Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

 Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires (n° 1713) (Mme Violette Spillebout, rapporteure)                            2

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (n° 2112) (MM. Bruno Millienne et Nicolas Sansu, rapporteurs)                            49

 Informations relatives à la commission.................. 51

 


Mercredi
31 janvier 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 47

session ordinaire de 2023-2024

Présidence
de M. Sacha Houlié, président


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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires (n° 1713) (Mme Violette Spillebout, rapporteure).

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons ce matin la proposition de loi, adoptée par le Sénat, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, dont Mme Violette Spillebout est la rapporteure.

Cette proposition a été déposée le 26 mai 2023 au Sénat par le président François-Noël Buffet, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues. Elle a ensuite été adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023. Nous examinerons ce texte en séance la semaine prochaine, puisque le Gouvernement l’a inscrit à l’ordre du jour.

Cette initiative sénatoriale s’inscrit dans le cadre d’une réflexion plus large sur le nécessaire renforcement de la protection des élus locaux. Cette réflexion a également été menée par notre assemblée dans le cadre de la mission d’information sur le statut de l’élu local, réalisée au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et dont les rapporteurs étaient Violette Spillebout et Sébastien Jumel.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Compte tenu de mon engament de long terme auprès des élus locaux pour faire en sorte que leur sécurité soit mieux assurée, je suis honorée d’assurer la fonction de rapporteure de cette proposition. Ayant moi-même été victime de violences, je mesure d’autant mieux les répercussions que de tels faits peuvent avoir sur la vie des élus et sur leur famille.

L’année 2024 doit être celle des élus locaux. Garantir les conditions de leur sécurité et de l’exercice serein de leur mandat revient à protéger l’engagement politique, c’est-à-dire le bon fonctionnement de notre démocratie. Le présent texte, transmis par le Sénat, constitue le volet « sécurité » d’un ensemble plus large de mesures – législatives ou réglementaires – qui doivent permettre une rénovation profonde du statut des élus. Sébastien Jumel et moi-même déposerons bientôt une proposition de loi sur le statut de l’élu, issue des travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission d’information que le président a mentionnée.

L’augmentation très nette du nombre d’agressions d’élus, mais aussi la banalisation des injures publiques, des outrages et des phénomènes de harcèlement – notamment en ligne – appellent une réaction forte des pouvoirs publics.

Je souhaite rappeler l’ampleur de ces violences, dont il faut cependant déplorer encore l’insuffisante précision statistique. En 2022, 2 265 faits d’atteintes aux élus ont été recensés sur le territoire national, soit une augmentation de 32 % par rapport à l’année précédente. Les données incomplètes de l’année 2023 font état d’une augmentation significative des violences envers les élus, puisque sur les neufs premiers mois de 2023, 2 387 faits avaient été recensés – ce qui conduit à anticiper une hausse de 15 % par rapport à 2022. Je pense évidemment surtout aux élus victimes d’agressions particulièrement choquantes, parfois à leur domicile et mettant en danger leur famille, comme celle subie par Vincent Jeanbrun, maire de l’Haÿ-les-Roses.

Nous ne devons pas et nous ne pouvons pas laisser perdurer de telles violences. Il en va de l’essence même de notre démocratie. Dans six cas sur dix, les élus concernés par ces agressions sont des maires – élus les plus proches de nos concitoyens, mais aussi les plus vulnérables. Ce sont eux que nous devons protéger en priorité.

Dans ce contexte, le Gouvernement a mis en place, le 17 mai 2023, un centre d’analyse et d’action contre les atteintes aux élus (Calae), chargé d’une double mission de collecte de données, pour mieux comprendre et analyser cette montée des violences, et de renforcement de la protection des élus locaux. Ce centre est chargé de piloter le « pack sécurité », qui comprend la création dans les services de gendarmerie et de police d’un réseau de plus de 3 400 référents chargés des atteintes aux élus, le renforcement du dispositif « Alarme élu » – pour traiter rapidement les appels de ceux qui se sentent menacés –, la facilitation des dépôts de plaintes, le développement de formations et d’actions de sensibilisation à la gestion des incivilités et, enfin, la mobilisation de la plateforme Pharos pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne.

En complément, le 7 juillet 2023 le Gouvernement a présenté un plan national contre les violences, qui doit permettre de renforcer la protection juridique, psychologique et physique des élus. Il prévoit aussi d’augmenter les sanctions pour les auteurs d’infractions commises contre les élus et d’améliorer les relations entre les maires et les parquets.

La présente proposition de loi, déposée au Sénat le 23 mai dernier par François-Noël Buffet, regroupe les dispositions législatives nécessaires à la mise en œuvre de certaines mesures annoncées dans ce plan. Elle prévoit trois volets de mesures.

Le titre Ier renforce les sanctions encourues par les auteurs de violences commises à l’encontre de titulaires de mandats électifs. L’article 1er prévoit d’aggraver les peines encourues. L’article 2 crée une peine de travail d’intérêt général (TIG) en cas d’injure publique à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou de certains élus. Il prévoit aussi une circonstance aggravante lorsque la victime de harcèlement est titulaire d’un mandat électif.

Le titre II améliore la prise en charge des élus locaux victimes de violences. Outre des coordinations ou clarifications du droit actuel, il prévoit plusieurs mesures importantes. L’article 3 prévoit l’octroi automatique de la protection fonctionnelle par la collectivité territoriale aux élus locaux exerçant des fonctions exécutives. L’article 8 propose que les communes financent les restes à charge ou les dépassements d’honoraire pour les élus victimes de violences et qui font l’objet d’une mesure de protection fonctionnelle. L’article 9 permet aux élus de saisir le bureau central de tarification lorsqu’ils n’ont pas pu souscrire une assurance pour leur permanence électorale. Quant à l’article 10, il étend le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats à un mandat électif public et ouvre droit à une prise en charge par l’État des dépenses engagées pour leur sécurité pendant la durée de la période électorale.

Enfin, le titre III a pour objectif de renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques. L’article 11 encourage le dépaysement dans la juridiction la plus proche des affaires dans lesquelles un maire ou un adjoint est mis en cause comme auteur. L’article 12 améliore l’information des maires, notamment par les procureurs sur le suivi des plaintes concernant la commune. L’article 14 renforce les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Le Sénat a adopté deux articles additionnels.

L’article 2 bis allonge les délais de prescription des délits d’injure et de diffamation publiques commis notamment à l’encontre des parlementaires et des élus des exécutifs locaux, en les portant à un an – contre trois mois en l’état actuel du droit.

L’article 2 ter crée une circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale d’un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne.

Le Sénat a également supprimé l’article 13, qui prévoyait un espace de communication réservé au procureur de la République dans les bulletins municipaux des communes de plus de 1 000 habitants.

De mon côté, je souhaite élargir le dispositif de protection fonctionnelle à l’ensemble des élus locaux et pas seulement à ceux qui ont des fonctions exécutives. Je propose aussi d’étendre cette protection à la famille de ces élus et candidats, ce qui constitue une condition sine qua non de l’exercice serein d’un mandat. Je suis cependant contrainte par les règles de recevabilité financière de l’article 40 de la Constitution, comme tout parlementaire. J’espère donc que le Gouvernement reprendra ces propositions par amendements lors de l’examen du texte en séance publique.

Nombre de mes propositions sont issues du travail mené avec Sébastien Jumel et d’autres collègues dans le cadre de la mission d’information sur le statut de l’élu local. Nous serons donc nombreux à défendre notre point de vue.

La protection des élus est une priorité politique. Un pays dans lequel on craint de s’engager parce qu’on se sait exposé à des pressions ou des violences est un pays dans lequel la démocratie s’essouffle. C’est donc notre combat à toutes et tous.

M. le président Sacha Houlié. Nous passons aux interventions des orateurs de groupe.

M. Thomas Rudigoz (RE). Je commencerai mon intervention en apportant mon témoignage d’élu local. Comme la rapporteure, nous sommes nombreux à avoir été témoins ou victimes de l’augmentation du climat de violence à l’égard des élus, et particulièrement des élus locaux.

