Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

–– Audition, ouverte à la presse, de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées.


Mardi
14 mai 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 59

session ordinaire de 2023-2024

Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président


 


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La séance est ouverte à seize heures trente.

M. le président Thomas Gassilloud. Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez tout d’abord d’exprimer une pensée pour les agents de l’administration pénitentiaire tués ou gravement blessés ce matin dans l’Eure alors qu’ils transféraient un détenu, ainsi que pour nos gendarmes blessés cette nuit en Nouvelle-Calédonie.

C’est avec beaucoup de plaisir et d’intérêt que nous vous accueillons, Monsieur le ministre. Lors de votre dernière audition, le 27 février, vous nous aviez dressé un panorama très complet des principaux dossiers stratégiques affectant la stabilité internationale. Une future audition est prévue fin juin, et sera l’occasion de faire le bilan de la première annuité de la loi de programmation militaire (LPM) et de tracer des perspectives en vue des travaux budgétaires à venir.

Mais pour ce jour, votre audition s’inscrit dans le cadre de notre cycle sur la défense globale, même si la richesse de l’actualité internationale amènera sans doute d’autres questions. Ce cycle nous a permis d’auditionner des figures clés de la défense, mais aussi des acteurs que nous entendons plus rarement, comme le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, des acteurs de la culture, les associations de jeunesse, le secteur privé, les partenaires sociaux, l’Association des maires de France et les correspondants défense. Il sera également alimenté par les conclusions de trois missions d’information en cours, conduites respectivement par Patricia Lemoine et Mélanie Thomin, sur le lien entre défense et territoires, Benoît Bordat et Michaël Taverne, sur l’après-Orion, et Christophe Blanchet et Martine Etienne, sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale.

Dans son introduction à la revue nationale stratégique 2022, le Président de la République dressait ce constat : « face à l’histoire qui se durcit […], le temps est venu d’une mobilisation plus intégrale ». En effet, l’une des leçons essentielles de la guerre en Ukraine est que la défense d’une nation, si elle repose en premier lieu sur la préparation et l’efficacité de son armée, dépend aussi beaucoup de l’engagement de l’ensemble de ses composantes. Il importe donc que chacun soit conscient du rôle que la défense de la France peut requérir de lui et soit prêt à l’assumer.

Je tirais déjà cette conclusion dans mon rapport d’information sur la résilience nationale : le citoyen est bien un acteur de la défense nationale ; j’irai même jusqu’à dire qu’il doit se sentir personnellement responsable de celle-ci. Voilà pourquoi nous accueillons très favorablement la réforme de la JDC (journée défense et citoyenneté) que vous avez impulsée : les jeunes, au nombre de 800 000 par an, qui l’accomplissent doivent en sortir renforcés dans leur capacité à participer à la défense de notre pays.

Alors que la guerre sévit sur le sol européen et que l’on peut craindre son extension, il est devenu essentiel, au-delà de la modernisation des forces engagée par la loi de programmation militaire, de promouvoir encore davantage la résilience, la souveraineté et la défense de la nation. Vous en êtes pleinement conscient, vous qui, lors du vote de la dernière LPM, avez non seulement mis en avant la cohérence de ce projet – cohérence entre le modèle d’armée et l’effort capacitaire –, mais aussi souhaité le doublement des réserves militaires.

Bien entendu, la défense globale ne dépend pas uniquement de vous. La Constitution fait du Premier ministre le responsable de la défense nationale et nous allons continuer d’auditionner certains de vos collègues du Gouvernement. Mais, si la défense globale est protéiforme, il semble naturel qu’avec l’aide du SGDSN (secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale), vous y jouiez un rôle central. D’ailleurs, la LPM comporte diverses dispositions contribuant à la résilience de la nation.

Revenant du Vietnam, où vous avez participé aux cérémonies d’hommage organisées à l’occasion des 70 ans de Ðiện Biên Phủ, vous aurez sans doute à cœur de nous parler également de la mémoire combattante.

Nous sommes impatients de vous entendre au sujet de l’importance que vous accordez à cette notion de défense globale et de votre conception de l’articulation entre les armées et l’ensemble des autres acteurs.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Il y a un continuum entre les travaux sur la LPM et la défense globale, mais toute la défense nationale n’est pas militaire. Le constituant l’a prévu : le Président de la République est chef des armées tandis que le Premier ministre est responsable de la défense nationale. Le nom du ministère a d’ailleurs changé au fil du temps – ministère de la guerre, de la défense, et aujourd’hui, comme au début de la Ve République, ministère des armées.

La défense globale n’est pas un pur concept : c’est l’une des conditions impératives de notre réarmement. Les menaces existent, nous en avons abondamment parlé pendant nos travaux sur la LPM. Sont-elles l’affaire des seuls militaires, du seul État, du seul budget ? Ce serait confortable : il n’y aurait plus qu’à s’en remettre à l’exécution de la LPM. En réalité, l’hybridité et le fait que des menaces civiles sont détournées à des fins militaires confirment que la réponse, la plupart du temps, ne saurait se limiter au champ militaire. L’agriculture, l’alimentation, la santé, le numérique et le cyber sont pour nous autant de sujets de préoccupation.

Dans ces domaines, beaucoup des constats que nous avions faits en préparant la LPM ont été confirmés par la suite. Ainsi, nous avions parlé des menaces maritimes avant que des frégates ne doivent escorter des bateaux de commerce en mer Rouge pour exercer des missions de légitime défense. Encore reste-t-on là dans le domaine purement militaire, sans parler des champs hybrides ou duaux.

Si tout ce qui fait la défense globale n’est pas dans la LPM, plusieurs de ses éléments ont été documentés à l’occasion de cette dernière. D’abord, l’économie de guerre, qui engage le rapport entre le ministère et la nation ainsi que ses industries de défense. Ce dernier secteur ne se limite pas à la défense pure : certaines industries sont duales ou impliquent des filières entières qui peuvent être civiles.

Ensuite, les réserves, auxquelles s’intéressent plusieurs d’entre vous, dont le député Blanchet, et qui appellent une relation nouvelle au corps social. La relation entre ce dernier et l’institution militaire passe en effet par d’autres voies que la conscription depuis la disparition de celle-ci, qu’il s’agisse de recruter les réservistes eux-mêmes ou les militaires d’active. En outre, les techniques de recrutement ont évolué. L’enjeu du plan « famille », sur lequel plusieurs parmi vous ont travaillé, est le rapport du militaire à son territoire, qui n’est pas le même à Nouméa, à la base aérienne d’Évreux ou à la base navale de Toulon.

Deux thématiques hors LPM relèvent cependant du ministère des armées : la mémoire des anciens combattants et la jeunesse.

Les crédits hors LPM alloués à la mémoire combattante sont essentiels au lien entre l’armée et la nation et à la défense globale. En cette année du quatre-vingtième anniversaire des deux débarquements et de la Libération, nous commémorons aussi la bataille de Ðiện Biên Phủ, quelques mois après nous être souvenus dans la cour des Invalides de l’explosion du Drakkar, à Beyrouth, le 23 octobre 1983. Une armée d’emploi comme la nôtre est engagée dans beaucoup d’opérations extérieures et de campagnes qui appellent un devoir de mémoire, mais aussi de réparation individuelle, de récompense et de gestion des blessés.

J’en viens aux politiques publiques visant la jeunesse. Ancien ministre des outre-mer, je suis particulièrement attaché au service militaire adapté (SMA), qui appelle un repositionnement selon les particularités de chaque territoire ultramarin. Le service militaire volontaire (SMV) fait l’objet d’expérimentations et de dispositifs plus anciens, comme à Marseille. Je pourrai également revenir sur d’autres nouveautés, dont l’expérimentation du recrutement de volontaires sur le territoire national pour des contrats courts, qui permet aux jeunes d’une classe d’âge de se faire une opinion sur l’institution et d’en conclure soit que celle-ci n’est pas pour eux, soit qu’ils peuvent s’engager dans la réserve ou dans l’armée d’active.

Sans être ringard, il est temps de faire appel au patriotisme de chacun. Nous avons beaucoup progressé dans l’économie de guerre sur le terrain purement industriel – organisation de la production, gestion des sous-traitants ou des stocks –, mais nous avons un problème croissant de financement par les banques ou les fonds d’investissement qui reprochent à tort à certaines entreprises d’être des sous-traitants de la dissuasion nucléaire. Voilà un chantier pour lequel je compte bien passer la seconde, si vous me permettez l’expression. À l’heure où le monde se durcit, où les difficultés stratégiques et sécuritaires s’aggravent, le système financier ne saurait considérer que produire des armes pour l’armée française, c’est sale et qu’il ne doit pas accompagner cette production.

Je songe aussi aux collectivités territoriales, qui ont un rôle historique à jouer ; au recensement militaire ; aux correspondants défense dans les conseils municipaux ; au plan « famille » ; à la gestion des friches militaires, les réformes successives ayant entraîné un désengagement des armées dans les territoires, parfois pour de bonnes raisons – quant aux élus, ils doivent faire vivre les CRSD (contrats de redynamisation de site de défense), ce qui n’est pas sans lien avec la défense globale.

Cette dernière passe aussi par la recherche et le travail intellectuel. Les débats dans l’hémicycle sur la dissuasion nucléaire ont nourri notre réflexion, mais on ne peut pas attendre celle-ci du seul examen de la LPM, qui n’a lieu qu’une fois tous les cinq ans. Je songe notamment à l’Academ (Académie de défense de l’École militaire) ou à l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale).

