaux, qui résulte notamment de la sélection excessive en première année. Des étudiants qui échouent en première année d’études de santé en France, tentent leur chance, avec succès chez, nos voisins européens – Belgique, Espagne, Portugal ou Roumanie.

Ce phénomène reste mal connu et ces étudiants seraient de l’ordre de 5 000, dont 2 000 en Roumanie, la tendance étant appelée à se renforcer avec la fin du redoublement en première année mise en place par la loi « OTSS ».

Ces étudiants, que je rencontre régulièrement dans mon service de cardiologie en Isère, car ils effectuent leur mobilité à l’étranger, dans nos services, en France, ambitionnent souvent de revenir exercer au début ou en fin de deuxième ou de troisième cycle. Quel drame de faire subir un tel sort à ces talents motivés, qui ont simplement été écartés par un système excessivement sélectif, de surcroît, dans un contexte de pénurie généralisée dans notre pays !

Pour y remédier, et afin d’éviter la « double peine », l’article 2 permettra à ceux qui étaient inscrits en formation de médecine à l’étranger avant la promulgation de la loi de réintégrer une formation de médecine dans notre pays, et ce, avant le troisième cycle.

Enfin, l’article 3 permettra de former davantage de médecins à travers le développement de passerelles adaptées, destinées aux professionnels paramédicaux. Ces passerelles existent aujourd’hui, mais demeurent peu connues, peu développées et rigides, permettant une reprise d’études qu’en deuxième ou troisième année de premier cycle.

Il ne s’agira absolument pas de formation au rabais, comme certains ont pu le craindre, mais bien de prendre en compte les compétences et les savoirs acquis par les professionnels paramédicaux, dans l’optique d’une reprise d’études en médecine. Cette mesure participe également à la revalorisation des filières, ainsi qu’au développement de la formation continue, insuffisante encore dans ce pays.

En conclusion, l’accès aux soins est un sujet qui doit nous mobiliser sans relâche. Certains dans cette assemblée le font depuis des mois, d’autres depuis de nombreuses années, mais nous n’avons pas encore fait assez et la situation est trop dégradée pour que nous n’allions pas plus loin dans nos ambitions.

Nous avons aujourd’hui l’occasion d’aller plus loin, afin d’améliorer l’accès aux soins, à travers la formation de cohortes plus importantes de médecins, en cohérence avec les besoins du territoire.

Je pense que cette volonté est partagée et que vous avez pu constater mon pragmatisme et mon ouverture à des discussions sur les voies et moyens. Aussi, je vous engage ce matin à soutenir ce qui constitue une avancée majeure et attendue dans la lutte contre la désertification médicale.

Mme la présidente Charlotte ParmentierLecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-François Rousset (RE). Le constat, nous le partageons tous. Nous connaissons les difficultés pour nous faire soigner dans tous les territoires. C’est pourquoi nous avons réagi dès 2019. Notre majorité a supprimé le numerus clausus. Cette réforme a déjà permis une augmentation de plus de 24 % du nombre d’étudiants en médecine en deuxième année, par rapport à 2018.

Nous avons également engagé un travail législatif pour permettre le développement d’une approche territoriale, avec les propositions de nos collègues Stéphanie Rist et Frédéric Valletoux.

En cohérence, nous proposons de réécrire le premier article de ce texte, afin de permettre une consultation des conseils territoriaux de santé (CTS) dans le processus de définition des capacités de formation.

Par ailleurs, chaque année, de nombreux jeunes français partent faire leurs études à l’étranger. L’enjeu est donc de favoriser leur intégration le plus tôt possible en France. Néanmoins, nous devrons garantir que cette voie de retour ne permette pas de contourner les modalités d’accès aux diplômes de médecine en France. Nous remercierons le Gouvernement qui sera vigilant sur ce point.

Enfin, des passerelles existent déjà pour permettre aux étudiants titulaires de certains diplômes d’intégrer les études de médecine. Ces passerelles garantissent une formation de qualité aux paramédicaux qui souhaitent s’y engager. Les besoins démographiques ne doivent pas remettre en cause la formation médicale exigeante que nous imposons aujourd’hui. Dès lors, nous pensons que le cadre actuel est suffisant et protecteur.

Je suis pleinement engagé, avec mon groupe, pour continuer à réfléchir sur la formation des médecins. Cet impératif est sollicité, tant par les étudiants que par les professionnels en exercice. Sous réserve d’acceptation des modifications proposées, le groupe Renaissance votera donc ce texte.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). La France est devenue un désert médical géant. Cette affirmation n’est malheureusement pas le « scoop » de la matinée. Que fait le Gouvernement face à cela ? Pas grand-chose. Rien en matière de démocratisation des études de santé, rien pour le financement de nouvelles places à l’université, rien pour la refonte des parcours de formation.

La fausse suppression du numerus clausus, remplacé par le numerus apertus, n’a permis d’augmenter le nombre d’étudiants que de 5 %, alors qu’il faudrait une progression d’au moins 20 % pour combler le manque de médecins dans les quinze prochaines années.

Dans ce contexte, la proposition de loi dont nous discutons ce matin a le mérite de mettre le bon sujet sur la table. Parler des études de médecine et des places en université, c’est effectivement prendre le problème à la racine.

Nous voulons la fin du numerus apertus, c’est-à-dire plus de places, pour former plus de médecins. C’est heureux de l’écrire dans la loi, mais il serait encore plus heureux que cette mesure soit contraignante, afin que l’État prenne ses responsabilités et finance ces places.

L’idée de passerelles et celle de faire revenir nos étudiants sont intéressantes, mais leurs modalités d’application ne doivent pas créer des effets de bord, que nous ne pourrions pas maîtriser, avec, par exemple, une formation à deux vitesses.

De plus, n’oublions pas que faire de longues études coûte cher et n’est malheureusement pas toujours à la portée de tout le monde dans notre pays.

Nous devons répondre aux besoins de santé et non imposer des contraintes budgétaires et bureaucratiques.

Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi n’est pas parfaite. Nous avons quelques amendements à vous soumettre, mais votre réflexion va dans le bon sens.

Mme Isabelle Valentin (LR). Face à la situation alarmante que connaît la France en termes d’accès aux soins, il est attendu que le législateur fixe de nouvelles ambitions. La démographie des professionnels de santé est désormais un défi central, à tel point que nous parlons de « pénurie de médecins ».

Monsieur le rapporteur, vous indiquez notamment que l’offre de soins locale en médecine générale est à présent déficitaire, soulignant les difficultés d’exercice de cette profession. En 2019, huit médecins sur dix déclaraient rencontrer des difficultés à répondre aux sollicitations des patients. L’offre est inégalement répartie, car 87 % de la population vit dans un territoire concerné par un désert médical.

La proposition de loi que vous soumettez ce jour devrait faire l’unanimité dans cette commission, car il s’agit d’une première réponse pérenne en matière d’accès aux soins. Contrairement à des mesures de court terme, cette proposition de loi s’attache à ce que davantage de médecins soient formés, seul moyen de remédier aux déserts médicaux.

Vous nous proposez d’abord de définir le nombre d’étudiants en médecine en priorité au regard des besoins des territoires. Il s’agit d’une mesure de bon sens, au service des Français, particulièrement ceux issus de la ruralité.

Vous proposez également de réintégrer dans nos facultés les étudiants français inscrits dans une formation de médecine à l’étranger. Il s’agit d’un message fort, envoyé à tous les étudiants et à leurs familles, étudiants motivés que nous n’avons pas su accueillir en France. Autant de vocations perdues au détriment de l’accès aux soins.

Enfin, vous souhaitez rendre plus attractives les passerelles existantes, afin que les paramédicaux reprennent des études adaptées et accompagnées de médecine. Si ces passerelles doivent former plus de médecins, elles favoriseront aussi l’évolution de carrière des paramédicaux et les rendront plus attractives. Vous leur envoyez un signal fort, en voulant faire reconnaître dans leurs droits leur plein engagement et leur pleine compétence au service de la santé des Français.

Pour toutes ces raisons, les députés Les Républicains soutiendront bien évidemment cette proposition de loi, dont ils sont cosignataires.

M. Nicolas Turquois (Dem). Notre commission examine de nouveau une proposition de loi portant sur l’accès aux soins, après celle de nos collègues Stéphanie Rist et Frédéric Valletoux.

6 millions de personnes sont aujourd’hui sans médecin traitant, dont près de 600 000 souffrent pourtant d’une affection de longue durée. Un tiers de la population vit ainsi dans un désert médical, avec, pour conséquence, 1 600 000 personnes qui renoncent à des soins.

Mon département de la Vienne n’est pas épargné par ces difficultés et nous nous mobilisons sans relâche, avec l’ensemble des acteurs locaux, pour améliorer l’accès de nos concitoyens à la santé, en favorisant par exemple les maisons médicales, la délégation de tâches ou la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé.

Notre engagement, en tant que législateur, est d’autant plus important qu’au cours des prochaines années, il est prévu que ces difficultés d’accès aux soins s’aggravent dans trois quarts des départements, en raison du vieillissement de la population ainsi que du vieillissement des médecins, de leur départ en retraite et de l’insuffisance de leur remplacement.

Cependant, même en proposant une loi tous les six mois, nous ne ferons pas apparaître des médecins, des dentistes ou encore des gynécologues par magie.

La réforme du numerus clausus est intervenue en 2019. Cette réforme était nécessaire, mais nous aurions dû la mettre en place vingt ans plus tôt. Cette réforme mettra dix ans à produire ses effets. En attendant, les seules actions pertinentes sont celles qui économisent du temps médical, soit en faisant coopérer différents professionnels de santé, soit en recourant à des assistants pour libérer du temps médical, soit en favorisant les comportements de prévention, qui amènent à moins recourir à la consommation d’actes médicaux.

Le groupe Démocrate ne soutiendra donc pas votre texte en l’état. Il est illusoire de croire que nous pouvons former plus rapidement des médecins, comme le propose par exemple l’article 3. En outre, un énième conseil d’élus, afin de discuter des postes à pouvoir, ne fera effet, au mieux, que dans dix ans. Seule l’organisation des soins nous permettra de limiter, à court terme, le manque de médecins.

M. Guillaume Garot (SOC). Je remercie le rapporteur de présenter cette proposition de loi, qui mérite un débat. Cette proposition de loi procède d’une ambition ciblée sur un aspect du sujet qui est celui de la formation. Ces ajustements méritent que nous puissions avancer.

Le constat aujourd’hui est que nous ne formons pas suffisamment de médecins. Nous ne formons pas non plus suffisamment de soignants. Le problème est réellement aggravé avec Parcoursup. Je suis stupéfait du nombre d’abandons d’étudiants sur certaines filières, dans certaines disciplines. Une évaluation devrait être mise en place dans ce cadre, car la situation est alarmante.

Nous souhaitons apporter quelques amendements aux propositions de Yannick Neuder. Nous proposerons également des amendements au titre du groupe de travail transpartisan qui lie certains d’entre nous.

Nous regrettons que plusieurs amendements aient été déclarés irrecevables au regard de l’article 45 de la Constitution, alors que ces amendements auraient permis d’enrichir largement le texte et notre débat.

Pour conclure, ce texte ne traite qu’un aspect du problème. Il n’y aura pas de solution durable et rapide sans la régulation de l’installation de nos médecins. En effet, sans régulation de l’installation, il ne sera pas possible de donner aux territoires des outils, afin de construire des politiques locales de santé, et offrir, à chaque Français, un médecin près de chez lui. Ce pacte républicain, pacte de la sécurité sociale, est aujourd’hui largement entaillé.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je remercie Yannick Neuder de porter une fois de plus ce sujet, d’une manière relativement conforme aux réflexions générales de notre commission. Nous partageons, en effet, la conviction de redonner des responsabilisés aux acteurs de terrain, ainsi du sens à notre système de santé, tout en permettant de mieux faire travailler les personnes ensemble et d’accueillir plus de jeunes dans les études de médecine.