Ainsi, en plein confinement en mai 2020, ma permanence de campagne pour les élections à la métropole de Lyon a été détériorée. Un groupe d’identitaires d’ultradroite qui voulaient porter atteinte à ma réputation y avait apposé des affiches diffamantes, car je menais une action déterminée pour mettre fin à leurs agissements violents – ce que nous avons obtenu quelques temps après avec la dissolution du néfaste mouvement Génération identitaire. Quelques mois plus tard, en plein débat sur le « pass vaccinal », un certain nombre de députés ont reçu des courriels de menaces de mort particulièrement violents, qui émanaient d’un individu opposé à ce dispositif.

Cette libération incontrôlée de la parole haineuse et des actes violents prend parfois des tournures bien plus dramatiques. Ainsi, nous avons tous en mémoire les faits terribles qui ont eu lieu à Saint-Brévin-les-Pins ou à l’Haÿ-les-Roses. J’ai ici une pensée particulière pour tous les élus locaux, tous les maires qui sont en première ligne face à de telles attaques.

Ces actes ne sont pas simplement le fait de personnes sans discernement. Ces dernières savent ce qu’elles recherchent : contraindre la parole et l’action des représentants démocratiquement élus. En tant qu’élu local, je suis très attaché à ce que les édiles puissent exercer leur mission sereinement.

Il est donc de notre responsabilité de législateur d’être particulièrement vigilants, afin que tous les moyens soient mis en œuvre pour éviter les situations dramatiques que nous avons rencontrées ces derniers mois. Que cela soit bien clair : nous ne parlons pas ici d’une discussion un peu animée sur un marché ou d’une remontrance vive d’un administré, mais de personnes qui utilisent intentionnellement la violence verbale ou physique vis-à-vis des élus. L’État doit donc être fort et se tenir à côté de ces hussards de la démocratie. Cette proposition de loi apporte une partie de la réponse en renforçant la protection fonctionnelle et l’arsenal répressif contre les actes violents à l’égard des élus locaux.

Le groupe Renaissance présentera deux amendements. Le premier prévoit la remise d’un rapport qui récapitule l’ensemble des actions menées pour lutter contre les violences à l’égard des élus. Le second ouvre la possibilité de prononcer une peine de TIG en cas d’outrage.

Nous souhaitons que d’autres mesures soient adoptées dans les mois qui viennent, après le travail déjà réalisé au cours des derniers mois par Gérald Darmanin et Dominique Faure – ainsi que celui mené par la rapporteure avec Sébastien Jumel. Nous soutiendrons donc très largement ce texte.

Si nous voulons continuer à créer des vocations et renforcer l’engagement local, qui s’étiole au fil des années, notre responsabilité est immense.

Mme Edwige Diaz (RN). Ces dernières semaines, une nouvelle étape a été franchie dans la violence à l’égard des élus locaux. Ce qui constituait l’innommable hier est aujourd’hui quotidien – de la même manière que les faits divers ne font plus la une des journaux en raison de la banalisation de l’ultraviolence. Nous nous habituons jour après jour aux agressions contre ceux qui constituent les fondements de notre République.

Les atteintes verbales ou physiques à l’encontre des élus locaux ont ainsi augmenté de 32 % entre 2021 et 2022. Les agressions d’élus commises à l’Haÿ-les-Roses, Saint-Brévin‑les-Pins et Saint-Pierre-des-Corps sont seulement un échantillon de toutes celles qui ont rythmé l’actualité durant l’été 2023. Dans mon département, en Gironde, de nombreux élus ont également subi agressions, harcèlements et menaces. J’ai une pensée pour Mme le maire d’Yvrac et pour le conseiller municipal de Rions, dont l’agression a plongé cette petite commune dans l’incompréhension la plus totale.

Les conséquences de ce phénomène sont terribles. De plus en plus d’édiles ont le sentiment de ne plus être compris et d’être abandonnés par l’État. Ce sentiment est partagé par 64 % de nos concitoyens, qui estiment que la sécurité des élus locaux n’est pas assurée. Le trésorier de l’Association des maires de Gironde a précisé il y a quelques mois que plus d’une vingtaine d’élections municipales partielles avaient déjà eu lieu depuis les élections de 2019 en raison de multiples démissions.

Dans ce contexte, cette proposition va dans le bon sens. Augmenter les peines en faisant bénéficier les personnes titulaires d’un mandat électif de la protection offerte par une infraction destinée initialement à punir les agressions contre les pompiers, les policiers et les gendarmes relève de l’évidence. Les Français sont ainsi à 81 % favorables au renforcement des sanctions pénales pour les auteurs de violences faites aux élus. Dans la conception traditionnelle du droit pénal, la sévérité de la peine est le reflet de la gravité de l’infraction – et donc du tort causé à la société. C’est également le seul moyen d’assurer une véritable dissuasion.

Or notre République vit grâce à l’engagement des citoyens qui se présentent aux élections et qui incarnent la vie des collectivités locales. Porter atteinte à un élu, c’est porter atteinte à la République tout entière.

Cette proposition de loi est certes la bienvenue, mais notre groupe sera tout de même attaché à proposer diverses pistes d’amélioration. Les amendements des députés du RN iront par exemple dans le sens d’une extension de la protection des élus, notamment pendant les campagnes électorales. Nous proposerons également de porter à un an le délai de prescription pour les délits d’injure et de diffamation commis à l’encontre des élus, contre trois mois actuellement. Enfin, nous proposerons que cette loi prenne effet immédiatement, afin que ne s’écoule pas encore une année durant laquelle nos élus locaux continueraient à demeurer sans protection renforcée.

L’opportunité de ce texte n’est cependant pas aussi bien perçue par la partie la plus à gauche de notre commission. L’exposé sommaire d’un des amendements déposés par les députés de La France insoumise indique ainsi que « Cette escalade de l’échelle des peines est inacceptable, purement répressive et inutile. » et que « Renforcer les sanctions pénales ne résoudra en rien la crise démocratique. »

Au Rassemblement national, nous avons l’audace de penser que les élus sont des piliers de la démocratie et que la nation doit les protéger.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Allons-nous renforcer la sécurité des élus locaux et la protection des maires avec ce texte ? Notre groupe et l’élu local que je fus ne le croient pas.

Il nous faudra encore revenir sur ce sujet, comme je l’avais d’ailleurs prédit dans cette même salle il y a déjà un an lorsque nous avions examiné la proposition de loi visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression.

Je le dis aux élus et aux maires qui nous écoutent : le texte que nous examinons offrira certes certaines avancées techniques – sur la protection fonctionnelle – et d’autres intéressantes – sur la prise en charge des soins psychologiques –, mais rien pour vous protéger.

Les agressions contre les élus ont augmenté. Sept maires sur dix déclarent avoir été victimes d’incivilités. Les réseaux sociaux sont aussi de plus en plus source d’attaques contre les élus locaux. Je pense au cas de mon ami Robert Siegel, maire de Saint-Guilhem-le-Désert, qui a fait condamner la personne qui le harcelait – preuve que les outils juridiques existent déjà. Mais il n’y a rien dans ce texte pour accélérer les procédures, alors qu’il s’agissait de la première demande des élus car une décision de justice rapide permet d’éviter la répétition.

Qu’y a-t-il de concret dans ce texte pour suspendre rapidement les insultes sur les réseaux sociaux, tout en garantissant la liberté d’expression ? Rien.

Quels sont les moyens mis en œuvre pour éviter d’arriver à un acte délictuel sur un élu local ? Aucun – à part un article sur les candidats à une élection, qui constitue selon moi un cavalier.

Cette proposition de loi est donc défensive et ne cherche pas à reconstruire le lien entre nos concitoyens et la République, comme nous avons su reconstruire en peu de temps la cathédrale Notre-Dame. Dans ce texte, les élus sont considérés comme des êtres à part, capables en pleine crise d’appauvrissement d’augmenter leurs frais de mandat de 305 euros, alors que la Macronie avait commencé son œuvre en baissant l’aide personnalisée au logement (APL) de 5 euros.