En revanche, si on croit vraiment à la défense globale, il faut arrêter de mettre les armées à toutes les sauces. Quelle n’est pas ma surprise quand, lors d’une grève d’éboueurs ou de conducteurs de bus, je reçois des courriers demandant que des militaires soient réquisitionnés pour les remplacer ! D’abord, les militaires français ne sont pas là pour briser des grèves. Ensuite, si l’on croit à la menace, on croit à la militarité et on sait que le soldat, s’il ne refuse pas le danger et est susceptible de mourir dans l’exercice de sa mission, peut aussi tuer sur ordre. Il y a à ce sujet beaucoup de facilité dans le débat médiatique. Je note que personne ne propose d’envoyer quiconque faire la guerre à la place des militaires… Pour parler de la défense globale, il faut avoir les idées très claires sur la place du soldat dans la société et sur ce que l’on attend de lui.

M. le président Thomas Gassilloud. Parmi les autres sujets que nous pourrions aborder figure le pilotage interministériel des questions de défense. Quel est l’avenir de la CIDN (Commission interministérielle de défense nationale) ?

Quelle impulsion souhaitez-vous donner à la journée défense et citoyenneté ?

Enfin, nos 30 000 correspondants défense sont utilisés de manière trop hétérogène alors qu’ils peuvent être des relais utiles dans les communes.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Anne Genetet (RE). Notre environnement stratégique se dégrade, du retour à la guerre de haute intensité à la fragmentation de l’ordre mondial en passant par l’extension des champs de conflictualité et leur hybridité. Dans ce contexte, la notion de résilience, définie dans le Livre blanc de 2008, puis en 2022 dans la stratégie nationale de résilience, est centrale. Les objectifs stratégiques sont les suivants : préparer en profondeur l’État aux crises, développer les ressources humaines et les capacités matérielles permettant d’y faire face, adapter la communication publique aux enjeux de résilience – sur ce dernier point, nos armées pourraient peut-être en faire encore un peu plus.

Mais le principal défi réside dans le fait que l’esprit de défense n’est pas inné. Il doit être cultivé en chaque citoyen, dès le plus jeune âge, pour permettre la défense de la nation par elle-même. Je tiens à souligner le rôle que peut jouer notre jeunesse dans la résilience nationale. Elle est au cœur de vos objectifs d’amélioration de l’attractivité des métiers de la défense, de transmission d’une culture de défense, de développement de la citoyenneté et de contribution à la cohésion de la nation.

Vous avez lancé en 2021 le plan Ambition armées jeunesse, qui permet de proposer diverses formes d’engagement, dont le service national universel (SNU). Ce projet de société est destiné à favoriser le sentiment d’unité nationale grâce aux valeurs communes de citoyenneté, d’engagement et de cohésion. Le 16 janvier dernier, le Président de la République disait même vouloir aller jusqu’à sa généralisation en classe de seconde. Pourriez-vous nous éclairer sur le déploiement du SNU en vue de sa généralisation ? La question m’a été posée en circonscription, au Japon et à Singapour.

Quant à la JDC, la consigne vient d’être donnée de la supprimer à l’étranger. Je vous en supplie, Monsieur le ministre, conservez-la : c’est une question de cohésion nationale. Selon le chercheur Olivier Schmitt, il s’agit de mettre en œuvre la souffrance, la discipline et les rites ; cela pourrait inspirer notre jeunesse.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le rôle de la jeunesse dans la résilience nationale est un sujet de colloque ! J’en viendrai directement aux questions subsidiaires.

Le service national universel relève du Premier ministre, qui en a parlé dans sa déclaration de politique générale. Il y travaille en lien avec la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Le ministère des armées pourra y contribuer, mais n’oublions pas qu’il s’agit de mineurs en classe de seconde.

De mon côté, je souhaite avancer en ce qui concerne la JDC, survivance du service national, avec son recensement dans les communes qui alimente le fichier piloté par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) au sein du ministère des armées. Elle a lieu dans une emprise militaire là où celle-ci existe, ou dans des locaux civils là où on ne peut pas faire autrement. Je ne suis pas pleinement satisfait de son contenu, que les couches accumulées au fil du temps rendent incohérent et éloignent de son rôle, qui doit rester lié aux forces armées. J’ai donc demandé au général de corps d’armée Givre, directeur du service national et de la jeunesse, de me faire des propositions dont les premières pourraient s’appliquer à l’automne de l’année prochaine.

Il s’agit de rafraîchir la JDC, mais aussi d’assumer son rôle d’éveil de la jeunesse à l’organisation des forces armées ; ce n’est pas aux enseignants d’expliquer le fonctionnement du ministère des armées et les différentes carrières. Dès lors que le contribuable paie cette journée par l’intermédiaire du budget que vous votez pour le ministère, il est légitime d’en faire l’occasion non d’enrôler, mais de susciter des vocations. Il me semble en outre possible d’aller au-delà, en incluant par exemple notre histoire militaire récente, et d’imaginer d’autres éléments profitables à notre jeunesse.

La JDC a ceci de bon qu’elle concerne toute une classe d’âge, jeunes filles et jeunes garçons, et est obligatoire sous peine de ne pouvoir s’inscrire à des examens. La tenue du fichier reste également obligatoire, le service national n’étant pas juridiquement supprimé, mais suspendu.

Il est trop tôt pour faire des annonces, mais c’est un chantier auquel je crois beaucoup.

Je vous rassure : la JDC ne sera pas supprimée à l’étranger, même si certains l’ont imaginé.

Mme Anne Genetet (RE). C’est mis en œuvre !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Non, car nous ne l’avons pas validé.

Mme Anne Genetet (RE). L’instruction a été donnée.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Si le ministère des affaires étrangères veut récupérer certaines dépenses du ministère des armées, je m’en réjouis… Mais il n’est pas encore responsable de la JDC.

Mme Anne Genetet (RE). Ce point devra donc être clarifié très vite.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vais faire regarder ce qui a été transmis par le Quai aux Français de l’étranger. En tout cas, il n’est pas question d’une telle mesure. Jusqu’à preuve du contraire, l’expatriation ne rompt pas le lien national et un expatrié ne saurait se soustraire à son obligation de défense nationale. Peut-être des problèmes logistiques se posent-ils, auquel cas je les étudierai. Mais il ne saurait y avoir deux catégories de citoyens vis-à-vis de l’obligation de défense : ce n’est pas ce qui est écrit dans le code de la défense.

M. Laurent Jacobelli (RN). Monsieur le ministre, vous avez prononcé deux mots qui nous sont chers : « souveraineté » et « patriotisme ». J’espère que vous échangez à ce sujet avec M. le Président de la République ; on peut en tout cas se demander si vous avez la même vision des choses, tant il enchaîne, en ce qui concerne la défense de la France, les propos contradictoires, ambigus, cryptiques, voire dangereux. Un jour, Emmanuel Macron se veut défenseur de la paix ; le lendemain, il se rêve en chef de guerre, prêt à « envoyer [s]es mecs à Odessa ».

Sous couvert d’ambiguïté stratégique, c’est une véritable cacophonie macroniste que nous entendons ; elle inquiète jusqu’à nos plus fidèles alliés et, bien évidemment, nos compatriotes – à juste titre, car nous sommes une puissance nucléaire face à une autre puissance nucléaire. Le Président de la République a même osé ouvrir un débat sur le partage éventuel de notre dissuasion nucléaire avec l’Union européenne et les pays qui la composent.

Il nous dit qu’on a mal compris, il nuance ses propos, il revient parfois en arrière. Pour être sûrs de ce qu’il pense, voyons donc ce que pense son entourage. Sa patronne, Mme von der Leyen, n’a de cesse d’affirmer sa volonté obsessionnelle de créer une défense européenne par la mutualisation des moyens. Sa candidate aux élections européennes – elle s’appelle Mme Hayer – répète que la mise en commun de notre arsenal atomique serait une grande idée, défendue en son temps, selon elle, par le général de Gaulle – il faudrait qu’elle se replonge dans un livre d’histoire. Nous touchons là à une véritable ligne rouge. Voilà pourquoi le groupe Rassemblement national demande que soit constitutionnalisée la souveraineté de notre dissuasion nucléaire, mesure qui figurait dans le programme présidentiel de Mme Le Pen.

Monsieur le ministre, entre guerre et paix, souveraineté française et fédéralisme européen, comment gérez-vous cet imbroglio intellectuel, cette schizophrénie permanente au sommet de l’État ? Laisserez-vous en conscience dissoudre nos armées au sein d’une armée européenne, abandonner nos pouvoirs régaliens au profit d’un commissaire non élu et probablement pas français ? Bien plus grave encore, laisserez-vous notre dissuasion nucléaire tomber entre les mains d’on ne sait qui pour faire on ne sait quoi ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vois que les élections européennes sont particulièrement stimulantes pour M. Jacobelli ! En revanche, je ne suis pas sûr d’avoir compris le lien entre votre question et la défense globale, Monsieur le député ; je suis à la disposition du Parlement, bien sûr, mais je suis un homme d’ordre – cela vous rassurera – et je m’attache généralement à respecter l’ordre du jour.

Le Président de la République n’a jamais parlé de partage de la dissuasion nucléaire. Ce qu’il a dit à de nombreuses reprises, c’est que nos intérêts vitaux ont une dimension européenne ; le contestez-vous ?