Les pistes que vous empruntez alimentent le débat que nous avons et ont été rappelées au travers des initiatives de Stéphanie Rist et de la proposition de loi en cours de navette parlementaire que j’ai l’honneur de porter.

La décision de mettre fin au numerus clausus aurait effectivement dû être prise il y a dix ans. Cette décision a tout de même été prise et produira son plein effet dans quelques années. Cette suppression a même permis d’augmenter de 15 % le nombre d’étudiants dans les filières de médecine. Il faudrait aller plus loin, mais une première étape s’est tout de même mise en place.

L’article 1er va dans le bon sens et rejoint d’ailleurs certaines des dispositions présentes dans la proposition de loi relative à l’amélioration de l’accès aux soins par l’engagement des professionnels dans les territoires. Un ajustement est probablement nécessaire, afin d’utiliser le CTS pour calibrer les besoins d’étudiants sur le terrain.

Nous avons davantage d’interrogations sur les articles 2 et 3, mais la discussion nous permettra sans doute d’y répondre.

En conclusion, nous accueillons de façon bienveillante sur cette proposition de loi.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous sommes amenés aujourd’hui à statuer sur une proposition de loi, qui arrive à l’issue de plusieurs décennies de déni de la part des gouvernements successifs sur la dégradation de notre système de santé.

Nous ne pouvons commencer l’examen du bien-fondé de cette proposition sans rappeler une donnée fondamentale : la pénurie gravissime de médecins généralistes n’est pas le fruit du hasard. Elle fut délibérément organisée dès les années 1970 par l’État, en visant la limitation volontaire du nombre de places de médecins. Cette solution, à moindre coût politique, visant d’abord à réduire les dépenses de santé, a entraîné les conséquences dramatiques que nous connaissons aujourd’hui.

Dans ce contexte d’inégalités croissantes d’accès aux soins, le groupe Écologiste soutiendra toutes les mesures, allant dans le sens d’une accélération de l’augmentation de la démographie médicale.

C’est notamment le cas des dispositions allant vers une ouverture plus effective du numerus apertus par la prise en compte prioritaire et pluriannuelle des besoins de santé des territoires, afin de fixer un nombre de places en université.

Néanmoins, ce recentrage des besoins ne pourra se faire qu’à condition que les universités disposent de moyens suffisants pour former davantage de médecins, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Nous appellerons ainsi à favoriser une meilleure transmission des besoins financiers et humains de la part des universités.

Nous considérons également que la prise en compte des besoins de santé des territoires ne pourra se faire sans prendre en considération la parole des premiers concernés, à savoir les personnes soignées elles-mêmes.

Enfin, nous soutiendrons pleinement les amendements portés par le groupe transpartisan sur les déserts médicaux et par notre collègue Guillaume Garot visant à revoir les conditions d’entrée en institut de formation en soins infirmiers, afin de lutter contre l’abandon en cours de cursus.

L’ouverture du numerus apertus n’arrivera à inverser la balance qu’en 2030. Alors que l’UFC‑Que Choisir vient, à raison, d’attaquer en justice l’État, pour inaction face aux déserts médicaux, ne répétons pas les mêmes erreurs et sortons d’une vision technocratique et court-termiste, afin de faire de l’objectif d’une société de la pleine santé le cœur des débats qui suivront.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous rencontrons effectivement un problème majeur de manque de personnels médicaux et soignants, ainsi que de personnels d’accompagnement. Un plan de formation est donc nécessaire, afin d’accroître de manière forte nos capacités de formation. Nous devons former plus et mieux, tout en améliorant l’organisation de cet effort, absolument nécessaire.

La décision a été prise de transformer le numerus clausus en numerus apertus. Nous menions bataille depuis un certain temps, afin que le numerus clausus soit supprimé. Néanmoins, nous continuons à prendre du retard, car nous ne formons pas suffisamment. Le numerus apertus produira des effets en fonction de l’usage que nous en faisons. En effet, un plafond existe toujours, composé par les moyens des universités et par Parcoursup.

Nous devons aborder le sujet autrement. Les propositions faites aujourd’hui nous permettront d’intervenir sur ce sujet. Prendre des mesures supplémentaires, afin d’augmenter nos capacités de formation constitue une bonne nouvelle. Néanmoins, nous prenons du retard pour les années qui viennent.

Les mesures visant à favoriser le retour des étudiants partis à l’étranger sont relativement intéressantes. Des efforts en matière de formation doivent être réalisés, afin que les jeunes de tous les milieux sociaux puissent véritablement accéder à ces études.

Enfin, un certain nombre de dispositions devront probablement être prises au sujet des passerelles. Ce débat que vous ouvrez est débat intéressant, mais ne traite pas de l’ensemble des sujets. Néanmoins, la proposition va, selon nous, dans le bon sens.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Ce serait un euphémisme de dire que, dans cette commission, nous examinons régulièrement des textes qui ont vocation à améliorer l’accès aux soins. Il faut dire que le mal que connaît notre système de santé est profond et qu’il s’accentue d’année en année.

Je partage bien évidemment le diagnostic, mais pas toujours les remèdes proposés. Si je n’ai pas manqué de faire entendre mes désaccords, il m’appartient aussi de m’exprimer pour soutenir des mesures qui me semblent aller dans le bon sens.

C’est le cas de l’article 1er de cette proposition de loi, qui propose de mettre véritablement fin au numerus clausus, en précisant que la fixation du nombre d’étudiants en santé se fait sur la base des besoins des territoires, en priorité.

Cette mesure s’inscrit dans une logique de lutte contre la chute démographique médicale que le groupe LIOT a déjà soutenue à plusieurs reprises.

De même, la réintégration des étudiants partis à l’étranger, prévue à l’article 2, répond à ce même besoin d’assurer la formation de nos futurs médecins. Je pense qu’il serait intéressant de flécher le retour de ces étudiants, vers des territoires sous-dotés ou dépourvus de centres hospitaliers universitaires. C’est le sens de l’amendement que j’ai déposé.

Enfin, la proposition de créer des passerelles à destination des professionnels de santé est une piste intéressante à explorer. J’émets tout de même une réserve sur l’encadrement et la formation à leur destination, renvoyés au pouvoir réglementaire.

Malgré l’urgence, ils devront recevoir une formation solide, et je pense que des garanties doivent être offertes à cet égard.

Il me semblerait tout de même opportun de borner cette mesure dans le temps, afin de la rendre plus attractive et de susciter rapidement des vocations.

Notre groupe soutiendra donc cette proposition de loi dans son ensemble.

M. Thierry Frappé (RN). Vu la situation actuelle de la santé en France, il est évident que cette proposition de loi apporte, en réaction, des améliorations.

La réforme du numerus clausus a été, en 2019, une bonne initiative. Nous pouvons considérer que la situation actuelle est en partie due à ce numerus clausus, partant du principe que la baisse du nombre de médecins permettrait de réduire les dépenses de la sécurité sociale.

Ce numerus apertus doit être, de façon générale, globalement ouvert, et tenir compte des besoins, plutôt que des capacités. Pour lever totalement ce numerus apertus, le Rassemblement National proposera donc de supprimer toute référence aux capacités d’accueil et de formation, au profit de la prise en compte, à titre exclusif, des besoins de santé de chaque territoire.

Ceci se fera à partir d’une commission spéciale, créée de façon ad hoc et fondée sur les élus du territoire. Les « fuites des cerveaux » seront considérées par la suite.

Toutefois, nous regretterons que ne soient pas abordés le Contrat d’engagement de santé publique ou la formation générale, notamment PASS/L.AS, dont il faudra s’occuper.

Notre groupe votera cette proposition de loi, mais proposera certains amendements.

Mme la présidente Charlotte ParmentierLecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Stéphane Viry (LR). Je note une forme de quasi-consensus, monsieur le rapporteur, autour de votre proposition de loi. Vous avez effectivement mis à notre ordre de jour la question du déficit de professionnels de santé. La France manque de médecins, d’infirmiers, de professions paramédicales et d’aides-soignants.

La médecine générale apparaît notamment comme une filière de moins en moins attractive. Les étudiants en médecine ne choisissent plus cette filière ni d’exercer cette profession, pour diverses raisons. Nous devrons nous interroger à ce sujet, afin de pouvoir trouver des réponses adaptées.

A fortiori, les perspectives à court terme sont mauvaises. Il y aura pour nos compatriotes, encore et toujours, des difficultés d’accès aux soins dans les années à venir, en matière de délais et d’éloignement, et personne ne peut y souscrire.

La question de bonifier et d’inciter à l’exercice des métiers du soin doit effectivement être prioritaire. Vous proposez des réponses qui sont, à mon avis, pertinentes.

Il est nécessaire d’inciter à l’exercice de ces métiers en amont. La question de l’attractivité et du choix de ces formations est abordée, ainsi que celle de la qualité des formations et de l’organisation de l’exercice de ces soins.

Je voudrais aborder la question de la territorialisation de l’organisation, avec les organismes de formation – notamment les facultés de médecine – les collectivités territoriales et les ordres professionnels.

Que pensez-vous de cette idée de créer des antennes universitaires dans les territoires sous-dotés en professions de santé ? Ce dispositif vise à permettre aux facultés de se délocaliser au plus près des territoires ruraux. Les étudiants peuvent ainsi s’intéresser à ces territoires et peut-être s’y attacher.

Mme Josiane Corneloup (LR). Je salue la proposition du rapporteur, qui offre des solutions efficaces pour lutter contre la pénurie de médecins en France. Agir sur la formation des étudiants en médecine est primordial, alors que 30,2 % de la population française vit actuellement dans un désert médical, ce qui ne s’arrangera pas, au regard du vieillissement rapide de la population et des besoins qui seront largement augmentés.

Il apparaît donc effectivement nécessaire de rendre plus attractive la formation de nos jeunes, qui sont encore aujourd’hui contraints de partir à l’étranger. Ces étudiants en médecine doivent être considérés, eu égard à la difficulté de leurs études et à la place centrale qu’ils occupent dans l’accès aux soins de nos concitoyens.

Au-delà de ces moyens performants, la lutte contre les déserts médicaux passe bien entendu par la coopération entre les différents professionnels de santé. Aides-soignants, infirmiers, médecins et pharmaciens sont devenus dans les zones rurales des interlocuteurs réguliers de la population en matière de santé.

Les nouvelles technologies sont également, me semble-t-il, une piste à investiguer. L’accès à la télémédecine et à la télé-expertise, strictement encadré par un professionnel de santé, a déjà fait ses preuves sur le terrain et pourrait être démultiplié. Ne serait-il pas pertinent de considérer ces dispositifs, afin de permettre l’accès à des généralistes et à des spécialistes dans des territoires qui en sont totalement dépourvus ?

M. Paul Christophe (HOR). Je souhaite également saluer l’initiative de notre collègue Yannick Neuder. Nous sommes tous d’accord sur le constat. En fin de compte, c’est la France entière qui est un désert médical.

Vouloir réguler sans médecins formés en nombre suffisant n’a aucun sens. Malgré les efforts réalisés dans le cadre du précédent mandat afin de favoriser l’émergence de médecins et la formation, le taux d’augmentation est seulement de 15 %, alors qu’il devrait être de 40 % pour répondre aux besoins.

Une initiative visant à encourager la formation et à faciliter l’accès à ces études pour les jeunes qui souhaitent se lancer a bien évidemment tout son sens, et j’entends ainsi soutenir ce texte.

