Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Examen de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile (n° 1322) (M. Éric Ciotti, rapporteur)                            2

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à abroger l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure (n° 1553) (M. Thomas Portes, rapporteur)                            

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics (n° 1773) (Mme Danièle Obono, rapporteure)                             53


Mercredi
29 novembre 2023

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2023-2024

Présidence
de M. Sacha Houlié,
président, puis de Mme Caroline Abadie, vice-présidente


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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission examine, la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile (n° 1322) (M. Éric Ciotti, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/lPtB57

M. le président Sacha Houlié. La proposition de loi constitutionnelle que nous examinons ce matin a été déposée le 2 juin 2023 sur le bureau de l’Assemblée nationale par M. Olivier Marleix, M. Éric Ciotti, Mme Annie Genevard et plusieurs de leurs collègues. Elle est inscrite en deuxième position à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe Les Républicains, le jeudi 7 décembre.

Notre commission est saisie de quarante et un amendements, qui n’ont fait l’objet d’aucun contrôle de recevabilité par le président, puisqu’il s’agit d’amendements constitutionnels.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Notre commission débat depuis quelques jours du projet de loi sur l’immigration mais, en la matière, tout se joue avec la présente proposition de loi constitutionnelle. Elle fournit, à mon avis, les réponses les plus adaptées pour mettre un terme à une immigration de masse, qui pose de plus en plus de difficultés à notre nation.

Notre pays fait face à une immigration massive et incontrôlée. En dix ans, le nombre d’étrangers légaux présents sur le territoire national a augmenté de 1,2 million. Le nombre total de permis de séjour vient de dépasser 3,7 millions, alors qu’il n’était que de 2,5 millions en 2012, lorsque Nicolas Sarkozy a quitté l’Élysée. Les flux migratoires s’accélèrent et s’intensifient. À cet égard, l’année 2022 aura battu tous les records, avec 320 000 premiers titres de séjour accordés, soit une augmentation de 70 % en dix ans.

Les demandes d’asile ont, elles aussi, explosé : 168 699 en 2022, contre moins de 40 000 au début des années 2000. À ces données concernant l’immigration légale, il faut ajouter celles de l’immigration illégale, dont les chiffres, par définition, sont difficiles à établir. Le ministre de l’intérieur évalue à 700 000 le nombre des clandestins, quand d’autres portent cette estimation à 1 million.

Nos compatriotes sont naturellement préoccupés ; ils attendent des actes rapides et puissants. Ils sont conscients, comme nous devons l’être, de ce défi migratoire, de « cette ruée vers l’Europe » décrite dès 2018 par Stephen Smith. Je crois, en effet, que l’Europe n’est qu’à l’aube de grands mouvements migratoires, en provenance notamment du continent africain. D’un milliard d’habitants au début des années 2000, la population de celui-ci devrait passer à près de 2 milliards en 2050. Beaucoup de jeunes Africains ont pour projet de quitter rapidement leur pays.

Dans ce contexte, les Français doutent, à juste titre, de la capacité du Gouvernement à reprendre réellement le contrôle perdu des flux migratoires. Selon une récente enquête, 69 % d’entre eux ne croient pas à l’efficacité du projet de loi défendu par M. Darmanin. Je crois qu’ils ont raison : ce projet de loi ne nous permettra pas d’inverser radicalement cette tendance. Je le regrette, Les Républicains le regrettent et, surtout, les Français le regrettent et s’en inquiètent.

Malgré les importantes améliorations apportées par le Sénat, ce projet de loi ne permettra pas à la France de retrouver sa souveraineté en matière migratoire. Il ne s’attaque pas aux verrous constitutionnels qui, aujourd’hui, entravent le législateur, l’empêchent de définir et de faire appliquer une politique d’immigration souveraine. Il ne permet pas de revenir sur des jurisprudences de juges nationaux ou européens qui nous condamnent, collectivement, à une forme d’impuissance.

La France ne pourra vraiment reprendre le contrôle de son destin en matière migratoire que par une révision constitutionnelle, telle que celle que nous vous présentons aujourd’hui.

Les vingt-neuf lois relatives à l’immigration qui se sont succédé depuis 1981 n’ont rien changé : plus il y a d’immigration, plus il y a de lois ; plus il y a de lois, plus il y a d’immigration. Il est donc impératif de changer de cadre juridique, de modèle et de méthode. Voilà pourquoi le groupe Les Républicains – avec Annie Genevard, Olivier Marleix et moi-même – a décidé d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale cette proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile. Elle sera également examinée par le Sénat, dans les mêmes termes.

Certes, en théorie, il n’existe pas de droit général et absolu de séjour en faveur des étrangers qui soit opposable au législateur français. Mais en pratique, nous le savons et nous le déplorons, des jurisprudences des cours françaises et européennes ont multiplié les hypothèses qui ont permis aux étrangers de bénéficier d’un droit de séjour constitutionnellement garanti. Ce sont ces verrous constitutionnels, véritables entraves à la volonté du législateur, que cette proposition entend, enfin, lever.

Le premier verrou est celui relatif au droit d’asile. Il ne s’agit pas, naturellement, de remettre en cause le droit fondamental à l’asile, qui fait partie de nos valeurs et de nos principes fondamentaux. La République doit sa protection aux persécutés et aux combattants de la liberté, partout dans le monde. La France y souscrit pleinement : au 31 décembre 2022, 500 000 réfugiés avaient bénéficié de ce statut noble de protection, auxquels s’ajoutent près de 110 000 Ukrainiens, accueillis entre le 10 mars 2022 et le 30 janvier 2023.

Or le droit d’asile est dévoyé. Dans la plupart des cas, il permet à des étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire national d’obtenir un droit provisoire au séjour, le temps que leur demande soit examinée. La procédure d’asile est un moyen d’accéder à notre territoire. Le nombre de demandeurs d’asile a ainsi augmenté de 14 % au cours des huit premiers mois de l’année 2023 par rapport à l’année précédente, déjà record. Nous sommes potentiellement proches des 200 000 demandes d’asile pour l’année 2023, soit une multiplication par cinq depuis le début des années 2000.

Nous ne pouvons pas contraindre un demandeur d’asile à déposer sa demande en dehors du territoire national. La Constitution autorise seulement la conclusion d’accords avec des États européens. Le Conseil constitutionnel en déduit que l’étranger qui demande l’asile en France doit être autorisé à résider provisoirement sur le territoire national. Là est le problème.

Alors que, dans 60 % à 70 % des cas, le demandeur est débouté, il va malgré tout rester clandestinement sur le territoire national pour pouvoir bénéficier ensuite, grâce aux liens qu’il y aura noués, d’un droit au séjour sur un autre fondement, comme le droit à la vie privée et familiale. Compte tenu du taux d’exécution dérisoire des obligations de quitter le territoire français (OQTF) – 6,9 % au premier semestre 2022 –, il ne risque pas d’être inquiété et peut se maintenir en France indéfiniment.

Pour faire sauter ce premier verrou, la proposition de loi réforme le droit d’asile, sans porter atteinte à ses principes fondamentaux, afin que les demandes soient déposées dans les ambassades, les représentations diplomatiques de la France ou aux frontières de notre pays et de l’Union européenne. Il s’agit du modèle que l’Australie applique depuis des années et qui a fait ses preuves.

Le texte s’attaque également à d’autres verrous constitutionnels, notamment à tous ceux qui nous empêchent de choisir qui a le droit d’entrer sur le territoire, qui a le droit d’y rester et qui doit le quitter. Il prévoit deux boucliers constitutionnels.

Le premier donnera au législateur la possibilité de définir des plafonds migratoires annuels, par type de titre de séjour – regroupement familial, travail, études – et par nationalité. Une réforme constitutionnelle est indispensable pour instaurer des plafonds migratoires en matière de regroupement familial. Comme l’a pertinemment soulevé le ministre de l’intérieur hier, une loi ordinaire risquerait la censure du Conseil constitutionnel ou des cours européennes, au nom du droit au respect de la vie privée et familiale notamment. Grâce à ce premier bouclier, nous pourrons imposer une politique d’immigration contrôlée ; le Parlement, qui a été privé de ses prérogatives, à l’incompréhension de nos concitoyens, recouvrera sa pleine souveraineté juridique.

Le second bouclier constitutionnel garantira l’expulsion des étrangers qui représentent une menace pour la sécurité publique ou qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement, ce que ne permet pas de faire aussi efficacement le projet de loi du Gouvernement. Il permettra aussi de neutraliser une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui protège le droit au séjour d’un étranger présent depuis plus de dix ans sur le territoire national, considérant qu’il ne peut pas être expulsé pour une menace simple à l’ordre public. Le Conseil constitutionnel exige une menace grave. Ce second bouclier mettra fin à des situations ubuesques, parfois gravissimes, dans lesquelles il nous est très difficile d’expulser des étrangers délinquants récidivistes ou radicalisés, en raison du respect de leur droit à la vie privée et familiale et des protections dont ils bénéficient contre l’expulsion du territoire national. Avec un tel bouclier, le terroriste d’Arras aurait pu être expulsé avant d’assassiner Dominique Bernard.

Concernant l’acquisition de la nationalité française, notre proposition de loi constitutionnelle prévoit que l’étranger devra satisfaire à une condition d’assimilation. Elle supprime le droit du sol à Mayotte, ce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’autorise pas, malgré la situation catastrophique de ce département.

Enfin, notre texte élargit le champ du référendum législatif, prévu à l’article 11 de notre Constitution et voulu par le général de Gaulle, à tout projet ou proposition de loi ainsi qu’à tout projet de loi organique, ce qui permettra l’organisation, demain, d’un référendum sur les questions migratoires.

Tels sont les piliers sur lesquels repose cette proposition de loi constitutionnelle. Je suis profondément convaincu qu’elle est la seule de nature à changer notre destin en matière de politique migratoire et à rassurer tous ceux qui s’inquiètent des conséquences de cette immigration de masse, qui menace la cohésion de notre nation.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie Lebec (RE). Nous sommes invités à débattre de cette proposition de loi constitutionnelle de M. Ciotti alors même que nous avons entamé l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration. Même si celui-ci a été adopté en première lecture au Sénat dans une version qui ne répond pas tout à fait à la lettre ni à l’esprit du texte défendu par le Gouvernement et soutenu par la majorité, il a le mérite de proposer des solutions concrètes.

Le libellé de chacun de ces deux textes en dit long sur nos différences de conception des voies et moyens permettant de mieux maîtriser les flux migratoires, d’améliorer les conditions de délivrance du droit d’asile et, ainsi, de réussir l’intégration de celles et ceux qui ont fait le choix de la France, dans le respect de ses valeurs et de ses lois, autant d’exigences que soutient la très grande majorité de nos concitoyens – plusieurs sondages d’opinion en attestent et les retours de nos circonscriptions le confirment.

Le texte dont nous allons débattre ce matin est loin des convictions, des valeurs et des objectifs de notre majorité, qui est mue par la seule nécessité d’adopter des lois conjuguant respect du droit et respect des valeurs de la République. Les articles soumis à notre appréciation relèvent davantage de déclarations d’intention et de vœux pieux, alors même que les défis à relever exigent réalisme et esprit de responsabilité.

Nombre des mesures proposées sont déjà satisfaites en droit, notamment l’article 1er, qui méconnaît plusieurs textes consacrant le principe de laïcité, au premier rang desquels l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la décision du Conseil constitutionnel portant sur le traité établissant une constitution pour l’Europe de novembre 2004.

D’autres sont inapplicables ou inatteignables, comme l’article 5, qui entend durcir encore les règles du droit du sol à Mayotte. Le débat reste néanmoins ouvert puisque le ministre de l’intérieur s’est engagé à réformer les modalités d’accueil des migrants, de délivrance de titres de séjour et d’accès à la nationalité, dans le cadre du projet de loi sur l’immigration. Je ne doute pas que vous serez à nos côtés pour adopter des mesures propres à mieux maîtriser le flux des migrants qui entendent rejoindre l’île. Je le dis, car nous sommes nombreux à nous souvenir qu’en 2018, votre groupe s’était opposé à l’adoption définitive du texte « asile et immigration » qui justement permettait de réviser les conditions d’accueil à Mayotte. Nous avions alors adopté des mesures telle l’exigence, pour les enfants nés à Mayotte, qu’au jour de leur naissance, au moins un de leurs parents ait résidé en France de manière régulière depuis plus de trois mois, avec un titre de séjour.

D’autres de vos propositions relèvent de l’incantation, car inapplicables en droit. Je fais ici référence à votre proposition de déployer une politique de quotas, fondée sur la géographie et sur la nature des activités réputées sous tension. Je vous renvoie à cet égard aux positions récurrentes du Sénat, aux déclarations de l’ancien président Nicolas Sarkozy et surtout à l’analyse de Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, qui concluait son rapport dans les termes suivants : « Une meilleure maîtrise de l’immigration doit être recherchée par des voies empiriques et multiformes, en étroite concertation avec nos partenaires européens […], plutôt que par des recettes radicales purement nationales. Dans ce domaine, plus encore qu’ailleurs, l’action patiente, résolue et respectueuse de la complexité des choses doit être préférée aux remèdes spectaculaires, mais illusoires. » Nous sommes nombreux à souscrire à ces propos et à leurs conséquences.

Concernant l’article 2 de votre texte, je suis curieuse d’avoir un nouvel éclairage sur votre proposition d’élargissement du recours au référendum, qui permettrait en particulier de consulter les Français sur les politiques migratoires. Nous en comprenons le sens et nous la respectons. En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi vous avez refusé l’offre du Président de la République d’en débattre à l’occasion des deuxièmes Rencontres de Saint-Denis, en présence de toutes les forces politiques représentées au Parlement, et nous le comprenons encore moins alors que vous nous soumettez un texte de réforme de la Constitution. Votre absence a définitivement hypothéqué toute perspective en la matière. Enfin, que dire de l’adoption de mesures dérogatoires au droit européen, au motif qu’elles seraient le plus sûr moyen de recouvrer notre pleine souveraineté ?

Mme Edwige Diaz (RN). Les Français sont 74 % à être insatisfaits de la politique migratoire du Gouvernement et de plus en plus nombreux à vouloir changer les règles de l’immigration en France. Le groupe Rassemblement national se réjouit du changement de pied des Républicains, mais n’a pas la mémoire courte s’agissant de leur bilan : sous la présidence de Nicolas Sarkozy, plus d’un million d’étrangers sont entrés en France. Nous n’avons pas non plus oublié qu’en 2017 et en 2022, votre parti a appelé à voter pour Emmanuel Macron en sachant pertinemment quelle politique migratoire il allait mener. Nous avons également en mémoire les déclarations récentes de membres des Républicains. Vous-même, monsieur Ciotti, disiez il y a quelques mois que ce qui vous différenciait du Rassemblement national, c’était votre capacité à gouverner – on sourit. Mme Pécresse, lors de la dernière élection présidentielle, avait déclaré que Marine Le Pen ne proposait jamais de solution – on se pince. Quant à M. Xavier Bertrand, jugeant nos solutions stériles, il a dit préférer voter pour les communistes plutôt que pour les candidats du Rassemblement national.

Nous nous réjouissons, bien entendu, que vous repreniez nos propositions, mais comme beaucoup de Français, nous préférons l’original à la copie. Parce que nous sommes constructifs, nous allons amender considérablement votre proposition de loi constitutionnelle pour instaurer la primauté totale de la Constitution sur les traités internationaux, supprimer le droit du sol et inscrire la priorité nationale dans la Constitution. Nous établirons également une répression pénale à l’encontre des passeurs et de leurs complices, qui détournent la loi pour faire rentrer irrégulièrement des étrangers sur le territoire français. C’est le cas, par exemple, de Cédric Herrou, que certains de nos collègues de la Nupes veulent ériger en exemple d’une fraternité détournée.

Bref, avec nos amendements, nous proposons un ensemble de mesures, clés en main, pour rendre leur pays aux Français.

Au Rassemblement national, nous sommes lucides, pragmatiques et attachés aux discours de vérité. Chers collègues des Républicains, il faut vous rendre à l’évidence : ce texte ne sera pas adopté, ni en commission ni en séance. La Nupes s’y opposera parce qu’elle est enfermée dans son idéologie immigrationniste, tandis que la Macronie est totalement tétanisée par les diktats d’extrême gauche, qui l’empêchent d’ouvrir les yeux sur la situation catastrophique de notre pays en matière d’immigration.

À l’issue des Rencontres de Saint-Denis, Emmanuel Macron l’a clairement expliqué : il s’est opposé à un référendum sur l’immigration, pourtant plébiscité par 75 % des Français. Mais que ceux-ci ne s’inquiètent pas, ils auront la possibilité de se prononcer sur la politique migratoire, le 9 juin prochain, à l’occasion des élections européennes, en votant pour la liste emmenée par Jordan Bardella. Une nouvelle occasion leur sera offerte en 2027, quand ils pourront s’exprimer en faveur de Marine Le Pen, à l’occasion de la prochaine élection présidentielle.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Deux jours à peine après avoir commencé l’examen du projet de loi « immigration et intégration », nous nous retrouvons ce matin pour en étudier un relatif à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile. Cette proposition de loi constitutionnelle s’inscrit dans la dérive idéologique du groupe LR ces dernières années et confirme son obsession identitaire. Sans surprise, l’étranger y est dépeint comme une menace à une identité nationale fantasmée et mythique, et la souveraineté s’y construit selon une logique substantielle et identitaire.

Sous couvert de redonner une place décisionnaire au peuple, vous souhaitez en réalité intégrer à la Constitution les bases de votre politique migratoire xénophobe. Dans la course au parti le plus raciste de France, chacun de vos textes sur l’immigration participe à la cristallisation du débat contre les étrangers, que vous avez décidé d’ériger en ennemis de la nation. Chaque jour, une nouvelle sortie vous permet de dérouler un tapis rouge à l’islamophobie la plus crasse.

Prenez garde, chers collègues, car cette frénésie répressive envers les étrangers vous amène sur le terrain du RN. Alors que vous indiquez vouloir reprendre le contrôle en matière d’immigration, grâce à un éventuel référendum sur la politique migratoire, au rétablissement du délit de séjour clandestin ou en inscrivant l’assimilation dans la Constitution, vous cherchez à prendre de vitesse le Gouvernement, en donnant un coup de barre plus à droite encore.

En outre, votre texte est redondant au regard du droit actuel et pose plusieurs problèmes juridiques. Les principes républicains que vous souhaitez ajouter à la Constitution y figurent déjà à l’article 1er. Vous prévoyez, à l’article 3, la possibilité pour la loi d’être supérieure aux conventions internationales et aux normes européennes, si celles-ci sont en désaccord avec le respect de l’identité constitutionnelle de la France ou avec la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation. Pour rappel, cette sauvegarde peut déjà permettre la mise en pause des conventions internationales et du droit européen. C’est le propre de tout État que de pouvoir suspendre l’application directe de ces conventions. Cependant, constitutionnaliser cette mesure avec l’ajout des termes « intérêts fondamentaux de la nation » est suffisamment large pour pouvoir intégrer des politiques publiques sur l’immigration.

De même, alors que votre groupe ne reconnaît aucune vertu à la démocratie directe, vous utilisez l’élargissement du champ référendaire de l’article 11 de la Constitution comme un subterfuge pour légiférer sur l’immigration par référendum. Cette vision de la souveraineté populaire s’inscrit dans la tradition bonapartiste du plébiscite, car votre proposition ne change pas l’initiateur du référendum, qui reste le Président de la République.