La plupart de nos voisins sont membres de l’Otan, alliance nucléaire dans laquelle nous jouons un rôle à part : nous ne sommes pas membres du groupe des plans nucléaires, mais notre dissuasion participe à la dissuasion globale de l’Alliance, selon la formule officielle. Il se trouve que ces pays voisins sont en train de réinvestir massivement dans l’armement, pour protéger leur ciel, pour se doter d’un dôme de fer, pour pouvoir réaliser des frappes dans la profondeur… Or vous savez comme moi que l’articulation entre le conventionnel et le nucléaire est un sujet délicat, mais ô combien décisif pour la solidité d’un appareil de défense. C’est vrai pour la France, mais aussi pour l’ensemble du continent européen. Quand le Président de la République dit que nous sommes prêts à débattre avec ces pays qui dépensent beaucoup d’argent public pour acheter des armes – souvent aux États-Unis, vous le rappelez souvent et vous avez raison sur ce point, mais nous cherchons à changer les choses –, il dit qu’il faut tenir compte de la dissuasion nucléaire, certes avant tout américaine, mais aussi de la nôtre. Cela me semble un débat stratégique de bon niveau – que nous pourrions d’ailleurs avoir dans cette commission.

La présidente Le Pen a récemment dit, lors d’un déplacement de campagne, qu’elle considérait que notre dissuasion nucléaire ne concernait que notre territoire. Confirmez-vous ce point ?

M. Laurent Jacobelli (RN). Je suis honoré d’être auditionné par la commission de la défense et d’être invité à répondre aux questions de M. le ministre !

Que le destin de la France soit lié à celui de l’Europe, que leurs défenses soient liées, c’est une évidence. S’il s’agit de dire que la France est une puissance nucléaire et qu’elle a des accords avec ses partenaires européens au sein de l’Otan, il n’y a pas de nouveauté. Mais lorsque le Président de la République ouvre un débat public, c’est souvent avec une idée derrière la tête ; or, je le répète, pour savoir ce qu’il pense, il suffit souvent de s’intéresser à ce que déclarent ses proches.

Je me suis permis de vous interroger car je vous trouvais très silencieux ces derniers temps. Je suis sans doute naïf, mais j’ai cru voir là – peut-être parce que vous vous qualifiez vous-même de gaulliste, peut-être parce que vous parlez plus souvent de souveraineté et de patriotisme que de mutualisation des moyens – un indice du fait que la vision du Président de la République est peut-être plus fédéraliste que souveraine, plus politicienne qu’allant dans le sens de l’intérêt général, et qu’il voudrait dissoudre la France dans l’Union européenne ; dans ce cas, pourquoi ne pas fusionner les armées ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous battez déjà en retraite ! Si vous cherchez un proche du Président de la République en matière militaire, vous l’avez devant vous – c’est une réalité constitutionnelle, entre autres. Et vous êtes là pour le contrôler : le débat a donc lieu au bon endroit.

Vous n’avez pas répondu à ma seconde question. Je ne parle pas d’accords avec nos voisins ! C’est un débat que nous avons eu avec MM. Lachaud et Saintoul. C’est le Président de la République élu par deux fois au suffrage universel – et, selon la personne élue, l’appréciation de ce que sont nos intérêts vitaux peut changer – qui estime que nos intérêts vitaux ont une dimension européenne. Nous ne demandons pas l’accord de nos voisins, en l’occurrence ; nous considérons que nos intérêts vitaux vont au-delà de notre territoire national.

C’est pourquoi j’ai été surpris de la déclaration de Mme Le Pen : c’est sa position qui est en rupture avec celle qu’a adoptée la France, du général de Gaulle jusqu’à Emmanuel Macron. Le général de Gaulle a écrit, dans des instructions aux armées, que ces intérêts vitaux étaient menacés dès lors que le Benelux ou l’Allemagne de l’Ouest pouvaient être attaqués. Le Livre blanc sur la défense nationale de 1972 énonce : « Nos intérêts vitaux se situent sur notre territoire et dans ses approches. » Le président Chirac a parlé d’intérêts vitaux « dans un monde marqué par l’interdépendance croissante des pays européens ». Il y a donc une permanence dans la compréhension de ce que sont nos intérêts vitaux : la dissuasion nucléaire ne concerne pas le seul territoire national.

Vous laissez entendre, par vos déclarations au service de M. Bardella dans cette campagne, que nous bradons la dissuasion nucléaire en voulant la partager. Mais dites-moi quand le Président de la République a dit qu’il partagerait la dissuasion, les armes ou la doctrine ! Ce qui est vrai, c’est que certains pays européens, lorsqu’ils devront bientôt opérer des choix d’armement, ne pourront pas faire comme si nous n’étions pas une puissance nucléaire. Je le dis diplomatiquement, parce que cette audition est publique et que l’affaire est délicate : il y a des choix, en matière de défense sol-air ou de frappe dans la profondeur, qui s’inscrivent dans une stratégie globale entre puissances dotées. Quand Emmanuel Macron déclare, à la Sorbonne, que notre dissuasion nucléaire est un élément incontournable, il veut dire que certains de nos voisins ne peuvent pas l’ignorer quand ils font certains choix capacitaires.

J’espère avoir ainsi remis le débat sur ses rails stratégiques. Je n’ai pas répondu à toutes vos questions parce que je n’ai moi-même pas toutes les réponses au moment où je vous parle ; mais ces problèmes imposent des conversations avec l’ensemble des capitales européennes : au moment où il y a un effort de réarmement, la dissuasion nucléaire doit être intégrée au raisonnement. Puisque nous ne sommes pas dans le groupe des plans nucléaires de l’Otan, nous sommes parfaitement autonomes, mais ce n’est pas pour cette raison que nous n’existons pas ! C’est tout le débat que nous devons avoir avec nos partenaires, et je forme le vœu que les parlementaires l’ouvrent aussi avec leurs homologues, qui se demandent ce qu’ils feront le jour où le parapluie nucléaire américain ne sera plus là. Le Président de la République n’a pas dit que nous mettrions en place un parapluie nucléaire français ; il a rappelé que nos intérêts vitaux avaient une dimension européenne. Nous respectons ainsi une tradition.

Il faut continuer le débat ; vous n’empêcherez ni les think tanks, ni les autres capitales de le nourrir. C’est ce que le Président de la République a proposé à la Sorbonne. Je suis prêt à avoir ce débat avec vous : il n’a rien de médiocre.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous confirme que nos collègues européens nous sollicitent souvent sur ces questions. Je considère pour ma part que nous sommes ici au cœur du sujet de la défense globale.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je ne peux pas ne pas prendre part à ce débat ! Je ne conteste pas le fond des propos du Président de la République, mais leur opportunité. Vous dites qu’il s’inscrit dans la tradition gaullienne, mais la réalité est autre : de Gaulle voit les choses à partir de la France ; vous les voyez à partir de l’Europe. Le Président de la République a dit, en Suède, que le fait de disposer de la dissuasion nucléaire crée une responsabilité à l’égard des autres pays européens : c’est faux, et contradictoire avec la notion d’intérêts vitaux, puisque ceux-ci ne doivent pas être considérés en fonction des autres. Il y a un bougé dans la doctrine, subtil, mais réel.

Vous l’avez dit vous-même : nous sommes dans un contexte de campagne européenne, et si Emmanuel Macron agit de la sorte, c’est pour consolider ses relations, probablement avec les centristes d’Europe de l’Est, afin de constituer éventuellement un groupe majoritaire au Parlement européen.

Il est vrai qu’il y a des sujets à débattre avec nos partenaires, notamment quand certains lancent des projets de bouclier antiaérien dont nous ne sommes pas. C’est un débat qui mérite d’être mené sérieusement, et sans doute discrètement : je ne vous tiens pas rigueur de le faire.

La défense globale a aussi trait au respect de la légalité, de la constitutionnalité et du droit international. À cet égard, je voudrais vous interroger sur notre intervention militaire dans le ciel jordanien. Vous avez tenu des propos et écrit une lettre, mais un peu contradictoires ; j’aimerais donc des précisions.

Dans la nuit du 13 au 14 avril, l’Iran attaque Israël et l’armée française détruit certains projectiles, dont on ne connaît pas exactement la nature, qui survolent le territoire jordanien. Le cadre international est celui d’un accord signé avec la Jordanie, qui précise explicitement que les armées françaises n’ont pas à planifier ni à mener d’opérations de maintien de la sécurité, de l’ordre public ou de la souveraineté. Une opération de police du ciel violerait donc l’accord. Pour que la France intervienne, il fallait l’aval des Jordaniens. Vous dites qu’ils l’ont donné ; pouvez-vous le prouver ?

Si cet accord a été donné, c’est l’article 35 de la Constitution qui doit s’appliquer : nous ne sommes pas là dans la simple continuité de l’opération Chammal. Je vous demande donc de rentrer dans le détail et de nous préciser si l’Iran a pris des mesures de déconfliction qui nous permettaient de savoir si nos bases étaient, ou non, ciblées et si la Constitution a été respectée.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous êtes fort en rhétorique, Monsieur Saintoul, vous m’auriez battu en amphi ! Vous dites que le général de Gaulle regarde depuis la France, nous depuis l’Europe : c’est de la rhétorique ; ce n’est pas vrai. En réalité, l’approche de la dissuasion est la même. Et surtout, vous ne changerez pas la géographie, ni nos voisins immédiats, et surtout pas le voisin de nos voisins immédiats. Nous pourrions avoir un débat – éventuellement non retransmis, pour que la parole soit plus libre – sur ce sujet. Nous pourrions y faire un tour d’horizon, parler de dissuasion conventionnelle comme de la façon dont certaines capitales interprètent ce qui se passe dans la campagne électorale américaine : que se passerait-il si l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord devenait caduc ?