M. Christophe Bentz (RN). Il s’agit effectivement d’un texte de bon sens. Il y a un an, un rapport sur les déserts médicaux faisait apparaître l’existence d’une forme de reproduction sociale quant au profil – globalement CSP+ et urbain – des étudiants qui s’engageaient en médecine.

Que pensez-vous de l’idée d’installer, dans les zones de la France périphérique et rurale, notamment dépourvues de centre hospitalier universitaire (CHU), des instituts universitaires de santé, à l’image de la Corse et des territoires d’outre-mer ? Ces installations pourraient permettre de créer des vocations et d’élargir le spectre sociologique des étudiants qui s’engagent.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Merci, monsieur Neuder, pour cette proposition de loi, qui nous semble importante. Nous faisons, tous ensemble, le constat de la désertification médicale. En 2018, la loi « Ma Santé 2022 » a mis fin au numerus clausus et d’instaurer un numerus apertus, permettant aux territoires de proposer un nombre de places d’étudiants en deuxième année.

Comme dans toutes les filières universitaires, le nombre de places en deuxième année reste, malgré tout, limité. Nous pouvons constater une augmentation d’environ 20 % du nombre d’étudiants formés depuis ces cinq dernières années. Néanmoins, les projections montrent que nous devons augmenter cet effort de formation du nombre d’étudiants en médecine.

Que pensez-vous d’autres modèles possibles de formation ? Comment parvenir à véritablement entrer dans un modèle qui permettrait de former un nombre bien plus important d’étudiants en médecine ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Merci de présenter cette proposition de loi qui tombe sous le sens. Pour autant, quelles que soient les dispositions que nous retiendrons, nous ne pourrons pas faire l’économie de revisiter complètement les études de médecine. Ces trois fois trois ans, soit trois cycles, associés à une dixième année pour la médecine générale, apparaissent manifestement, par leur variabilité selon les universités, particulièrement pénalisantes. En étant plus proches du terrain, nous pourrions probablement gagner une à deux années sur la totalité du cursus, si ce n’est plus.

En conséquence, ne trouvez-vous pas utile, voire nécessaire, de revoir la totalité de notre cursus médical ? J’ai évoqué uniquement des études de médecine, mais le sujet des études paramédicales pourrait également faire l’objet d’un débat.

M. le rapporteur. J’essayerai de répondre le plus précisément possible, afin de traduire l’esprit de cette proposition de loi. Je rappelle qu’il ne s’agit que d’une proposition de loi, et que pour un certain nombre d’articles et d’éléments, nous étions limités par l’impossibilité de créer des charges.

Je m’étonne, au vu de l’ensemble des interventions, de la position du groupe Démocrate, qui apparaît comme le seul opposé à cette proposition de loi. Peut-être le rapport ou certains éléments ont‑ils été mal présentés.

Monsieur Rousset, j’ai retenu le chiffre de 13 %, qui correspond à la proportion d’étudiants en médecine, étant donné que la discussion porte principalement sur les médecins. De plus, la ministre, Mme Retailleau, a invoqué cette donnée au Sénat, afin de dresser un bilan quantitatif de ce numerus apertus. Votre proposition offre une solution qui pourrait convenir à tous. L’importance de prendre en compte les besoins spécifiques des territoires est largement reconnue au sein de cette commission. Cependant, il reste à déterminer la bonne instance pour discuter de ces besoins. Les CTS pourraient jouer ce rôle, et j’ai déposé un amendement en ce sens. Ces conseils pourraient être le lieu permettant de définir les objectifs numériques du numerus arpertus, pour le passage en deuxième année. Cela constituerait une utilisation judicieuse des CTS.

Concernant la question des étudiants partis à l’étranger, je souhaite souligner que certains étudiants français, avec lesquels j’ai récemment discuté, suivent leurs études de médecine dans des pays étrangers, notamment en Roumanie. Ils effectuent donc leurs stages à l’étranger, chez nous, dans le cadre d’une sorte de « mobilité inversée ». Ces étudiants se demandent s’ils subiront une « double peine », n’ayant déjà pas été intégrés au système français. Ils souhaitent savoir s’ils seront accueillis en France, pour leur deuxième ou troisième cycle, ou s’ils devront se rendre dans d’autres pays. Ces jeunes, qui ont fait l’effort de partir à l’étranger à 18 ans, avec les difficultés que cela implique, demandent à l’État français d’être capable de construire un parcours permettant leur retour en France. Nous pouvons apporter des améliorations, afin de les accueillir plus tôt dans le processus.

En outre, le terme « accélérer » ne signifie pas la mise en place de médecins low cost, moins bien formés. Nous gagnerons déjà quatre ou cinq ans en accueillant des étudiants, en quatrième ou cinquième année, moyennant un niveau et une équivalence que nous devrons naturellement évaluer. Nous devons faire en sorte d’accueillir ces médecins français, formés à l’étranger, au risque de perdre 5 000 médecins, à terme, sur nos territoires.

Je remercie Mme Fiat de reconnaître la nécessité de cette proposition de loi. Nous devons maintenant trouver le moyen de concrétiser cette approche de bon sens.

Mme Valentin a souligné l’importance de disposer de davantage de médecins et a mis en lumière les nombreux changements intervenus au sein des nouvelles générations de médecins – répartition hommes/femmes, rapport au travail, rapport à la parentalité. La commission va lancer une mission d’information sur la semaine de quatre jours. Les nouvelles générations de médecins s’inscrivent également dans cette dynamique, avec cette volonté de travailler différemment. La semaine de quatre jours doit également être envisagée dans le secteur de la santé. Vous semblez donc aborder ce sujet de la bonne manière.

Dans l’article 3, le terme « accélérer » n’est peut-être pas le mieux adapté, car il pourrait laisser penser que les formations proposées seront de mauvaise qualité. Nous allons donc faire en sorte que soient proposées des formations adaptées et accompagnées, en prenant en compte les freins financiers aux passerelles.

Concernant les médecins étrangers, j’ai déjà répondu sur la possibilité d’accélérer le processus, en réussissant à les intégrer sur le deuxième cycle.

Pour l’article 1er, les discussions à venir pourraient envisager d’utiliser les CTS, plutôt que de créer une nouvelle commission. Concernant les moyens, une discussion est en cours avec le Gouvernement pour trouver une rédaction. L’alinéa 7 ne doit pas apparaître comme un frein sur les moyens. Nous devons parvenir à trouver une rédaction qui permette de garantir les moyens nécessaires et supplémentaires, afin d’inciter les facultés à former davantage de médecins. Il est important de trouver un équilibre entre les décisions des élus et les contraintes capacitaires des universités pour établir le nombre de places.

Monsieur Garot, nous ne devons effectivement pas imposer de coercition, tant que nous n’aurons pas atteint un volume de médecins suffisant. Nous visons environ 85 000 médecins généralistes d’ici à 2025, et leur imposer des contraintes pourrait aggraver le problème. Nous devons atteindre un niveau de médecins suffisant avant d’envisager une territorialisation.

La proposition de loi constitue une première étape, et nous pourrons envisager des mesures plus audacieuses, lorsque nous aurons augmenté le capacitaire.

Monsieur Peytavie, la discussion sur l’alinéa 7 de l’article 1er aura lieu, afin de trouver la meilleure solution.

M. Dharréville constate que le retard continue à s’accumuler. Effectivement, deux médecins, voire trois, sont nécessaires pour remplacer un médecin, à la suite d’un départ en retraite, en prenant en compte les semaines de quatre jours et le nombre réduit de patientèles. Nous devons donc mieux anticiper les départs en retraite.

Monsieur Colombani, il est essentiel que tous les médecins formés, quelle que soit la voie, initiale ou avec passerelles, aient des compétences identiques. Le terme « accélérer » n’est probablement pas le bon et un amendement proposera de le remplacer par le terme « adapter », afin que cela soit adapté au niveau de compétences des professionnels de santé – infirmiers, infirmiers spécialisés ou kinésithérapeutes – qui doivent réintégrer le cycle. Le niveau de formation et d’expérience n’étant pas le même, ils pourront être réintégrés dans des niveaux différents de la formation. Cela sera proposé par voie d’amendement.

Monsieur Bentz, bien que les antennes universitaires de santé soient une excellente idée, elles ne sont pas incluses dans cette proposition de loi, en raison des charges que cela induit. Ces moyens sont intéressants et permettent de diversifier les profils de nos futurs jeunes médecins. Ce mécanisme permet, en outre, de lutter contre les freins que sont le logement, le transport et les moyens financiers. J’y suis favorable, mais cela ne peut pas s’inscrire dans cette proposition de loi.

Monsieur Viry, je partage l’idée que nous avons besoin de davantage de médecins. Nous devons néanmoins nous assurer que les médecins formés restent dans l’exercice de la médecine. Dans le cas contraire, nous aurons investi du temps et de l’argent pour finalement peu de bénéfices.

Madame Corneloup, j’entends vos souhaits sur la télémédecine. Vous avez probablement raison. Cette sensibilisation à la prise en charge de la télémédecine doit faire partie des nouvelles technologies, quelles que soient les filières de formation.

Enfin, je suis d’accord avec Mme Rist sur l’existence de freins. Nous devons trouver des solutions pour améliorer le nombre de médecins. Les médecins ici présents ont tous vécu un internat qui n’était pas forcément national. Revenir à une régionalisation de notre internat fait peut-être partie des pistes, afin de pouvoir ensemencer davantage la territorialisation sur ces sujets. Les maisons universitaires, qui existent mais qui rencontrent des difficultés à se mettre en place, pourraient constituer un sujet intéressant, en permettant aux externes, dès le deuxième cycle, de pouvoir s’y rendre et de s’acculturer au territoire.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Rénover le numerus apertus en renforçant la prise en compte des besoins de santé du territoire

Amendement AS39 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). Après avoir entendu ces premières interventions, nous sommes tous convaincus de la nécessité d’aller vers une meilleure formation de nos étudiants en médecine, en conservant leur qualité de l’enseignement. Il est nécessaire de favoriser l’attractivité des études de médecine.

Nous proposons une réécriture de l’article 1er. En effet, cet article proposait de créer une nouvelle commission, ce qui semble inutile. Le CTS, qui comporte des élus, des représentants des usagers de santé ou encore l’agence régionale de santé (ARS), semble le lieu adapté pour définir les besoins d’un territoire. Son avis paraît prépondérant et notre réécriture permettrait de le confirmer.

Par ailleurs, nous pensons qu’il ne faut pas opposer les capacités de formation aux besoins du territoire. Il ne faut donc pas introduire de critères de subsidiarité entre ces deux critères. Nous devons travailler avec les possibilités de formation et les universités, pour savoir dans quelles capacités elles se trouvent, et avec les besoins du territoire, pour que cela soit faisable.

La troisième partie de l’amendement concerne la suppression des alinéas 6 et 7. En effet, les ARS, les conseils de l’ordre et les instances nationales sont informés quand les médecins partent à la retraite. Cela est donc déjà acquis. En outre, il semble important de ne pas dégrader la qualité des formations dispensées.

M. le rapporteur. Vous évoquez par cet amendement un certain nombre de points. Dans une approche pragmatique et de compromis, nous tenterons de discuter ce matin, afin de trouver un point d’atterrissage.

Sur le premier point et la volonté d’inverser les deux critères – les moyens de formation ou les besoins du territoire –, cette démarche n’apporte rien d’un point de vue juridique. Les besoins du territoire constituent l’essence même de cette proposition de loi.

Passer entièrement de l’un à l’autre n’est pas acceptable. Nous devons donc trouver une solution. Mon amendement AS53 permettra d’avoir une position équilibrée et de faire du CTS cette commission ad hoc.

Concernant les moyens, je vous propose de réécrire avec le Gouvernement ce dispositif. Je vous propose donc de retirer votre amendement, afin que nous puissions en déposer un conjointement en vue de la séance.