Vous tapez très fort avec l’article 6, qui prévoit qu’aucune norme constitutionnelle, qu’aucun traité, accord, convention ou acte international ne peut être opposable à cette loi. Applaudissons les députés du groupe Les Républicains, qui ont créé les premières lois supraconstitutionnelles ! Une loi immuable que rien ni personne ne pourrait modifier.

Sur le fond, l’article 3 prévoit notamment la possibilité pour l’État de se soustraire aux règles de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui reste la cour la plus prolifique en matière de garantie des droits fondamentaux en Europe. L’article 4 revient sur un des piliers de notre République : l’accueil des personnes, quelle que soit leur origine. Or les concepts d’assimilation et de communauté française que vous défendez n’ont pas de sens juridique ou historique. Selon une logique éminemment coloniale, l’article 5 supprime le droit du sol à Mayotte, ce qui va encore plus loin que le droit dérogatoire, déjà illégal, en vigueur dans ce département.

Dans la proposition de loi ordinaire que vous avez déposée au Sénat le 1er juin, vous souhaitez réformer notre droit d’asile pour construire un modèle d’immigration choisie. Ce système est profondément raciste, car il est fondé sur des discriminations subjectives et essentialistes. Dans la continuité, votre proposition de loi constitutionnelle n’est pas loin de ce que l’on peut faire de pire en matière de texte sur l’immigration.

Vous dévoyez la Constitution pour des raisons d’agenda politique. La notion de souveraineté qui traverse ce texte n’a rien à voir avec celle du peuple, mais tout à voir avec les relations de l’État avec l’extérieur et l’étranger. Vous usez des outils de démocratie directe, tels que le référendum, pour imposer une vision identitaire et unique de la souveraineté.

Mme Annie Genevard (LR). En septembre dernier, députés et sénateurs LR, unanimes, ont déposé, dans les mêmes termes, une proposition de loi constitutionnelle qui concrétise une conviction forte et simple : arrêter l’immigration de masse et affirmer le droit de la France à décider souverainement qui elle souhaite accueillir sur son territoire et qui elle souhaite refuser.

Les flux migratoires battent des records sous la présidence d’Emmanuel Macron ; notre rapporteur a en rappelé les chiffres considérables et porteurs de grands désordres. Enquête après enquête, les Français le disent clairement à leurs dirigeants, qui ne les entendent pas. Le projet de régularisations potentiellement massives contenu dans le texte « immigration et intégration » que nous examinons en ce moment le démontre. La prémonition de Gérard Collomb était juste : deux France, désormais face à face. L’assassinat du jeune Thomas et les événements qui ont suivi en attestent.

Ce texte démontre aussi combien notre politique migratoire échappe en très grande partie au pouvoir du législateur et même à celui du ministre de l’intérieur. En réalité, c’est le juge qui a presque toujours le dernier mot. Chaque proposition pour durcir le cadre d’accueil ou pour faciliter des expulsions se heurte à des obstacles constitutionnels et conventionnels, qui organisent notre impuissance systématique.

Vous nous en administrez la preuve en permanence depuis que nous avons commencé l’étude du projet de loi « immigration et intégration ». Je ne compte plus les fois où vous nous avez répondu : « cela pose un problème de constitutionnalité ». L’article 3 de cette proposition de loi constitutionnelle permettra d’y répondre en faisant sauter les verrous institutionnels, essentiellement d’origine jurisprudentielle. C’est un des points capitaux de ce texte.

L’article 1er vise à inscrire dans la Constitution que nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire aux lois de la République et s’exonérer du respect des règles communes – une proposition que nous avions déjà présentée il y a quelque temps. Une enquête de l’Ifop, parue en 2020, révélait que 57 % des jeunes musulmans considéraient que la charia était plus importante que la loi de la République. Inscrire ce principe dans la Constitution est capital pour lutter contre cette dérive alarmante.

Élargir le champ du recours au référendum est l’objet de l’article 2. Il est indispensable et urgent de donner aux Français la capacité de se prononcer sur l’immigration. Aucun autre phénomène n’a davantage modifié leur cadre de vie sans qu’ils aient jamais eu le pouvoir de se prononcer

L’article 4 élève au rang constitutionnel le principe d’assimilation. Ce mot, qui fait toujours bondir les beaux esprits, figure dans le code civil ; à ce titre, il fait partie de notre droit. Il ne faut pas se méprendre sur le sens que nous voulons lui donner. Il signifie connaître la langue, l’histoire, la culture, la société, les valeurs et les principes essentiels de la France, en d’autres termes, de faire sien le pays dans lequel on a choisi de vivre. Quoi de plus normal ?

Quant à l’article 5, il supprime le droit du sol à Mayotte, visage tragique de notre impuissance à contrôler une immigration irrégulière.

L’article 6 donne au Parlement le pouvoir de fixer des quotas, que vous refusez dans la loi ordinaire que nous sommes en train d’examiner. La démographie commande l’histoire, c’est là une loi éternelle. Le nombre d’étrangers admis régulièrement ou pas dans notre pays doit être contrôlé.

Cette proposition de loi constitutionnelle est juridiquement solide et politiquement puissante. Sachez vous en saisir !

M. Erwan Balanant (Dem). J’aborde ce texte avec un peu d’angoisse, de tristesse, et avec en tête une question inquiétante : comment une famille politique si importante dans l’histoire politique de notre pays et qui se dit issue du gaullisme, a pu abandonner les valeurs humanistes et républicaines qu’elle a contribué, un temps, à élaborer ?

Votre proposition de loi constitutionnelle, monsieur le rapporteur, arrive dans un climat de scepticisme et de défiance vis-à-vis de la construction européenne, en faisant fi des principes constitutionnels et conventionnels. C’est tout aussi inquiétant, même si je dois reconnaître que votre posture presque antieuropéenne est constante depuis plusieurs années. Hier après-midi, lors de nos discussions sur le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, nous avons perdu de longues minutes à débattre de l’un de vos amendements, qui visait à rendre inapplicable l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dans les décisions et mesures prises en matière de droit des étrangers. Cet article, je le rappelle, protège le droit au respect de la vie privée et familiale. Le groupe Démocrate ne peut donc que s’opposer à une telle proposition de loi constitutionnelle, qui va à rebours de nos valeurs et de notre attachement à la construction européenne.

Ce que vous proposez va à l’encontre des principes les plus élémentaires de hiérarchie des normes, au motif d’une identité constitutionnelle à sauver. Or le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ne vous ont pas attendus pour s’assurer qu’aucune transposition ne contredise une règle ou un principe inhérents à l’identité constitutionnelle de la France. Nous nous targuons tous, à commencer par vous, de vivre dans le pays des droits de l’homme. Il faut bien comprendre ce que cela signifie : nous avons la chance de vivre dans un pays attaché à des valeurs humanistes et de fraternité ; nous devons donc regarder celles et ceux qui entrent sur notre territoire comme des femmes et des hommes, pas comme des variables d’ajustement de nos politiques intérieure et migratoire. Hélas ! chers collègues Républicains, vous avez, tendance à l’oublier depuis quelques années.

Vous souhaitez aussi que soit inscrit dans la Constitution le fait que nul ne peut se prévaloir de son origine, de sa religion pour se soustraire aux lois de la République. Mais le principe de laïcité, que vous avez contribué à bâtir, garantit le respect de la liberté de conscience et de la liberté de culte, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. Votre article, simplement déclaratoire, est plus que satisfait par notre Constitution.

Je ne vous surprendrai pas en indiquant que le groupe Démocrate votera contre votre proposition de loi constitutionnelle.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous sommes réunis pour examiner un texte relatif à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile – rien que cela ! Vous ajoutez de la surenchère à la surenchère, brisant ainsi le monopole qu’avait le Rassemblement national sur ce sujet. Pourtant, à vous entendre, monsieur le rapporteur, c’est l’incapacité des gouvernements à faire appliquer les lois existantes qui pose sans doute problème, pas la Constitution.

Immigration de masse et chaos migratoire sont les mots d’ordre de cette proposition de loi constitutionnelle, qui se fonde sur le fantasme d’une submersion migratoire et des chiffres non étayés, et qui participe à l’agitation des peurs.

Sur la forme, il s’agit d’un texte d’affichage politique, qui cherche à exister face au projet de loi du Gouvernement et qui est voué à l’échec en raison de son ineffectivité. En tant qu’élus, nous portons une lourde responsabilité républicaine et je m’inquiète de voir le parti LR céder aux sirènes du populisme, qui monte en Europe. En Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas, en Slovaquie et ailleurs, l’extrême droite gagne du terrain.

L’immigration est un sujet important qui exige de l’honnêteté intellectuelle ; si elle augmente en raison de désordres géostratégiques, de guerres et du réchauffement climatique, elle est loin de justifier les peurs qui sont agitées. Elle est liée, pour moitié, aux migrations estudiantines, pour un quart, au travail et, pour un dernier quart, aux demandes d’asile.

Sur le fond, ce texte, au mieux inutile, apporte de la confusion juridique ; au pire, il est dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. L’article 3 rend ainsi inintelligible le principe de la hiérarchie des normes, pourtant bien admis et qui, dans son application, n’a pas mis d’excès en évidence. Une telle mesure aurait pour conséquence l’inapplication du droit international, auquel l’État français est partie prenante, avec tous les désordres que cela impliquerait. L’insécurité juridique serait également due à des notions très imprécises, comme l’identité constitutionnelle, un principe dont on ne connaît pas la signification. De même, l’article 4 traite de l’assimilation, sans que l’on sache ce que ce terme recouvre ; sans doute pourrait-elle être invoquée s’agissant de la nationalité, mais certainement pas pour un titre de séjour.

Cette proposition de loi constitutionnelle est aussi dangereuse pour les droits fondamentaux. À l’article 2, l’extension du champ des textes pouvant être soumis à référendum sans contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel rendant un simple avis et non une décision, porte le risque d’atteinte aux principes, droits et libertés garantis par la Constitution. C’est le principe même retenu par le constituant de 1958, puis de 1995, qui est méprisé, puisqu’il s’agissait d’exclure les référendums susceptibles de susciter des tentations démagogiques. La priorité aurait été de faciliter l’accès au référendum d’initiative partagée (RIP), dont les conditions d’activation sont très restrictives.

Enfin, la remise en cause du droit du sol, l’application des quotas d’immigration et la limitation du droit d’asile bafouent cette tradition française et républicaine de l’accueil. Les quotas sont parfaitement inadaptés, les conventions internationales consacrant des droits qui n’ont pas vocation à varier selon de prétendues capacités d’accueil.

Mon groupe votera contre ce texte, qui va à l’encontre d’une politique migratoire nécessairement claire, humaine et efficace – une politique équilibrée qui, dans le cadre de la loi fondamentale actuelle, peut allier sécurité, fermeté et accueil.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente de la commission.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Il nous est proposé ce matin de modifier substantiellement le contenu et l’équilibre de notre Constitution. Il ne me semble pas raisonnable de procéder à des modifications d’une telle ampleur dans le cadre d’une niche parlementaire – mais ce n’est que mon avis.

Quiconque peut-il se prévaloir de son origine ou de sa religion pour enfreindre les lois de la République ? Non. Une personne peut-elle accéder à la nationalité française sans en partager les valeurs, les coutumes et la langue ? Non plus. Ces principes nécessitent-ils une modification de notre Constitution ? Pas davantage. En outre, il nous semble qu’inscrire le principe d’assimilation dans la Constitution conduirait in fine le juge constitutionnel à donner une interprétation de ce qu’être français signifie. Une telle tâche ne doit pas lui revenir.

Serait-il préférable qu’un certain nombre de demandes de titres de séjour s’effectue en dehors de nos frontières, dans des lieux sûrs ? Oui, c’est nécessaire. Face aux insuffisances du règlement Dublin, nous sommes profondément convaincus qu’il est indispensable que les négociations sur le pacte sur la migration et l’asile au niveau européen puissent aboutir.

Faut-il se donner les moyens juridiques d’expulser les étrangers qui menacent l’ordre public ? Au sein du groupe Horizons, nous en sommes convaincus et c’est pourquoi nous soutenons totalement le titre II du projet de loi qui occupe actuellement nos journées et nos nuits en commission des lois.

Deux dispositions que vous proposez ce matin nous semblent, en revanche, représenter une rupture avec l’Union européenne, avec l’Europe et le monde. En proposant d’inscrire dans la Constitution la possibilité de déroger aux engagements européens et internationaux de la France, cette proposition de loi constitutionnelle remet en cause la crédibilité et la fiabilité de notre pays, légitimant ainsi ce non-respect par d’autres États.

Je ne nie pas la nécessité de faire infléchir l’interprétation jurisprudentielle qui est faite d’un certain nombre de principes, tels que le droit à une vie privée et familiale lorsqu’elle ne correspond pas aux enjeux sécuritaires que l’Europe connaît désormais. Mais, comme l’ensemble de notre groupe, je suis convaincue que le dialogue des juges peut permettre d’atteindre cet objectif, comme en témoignent les récents arrêts du Conseil d’État.

Ces dispositions constituent également une rupture avec l’esprit même de notre Constitution, telle qu’elle a été imaginée par le général de Gaulle. Les constituants de 1958 ont fait le choix de la démocratie représentative, à laquelle nous sommes attachés. Elle met en jeu une majorité et une opposition, qui permet de relayer et de structurer les débats qui animent une société, selon un principe et, surtout, un mode de désignation, le suffrage universel direct, qui assoit la légitimité de ceux qui font la loi.

S’il faut reconnaître que notre démocratie représentative souffre et qu’il est sans doute nécessaire d’instaurer des mécanismes de démocratie directe, ces mécanismes ne sauraient opposer les souverainetés. Une telle extension du champ de l’article 11 constitue une rupture avec l’héritage gaulliste et le principe même d’une démocratie représentative à laquelle, je le répète, nous sommes très attachés.

Le groupe Horizons ne votera pas cette proposition de loi constitutionnelle.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). J’ai toujours trouvé curieuse l’expression « niche parlementaire », qui renvoie à une imagerie particulière. Avec ce texte, c’est l’Europe, les droits de l’homme et la morale républicaine que vous proposez de mettre à la niche, monsieur le rapporteur. Concrètement, il s’agit de faire de la France le toutou de Trump, d’Orban, de Bolsonaro, de Meloni et de qui sais-je encore.

Évidemment, comme l’ont très bien dit nombre de nos collègues au-delà des rangs de la gauche et des écologistes, nous refuserons toujours de faire de la Constitution de la République française un tract de la droite radicalisée et de l’extrême droite. Avec tout le respect que je vous dois, vous êtes un peu soûlants, chers collègues de LR, avec votre obsession compulsive pour l’immigration. Madame Genevard, nous ne faisons pas face à une immigration de masse ; c’est votre proposition qui est complètement à la masse !

Nos compatriotes ont des problèmes bien réels, liés à l’absence ou au recul des services publics, au délitement de l’école publique, qui est maltraitée et abandonnée depuis six ans maintenant. Vous essayez de faire oublier votre reddition en rase campagne sur la réforme des retraites et votre soutien complice au Gouvernement en nous convoquant pour parler, encore et toujours, de vos obsessions et de vos fantasmes. Mieux vaudrait consulter ou faire de l’hypnose que de réunir la commission des lois constitutionnelles, qui a mieux à faire en ce moment si particulier pour notre République.

Il n’y a pas de submersion migratoire ; l’essentiel des migrations dans le monde se produit entre pays du Sud, ne vous en déplaise. C’est la réalité des chiffres et des vies humaines. Il n’y a pas d’appel d’air ; cette expression ne repose sur aucune réalité. Montrez-nous ici, maintenant, l’étude historique, statistique qui prouve qu’une politique inclusive a provoqué dans un pays qui l’a menée une arrivée massive sur son territoire. Ça ne s’est jamais produit, pour la bonne et simple raison qu’une personne qui choisit l’exil n’est pas quelqu’un qui, avant d’arriver en Libye et d’y être torturé, ayant vu flotter les corps de la moitié de ses compagnons d’infortune dans la Méditerranée, feuillette un manuel de droit comparé pour repérer le pays où les lois sont les plus avantageuses. Ce n’est pas quelqu’un qui, s’arrachant à sa terre pour emprunter un chemin qu’il sait sans retour possible, regarderait la chaîne parlementaire française pour savoir si le législateur va ou non durcir les conditions d’accès au territoire français. Je vous invite à faire preuve d’un peu de rationalité et de modération.

Pour finir, je m’adresse à la majorité. Vous voyez bien que la surenchère mène à l’abîme : vous ne parvenez pas à convaincre Les Républicains de vous suivre sur les questions migratoires ; il est temps de renoncer, y compris au projet de loi ordinaire que nous examinons actuellement.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Je me demande comment un tel texte peut émaner du groupe Les Républicains, tant son contenu ne correspond pas à l’ADN de ce parti politique.

À la lecture de l’article 3, un souvenir pas si lointain me revient : en 2005, les Français ont rejeté le traité établissant une constitution européenne, mais, en 2007, le président Nicolas Sarkozy a ratifié le traité de Lisbonne, allant à l’encontre du choix exprimé par les Français deux ans plus tôt. Que vous fassiez cette proposition avec un tel antécédent me pose un problème.

S’agissant de l’article 4 et de l’assimilation, je vous conseille de lire Les Damnés de la terre, de Frantz Fanon, pour comprendre ce que ce terme signifie et à quoi il renvoie dans l’histoire de la France. Vouloir intégrer le mot assimilation dans la Constitution me heurte en tant qu’ultramarin ; c’est de l’indécence.

L’article 5 prévoit la suppression du droit du sol à Mayotte. Comment est-il possible qu’un département français à part entière depuis 2010 soit toujours traité à la marge, en dehors des principes mêmes de la République ? C’est inadmissible de la part de la République française. Vous avez demandé aux habitants de cette île s’ils voulaient rester français ; ils ont choisi de le rester et vous les traitez comme s’ils ne l’étaient pas. Donnez à Mayotte les moyens de son développement ; ce n’est pas le cas aujourd’hui.

À l’article 6, il est question de fixer des quotas. Avant de partir conquérir d’autres pays, la France esclavagiste, génocidaire et colonisatrice leur demandait-elle si elle devait s’imposer des quotas ? Au vu de l’histoire singulière de la France, on ne peut pas proposer pareilles mesures.

Quelle est l’idée sous-jacente de ce texte ? Que le problème fondamental de la France aujourd’hui, ce sont les étrangers. Voilà qui n’est pas nouveau : lors de la mauvaise passe économique et sociale qu’a traversée le pays dans les années 1960, c’était aussi à cause des étrangers que les Français n’avaient pas de travail ni d’argent.

Monsieur le rapporteur, avec toute la gravité que me confère mon état de Français de couleur, d’homme dont la famille a subi les exactions de l’État, je vous demande de mettre un terme à cette escalade, pire, au cynisme qui vous a inspiré ce texte purement électoraliste et sans fondement politique. Arrêtez d’opposer les Français entre eux. La situation devient dramatique et nul ne pourra dire qu’il ne savait pas.

M. Paul Molac (LIOT). Au-delà du fait qu’une révision constitutionnelle n’a que peu de chances d’aboutir et que notre agenda est assez chargé en matière d’immigration, notre groupe a d’énormes réserves sur cette proposition.

Tout d’abord, parce que nous sommes résolument européens et que l’article 3 permet de déroger au droit international et européen. Il pousserait la France à dénoncer certains traités, qu’elle a pourtant ratifiés.