Depuis le vote de la LPM, les points de vue que nous avions exprimés pendant les débats ont plutôt été confortés. Deux nouveautés sont cependant intervenues : les questions sur l’avenir de l’Otan en fonction de ce qui peut se passer à Washington en novembre et la situation au Proche et au Moyen-Orient, y compris dans sa dimension maritime – même si le conflit israélo-palestinien lui-même est ancien.

Encore une fois, je suis prêt à reprendre avec vous ce débat sur la dissuasion nucléaire. Il n’y a pas de grands bougés, ni sur le format, ni sur les composantes, ni sur la doctrine. Une question se pose, qui en général n’intéresse pas le grand public mais dont j’espère qu’elle intéresse les commissaires à la défense : l’articulation entre le conventionnel et le militaire, qui n’est pas sans intérêt pour s’interroger sur les seuils. Voilà un débat qu’il est de notre intérêt d’avoir, en toute clarté, avec nos voisins et partenaires.

En ce qui concerne la Jordanie, la base aérienne H5 est issue de l’opération Chammal, pendant laquelle elle a servi à diverses opérations contre Daech en Syrie et en Irak. Nous disposons d’avions de chasse prépositionnés qui effectuent des missions sur les théâtres de la coalition – Inherent Resolve pour nos alliés ; Chammal pour nous, autorisée par le Parlement à deux reprises. Nous restons discrets, en particulier parce que les Jordaniens nous le demandent. Mais je le dis officiellement ici : les interceptions – en très petit nombre, notamment d’un drone – que l’armée française a réalisées l’ont été en approche de grande proximité de la base H5. Nous étions donc dans le strict cadre de la légitime défense, et nous avons agi avec l’autorisation des Jordaniens. Cela renvoie au régime plus global de la sécurité de nos emprises : chaque base est dotée d’un régime de protection.

Le lendemain, un porte-parole de Tsahal a remercié la France de son concours, ce qui a dû créer de l’émotion chez vous, et peut-être un doute plus global – ce que je respecte.

Les interceptions que nous avons effectuées concernaient des engins venant d’Irak mais surtout d’Iran, qui traversaient le sol jordanien et se dirigeaient vers Israël. Évidemment, ils n’ont pas poursuivi leur chemin jusqu’en Israël. Mais si nous sommes intervenus, c’est avant tout parce qu’ils se dirigeaient vers notre propre base. Je ne peux pas être plus clair et plus précis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Y a-t-il eu des mesures de déconfliction, c’est-à-dire des signaux ou des messages envoyés par des canaux informels, qui laissaient penser que la base ne serait pas ciblée ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous comprendrez que je ne peux pas répondre à cette question.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Comme vous, Monsieur le ministre, je suis un homme d’ordre et je vais essayer de m’en tenir à l’ordre du jour : la défense globale.

Il n’a échappé à personne ici que le nouveau ministre de la défense russe, M. Belooussov, ne vient pas du monde de l’armée mais de celui de l’économie. La question de l’économie de guerre est donc au cœur du sujet.

Nous menons depuis longtemps le combat du financement. Vous avez parlé de passer la seconde ; je ne suis pas loin de penser qu’il faudrait passer la cinquième, voire mettre le turbo. Quelles sont les pistes sur lesquelles nous pourrions avancer rapidement ? J’en vois plusieurs : le livret A ; un fonds d’épargne longue durée comme les fonds Tibi ; la lutte contre certains labels qui excluent le secteur de la défense, quitte à interdire la commercialisation de certains produits financiers ; l’interdiction du terme d’« armes controversées », mal défini – je sais ce qu’est une arme autorisée, je sais ce qu’est une arme interdite, je ne sais pas ce qu’est une arme controversée. Où en sommes-nous dans le combat pour obtenir que la Banque européenne d’investissement (BEI) finance l’industrie de défense, et non pas seulement des activités duales ?

Notre président nous ayant dit que la dissuasion faisait partie de la défense globale, j’y reviens rapidement. J’ai été très intéressé d’entendre La France insoumise réclamer d’un seul coup l’égoïsme national. Il faudrait désormais tout regarder du point de vue français ; si seulement, quand il s’agit du Proche-Orient, on y pensait aussi, au lieu d’importer en France des conflits qui ne sont pas les nôtres !

En ce qui concerne la dissuasion, je vous pose une question qui n’est en rien une suggestion : faut-il réfléchir, maintenant que la menace est à nouveau présente à l’Est, à un nouvel effort en matière de nucléaire tactique, abandonné depuis la fin des Pluton et des Hadès ? L’idée ne serait évidemment pas d’accepter la bataille nucléaire ou de nous engager dans une riposte graduée, mais de s’interroger sur un retour à ce que nous appelions l’« ultime avertissement ».

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le débat entre tactique et stratégique exige que l’on définisse à chaque fois les termes employés. Il m’est arrivé d’entendre sur des chaînes d’information des choses stupéfiantes : l’idée de « petites têtes nucléaires », par exemple

M. Jean-Louis Thiériot (LR). C’est Hiroshima !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout à fait ! Certaines armes tactiques représentent une ou plusieurs fois Hiroshima… Les notions de tactique et de stratégie méritent donc d’être maniées avec les plus grandes précautions, d’autant que, d’un arsenal à un autre, elles peuvent recouvrir des réalités différentes.

La doctrine française refuse l’arme nucléaire comme arme de champ de bataille. L’affaire est entendue sur ce point ; Pluton correspondait à un besoin précis à un moment donné, et l’on a considéré que ce programme n’était plus indispensable à notre dissuasion. Par ailleurs, les capacités présentes à Saint-Christol, sur le plateau d’Albion, ont été démantelées.

Notre doctrine me paraît juste, proportionnée ; elle est strictement défensive, sans être incompatible avec une frappe de rétablissement de la dissuasion, c’est-à-dire une frappe de dernier avertissement. Dans les années 1990, à la différence de nos voisins britanniques, nous avons choisi de conserver deux composantes, ou plutôt deux et demie : la force océanique stratégique (Fost), les forces aériennes stratégiques (FAS) et la force aéronavale nucléaire (Fanu). Il existe donc différents outils que le chef d’état-major des armées peut proposer au Président de la République pour l’exercice de la dissuasion.

Je reste prudent, mais vous comprenez l’esprit.

Quant au financement de l’industrie de défense, ceux qui, au début du mandat européen en cours, dénigraient la production d’armes et votaient pour que la défense ne bénéficie pas de certains mécanismes d’accompagnement se cachent aujourd’hui, ou bien disent absolument le contraire et clament qu’il faut produire plus vite pour donner plus d’armes à l’Ukraine. Il n’y a pas d’armée souveraine sans industrie de défense souveraine ; il n’y a pas de capacités militaires endurantes sans capacités de production endurantes. J’espère que la période que nous vivons depuis deux ans a permis de le comprendre.

En ce qui concerne la BEI, les discussions progressent. Nous avons besoin d’elle pour avancer, et c’est pour cela que je ne suis pas d’accord sur ce point avec les députés du groupe Rassemblement national : je ne vois pas pourquoi la défense se verrait refuser le bénéfice de mécanismes de subvention bienvenus.

Nous progressons aussi sur le dossier des banques. On ne nous parle plus de la réglementation étatique ou supraétatique, communautaire, mais des règlements internes des systèmes financiers ou bancaires. Je connais des petites entreprises qui se voient refuser des financements par une banque de détail bien connue de notre pays – je ne donnerai pas son nom, car nous lui laissons sa chance – parce qu’elles travaillent comme sous-traitantes pour la dissuasion nucléaire et que celle-ci serait une arme « controversée ». C’est un cas pratique : ce n’est ni Bruxelles, ni Paris qui impose cette règle à la banque ; c’est son système interne qui applique un surprincipe de précaution. Pour le moment, j’agis de façon amicale, en allant au contact des organismes bancaires ou financiers concernés ; je n’exclus pas de passer au name and shame, car les Français sont en droit de savoir où ils mettent leurs économies et si leur banque participe au financement de notre industrie de défense, donc de notre capacité souveraine à nous protéger. La finance a aussi une dimension patriotique : on entend beaucoup qu’il faut être souverain et autonome ; cela implique aussi de trouver des sources de financement chez nous. Soyons cohérents.

Je ne rouvre pas le débat au sujet du livret A, mais il est important que les outils classiques de financement de l’économie ne soient pas inaccessibles à des entreprises parce qu’elles travaillent dans le secteur de la défense. Et je n’aborde même pas la dualité et les cas où des banques cessent de financer un programme qui avait commencé comme civil et qui trouve des applications militaires.

Ce n’est pas d’une nouvelle loi ou d’un nouveau décret que nous avons besoin, mais de mener un combat culturel et de toucher les consciences. Au citoyen client de la banque, ensuite, de se faire son opinion.

S’agissant enfin des fonds d’investissement, nous avançons bien. Sans faire de publicité, je pense à Tikehau Capital, par exemple : il existe aujourd’hui des fonds d’investissement qui développent des solutions pour la défense, souvent après avoir commencé par l’aéronautique. Il y a aussi des victoires !