M. Guillaume Garot (SOC). Je comprends mal – ou trop bien – le sens de cet amendement. Notre collègue Rousset est tellement favorable à cette proposition de loi qu’il souhaite la vider de sa substance à travers cet amendement.

Remplacer la commission par le CTS supprimera l’avis conforme de la commission pour déterminer le nombre de places nécessaires.

Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur, nous ne priorisons plus les besoins de santé par rapport aux capacités de formation. Or, l’avancée de cet article est justement de dire qu’il est d’abord nécessaire de raisonner en fonction des besoins de santé des territoires. Cela doit rester le critère dominant et prioritaire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi donne l’illusion que nous allons résoudre les problèmes d’offres de santé. Or, nous savons qu’il existe une forte inertie et cela prendra beaucoup de temps.

Votre proposition a du sens, avec la volonté d’adapter les besoins du territoire aux besoins de santé. Nous devons néanmoins être vigilants quant à la manière de présenter ce sujet, car ces nouvelles dispositions mettront beaucoup de temps à faire effet, ce qui risque d’avoir un effet déceptif.

J’entends que les besoins du territoire doivent être prédominants. Néanmoins, nous ne pouvons pas traiter la capacité des universités comme subsidiaire. Les mots ont un sens et nous devons nous questionner sur ces sujets.

Enfin, nous ne sommes pas favorables à la création d’une énième unité de concertation et le CTS semble donc adapté.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Cet amendement semble manquer d’efficacité. En effet, il aurait été plus simple d’écrire directement « supprimer l’article ». Au travers de cet amendement, vous cherchez à vider totalement la loi de sa substance. Une des avancées de ce texte est justement de faire passer les besoins de santé avant les capacités de formation. Avec l’augmentation des besoins de santé, l’État se fixe un cap pour augmenter ces capacités de formation, comme cela se fait ailleurs.

M. Rousset semble effectivement tellement favorable à cette proposition de loi qu’il s’apprête à la vider de sa substance. La seule personne ayant défendu son amendement est Nicolas Turquois, du groupe Démocrate, qui est défavorable à cette proposition de loi.

Voter aujourd’hui cet amendement reviendrait à vider l’article de sa substance, ce qui ne semble pas aller dans le bon sens. Nous devons préserver la philosophie de l’article et engager des discussions à ce sujet.

M. Jean-François Rousset (RE). J’entends ce que vous dites, mais je pense que notre amendement permet une amélioration du texte ; je le maintiens donc.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je pense que nous sommes, malgré tout, proches d’un consensus, dans la construction de l’article, même si des aspects de la rédaction méritent peut-être d’être travaillés.

Le point positif, j’en remercie le rapporteur, est d’ajouter au CTS cette responsabilité d’ajuster le nombre d’étudiants dans les territoires. Cette expression des besoins par les territoires est nécessaire.

Par ailleurs, un travail entre Jean-François Rousset et le rapporteur sera probablement nécessaire pour arriver à un résultat équilibré.

M. le rapporteur. Je pense que nous sommes d’accord sur le rôle du CTS, ce qui constitue une avancée. Comme le suggère M. Valletoux, nous pouvons trouver une solution et une écriture communes, afin de ne pas dénaturer l’esprit.

Par ailleurs, nous ne devons plus perdre de temps. Cette démarche aurait déjà dû être effectuée il y a vingt ou trente ans par les différentes majorités qui se sont succédé. Nous entrons dans une phase supplémentaire qui pourrait avoir des effets à court terme, si les décrets d’application se mettent en place rapidement. Dès la rentrée prochaine, le nombre de médecins qui entrent en deuxième année pourrait être accru, avec une réduction des départs pour l’étranger, si ces derniers trouvent leur formation.

À force de ne jamais agir, nous perdons un temps précieux. Ce texte permettra d’éviter les départs et d’augmenter le nombre de personnes formées. Si nous partageons cet objectif, nous pourrons nous mettre d’accord sur une rédaction.

Je maintiens mon avis défavorable ou de retrait, car cet amendement ne reflète pas l’objet de la proposition de loi.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je suis assez surprise par les propos de M. Turquois, car gouverner, c’est prévoir. Cette proposition de loi permet d’anticiper et de se projeter dans les dix prochaines années. Nous sommes tous conscients que nous ne pouvons pas former les médecins du jour au lendemain. Nous n’aurons donc pas de résultats d’ici deux ou trois ans, sauf si nous arrivons à développer les infirmiers en pratique avancée et si nous arrivons à mettre en place de la coordination.

Nous devons parvenir à nous saisir du problème. Notre système est réellement à bout. Nous le voyons tous dans nos circonscriptions, lorsque nous prenons des rendez-vous, avec des délais d’attente particulièrement importants. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. L’objectif de cette proposition de loi est d’essayer de commencer à réformer ce système de santé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS41 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). Cet amendement, comme nous l’avons précédemment exposé, vise l’inversion des critères permettant de déterminer les capacités de formation des universités.

En effet, si les besoins territoriaux de santé doivent être pris en compte dans la définition des capacités d’accueil des universités, les capacités de formation théorique et pratique doivent également être analysées, afin d’assurer les moyens de formation suffisants et adaptés.

Les besoins du territoire et les capacités d’accueil des établissements universitaires ne peuvent donc pas être dissociés. C’est pourquoi nous refusons la mise en place d’une subsidiarité entre ces deux critères.

M. le rapporteur. Je propose, par l’amendement suivant, de faire peser cette décision sur le CTS. Votre proposition sera donc satisfaite par cette nouvelle rédaction qui semble faire davantage l’unanimité.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Jean-François Rousset (RE). Je maintiens néanmoins mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS53 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur. Cet amendement propose de positionner les CTS et de prendre acte de l’intérêt transpartisan porté à cet article. Dans un souci d’ouverture et de pragmatisme, et en lien avec les discussions en cours sur la proposition portée par M. Valletoux, je propose de remplacer la commission ad hoc, initialement prévue, par les CTS concernés sur le territoire.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS11 et AS12 de M. Christophe Bentz, AS6 de M. Sébastien Peytavie et AS15 de M. Pierre Dharréville tombent.

 

Amendement AS25 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (NUPES - LFI). Cet amendement vise à prendre au sérieux ce texte, qui a des intuitions intéressantes, et à lui donner une opérationnalité encore plus importante, notamment pour acter la fin définitive du numerus clausus, sous toutes les formes qu’il a pu prendre dans ces dernières années.

Il s’agit ici d’introduire un indicateur pluriannuel des besoins. Cet indicateur donne le mécanisme qui était nécessaire pour organiser le caractère subsidiaire des capacités sur les besoins. Lorsqu’un principe est proclamé, nous devons nous demander comment le mesurer, comment le maintenir dans le temps et comment comparer les territoires entre eux.

Nous proposons ainsi que ces capacités d’accueil soient fixées en fonction d’objectifs pluriannuels, nationaux et qui tiennent en compte des besoins de santé, mais aussi de l’évolution de la démographie étudiante des formations en santé.

Cet amendement propose ainsi une objectivation des intuitions de M. le rapporteur. L’adopter serait faire œuvre de coconstruction, en augmentant l’efficacité de ce texte.

M. le rapporteur. La première partie de l’amendement propose de supprimer totalement le critère de capacité. Comme je l’ai dit, il ne faut pas prendre en compte tous les besoins en fonction du territoire ni les ignorer. En revanche, supprimer le capacitaire serait, à mon avis, déraisonnable, au regard de l’enjeu de formation. Je ne pourrai donc pas émettre un avis favorable.

De son côté, l’indicateur pluriannuel des besoins nationaux de formation semble intéressant. Néanmoins, l’idée n’est pas de complexifier l’ensemble des outils de mesure de détermination. Nous voyons déjà à quel point il est compliqué d’obtenir des objectifs annuels et pluriannuels existants.

Nous avons des capacités d’accueil de formation en deuxième et troisième année qui sont déjà déterminées annuellement. Nous avons des objectifs pluriannuels d’admission en premier et deuxième cycles, déterminés de façon pluriannuelle, et qui seront désormais modifiés par l’apport du CTS. Enfin, nous avons des objectifs nationaux pluriannuels.

La quantité de critères de capacité de formation semble donc déjà importante. Par souci de pragmatisme et de réalisme, je ne souhaite pas complexifier le millefeuille d’indicateurs.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). À l’heure actuelle, réserver un caractère subsidiaire aux capacités de formation par rapport aux besoins signifie finalement rester quelque peu dans un entre‑deux. En effet, sans indicateur et avec un caractère subsidiaire, nous ne savons pas trop dans quels cas les besoins pourront primer sur les capacités. Surtout, vous offrez ici un prétexte aux personnes qui veulent réduire ou ne pas augmenter suffisamment les capacités de formation. En étant enthousiasmé par l’ambition de votre texte, il s’agissait ici de lui faire passer le cap décisif.

M. Guillaume Garot (SOC). Je trouve regrettable que cet amendement ne reçoive pas notre assentiment collectif, car il s’agit d’un outil d’efficacité. Si nous considérons que nous avons besoin de prioriser la formation en fonction des besoins de santé des territoires, nous devons nous donner les moyens d’évaluer objectivement et de mesurer réellement ces besoins de santé, et donc les besoins de formation.

De plus, nous devons disposer des moyens d’agir. Néanmoins, ces moyens budgétaires, alloués par la suite dans le cadre des budgets de l’État, doivent être fondés sur une connaissance la plus précise possible des besoins de formation. Pour cette raison, je soutiens l’amendement d’Hadrien Clouet.

M. Nicolas Turquois (Dem). Demandons-nous pour quelle raison si peu de jeunes se dirigent vers les études de médecine et pourquoi un certain nombre n’y reste pas. Certaines études sont longues et peuvent rebuter. D’autres études sont difficilement finançables. Nous devons pouvoir progresser sur ces sujets, en étudiant les propositions. La vraie capacité de formation dépend des établissements, mais également de la volonté des jeunes à s’y rendre et à rester. Je souhaite que nous nous posions cette question, car le taux de perte est trop important.

M. Frédéric Valletoux (HOR). L’exercice n’est pas simple, car la discussion date d’il y a quelques mois. Néanmoins, essayons d’être cohérents. Nous avons, dans la proposition de loi que je rapporte, voté des diagnostics territoriaux, afin de venir nourrir les travaux des CTS. Nous venons de confier à ces CTS la compétence d’estimer, au plus près du terrain, les besoins en matière d’étudiants et de formation. Préservons l’outil, présent dans l’autre proposition de loi, qui viendra renseigner, sur le plan statistique, cette nouvelle dimension, mais ne créons pas de nouvel indicateur.

De plus, je comprends mal l’articulation entre un indicateur national et la volonté de rapprocher les estimations des besoins du terrain. Je ne vois donc pas d’un bon œil cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS16 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à accentuer le recentrage du numerus apertus sur la réponse aux besoins de santé du territoire.

M. le rapporteur. J’ai bien compris l’esprit de cet amendement. Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessaire sur le plan juridique. Néanmoins, il semble correspondre à l’objectif de territorialisation des besoins de santé que porte cette proposition de loi. J’émettrai donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS40 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). Comme nous l’avons précédemment exposé, cet amendement vise l’inversion des critères en permettant de déterminer les capacités de formation des universités. Nous pensons qu’il ne faut pas prioriser un critère par rapport à un autre et qu’il faut tenir compte des deux et de la réalité des possibilités.