Ensuite, le Conseil constitutionnel veille à l’identité constitutionnelle de la France, parfois même à l’excès. Un « ñ » avec tilde dans le prénom Fañch deviendrait ainsi une arme de destruction de la République ; la méthode pédagogique de l’immersion serait anticonstitutionnelle – on frise la bêtise. Nous les Bretons, comme nos camarades d’outre-mer, savons très bien ce qu’assimilation veut dire. Au début du XXe siècle, les petits Bretons qui arrivaient à l’école avec pour seul bagage linguistique leur langue maternelle, s’ils osaient prononcer un seul mot en breton étaient sévèrement punis, voire battus par leurs instituteurs. Ces derniers, au sortir de l’École normale, étaient reçus par le préfet, qui leur disait : « Souvenez-vous, messieurs – à cette époque, il n’y avait que des hommes –, que vous n’êtes en place que pour tuer la langue bretonne. » Alsaciens, Occitans, Basques et bien d’autres, c’est-à-dire probablement 90 % des habitants du territoire français, ont bien souffert de cette notion d’assimilation. Je lui préfère celle d’intégration, parce que l’on peut connaître à la fois l’histoire dite de France et sa propre histoire locale, qui aide parfois à comprendre les différences de comportements d’un territoire à un autre. Donc, l’assimilation, très peu pour moi.

S’agissant de l’asile, obliger les gens à déposer leur demande dans les ambassades ou les consulats dans leur pays est assurément le meilleur moyen de les faire arrêter, jeter en prison, voire torturés. Certains régimes politiques qui ne veulent pas qu’on les quitte dressent déjà des souricières autour desdites ambassades. Cela me semble donc tout à fait infaisable.

Quant au référendum sur les questions d’immigration, je ne comprends même pas comment on peut l’envisager. Croyez-vous vraiment que les migrants vont arrêter de traverser le Sahara et la Méditerranée pour venir chez nous parce que les Français auront décidé que l’immigration est illégale ? Autant faire une loi obligeant la pluie à tomber la nuit, pour ne pas déranger les Français dans la journée. C’est bien sûr infaisable et, évidemment, nous sommes contre ce texte.

Mme Caroline Abadie, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Cette proposition de loi constitutionnelle pose de bonnes questions et, une fois n’est pas coutume, apporte également de bonnes réponses. Le nombre d’étrangers légalement installés sur notre sol a augmenté de 1,2 million en dix ans, tandis que celui des demandes d’asile a explosé ; les clandestins seraient vraisemblablement 700 000, arrivés en France au péril de leur vie, remplissant les poches des passeurs et nourrissant ainsi une macabre et juteuse traite des migrants.

La France ne pourra reprendre le contrôle de sa politique migratoire que par un changement de méthode. M. le rapporteur a parlé de verrous constitutionnels, mais il y en a également dans les esprits. Il n’y a qu’à voir le refus des juges des libertés et de la détention (JLD), en novembre dernier, de maintenir les migrants de L’Ocean Viking dans la zone internationale d’attente créée pour leur arrivée. La décision de libérer les migrants a été prise dans plus d’une centaine de dossiers, pour lesquels le parquet et la préfecture du Var avaient pourtant fait appel, estimant que le grand nombre de saisines concomitantes aurait dû permettre aux juges de repousser leur décision de vingt-quatre heures. Un temps nécessaire, car lorsqu’il est écoulé, les migrants sont libres de partir, passant entre les mailles des vérifications sécuritaires les plus élémentaires. Je vous rappelle qu’au moins trois d’entre eux avaient un profil à risques, au point d’avoir été fichés S par la suite.

Il est donc urgent d’agir pour éviter le dévoiement de notre droit d’asile, pour expulser efficacement les étrangers dès lors qu’ils représentent une menace pour l’ordre public, pour favoriser enfin une assimilation efficace. Il ressort d’une étude publiée au Danemark que le sentiment de rébellion contre l’autorité publique progresse d’une génération à l’autre : 4 % chez les immigrés non-occidentaux ; 11 % chez leurs descendants. Ces chiffres danois reflètent malheureusement la situation qui prévaut en France.

Ce texte est le bienvenu, tout simplement pour permettre à la France de décider, de ne pas subir et de choisir qui elle veut accueillir sur son sol.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Ce texte est incroyable, surtout pour des gens qui prétendent être les Républicains : je crois que vous ne connaissez ni la France ni la République.

Notre pays, notre Hexagone, est depuis des millénaires une terre de mélange. Gaulois, Romains, Italiens, Espagnols, Portugais, Belges, puis Algériens, Marocains, Tunisiens ou Maliens, tous s’y sont installés. Notre République elle-même raconte une histoire que vous ne connaissez sans doute pas. Ainsi, notre drapeau a partie liée avec l’histoire d’Haïti. C’est parce que des marins bretons ne voulaient pas quitter Brest, en septembre 1790, pour aller mater des esclaves qui se rebellaient au nom de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, parce que ces marins étaient des patriotes, des Jacobins – l’autre nom du club des Jacobins était d’ailleurs le Club breton –, parce qu’ils ne voulaient pas non plus partir sous les couleurs de la monarchie que le 21 octobre 1790, à l’Assemblée nationale, Mirabeau a déclaré qu’il fallait remplacer le drapeau de la gloire par les combats par celui de la sainte confraternité entre les peuples. Ce jour-là, l’Assemblée nationale décidait que sur les bateaux de la marine française flotterait désormais le drapeau rouge, blanc, bleu. Le drapeau tricolore est né d’une grève antiraciste et d’une lutte solidaire avec ceux qui se rebellaient contre l’esclavage. Voilà l’histoire de la France ! Avec ce texte, vous lui rendez un bien mauvais hommage.

M. Éric Ciotti, rapporteur. J’ai entendu beaucoup de prises de position très politiques, très idéologiques. Nous faisons de la politique au sens noble du terme et je comprends qu’elles existent et qu’elles s’expriment. Je mettrai de côté les excès et les propos proprement insultants des représentants de la Nupes – à laquelle j’ai un peu de mal à associer le parti socialiste –, qui traduisent une dérive des principes républicains. Membres de la Nupes, vous êtes un danger pour la République et vos prises de position récentes l’ont démontré.

Madame Untermaier, l’identité constitutionnelle, le Conseil constitutionnel l’a évoquée, notamment dans une décision très claire du 27 juillet 2006. Ce principe existe bel et bien et nous voulons le renforcer, car il est important.

Madame Lebec, peut-être n’ai-je pas été assez assidu aux cours de droit constitutionnel ; il m’a échappé qu’une procédure de révision de la Constitution existerait, qui se déroulerait à Saint-Denis et se substituerait au pouvoir constituant qui est le nôtre. Je ne crois pas que c’est à Saint-Denis que se propose, se débat, encore moins se vote une réforme de la Constitution. La modification de l’article 11 est de la compétence du constitutionnaliste que nous sommes et non pas d’un cénacle auquel, d’ailleurs, beaucoup de partis ne participaient pas. La Constitution voulue par le général de Gaulle est trop noble pour être abîmée dans des procédures scénarisées par des agences de communication, dans lesquelles les participants jouent les utilités.

Il est vrai, et je le revendique, que nous nous sommes opposés au texte « asile et immigration », en 2018. Je porte le même regard sur le texte présenté par le Gouvernement aujourd’hui. Alors que commencent les obsèques de Gérard Collomb, je veux avoir une pensée pour ce grand républicain. C’était un homme sincère, et nous l’avons combattu dans le cadre de la République et avec un respect qui a toujours prévalu dans nos relations – un respect qui n’existe plus à l’Assemblée nationale, du côté de l’extrême gauche. Gérard Collomb avait quitté le Gouvernement après avoir fait voter ce texte, précisément parce qu’il en avait mesuré l’impuissance. Il craignait, comme Annie Genevard l’a opportunément rappelé, l’apparition de deux France face à face, et, de ses propres mots, le risque que des narcotrafiquants et des islamistes s’approprient des quartiers. Il avait raison : nous y sommes.

On mesure aujourd’hui l’impuissance de cette loi, comme celle des vingt-huit autres qui l’ont précédée – dont certaines que nous avons défendues nous-mêmes –, puisque vous devez en proposer une nouvelle aujourd’hui. Cette impuissance trouve pour beaucoup sa source dans les verrous juridiques que nous voulons lever. Notre Constitution doit s’adapter aussi aux menaces, aux évolutions géopolitiques. Nous savons que les flux migratoires vont augmenter et c’est un défi pour les pays démocratiques. C’est pourquoi nous faisons cette proposition, dans le respect des procédures et de nos valeurs fondamentales. En aucun cas, nous ne voulons nous en écarter, contrairement à ce que prétendent certaines caricatures.

Madame Diaz, chacun peut en effet invoquer des chiffres pour soutenir son argumentation. Tout n’a pas été parfait par le passé – l’élection de M. Hollande et ses conséquences graves pour le pays en témoignent –, néanmoins, en 2012, il y avait eu deux fois moins de titres de séjour délivrés, deux fois plus d’éloignements et trois fois moins de demandes d’asile. Peut-être était-ce insuffisant, mais notre pays n’était pas dans une situation aussi dramatique qu’aujourd’hui. Les flux migratoires qui ont échappé au contrôle du pouvoir exécutif présentent des dangers qui menacent l’unité de la République. Nous l’avons encore vu à Crépol, avec l’assassinat – pour reprendre les termes du Président de la République – du jeune Thomas, auquel nous avons rendu hier un hommage légitime, devant la représentation nationale.

Monsieur Balanant, on vous connaît, donc on vous pardonne. Cette proposition de loi constitutionnelle est parfaitement conforme aux valeurs républicaines que vous nous reprochez d’avoir abandonnées. En particulier, l’article 3 constitue, non pas une inversion des normes, mais une corde de rappel juridique par rapport à des jurisprudences ubuesques – par exemple celles consistant à limiter le temps de travail pour nos militaires ou à qualifier nos sapeurs-pompiers volontaires de travailleurs, ce qui pourrait mettre à mal notre modèle de sécurité civile. Cette corde de rappel destinée à protéger les intérêts fondamentaux de la nation prendra la forme d’une loi organique, adoptée dans les mêmes termes dans les deux chambres et soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

Nous respectons pleinement nos engagements internationaux. Il n’y a, dans ce texte, aucune volonté de remettre en cause cette Europe que nous avons voulue, que nous avons construite tout au long de la Ve République, avec les chefs d’État qui ont fait partie de la famille politique que j’ai l’honneur de présider. Contrairement à vous, nous n’évoluons pas dans un monde d’illusions, de communication, d’inaction et d’impuissance. Il y a des problèmes et vous refusez de les voir ; plus on tarde à prendre de vraies décisions, plus ces problèmes vont constituer des menaces extraordinairement graves pour la République. À bien des égards, comme l’actualité récente l’a malheureusement démontré, nous y sommes déjà.

Madame Poussier-Winsback, j’assume le terme de rupture s’agissant de ce texte. Nous voulons la rupture parce que le statu quo, c’est l’impuissance, c’est l’immigration qui continue d’augmenter, c’est l’unité de la République et l’adhésion au modèle républicain qui sont fragilisées, c’est le séparatisme qui s’installe dans les quartiers, c’est l’augmentation de la violence – souvent liée à l’immigration, selon les chiffres du ministère de l’intérieur. Ces chiffres sont incontestables et les nier, c’est nier l’évidence, nier que la terre est ronde. On peut crier au complotisme ou rester dans le déni, mais c’est alors faire peser sur l’avenir de très lourdes menaces.

De façon générale, notre proposition est un texte pragmatique, qui prend en compte les évolutions de notre situation, les menaces ressenties par nos concitoyens, par ce peuple que la gauche a trahi depuis bien longtemps. Les hommes et les femmes du peuple se soucient de ces questions, parce qu’elles sont au cœur de leur quotidien, parce que des quartiers sont invivables, parce qu’ils deviennent des ghettos. Notre responsabilité, c’est, tant qu’il en est encore temps – je ne suis pas de ceux qui considèrent qu’il est déjà trop tard –, de provoquer une rupture, d’introduire des changements radicaux et de rompre avec l’immobilisme impuissant. C’est l’objet de cette proposition de loi constitutionnelle.

Mme Caroline Abadie, présidente. Je voudrais rappeler qu’il y a cinq ans, nous étions réunis autour de Gérard Collomb, pour examiner un texte qui visait à réduire les délais de demande d’asile. En cela, il avait atteint son objectif.

Avant l’article 1er

Amendement CL21 de M. Benjamin Lucas

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). M. le rapporteur a évoqué les dangers pour la République. J’ai participé à ma première manifestation le 1er mai 2002, en ce grand moment de dignité républicaine où des millions de Françaises et de Français s’étaient réunis pour appeler à faire barrage à l’extrême droite avec le bulletin de vote « Jacques Chirac ». J’ai en mémoire les propos du président Chirac, que j’ai par ailleurs combattu sur tous les autres sujets, qui nous exhortait – sans doute s’adressait-il surtout à sa famille politique – à ne pas céder aux sirènes de l’extrémisme, au poison de la haine et du racisme. Vous entendre expliquer, en faisant preuve d’une rare complaisance à l’égard de l’extrême droite, que c’est la gauche républicaine, celle qui a appelé en mai 2002 à faire barrage à Jean-Marie Le Pen en votant pour Jacques Chirac – et c’était difficile au regard de sa politique –, que cette gauche-là serait un danger pour la République signale votre dérive morale, votre perte totale de contrôle.

Je disais, tout à l’heure, que vous étiez soûlant, mais c’est la République qui titube à cause de votre ivresse et de votre course folle après l’extrême droite.

Pour ce qui est de cet amendement, il a pour objet de faire reconnaître l’importance de l’immigration dans l’histoire de notre République. Quitte à modifier la Constitution, allons-y et reconnaissons cet apport. Notre pays, monsieur Ciotti, n’est pas tel que vous le fantasmez, c’est-à-dire rabougri, frileux et replié sur lui-même. Notre pays s’est toujours construit par apports successifs et par l’immigration. Et c’est notre fierté.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je donne naturellement un avis défavorable à cet amendement. Vous souhaitez qu’il y ait toujours plus d’immigration dans votre pays, nous souhaitons qu’il y en ait beaucoup moins.

Quant au reste de votre introduction politique, je le répète, la gauche que vous représentez n’est plus républicaine. Celle de 2002 que vous évoquez ne s’était pas encore soumise à M. Mélenchon. Vous l’êtes aujourd’hui et cette soumission vous a fait sortir du champ républicain.

Mme Annie Genevard (LR). Monsieur Lucas, j’ai l’opinion exactement inverse à la vôtre : c’est en ne résolvant pas les problèmes liés à une immigration incontrôlée que l’on nourrit la xénophobie. Les Français ne sont ni xénophobes ni racistes. Ils disent simplement, avec bon sens, que les lois doivent être respectées : pour arriver sur notre sol, il faut en avoir le droit ; pour s’y maintenir, il faut en avoir le titre. Cette immigration dérégulée nourrit le sentiment que les pouvoirs publics sont impuissants et que les politiques sont indifférents. Les plus fragiles d’entre nous vivent des situations difficiles dans certains quartiers et vous les ignorez, pour des raisons qui ont à voir avec votre clientèle électorale.

M. Erwan Balanant (Dem). Monsieur Ciotti, vous avez répondu à mon angoisse de voir votre famille politique dériver et se laisser porter par des tendances de plus en plus radicales en parlant de communication et d’effets politiques. Vous avez la responsabilité de revenir sur la berge du républicanisme. En la fuyant, vous nous entraînez tous.

Vous nous avez abreuvés de chiffres, mais je vous rappelle que, depuis 2014, des conflits mondiaux ont jeté sur la route des millions d’hommes et de femmes ; nous les avons accueillis parce qu’ils fuyaient le radicalisme musulman ou la guerre, en Ukraine notamment. Donc oui, il est logique qu’il y ait une hausse des demandes d’asile.

Je vous le demande à nouveau, revenez sur la berge de la République.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). L’immigration revêt pour moi une importance particulière, puisque je suis fils d’immigrés. Mon père est arrivé du Portugal il y a une cinquantaine d’années, pour travailler dans la métallurgie. Je traîne en moi cette pensée, qui déchire mon âme à chaque fois qu’elle remonte, que s’il était né 1 000 kilomètres plus au sud, je n’aurais pas la tête que j’ai et, à vos yeux, je serais moins assimilable dans cette France étriquée et rance dont vous donnez l’image.

Les Français ne sont ni xénophobes ni racistes, a dit Mme Genevard. Mais quand M. Retailleau, votre collègue et président du groupe – bien mal nommé – Les Républicains, au Sénat, parle de « régression vers les origines ethniques » en évoquant des jeunes nés en France, c’est du racisme, c’est de la xénophobie ; c’est même de l’eugénisme. Qui, de la gauche ou des Républicains, salit la République ? Vous devriez dénoncer les propos de votre collègue Retailleau. En tant que fils d’immigrés, vous me faites honte et vous devriez avoir honte que l’on puisse, dans un parti qui se prétend républicain, tenir de tels propos. La République, c’est l’égalité, la liberté et la fraternité. Vous n’avez de républicain que le nom et vous salissez la République.

Mme Caroline Abadie, présidente. J’entends que ces derniers propos provoquent des réactions ; je donnerai la parole à tous ceux qui la demandent.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, cela ne se voit pas mais nous avons en commun des origines italiennes. Dans ma famille, il y a des Canavese qui se sont aussi installés à Nice et qui, par les hasards de la vie, ont rencontré des Belges. Le mélange a produit des Français, qui défendent bien mieux que vous la République et le nom de Républicain.

Je suis, moi aussi, très choqué par vos propos selon lesquels la gauche aurait depuis longtemps trahi le peuple, alors même qu’il y a de cela quelques mois, vous avez soutenu la réforme des retraites, qui impose deux années de travail supplémentaires, contre l’avis de l’intégralité de la population active, puisque 93 % des Français qui travaillent y étaient opposés. C’est peut-être vous qui, finalement, serviez alors des clientèles électorales en essayant d’obtenir le soutien des retraités, qui votent beaucoup pour vous, il est vrai.

Vous dites qu’il y a des problèmes dans les quartiers populaires ; y mettez-vous jamais les pieds ? Si vous veniez dans ces quartiers, vous rencontreriez des jeunes qui en ont par-dessus la tête de ne pas être acceptés comme des Français à part entière en raison de leur couleur de peau. Des Français qui en ont ras-le-bol d’être considérés comme des Algériens ou des Marocains dans leur pays, et comme des Français quand ils sont en Algérie ou au Maroc. Ces gens ne se sentent plus de nulle part à cause de gens comme vous qui, sans arrêt, les ramènent à leurs origines. Ce sont des patriotes qui aiment leur pays, qui aiment la France bien plus que vous, puisqu’ils aiment, eux, la République et sa devise, Liberté, Égalité, Fraternité.

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement est clairement un artifice de langage. Il tente de faire l’amalgame entre, d’un côté, des étrangers entrés légalement sur notre territoire il y a quelques décennies, qui se sont intégrés, assimilés et ont épousé nos coutumes, et, de l’autre, une immigration extra-européenne, subie par les Français, qui se matérialise par des flux massifs, anarchiques, qui constitue le terreau du communautarisme, du séparatisme, de l’antisémitisme et même du terrorisme.

Que nos collègues de la Nupes ne veuillent pas voir que 57 % des jeunes musulmans considèrent la charia comme supérieure aux lois de la République me paraît très inquiétant. Cet amendement l’est également ; il est, au mieux, naïf, au pire, pernicieux. Évidemment, nous voterons contre.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Si on voulait une illustration du racisme d’atmosphère que j’ai déjà évoqué ici, les propos de Mme Genevard seraient particulièrement éclairants.