Comme le dit notre collègue Sébastien Jumel dans le rapport qu’il a cosigné avec la rapporteure, « […] lorsque l’État reflue, recule, que les services publics deviennent des numéros verts, que les crises sont sans réponses, il ne reste que la commune et le maire […] » comme derniers recours. Ce qui expose les maires aux conflits ainsi qu’aux agressions qui se nourrissent de la désespérance sociale. La violence envers les élus, le repli sur soi ou l’abstention sont la conséquence de choix politiques qui ont abandonné nos institutions. Celles-ci ne sont pas un coût. Elles produisent du lien social – car seuls des humains humanisent d’autres humains. Baisser les moyens des collectivités et la qualité des services publics, c’est abaisser nos liens sociaux.

Lundi, nous avons adopté en séance une proposition visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale, qui vise à prévenir ou à régler un conflit entre des personnes physiques ou entre des personnes physiques et des personnes morales grâce à l’intervention d’un tiers impartial et indépendant. Or il n’y a rien sur la médiation dans le présent texte qui se concentre sur la sanction. Quelle ironie !

On n’y trouve rien non plus en faveur d’une plus grande ouverture de la démocratie locale aux citoyens. Comment croire que le dialogue va être renoué en brandissant la menace de la sanction. Voulons-nous discipliner les citoyens ou les impliquer ?

Madame la rapporteure, votre texte, qui ne prévoit ni moyens humains ni politiques publiques – et ce n’est pas le discours de politique générale prononcé hier qui va nous rassurer – et qui ne donne pas aux élus un véritable pouvoir d’agir, est plutôt bancal. En conséquence, si nous voterons pour plusieurs articles, faute d’évolutions majeures de la rédaction du texte pour prévenir les agressions et protéger réellement les élus de la violence dans la société, nous ne serons pas favorables à son adoption.

M. Philippe Gosselin (LR). La croissance de la violence à l’encontre des élus locaux a été quasi exponentielle ces dernières années. C’est très grave. Ce phénomène s’est accru pendant la période du Covid. On dit que les maires, et de manière générale les élus locaux, sont à portée d’engueulade. Cette proximité est sans doute bénéfique, mais ils sont de plus en plus à portée d’insultes et parfois de menaces. Or cela n’est pas acceptable.

En 2021, Naïma Moutchou et moi-même avions constaté l’augmentation de ces faits dans le rapport de la mission flash sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux. Le Sénat avait dressé le même tableau, de même que la rapporteure et notre collègue Sébastien Jumel. Bref, ces menaces sont récurrentes depuis plusieurs années. Il y a parfois une forme de désinhibition de certains de nos concitoyens qui n’est pas acceptable.

Il faut le répéter, s’en prendre à un élu de la République, c’est s’en prendre à la République elle-même. Ces communes, ces villes et ces villages sont des petites républiques qui fondent la grande et leurs élus doivent être particulièrement protégés.

Ce texte repose sur une approche intéressante. Sera-t-il suffisant ? C’est une autre question. Je crois en effet que nous pourrions aller plus loin. Je me réjouis en tout cas du renforcement des sanctions lorsqu’il y a des violences. Il faut rappeler que si les élus ne sont pas au-dessus des lois et sont des citoyens comme les autres, ce sont tout de même des citoyens engagés. C’est en raison de leurs fonctions que ces hommes et ces femmes doivent être protégés par la République, et donc par la justice.

Il est également important d’améliorer la protection fonctionnelle des élus locaux, et tel est l’objet du titre II. Certes, des améliorations sont intervenues ces dernières années, mais certains élus locaux sont encore parfois très démunis. En outre, les élus de petites communes n’osent pas toujours demander à bénéficier de la protection fonctionnelle. Faire prendre en charge les frais d’avocat par la commune reste délicat.

Le dispositif proposé par le texte sur ce point est intéressant, et j’y souscris, mais il faudra aussi s’assurer du caractère effectif de cette prise en charge et de la protection fonctionnelle. Des freins existent. Un certain nombre de maires taisent les menaces dont ils ont été victimes et ne déposent pas plainte. Malgré l’augmentations quasi exponentielle des chiffres ces dernières années, je ne suis pas sûr que tous les faits soient réellement connus.

Enfin, il faut renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs par les juridictions. Il faut davantage de fluidité dans les échanges entre les procureurs et les élus locaux, mais aussi plus généralement avec les forces de l’ordre. Ces dernières peuvent avoir à mener des missions de police administrative ou judiciaire.

Cette proposition est sans doute insuffisante, mais elle va dans le bon sens. C’est une première pierre bienvenue, en attendant d’aller plus loin et de définir un statut de l’élu que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux – non pour faire des élus locaux des citoyens à part, mais pour valoriser un engagement citoyen qui a parfois tendance à s’étioler, notamment à cause des menaces.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Nous sommes tous présents ici parce que nous avons été élus pour être les porte-voix de nos concitoyens, servir de courroie de transmission et parler de notre territoire. Nous avons la vocation républicaine et nous avons choisi d’être les représentants du peuple.

Malheureusement, nous avons tous été confrontés à des attaques virulentes, sur les réseaux sociaux mais aussi physiquement. Nous avons été victimes de menaces et de dégradations, comme l’a rappelé Thomas Rudigoz. Il en va de même pour les élus locaux. Bien que le maire soit l’élu le plus apprécié, c’est aussi celui qui est le plus proche de la colère et de la violence de nos concitoyens.

Le Gouvernement s’est saisi de ce sujet dès 2017 et des mesures ont été adoptées dans le cadre de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ainsi que de celle votée il y a un an qui permet aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile.

Comme vous, j’ai entendu beaucoup de témoignages d’élus sur mon territoire, notamment à l’occasion d’une réunion à laquelle j’ai participé à Saint-Marcellin, en présence de Dominique Faure, alors ministre déléguées chargée des collectivités territoriales. Les gendarmes y ont présenté les formations qui peuvent être dispensées dans le cadre du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus. J’ai moi-même été surprise de constater que beaucoup d’élus taisent les menaces dont ils ont fait l’objet. Leurs récits sont vraiment difficiles, notamment lorsque des maires racontent qu’elles trouvent du papier toilette souillé dans leur boîte à lettres personnelle ou qu’une autre décrit comment elle a été agressée en sortant du conseil municipal de sa commune de 200 habitants.

Alors que 3 000 plaintes et signalements ont été recensés, nous devons tous avoirs conscience de la gravité de ces violences et notre réponse doit être très ferme. Ce texte vise précisément à mieux protéger les élus locaux dans l’exercice de leur mandat et à améliorer l’accompagnement des acteurs judiciaires et étatiques. Il faudra aller plus loin. Cela passera par l’évolution de l’arsenal législatif, mais aussi par le nécessaire changement culturel des acteurs judiciaires et étatiques. À cet égard, le procureur a un rôle extrêmement important à jouer.

Ce texte renforce les peines encourues en cas de violences commises contre les élus et améliore la protection fonctionnelle ainsi que l’accès aux assurances pour les locaux des permanences électorales – notre groupe proposera un amendement sur ce dernier point.

Notre devoir commun est de défendre les élus locaux, mais aussi les candidats qui souhaiteraient s’engager. Le nombre de maire qui démissionnent est important. Pour préserver l’engagement, il faut mieux protéger les élus.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Depuis la déception de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi « 3DS »), nous avons collectivement, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, relancé les réflexions sur le rôle et le statut des élus locaux. La crise des vocations observée en 2020 dans un nombre croissant de communes et les nombreuses démissions qui sont intervenues depuis lors – parfois à la suite de faits de violence – nous amènent à nous interroger sur les conditions d’exercice des mandats locaux.