M. Christophe Blanchet (Dem). Dans le cadre de la mission d'information sur le rôle de l'éducation et de la culture dans la défense nationale, nombre de personnes auditionnées ont suggéré de ne plus employer l’expression « lien armée-nation », car elle laisse supposer que l’armée ne fait pas partie de la nation. Qu’en pensez-vous ?

Une partie des réservistes ne se déclarent pas comme tels dans leur entreprise, de peur que cela ne nuise à leur carrière. Ne faudrait-il pas ajouter le statut de réserviste aux vingt-cinq critères de discrimination dans l’entreprise ? Êtes-vous prêt à soutenir la proposition de loi que j’ai déposée en ce sens ?

Le « dernier kilomètre » de la politique de défense globale sera assuré, dans les communes, par les correspondants défense. Comment envisagez-vous leur rôle, en lien avec les délégations militaires départementales (DMD) ? Est-il prévu de leur confier de nouvelles missions, avec les moyens correspondants ? Nous célébrerons dans moins d’un mois les quatre-vingts ans du Débarquement de Normandie, en présence de quelques vétérans, parfois centenaires. À 17 ou 18 ans, ces hommes ont traversé l’Atlantique pour libérer un pays qu’ils ne connaissaient pas, au nom de la liberté. Cet idéal a une résonance dans le contexte géopolitique actuel ; aussi devrions-nous faire de cette commémoration un moment de transmission envers la jeunesse. Je regrette que l’événement ait été programmé un jeudi, pendant le temps scolaire, et que certains départements aient même décidé de supprimer les transports scolaires le jour dit. De fait, seuls 3 % des jeunes Normands y participeront, alors que près de 200 projets pédagogiques ont été menés. Il faudrait au moins permettre aux jeunes de suivre la retransmission de cette cérémonie patriotique internationale. Voilà une occasion manquée. J’ai pourtant alerté tous les ministères concernés depuis un an.

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai prévu d’aborder cette question avec la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Nicole Belloubet. Les quatre-vingts ans du Débarquement constituent une occasion idéale d’exercer notre responsabilité de passeurs de mémoire, à laquelle nous tenons tant. Le sujet n’est pas du seul ressort de l’État, mais relève également du corps enseignant et des collectivités locales – si, dans ma jeunesse, j’ai participé au concours national de la Résistance et de la Déportation, c’est grâce à une professeure d’histoire-géographie. Nous sommes à votre disposition pour faire en sorte que le plus de jeunes possible soient associés à cette commémoration, et pour que les projets pédagogiques soient plus nombreux – quelque 300 ont été labellisés à ce jour. Au-delà du 6 juin, cela vaut pour l’ensemble des commémorations de la Libération qui se tiendront jusqu’en septembre.

Quant au renforcement du lien armée-nation, l’expression a le mérite d’être claire. Dit autrement, il ne saurait y avoir un écart trop grand entre le corps social militaire et le corps social civil qu’il est chargé de protéger – même si les militaires font évidemment partie, eux aussi, du corps social français. Il est indispensable que l’institution militaire entretienne des relations particulières avec la société. Les cérémonies, les journées portes ouvertes ou encore les événements qui ont lieu le 14 juillet sur l’esplanade des Invalides remportent un grand succès ; nous devons continuer d’œuvrer en ce sens.

Un grand travail a été accompli depuis quelques mois s’agissant des réservistes. Notre objectif est d’en compter 3 800 supplémentaires. La tendance est bonne : ils étaient 42 644 au 30 avril 2024, contre 40 000 fin 2023. Nous devrons effectuer 11 800 recrutements cette année, pour compenser les 8 000 départs estimés – car un réserviste sur cinq quitte la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) chaque année. Je suis favorable à la labellisation des entreprises qui accueillent des réservistes ; une convention a été signée avec Renault en la matière. Certaines entreprises veulent montrer l’exemple ; nous devons les aider à mener ce combat culturel. J’ai récemment évoqué, avec le bureau du conseil exécutif du Medef, un dispositif de reconnaissance et d’accompagnement des entreprises prêtes à s’engager en faveur de la réserve. Ce travail doit être mené parallèlement au soutien aux sapeurs-pompiers volontaires : une concurrence entre les métiers de l’uniforme nuirait à l’effort global. En tant qu’employeur, l’État doit aussi montrer l’exemple avec ses fonctionnaires – y compris le ministère des armées avec ses propres civils. Nous continuons d’y travailler et nous vous soumettrons des propositions.

Quant aux correspondants défense, tout dépend du dynamisme local – c’est le lot des institutions très déconcentrées. Quand une délégation militaire départementale est attentive aux correspondants, met à jour leur fichier, organise des échanges entre eux et avec la réserve citoyenne, voire avec la réserve opérationnelle, le dispositif est vivant et porte ses fruits. Dans les départements où le dispositif est faiblement animé, les correspondants ont le sentiment de détenir une responsabilité quelque peu virtuelle. J’ai demandé qu’on recentralise partiellement ce sujet, ne serait-ce que pour disposer d’un fichier à jour des correspondants défense, afin de pouvoir communiquer avec eux et d’organiser des visioconférences. L’animation des correspondants défense au quotidien restera bien évidemment de la responsabilité des DMD.

M. Pierre Henriet (HOR). Je souhaite vous interroger sur les enjeux de la défense en matière économique, et sur l’implication du ministère des armées dans la politique commerciale de notre pays. Pour la cinquième année consécutive, la France a été la première destination des investissements étrangers en Europe. À l’occasion du sommet Choose France, des entreprises du monde entier – européennes, japonaises, américaines, chinoises… – ont confirmé leur volonté d’implanter des projets dans notre pays. Si cette ouverture économique est une chance pour notre innovation, nos emplois et l’interopérabilité de nos systèmes, nos exportations peuvent nuire à notre souveraineté et présenter des risques d’espionnage industriel.

Le ministère des armées s’implique-t-il dans la politique commerciale de la France ? S’efforce-t-il d’orienter certains investissements étrangers vers l’industrie de défense ? Quels moyens peuvent être déployés pour renforcer la lutte contre l’espionnage des industries de défense ? Comment sécuriser les implantations d’entreprises issues de pays dits rivaux systémiques de la France ? Des entreprises étrangères pourraient-elles, par exemple, relever de l’article 42 de la loi de programmation militaire de 2023, ce qui obligerait les anciens militaires qu’elles recruteraient à le déclarer préalablement à vos services ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’article 42 produit déjà un effet dissuasif. J’ai également pris quelques mesures individuelles, par précaution. Nous devons poursuivre un travail de pédagogie, car la plupart des militaires qui sont démarchés par de telles entreprises n’en connaissent pas nécessairement les tenants et les aboutissants.

Comment être attractifs, exporter et attirer des financements vers notre base industrielle et technologique de défense, sans perdre le contrôle ni se faire espionner ? Tout d’abord, il n’y a pas de lien entre l’investissement capitalistique et l’espionnage : on peut espionner sans investir. Les préoccupations de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), chargée du contre-espionnage, sont d’une autre nature. Actuellement, le risque réside plutôt dans les sabotages que dans l’espionnage. Les entreprises qui nous fournissent doivent comprendre qu’il leur faut investir dans la protection des armes qu’elles produisent, et que certains comportements qui dérogent au secret-défense doivent être punis.

L’appréciation des investissements étrangers dépend des entreprises visées. Que produisent-elles ? Quelle est la part de leur production militaire par rapport à leur production civile ? Touchent-elles à la dissuasion ? Certaines entreprises françaises ne peuvent pas recevoir le moindre euro d’argent étranger ; d’autres peuvent sans difficulté avoir une part minoritaire de capitaux étrangers ; dans d’autres encore, cette part peut être majoritaire, sous certaines conditions – une minorité de blocage accordée à l’État, par exemple.

Par le passé, les investissements militaires tiraient vers le haut les investissements civils – songez à internet. Désormais, ce sont les innovations civiles qui stimulent les innovations militaires : les drones en témoignent. Des objets militaires arriveront sur le marché après avoir connu un développement industriel capitalisé, loin de la culture souveraine de naguère. Nous devons nous y préparer.

Mme Valérie Rabault (SOC). Ce week-end, Le Monde a publié un article intitulé « Metoo : les soldates parlent, l’armée esquive ». En voici un extrait : « Ailleurs, sur la base aérienne d’Évreux, Naomie croise “tous les jours” le militaire condamné le 19 mars à dix mois de prison avec sursis par le tribunal judiciaire de Lille pour l’avoir agressée sexuellement alors qu’elle rentrait d’une séance de sport […]. “On mange dans la même cantine. C’est très stressant […].” » Les faits terribles relatés dans cet article semblent être étouffés par une omerta et une absence de réaction des plus haut gradés. Qu’allez-vous faire pour y remédier ? Vous avez tenu un discours très ferme début avril sur le sujet. Au-delà, quelles mesures avez-vous prises pour que ces situations ne se reproduisent pas ?

Sur les 10 milliards d’euros d’annulations de crédits prévues par le décret du 21 février 2024, 105 millions concernent les dépenses de personnel du ministère des armées, soit 1 % de la masse salariale du titre 2 hors pensions. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Dans son analyse de l’exécution budgétaire 2023 relative à la mission Défense, la Cour des comptes indique que « le schéma d’emplois a connu une forte dégradation pour la deuxième année consécutive (- 2 515 ETP réalisés contre + 1 547 ETP en loi de finances initiale) ». Si les nouveaux postes peuvent être pourvus, la fidélisation du personnel est plus problématique. Ce recul du schéma d’emplois n’est pas propice à servir l’ambition que vous affichez, et que nous soutenons. Avez-vous des précisions à nous apporter ?