Alors que je propose un amendement dont l’objectif est la reconnaissance, dans notre Constitution, de l’apport de l’immigration à notre histoire républicaine, Mme Genevard m’accuse de servir « une clientèle électorale ». Est-ce à dire que les enfants de parents qui n’étaient pas français, que des Français qui ne l’étaient pas avant de le devenir, que les habitants des quartiers populaires qui sont victimes du racisme et de discriminations ne seraient pas des citoyens à part entière, des citoyens comme les autres ? Prétendez-vous que c’est servir une clientèle électorale que de rappeler que des familles d’origine étrangère, qui ont fait le choix de la France, concourent à construire l’histoire de notre république ? Allons au fond de votre raisonnement : y aurait-il de bons électeurs, blancs et catholiques, et de mauvais électeurs, qui ne le sont pas ? C’est exactement ce que vous avez dit, et c’est ignoble !

Mme Caroline Abadie, présidente. Je vous demande, à tous, de rester calmes et modérés dans vos propos.

M. Fabien Di Filippo (LR). Notre groupe vit très mal les insultes dont il fait l’objet depuis quelques minutes. Moi aussi, je suis petit-fils d’immigrés et jamais je ne me suis senti autre chose que français, jamais mes origines ne m’ont posé de problème. Dans notre famille politique, des personnes de toutes les origines, de toutes les couleurs et de toutes les religions ont accédé à des mandats électifs, ont été soutenues et ont obtenu des postes ministériels. Nous n’avons absolument aucune leçon à recevoir en matière de prise en compte de la diversité, d’intégration ou de conception républicaine.

Quand ma collègue Annie Genevard dit que vous essayez de séduire une certaine clientèle électorale, vous pensez qu’il suffit de nous insulter et de combattre cette proposition de loi pour vous acheter un brevet de communautarisme. Très bien, continuez ! Essayez de prospérer dans cette voie et de fracturer le pays. Vous ne voulez pas voir qu’il y a aujourd’hui un problème d’intégration dans notre pays, qu’accueillir de plus en plus de personnes chaque année ne fait que renforcer la ghettoïsation et la communautarisation. Petit à petit, les personnes qui rejoignent notre pays n’assimilent plus pleinement les principes républicains, contrairement à beaucoup dans cette salle, qui ont vécu cette assimilation dans leur vie quotidienne et au sein de leur famille. Mais vous refusez de le voir.

En quittant le Gouvernement, Gérard Collomb avait eu la lucidité de dire – c’est en quelque sorte un hommage que nous lui rendons en le citant – qu’il y avait deux France qui vivaient de moins en moins côte à côte et de plus en plus face à face. Votre responsabilité dans cette évolution est allée croissant.

M. Laurent Marcangeli (HOR). Je ne sais pas s’il s’agit d’un racisme d’atmosphère, mais il y a une mauvaise atmosphère dans cette commission. Nous pouvons débattre de nos institutions sans le faire sur le mode de l’invective et avec autant de décibels que cela vient d’être le cas, car cela nuit au débat public et à la qualité de nos travaux.

Je suis de ceux qui considèrent qu’il ne faut toucher à notre édifice constitutionnel que d’une main tremblante et que, s’il est des situations politiques dans lesquelles c’est possible, il en est d’autres où ça l’est moins. Lorsqu’un Président de la République est élu sur un programme électoral proposant de modifier la Constitution, c’est dans l’esprit de nos institutions et il y a une possibilité d’amorcer une modification. Le Parlement peut également s’autosaisir – c’est ce que ce qui nous est proposé présentement –, mais je ne pense pas que ce soit le moment ni le bon véhicule pour le faire, en particulier dans le cadre d’une niche parlementaire.

Surtout, une modification de la Constitution ouvre la porte à tous les amendements, à toutes les interprétations. Nous en avons une illustration avec les amendements de M. Lucas, qui ne sont pas dans l’esprit que nous voulons défendre pour nos institutions. Le groupe Horizons et apparentés votera donc contre cet amendement et contre l’ensemble des amendements déposés par M. Lucas.

M. Paul Molac (LIOT). Dans ma circonscription, ce sont les chefs d’entreprise qui me demandent d’écrire au préfet pour régulariser telle personne qui travaille dans leur usine et dont ils ont besoin pour « faire tourner la boutique ». Je ne sais donc pas pourquoi on me dit qu’il y aurait trop d’immigrés.

Je ne sais pas non plus pourquoi vous faites un lien entre quartiers difficiles et trafics, pègre et immigration, car il y a des personnes bien blanches qui participent à ces trafics, et plus on mettra de côté les personnes immigrées, moins elles auront d’autres choix que de s’engager dans ces trafics. Il est ubuesque que des personnes qui travaillent soient obligées d’arrêter parce qu’on n’a pas réussi à refaire leurs papiers.

Enfin, en tant qu’allogène de la République, je suis bien placé pour savoir que la République a tout de même du mal avec la diversité ! Lorsque vous n’avez pas la bonne couleur de peau, la bonne culture ou la bonne langue, on vous regarde parfois d’une façon bizarre et on ne vous fait pas confiance. J’ai entendu dire : « Tu es Breton ? Alors, tu n’es pas Français. » Or, précisément, je suis les deux ! En France, la glottophobie, l’aversion pour les langues différentes, est une réalité !

Présidence de M. Sacha Houlié, président de la commission.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les outrances des soumis à M. Mélenchon : ceux qui ont exprimé une complaisance coupable envers l’antisémitisme et avec l’islamisme n’ont de leçons à donner à personne. Vous avez démontré par vos propos et vos attitudes face à l’actualité internationale récente que vous étiez sortis de l’arc républicain. Je n’irai pas sur votre terrain car, pour moi, vous n’êtes plus des interlocuteurs républicains.

Monsieur Marcangeli, on peut toujours estimer que ce n’est pas le moment, et voilà en effet des années qu’on l’entend dire, mais depuis le début, lundi soir, de l’examen du projet de loi sur l’immigration porté par le ministre de l’intérieur, il a été dit à de multiples reprises que des dispositions plus sévères – ou simplement plus efficaces – pour réguler les flux migratoires n’étaient pas possibles parce qu’elles se heurtaient à des principes constitutionnels. Nous le savons tous, hormis ceux qui, parce que c’est leur fonds de commerce, soutiennent l’idée d’une immigration toujours plus massive, qui aurait pour effet que la France que nous connaissons ne soit plus fidèle à son histoire.

Pour le reste, monsieur Marcangeli, il y a encore peu, nous siégions dans le même groupe et défendions les mêmes textes et des candidats à l’élection présidentielle qui portaient le même projet et la même proposition de loi constitutionnelle. Vous ne dites pas encore que vous soutenez le fond de ce texte, mais je sais que vous le pensez, comme beaucoup de nos collègues de la majorité, mais que ce n’est pas le moment. Or vient un temps où une rupture est nécessaire, où il faut avoir le courage d’être pragmatique et efficace.

Nous proposons donc une réforme constitutionnelle au titre de l’article 89 de la Constitution et j’ai écrit au Président de la République que nous souhaitons qu’au terme de la procédure, cette réforme soit soumise à l’approbation du peuple français par référendum. On voit bien les blocages qui nous paralysent, au motif que ce ne serait pas le moment et que cela irait trop loin, ou à cause de pudeurs, d’impuissances, d’immobilismes et de calculs politiciens. Pendant ce temps, les flux migratoires progressent, avec des conséquences graves sur la cohésion de la nation. C’est cette situation qui, partout en Europe, mobilise des votes que l’on peut déplorer, mais que l’on doit constater. Le peuple exprime un souhait et il est temps de l’écouter.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL22, CL23, CL26, CL27, CL28, CL29, CL30, CL31, CL32, CL24 et CL25 de M. Benjamin Lucas

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Un jour, nous organiserons un colloque sur les pratiques communautaristes de certains maires Les Républicains, et nous vous inviterons, monsieur Ciotti. Vous verrez.

Tous ces amendements visent, à la suite du précédent, à acter diverses réalités et à prendre l’exact contre-pied de votre texte, dont ils sont en quelque sorte un troll généralisé. Là où vous voulez restreindre les droits, les libertés et le principe de fraternité, nous voulons, au contraire, les renforcer dans la Constitution.

L’amendement CL22 pose le principe constitutionnel de l’accueil et du soin des nouveaux arrivants. Un microbe ne montre pas ses papiers d’identité avant de passer d’un organisme à un autre, et sans doute est-il moins raciste qu’une partie de la classe politique française, car il ne distingue pas selon l’origine des personnes – du reste, le racisme d’atmosphère est mauvais pour la santé de tous.

L’amendement CL23 sanctuarise le droit du sol comme un principe constitutionnel.

L’amendement CL24 tend à inscrire dans notre Constitution le rôle volontariste que l’État doit exercer en matière d’inclusion des nouveaux arrivants. Alors que vous proposez une France fermée, dure et brutale, nous croyons qu’il faut un grand service public de l’inclusion. En réalité, les politiques de ce que vous appelez l’intégration ne coûtent pas assez cher et nous devons consacrer plus de moyens pour aider celles et ceux qui le souhaitent à apprendre notre langue et à bénéficier pleinement de l’ensemble des droits auxquels ils ont accès. Nous évoquerons dans le cadre de l’examen de la loi ordinaire l’aide médicale de l’État, et sans doute serez-vous un peu gêné par l’ampleur des non-recours à ce dispositif, puisque plus d’un bénéficiaire potentiel sur deux n’y recourt pas, faute d’accès à ses droits. Je propose, quant à moi, que tous puissent y avoir accès.

L’amendement CL25 propose de soutenir les collectivités territoriales, qui sont en première ligne dans l’accueil des nouveaux arrivants – je préfère ce terme à celui de « migrants » ou de « flux », car je préfère humaniser les gens plutôt que les déshumaniser. Excusez-moi d’avoir encore un peu d’humanité dans cette commission des lois !

L’amendement CL26 a pour objet de renforcer dans la Constitution l’aspect fondamental du droit d’asile en revenant sur l’esprit de la « circulaire Cresson », qui considère les demandeurs d’asile comme de potentiels tricheurs. Nous considérons qu’il faut plutôt une présomption de validité de la demande d’asile que l’inverse. Il est temps de mettre fin à cette stigmatisation insupportable.

L’amendement CL27 renforce les droits de demandeurs d’asile en posant le principe du droit au travail sans entrave ni délai. Notre collègue Paul Molac évoquait tout à l’heure les chefs d’entreprise, et je constate que Les Républicains n’aiment plus l’entreprise ni les chefs d’entreprise, qui reconnaissent eux aussi l’apport des nouveaux arrivants pour notre économie et pour répondre à leurs besoins. Il est triste qu’une famille aussi libérale que la vôtre soit coupée à ce point des besoins de nos entreprises. Là aussi, on pourrait citer abondamment le président Chirac, mais le temps manque.

L’amendement CL28 vise à renforcer dans la Constitution l’aspect fondamental du droit d’asile en posant la nécessaire indépendance des organismes d’accueil des demandeurs.

L’amendement CL29 vise à renforcer les droits des nouveaux arrivants en posant dans la Constitution l’aspect fondamental du droit à la réunification familiale, au même titre que le droit d’asile. Nous croyons à l’amour – excusez cet angélisme, mais j’ai déjà dit que je préférais être un ange plutôt qu’un démon. Nous croyons aux valeurs familiales ; pas celles qui font dire : « Un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants » et chanter des chansons ridicules de Frigide Barjot avec M. Darmanin dans un cortège, mais celles qui consistent à croire à la possibilité pour les familles de vivre en harmonie sur notre sol.

L’amendement CL30 tend à poser dans la Constitution le caractère fondamental du droit à régularisation pour tout nouvel arrivant travaillant et résidant sur le territoire national.

L’amendement CL31 vise à inscrire dans la Constitution le principe fondamental de protection des mineurs nouveaux arrivants. En réalité, il faudrait plutôt parler d’enfants que de mineurs, et l’on voit là toute l’inhumanité qui s’exprime lorsque vous évoquez ces enfants, sur lesquels vous voulez sans cesse pratiquer des tests pour démontrer je ne sais quoi.

Enfin, l’amendement CL32 vise à consacrer le principe de fraternité. Vous avez cité Cédric Herrou ; nous croyons en effet que la devise Liberté, Égalité, Fraternité n’est pas à géométrie variable et qu’on ne sélectionne pas, parmi les valeurs républicaines, celles qui doivent s’imposer à nous. L’identité de la France, c’est d’abord sa devise républicaine. Le principe de fraternité est, pour nous, la condition des deux autres valeurs de notre devise républicaine. Il n’y a pas de liberté ni d’égalité sans fraternité.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Vous n’en serez pas étonnés, mon avis sur l’ensemble de ces amendements est négatif car, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Lucas, ils relèvent tous d’une vision favorable à un accroissement de l’immigration en France. Vous considérez que l’immigration est une chance, alors que je considère, pour ma part, que l’immigration de masse est un danger. Nos visions sont donc radicalement opposées et, sans plus d’arguments juridiques, chacun de vos amendements contribue à une volonté d’augmentation des flux migratoires en France. C’est plus qu’une erreur ; c’est une faute, qui menacerait gravement notre pays.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous soutenons les amendements de M. Lucas et je m’arrêterai plus particulièrement sur celui qui tend à inscrire dans la Constitution le droit du sol comme un droit fondamental. Le groupe Les Républicains fait régulièrement appel à l’histoire de notre nation – mais alors, il faut tout prendre ! On apprend souvent à nos enfants que 1515 est la date de la bataille de Marignan, mais c’est aussi celle de l’inscription du droit du sol comme un principe fondamental, qui sera travaillé et parfois abîmé par la suite. La République consacrera, quant à elle, le droit d’asile.

Pour nous, la nationalité s’acquiert par la socialisation, et n’est pas une donnée biologique. C’est une conquête majeure qu’il faudrait protéger tous ensemble, nous qui nous réclamons de la République.

Depuis des siècles, la France se construit avec l’immigration ; plus d’un Français sur quatre a un grand-parent qui a connu un parcours d’immigration. Il ne faut pas laisser ceux qui en appellent aux racines de notre pays réviser notre histoire et s’attaquer frontalement à ce qui est un ciment de notre unité. Par vos propos, vos propositions, vos actes et votre refus de condamner des néonazis qui cherchent, comme ils le disent, à « casser du Noir ou de l’Arabe » et à mettre l’islam hors de France, comme le proclament leurs banderoles, vous attaquez notre cohésion sociale et notre unité.

Ces histoires, la grande comme les histoires singulières, expliquent peut-être pourquoi les Français ne font pas toujours de l’immigration un thème prioritaire. Ils la surestiment souvent, mais la vivent toujours de manière positive quand ils côtoient des personnes étrangères.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). M. Ciotti nous a reproché tout à l’heure d’avoir de la complaisance pour l’islamisme et l’antisémitisme, mais répéter mille fois ces propos n’en fera pas pour autant une vérité. L’islamisme, c’est l’autre face de l’extrême droite. L’islamisme est une extrême droite, car il repose sur l’idée même de la division du peuple en fonction de la religion – en l’espèce, de la religion musulmane. Ce que cherchent les islamistes, c’est à fracturer notre peuple entre ceux qui seraient français et ceux qui seraient musulmans. Tous ceux qui séparent nos compatriotes musulmans des autres font le jeu des islamistes – et ce n’est certainement pas le fait des Insoumis, qui ne cessent de répéter qu’il n’y a aucune différence au sein du peuple français, que ce soit en fonction de la religion, du genre, de l’orientation sexuelle ou de quoi que ce soit, sinon en fonction des actes posés, qui doivent être jugés par la loi, laquelle est la même pour tous, conformément à notre Constitution et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Selon la Constitution de 1793, celle de la Ière République, nous sommes égaux par la nature, c’est dire qu’il n’y a pas de différence entre nous, et devant la loi, parce que nous sommes des citoyens à égalité. Cette égalité, qui fait qu’une personne égale une voix, c’est notre capacité à faire la loi, mais c’est aussi notre obligation de la respecter.

Nous sommes des adversaires de tous les racismes, quels qu’ils soient. La complaisance avec l’islamisme n’est pas dans nos moyens, pas plus que quelque complaisance que ce soit avec l’antisémitisme, qui est une autre forme de division notre peuple, sur la base d’une autre religion.

Vous voyez, monsieur Ciotti, nous faisons beaucoup plus pour l’unité de notre peuple que des gens comme vous, qui ne cessent de chercher à le diviser.

Mme Edwige Diaz (RN). Faute de temps, je n’évoquerai que quelques-uns de ces amendements.

Comme 74 % des Français, nous voulons transformer l’aide médicale de l’État, qui fait l’objet de l’amendement CL22, en aide médicale d’urgence. C’est là une question de justice sociale, car un nombre croissant de Français renoncent à se soigner faute d’accès aux établissements de soins et faute de moyens, alors qu’ils travaillent et payent des impôts. Les Français savent, notamment grâce à des organismes comme l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, que, l’année dernière, cette aide médicale de l’État a coûté plus de 1,2 milliard d’euros et a bénéficié à plus de 400 000 personnes, contre 154 000 en 2004. Ce dispositif est complètement dévoyé.

Quant à Cédric Herrou, l’amendement CL32 est un excellent travestissement de la réalité : vous érigez en héros, en modèle, quelqu’un qui n’est pas un agriculteur, comme vous le décrivez, mais un militant immigrationniste qui, sous couvert d’humanité, adopte une attitude que l’on pourrait qualifier de complice des passeurs qui prospèrent sur le trafic d’êtres humains, sur la misère humaine, et qui envoient chaque année des milliers de personnes se noyer dans la Méditerranée. Cédric Herrou a aussi été condamné à plusieurs reprises par les tribunaux pour délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier en France. Il a aussi été condamné pour des squats de propriété privée. Avec cet amendement vous travestissez les valeurs, vous les inversez, vous méprisez les lois et vous voulez renverser les institutions.

Enfin, avec l’amendement CL24, vous dites qu’il faut poursuivre l’inclusion des nouveaux arrivants : c’est exactement ce que font les macronistes en donnant, comme l’année dernière, 750 millions d’euros à des associations immigrationnistes, auxquelles ils donneront cette année 980 millions.

Mme Annie Genevard (LR). Monsieur Lucas, trois de vos amendements ont trait à l’asile. Je rappelle à ce propos que la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie du ministre de l’intérieur de l’époque, Gérard Collomb, visait précisément à empêcher le détournement du droit d’asile. Faute de régulation, nombre de demandeurs d’asile savent très bien qu’ils ne pourront jamais accéder à ce statut parce qu’ils viennent de pays sûrs, mais envisagent malgré tout de s’installer sur le territoire national, au mépris de nos lois.

Votre vision de l’asile, très permissive, est dangereuse pour le droit même que vous prétendez défendre, ce beau principe qu’est le droit d’asile – le devoir que nous avons de protéger ceux qui sont menacés dans leur vie.

Quant à l’amendement CL31, il ne faut pas être naïf : vous savez très bien que les départements ne peuvent plus assumer le flot croissant de mineurs non accompagnés, qui sont la proie de systèmes mafieux qui les utilisent à leurs fins, et qui utilisent même parfois leurs organes. Le phénomène des mineurs non accompagnés doit absolument être enrayé. Il y va de la santé même des enfants et des jeunes mineurs que nous voyons sur les trottoirs du 18e arrondissement et qui me font me demander ce que Mme Obono fait pour eux dans son arrondissement.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). À Mayotte, depuis plusieurs mois, nous attendons avec impatience ce débat sur l’immigration. Les postures, les grands principes et les déclarations vides de sens qui émaillent le débat national sont une chose, mais elles n’abordent guère la pire crise que connaît notre pays : celle qui sévit à Mayotte, où une personne sur deux est étrangère, le plus souvent en situation irrégulière, et où l’on compte des milliers d’enfants abandonnés, dont les parents surgissent vers l’âge de 16 ou 17 ans pour obtenir des papiers.