M. le rapporteur. Comme je vous l’ai déjà dit plus tôt, l’inversion des deux critères que vous proposez ne change rien sur le plan juridique. En outre, le critère de besoins de santé ne primera pas sur les capacités des universités simplement parce qu’il est évoqué en premier dans le texte de l’article. Il semble donc, pour ma part, essentiel de maintenir la hiérarchie introduite par cet article, entre le critère de besoins de santé et celui des capacités de formation.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Je propose à tous mes collègues de voter contre cet amendement, qui vient essayer à nouveau de vider la proposition de loi de sa substance.

M. Jean-François Rousset (RE). Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS8 de M. Joël Aviragnet, amendements identiques AS1 de M. Thierry Frappé et AS2 de Mme Christine Loir et amendements identiques AS17 de M. Yannick Monnet et AS44 de M. Guillaume Garot (discussion commune)

M. Joël Aviragnet (SOC). Mon amendement vise à affirmer le caractère prioritaire des besoins de santé dans la détermination du numerus apertus. Malgré le caractère subsidiaire des capacités de formation dans la proposition, cette rédaction peut néanmoins prêter à une ambiguïté dans l’application de la loi. Par conséquent, l’amendement vise à faire reposer la détermination du numerus apertus uniquement sur les besoins de santé.

M. Thierry Frappé (RN). Mon amendement vise à supprimer toute référence aux capacités d’accueil des formations au profit de la prise en compte, à titre exclusif, des besoins de santé de chaque territoire. Ceci permettrait de mettre un terme au carcan administratif mis en place par les ARS et rapprocher les prises de décision des Français vivant dans un désert médical.

Le Rassemblement National propose également, par cet amendement, de supprimer l’avis conforme de l’ARS au profit de la création de l’avis conforme de la commission d’élus locaux et de modifier l’obligation de transmission par l’université des mesures prises, afin d’accroître les capacités d’accueil jusqu’à ce que celles-ci soient jugées suffisantes, non par l’ARS et la commission d’élus, mais uniquement par cette dernière.

M. Christophe Bentz (RN). Avec l’amendement AS2, nous avons conscience, monsieur le rapporteur, d’aller un petit peu plus loin que l’esprit fondateur de votre texte, dans la levée totale du numerus apertus. Notre objectif est surtout d’ouvrir le débat. Nous pouvons le commencer en commission et nous le finirons sans doute dans l’hémicycle.

Sur ces questions de capacité de formation, l’État doit s’adapter et investir suffisamment pour ouvrir des capacités en fonction des besoins de santé.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Avec notre amendement AS17, il s’agit pour nous du cœur du débat. Il est évident que les besoins de formation doivent s’adapter aux besoins de santé. Or, ne pas avoir les outils nécessaires pour satisfaire ces besoins n’a aucun sens.

Par ailleurs, nous devrons bien un jour nous attaquer à la question de l’installation des médecins. Nous pouvons former un nombre de médecins en fonction des besoins du territoire. Néanmoins, si les médecins ont la liberté de s’installer n’importe où, nous ne remplirons pas non plus les besoins du territoire.

Je sais que ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, mais il est fondamental, pour nous, de partir des besoins et d’adapter en conséquence les besoins de formation.

M. Guillaume Garot (SOC). Toujours dans la même philosophie, je pense que nous devons avoir une ambition particulièrement claire sur la formation, et réellement poser le principe que les besoins de santé d’un territoire doivent déterminer et mobiliser tous les moyens pour la formation, et donc pour les places disponibles.

Cela nécessite une action vigoureuse de l’État, car nous devrons nous donner les moyens pour atteindre cet objectif. Il s’agit d’un vrai choix de société. Nous devons être conscients de ce que nous disons aux Français aujourd’hui. Nous ne pouvons pas déplorer le manque de soignants en France et ne pas nous donner les moyens, par la suite, de répondre à cette problématique.

Nous devons être cohérents, et ainsi redonner du crédit à la politique.

M. le rapporteur. Nous voyons bien ces deux positions sur lesquelles nous essayons de trouver un consensus. Je pense que nous ne pouvons pas nier le capacitaire, mais nous devons privilégier les besoins du territoire. Ce que vous évoquez dans cet amendement est, je pense, satisfait par l’article que vous souhaitez amender, car il prend déjà acte des défaillances du dispositif de 2019, sur l’insuffisance manifeste du nombre d’étudiants. Il dispose également que la fixation des objectifs pluriannuels d’admission s’effectue en fonction des besoins de santé du territoire, puis seulement à titre subsidiaire, des capacités de formation.

Je pense qu’il s’agit du meilleur équilibre que nous pouvons trouver. En outre, cela est conforme à ce que nous avons voté il y a six mois, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de M. Valletoux. Ce sujet avait déjà été évoqué sous forme d’amendement et est en vigueur. Un équilibre peut donc être trouvé.

M. Jean-François Rousset (RE). Nous sommes tous d’accord de la nécessité de tenir compte des besoins des territoires. Néanmoins, la formation des médecins englobe la formation théorique et la formation pratique. La formation théorique peut se faire – mais cela demandera une discussion de fond – en dehors du CHU. Les diplômés devront, dans ce cas, accepter de jouer le jeu pour se reformer. Cela permettrait de doubler ou de tripler le nombre de spécialistes et de médecins en formation.

La formation théorique est réalisée dans les amphithéâtres et les facultés. Avons‑nous besoin d’un plus grand nombre d’amphithéâtres et de facultés, ou de davantage de moyens numériques ? N’est-ce pas un problème d’organisation ? Il s’agit peut-être plus d’un problème d’organisation que de moyens.

Nous devons avoir une vision globale de la formation globale, et engager une réflexion et des discussions à ce sujet, éventuellement dans quelques mois.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je soutiens la logique proposée par ces amendements. Chaque année, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fixe un nombre de places disponibles. Il a donc besoin pour cela de disposer d’un référentiel sur lequel s’appuyer. Le nombre de places disponibles dans la faculté est pris en compte. Cette quantité de places peut être rehaussée en prenant en considération les besoins de la population.

M. le rapporteur propose de d’abord prendre en compte les besoins, avant les capacités, ce qui est déjà mieux que la situation actuelle. Néanmoins, nous devons essayer de simplifier le travail des administrateurs. Nous devons faire en sorte qu’ils évitent de s’interroger sur les capacités disponibles, par rapport aux besoins, et sur la nécessité de privilégier une approche par rapport à une autre, pour répondre aux besoins de la population. Fixons ces besoins comme le seul référentiel de la politique publique en la matière pour ouvrir les postes et les capacités, nous aurons ainsi un texte plus ambitieux, plus efficace, mieux compris et susceptible de simplifier la vie à tous les acteurs du système.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Les propos de M. Rousset m’inquiètent particulièrement et rejoignent d’ailleurs ceux de M. le ministre. Il est inquiétant de se demander encore si le nombre de places d’amphithéâtre en faculté de médecine et de lieux de stage est suffisant. La réponse à cette question est évidemment affirmative. Nous avons besoin de plus de places et nous devons former de façon urgente les médecins, sur de la formation théorique dans un premier temps.

Je ne comprends pas qu’on puisse encore avoir un doute sur les moyens qui doivent être dédiés par l’État aux universités pour former des médecins. Le fond du problème est bien celui-là.

L’inaction d’un grand nombre de gouvernements nous a malheureusement conduits aujourd’hui à ce résultat, où 80 % du territoire national est un désert médical. Nous avons besoin de former urgemment davantage de médecins.

M. Fabien Di Filippo (LR). Nous sommes visiblement tous d’accord sur le constat. La question est de savoir dans quel ordre nous devons prendre le problème. Il ne suffit malheureusement pas de rajouter des sièges dans la salle pour former plus de médecins. La question du nombre de formateurs doit se poser, ainsi que celle de la disponibilité des médecins. De nombreuses questions doivent se poser. La structure est pyramidale, avec des manques à la base, comme au sommet de la pyramide.

Notre collègue Yannick Neuder propose de prendre les éléments dans le bon ordre, mais plusieurs années seront néanmoins nécessaires avant de constater les premiers effets et en attendant, la situation continuera malheureusement de se dégrader.

M. Nicolas Turquois (Dem). Un grand nombre de personnes qui suivent des études de médecine renoncent finalement à exercer. Nous devons essayer de comprendre ce phénomène. Augmenter les capacités de formation dans ce cadre ne permettra pas de résoudre le problème. Un enjeu plus large doit être pris en compte.

M. le rapporteur. Revenons‑en à du bon sens. Je suis favorable à mettre au second plan le critère de capacité de formation. Néanmoins, ce critère demeure relativement utile et nous pouvons le préserver, sans le faire primer. Nous ne pouvons pas nous en abstraire complètement.

Par ailleurs, ces étudiants, qui partent à l’étranger pour quelques dixièmes de points, feront‑ils finalement de plus mauvais médecins que ceux restés au sein de la filière ? Pas forcément. Je pense même l’inverse.

Ne nous trompons pas. Nous avons souligné l’existence d’un problème numérique. Néanmoins, un problème d’attractivité existe également. Nous devons comprendre les raisons qui poussent un médecin à rester dans son exercice professionnel. Cette proposition de loi ne se propose pas d’évoquer ce sujet.

Nous nous plaçons dans le cadre d’une niche, avec une proposition de loi de quelques articles. L’argument qui consiste à dire que ne pas travailler les conditions d’attractivité empêche de progresser sur les conditions du nombre n’est pas intellectuellement satisfaisant. Proposons les deux. Travaillons sur le nombre, afin d’avoir un nombre suffisant de médecins à terme, en prenant en compte l’évolution du temps de travail, de la parentalité, de la féminisation, et ainsi l’ensemble de ces facteurs environnementaux et sociaux.

La question de la semaine de quatre jours se posera au monde médical, comme dans tous les autres mondes professionnels. Nous ne pouvons pas opposer les sujets en permanence. Nous ne pouvons pas opposer les moyens de formation et les besoins de territoire ni l’attractivité d’une profession et la quantité d’agents qu’elle regroupe. Cette réflexion est trop raccourcie.Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS3 de Mme. Christine Loir

M. Christophe Bentz (RN). Je souhaite rappeler l’importance de la place des élus locaux dans les décisions en matière de santé. Malheureusement, mes amendements sur ce sujet sont tombés.

Nous proposons par l’amendement AS3 de supprimer l’avis conforme de l’ARS. Pour nous, les ARS doivent être des agences exécutantes, et non exécutives. Elles doivent être au service des décisions des personnes qui connaissent les bassins de vie de santé, les réalités territoriales et donc les besoins de santé, en l’occurrence, les élus locaux.

M. le rapporteur. J’ai bien compris votre position. Vous souhaitez renforcer le pouvoir des élus locaux. Néanmoins, les ARS émettent un avis conforme. Je pense que, dans la situation actuelle, nous devons maintenir cet élément, tout en y conférant un poids croissant aux élus locaux. Cet équilibre doit être préservé.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme la rapporteure générale. Cet amendement vise à supprimer l’avis des ARS sur les besoins de formation. Il me semble que le sujet des ARS et de leur place peut faire l’objet d’un débat. Néanmoins, dans le cadre de cette proposition de loi, et même précédemment, les ARS, après avis de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA), peuvent avoir une action contre ou en contrepoids des universités qui, par ailleurs, sont autonomes. Cela permet donc d’avoir un poids important pour définir le nombre d’étudiants formés en santé. La place de la CRSA devrait également faire l’objet d’un débat, car l’ensemble des acteurs de la santé et les citoyens se retrouvent dans ces conférences. Le texte ne doit pas impacter les ARS, au risque de perdre un peu plus en opérationnalité. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS42 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). Cet amendement vise la suppression de l’alinéa 6 de l’article 1er. En effet, nous considérons que la prise en compte des départs en retraite est déjà satisfaite. Les ARS transmettent à l’Observatoire national de la démographie des professionnels de santé le nombre de professionnels de santé partis récemment en retraite et le nombre de départs en retraite à venir sur les territoires.