L’Ukraine a absolument besoin d’un système de défense antiaérien, à l’heure où la Russie mène une rude offensive sur Kharkiv. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, est actuellement en Ukraine. La France et les pays de l’Otan renforceront-ils la défense antiaérienne de ce pays ?

Enfin, je soutiens votre proposition relative aux financements des activités de défense par les banques, mais veillons à ne pas imposer d’injonctions contradictoires : il se peut que le financement du matériel militaire soit exclu par certaines régulations bancaires.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Les faits relatés par la presse sont bouleversants, même si de nombreux éléments de l’article du Monde sont inexacts. Pour autant, le problème existe. J’ai adressé une instruction à l’ensemble des armées pour répondre en urgence à deux préoccupations majeures, sans attendre le compte rendu de l’inspection générale des armées.

Premièrement, la parole de la victime doit être prise en compte, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme – car certains faits concernent des personnes homosexuelles. Quand quelqu’un fait état d’une agression sexuelle ou d’un viol, il est hors de question que le doute s’abatte sur sa parole. C’est un point clé. J’ai tenu à ce que l’inspection soit menée par le général Bruno Jockers, un gendarme, et par la médecin générale des armées Sylvie Perez. Ces officiers généraux ne sont pas sous l’autorité d’un chef militaire, mais du ministre. Le duo gendarme-médecin sera un gage d’objectivité. Le secret médical facilitera la parole et aidera à s’émanciper d’une logique hiérarchique pouvant freiner les témoignages. J’attends beaucoup de cette mission.

Deuxièmement, la sanction disciplinaire ne doit en aucun cas se substituer à la réponse pénale. Dans la plupart des situations portées au jour, on semble avoir considéré que quelques jours d’arrêt valaient punition. C’est inadmissible. La discipline militaire s’exerce par délégation de compétences du ministre, et un chef de corps ou d’état-major – pas plus que le ministre – n’est ni procureur de la République, ni juge d’instruction, ni officier de police judiciaire. L’instruction que j’ai diffusée rappelle qu’en application de l’article 40 du code de procédure pénale, quiconque a connaissance d’un crime ou d’un délit présumé doit saisir l’autorité judiciaire. C’est à elle seule qu’il revient d’établir les faits, d’engager des poursuites et de décider d’un classement sans suite.

Nous devons analyser finement la situation, car – contrairement à ce que certains voudraient faire croire pour jeter l’opprobre sur l’institution militaire – le problème n’est pas systémique. J’ai rencontré des membres de la cellule Thémis, chargée de lutter contre les violences et le harcèlement sexuels au sein du ministère, et je recevrai prochainement des victimes ayant quitté l’institution ou portant encore l’uniforme. Il s’avère que les faits répondent à une géographie particulière, liée soit à la personnalité de certains commandements, soit à des cultures locales. L’inspection générale devra identifier les lieux où des manquements graves se sont produits.

Je prends ce sujet très au sérieux. Quand on porte l’uniforme, on a plus de devoirs que de droits ; on est un tiers de confiance dans l’organisation sociale. Si nos concitoyens aiment nos soldats, c’est aussi parce qu’ils sont porteurs d’une morale et d’un code de l’honneur. Nous devrons traiter ce sujet avec précision, sans abîmer la présomption d’innocence ni jeter l’opprobre sur l’ensemble de l’institution. Rendons hommage à Florence Parly, qui a mené un important travail dans ce domaine. Je n’oublie pas les parlementaires. Nos travaux s’appuient largement sur le rapport d’information de Bastien Lachaud et Christophe Lejeune relatif à l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des forces armées. La présidente de la délégation aux droits des femmes, Véronique Riotton, y est associée, de même que Laetitia Saint-Paul, qui connaît les forces et s’est exprimée de nombreuses fois sur ce sujet dans la presse.

Je vous propose d’aborder les questions de budget et d’emploi lors de la séance qui sera consacrée à ces sujets en juin. Nous y évoquerons l’ajustement annuel de la programmation militaire.

J’ai apporté des réponses sur le financement bancaire des activités de défense.

J’en arrive à l’Ukraine. La situation est tendue sur la ligne de front. Les armées russes cherchent à profiter de temps de latence qui précède l’arrivée d’une nouvelle aide américaine. Nous constatons une érosion de 20 kilomètres carrés par semaine en moyenne ; ce n’est pas spectaculaire, mais cela ne va pas dans le bon sens. La France maintient ses deux grandes priorités : d’une part, la protection du ciel – du champ de bataille aux populations civiles –, c’est-à-dire la défense sol-air dans toutes les couches ; d’autre part, les équipements terrestres destinés à la ligne de front. Je viens de signer un deuxième lot de missiles Aster pour que les systèmes sol-air de moyenne portée terrestre (SAMP/T) que nous avons donnés à l’Ukraine avec nos partenaires italiens continuent à fonctionner. Il s’agit d’intercepter des missiles russes pouvant s’en prendre à Kiev. Nous nous attachons, avec MBDA, à restaurer des missiles afin de redonner des équipements à l’Ukraine sans affecter nos stocks.

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). Je reconnais votre fibre gaulliste dans votre appel au patriotisme de chacun dans la défense globale, mais s’il revenait bien à chaque citoyen de participer à la défense nationale dans le modèle du général de Gaulle, la doctrine était à l’époque claire et le Général l’exposait ainsi : « La défense de la France doit être française. » Voilà pourquoi Charles de Gaulle avait choisi de sortir notre pays du commandement intégré de l’Otan, refusé l’alignement derrière les États-Unis et déployé une politique de dissuasion nucléaire exclusivement nationale et placée sous la seule autorité du Président de la République. La situation actuelle est fort différente : la politique étrangère de la France est totalement alignée sur celle des États-Unis, notre pays a réintégré toutes les instances de l’Otan, le service national et l’armée de conscription ont été supprimés, enfin, la privatisation de l’industrie d’armement a contraint les entreprises nationales à vendre des armes à l’étranger pour pouvoir en produire. Je déplore ces évolutions.

Je suis en revanche totalement favorable à l’établissement d’une autonomie stratégique européenne, car notre famille politique souhaite l’émancipation de la France par rapport aux États-Unis et à l’Otan ; encore faut-il s’en donner les moyens et travailler à l’élaboration d’un traité de sécurité collective et à la définition d’une politique européenne en la matière. Hélas, nous prenons le chemin opposé en proclamant notre souhait de bâtir une armée et une défense européennes intégrant l’arme nucléaire : nous avons compris que le Président de la République était prêt à un tel abandon de souveraineté, mais il vous reviendra une nouvelle fois, après les propos sur l’envoi de troupes en Ukraine, de pratiquer l’exégèse des déclarations présidentielles. Avant d’abandonner notre propre dissuasion nucléaire, il faut connaître la politique au service de laquelle ce renoncement sera décidé et s’émanciper des États-Unis – vous l’avez d’ailleurs dit vous-même : le président qui sera élu pourrait bien décider de ne plus aligner les États-Unis sur l’Europe.

L’élaboration d’un traité de sécurité collective et la définition de l’orientation politique de l’Union européenne en matière de défense sont des tâches complexes, surtout lorsque les dirigeants de certains pays disent vouloir envoyer des troupes jusqu’à Moscou pour régler le conflit en Ukraine, quand d’autres refusent toute perspective de cobelligérance même s’ils acceptent de soutenir militairement l’Ukraine. Il est déjà difficile d’arrêter une politique, donc ne parlons même pas de bâtir une armée. Qui la dirigerait ?

Je dénonce les propos du Président de la République sur l’abandon de la dissuasion nucléaire à une armée européenne de défense.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Dénoncer des propos que le Président de la République n’a pas tenus est une démarche soviétique, Monsieur le député. Le sujet de la dissuasion nucléaire mérite gravité et sérieux. Vous pouvez être en désaccord avec le Président de la République, mais ne lui faites pas dire ce qu’il n’a pas dit. Il n’a parlé ni de partage, ni d’abandon de la dissuasion ; je suis choqué d’entendre Mme Le Pen qualifier le Président de la République de traître.

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). Le Président de la République a dit que la défense européenne pourrait comprendre l’arme nucléaire.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est déjà le cas, par le biais de l’Otan. Vous faites partie de la commission de la défense, vous devriez savoir que les pays européens sont membres de l’Otan, qui est une alliance nucléaire. Je respecte votre désaccord sur le sujet, mais vous ne pouvez pas tordre les faits : l’emploi de la bombe française est exclusivement du ressort de notre pays et celui des armes nucléaires qu’abritent certains pays de l’alliance répond au système de la double clef. Ce n’est pas parce que nous sommes en campagne pour les élections européennes qu’il faut faire semblant de découvrir ce qui existe depuis quarante ans. Des pays européens se posent la question du devenir du parapluie nucléaire américain : devons-nous leur interdire de s’interroger ?