La population vous appelle au secours, car nous subissons continuellement des violences inouïes, liées pour les trois quarts à l’immigration clandestine – ce n’est pas nous qui le disons, mais les gouvernements successifs, quelle que soit leur couleur politique. Toutefois, quelle que soit aussi la couleur politique, c’est l’inertie qui prévaut malgré les grands principes et les grandes déclarations. On se contente de nous répondre, dans une surenchère victimaire et avec des leçons d’humanisme des uns et des autres, que la Constitution empêche de faire quoi que ce soit pour protéger nos propres ressortissants. L’impuissance ne peut pas durer : notre département, français depuis 1841, a besoin d’action.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Il vaut mieux, pour un législateur, avoir une boussole : celle des principes. J’assume ceux que je viens d’exposer, et qui pourraient nous rassembler, puisqu’il s’agit des principes de la République.

Madame Genevard, l’amendement CL25 propose précisément des moyens pour les départements. J’ai donc exaucé votre souhait et peut-être voterez-vous donc cet amendement.

Monsieur le rapporteur, Mme Genevard a parlé de naïveté, mais quand vous dites que nous voulons plus d’immigration et que vous en voulez moins, je suis désolé de devoir vous apprendre que ce n’est pas comme cela que les choses se passent et que les migrations existaient avant vous, comme elles existeront après vous. Homo sapiens était un migrant ! Nous parlons ici de réalités humaines, géographiques, historiques et ethnologiques, et il est absurde de vous faire tous les deux jours des peintures de guerre sur le torse en disant que vous allez réussir à contrôler l’immigration et à atteindre l’immigration zéro : ça ne fonctionne pas !

La preuve en est que, comme vous l’avez dit vous-même, les quelque trente lois sur l’immigration qui ont été adoptées en quarante ans n’ont eu que deux effets. Le premier, c’est plus d’argent dans la poche des passeurs, dont vous êtes le meilleur agent pour les enrichir, puisque leurs tarifs sont directement indexés sur les difficultés rencontrées pour passer nos frontières. Le deuxième, c’est le nombre des cadavres qui flottent dans la Méditerranée ou gèlent dans les Alpes. Vos politiques restrictives n’empêcheront personne de fuir la guerre ou la misère. Croyez-vous que des gens qui se trouvent en Libye ou sont en train de traverser l’Afrique vont voir sur La Chaîne parlementaire comment se passe le débat à l’Assemblée nationale, pour savoir s’ils doivent faire demi-tour ? Soyez donc un peu réaliste et cessez d’être naïf, monsieur le rapporteur !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Quelle caricature ! À vous entendre, il faut supprimer les frontières – ce qui n’est naturellement pas notre position – et considérer que tous ceux qui veulent venir en Europe et en France peuvent le faire, sans aucune limite, aucun contrôle ni aucune contrainte, et même avec des encouragements ? Notre vision des choses est radicalement différente.

Le moment est venu d’interroger enfin le peuple français sur ce qu’il pense en matière migratoire. Nous savons très bien qu’à une majorité écrasante, les Français veulent moins d’immigration et ne supportent plus cette situation. Ils sont très majoritairement en totale contradiction avec ce que vous défendez, qui est purement caricatural.

Certaines filières de passeurs orientent les étrangers et leur vendent le séjour en France, tandis que des associations, parfois subventionnées par l’État français, les orientent dans les procédures juridiques et les manœuvres dilatoires pour empêcher l’expulsion. Des guides juridiques sont remis aux migrants clandestins et on retrouve parfois ces livrets, transmis par les passeurs, sur ceux qui sont interpellés au poste-frontière de Menton, avec des numéros de téléphone, dont parfois celui de M. Herrou et ceux d’associations faisant commerce avec des filières qui vivent de cette situation de détresse humaine et participent d’une certaine manière à une forme de traite des êtres humains.

Notre vision est donc totalement différente de la vôtre. Ce que décrit Mme Youssouffa à Mayotte, et à propos de quoi M. Kamardine nous alerte depuis des années, peut demain se transposer en métropole. Face notamment aux dérives du droit du sol à Mayotte, nous apportons, avec cette proposition de loi constitutionnelle, une réponse spécifique à Mayotte. Vous décrivez la situation avec des mots dont nous mesurons la gravité : il y a à Mayotte plus d’étrangers que de Français, avec des arrivées de plus en plus massives et des situations dramatiques qui ont des conséquences en termes de violence au quotidien. Pour mettre un terme à cette situation, il faut mettre fin au droit du sol. C’est ce que nous proposons.

La commission rejette successivement les amendements.

TITRE Ier
dispositions relatives À la souverainetÉ

Article 1er (Article 1er de la Constitution) : Affirmation du refus du communautarisme

Amendement de suppression CL6 de M. Aymeric Caron

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Vous nous proposez d’ajouter dans l’article 1er de la Constitution que « Nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire aux lois de la République et s’exonérer du respect des règles communes », mais cela figure déjà dans ce même article, qui dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Je ne crois pas que M. Sarkozy se soit prévalu d’une quelconque origine ou d’une quelconque religion pour s’adonner à la corruption pour laquelle il a été condamné.

Le respect de la loi n’est pas une question d’origine ou de religion, c’est une question de probité, d’honnêteté, une question de vertu, dirait Maximilien Robespierre – la vertu républicaine, que vous avez de toute évidence oubliée… C’est dingue ! Dès qu’on parle de Maximilien Robespierre, il y a des hurlements dans la salle. La devise qu’il a inventée – dans un discours de 1790 sur la garde nationale, si mes souvenirs sont bons – est pourtant inscrite sur le fronton de toutes nos écoles et de toutes nos mairies : c’est Liberté, Égalité, Fraternité. Apprenez votre histoire ! Vous nous parlez sans arrêt cesse de la nation et de l’amour de la patrie mais, de toute évidence, vous ne connaissez pas le début du commencement de son histoire.

Je conclurai en rappelant l’édit de Caracalla : en 212, M. Caracalla a carrément régularisé d’un seul coup tous les habitants de l’Empire romain : tous les gens qui étaient là se sont retrouvés Romains ! Vous êtes encore plus archaïques que Caracalla en 212.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Léaument, je veux bien faire la police de la séance, mais vous ne pouvez pas vous plaindre de faire hurler vos collègues si c’est précisément votre but.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je répondrai aux partisans de la Terreur que cet article 1er résulte du vote d’une proposition de loi portée par Philippe Bas et adoptée à une écrasante majorité par le Sénat voilà quelques mois. Au moment où nous constatons une montée très préoccupante de l’islamisme – j’allais dire de l’antisémitisme, mais l’antisémitisme venant de l’extrême gauche est lié à cet islamisme auquel vous apportez un soutien permanent –, l’article 1er conforte des principes, mais nous voulons, au-delà, protéger plus explicitement et plus manifestement la laïcité et protéger les femmes, qui sont les premières victimes d’une diffusion des règles d’un islam radical dans la société. C’est l’objet du présent article, qui vise à conforter dans notre Constitution ce grand principe de laïcité qu’une partie de la gauche, qui en était pourtant à l’origine, a aujourd’hui déserté, sombrant dans un cadre malheureusement très différent.

Mme Edwige Diaz (RN). Nous ne sommes pas favorables à la suppression de cet article. Je relève néanmoins que l’amendement évoque un soubassement idéologique. En matière d’idéologie, avec la Nupes, on touche le fond, car ce que nous ont proposé nos collègues sur l’article précédent ce sont tout de même – excusez du peu ! – la généralisation du droit d’asile et du droit du sol, l’élargissement du coûteux dispositif de l’aide médicale de l’État, la réunification familiale, la régularisation sans condition des clandestins et la sacralisation d’un délinquant tel que Cédric Herrou.

Votre idéologie est donc rejetée à raison par les Français, qui sont lucides, attachés à leur nation, à leur identité et à leur culture, mais aussi à leur sécurité.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous voterons l’amendement.

Cet article est inutile : la loi fondamentale répond à vos préoccupations, que je comprends, par les principes de laïcité et d’égalité. En outre, dans une constitution, une formulation négative n’est jamais bonne. Ne laissons pas les Français penser que cet article réglerait un problème : vous dites seulement plus mal ce qui existe déjà.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL48 de Mme Edwige Diaz

Mme Edwige Diaz (RN). La Nupes veut sans cesse renvoyer les gens à leur origine, appliquer la différenciation, alimenter une victimisation en raison du statut, de l’origine ou de la religion : cela conduit à une discrimination, même s’ils l’appellent « discrimination positive ». C’est un marchepied pour le communautarisme et le séparatisme, qui représentent un profond danger pour notre société.

Parce qu’ils forment un rempart à cette idéologie funeste, les députés du Rassemblement national souhaitent que soit seule reconnue la communauté nationale, qui se caractérise par l’amour de la patrie, l’indivisibilité de la République, l’attachement à sa culture, la préservation de son identité et surtout le respect des lois.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Sur le fond, je partage votre refus du communautarisme. Sur la forme, la rédaction actuelle de la proposition de loi constitutionnelle est bien plus solide juridiquement. Avis défavorable.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je continue mon propos sur la difficulté à insérer Mayotte dans ce débat sur l’immigration, alors que personne ne semble vouloir évoquer le cent unième département. Je rappelle que 99 % des statistiques que vous utilisez, notamment les statistiques officielles, excluent Mayotte : c’est pratique, on peut parler de l’immigration en France en écartant un département entier, pourtant concerné au premier chef. Et cela va continuer : M. Évin et M. Stefanini achèvent leurs travaux sur l’AME sans avoir interrogé qui que ce soit à Mayotte. Leur position écartera, une fois de plus, le seul département où un patient sur deux dans l’unique hôpital est étranger, ne contribue pas, ne cotise pas, ne paie pas les soins.

Il a été plusieurs fois question de surenchère victimaire. Mayotte est un territoire extrêmement pauvre, et nous n’avions jamais connu de violences jusqu’à l’arrivée de migrants dans les proportions que nous connaissons aujourd’hui. C’est un fait, et c’est la conclusion des autorités qui se succèdent. On peut continuer de nous dire qu’être pauvre justifie tous les crimes : ce n’est pas un argument que nous pouvons entendre et je ne pense pas que l’on s’honore à développer un tel argumentaire. À Mayotte, c’est le pauvre qui vole le plus pauvre, ou inversement.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). Cet amendement tend à inscrire dans la Constitution que la règle commune s’impose à tous. M. Léaument l’a dit, cette précision est redondante, puisque l’article 1er reconnaît le principe d’égalité.

L’exposé des motifs indique par ailleurs qu’il reviendra au législateur d’établir un cadre juridique efficace notamment contre les atteintes à la laïcité. Est-ce à dire que le Rassemblement national entend mettre fin au régime concordataire d’Alsace-Moselle ? Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, l’État salarie les représentants des cultes catholique, protestant et juif. Une heure d’enseignement religieux catholique, protestant ou juif est également prévue. Avez-vous l’intention d’abroger ces dispositions ?

C’est d’ailleurs une question que j’adresse également aux députés de la majorité présidentielle puisque Yaël Braun-Pivet, présidente de notre assemblée, déclarait il y a quelques mois : « Moi, je veux une école publique parfaitement laïque, où il n’y a pas de ramadan. » Cette vision étriquée de la laïcité vise une partie de notre peuple, une fois de plus les musulmans.

Pour garantir une vision large et complète de la laïcité, abrogeons le concordat et garantissons une école laïque partout.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL49 de Mme Edwige Diaz

Mme Marie-France Lorho (RN). Eu égard aux évolutions de la société française, cet amendement vise à rappeler qu’au-delà de l’origine, toute personne présente sur le sol français doit respecter la règle commune, y compris lorsqu’elle heurte une autre culture ou langue.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cet amendement est satisfait, car la notion d’origine inclut la culture et la langue. Avis défavorable.

M. Paul Molac (LIOT). (M. Paul Molac s’exprime en breton.)

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Molac, en commission des lois, il faut s’exprimer en français, s’il vous plaît.

M. Paul Molac (LIOT). Je me suis amusé à parler breton, je l’avoue. Je sais bien que je n’en ai pas le droit, c’est même ce que je vous disais dans cette langue. Je continuerai évidemment à dire que ma langue m’appartient et qu’il est hors de question que je me taise.

Au conseil régional de Bretagne, nous avons des traductions ; chacun peut parler l’une des trois langues de notre région, le breton, le gallo et le français. Cela ne pose aucun problème.

La politique que vous proposez, à l’inverse, c’est celle de l’assimilation dont j’ai déjà parlé en évoquant ces pauvres enfants matraqués à l’école parce qu’ils ne parlaient pas la bonne langue. C’est à toute la France que l’on a imposé le sabir de Paris. C’est peut-être votre conception de la France, mais moi, j’appelle cela du colonialisme et une politique ethnique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL4 de Mme Emmanuelle Ménard

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Cet amendement de précision ajoute la mention des « opinions » à celle de l’origine et de la religion. Il fait écho à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

L’unicité du peuple est un principe cardinal de notre pays et il importe de le rappeler au moment où notre société se fragmente pour devenir une juxtaposition de communautés plus que désunies.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable. Cet ajout ne me semble pas conforme à la philosophie de cet article, qui vise le refus du communautarisme. Nous aurons un autre amendement qui confortera la position que vous souhaitez défendre – et que je comprends.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). C’est dingue, cette volonté d’inscrire dans la Constitution des choses qui y sont déjà ! Aux termes de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses », mais il n’en découle pas que l’on peut se prévaloir de ses opinions pour ne pas respecter la loi !

Si vous voulez changer la Constitution, pourquoi ne pas reprendre l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 ? Il n’était pas mal, et devrait parler aux macronistes : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement [c’est-à-dire de manifester], le libre exercice des cultes ne peuvent être interdits. – La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme. » Voyez-vous, pour ceux qui ont inventé la République française en 1792 et 1793, l’atteinte au droit de se rassembler et de manifester était un souvenir du despotisme !

En ce qui concerne la langue, évoquée tout à l’heure, là aussi, c’est dingue ! Vous ne voulez plus que l’on parle de jardin, d’oranges, d’abricots ? Ce sont des mots qui nous viennent de l’arabe. Vous ne voulez plus que l’on mange des pizzas, des kebabs ? La culture fonctionne de manière créole : c’est un mélange. M. Molac le disait avec une grande justesse : il y a dans la culture française des apports d’un peu partout, de Bretagne, du sud de la France. Je mets beaucoup d’huile d’olive dans ma cuisine ; ça vient d’Italie, de la Méditerranée ! C’est cela la France ! La pizza hawaïenne avec des ananas aussi, d’ailleurs, c’est un mélange…

M. Paul Molac (LIOT). Si l’on ne peut plus exprimer ses opinions, il n’y a plus de débat démocratique. C’est la confrontation des opinions qui fait avancer la société ! Votre amendement est bien trop large. Le Conseil constitutionnel pensait que la parité n’était pas une bonne chose : c’est une opinion.

Je ne vois pas comment on pourrait voter un tel amendement, à moins d’en finir avec le débat contradictoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL50 de Mme Edwige Diaz

Mme Marie-France Lorho (RN). Il s’agit d’un amendement de précision qui remplace la notion de « religion » par celle de « croyances », plus large.

M. Éric Ciotti, rapporteur. La Constitution dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Les deux mots sont déjà présents.

Nous pourrons retravailler ce texte en vue de la séance publique. Demande de retrait.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Le terme de croyances est intéressant : tout ce que vous racontez sur les migrations, ce sont des croyances ! Vous croyez qu’il y a une submersion migratoire, or l’essentiel des migrations se fait entre les pays du Sud ; vous croyez à un machin qui s’appellerait l’appel d’air, alors qu’il n’a jamais été démontré nulle part, à aucune époque. Ces croyances généralisées faussent le débat public : nous sommes l’un des pays où les citoyens surestiment le plus le nombre d’étrangers vivant sur son sol. Je vous remercie donc de mettre ce terme de « croyances » en avant – c’est bien la seule fois où je vous remercierai ! – puisque cela montre leur importance pour vous.

Vous croyez aussi, monsieur Ciotti, pouvoir interrompre ou augmenter l’immigration par des lois et des débats ici comme d’autres font la danse de la pluie. Tout cela est un peu naïf.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 1er.

Article 2 (Article 11 de la Constitution) : Élargissement du champ du référendum législatif

Amendements de suppression CL7 de M. Jean-François Coulomme et CL14 de M. Benjamin Lucas

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Cet article vise à étendre le champ du référendum. Mais cette proposition est celle d’un parti qui a nié la volonté populaire : en 2005, le traité constitutionnel européen a été massivement repoussé par les électeurs, mais le gouvernement de M. Sarkozy et M. Fillon – deux personnes très connues pour leur respect des règles de la République – s’étaient assis sur cette volonté populaire en la traitant comme si elle était honteuse et en faisant prendre la décision inverse au Parlement.

Par ailleurs, si vous voulez étendre le champ du référendum pour traiter de l’immigration et de l’asile, vous ne proposez pas de changer le fait que cette procédure est une prérogative présidentielle. Nous partageons l’idée de consulter plus souvent le peuple, mais nous suggérons plutôt de modifier l’article 89 de la Constitution en retirant au Président de la République le droit de s’affranchir du référendum pour toutes les modifications de la Constitution et en prévoyant un référendum d’initiative citoyenne, alors que l’article 11 exige aujourd’hui pour l’organisation d’une telle consultation le soutien d’un dixième du corps électoral. Nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle pour instaurer un véritable référendum d’initiative populaire.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Les conséquences de ces débats, de ces textes, de ce racisme d’atmosphère que vous entretenez sont bien réelles. Parce qu’ils se sentent légitimés par vos propos et par la pseudo-respectabilité républicaine que M. Ciotti veut offrir aux idées les plus rances de l’extrême droite, des gens descendent dans les rues crier des slogans nazis, s’en prennent aux musulmans de notre pays, se livrent à des ratonnades. Ce que vous dites ici ne reste pas enfermé dans ces murs ; vous avez une influence sur des esprits radicalisés, et dont vous entretenez la radicalisation.

Je parle, moi, de « droite radicalisée » car je ne veux pas faire le deuil d’une droite républicaine, avec qui nous ne serons pas d’accord, bien sûr – mais on peut ne pas être d’accord avec moi sans courir derrière Marine Le Pen ! Vous pourriez retrouver une forme de sagesse qui a existé dans le mouvement gaulliste que vous présidez. Cela paraît bien lointain.

Pour la santé de notre débat public, englouti sous les thèmes de l’extrême droite, il faut supprimer cet article.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable.

C’est un débat qui dépasse le cadre de la politique migratoire et de la régulation – que nous croyons possible, ne vous en déplaise – des flux migratoires. Le général de Gaulle a voulu inscrire cet article 11 dans la Constitution de 1958, et il l’a utilisé – vos lointains prédécesseurs avaient alors crié au coup d’État – pour soumettre au peuple la modification constitutionnelle qui a instauré l’élection du Président de la République au suffrage universel, aujourd’hui clef de voûte de nos institutions.