Mme la rapporteure et Sébastien Jumel ont mené un travail sur ces questions au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je tiens à saluer la qualité du rapport et des propositions qui en découlent. Mon groupe a également déposé en novembre 2023 une proposition de loi globale visant à améliorer l’attractivité des mandats locaux. Je regrette que les sénateurs aient choisi un texte qui se limite à la seule dimension sécuritaire du sujet, sans se préoccuper des questions relatives à l’indemnisation des élus, aux conditions d’exercice, à la responsabilité juridique, à la formation ou à l’accompagnement de fin de mandat. Les règles de l’article 45 ne nous permettront malheureusement pas d’en débattre, et c’est dommage.

Pour autant, vous avez fait état, madame la rapporteure, de votre travail en cours sur une proposition de loi transpartisane sur ces sujets et je tiens à vous rappeler que mon groupe est disponible pour avancer dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nos propositions sont connues.

Plusieurs mesures de ce texte rejoignent certaines d’entre elles, notamment en ce qui concerne les sanctions, les délais de prescription ou encore la protection fonctionnelle. Nous saluons la présence de mesures destinées à améliorer l’information des élus sur le suivi des procédures et formulerons nous-mêmes quelques propositions à la matière.

Nous voterons donc pour ce texte nécessaire et utile.

Nous regrettons cependant que le Sénat ait trop souvent distingué les conseillers sans délégation de ceux qui font partie de l’exécutif. Quand les tensions sont élevées du fait d’un projet local ou de la situation nationale, les agresseurs ne distinguent pas les élus selon l’ordre du tableau. Tous doivent pouvoir bénéficier des mêmes protections. Malheureusement, comme l’a rappelé la rapporteure, l’article 40 ne nous permet pas de le proposer. C’est un point sur lequel le Gouvernement devra intervenir et nous serons à vos côtés pour défendre cette position.

Nous proposons plusieurs mesures afin de se pencher de nouveau sur la question de la responsabilité pénale des élus locaux, à la suite des travaux menés par les associations d’élus et à l’aune d’une jurisprudence parfois absurde.

Les élus doivent rendre des comptes devant les électeurs et devant la justice lorsqu’ils commettent des délits ou des crimes, sans traitement de faveur. Mais leur responsabilité pénale personnelle ne doit pas être engagée lorsqu’ils n’ont pas enfreint manifestement et volontairement une obligation de sécurité. C’est alors la responsabilité de la commune en tant que personne morale qui doit être engagée, pour préserver les intérêts des tiers et, potentiellement, des victimes.

De même un élu qui représenterait sa commune au conseil d’administration d’une association ne saurait se voir suspecté de conflit d’intérêts lorsqu’il participe aux délibérations concernant cette association, dès lors qu’il y défend l’intérêt de la collectivité et non un intérêt privé. Nous regrettons que notre amendement en ce sens ait été déclaré irrecevable.

Nous pouvons réaliser des avancées importantes en la matière, afin de redonner un peu de quiétude aux élus locaux sans pour autant remettre en cause l’équilibre entre leur responsabilité et la préservation des intérêts des tiers.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). On ne va pas se mentir : il est très rare de ne pas avoir été victime d’agression lorsqu’on a exercé des responsabilités locales ou nationales. Que cela arrive dans le cadre du travail, c’est-à-dire dans nos permanences, est déjà quelque chose d’inqualifiable. Mais cela l’est encore davantage si cela intervient dans le cadre de la vie privée.

En préparant mon intervention hier soir, je me disais qu’on allait encore dire que nous étions en train de nous auto-protéger. Mais comment est-il possible que certains en arrivent à penser cela ? Pourquoi serions-nous moins bien traités que les autres ? Pourtant, nous sommes amenés à nous demander comment cette proposition de loi sera perçue…

Bref, merci de nous présenter ce texte, même s’il s’agit d’un petit texte. Nous attendons un véritable statut de l’élu – pas pour protéger les élus, mais pour protéger notre démocratie.

Que nous disent les maires, et notamment les maires ruraux – vous savez à quel point je suis attachée à la commune, quelle que soit sa dimension ? Qu’il n’y aura personne après eux, parce qu’il devient impossible de convaincre des candidats de prendre le relais en raison des responsabilités et des dangers que cela représente.

La pression est donc forte pour que nous améliorions la situation et puissions remplir cet engagement avec enthousiasme, détermination et envie – en un mot, que nous retrouvions l’envie de nous engager, sans être terrorisés.

Sanctionner les violences commises envers les élus comme nous l’avons fait pour celles qui visent les policiers, les gendarmes et les militaires, symboles mêmes de la République, nous semble être une bonne idée. C’est également le cas de la prise en compte des violences non seulement physiques, mais aussi psychologiques. Il est bon aussi que les acteurs du système judiciaire tiennent compte de la réalité des mandats électifs et, comme le propose Mme Naïma Moutchou, que les élus soient tenus informés des procédures engagées.

Néanmoins, je crains toujours, lorsque nous prévoyons des dispositions de cette nature, qu’elles se révèlent décevantes, et il conviendra donc que nous fassions savoir que nous travaillons à un texte beaucoup plus large, qui devrait permettre à tous ceux de nos concitoyens qui aiment la chose publique et sont convaincus qu’elle est nécessaire à notre démocratie de s’y engager.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Avec 32 % de hausse en 2022 et 15 % de hausse estimée pour 2023, les violences contre les élus augmentent. Les démissions aussi. Dans mon département, entre l’incendie volontaire du domicile de l’ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins en mars 2023 et les menaces de mort reçues par la maire de ma commune le mois dernier, il se passe peu de semaines sans qu’un élu soit agressé, d’une façon ou d’une autre. C’est chaque fois un choc et, chaque fois, il y a une prochaine fois.

Ces agressions contre les élus ont appelé une réponse de l’État, qu’il conviendra d’évaluer ; elles reçoivent aujourd’hui, une réponse de notre assemblée et demain, je l’espère, de notre société. En effet, ces violences ne doivent pas toucher seulement les premiers concernés, mais elles doivent susciter une mobilisation collective quant au rapport des citoyens avec leurs représentants et aux raisons de la colère et des violences.

Le groupe Écologiste-NUPES votera favorablement ce texte, sous réserve des amendements qui seront adoptés. J’en présenterai, pour ma part, plusieurs, mais je tiens à évoquer plus spécifiquement ici une proposition qui n’a pas été jugée recevable, visant à élargir le champ de l’automaticité de la protection fonctionnelle dont bénéficient les maires et les exécutifs pour appliquer cette protection à l’ensemble des élus locaux. En effet, si les violences contre les élus s’expriment en premier lieu contre les maires, les autres élus locaux n’en sont pas exempts. De fait, certaines des atteintes perpétrées ne visent pas tant la fonction exécutive qu’un élu identifié comme responsable, dans un contexte de défiance croissante envers les institutions politiques, pour la simple raison que cet élu croise le chemin d’un administré mécontent ou qu’il est chargé d’un dossier sujet à polémique. Élargir la protection fonctionnelle à tous les élus offre donc une garantie de prise en charge pour chacun et reconnaît le caractère parfois aléatoire des attaques.

Par ailleurs, votre texte suscite regret et lassitude face à la répétition des mêmes schémas apportant à chaque problème une réponse pénale. Il est certes fondamental d’affirmer clairement que les violences envers les élus, quelle qu’en soit la forme, ne sont pas tolérables dans notre société et notre démocratie, mais ne nous laissez pas croire que seule une aggravation des peines encourues permettra de les réduire. Cette méthode usuelle ne fait souvent que masquer certaines des raisons multifactorielles des agressions visant des élus : détresse sociale, état psychiatrique non pris en charge, addictions et pauvreté.

Les maires à portée de baffes sont des maires qui subissent le désengagement d’un État qui délaisse des pans entiers de notre système de vie en société et d’accompagnement des personnes les plus vulnérables.

Posons d’autres questions et formulons d’autres propositions que le code pénal. Cessons de réagir pour, enfin, agir, c’est-à-dire prévenir les situations qui conduisent à de la violence dans notre société et à de la rancœur contre toutes les personnes qui incarnent une institution. C’est sans doute la meilleure protection que nous puissions apporter aux élus locaux.