Le Président de la République n’a parlé ni de partage, ni de double clef, ni de parapluie nucléaire ; en revanche, il a affirmé que tout le monde devait considérer que notre dissuasion nucléaire existait et était incontournable. Il a proclamé, dès son premier quinquennat dans un discours à l’École de guerre, la dimension européenne de nos intérêts vitaux et il répète, pour l’expliquer, cette vérité compte tenu de la situation en Europe – il continuera d’ailleurs de le faire après le scrutin du 9 juin, cette échéance n’influençant d’aucune manière ce genre d’interventions. Vous pouvez détourner les propos du Président de la République pour faire de la politique, mais une telle attitude ne sert ni l’appareil de défense, ni les intérêts de notre pays. Nous pourrons avoir un débat approfondi sur la dissuasion nucléaire, vous savez que j’y suis prêt et que je me tiens à la disposition de la commission, Monsieur le président.

Il ne me semble pas que la visite du Président de la République en Chine il y a quelques mois et celle de son homologue chinois en France il y a quelques jours marquent un alignement total de Paris sur Washington. Vous ne pouvez pas dire que la diplomatie française est totalement alignée sur les positions américaines, car ce n’est pas vrai : nous venons de raccompagner le président de la République populaire de Chine à l’aéroport. Personne ne peut nier les très importants efforts diplomatiques de notre pays pour créer une troisième voie et refuser la logique des deux blocs ; d’ailleurs, tous les pays le reconnaissent : au Vietnam et en Indonésie, où je me suis rendu, mais également à Singapour où était la députée Genetet, les dirigeants ont salué la recherche d’équilibre de la France. Vous pouvez nous reprocher de ne pas aller assez loin, mais vous ne pouvez pas nous accuser d’être totalement alignés sur Washington.

Vous prétendez que la privatisation de l’industrie de la défense la contraindrait à exporter, mais les arsenaux soviétiques exportaient beaucoup d’armes, donc il n’y a pas de lien entre la propriété et la politique commerciale en matière de défense. Comme vous le savez, nos exportations d’armes obéissent à des règles très strictes et elles contribuent à notre souveraineté. Pour être autonome, il faut vendre des armes à l’étranger, donc soyez cohérent, vous qui vous faites le chantre de l’indépendance. Refuser ces ventes tout en restant autonome supposerait un triplement du budget de la défense : l’entretien de chaînes de montage d’arsenaux uniquement dédiés à satisfaire les besoins nationaux requerrait une loi de programmation militaire de 1 000 milliards ou de 1 500 milliards d’euros et non de 413 milliards. Le triplement du budget des armées pourrait être une proposition intéressante du parti communiste français !

Vous faites preuve de cohérence : puisque vous êtes opposé à la dissuasion nucléaire, vous vous inscrivez dans une logique de dissuasion conventionnelle reposant sur la possession de 2 000 chars et le maintien d’une armée de conscrits de 1, 2 ou 3 millions d’hommes pouvant être massés le long de la frontière. C’est un modèle d’armée différent, qui n’est pas le mien.

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). La dissuasion nucléaire n’empêche par le Président de la République d’envisager l’envoi de troupes en Ukraine.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le député, ou plutôt Monsieur le Secrétaire national, car vous parlez comme un chef de parti en campagne et non comme un membre de la commission de la défense, vous savez parfaitement que nos capacités expéditionnaires n’ont rien à voir avec le service militaire et la professionnalisation des armées.

Mme Patricia Lemoine (RE). Vous avez souligné avec raison l’importance de définir la place du soldat dans notre société. Il me paraît tout aussi fondamental de déterminer celle du citoyen et, plus largement, celle des acteurs locaux, entreprises comme associations, dans la déclinaison de la politique de défense dans les territoires. À cet effet, vous nous avez fait part de votre volonté de renforcer le lien entre les forces armées et leur territoire d’implantation, en encourageant les commandants de base à établir des conventions partenariales avec les élus locaux.

En tant que rapporteure de la mission d’information sur la défense et les territoires, dont les conclusions seront présentées le 22 mai prochain, je ne peux que saluer cette initiative. Cette dernière est en effet essentielle pour les militaires, car la fréquentation des forces vives des territoires leur ouvre l’accès à de nouvelles ressources, et décuple leur capacité à agir ; elle est tout aussi primordiale pour les acteurs locaux, dans la mesure où la proximité qui se construit avec ces unités concourt directement au renforcement du lien entre les armées et la nation.

Pourriez-vous préciser le contenu de ces conventions ?

M. Jean-Charles Larsonneur (NI). Le remplacement de Sergueï Choïgou, qui vient de passer douze ans à la tête du ministère de la défense russe – je vous souhaite la même longévité, Monsieur le ministre – par Andreï Belooussov m’inspire, comme le collègue gaulliste Thiériot, des réflexions sur la profondeur industrielle dont l’Europe et la France ont besoin. Les Américains utilisent le concept intéressant de dissuasion économique – ou economic deterrence –, que l’on pourrait décliner en dissuasion industrielle.

J’aimerais évoquer notre aide à l’Ukraine et nos capacités de production. Où en sommes-nous des munitions devant être livrées par la Facilité européenne pour la paix (FEP) ? Parviendrons-nous à fournir le premier million d’obus ? Y aura-t-il un deuxième million ? Nous avons livré trente camions équipés d’un système d’artillerie (Caesar) alors que nous devons en fournir soixante-dix-huit dans le cadre de la coalition « Artillerie pour l’Ukraine » : là aussi, quelles sont les perspectives ?

M. Frank Giletti (RN). Dans la série des coopérations industrielles avec l’Allemagne qui ne nous déçoivent jamais, je demande l’énième épisode, qui met en scène la constellation d’infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite (Iris2), dont la concrétisation risque d’être ralentie par Berlin. Nous avons appris dans la presse que le projet était trop coûteux, trop français et trop ouvert aux start-up aux yeux de notre voisin allemand. Cela nous rappelle le contexte du développement de la fusée Ariane, dont nous connaissons l’aboutissement.

Pouvez-vous nous apporter des garanties sur le respect du calendrier de lancement des moyens d’action dans l’espace prévu par la LPM ? Alors que nous constatons un nouveau déséquilibre entre la France et l’Allemagne dans la volonté d’aboutir rapidement à un projet commun, pouvez-vous nous faire part de l’avancée des discussions sur ce dossier, crucial pour l’avenir de notre défense spatiale ? Je rappelle que lors de l’examen de la LPM, le groupe Rassemblement national a évoqué l’importance de doter rapidement la France d’un troisième satellite Syracuse 4, perspective rejetée au profit du projet européen Iris2.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Le 5 avril dernier, la France s’est abstenue lors de l’adoption d’une résolution du Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU appelant à appliquer un embargo sur toutes les ventes d’armes à destination d’Israël. Pourquoi ne soutenez-vous pas une telle mesure, comme l’ont fait certains de nos alliés, dans un contexte où les violations constantes du droit international par Israël sont unanimement condamnées par la communauté internationale ?

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). Monsieur le ministre, vous avez visité en avril, avec le Président de la République, le site d’Eurenco à Bergerac, en Dordogne. Ce déplacement fut l’occasion de plaider pour l’accélération du passage de l’économie française en économie de guerre, transition nécessaire au recouvrement de notre souveraineté dans les secteurs stratégiques.

Notre capacité à augmenter la production des ressources critiques pour la France et l’Europe semble essentielle dans le contexte géopolitique actuel. À ce titre, 500 millions d’euros seront investis dans l’entreprise Eurenco. Cette décision dessine une perspective de création d’emplois à Bergerac et dans ses environs, qui représente un formidable défi en termes de formation et de requalification des compétences. Quel rôle jouera le ministère des armées dans l’accompagnement des jeunes qui se tourneront vers l’industrie de défense ?

M. Mounir Belhamiti (RE). Lors de votre dernière audition, nous avions évoqué la douzième place de la France dans le classement de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale (IfW Kiel) portant sur l’aide militaire à l’Ukraine. Notre pays est désormais troisième : quelles sont les raisons de cette progression ? Ne serait-il pas pertinent de créer un nouveau classement français ? Dans cette optique, avez-vous noué des contacts avec des think tanks pouvant effectuer cette tâche ?

Mme Anna Pic (SOC). Nous débattons depuis un moment de questions de doctrine portant sur la stratégie, l’autonomie, la dissuasion et l’intégration européenne. Vous avez proposé d’approfondir ces discussions dans un autre cadre, peut-être à huis clos : ces sujets sont importants et nécessitent certaines précisions de votre part, surtout lorsque l’on constate l’écart entre la tribune de Bernard Guetta, appelant à l’alliance entre deux puissances pour redéfinir l’Otan, et votre doctrine gaullienne sur l’autonomie stratégique.

Mme Christelle D’Intorni (LR). La Nouvelle-Calédonie connaît depuis hier soir une flambée de violences inquiétante, la plus forte depuis des décennies : incendies, pillages, destruction de commerces et de biens privés, exactions diverses, tirs à balles réelles, exfiltration de certains habitants. Je tiens à exprimer mon soutien aux plus de cinquante membres des forces de l’ordre qui ont été blessés, certains gravement.

Nous connaissons tous le potentiel explosif de ce territoire très éloigné de la métropole, dont témoignent les tragiques événements de la fin des années 1980. Devant la gravité de la situation, le Gouvernement a décrété le couvre-feu et annoncé l’envoi immédiat de renforts sur place, lesquels mettront quelques jours à arriver à Nouméa.