Afin de donner plus souvent la parole au peuple français, nous voulons élargir le champ de l’article 11 à tous les domaines de la loi, à l’exception des textes budgétaires. On peut débattre de ce périmètre.

Sur les retraites, nous n’étions pas d’accord mais vous aviez déposé une motion référendaire. Elle a été bloquée par le Conseil constitutionnel parce qu’elle ne s’inscrivait pas dans le champ de l’article 11. Je ne comprends donc pas votre refus – mais il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas chez vous, et heureusement.

Nous proposons de donner plus de prérogatives au peuple. Si les questions migratoires sont si passionnelles, c’est qu’elles sont confisquées par une élite médiatique et politique qui refuse de donner la parole au peuple français : si cette proposition de loi constitutionnelle est adoptée, les Français pourront être interrogés pour la première fois sur ce sujet.

Mme Pascale Bordes (RN). L’exposé des motifs de l’amendement CL14 parle de démagogie. C’est savoureux, car chez LFI, on est passé maître en la matière ! Vous êtes les chantres de la récupération politique et de l’instrumentalisation. Vous n’avez aucune leçon à donner à qui que ce soit.

Vous indiquez également que notre pays « ne connaît pas une crise migratoire mais une crise de l’accueil ». Peut-on parler sérieusement de crise de l’accueil à Mayotte ? Comment osez-vous dire cela face à une population qui appelle à l’aide, face à notre collègue Estelle Youssouffa qui se bat pour le changement à Mayotte ?

Vous êtes hors du temps. Ce « toujours plus » est surréaliste.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Je vous rappelle que le terme de « chantre » renvoie à une fonction tenue au cours de l’office religieux ; or notre démarche est tout à fait laïque !...

Monsieur Ciotti, soyons sérieux : c’est votre camp qui s’est assis sur le référendum de 2005. Vous portez de ce fait une large responsabilité dans la désaffection des électeurs vis-à-vis de la politique. Vous avez créé de l’abstention, du dégoût pour la démocratie. Cessez de demander qu’il soit fait appel au peuple, car vous ne l’avez pas respecté, cet appel !

Quant au Conseil constitutionnel, gardien de la Constitution telle qu’elle est, il est évident qu’on ne peut pas lui demander de se prononcer sur une modification de celle-ci. Pour notre proposition de loi n° 1900, visant à instaurer la possibilité d’un référendum constitutionnel d’initiative citoyenne, nous ne nous attendons pas à ce qu’il nous approuve !

Cessez d’user de cette mauvaise foi pour vous plaindre de ne pas atteindre votre but, qui est bien d’inverser les normes et de privilégier la volonté de quelques-uns au détriment notamment des demandeurs d’asile.

Mme Annie Genevard (LR). Je ne reviens pas sur les invectives et les insultes qui émaillent les prises de parole de nos collègues. Moi qui viens de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je tombe des nues devant une telle violence.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). On s’y ennuie.

Mme Annie Genevard (LR). Nos collègues seront heureux de l’apprendre : vous démontrez à la fois votre extrême courtoisie et votre tolérance.

Je m’oppose fermement aux amendements de suppression. Il me paraît très utile que les Français soient consultés sur des questions qui les concernent au premier chef, sur des réalités qu’ils vivent parfois très douloureusement. Dans toutes les enquêtes d’opinion, une écrasante majorité de Français – même parmi vos électeurs – disent qu’il y a un problème migratoire dans notre pays. Les instituts de sondage n’ont pas à être les seuls réceptacles de l’opinion : il faut donner la parole aux Français, et le référendum est un outil démocratique par essence.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 (Articles 55 et 88‑1 de la Constitution) : Affirmation de la supériorité de la loi sur les engagements internationaux dans certaines matières prévues par une loi organique

Amendements CL13 de M. Jean-François Coulomme et CL15 de M. Benjamin Lucas

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous sommes ici face à une curiosité : vous voudriez que la loi organique détermine les conditions dans lesquelles le droit national prend le pas sur les traités internationaux et les autres textes du bloc de constitutionnalité. Vous proposez donc une inversion des normes. C’est démagogique : avec cette logique, on va s’affranchir de nos engagements internationaux, de la Constitution et de la Charte de l’environnement, et pourquoi pas de la Déclaration universelle des droits de l’homme !

C’est la Constitution qui doit l’emporter sur la loi organique. Celle-ci organise, au contraire, l’application des valeurs inscrites dans la Constitution.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Je souscris à ce qui vient d’être dit.

Je constate un certain sectarisme de nos collègues de la majorité, qui ne votent pas les amendements de suppression mais votent contre les articles. Nous pourrions pourtant gagner un peu de temps. Votre présence ici, et celle du Président de la République à l’Élysée, est le résultat du fait que des millions de gens ont voulu, à deux reprises, faire barrage à l’extrême droite. Vous avez aujourd’hui l’occasion d’être fidèles à cette exigence républicaine.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable. C’est un article important. Il modifie l’article 55, relatif à l’autorité des traités par rapport aux lois, et l’article 88‑1 de la Constitution, relatif à la primauté du droit de l’Union européenne. Je le dis avec gravité et solennité, il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause la hiérarchie des normes ou notre adhésion aux traités de l’Union européenne ; il s’agit simplement d’installer une sorte de corde de rappel lorsque nous sommes confrontés à des contestations graves de notre identité constitutionnelle, telle que le Conseil constitutionnel la rappelle, ou des intérêts fondamentaux de la nation.

Le dispositif que nous proposons est parfaitement encadré puisqu’une loi organique serait votée en termes identiques par les deux chambres, ce qui garantit une forte majorité des parlementaires, avec un contrôle de constitutionnalité.

Les traités auront toujours une valeur supérieure à la loi. Mais il sera possible sur un point très précis, dans des cas très limités, par décision du législateur et après un contrôle du Conseil constitutionnel, de déroger à la hiérarchie des normes.

C’est une disposition essentielle pour restaurer la souveraineté juridique. Nous pouvons le faire sans déconstruire nos engagements européens, que nous honorons – d’autant plus que nous en sommes bien souvent à l’origine.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je le dis avec la même solennité, le groupe Socialistes s’opposera à cet article. Cette proposition de loi ne peut pas prospérer ! La hiérarchie des normes est un dispositif intelligible par tous et bien pratiqué : il ne nous paraît d’autant moins opportun d’y toucher que vous n’avez pas l’avis du Conseil d’État. La ratification des traités par les parlements nationaux permet déjà d’émettre des réserves : travaillons bien, au bon moment, émettons des réserves au bon moment, avant la censure éventuelle du Conseil constitutionnel.

La France n’a pas vocation à se comporter comme la Hongrie ou la Pologne. Elle doit, et vous devriez nous rejoindre sur ce point, être le fer de lance d’une coopération renforcée sur les questions migratoires. C’est dans la construction et non dans l’exclusion que nous faisons entendre notre voix. Nous n’avons pas besoin d’une corde de rappel qui n’apporterait que de la confusion à ce que vous appelez vous-même le chaos.

Nous voterons pour la suppression de cet article dangereux, inintelligible pour les citoyens et impraticable pour les juges.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Vous voulez bel et bien inverser la hiérarchie des normes, monsieur le rapporteur, ou plutôt vous affranchir de celles qui vous déplaisent : celles qui découlent de notre devise, par exemple, qui a pourtant inspiré la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme. Vous ne pouvez pas nous donner des leçons de républicanisme, on l’a vu tout au long de ces débats. Vous dites que nous sortons de l’arc républicain : c’est vraiment nous accuser de vos propres turpitudes !

Il en va de même pour la laïcité : vous entend-on vouloir être réellement laïcs en sortant du concordat qui, en Alsace-Moselle, permet que l’administration des cultes soit gérée par l’autorité politique ?

Vous nous donniez jadis des leçons d’européanisme, ou d’europhilie ; vous voulez maintenant vous affranchir des règles européennes qui ne vous conviennent pas : celles, sans doute, qui rappelleraient trop notre devise. C’est incohérent et vous êtes pris à votre propre piège.

M. Yoann Gillet (RN). La hiérarchie des normes doit évoluer pour garantir la souveraineté de la France. Nous pourrions nous féliciter que les députés du groupe LR tentent de reprendre une proposition de Marine Le Pen, mais l’article 3 de votre texte est tellement mal rédigé, monsieur Ciotti. Quand on veut faire un copier-coller, il vaut mieux le faire correctement.

Selon cet article, les juges ne pourraient plus invoquer la primauté des traités ou des accords internationaux lorsqu’ils sont contraires à la Constitution. Le Tribunal constitutionnel fédéral d’Allemagne a d’ailleurs posé pour principe en 2019 que le droit allemand pouvait prévaloir sur celui de l’Union européenne. Le Tribunal constitutionnel polonais a fait de même en 2021, en décidant que certains articles du Traité sur l’Union européenne étaient contraires à la Constitution.

Bref, assurer la supériorité du droit national permettrait à notre pays de concilier son engagement européen avec la sauvegarde de sa souveraineté. C’est une nécessité.

Mme Annie Genevard (LR). Vous avez évoqué notre illustre collègue Pierre Mazeaud pour fonder votre argumentation sur son autorité en matière juridique. Je citerai, pour ma part, Jean-Éric Schoettl, autre juriste éminent et ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel. Il est très clair sur la question de l’insuffisance de nos armes juridiques et donne quelques exemples tout à fait éclairants, qui doivent nous inciter à adopter cet article.

Ainsi, la jurisprudence de la CEDH interdit l’expulsion d’un étranger, aussi dangereux soit-il, s’il est exposé à des mauvais traitements dans son pays d’origine. Deuxième exemple : la « directive retour » impose que le ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière bénéficie d’un délai pour quitter volontairement le territoire. Le refoulement est donc prohibé. Toujours en matière d’asile, la CEDH condamne la reconduite d’une embarcation interceptée en mer vers son pays de provenance. Et cetera, et cetera.

On voit bien qu’il faut que nous retrouvions une souveraineté juridique en la matière, et je crois que cet article y pourvoit.

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est un débat juridique intéressant. Vous le maîtrisez assez mal, monsieur Coulomme, et vous essayez de nous noyer dans vos considérations politiques habituelles.

J’aurais été heureux de m’inspirer d’autres propositions de loi constitutionnelles, mais je n’ai pas vu que vous en ayez déposé, monsieur Gillet. Ce que je propose s’appuie sur des réflexions très anciennes. La différence entre nous réside dans le fait que vous voulez une modification globale de la hiérarchie des normes, alors que nous proposons que cette modification soit limitée à des cas qui mettent en cause les intérêts fondamentaux de la nation ou son identité constitutionnelle, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

M. Coulomme a encore proféré une ineptie tout à l’heure. Remettre en cause la devise Liberté, égalité, fraternité constitue un choix politique, mais cela ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation – alors que c’est sans doute le cas lorsque l’on modifie le temps de travail des militaires français.

Notre proposition porte sur un nombre très encadré de sujets. Elle prévoit qu’une loi organique soit votée dans les mêmes termes par les deux assemblées ou adoptée par référendum, le tout sous le contrôle systématique du Conseil constitutionnel.

Il s’agit bien d’une corde de rappel, qui nous permettra de reprendre la main si demain on nous impose des décisions qui sont contraires aux intérêts fondamentaux du pays.

M. le président Sacha Houlié. Par respect pour les principes fondamentaux que sont le respect de l’ordre constitutionnel et de la hiérarchie des normes – mais aussi pour Hans Kelsen et ce qu’apprennent les étudiants de droit en première année –, je souhaite que notre commission adopte ces amendements de suppression.

Je suis surpris que le groupe La France insoumise ait déposé un tel amendement de suppression, puisque ses membres sont au fond favorables à la remise en cause de cet ordre constitutionnel, car ils veulent retrouver une forme de souveraineté et sortir des traités européens. Ils pourraient même être d’accord avec la proposition du rapporteur.

En revanche, nous ne sommes absolument pas d’accord. Les délégations de souveraineté que nous avons consenties ont été choisies et votées. On n’exerce jamais mieux la souveraineté que lorsqu’on la délègue volontairement. C’est ce qui a été fait lorsque le peuple ou ses représentants se sont exprimés à l’occasion des différentes étapes de la construction européenne.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement CL51 de Mme Edwige Diaz tombe.

Article 4 (Article 3 de la Constitution) : Élévation au rang constitutionnel du principe d’assimilation pour l’acquisition de la nationalité française

Amendements de suppression CL8 de M. Aymeric Caron et CL16 de M. Benjamin Lucas

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). M. Ciotti et le groupe Les Républicains nous proposent d’insérer dans l’article 3 de la Constitution l’alinéa suivant : « Nul ne peut devenir français s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française. »

Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Dans notre pays, il n’y a qu’une seule communauté : la communauté légale, qui est définie précisément par la Constitution et par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Celle-ci dispose que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » L’égalité repose sur la capacité à faire la loi et sur le devoir de l’appliquer.

Qu’est-ce que la « communauté française » ? Est-ce que vous vous référez à notre histoire révolutionnaire, puisque notre histoire naît d’une révolution, de même que le drapeau tricolore, La Marseillaise et la devise Liberté, égalité, fraternité. Nous parlez-vous plutôt de la révolution de 1848, qui a conduit à régulariser tous les étrangers qui y avaient participé ? Si telle est votre conception de la communauté française, je suis d’accord.

Je considère que la communauté française repose sur des choses simples : respecter la loi et voter pour pouvoir la faire ; notre devise, qui a été créée par Maximilien Robespierre ; le drapeau tricolore, qui est né d’une grève antiraciste, lorsque les marins de Brest ont refusé de partir se battre contre les Haïtiens qui se rebellaient contre l’esclavage ; La Marseillaise, qui comporte un certain nombre de passages critiques vis-à-vis de l’autorité politique, puisque le drapeau rouge de la tyrannie, c’est celui de la loi martiale invoquée pour tirer sur la foule le 17 juillet 1791.

Peut-être faites-vous référence à la laïcité. Mais dans ce cas, il faut remettre en cause le régime concordataire d’Alsace-Moselle et le régime de l’ordonnance royale de Charles X en Guyane.

Nous avons beaucoup d’idées sur ce qu’est la communauté française, mais commençons par le respect de la loi.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Comme cela vient d’être brillamment dit, la République repose sur des règles objectives et nous formons une communauté légale. Je me demande ce que s’assimiler à une culture française signifie et je souhaiterais que le rapporteur et mesdames et messieurs des droites radicalisées et de l’extrême droite nous l’expliquent.

Je me demande si je suis moi-même bien assimilé. Mon camarade Léaument a évoqué les habitudes alimentaires. Mes deux plats préférés sont le bon foie gras des Landes et le délicieux tikourbabine préparé par la grand-mère de mon épouse. De votre point de vue, monsieur Ciotti, suis-je un bon Français bien assimilé à la culture française et à sa gastronomie – à laquelle je voue un véritable culte, tout en étant très laïc ?

Plus sérieusement, on voit bien ce que vous voulez dire et quelle vision extrêmement rabougrie vous avez de la France et de son identité.

Notre identité est d’abord fondée sur la devise républicaine et sur ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Elle ne repose pas sur des origines ou sur ce que l’on mange, sans même parler de la musique – j’écoute autant Khaled que Michel Sardou, suis-je un bon français ? Faut-il analyser la playlist que j’écoute pendant que je cours ?

M. le président Sacha Houlié. Cela devient du gloubi-boulga, monsieur Lucas.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je me garderai bien de donner un avis sur les goûts culinaires de M. Lucas, même si je peux les partager.

La définition de l’assimilation figure à l’article 21-24 du code civil. Elle ne découle pas d’une idéologie particulière et elle a été inscrite dans le code civil par le Conseil national de la Résistance. Le principe en a été énoncé dès l’ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, rédigée à la Libération sous l’autorité du général De Gaulle.

La notion d’assimilation est définie juridiquement de manière précise dans le code civil : « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises […]. »

J’adhère à cette définition. Mais elle a seulement une valeur législative. Nous souhaitons élever cette notion d’assimilation au rang constitutionnel, pour qu’elle permette de défendre l’identité de la France et de lutter contre la montée des communautarismes. Cela permettra aussi qu’elle soit appliquée dans un cadre beaucoup plus général.

L’assimilation est une notion essentielle et elle relève du bon sens. Quand on est étranger et que l’on arrive en France, on se doit au moins de respecter l’histoire, l’identité, la culture et les modes de vie traditionnels dominants du pays qui vous accueille. C’est cela qui permet de former une communauté nationale et d’éviter la juxtaposition de communautés ethniques, religieuses, culturelles ou régionales.

Je ne connais qu’une seule communauté : la communauté nationale, et l’assimilation contribue à la cimenter.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous abordons enfin un débat précis.

Vous êtes tombé dans mon piège en lisant l’article où figure la définition de l’assimilation, lequel prévoit une connaissance suffisante de la langue, de l’histoire et de la culture, selon la condition de celui qui demande la naturalisation. Vous avez oublié ce dernier point.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je l’ai dit !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Depuis tout à l’heure, nous parlons de notre pays et de son histoire. Et chaque fois que je vous raconte des épisodes de l’histoire de France, vous hurlez. Je ne comprends pas pourquoi. Est-ce à dire que vous seriez en dehors de la communauté française ? C’est une idée un peu étrange.

« Est-ce qu’on emporte la patrie à la semelle de ses souliers ? », a dit Danton. Cette phrase peut s’appliquer à ceux qui ont beaucoup d’argent et qui fraudent ou fuient le fisc. On pourrait se poser la question de la nationalité pour ceux qui refusent d’accomplir leur devoir de participer par l’impôt à la communauté et à la solidarité nationale. Le manque d’argent qui en résulte dans les caisses de l’État provoque une disette, qui est ensuite utilisée par certains, à commencer par le Rassemblement national, pour nous dire que les pauvres et les derniers arrivés sur notre sol coûtent trop cher. D’autres nous coûtent des monceaux de fric mais vous n’en avez rien à faire !

Cela nous amène à une autre question : pourquoi supprime-t-on des postes de fonctionnaires chargés du contrôle fiscal, qui rapportent de l’argent, si ce n’est pour laisser tranquille ceux qui se séparent de la communauté nationale en ne payant pas leur juste part d’impôts ?

Mme Pascale Bordes (RN). Selon les auteurs de ces amendements de suppression, le principe de l’assimilation à la communauté française se heurterait à un autre pilier de la République : l’accueil des personnes, quelle que soit leur origine.

Mais comment accueille-t-on lorsque l’on a 3 000 milliards d’euros de dettes ? Accueillir dignement quelqu’un, c’est autre chose que de défiler avec des banderoles. Cela suppose de s’organiser. Nous n’avons pas les moyens d’accueillir dignement toute la population mondiale que vous voulez faire entrer en France. On ne peut pas laisser des gens sous des tentes Quechua. Vous trouvez peut-être qu’il est décent de traiter les gens de cette manière, mais moi pas.

Monsieur Léaument, vous avez oublié de citer la suite de l’article 21-24 du code civil, qui fait état des droits et des devoirs conférés par la nationalité française. S’agissant des droits, on a bien compris ce que cela représente, selon LFI, pour les populations que vous voulez faire venir. Mais vous ne faites nullement état des devoirs. Pensez-vous sérieusement que nous pouvons accorder la nationalité française à quelqu’un coupable de meurtre, de viol, de vol avec violence et de trafic de stupéfiants ou de faux papiers ? Au groupe Rassemblement national, nous pensons que cela n’est pas possible.