N’oubliez pas non plus que l’origine des violences qui ont visé Yannick Morez, ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins – sa voiture brûlée et sa maison en feu, alors qu’il y dormait avec sa famille –, c’est l’extrême droite, qui utilise la violence pour imposer sa vision xénophobe contre l’installation d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, dans une commune où jamais le moindre incident n’avait alimenté de mobilisation contre ce dernier. L’extrême droite se décomplexe, alors que ses thèmes et ses termes se répandent dans des médias ou dans les discours de certains responsables politiques.

Ce texte contient des mesures attendues, que le groupe Écologiste-NUPES soutient, mais il ne réglera pas tout. Surtout, il ne préviendra rien. Il nous reste du chemin à parcourir.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Monsieur le président, vous me pardonnerez le caractère brouillon de mon intervention. Peut-être ai-je mal dormi à cause de l’intervention qu’a faite hier le Premier ministre dans l’hémicycle… Ses propos m’ont d’ailleurs fait réfléchir sur une idée simple : en République, croit-on encore en la loi qui protège, en la loi qui régule, en la force de la loi, ou veut-on se libérer, au bout du compte, de toutes les règles qui prennent soin, au risque de voir la loi du plus fort l’emporter ?

La loi qui prend soin et qui protège concerne éminemment les élus locaux. Pendant plusieurs mois, ma collègue Violette Spillebout et moi-même avons posé un diagnostic lucide sur leur sort. Le plus beau mandat est celui de maire : c’est l’incarnation de la collectivité qui prend soin et de la démocratie de proximité. Les maires sont les urgentistes de la République : quand tout fout le camp, quand on a le sentiment que les décisions prises tout là-haut sont déconnectées de la réalité, le maire a les pieds sur terre et est en phase directe avec les habitants. Il est ainsi l’élu le plus apprécié des Français. Il est, le plus souvent, à portée de bises, mais il est aussi, malheureusement, depuis de trop nombreuses années, comme en témoignent les chiffres présentés, à portée de baffes et d’engueulade.

Les auditions que nous avons menées et les témoignages que nous avons recueillis renforcent notre conviction que l’intransigeance s’impose face aux gens qui déstabilisent ceux qui s’engagent au service des autres. Nous soutiendrons donc toutes les mesures visant à aligner les sanctions sur celles qui protègent les personnes dépositaires de l’autorité publique, ainsi que toutes les mesures visant à attribuer automatiquement la protection fonctionnelle, à préciser dans la loi le socle minimum des risques couverts par les contrats d’assurance ou à majorer les compensations d’État des frais de souscription des contrats. Il faut en effet donner aux urgentistes de la République le signal que l’État est à leurs côtés, à leur chevet, et que, par la loi, il a vocation à les protéger.

Les sénateurs n’ont évidemment considéré la question qu’à travers ce prisme – nous laissant peut-être ainsi la liberté de compléter le dispositif.

On ne protège efficacement que ceux qui sont utiles. Il nous faudra, dans les prochaines semaines, réfléchir à la manière dont nous pouvons renforcer le pouvoir d’agir des élus. Plus on est utile, efficace et capable de répondre aux besoins des gens, plus on est protégé et préservé. Il faudra recoudre les moyens de la démocratie locale.

Il faudra aussi inscrire dans le code général des collectivités locales un véritable statut de l’élu. Ma collègue rapporteure et moi-même avons travaillé dans ce sens, et j’espère que nous examinerons ce texte dans les prochaines semaines pour compléter utilement le socle qui nous est présenté aujourd’hui et, tout en veillant à ne pas creuser le fossé entre nos élus et nos concitoyens, renforcer le statut de l’élu et son pouvoir d’agir.

M. Paul Molac (LIOT). Les violences contre les élus sont inacceptables. S’attaquer aux élus, c’est, en quelque sorte, s’attaquer au contrat social et à la chose publique – c’est particulièrement vrai pour les élus locaux, qui ont un contact direct avec la population et qui sont la base de la cohésion sociale. Lors de la cérémonie des vœux d’un maire qui, précisément, démissionnait à cause des difficultés que sa commune connaissait, j’ai comparé les maires à des sous-officiers de la République, car une armée ne peut pas fonctionner sans de bons sous-officiers. Nous devons donc absolument protéger les maires, et le faire par différents moyens.

Cette proposition de loi comporte des mesures bienvenues. En effet, les maires sont souvent confrontés à des agressions, à des pressions et à du harcèlement, et 1 300 d’entre eux ont déjà démissionné. Les violences n’en sont évidemment pas la seule cause, et nous attendons aussi un statut de l’élu, mais cette proposition de loi va dans le bon sens. Dans un premier temps, elle fixe les peines au même niveau que celles qui s’appliquent en cas de violences envers les forces de l’ordre, mais ce n’est sans doute pas le plus important car, comme le disait Robert Badinter, un justiciable ne se promène pas avec le code pénal sous le bras.

La protection fonctionnelle automatique est, elle aussi, importante, car les maires rechignent à engager des frais pour leur commune, en particulier dans les petites communes, où chaque acte est scruté et où les maires ne s’attribuent même pas l’indemnité la plus élevée, de crainte d’être montrés du doigt. Cette protection fonctionnelle automatique assurée par l’État dans les communes de moins de 10 000 habitants est donc absolument nécessaire. Elle permettra aux maires des petites communes de porter plainte et d’être aidés. C’est, me semble-t-il, la seule façon de mettre un terme à une partie de ces actes qui les visent.

Comme l’ont dit certains collègues, ce texte ne résoudra pas tout, mais je ne crois pas qu’une loi puisse tout résoudre. Nous le voterons donc sans réserve, en attendant un véritable statut de l’élu.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). J’étais, spontanément, assez dubitative face à cette proposition de loi, car je n’aime pas trop ce qui peut ressembler à un plaidoyer pro domo, mais il faut bien reconnaître qu’elle répond à une préoccupation croissante quant à la sécurité des élus locaux. Quelques chiffres : 32 % d’agressions en plus, essentiellement à l’encontre des maires, entre 2021 et 2022, selon le ministère de l’intérieur. Il s’agit principalement d’outrages, pour 50 %, de menaces pour 40 % et de violences volontaires pour 10 %. Selon d’autres chiffres intéressants, tirés d’un sondage Odoxa de novembre dernier pour Le Figaro, 64 % des Français pensent que la sécurité des maires est mal assurée et 61 % qu’ils pourraient aussi renoncer à une élection municipale, par crainte pour eux-mêmes ou pour leur famille. Ces chiffres sont éloquents.

La proposition de loi comporte des mesures variées, comme la modification de certains articles du code pénal pour accroître les sanctions en cas de violences contre les élus, des modifications visant à améliorer la prise en charge des élus victimes et des mesures visant à impliquer davantage les institutions dans la protection des élus. Ces mesures sont ciblées et spécifiques. Cependant, il est important de considérer plus largement leurs implications et d’assurer un équilibre entre sécurité et libertés civiles. Je me permettrai à cet égard quelques propositions.

Le texte, qui se concentre sur la réponse répressive et la protection après les agressions, pourrait être enrichi par des mesures préventives plus globales pour réduire les risques de violence à l’égard des élus.

La proposition de loi pourrait prévoir des systèmes de signalement et de réponse rapide pour les menaces ou incidents, qui permettraient une intervention rapide et efficace en cas de problème, comme cela se fait déjà dans certaines communes, par exemple pour les commerces ou les écoles.

Enfin, l’impact de la loi sur les libertés civiles, notamment la liberté d’expression, pourrait être davantage étudié pour nous assurer que les mesures proposées ne laissent pas de place à une interprétation abusive.