De plus, cet organisme recueille toutes les données démographiques nécessaires – pyramide des âges, âge moyen de départ à la retraite par territoire – pour la détermination des objectifs pluriannuels. Dans ce contexte, le nombre de départs en retraite est bien pris en compte. Nous sommes donc défavorables à ces précisions.

M. le rapporteur. J’entends vos arguments. Effectivement, des efforts en matière d’estimation de départs à la retraite ont été faits. Nous avons également eu ces discussions dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et dans le cadre de la proposition de loi de M. Valletoux. Cependant, il demeure essentiel que les besoins du territoire soient estimés en fonction des départs en retraite. Nous l’avons déjà dit, 50 % des médecins généralistes ont plus de 60 ans et les cartes actuelles sont réactualisées tous les cinq ans. Or, en cinq ans, 50 % des médecins d’un territoire peuvent partir en retraite.

Il semble donc important de maintenir ce critère de départs en retraite, qui est une des conditions, avec la prise en compte des modalités d’exercice – les semaines à quatre jours, le rapport au travail, etc. – et la pyramide des âges. Le système ne produit pas un nombre de médecins suffisants pour couvrir les départs en retraite : deux médecins sont nécessaires pour remplacer un médecin qui part en retraite.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Jean-François Rousset (RE). Je maintiens l’amendement.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Une fois de plus, je suis très étonné par cet amendement. Le texte de M. Neuder propose d’utiliser les départs à la retraite constatés ou anticipés afin de réaliser des prévisions en matière de besoins. Cette idée est intéressante et cette voie semble nécessaire pour pouvoir planifier les besoins de santé.

Notre collègue Rousset nous explique que les chiffres existent déjà et ne doivent donc pas être utilisés. Cette approche semble étonnante, car M. Neuder propose précisément de partir d’un indicateur et de chiffres qui existent, pour en déduire une politique publique. Vous ne pouvez pas refuser cette politique publique au prétexte qu’un autre organisme publie déjà le chiffre. Cette proposition n’a aucun sens. Notre groupe votera donc contre cet amendement.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je crois que les médecins proches de la retraite font l’objet d’une attention particulière. En effet, le Gouvernement a mis en œuvre des dispositifs pour essayer, au contraire, d’aider ceux qui souhaitent prolonger leur activité, car nous sommes en période de pénurie et qu’un enjeu existe concernant les personnes qui arrivent statutairement à l’âge de la retraite. Il est nécessaire d’essayer de les accompagner dans la poursuite de leur activité.

Nous avons même voté dans ma proposition de loi un délai de six mois pour prévenir l’écosystème local d’un prochain départ à la retraite et faciliter l’anticipation des acteurs.

Je suis donc surpris de l’amendement de notre collègue, car cette dimension doit être prise en considération, au moins à court terme. L’approche pourrait être différente dans dix ou quinze ans, lorsque les effectifs de médecins seront plus nombreux. Néanmoins, à court moyen terme, l’enjeu autour des jeunes retraités ou de ceux qui partiront bientôt à la retraite est majeur. En cohérence, je maintiendrai la rédaction initiale du texte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS18 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Par cet amendement « rédactionnel », nous cherchons à réduire les inégalités territoriales, mais également sociales. Répondre à des besoins permettra également d’apporter des solutions aux inégalités sociales d’accès aux soins. En effet, des inégalités sociales apparaissent également dans les déserts médicaux.

M. le rapporteur. Votre amendement apporte une précision intéressante à laquelle je ne suis, a priori, pas opposé. Néanmoins, je ne suis pas certain que cette précision rédactionnelle aurait un réel impact en pratique.

Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS43 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (RE). Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 7 de l’article 1er. Il s’agit en effet d’une véritable incantation à faire plus, pour mieux former les médecins. Nous pensons que cet élément doit relever d’une discussion de fond. Nous ne sommes pas favorables à l’incantation.

M. le rapporteur. Nous en revenons à une précédente discussion, avec notamment la question des moyens. Je pense qu’un mécanisme est indispensable si nous voulons donner les moyens de renforcer les capacités d’accueil de nos universités. Cela ne se traduit pas nécessairement par davantage de moyens. Nous ne construirons pas des facultés de médecine et des amphithéâtres en raison de la modification du numerus apertus.

Dans mon rapport et dans mon exposé liminaire, j’ai insisté sur la nécessité urgente de former davantage de professionnels de santé. Si cette rédaction ne convient pas, je vous invite à m’en proposer une autre, que nous pourrons travailler ensemble avec le Gouvernement.

Prendre davantage en compte le poids des territoires et des besoins de formation semble toutefois faire l’unanimité. Nous pouvons donc nous mettre d’accord sur une rédaction sur ce point. Nous devons faire preuve d’ouverture sur ces questions qui ne doivent pas représenter un frein. Le sujet des chaises et des tables ne conditionnera pas le nombre, car nous avons besoin de formateurs. Néanmoins, nous ne devons pas résumer l’absence d’évolution par ces sujets matériels.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je suis de plus en plus étonnée par ces amendements qui visent à supprimer des aliénas. Il ne s’agit plus d’un travail de coconstruction avec le rapporteur, mais plutôt d’un travail de « codémolition ». Nous ne devons pas supprimer toutes les idées jugées « mal écrites », lorsque nous sommes d’accord avec le fond. Nous devons, à l’inverse, proposer des amendements de réécriture.

Par ailleurs, de nombreux cours en médecine sont désormais organisés en distanciel, en dehors des facultés, ce qui ne me rassure pas, notamment au regard des difficultés psychologiques que peuvent rencontrer les étudiants dans des situations d’isolement. Arrêtons de vouloir supprimer tous les alinéas.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Dans la continuité de ce qui vient d’être dit, je ne comprends pas que des collègues soient favorables à cette proposition de loi tout en défendant des amendements de suppression de nombreux alinéas de cet article. Nous aurions probablement eu un débat plus sincère si vous aviez affirmé votre position sur la base d’un contenu. Vous êtes favorables au texte, tout en voulant supprimer son contenu. Cette attitude est quelque peu curieuse.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Nous venons de supprimer la commission, en la remplaçant par le CTS. Ainsi, le septième alinéa, qui devient juridiquement bancal, doit être rédigé en cohérence de nos premiers votes. La fin de l’article ne correspond désormais plus à son début. Vous pourriez peut-être vous retrouver en amont de la séance publique afin de proposer un amendement qui fasse consensus.

Mme Isabelle Valentin (LR). À l’image de Caroline Fiat, je suis très surprise de ce qui se passe aujourd’hui en commission. Nous ne devons pas nous étonner de constater que les citoyens ne soient plus intéressés par la politique. L’image que nous renvoyons ce matin, au sein de cette commission, est déplorable.

Nous sommes incapables de nous entendre sur un sujet majeur, qui intéresse tous les Français. Vous êtes en train de détricoter la proposition de loi et nous la voterons lorsqu’elle sera vidée de sa substance. Cette attitude est scandaleuse.

Mme la rapporteure générale. Nous avons dit que nous allions dans le sens de cette proposition de loi, car nous partageons le constat et la nécessité de faire évoluer la situation. En revanche, nous n’avons jamais dit que nous étions favorables à la mise en place d’une nouvelle commission, en parallèle de la CRSA et de l’ARS, qui donnent les avis.

De plus, des amendements pourraient éventuellement décider un financement supplémentaire, sans avoir d’éléments concrets à financer. Nous sommes totalement opposés à l’instauration de cette commission parallèle.

Ce qui s’écrit devient inopérant, car le retour du CTS pose des questions, notamment en matière de détermination du nombre d’étudiants en formation, ce qui renforcera les doutes de ces derniers.

Nous sommes d’accord sur la nécessité d’avancer sur le sujet, mais nous ne devons pas élaborer un dispositif inopérant ou proposer des commissions qui décideront sans financer.

M. Christophe Bentz (RN). La majorité fait preuve d’hypocrisie, car elle semble vouloir accepter le contenant, mais pas le contenu. Nous ne pouvons pas nous permettre de supprimer les alinéas les uns après les autres. Nous voterons donc contre cet amemdement.

M. le rapporteur. Avec l’amendement AS53 précédemment adopté, il est désormais précisé à l’alinéa 7 que la commission renvoie aux CTS concernés. La réécriture tient compte de votre demande. Le CTS semblait avoir fait l’objet d’un consensus. Nous avions un accord global avant la commission et l’amendement que j’ai déposé a été adopté, précisant ce point à l’alinéa 7. Je ne comprends donc pas pourquoi, nous ne serions plus d’accord à l’amendement AS43.

M. Jean-François Rousset (RE). Nous avons décidé que ce sujet sera discuté au sein du CTS. L’alinéa 7 n’a plus de raison d’être. Je maintiens donc mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS4 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement a pour objectif de mettre un terme au carcan administratif des ARS et de rapprocher ainsi les prises de décision des Français. Nous proposons de modifier l’obligation de transmission par l’université des mesures prises, pour accroître les capacités d’accueil, non pas par l’ARS, mais par la commission d’élus locaux uniquement.

M. le rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, je propose de remplacer la commission par l’intervention des CTS, ce qui rend votre amendement inopérant. Je pense que nous aurions tort, par ailleurs, de nous passer de l’expertise des ARS. Une voie d’équilibre doit être trouvée, afin de ne pas faire reposer ce rôle uniquement sur les élus ou sur les universités.

Le CTS peut y répondre, avec l’expertise des ARS. Je pense qu’il s’agit donc du meilleur compromis, dans l’intérêt de nos étudiants.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Thierry Frappé (RN). Je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS7 de M. Sébastien Peytavie et sous-amendement AS56 de M. Yannick Neuder

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le débat engagé par la majorité est intéressant, avec dans un premier temps, cette question de rédaction. La question posée est de savoir s’il faut placer les besoins d’un territoire avant les moyens, et notamment les capacités de formation.

Le constat est évident aujourd’hui. Le nombre d’étudiants formés n’est pas suffisant. Nous devons pouvoir augmenter les capacités. Ce texte propose cela, en s’appuyant justement sur les besoins du territoire. La question prépondérante est celle des moyens. Quels sont les moyens qui seront mis en place pour y arriver ?

Nous proposons que les mesures transmises soient accompagnées du détail des moyens financiers et humains nécessaires à leur réalisation. L’idée est de connaître, par territoire, les besoins, afin de faciliter et clarifier les démarches.

M. le rapporteur. Vous évoquez les moyens qui peuvent être proposés à l’alinéa 7. Je proposerais, afin que nous puissions trouver un accord qui justifierait une réécriture en séance et un cadre, de sous-amender et de compléter votre proposition avec la formulation suivante : « ainsi que la façon dont l’Etat doit y contribuer ». Cette approche laisse la possibilité d’obtenir une écriture commune.

Je ne désespère pas que d’ici la séance, nous puissions trouver les moyens qui permettront, par exemple, de former plus de médecins en France. Nous devons aborder cette question avec prudence. Nous pouvons former davantage d’étudiants, avec précision, sans ouvrir les vannes de façon exagérée. Ce travail permettra de réduire la fuite de nos étudiants à l’étranger.

Cette proposition de loi vise à permettre à ces jeunes de rester en France, en leur octroyant quelques moyens supplémentaires permettant à nos universités de ne pas être prises à la gorge, et de travailler ensemble, afin que nous ayons, numériquement, davantage d’étudiants.

La question de l’attractivité se posera par la suite, afin qu’ils se maintiennent dans les métiers pour lesquels ils se sont formés. Cette approche est valable pour les médecins, ainsi pour toutes les autres filières de la santé.