M. Éric Poulliat (RE). Pour moi, la République ne se résume pas à 1793. Par définition, la République est assimilatrice. Ce n’est ni un tabou, ni un sujet de récupération politique. En disant cela, il ne s’agit pas d’opposer les partisans d’une vision assimilatrice aux partisans d’une vision de la société soit laxiste, soit fasciste. C’est tout simplement qu’il existe un creuset républicain. Chacun y apporte son parcours, ses goûts, ses passions et ses croyances. On touille et cela fait la République.

L’assimilation est la République.

Mme Annie Genevard (LR). Après cette belle intervention, à laquelle je souscris, j’indique que nous voterons naturellement contre ces amendements de suppression de l’article 4, qui constitutionnalise le principe d’assimilation.

Ce principe est l’expression d’un universalisme qui respecte chacun dans l’intérêt de tous. Il constitue notre conception républicaine du destin commun.

Tout à l’heure, Paul Molac a dit que la République avait du mal avec la diversité. Je ne le crois pas. La diversité a été exaltée – sans doute quelquefois inconsidérément – pendant des décennies et, aujourd’hui, la République a précisément du mal avec son unité.

Cet article est tout à fait fondamental. « À Rome, fais comme les Romains. » La sagesse ancestrale est toujours d’actualité.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements CL52 de Mme Edwige Diaz et CL3 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

TITRE II
dispositions relatives À  la nationalitÉ

Article 5 (Article 73-1 [nouveau] de la Constitution) : Suppression du droit du sol à Mayotte

Amendements de suppression CL9 de M. Aymeric Caron et CL17 de M. Benjamin Lucas

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). De manière étrange, cet article propose un régime particulier pour Mayotte, alors qu’il s’agit d’un département français comme les autres. Sans que la raison soit précisée, l’article priverait les habitants de Mayotte des droits dont bénéficient ceux du reste du territoire de la République. On perçoit bien entendu que cette mesure résulte d’une intention si ce n’est raciste, du moins racisante et essentialiste.

Pourquoi à Mayotte ? Et pourquoi pas demain dans un autre département qui ne vous agrée pas ou dont vous estimeriez qu’il faut l’extraire du champ d’application des lois de la République, afin de lui infliger une loi punitive qui prive ses habitants du droit du sol ?

Il y a ici des gens qui sont partisans du droit du sang – c’est leur point de vue politique – et d’autres du droit du sol – nous.

Nous considérons aussi que la sueur doit donner des droits. Qui se lève tôt le matin pour prendre le métro et pour s’occuper notamment de nos anciens ? Ce sont pour l’essentiel ceux dont vous souhaiteriez vous débarrasser.

Nous voulons que les lois de la République s’appliquent sur l’ensemble du territoire national et nous nous opposons aux particularités que vous réservez à tel département parce que les gens qui y vivent ne vous plaisent pas plus que ça.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Mme Genevard se revendiquait tout à l’heure de l’universalisme. Encore faut-il avoir le souci de l’universel. Quand on voit comment vous concevez le monde et l’attention que vous portez aux parcours de migration et aux souffrances de ceux qui parviennent jusqu’à notre pays, on se dit que l’universel n’est pas vraiment votre tasse de thé.

M. Éric Ciotti, rapporteur. La situation gravissime de Mayotte, qui nous a été décrite depuis des années par notre collègue Mansour Kamardine et tout à l’heure par Mme Youssouffa, appelle une réaction forte afin que ce territoire ne soit pas abandonné par la République.

Il y a des signes d’abandon. Il suffit de penser à la question de l’accès à l’eau – sans doute le bien le plus fondamental qui soit –, mais aussi aux menaces que fait peser une immigration d’une telle ampleur que la population étrangère est supérieure à la population française. Vous contestez l’existence des phénomènes d’appel d’air, mais Mayotte montre bien que les dispositifs liés à la nationalité et l’accès aux prestations sociales jouent un rôle moteur dans les flux migratoires. À tel point que des réseaux utilisent les Comores pour faire passer des migrants qui viennent d’Afrique continentale.

Cette situation impose que l’on traite au niveau constitutionnel la question des naturalisations à Mayotte. La suppression du droit du sol a été admise par une jurisprudence du Conseil constitutionnel – mais il s’agit seulement d’une jurisprudence. Inscrire ce nouvel article dans la Constitution signifiera que la représentation nationale et le peuple souverain – puisque la proposition sera soumise à référendum – sont conscients de la gravité de la situation et en tirent toutes les conséquences.

Je reviens sur l’article précédent qui portait sur l’assimilation, en regrettant que la majorité se soit associée aux insoumis pour refuser ce principe. Il faudra que vous expliquiez dans votre circonscription, à Nice, pourquoi vous refusez l’assimilation républicaine, monsieur Pradal – si vous ne le faites pas, vous pouvez compter sur moi pour m’en charger.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaiterais rappeler que Mayotte fait l’objet d’un traitement d’exception en matière d’immigration, comme pour le reste, et que la question constitutionnelle est sans cesse avancée pour maintenir cette exception.

Entendre les uns et les autres nous parler de racisme, d’humanité, de philosophie et de que sais-je encore devient lassant. Ces arguments sont d’une grande pauvreté au regard des réponses concrètes dont mon territoire a besoin. C’est vraiment lamentable.

Je rappelle à ceux qui sont en train de se gargariser de Mayotte sans parler de la réalité de la situation que ce département n’est pas compris dans l’espace Schengen. On y délivre des visas territorialisés qui cantonnent les migrants sur place. Cela vous empêche d’exercer votre générosité en les accueillant dans l’Hexagone – par exemple en appliquant la « circulaire Taubira » sur l’accueil des jeunes étrangers isolés.

Et vous êtes en train de nous expliquer qu’il ne faut surtout pas remettre en cause l’attractivité du territoire par la naissance, alors que l’on compte 12 000 naissances par an à Mayotte, que les mères sont comoriennes dans 80 % des cas et qu’elles viennent uniquement pour le droit du sol.

La question du droit du sol se pose de manière aiguë à Mayotte. Il ne serait pas question d’y mettre fin si les frontières étaient protégées. C’est la raison pour laquelle les Mahorais se sont battus pour renforcer la présence de la marine nationale, afin d’empêcher que les marchands de mort continuent à envoyer des kwassas remplis de migrants, de femmes enceintes et de malades.

La question de la suppression des visas territorialisés a été posée au Sénat et elle ne le sera malheureusement pas ici, car mes amendements et ceux de Mansour Kamardine ont été jugés irrecevables. Ce sont pourtant ces visas territorialisés qui empêchent Mayotte de faire pleinement partie de la République et qui vous privent de l’occasion de faire preuve de cette générosité dont vous nous bassinez.

M. Erwan Balanant (Dem). Je souhaite revenir sur le débat sur l’assimilation. L’assimilation n’est pas aussi simple que le pense notre collègue Poulliat, dont je ne partage pas complètement l’opinion.

Nous autres Bretons avons longtemps souffert de l’assimilation républicaine. À une certaine époque, les hussards noirs de la République ont voulu gommer l’identité bretonne, et dans d’autres régions, cette politique a complètement réussi. Est-ce que les Bretons sont pour autant moins français ou plus français que les autres ? Non. Ils sont Français, fiers de l’être, fiers d’être bretons et fiers aussi d’être européens.

Il faut distinguer l’assimilation de l’intégration. Être assimilé par un organisme, c’est par définition être digéré et ne plus exister. Pour ma part, je suis intégré à la République. Je reste breton, avec mon identité, ma fierté et nos particularismes identitaires et linguistiques.

Un étranger qui vient dans notre pays peut parfaitement avoir ce même sentiment d’être complètement français et d’aimer profondément la France, tout en continuant à penser à ses ancêtres et à ses particularités – dont sa cuisine. Mme Genevard nous a parlé de sa grand-mère qui continuait à faire des cannellonis : être français, c’est justement ça. Et c’est tout l’intérêt qu’il y a pour notre pays à intégrer et non pas à assimiler.

Mme Pascale Bordes (RN). Je dois dire très humblement que je ne connais de la situation de Mayotte que ce que l’on peut en lire dans la presse et ce que nos travaux peuvent révéler, notamment grâce aux interventions de nos collègues élus de ce département.

J’ai été très touchée par celle de Mme Youssouffa  et j’espère ne pas avoir été la seule. Qui peut évoquer la situation réelle de Mayotte mieux qu’elle ? Elle nous a fait part de choses qu’elle a vécues et son propos est très poignant. Elle a souligné les différents problèmes et j’en conclus qu’il est plus qu’urgent d’agir.

Le bateau coule et si nous n’entendons pas les appels au secours de la population de Mayotte, nous allons au-devant de drames terribles sur ce territoire français.

Notre groupe votera contre ces amendements de suppression et pour l’article, parce qu’il faut vraiment faire quelque chose. Ce texte ne réglera pas toutes les difficultés, mais au moins enverrons-nous un message à la population en disant qu’il faut mettre un terme au droit du sol à Mayotte, car il constitue un l’appel d’air.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Faire croire aux gens que supprimer le droit du sol à Mayotte va y régler tous les problèmes est un raccourci scandaleux. Ce n’est pas la solution.

Tous ceux qui s’intéressent à cette île savent que son premier problème réside dans la situation politique vis-à-vis des Comores. Depuis des décennies, pour ne pas dire plus, on a choisi de ne pas la régler.

Comme Mme Youssouffa l’a relevé, le problème est aussi que Mayotte est placée en marge. Il n’y a pas d’aide médicale de l’État et les minima sociaux sont différents. Beaucoup de droits ne sont pas reconnus à Mayotte, alors qu’il s’agit depuis 2010 d’un département français à part entière.

Est-ce que les moyens mis en place par l’État permettent de lutter contre cette situation ? La réponse est non. Voilà le véritable scandale. C’est également le cas dans une moindre mesure dans les autres territoires d’outre-mer. C’est la façon dont l’État gère ces territoires qui est le vrai problème de fond.

Arrêtez de vouloir faire croire que les gens viennent à Mayotte en raison du droit du sol. S’ils veulent venir, ils viendront – droit du sol ou pas. Des pays ont érigé des murs sans pour autant empêcher de passer.

Donnez immédiatement à Mayotte les moyens auxquels elle a droit, voilà tout. Je vous le demande solennellement.

Je voterai pour la suppression de cet article car il ne réglera en rien les problèmes de Mayotte.

La commission rejette les amendements.

Puis elle rejette l’article 5.

 

 

titre iii
dispositions relatives À l’immigration

Article 6 (Article 34-2 [nouveau] de la Constitution) : Extension du domaine de la loi à la fixation de quotas migratoires

Amendements de suppression CL10 de M. Jean-François Coulomme, CL18 de M. Benjamin Lucas et CL53 de Mme Edwige Diaz

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Il s’agit de supprimer cet article, qui vise à constitutionnaliser des quotas d’immigration, notamment par nationalité. C’est donc un texte raciste.

Au début de cette réunion, j’ai entendu le Rassemblement national stigmatiser les étrangers en fonction de leur nationalité, selon qu’ils viennent d’Europe ou d’Afrique. Je tiens à rappeler qu’il n’y a pas si longtemps les ascendants du Rassemblement national ont stigmatisé des étrangers européens. Je fais allusion aux rouges espagnols qui sont entrés dans Paris pour le libérer le 24 août 1944. Ce racisme est vraiment ancré dans la droite et l’extrême droite.

Mme Edwige Diaz (RN). L’amendement vise à s’opposer à la mise en place d’une politique de quotas.

M. Éric Ciotti, rapporteur. S’il fallait ne conserver qu’un article de cette proposition de loi constitutionnelle, je choisirais personnellement celui-ci, car c’est sans doute la disposition la plus puissante pour nous permettre de reprendre en main le cours de la politique migratoire.

D’abord, le présent article redonnera le contrôle de cette politique au Parlement, qui votera chaque année, non pas des quotas, mais un plafond migratoire. Celui-ci pourra s’appliquer par catégories, comme celle de l’immigration familiale, mais aussi par nationalités. Lors du long débat que nous avons eu hier soir, nos amendements, et ceux d’autres collègues, qui visaient à limiter le regroupement familial se sont heurtés à des jurisprudences issues de l’interprétation de dispositions conventionnelles, notamment le fameux article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les plafonds retenus pourront être de zéro. Le Parlement pourra ainsi décider, et je pense que la situation le justifierait, d’appliquer un moratoire en matière de migrations pendant quelques mois ou quelques années ou bien octroyer très peu de titres de séjour.

Cet article 6 prévoit que le choix du Parlement écrasera toutes les normes jurisprudentielles et constitutionnelles qui feraient obstacle à la volonté du législateur. Il s’agirait donc d’un bouclier constitutionnel contre les normes supranationales, les jurisprudences et les interprétations qui sont aujourd’hui supérieures à la volonté du Parlement. Voilà ce que dit l’article – je crois que nos collègues du Rassemblement national n’en avaient pas complètement compris l’esprit tout à l’heure.

J’entends l’argumentation que vous avez développée, monsieur le président, au sujet de l’article 3. Je ne partage pas votre analyse des menaces, mais le débat juridique que vous avez engagé est de grande qualité, et je peux comprendre qu’il y ait des interrogations sur le bouclier constitutionnel que nous proposons d’appliquer au moyen d’une loi organique. Ici, en revanche, il ne s’agit absolument pas d’aller à l’encontre de nos engagements internationaux. Si le Parlement décidait que 5 000 ou 10 000 titres de séjour devaient être accordés dans le cadre de l’immigration familiale, dont 2 000 pour le regroupement familial, cela signifierait que la 2 001e demande ne serait examinée qu’à partir de l’année suivante : on créerait une sorte de liste d’attente qui ne contredirait pas nos engagements conventionnels. Je le dis pour ceux que ce dispositif effraierait – ce n’est pas mon cas, puisqu’il y aurait un encadrement et des garanties.

Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce texte avec d’éminents juristes qui ont siégé dans les plus hautes juridictions de notre pays – et certains, même si je ne dévoilerai pas leur nom, y siègent encore –, les dispositions de cet article étaient au cœur de nos propositions. Il nous permettra, en effet, de retrouver la maîtrise de notre politique migratoire. J’entends que qui dit quota dit qu’il existe encore une immigration, mais personne ne peut affirmer sérieusement qu’on réduira celle-ci à zéro. Il y a des flux. Nous pourrons néanmoins appliquer des moratoires et faire des distinctions selon les catégories pour faire passer, par exemple, le nombre de titres de séjour délivrés de 500 000 à 5 000, même si je sais que le chiffre de 500 000 est encore trop faible pour Mme Taurinya, qui voudrait tout ouvrir en cassant les frontières.

J’émets naturellement un avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Nous souhaitons supprimer la constitutionnalisation des quotas d’étrangers pouvant bénéficier d’un titre de séjour. Si cet article était adopté, il imposerait en effet au législateur de fixer chaque année un quota de titres de séjour à délivrer, ce qui n’a pas de sens. Cette proposition va non seulement à l’encontre de ce qu’est la République, une terre d’accueil qui garantit à tout être humain le respect de ses droits fondamentaux, mais l’article prévoit qu’aucune norme constitutionnelle, aucun traité ou aucune convention ne sera opposable. Les députés du groupe Les Républicains ont réussi l’exploit de concevoir les premières lois supraconstitutionnelles, que rien ni personne ne pourra modifier. Enfin, établir un quota, c’est déterminer à l’avance un nombre précis de personnes qui entreront sur le territoire, ce qui ne serait ni juste ni efficace.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Mon groupe votera contre l’article 6. Il ne faut pas nourrir des fantasmes au sujet du regroupement familial. Je crois qu’il ne représente que 4,5 % des titres de séjour délivrés. Derrière cet article du texte, on voit bien que c’est en fait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui vous pose un problème. Or, contrairement à ce que vous avez dit, la jurisprudence est très équilibrée – j’ai appliqué cet article en tant que juge administratif. Vous avez raison de dire qu’il conduit à une relecture du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, mais il n’y a pas de dérive dans son utilisation : il fait l’objet d’une appréciation et d’un encadrement. Son alinéa 2 prévoit d’ailleurs des limites.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). M. Ciotti nous dit, au sujet des frontières, que nous voudrions laisser entrer toute la misère du monde, mais ce n’est pas notre propos. Des gens arrivent sur notre sol : si vous êtes des Français dignes de ce nom, vous devez les accueillir dignement. Et qui supprime sans arrêt les frontières ? C’est quand même vous, les libéraux, en tout cas pour les marchandises et les capitaux, qui peuvent circuler comme on veut. Cela provoque, dans le cadre des accords de libre-échange, comme celui en matière de pêche qui a été conclu avec le Liberia, un appauvrissement des pays d’où vient l’immigration. Si vous voulez agir contre celle-ci, il faut lutter contre le capitalisme. C’est lui qui appauvrit les pays d’origine et empêche les gens d’y vivre dignement, comme ils en ont généralement envie.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et l’amendement CL54 de Mme Edwige Diaz tombe.

Article 7 (Article 34-3 [nouveau] de la Constitution) : Instauration d’un bouclier constitutionnel permettant l’éloignement de tout étranger qui représente une menace pour la sécurité publique ou qui a été condamné à une peine d’emprisonnement

Amendement de suppression CL11 de M. Aymeric Caron

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Cet article, qui vise à constitutionnaliser une peine d’expulsion du territoire national, démontre une fois encore que votre texte est raciste et que vous oubliez la nature de notre pays, qui est un État de droit. Vous voulez, en effet, que les étrangers ne soient pas soumis au droit, à la loi. Par ailleurs, comment définit-on ceux qui représentent une menace grave pour la sécurité publique ? C’est très subjectif.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cet article vise tout simplement à reconnaître le droit de la République d’expulser de son territoire les étrangers qui constituent une menace ou qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement. Cela ne relève pas que du droit mais aussi du bon sens, de l’évidence : quel Français pourrait s’y opposer ?

Un étranger arrive en France, qui lui fait confiance, dans une sorte de contrat passé avec la République, qui l’accueille, mais l’étranger rompt ce contrat en commettant un acte de délinquance, menace la République : et celle-ci ne pourrait pas, parce qu’on dresse sur sa route une multitude d’obstacles entretenus par des filières qui se nourrissent des flux migratoires, l’expulser souverainement ? J’appelle à lever les verrous jurisprudentiels qui ont fait que la France a dû garder sur son sol, dans le cadre d’une assignation à résidence, dans le centre du pays, un terroriste condamné par la justice qui sortait de prison, constituait une menace grave pour notre pays et devait donc être expulsé vers l’Algérie.

Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre de telles situations à un moment où pèse une menace extraordinairement grave. Chacun a vu le drame qui s’est passé à Arras, et je pourrais multiplier, si j’en avais le temps, les exemples montrant qu’on prend aujourd’hui des risques en n’expulsant pas, en raison d’obstacles jurisprudentiels trop nombreux, des individus dont on connaît la dangerosité et qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Nous entendons lever ces obstacles par le présent article, qui donnera un cadre constitutionnel au principe de l’expulsion.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Vous alimentez – je ne sais pas si vous vous en rendez compte – un climat de peur vis-à-vis des étrangers. Vous vous nourrissez des faits divers tragiques que vous invoquez parce que vous voudriez que la population voie dans tous les étrangers une menace. Or la France est un pays de droit où la loi doit s’appliquer, y compris le principe de l’individualisation des peines. Vous n’en parlez pas du tout, car vous voulez expulser systématiquement tous ceux qui menaceraient l’ordre public ou la sécurité publique – c’est très confus. Si ce que vous proposez était adopté, serions-nous encore dans un État de droit ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Il existe une différence fondamentale de conception de l’immigration entre les collègues d’extrême gauche et nous. Ils considèrent, comme l’a dit M. Léaument, que la France doit accueillir correctement tous ceux qui souhaitent venir vivre sur son sol, tandis que nous essayons d’expliquer que c’est à la France de choisir qui elle peut accueillir et dans quelles conditions. Le rapporteur a démontré que notre droit ne permet pas, à cause de verrous juridiques, d’expulser des gens qui ont violé nos lois et constituent une menace grave pour l’ordre public. Éric Ciotti en a donné des exemples. Il faut adapter notre droit pour surmonter ces menaces. À aucun moment, le rapporteur n’a dit que tous les étrangers qui viennent en France constituent une menace pour l’ordre public. Vous développez une argumentation d’une extrême faiblesse, reposant sur une caricature de ce que le rapporteur a expliqué, afin d’essayer de balayer d’un revers de main cet article.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé et l’amendement CL5 de Mme Emmanuelle Ménard tombe.