Je ne m’opposerai donc pas à ce texte, même si je pense qu’il nécessiterait davantage de précisions.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Ce débat est tout à fait légitime, et vous avez vous-même une entière légitimité pour parler des élus locaux et de leur protection. En effet, vous avez tous des expériences d’élus locaux et représentez la France – M. Rudigoz est maire du cinquième arrondissement de Lyon et conseiller métropolitain de Lyon, Mme Diaz conseillère municipale à Saint-Savin, dans la Haute Gironde, et conseillère régionale, M. Rome adjoint au maire de Lodève, dans l’Hérault, M. Gosselin maire de Remilly, dans la Manche, Mme Jacquier-Laforge conseillère municipale de Bilieu, dans l’Isère, M. Delautrette maire de Les Cars, dans la Haute-Vienne, et conseiller départemental, Mme Poussier-Winsback vice-présidente de la région Normandie et maire de Fécamp, en Seine-Maritime, M. Raux maire de Saffré, en Loire-Atlantique, M. Jumel maire de Dieppe, en Seine-Maritime, M. Molac conseiller régional de Bretagne et Mme Ménard conseillère municipale à Béziers, dans l’Hérault.

Nous pouvons donc, en tant que députés membres des différents groupes politiques, mener cette discussion en toute légitimité car, comme vous l’avez rappelé, vous tenez dans vos circonscriptions des réunions avec vos élus locaux pour évoquer les violences et entendre leur parole, vous soutenez ceux qui sont victimes de ces violences, vous êtes aux côtés de leurs familles et vous travaillez tous les jours sur ces questions avec les préfets.

Monsieur Rudigoz, vous évoquez la permanence de la menace et le fait que les questions ne soient traitées que partiellement dans la proposition de loi que nous examinons. Nous devrons en effet poursuivre le travail pour ce qui concerne la diffamation et l’affichage diffamatoire, et tout ce qui porte préjudice à la réputation des élus, faits qui sont parfois difficiles à qualifier. Nous y reviendrons dans nos débats, car nous devons mieux protéger les élus et leurs familles.

Madame Diaz, vous évoquez largement les démissions et les nombreuses élections partielles qui s’ensuivent. En effet, au moins 1 293 maires ont démissionné depuis 2020, soit trois fois plus qu’il y a vingt ans, ce qui est très significatif à l’approche des élections municipales de 2026.

Monsieur Rome, vous êtes le seul représentant de groupe qui ait affiché une opposition assez forte à cette proposition de loi. Vous êtes pourtant élu local et connaissez des élus victimes de ces violences.

Nous convenons avec vous qu’il faut accélérer les procédures et qu’il manque dans cette proposition de loi des dispositions permettant le bannissement ou la suspension des auteurs sur les réseaux sociaux. Nous y reviendrons dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren), pour lequel la commission mixte paritaire ne s’est pas encore réunie. Peut-être faudra-t-il encore pousser plus loin, car le problème du harcèlement que subissent les élus sur les réseaux sociaux doit être particulièrement traité.

Quant au fait que les élus soient traités comme des personnes à part, c’est pour moi, à l’inverse de vous, un élément positif, car ils sont engagés et sacrifient une grande part de leur vie personnelle et de leur carrière pour se consacrer aux autres, à l’intérêt général et à la République. Il faut donc l’assumer, même s’il ne faut pas pour autant en faire des privilégiés. Sébastien Jumel et moi-même, au fil des auditions auxquelles nous avons procédé à propos des violences et des statuts, y avons veillé, comme vous le découvrirez dans nos propositions. N’oublions pas, cependant, que les élus protègent notre démocratie.

Enfin, vos propos très critiques sur les sanctions à appliquer aux violences envers les élus ne font honneur ni à ces derniers ni à ceux d’entre eux qui sont victimes. Souvent, en effet votre groupe conditionne la condamnation de la violence aux positions politiques des personnes concernées. Votre soutien aux élus victimes de violences n’est pas systématique, et il y a toujours un « mais » lorsqu’il est question d’élus de votre groupe, ce qui pourrait laisser croire que certains méritent la violence parce qu’ils ont défendu certains projets ou certaines propositions de loi dans leur commune.

Enfin, vous et vos amis avez, durant les débats de la fin de l’année dernière, sali les symboles de la République, insulté des ministres et fait mauvais usage de l’écharpe qui fait honneur à notre fonction de députés. Je regrette donc les propos que vous tenez en amont d’un débat qui se veut transpartisan.

Monsieur Gosselin, vous avez prononcé une phrase très forte en déclarant qu’il fallait libérer la parole, car de nombreux maires et élus n’osent pas déposer plainte. Notre débat de ce jour doit donc permettre aux élus et à leur famille d’oser dénoncer les violences. En la matière, rien n’est acceptable. Il ne doit y avoir ni fatalisme ni banalisation.

Madame Jacquier-Laforge, j’ai apprécié votre expression de « vocation républicaine ». Il faut en effet encourager les futurs candidats afin que, notamment dans les petites communes, où l’on cherche parfois jusqu’à quinze élus, nous trouvions des gens qui ont envie de s’engager et qui ne craignent pas les menaces que pourrait leur valoir l’exposition de leur famille et de leurs opinions sur les réseaux sociaux. Nous avons un grand défi collectif à relever en commun au cours de cette année 2024, dédiée aux élus locaux.

Monsieur Delautrette, vous évoquez à juste titre des sujets qui ne sont pas traités dans cette proposition de loi centrée sur les violences, comme le dégagement de la responsabilité politique et pénale des élus qui en assument une au titre de la commune, et non pas pour une erreur personnelle, ou les conflits d’intérêts. Sébastien Jumel et moi-même en avons été très soucieux et ces questions figureront parmi les propositions que nous vous soumettrons très prochainement.

Madame Poussier-Winsback, nous avons entendu que vous attendiez un texte plus complet et plus large. La proposition de loi qui suivra et l’étude que nous ferons sur le statut de l’élu devront englober toutes les questions qui ne sont pas traitées dans ce volet consacré aux violences. Vous avez raison de rappeler la nécessité de protéger les élus non en tant que personnes, mais bien comme incarnant un symbole démocratique et assurant le fonctionnement de notre démocratie.

Monsieur Raux, vous avez évoqué à très juste titre la question des moyens et des dotations des collectivités, qui n’est évoquée ni dans cette proposition de loi ni dans le rapport d’information que Sébastien Jumel et moi-même avons remis. Cette question ne peut pas être décorrélée, et les associations d’élus locaux ne manqueront pas de nous le rappeler au fil des débats.

Vous avez, enfin, insisté sur la lutte contre la discrimination et la xénophobie, dont nous savons tous l’importance. Lorsque les violences envers les élus sont animées de propos xénophobes, haineux, racistes ou discriminants, les sanctions doivent être aggravées et encore plus exemplaires. Nous y reviendrons.

Monsieur Jumel, nous avons su, ensemble, écouter et rassembler des opinions diverses pour formuler des propositions concrètes qui vont toutes dans le même sens. Renforçons le « pouvoir d’agir » – pour reprendre ce mot qui vous est cher – des maires et des élus locaux. Confisquer par la violence, les pressions et les intimidations leur pouvoir d’agir aux élus, c’est faire reculer le pouvoir politique, or le fonctionnement politique et démocratique de notre pays suppose une confiance des citoyens envers les élus.

Monsieur Molac, les élus incarnent en effet le contrat social que vous évoquez. Ils sont le lien entre le citoyen et les institutions, et nous devons les protéger.

Madame Ménard, vous avez très justement insisté sur la liberté d’expression et la réforme du droit de la presse, consacré par la loi de 1881, en rappelant les problèmes liés à la diffamation, aux injures et aux outrages. Pour m’y être frottée en examinant les amendements, je sais que cette question est très compliquée juridiquement. Bien que la proposition de loi comporte quelques mesures à cet égard, nous pourrions envisager de l’approfondir lors des états généraux de l’information, où il sera question de cette loi sur la liberté de la presse et la liberté d’expression.

Nous avons tous pour objectif de trouver de nouveaux citoyens engagés pour être candidats, et il sera beaucoup question ce matin de candidatures aux élections. Nous voulons tous libérer la parole face aux pressions et aux intimidations, formelles ou informelles, visant les élus locaux et protéger les familles de ces derniers. Nous voulons aussi accélérer les procédures, sans céder au fatalisme, à la banalisation ou à la peur de l’impunité face à ces violences, ni sombrer dans le doute en les affrontant et en agissant ensemble – ce qui est finalement le cœur de notre engagement politique.