Selon le site du ministère des armées, 1 650 militaires et civils de la défense sont stationnés en Nouvelle-Calédonie ; parmi les différentes missions qui leur sont confiées figure celle de conduire des opérations de secours d’urgence. Pouvez-vous nous indiquer comment les forces armées sont intégrées au dispositif déployé sur place pour assurer la sécurité des biens et des personnes ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame D’Intorni, les forces armées de Nouvelle-Calédonie sont des forces de souveraineté : l’essentiel de leur mission consiste à garantir notre souveraineté dans la zone économique exclusive (ZEE) autour de l’archipel. Elles sont stationnées sur la base navale et la base aérienne de La Tontouta ; en outre, un détachement important de l’armée de terre est présent : il est composé, entre autres, d’un régiment de SMA. Beaucoup de troupes de marine assument aussi des fonctions de formation des forces armées des pays de la région. Les forces armées assurent par définition la protection de leurs propres emprises ; elles n’ont pas vocation à agir comme forces de sécurité intérieure. J’y avais veillé lorsque j’étais ministre des outre-mer au moment des deuxième et troisième référendums et j’y veille aujourd’hui, conformément à notre droit. On ne peut donc pas sous-entendre que les forces armées joueraient un rôle différent de celui qui leur est assigné.

Madame Pic, je n’ai pas lu la tribune de M. Guetta, mais je suis, me semble-t-il, ministre des armées, du moins jusqu’à la prochaine motion de censure du Gouvernement que vous ne manquerez pas de voter. C’est moi qui vous rends compte de ce que nous faisons. Cela me semble de bonne politique, même s’il est normal que des sensibilités différentes se fassent entendre et débattent – ce n’est pas à une députée socialiste que je vais apprendre que des positions divergentes peuvent s’exprimer en matière de défense au sein d’un parti. En outre, les vérités ne sont pas éternelles, surtout dans un contexte stratégique mouvant comme celui que nous connaissons.

Monsieur Belhamiti, nous sommes en effet troisième dans le classement actualisé de l’IfW Kiel, avec la FEP. Je n’attache pas une grande importance à ce classement, même lorsqu’il nous est favorable. Il ne repose en effet que sur des déclarations de fourniture de matériel militaire à l’Ukraine et non sur des livraisons effectives ; ainsi, nous avons grimpé de plusieurs places parce que nous avons publié certaines de nos livraisons récentes sur notre site internet – je m’en réjouis, ne serait-ce que pour faire taire celles et ceux qui nous reprochaient de ne pas aider suffisamment l’Ukraine. Autre aspect de l’imperfection de ce classement, l’efficacité militaire du matériel donné n’est pas prise en compte. Or la mesure de l’efficacité d’un missile Scalp (système de croisière conventionnel autonome à longue portée) ou Aster doit-elle reposer sur son prix ou sur son utilité sur le champ de bataille ? Au début de la guerre en Ukraine, j’ai assisté à des discussions surréalistes entre ministres de la défense, dans lesquelles certains valorisaient leur aide au poids. L’évaluation qualitative est la plus importante, cette dimension rejoignant la question de la présidente Rabault : à nous d’être au rendez-vous sur les segments militaires sur lesquels les Ukrainiens nous attendent. Enfin, le volet de la formation est décisif, surtout pour une armée de conscription.

Monsieur Cubertafon, je vous remercie de votre accueil à Bergerac ainsi que de la bienveillance avec laquelle vous avez entouré le projet d’Eurenco. Nous l’avons évoqué avec les élus locaux, la Dordogne va devoir relever un immense défi dans le domaine de la formation et de la mobilité professionnelle, avec l’aide des missions locales. Une crise de croissance, liée au remplissage des carnets de commandes – même s’il y a toujours des gens pour dire qu’ils ne sont pas assez fournis –, se dresse devant nous. La fidélisation est un sujet important, car les techniciens, les ouvriers et les ingénieurs formés et compétents font l’objet de sollicitations de la part d’autres secteurs, même si c’est plutôt Eurenco qui aspire les talents en Dordogne. Nous devons nous saisir de ces questions avec le conseil régional – son président, Alain Rousset était présent lors de notre visite –, les comités d’agglomération et le préfet, qui est très engagé dans le projet. La présence de 200 salariés supplémentaires à Bergerac représente à la fois une bonne nouvelle et un défi à relever dans la durée.

Monsieur Bex, nos alliés qui ont voté la résolution exportaient des armes en direction d’Israël et ont décidé de cesser de le faire, alors que nous avons choisi depuis longtemps de ne pas en exporter. Je ne comprends pas pourquoi vous laissez entendre que nous vendons des armes à Israël : nous n’exportons pas d’armes vers ce pays ! Je ne sais pas dans quelle langue il faut le dire. Nous exportons des composants et des roulements à billes pour le dôme de fer afin d’aider Israël à protéger ses citoyens des tirs de roquettes, mais nous ne vendons pas d’armes à Israël. On abîme l’image de notre pays dans le monde en répandant des contrevérités et en suggérant que nous ne disons pas la vérité. Je ne remets pas en cause votre bonne foi, je vous connais bien et je respecte votre militantisme, mais maintenant que je vous ai répondu clairement, je vous demande, surtout après avoir déjà écrit à Mme Panot, de ne pas faire accroire que la position française serait ambiguë. Vous pouvez contester la vente de roulements à billes pour le dôme de fer – nous ne serons pas d’accord sur ce point –, mais vous ne pouvez pas dire que Tsahal emploie des armes à Gaza qui comprendraient des composants français. Je l’ai écrit à la présidente de votre groupe parlementaire, donc n’entretenez plus de polémiques car celles-ci font du mal à notre pays. J’en appelle à votre bonne foi sur le sujet.

Monsieur Giletti, je ne peux pas trop m’appesantir sur le programme Iris2 car des discussions sont en cours, notamment sur le prix et le choix des industriels. Nos entreprises sont plutôt bien positionnées et nous devons les accompagner dans le cadre d’un dialogue franc avec l’ensemble de nos partenaires, y compris allemands. Nous ne déplorons aucun retard à ce stade, mais ma préoccupation principale tient davantage au respect du calendrier d’Ariane 6 qu’aux constellations et aux satellites. L’accès à l’espace nous intéresse davantage que les appareils à y lancer, car, dans ce domaine, les carnets de commandes européens et français sont bien fournis.

Monsieur Larsonneur, les choses avancent bien sur le plan des munitions : l’initiative tchèque suit son cours et la production de Caesar permet d’effectuer des livraisons mensuelles en lien avec nos partenaires : je laisse les pays concernés annoncer le déploiement de ces canons puisque ce sont eux qui les financent ; un pays du nord de l’Europe a décidé d’en acheter six à KNDS France pour les donner à l’Ukraine. Nous assurerons le suivi de ces livraisons et parviendrons à remplir nos objectifs en matière d’artillerie grâce au site de Bergerac et au recyclage de munitions obsolètes de TRF1. Nous n’acheminons pas autant de munitions de 155 millimètres que nous le souhaiterions, mais nous avons quadruplé nos livraisons, lesquelles n’atteignaient que 1 000 pièces par mois au début de la guerre ; la quantité va encore augmenter, le plus important étant d’assurer des fournitures régulières – d’ailleurs, nous essayons de donner de la visibilité à nos amis ukrainiens car il n’est pas de bonne politique de leur donner beaucoup d’armes en une fois puis de cesser toute livraison pendant des mois.

Madame Lemoine, la signature de conventions entre les bases militaires et les élus locaux obéit au volontariat : j’ai écrit aux acteurs concernés pour leur préciser que je me refusais à faire de ces partenariats une obligation. L’esprit, pour les élus locaux – notamment ceux des collectivités de proximité –, est d’accompagner au mieux la population d’une base aérienne, d’un laboratoire de la direction générale de l’armement (DGA) ou d’un régiment, ces personnes ayant, par définition, des besoins particuliers : crèches, infrastructures sportives... Lorsque j’étais maire et président du conseil départemental de l’Eure, je me suis rendu compte que l’armée de l’air et de l’espace ne me demandait jamais rien pour les aviateurs de la base aérienne ; or, au moment des prises d’armes, des familles m’interpellaient pour me faire part, par exemple, de leur problème à inscrire leurs enfants à l’école. Il faudrait créer des guichets uniques chargés des différents aspects de l’installation et de la vie des familles de militaires ; cela serait utile pour gérer la situation des blessés et les questions relatives à l’emploi des conjointes et des conjoints. L’idée est de bâtir un petit tronc commun, à charge pour les collectivités territoriales de développer les projets qui leur paraissent importants, par exemple en matière de réservation de logements. Rien n’est obligatoire, il ne s’agit en aucun cas d’un transfert de charges du ministère des armées vers les collectivités locales ; celles-ci ont besoin de visibilité de la part du ministère des armées pour accompagner le public militaire, lequel est soumis à des sujétions particulières. Aucune alerte ne m’a été remontée jusqu’à présent car le déploiement des conventions se déroule dans un bon état d’esprit, notamment au sein des comités de suivi animés par le préfet et le DMD.

 

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La séance est levée à dix-huit heures quarante.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Benoît Bordat, M. Yannick Chenevard, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Christelle D'Intorni, M. Olivier Dussopt, Mme Martine Etienne, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Pierre Henriet, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Gisèle Lelouis, Mme Patricia Lemoine, Mme Murielle Lepvraud, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), Mme Michèle Martinez, M. Frédéric Mathieu, Mme Lysiane Métayer, Mme Anna Pic, Mme Valérie Rabault, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Denis Bernaert, M. Frédéric Boccaletti, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Cyrielle Chatelain, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. François Piquemal, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Mikaele Seo, Mme Sabine Thillaye

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Philippe Ardouin