Avant l’article 8

Amendement CL57 de M. Éric Ciotti

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre au législateur de fixer une liste de pays tiers à l’Union européenne sûrs et de pays d’origine sûrs pour lesquels les demandes d’asile et de protection pourront être rejetées pour irrecevabilité, sans examen au fond.

La procédure d’asile est détournée par des personnes qui viennent de pays sûrs, ne connaissant aucun conflit ou aucune difficulté en matière de libertés, dans le but de s’installer en France. Elles y engagent des procédures que favorisent les faiblesses de notre droit et une trop grande naïveté. Une fois que la demande d’asile de ces personnes est rejetée, elles font des demandes reconventionnelles sur d’autres sujets, en tant qu’étrangers malades ou au titre de la continuité de la vie familiale, afin de s’installer durablement sur notre sol, après avoir dévoyé le noble principe de l’asile.

Il faut que la loi fixe une liste de pays sûrs. Lorsqu’un ressortissant de ces pays formulera une demande d’asile, il n’y aura pas de procédure d’examen au fond, mais une reconduite systématique et automatique vers le pays d’origine.

M. Jordan Guitton (RN). J’entends, monsieur le rapporteur, vos mots et vos propositions. Vous avez enfin reconnu – il vous a fallu un peu plus de dix ans pour le faire – que tout n’a pas été parfait lorsque vous étiez aux affaires, entre 2007 et 2012. Vous proposez des dispositions qui peuvent parfois aller dans le bon sens, même s’il ne s’agit que de pâles copies du programme de Marine Le Pen, et nous voterons donc les amendements intéressants.

Le Rassemblement national est très clair au sujet du droit d’asile : nous souhaitons, pour éviter qu’il soit, comme vous le dites, dévoyé, que toutes les demandes puissent être faites dans les ambassades de France à l’étranger : on devra demander le droit d’asile en dehors du territoire national, ce qui évitera qu’on s’y maintienne de fait, même en cas de refus de la demande. Ce principe devrait déjà être appliqué : vous auriez pu vous en occuper entre 2007 et 2012, mais vous ne l’avez pas fait, et il me semble d’ailleurs que c’est pour cette raison que vous n’avez pas été réélus. Ce que le Rassemblement national propose, c’est de protéger les personnes qui le méritent, par la filière du droit d’asile, sur lequel il ne s’agit pas de revenir, et d’empêcher que ce principe soit dévoyé.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Je suis sidérée qu’on ait refusé de voter un article prévoyant qu’un étranger présentant une menace pour la sécurité publique puisse être éloigné du territoire national. On marche sur la tête ! L’ordre public est une notion centrale, aussi bien dans ses composantes matérielles que sont la tranquillité, la salubrité et la santé publiques, que dans ses composantes immatérielles, la dignité humaine et la moralité publique. Je ne me serais pas cantonnée, pour ma part, aux atteintes à la sécurité publique – j’aurais inclus celles à l’ordre public –, mais je ne comprends pas qu’on vote contre un tel article.

Je reviens également sur la question de l’assimilation. Devenir français ne s’improvise pas, ce n’est pas un dû et ce n’est pas automatique, ou du moins cela ne devrait pas être le cas. Devenir français, c’est choisir un pays, une langue, une histoire, une culture et une civilisation, et c’est se soumettre aux lois de la France, à ses coutumes et à ses modes de vie.

M. le président Sacha Houlié. Ce qui a été refusé à l’article 7, c’est la constitutionnalisation d’une disposition. Vous aurez par ailleurs l’occasion de revenir sur cette question dans le cadre des articles 9 et 10 du projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur.

La commission rejette l’amendement.

titre iv
dispositions relatives À l’asile

Article 8 (Article 53-1 de la Constitution) : Réforme du droit d’asile

Amendements de suppression CL12 de M. Jean-François Coulomme et CL19 de M. Benjamin Lucas.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous demandons la suppression de cet article qui vise carrément à restreindre le droit d’asile. Je ne caricature pas les propos du rapporteur, de la droite et de l’extrême droite quand je dis qu’ils alimentent une peur des étrangers en les faisant tous passer pour une menace. Le rapporteur a expliqué, s’agissant du droit d’asile, qu’on pouvait venir en France frauduleusement pour profiter de soins de santé, et il a parlé hier de regroupement familial frauduleux. Tout ce texte est raciste et nourrit la peur de l’étranger. Vous n’avez d’ailleurs qu’une expression à la bouche : celle d’un « bouclier constitutionnel ».

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). M. Di Filippo, comme presque tous les collègues de son groupe et une partie de la majorité, nous a qualifiés à plusieurs reprises de parlementaires d’extrême gauche. Je considère, pour ma part, que votre texte est extrêmement radicalisé, comme vous l’êtes depuis quelques années, mais je ne vous qualifie pas de membres de l’extrême droite, parce que je fais encore, même si c’est difficile, une distinction entre ceux qui appartiennent à des partis qui sont dans le champ républicain, et j’aimerais que vous y retourniez, et ceux qui s’en affranchissent. Vous pouvez nous trouver trop radicaux – nous avons, c’est vrai, un projet radicalement différent du vôtre –, mais dire que nous sommes d’extrême gauche n’a aucune espèce de réalité historique ou politique. Ouvrez un manuel de science politique au lieu d’employer ce slogan. Je ne dis pas, quant à moi, que vous êtes d’extrême droite et pourtant c’est très difficile…

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cela fait plusieurs fois, madame Taurinya, que vous qualifiez de raciste ce texte, et cela englobe sans doute ceux qui le défendent. C’est totalement insultant, même si, venant de vous, on relativise, parce que vous avez une expertise en la matière. Vous vous êtes tellement disqualifiés que vos insultes sont des décorations. Je vous le dis quand même, sincèrement : cela commence à suffire.

Par cet article, nous voulons redonner à l’asile tout son sens. La France compte aujourd’hui 500 000 réfugiés, dont 110 000 venus d’Ukraine. Nous sommes un pays qui accueille : ces personnes ont obtenu, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ou de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), le statut de réfugié. Le droit d’asile est un principe fondamental qui est au cœur de notre histoire, depuis une période bien antérieure à la révolution, et qui contribue à la grandeur et au caractère universel de notre nation, celle des droits de l’homme et des libertés.

Parce que nous sommes attachés à ce principe fondamental, nous voulons le préserver. Il est aujourd’hui détourné, dévoyé par des filières de passeurs. Nous souhaitons donc poser un principe simple, déjà évoqué par M. Guitton, qui est celui de l’asile à la frontière, dans nos représentations diplomatiques ou aux frontières externes de l’Europe. C’est une question de volonté. Il est totalement inadmissible qu’une personne arrivée en situation irrégulière dans notre pays, après avoir franchi illégalement la frontière à Menton, puisse se rendre, deux ou trois mois plus tard, dans un guichet unique d’accueil des demandeurs d’asile pour déposer une demande, ce qui ouvre des droits sur le plan financier, en matière de logement et sur le plan de la santé – c’est totalement inadmissible.

Si nous voulons redonner tout son sens à l’asile, examinons les situations dans le respect du principe d’individualisation, c’est-à-dire d’une façon non systématique, étant entendu que l’asile n’est pas inclus dans les plafonds migratoires que j’ai proposés – ils concernent toutes les catégories migratoires sauf celle-ci –, mais faisons-le en étant moins naïfs et enfin efficaces.

M. Stéphane Rambaud (RN). Contrairement à ce qu’on peut entendre ici ou là, dans des envolées idéologiques qui sont insultantes pour nous, le Rassemblement national n’est pas contre les étrangers et il n’est pas raciste. Nous sommes pour le droit d’asile, que nous considérons comme un droit fondamental. C’est précisément pour cette raison que nous ne voulons pas qu’il soit dévoyé. L’article 8 prévoit en ce sens que la demande d’asile ne peut être présentée que devant nos représentations diplomatiques et nos postes consulaires. Nous redonnerons ainsi au droit d’asile toute la place qu’il mérite.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je rejoins ce qu’a dit le rapporteur. Les anathèmes idéologiques visant à nous qualifier de racistes n’ont aucun fondement concret. Ils sont difficiles à comprendre compte tenu de la réalité de ce texte.

Monsieur Lucas, lorsqu’on choisit, pour des raisons qui peuvent être simplement électoralistes, de s’aligner sur les thèses des partis les plus extrémistes d’une coalition, il faut accepter d’épouser les thèses de l’extrême gauche, ce qui ne vous pose, d’ailleurs, aucune difficulté.

Vous nous adressez des anathèmes depuis le début de la matinée, mais nous restons objectifs, concrets et relativement sympathiques à votre égard, même si, je l’ai dit, nos conceptions de l’immigration sont fondamentalement différentes. L’évolution de la situation du pays montre chaque jour que votre approche nous conduit dans le mur, mais c’est sans doute ce que vous souhaitez en tant que parti antisystème.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 8 est supprimé et l’amendement CL55 de Mme Edwige Diaz tombe.

Après l’article 8

Amendement CL33 de M. Benjamin Lucas

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Il a été question de la culture française et du patrimoine, ce qui me fait penser à une très belle chanson de Jacques Dutronc, qui commence ainsi : « Je voudrais m’acheter/Une démocratie/Je voudrais m’acheter/Le meilleur d’une vie/Je voudrais m’acheter de la liberté/Et puis un peu/De fraternité ». Vous répondriez à cela, comme dans la chanson : « On n’a pas ce genre d’articles/Vous vous trompez de boutique/Ici c’est pas la République ». Vous connaissez la suite : « Je vais donc changer de boutique/Et voir si la République/Ne vend pas ce genre d’articles ».

Je suppose que vous avez lu l’amendement. J’en redirai un mot quand je défendrai le suivant.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable. Cela ne correspond pas à l’objet de cette proposition de loi constitutionnelle.

Mme Stella Dupont (RE). Ce que vous avez dit au sujet du dévoiement de l’asile m’interpelle. C’est stigmatisant, puisque vous évoquez des personnes qui contourneraient les dispositions nationales et conventionnelles en matière de droit d’asile. Il me semble, par ailleurs, que la difficulté est plutôt liée au fait que les voies régulières de migration économique vers notre pays sont insuffisantes et mal calibrées. S’il y a dévoiement, il est avant tout de ce côté-là.

M. Romain Baubry (RN). On voit bien, au bout de trois heures de discussion, qu’il n’y a en réalité qu’un seul but à gauche, qui est de remplacer un peuple par un autre, même si on a essayé de nous détourner du vrai sujet avec des considérations culinaires ou musicales. Qui peut encore être surpris que cette gauche se positionne en espace publicitaire de la submersion migratoire dans notre pays, en défenseur du communautarisme, des islamistes et des antisémites, en complice des passeurs et de ceux qui organisent la traite humaine ? Vous prospérez, pour le moment, dans certains endroits du pays en faisant le jeu des fondamentalistes et en glorifiant les délinquants, mais vous abandonnez ainsi tous ceux qui aspirent à vivre en paix, même dans les quartiers. Nous souhaitons une chose : que la France reste la France en tout lieu et en tout temps.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il est assez drôle, ou plutôt grave, de se faire accuser de communautarisme par des gens qui se font appeler « gros lardons » et qui ont une vision de la France dans laquelle on ne fait pas partie de la communauté nationale si on ne mange pas de cochon – c’est quand même un peu étrange. Nous avons, quant à nous, une vision de la communauté nationale qui est républicaine et patriote au sens où l’entendaient les sans-culottes, c’est-à-dire celui de la défense de l’héritage de la révolution. Mais chaque fois qu’on en parle ici, on se fait huer, conspuer.

Je préfère, puisqu’il a été question de chansons, Ma France de Jean Ferrat : « Cet air de liberté au-delà des frontières/Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige/Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige/Elle répond toujours du nom de Robespierre/Ma France ». Il existe deux visions de la France. La nôtre est celle qui fait rêver les peuples étrangers, celle de la patrie des droits de l’homme et du citoyen, et non celle des « gros lardons ».

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Je tiens à souligner, sans continuer le karaoké, que notre collègue du Rassemblement national a dit quelque chose de très grave derrière une formule anodine, qui est que nous voudrions remplacer un peuple par un autre. C’est faire écho à une théorie raciste qui a conduit à des actes de terrorisme, à des meurtres ou à des tentatives de meurtre en France et dans le monde, comme à Christchurch, et qui amène des néonazis, qui sont de vos amis, à descendre dans les rues de nos villes. Notre collègue Taillé-Polian a déposé une proposition de résolution visant à interdire cette expression, ce slogan qui est un point de ralliement des terroristes racistes, dont vous êtes la branche politique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL20 de M. Benjamin Lucas

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). L’intégration, dont vous parlez tout le temps, est d’abord un processus civique. Pour se sentir appartenir à une nation, il faut pouvoir y exercer un certain nombre de prérogatives démocratiques. Je vous propose donc d’ouvrir le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Celles et ceux qui vivent dans nos communes, dont les enfants sont scolarisés dans nos écoles, collèges et lycées, qui utilisent les routes et qui font vivre nos territoires méritent de pouvoir choisir leur maire et leurs élus départementaux et régionaux. Nous enverrons en adoptant cet amendement, qui fait écho à une proposition du président de notre commission, un signal de fraternité et surtout de démocratie, d’esprit civique. Si nous voulons qu’il y ait une adhésion aux valeurs de la République, encore faut-il qu’on puisse contribuer à leur exercice, et quoi de mieux que de le faire dans le cadre de nos collectivités, de notre démocratie locale ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. J’émets naturellement un avis défavorable. Le droit de vote doit être lié à la nationalité. Ce principe souffre une exception, s’agissant des élections locales, pour les ressortissants de l’Union européenne, qui constitue un espace d’avenir en commun. Aller au-delà de cette exception, acceptée dans notre Constitution, reviendrait à soutenir la vision que vous avez de notre pays, celle, fragmentée, d’une addition de communautés, et à nourrir le communautarisme électoral qui est votre moteur et explique bon nombre de vos prises de parole, lesquelles vont dans le sens du séparatisme au sein de la nation.

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement de la Nupes nous rappelle une proposition de loi déposée par des macronistes pour accorder le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers extraeuropéens lors des élections municipales. Le présent amendement va encore plus loin, puisqu’il tend à donner également ce droit en ce qui concerne les élections départementales et régionales. Le Rassemblement national est opposé au droit de vote des étrangers extracommunautaires lors d’élections qui conduisent à structurer le quotidien des Français, par l’intermédiaire des écoles, des transports, de la voirie, des subventions aux associations, etc. Ce serait prendre le risque que s’installe dans notre pays une sorte d’influence étrangère, que se crée une communauté électorale qui pourrait être convoitée et faire l’objet de complaisances, et que cela conduise à la mise en œuvre de politiques électoralistes. Donner le droit de vote aux étrangers lors des élections locales reviendrait à envoyer un signal à une population qui peut prendre le pouvoir. Nous considérons que le droit de vote est une émanation de la citoyenneté découlant de la naissance.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Vous dites qu’on vous accuse sans arrêt d’être racistes, mais il y a quelque chose de raciste dans la loi, puisqu’on fait une différence entre les étrangers selon leur nationalité et leur appartenance ou non à une communauté extranationale. Pour le dire très concrètement, on établit une différence entre des Espagnols et des Algériens sur la seule base de l’existence d’une communauté un peu plus large qui s’appelle l’Union européenne. Cela revient, en droit français, à traiter différemment les étrangers pour les élections locales, ce qui est totalement absurde. Il faudrait soit accorder le droit de vote à tous les étrangers lors des élections locales, soit – mais je sais que je vais vous faire hurler – supprimer la nationalité pour ne garder que la citoyenneté, ce qui est, figurez-vous, ce qu’on a fait jusqu’en 1920, c’est-à-dire sous la Ire, la IIe et la IIIe République, jusqu’à ce que cette dernière finisse par changer d’avis – c’est l’histoire de notre pays !

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Selon moi, le risque d’influence étrangère vient davantage de ceux qui vont se financer chez Poutine que des braves gens qui pourront voter lors des élections municipales – je le dis en pensant au Rassemblement national. Notre collègue de ce groupe a dit une chose juste ce matin, c’est que j’avance sur un chemin qui a été tracé par le président de notre commission, il y a plus d’un an, au sujet du droit de vote des étrangers aux élections municipales. Je suis prêt, d’ici à la séance, dans un esprit de coconstruction, à aligner ma proposition sur celle de notre président, afin que nos collègues de la majorité puissent la voter et que nous fassions donc en sorte, ensemble, de permettre à celles et ceux qui vivent dans nos communes de participer au moins aux élections municipales. Je suis prêt à ce compromis, pour faire un barrage républicain aux délires racistes et aux obsessions nationalistes et xénophobes de la droite radicalisée et de l’extrême droite.

M. Éric Poulliat (RE). Je suis plutôt IIIe République, c’est-à-dire pour la nationalité. Si on veut vraiment faire République, il faut inciter les gens à devenir français. Pour moi, le vrai combat, c’est celui de la naturalisation et non celui du droit de vote des étrangers. Je suis donc totalement opposé à cet amendement. Pour avoir le droit de vote, il faut épouser véritablement les principes républicains et, pour cela, avoir la nationalité française.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Il existe naturellement une différence entre les ressortissants de l’Union européenne et ceux des pays tiers – c’est tout le sens de l’espace commun que nous avons voulu édifier en construisant l’Europe de la paix.

Je regrette que la majorité se soit systématiquement associée aux Insoumis pour refuser de prendre à bras-le-corps cette problématique majeure qu’est l’immigration. Nous devons apporter de vraies réponses, et non des réactions de plateau de télévision, de la communication et une addition de mesurettes inefficaces. Nous prenons acte du fait que vous avez voté quasiment tous les amendements des Insoumis s’opposant à cette réforme constitutionnelle indispensable pour sortir du chaos migratoire, contre lequel vous refusez de lutter concrètement et véritablement.

La commission rejette l’amendement.

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

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Puis, la commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi visant à abroger l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure (n° 1553) (M. Thomas Portes, rapporteur).

 

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

 

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Puis, la commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics (n° 1773) (Mme Danièle Obono, rapporteur.

 

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

 

La séance est levée à 13 heures

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Michel Castellani, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Christine Decodts, Mme Edwige Diaz, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Annie Genevard, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, M. Laurent Marcangeli, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Aurélien Pradié, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Aurélien Saintoul, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan

 

Excusés. - Mme Mathilde Desjonquères, Mme Emeline K/Bidi, Mme Danièle Obono, M. Thomas Rudigoz, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Breton, Mme Françoise Buffet, M. Arthur Delaporte, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, M. Paul Molac, M. Sébastien Peytavie, M. Roger Vicot, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Estelle Youssouffa