Soyez rassurés : c’est aujourd’hui l’acte I, avec la lutte contre les violences envers les élus, et ce sera demain l’acte II, avec le texte relatif au statut de l’élu que Sébastien Jumel et moi-même vous proposerons, qui traitera des indemnités, des conflits d’intérêts et de la reconversion professionnelle après le mandat, et dans lequel nous pourrons aussi introduire des questions malheureusement irrecevables aujourd’hui, comme l’extension de la protection fonctionnelle aux élus sans délégation ou les droits de l’opposition. Nous n’oublierons pas, dans la loi qui suivra, des sujets que nous n’avons pu injecter aujourd’hui dans la proposition de loi du Sénat, afin de disposer d’un dispositif complet au service des élus locaux, des citoyens et de notre démocratie.

Titre IER : CONSOLIDER L’ARSENAL RÉPRESSIF EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À L’ENCONTRE DES ÉLUS

Article 1er (art. 222-12, 222-13, 222-14-5, 222-47 et 222-48 du code pénal) : Aggravation des peines encourues pour des faits de violences commises à l’encontre des élus

Amendement de suppression CL17 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous avons vu augmenter ces dernières années tant l’arsenal répressif que le nombre d’agressions. S’en prendre à un élu, c’est d’abord s’en prendre à une personne et, qu’elle soit élue ou non, cela n’a pas lieu d’être. En outre, l’augmentation de l’arsenal répressif n’a pas fait baisser le nombre des agressions.

Souvent, s’en prendre à un élu, c’est aussi s’en prendre aux politiques qu’il mène, qu’il s’agisse du centre d’accueil de Saint-Brevin-les-Pins ou de René Revol, maire de Grabels, qui a subi une agression de la part de l’extrême droite pour avoir contesté une décision du maire de Béziers. Vous nous critiquez en raison de nos positions, mais notre groupe est peut-être aujourd’hui le plus menacé et le plus attaqué – je pense à Louis Boyard, à Raquel Garrido et à Jean-Luc Mélenchon.

Il ne faut pas confondre la fonction régalienne de l’État, qui est celle de la gendarmerie, de la police ou des pompiers, avec la fonction démocratique, qui est la nôtre. Confondre les deux relève d’une tendance oligarchique, et l’on incline alors à traiter les élus comme des gens à part. Notre fonction est démocratique : nous devons être avec les gens, au milieu d’eux. Il nous faut plus de démocratie. Les personnes qui ont la responsabilité de voter les lois ou d’administrer les communes ne doivent pas être à part, notamment dans les communes de petite taille, où tout le monde se connaît. C’est là que se posent les questions de médiation, tout à fait absentes de votre texte, et de rapidité des décisions de justice.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis, bien évidemment, très défavorable à la suppression de cet article, qui est un élément essentiel de la proposition de loi. La violence croissante envers les élus, en particulier des élus locaux, exige une réponse pénale très forte.

En outre, cette disposition qui figure dans la proposition de loi que nous examinons avait été largement adoptée au titre d’un amendement de notre collègue sénateur Marc-Philippe Daubresse à l’article 15 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), annulé pour raison de procédure.

S’agissant enfin des agressions subies par les élus de votre groupe, il n’y a pas lieu de faire un concours pour savoir qui a été le plus agressé en raison de ses convictions politiques. Comptez sur moi pour dénoncer toutes ces agressions. Qu’il s’agisse de M. Boyard, de Mme Garrido ou de M. Guiraud, il n’y a pas de conditionnalité au soutien des élus contre les violences. Le débat n’est pas là : nous devons les protéger tous.

Mme Edwige Diaz (RN). Pour le Rassemblement national, les agressions visant les élus locaux exigent une répression pénale forte. Or, on retrouve dans cet amendement de La France insoumise tout le champ lexical habituel de ce groupe, fermement opposé à la « surenchère pénale » et à la « répression pénale », ainsi que son déni idéologique car, selon lui, un renforcement des sanctions pénales ne résoudra en rien la crise démocratique.

J’ai la naïveté de m’étonner encore un peu de ces positions. La France insoumise est complètement déconnectée des réalités du terrain, mais aussi de ses sympathisants, à en juger par un sondage Odoxa de mai 2023, qui révèle que 57 % des sympathisants de La France insoumise sont favorables aux mesures de protection des élus.

Nous voterons donc résolument contre cet amendement de suppression.

M. Thomas Rudigoz (RE). Nous sommes également opposés à cet amendement incohérent. Les élus locaux n’ont peut-être pas la même fonction que les policiers et les gendarmes, mais n’oublions pas que les maires sont officiers de police judiciaire. Or ce sont eux qui, comme nous le constatons régulièrement, sont victimes de violences et d’intimidation, alors qu’ils n’ont, à la différence des gendarmes et des policiers, aucun moyen de défense. Il est donc tout à fait normal de renforcer notre arsenal pénal pour protéger ceux que j’ai appelés les « hussards de la démocratie », face à la défection croissante que nous constatons chez nos concitoyens qui ne veulent plus s’engager et chez nombre de maires qui démissionnent en cours de mandat. Nous devons montrer aux maires et aux élus qu’ils seront mieux protégés, qu’il s’agisse de la protection fonctionnelle ou du renforcement des sanctions applicables à ceux qui attenteraient à leur personne ou à leur honneur.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Après l’agression que j’ai subie Gare du Nord, et dans ce contexte d’indignations à géométrie variable, j’attends encore des tweets de soutien – dont le vôtre, madame la rapporteure, qui sera le bienvenu si vous condamnez bien, comme d’habitude, toutes les violences, sans distinction aucune.

Si nous voulons élever le débat, il faut sortir de ces arguments et nous rappeler que, comme l’a dit mon collègue Sébastien Rome, l’augmentation des quanta de peine, dans tous les domaines où vous l’avez pratiquée, n’a pas produit les résultats que vous escomptiez, qu’il s’agisse des refus d’obtempérer ou des actes visant des policiers. Vous voulez maintenant aligner, pour ce qui concerne les élus, les quanta de peine sur ceux que nous avons déjà augmentés durant la précédente législature. Ces augmentations successives ne régleront pas le problème, et je maintiens donc une opposition de principe. Cela ne signifie pas qu’il ne doive pas y avoir de condamnation, mais l’état actuel du droit est déjà bien suffisant.

Peut-être l’effectivité même de la protection et de la répression mérite-t-elle aussi discussion. Ainsi, malgré de nombreuses relances formulées par mon conseil, j’attends toujours des nouvelles du parquet de Paris à propos de l’agression que j’ai subie, alors que la situation paraissait assez simple, puisque les faits ont eu lieu en plein hall de la Gare du Nord, surveillé par des caméras à 360 degrés. La célérité des enquêtes dépend donc encore, semble-t-il, de différents facteurs...

Nous avons d’ailleurs rendu à cette commission un rapport sur les moyens dont dispose la police judiciaire. Peut-être y a-t-il là des éléments qui permettront de protéger réellement les élus et de réprimer les auteurs d’infractions à leur encontre.

Il nous semble, à tout le moins, démagogique de se faire plaisir en augmentant les quanta de peine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL42 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement, déjà déposé par nos collègues socialistes du Sénat, vise à étendre le dispositif prévu à l’article 1er aux peines encourues en cas de meurtre, de violences ayant entraîné la mort, de violences aggravées et d’outrage lorsque ces crimes ou délits sont commis contre un élu. Nous n’ignorons pas que le code pénal prévoit déjà des peines aggravées lorsque de tels actes sont commis contre toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, mais l’application de ces peines à un maire ou à un adjoint au maire ne résulte que de la jurisprudence : nous souhaitons la graver dans le marbre de la loi.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je comprends dans quel esprit vous avez déposé cet amendement, mais deux problèmes se posent.