Nous risquerions d’envoyer un signal négatif dans le cas contraire. Je rappelle que 80 % des étudiants sur Parcoursup se positionnent sur des professions de santé. Notre pays ne doit pas être schizophrène, en décourageant sa jeunesse et en n’en gardant que 10 %, tout en incitant les autres à s’orienter vers l’étranger pour satisfaire leur vocation. Il s’agirait d’un mauvais signal. Je propose donc un sous-amendement en ce sens.

M. Thibault Bazin (LR). Monsieur le rapporteur, je vous rejoins. Vous faites preuve de réalisme. Nous devons désormais agir. L’augmentation du nombre, avec le numerus apertus, n’a pas suffi.

Il est vrai que la situation est complexe, dépendant de plusieurs ministères, l’enseignement supérieur et la santé. La question concerne également l’autonomie des universités.

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de former plus plus de médecins. Néanmoins, nous devons nous mettre d’accord sur la façon d’y parvenir. Cette question ne concerne pas uniquement des moyens matériels, humains ou financiers.

L’amendement de M. Peytavie va dans le bon sens. La question concerne également la manière dont l’État y contribuera, avec les différents ministères déconcentrés, sachant que les lieux de formation ne se trouvent pas uniquement à la faculté mais également dans les établissements.

Notre objectif est d’amener une cohérence d’ensemble, afin de créer un environnement adapté permettant ces places. Nous devons donc travailler sur la manière d’y parvenir, afin de remplir cet objectif.

M. Guillaume Garot (SOC). Je souhaite simplement saluer l’ouverture d’esprit du rapporteur, qui essaie de trouver des solutions. Cette approche constitue un véritable travail parlementaire, réalisé dans un esprit transpartisan. Sur ce sujet, nous devons réussir à nous rassembler, et non à nous diviser sur des postures.

À ce titre, je ne comprends pas la position de la majorité qui s’apparente à de l’obstruction. J’espère que nous parviendrons à des rédactions intelligentes. Quoi qu’il en soit, le travail qui va dans le bon sens mérite d’être soutenu.

M. Nicolas Turquois (Dem). Lorsque j’écoute le rapporteur, je suis d’accord avec lui. En revanche, je ne retrouve pas les mêmes idées dans son texte.

Le nombre d’étudiants doit être accru. Je suis d’accord avec ce constat. La question est néanmoins de savoir comment les garder dans ces études et comment les former en fonction des besoins de nos territoires.

Avec une réflexion uniquement territoriale, comme vous l’évoquez, les élus nous diront que le nombre d’étudiants doit être fortement accru. Or, en raison d’un fort effet d’inertie, nous calerons des besoins de formation qui ne seront pas en adéquation avec les besoins futurs du territoire. En effet, nous n’évoquons pas non plus la question de la répartition sur le territoire.

Vos préoccupations sont légitimes, mais je pense que nous ne les abordons pas de la bonne façon.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je pense que la majorité fait globalement preuve d’ouverture d’esprit. Nous avons tous approuvé le recalage avec le CTS, proposé par Jean‑François Rousset et Yannick Neuder. Des positions constructives ont donc été validées par tout le monde. Vous ne devez donc pas caricaturer le débat que nous avons depuis le début de cette séance.

Malheureusement, cet amendement fait basculer un travail constructif dans une approche particulièrement politicienne.

Le financement ne relève pas uniquement de la responsabilité de l’État. Les financements universitaires relèvent également des contrats de plan, avec la participation des collectivités locales. Vous semblez pointer l’État comme seul opérateur de financement de l’enseignement public, alors que ce n’est plus le cas dans tous nos territoires. Cette approche simpliste semble vouloir simplement attaquer la responsabilité de l’État. Je suis défavorable à cette approche.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). J’adore entendre M. Turquois parler, car il pose la question de l’orientation et de la réussite des étudiants. Or, vous avez déjà voté une loi sur l’orientation et la réussite des étudiants. Nous vous avions alors expliqué que cette loi n’était pas pertinente, et vous constatez malheureusement aujourd’hui le résultat de votre échec.

Vous vous interrogez sur la manière de trouver les moyens financiers et humains nécessaires et sur la façon dont l’État doit y contribuer. Il s’agit d’une très bonne question qui trouve une réponse grâce à cet amendement. Si vous recherchez des solutions, votez cet amendement et remettez-vous en question par rapport à votre loi sur l’orientation et la réussite des étudiants.

Des étudiants au lycée choisissent des spécialités ou se les voient imposer et retrouvent par la suite refusés par Parcoursup, alors que leur vocation était la médecine. Vous êtes responsables de la mise en place de ce dispositif. Vous estimez que nous avons besoin de plus d’étudiants. Or, nous ne manquons pas d’étudiants. Au contraire, trop de personnes veulent devenir étudiantes par rapport au nombre de places que vous ouvrez à l’université. La solution est donc d’ouvrir davantage de places à l’université. Vous devez donc voter cet amendement.

Mme Monique Iborra (RE). Nous sommes confrontés à un sujet immense. Or, une proposition de loi ne peut pas traiter toutes les conséquences du problème qui se pose à nous et sur lequel de nombreux députés se penchent. Nous ne pouvons pas demander à une proposition de loi de régler le problème des déserts médicaux. Nous abordons ce sujet par petits morceaux, totalement illisibles pour les citoyens. Cette proposition de loi présente un intérêt certain, mais néanmoins relatif.

Nous sommes donc confrontés à ce problème. Lorsque nous arrivons sur un sujet, nous devons « tirer une ficelle » pour aller un peu plus loin. Ce sujet global ne peut pas être réglé dans une simple proposition de loi. Nous aurons probablement réalisé des progrès lorsque nous aurons compris cela.

M. le rapporteur. Je souscris aux propos de Mme Ibbora. Nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons besoin d’une loi de programmation de santé, afin de pouvoir parler de ces sujets. Nous avons uniquement des textes budgétaires, avec les difficultés que nous connaissons en raison des recevabilités de l’article 40 ou de l’article 45.

Les propositions de loi ne sont pas parfaites, mais permettent néanmoins d’avancer collectivement sur ces sujets.

En revanche, je suis surpris par les positions de M. Turquois. Cette proposition de loi ne doit pas être simplement résumée par la volonté d’ouvrir la vanne des moyens pour les universités. Ce n’est absolument pas l’objectif. Je me demande même si vous avez lu le rapport.

Comment pouvez-vous vous satisfaire que, malgré les efforts du numerus apertus et éventuellement de cette proposition de loi, nous ne retrouverons pas le nombre de formations de médecins qui existait dans les années 1970, avant la mise en place du numerus clausus ? Le numerus clausus a été mis en place en 1971. Or, nous ne retrouverons même pas la capacité de formation que nous avions en 1970.

De surcroît, la situation a changé depuis cette période, avec 15 millions d’habitants supplémentaires. Les semaines sont désormais envisagées avec quatre jours de travail. La médecine a progressé et le vieillissement de la population s’est accentué. Ces éléments ont été rappelés lors de la discussion du PLFSS. En 2030, le nombre d’habitants de plus de 65 ans sera plus élevé que celui de moins de 15 ans.

La page 9 du rapport rappelle les chiffres depuis le numerus apertus et avant 1970. Des effets sont apparus à la suite du numerus apertus dans les domaines de la médecine, de la pharmacie, de l’odontologie et de la maïeutique. Le nombre d’étudiants est ainsi passé de 14 997 à 17 722 pour l’année 2020-2021. Or, le nombre baisse à nouveau en 2021-2022 et en 2022-2023, avec respectivement 16 890 et 16 970 étudiants. La situation reste difficile et nous faisons probablement preuve d’une trop grande sélectivité, à quelques dixièmes de points près. Les étudiants sont ainsi découragés et finissent par partir à l’étranger.

Nous pourrions élargir quelque peu l’entonnoir de sélection, afin de limiter le nombre de départs à l’étranger. Nous pouvons trouver une rédaction pour cet alinéa 7. Je précise à M. Rousset que cet amendement remplace la commission ad hoc que nous souhaitions mettre en place par le CTS. Ces discussions avaient déjà été abordées lors de la proposition de loi de M. Valletoux. Cela est donc satisfait.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AS13 de M. Vincent Seitlinger

M. Vincent Seitlinger (LR). Cet amendement vise à prévoir un contingent de places pour les étudiants qui proviennent de zones sous-denses pour les études de médecine, pharmacie, ontologie et maïeutique.

Nous savons qu’il est plus facile pour un médecin qui a grandi dans une zone de s’y installer par la suite, notamment quand il s’agit de zones rurales, éloignées de grandes métropoles. Par ailleurs, il existe souvent une sorte de censure de la part de certains jeunes, qui viennent de zones rurales et qui n’ont pas toujours le courage d’aller faire des études de médecine dans les grandes métropoles.

Je sais que M. le rapporteur n’est sans doute pas favorable à cet amendement. L’objectif est simplement de souligner le problème des étudiants des zones rurales qui n’ont pas forcément le courage de s’engager dans une étude de médecine très longue, ce qui pose par la suite des difficultés pour ces zones rurales sous-dotées.

M. le rapporteur. Je comprends le sens de cet amendement et son intention, et j’en partage la philosophie. Néanmoins, des expériences existent déjà, en matière de territorialisation, en lien avec les facultés de médecine existantes, et souvent avec les collectivités, départements, régions ou métropoles, qui favorisent cette première année dans les territoires.

Vous évoquez le sujet des étudiants qui n’osent pas forcément se rendre dans des métropoles ou dans des grandes villes pour étudier, avec l’intérêt de délocaliser ces formations dans les zones moins denses et plus rurales. De plus, 87 % du territoire national se situe en zone de désert médical.

Je partage donc la philosophie de cet amendement, mais je ne peux pas donner un avis favorable. Je demande donc son retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS29 de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (LR). Cet amendement vise à permettre aux étudiants de médecine d’intégrer dans leur pratique des effets bénéfiques de la pratique de la téléconsultation. L’accès aux soins, nous le savons, est facilité grâce à l’accès au numérique. Cela permettra un accès aux soins de toute la population, indépendamment de son lieu de vie. Il est judicieux que cette pratique de la téléconsultation et de la télé-expertise soit identifiée dans le parcours d’études, dès la première année, comme une modalité à part entière de leur pratique médicale, dans le cadre de la mise en place d’une politique, à la fois préventive et curative.

M. le rapporteur. Vous proposez une mesure particulièrement intéressante, avec la possibilité de former l’ensemble de nos étudiants en santé – médecins, professions paramédicales et autres – à l’intérêt et la pratique de la télémédecine. Cependant, nous ne pouvons traiter l’ensemble des sujets dans le cadre d’une proposition de loi. Nous débattons ce matin du nombre et de l’apport par rapport aux territoires.

Par ailleurs, je pense qu’il n’est pas nécessaire de passer par la loi ni par un décret en Conseil d’État pour intégrer un tel programme dans les enseignements.

Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 2 : Faciliter la réintégration au cursus français des étudiants partis poursuivre des études de médecine à l’étranger

Amendements AS36 et AS37 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Permettre le retour des Français qui réalisent leurs études à l’étranger est une bonne idée, afin de les intégrer dans les filières françaises. Cette procédure doit néanmoins être encadrée. Elle doit être limitée dans le temps, afin de pouvoir créer un véritable appel d’air. Les besoins sont présents immédiatement, et cette opportunité peut apparaître comme un réel apport.

En outre, ces postes doivent évidemment être dédiés aux régions sous tension. J’ai ajouté les régions « ne possédant pas de CHU ». Or, une seule région en France ne possède pas de CHU. Je vous laisse deviner laquelle...

M. le rapporteur. Vous proposez d’apporter une contrepartie à la réintégration des étudiants qui se sont expatriés, afin de les obliger à exercer, dans votre premier amendement, deux ans dans une zone dépourvue de CHU ou en situation de désert médical, et, dans votre second amendement, à exercer deux ans en désert médical.

Je comprends le sens de vos amendements. Cependant, il m’est difficile d’émettre un avis favorable, car ils constitueraient une rupture d’égalité vis-à-vis de l’ensemble des étudiants qui seront amenés à s’installer. Or, ces derniers ont déjà subi une sélection excessive, qui les a contraints à s’expatrier. De plus, cette approche apparaîtrait juridiquement fragile.

Le sentiment d’une double peine risquerait également d’apparaître. Nous n’avons pas su les accueillir dans nos systèmes de formation. Or, nous les punirions à nouveau lorsqu’ils reviennent.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur le rapporteur, vous m’avez fait dire des propos que je n’ai pas tenus. Nous manquons de médecins et d’étudiants en médecine. Or, le dispositif que vous prévoyez à l’article 1er ne nous convient pas et nous y sommes défavorables.

Vouloir faire revenir les étudiants en France est intéressant. Néanmoins, cette approche n’est-elle pas discriminatoire, alors que d’autres étudiants étrangers ou européens pourraient souhaiter revenir ? La proposition doit donc être homogène.

En revanche, l’idée de vouloir faciliter le retour des étudiants qui auraient débuté à l’étranger ne me pose pas de difficultés, bien au contraire.

Mme Joëlle Mélin (RN). Monsieur le rapporteur, je m’inscris en faux sur votre réponse. Je comprends l’idée de M. Colombani et il n’y a pas de véritable rupture d’égalité.

Les étudiants de deuxième cycle payent 400 euros par mois pendant trois ans. Ceux de troisième cycle payent 1 600 euros pendant trois ans, ainsi que ceux qui s’installent en dixième année. Ils auront donc déjà payé pendant cette période de travail et ils ont permis aux hôpitaux de tenir debout. Ils ont donc déjà remboursé leur dette, dans l’intérêt des Français.

Je ne suis donc pas sûre qu’il s’agisse d’une rupture. La proposition de M. Colombani pourrait donc également apparaître comme une solution.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous devons éviter de créer une rupture d’égalité dans l’autre sens, notamment pour les personnes ayant étudié en France et ayant été refusées pour quelques millièmes de points.

Les étudiants peuvent avoir été forcés de partir à l’étranger, mais cette démarche a un coût et un certain nombre de désavantages. La proposition permettrait donc d’être gagnant sur tous les fronts. Face à l’importance et à la complexité du problème, nous devons faire preuve de vigilance.

M. le rapporteur. Cette proposition ne semble pas gagnante-gagnante, mais apparaît davantage comme une double peine. Nous n’avons pas su les accueillir au début et nous leur imposons des conditions, lorsqu’ils reviennent, que nous n’imposons pas aux autres étudiants.

Nous devons trouver une solution dans le deuxième cycle, avant que ces personnes ne s’installent réellement à l’étranger ou que d’autres pays européens ne les récupèrent, avec des questions d’attractivité importantes. Les conditions dans lesquelles la Suisse et de l’Allemagne accueillent les médecins sont particulièrement éloignées de celles de la France. Nous ne devons pas jouer contre notre camp.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS37 tombe.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Développer les passerelles vers les études médicales pour les professionnels paramédicaux

Amendement AS38 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’objectif de cet amendement est de proposer aux différents professionnels de santé d’aller se former pour devenir médecins. Il s’agit d’une très bonne idée. Dans la discussion générale, j’ai entendu la réponse du rapporteur sur la qualité de la formation.

Nous devons néanmoins réussir à créer un appel d’air, en mettant rapidement en place cette démarche. Nous sortons de la crise covid, durant laquelle nous avons perdu un certain nombre de professionnels de santé, notamment en raison des conditions d’exercice, des conditions de travail et des conditions de vie.

Nous offrons désormais la possibilité d’évoluer et de se requalifier, afin de devenir médecin. Nous devons proposer cette opportunité rapidement et massivement, tout en la bordant dans le temps.

M. le rapporteur. Vous proposez de remplacer l’article 3 par une expérimentation de trois ans. Je pense que nous ne devons pas être timides sur un tel sujet, car nous connaissons les besoins en matière de places supplémentaires.

Je rappelle que pour l’instant, un certain nombre de places en deuxième année n’est pas pourvu, notamment par le système L.AS, et que les doyens sont plutôt favorables à compenser ce défaut de candidats dans cette filière par de la formation continue, grâce aux passerelles.

L’idée de cet article 3 est donc de revaloriser les passerelles. Je vous invite ainsi à le voter, sans votre amendement.

En revanche, je proposerai tout à l’heure de modifier l’article 3, car le mot « accélérer », au gré des auditions, a laissé un doute selon lequel il pourrait s’agir d’une formation de moins bonne qualité. Or, l’idée est d’avoir des médecins de niveau de compétences identique, quelle que soit la formation utilisée – passerelles ou formation initiale. Nous remplacerons donc, dans un amendement que je déposerai ultérieurement, le mot « accélérer » par « adapter » et « accompagner ».

Cette action permettra également de faciliter le recours aux passerelles, essentiellement par la rémunération de ces professionnels pendant leur cursus.

De plus, j’ai appris à l’occasion des auditions que certaines ARS prenaient intégralement en charge la formation et surtout le manque à gagner de ces professionnels paramédicaux. L’initiative, qui est à encourager, est probablement méconnue.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur le rapporteur, vous avez apporté quelques précisions utiles, car je trouvais le mot « accélérer » quelque peu choquant. J’aimerais savoir, selon vous, quelles professions de santé pourraient avoir un dispositif adapté.

Nous devons peut-être nous questionner sur la durée des études. Les étudiants ont-ils réellement besoin d’étudier pendant dix ans pour devenir médecins généralistes ? La formation pourrait peut-être être simplement raccourcie. Cet article me pose question.

M. Thibault Bazin (LR). Nos échanges sont particulièrement intéressants. Je m’interroge quand même sur la question de la durée des études. La majorité a porté la quatrième année, qui a justement allongé cette durée.

Je m’interroge sur l’idée de l’expérimentation proposée par cet amendement. Je pense que nous n’avons plus le temps. Mettre en place cette expérimentation reportera d’autant la généralisation du dispositif.

Nous devons prendre très rapidement les mesures, sans raboter sur la qualité des formations. Des passerelles existent déjà. Faisons en sorte de les faciliter. C’est le sens de cet article. Votons-le en l’état. Je pense que cet article va dans le bon sens, tel qu’il est écrit.

En outre, l’amendement du rapporteur viendra garantir la qualité nécessaire de la formation.

M. Jean-François Rousset (RE). Il est nécessaire de rappeler les objectifs de la quatrième année. Elle permettra d’irriguer tous les territoires avec des docteurs juniors diplômés avec thèse. Ils travailleront avec un médecin déjà installé.

En 2026, ce dispositif permettra d’apporter 3 500 médecins diplômés dans les territoires qui en ont le plus besoin. Les élus répartiront ces différents médecins dans les zones qui en ont le plus besoin. Il s’agit donc d’une bonne solution pour irriguer nos territoires dépeuplés en médecins diplômés, car ils seront docteurs juniors.

Nous pouvons effectivement avoir une réflexion sur la durée des études. Des systèmes de santé, notamment soviétique, faisaient intervenir deux types de médecins : les vrais médecins, tels que nous les formons, et des officiers de santé. Néanmoins, cette approche renvoie un peu à la médecine de guerre.

Je pense que nous pouvons mener des réflexions particulièrement approfondies sur la formation des personnels soignants et des médecins, mais nous ne réglerons pas cette question aujourd’hui.

M. le rapporteur. Nous devons effectivement faire preuve de prudence dans notre démarche, mais nous ne devons pas non plus être timides. L’expérimentation n’a en effet plus sa place.

En revanche, nous ne pouvons pas remettre en cause cette quatrième année de médecine générale qui s’impose à nous. Sa mise en place dans les territoires sera compliquée. Ces étudiants arriveront en 2026. Ce texte a été voté dans l’hémicycle il y a seulement quelques mois. Nous ne devons pas remettre en question ce dispositif, alors que nous travaillons plutôt à la mise en place de solutions dans les territoires, afin de soutenir l’offre de soins.

Nous devons permettre une certaine stabilité des décisions prises. Le législateur doit être garant de cette stabilité. Les différents acteurs – ARS, facultés de médecine, étudiants – risquent d’être déboussolés si nous changeons d’avis sur la quatrième année en moins d’un an. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Je souhaite rappeler que l’idée est très bonne. En outre, nous sommes rassurés par les propos du rapporteur sur le mot « accélérer », qui venait en contradiction avec la volonté de rallonger le dispositif. Nous devons rester cohérents si nous voulons continuer à être pris au sérieux au sein de cette commission.

Je vais retirer cet amendement. Le terme « expérimentation » n’était peut-être pas bien choisi. Néanmoins, nous devons avancer sur cette idée. Nous devons être en cohérence avec la loi. Puisque le numerus clausus n’existera plus, nous n’aurons plus besoin de ce dispositif. En effet, tout le monde pourra se former, à l’entrée des études médicales, dans les années qui viennent. Je souhaitais donc que le dispositif soit borné dans le temps.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS52 de M. Yannick Neuder.

Amendement AS54 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur. À la suite de nos débats, l’objectif de cet amendement est de substituer au mot « accélérer » les mots « adapter » et « accompagner ».

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS55 de M. Yannick Neuder

M. le rapporteur. L’objet de cet amendement est de supprimer l’alinéa 3, à savoir les passerelles qui prioriseraient les médecins généralistes. L’idée est donc de répondre aux craintes exprimées quant à cet alinéa, qui ne visait en aucun cas à remettre en cause le libre choix de la spécialité en troisième cycle. Pour plus de lisibilité, je préfère le supprimer. Ce retrait permet de laisser le libre choix à une formation de médecine générale ou de médecine de spécialité.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS21 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il s’agit d’une demande de rapport. Les auxiliaires médicaux qui ont au moins trois années d’études disposent déjà d’un système de passerelles pour intégrer la filière médecine. Or l’arrêté du 22 octobre 2021, qui a supprimé la condition d’exercice professionnel de deux ans à temps plein, a transféré à chaque université la responsabilité d’organiser ses propres dispositifs de passerelles.

Cette demande de rapport vise à identifier les résultats de la mobilité professionnelle des auxiliaires médicaux vers la profession de médecine, afin d’évaluer la nécessité de faire évoluer ou non le cadre actuel des passerelles.

M. le rapporteur. Vous formulez une demande de rapport pour faire l’état des lieux des dispositifs actuels de passerelles, accessibles aux auxiliaires médicaux. Ces passerelles sont effectivement méconnues.

Depuis le 22 octobre 2021, il existe une certaine variabilité en fonction des différents sites universitaires. Ce rapport permettrait d’accroître la connaissance sur ces passerelles. Les différentes auditions que nous avons conduites montrent en effet qu’elles sont relativement peu connues.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

La réunion s’achève à douze heures quarante.

 


Présences en réunion

 

Présents.  M. Éric Alauzet, Mme Clémentine Autain, M. Joël Aviragnet, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Louis Boyard, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, M. Guillaume Garot, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Christine Le Nabour, M. Laurent Leclercq, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Paul Molac, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry

 

Excusés.  M. Dino Cinieri, M. François Gernigon, M. Jérémie Iordanoff, Mme Sandrine Josso, M. Didier Le Gac, M. Alexandre Vincendet

 

Assistaient également à la réunion.  M. Thibault Bazin, M. Fabien Di Filippo, Mme Mathilde Hignet, M. Vincent Seitlinger, M. Jean-Luc Warsmann