Tout d’abord, comme la rapporteure du texte au Sénat l’a rappelé, cette rédaction introduirait des doublons dans la définition du champ des aggravations de peine. La circulaire du 6 novembre 2019 rappelle clairement que l’ensemble des élus locaux, ainsi que les députés, ont soit la qualité de dépositaire de l’autorité publique, soit de personne chargée d’une mission de service public. Par conséquent, les élus sont déjà couverts par les dispositions du code pénal que vous souhaitez modifier.

Votre amendement semble également poser une difficulté technique. Le II propose une modification du troisième alinéa de l’article 1er qui reviendrait à exclure les élus du champ des articles 222-3, 222-8 et 222-10 du code pénal, c’est-à-dire à faire l’inverse de ce que vous souhaitez. Je me demande si vous ne vouliez pas modifier, en réalité, l’alinéa suivant.

Pour ces deux raisons, je vous propose de retirer votre amendement.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je ne suis pas certain d’avoir compris toutes vos explications, mais je vous fais confiance. Nous nous repencherons sur la question en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement CL7 de Mme Estelle Youssouffa et sous-amendement CL100 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement vise à créer une interdiction du territoire national pour les étrangers reconnus coupables de violences à l’encontre des élus de la République, que ces violences aient entraîné ou non une incapacité de travail. Je pense notamment à l’agression subie fin décembre, à Mayotte, par le conseiller départemental Elyassir Manroufou et son frère. Les étrangers qui ont été condamnés pour cet acte n’ont subi aucune répercussion en matière de droit au séjour, et le conseiller départemental s’est plaint publiquement de devoir cohabiter avec les auteurs de l’agression, qui vivent à quelques mètres de chez lui.

Mme Sylvie Bonnet (LR). Mon sous-amendement vise à étendre l’application de la peine complémentaire d’interdiction du territoire aux étrangers coupables de violences à l’encontre d’un membre de la famille d’un élu local ou d’une personne dépositaire de l'autorité publique.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous propose de retirer l’amendement : il n’atteindrait pas le but qui lui est fixé et les cas envisagés sont déjà couverts.

L’article 1er prévoit très clairement une peine d’interdiction du territoire français en cas d’atteinte à un élu ou aux catégories particulièrement exposées à la violence dans le cadre du maintien de l’ordre qui sont énumérées à l’article 222-14-5 du code pénal. L’alinéa 3 de l’article 1er de la proposition de loi modifie, par ailleurs, les articles que vous visez pour en extraire les élus : la peine que vous proposez ne les concernerait donc pas. L’objet de proposition de loi est vraiment de mieux protéger les élus. Votre amendement correspond, en réalité, à un autre débat.

S’agissant du sous-amendement, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

En conséquence, le sous-amendement tombe.

Amendement CL68 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback et sous-amendement CL106 de Mme Edwige Diaz, amendement CL4 de M. Vincent Seitlinger et sous-amendement CL101 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). L’amendement d’appel que nous avons déposé porte sur nos collaborateurs : nous devons réfléchir à leur protection, car ils sont eux aussi de plus en plus victimes d’agressions.

Mme Edwige Diaz (RN). Mon sous-amendement vise à clarifier les personnes concernées. Il y a non seulement les collaborateurs d’élus, mais aussi ceux des groupes, au sein des conseils régionaux, départementaux, municipaux et communautaires.

M. Thibault Bazin (LR). Il est très positif de renforcer l’arsenal répressif lorsque des violences sont commises à l’encontre des élus, mais n’oublions pas ceux qui travaillent avec eux, les collaborateurs et les membres des cabinets, qui sont directement en relation avec les administrés. Ils peuvent accompagner les élus sur le terrain ou recevoir des gens et donc être, au même titre que les élus, la cible d’agressions et de menaces dans l’exercice de leurs fonctions.

Le maire de Richardménil m’a dit, récemment, que les agents d’accueil de la commune avaient été insultés, agressés verbalement, et que des agents qui s’occupaient de la voirie avaient été malmenés. On doit aussi les protéger. C’est en leur qualité de collaborateurs d’élus ou de collectivités qu’ils sont agressés. Il est important, alors que nous sommes en train de travailler sur un texte qui peut être consensuel, de n’oublier personne : à partir du moment où on est investi d’une mission de service public, il est important d’être protégé.

Mme Sylvie Bonnet (LR). Mon sous-amendement de précision permettra aux fonctionnaires qui travaillent aux côtés du maire d’être également protégés.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je comprends la philosophie qui vous anime : ceux qui entourent les élus sont parfois en contact direct avec le public et peuvent donc être la cible de menaces, d’insultes et de pressions, en particulier dans des communes de petite taille, où tout le monde se connaît.

Cependant, l’article 1er porte sur des dispositions très spécifiques, et récentes, du code pénal qui ont été adoptées pour certaines catégories de dépositaires de l’autorité publique, en particulier celles qui portent l’uniforme et sont donc identifiées comme des représentants des institutions. Au vu des violences régulièrement commises envers les élus, nous souhaitons inclure ces derniers dans la liste des professions concernées, mais l’esprit de la proposition de loi est de marquer une différence avec des collaborateurs ou des agents du service public.

Par ailleurs, la notion de collaborateur à laquelle les amendements font référence reste à définir, en fonction des types de contrat et de positionnement dans les collectivités. En revanche, les violences commises envers ces personnes peuvent être sanctionnées dans le cadre des dispositions de droit commun du code pénal – les peines prévues sont trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si les violences ont entraîné une incapacité totale de travail (ITT) pendant plus de huit jours ou, sinon, une contravention de quatrième classe.

Par conséquent, demande de retrait ou avis défavorable en ce qui concerne ces amendements et sous-amendements.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Je retravaillerai mon amendement d’ici à la séance publique afin d’apporter des précisions complémentaires.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, j’entends ce que vous avez dit, notamment le fait que certains agents, comme ceux de l’administration pénitentiaire, sont visibles parce qu’en tenue : si des violences sont commises à leur encontre, on ne peut pas dire qu’on n’avait pas identifié leur qualité. Or les agents des communes portent de plus en plus des EPI (équipements de protection individuelle) dans l’espace public ou dans les bâtiments, ce qui conduit à une identification de ces agents. Il devient de plus en plus difficile de dire qu’on ne savait pas qu’ils étaient en mission de service public. Nous pourrions donc regarder d’ici à la séance comment ces personnes, agressées en qualité d’agent du service public, pourraient aussi bénéficier d’une protection.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Ce que disent les collègues est légitime, mais hors sujet. L’idée est d’établir une protection particulière pour les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public.

Par ailleurs, le statut de la fonction publique permet déjà à l’employeur, en l’espèce au maire, d’accorder la protection fonctionnelle à ses agents et le droit du travail permet aussi à l’employeur de protéger son collaborateur s’il est mis en difficulté, bousculé dans l’exercice de ces missions.

Ces amendements me paraissent décalés par rapport au signal que nous devons envoyer au sujet des élus – ils exercent une mission particulière, au service de l’intérêt général.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le droit du travail ne permet pas seulement d’accorder une protection aux salariés : il oblige à le faire. Les députés que nous sommes sont ainsi tenus, en tant qu’employeurs, de prévenir, de réduire, voire d’éliminer, si possible, tout risque psychosocial pour nos collaborateurs, comme la violence à laquelle sont exposées en permanence les personnes qui gèrent pour nous les réseaux sociaux.

Ces amendements révèlent la gêne que suscite, chez les élus que nous sommes, l’idée de nous protéger en laissant de côté certaines personnes qui, elles, ne sont pas des élus. On voit bien la difficulté de l’exercice consistant à adopter des lois spéciales pour nous, alors que d’autres subissent le même type de conséquences, du fait de la détention d’une parcelle de pouvoir.

Nous devons tous, comme l’a dit Sébastien Rome, assumer pleinement notre responsabilité politique. Dans une démocratie, ce ne sont pas les élus qui disent aux gens quoi faire, mais les gens qui le disent aux élus. C’est le principe de la République, du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ces échanges nous font toucher du doigt le fait que nous donnons l’impression de demander une sorte de privilège refusé aux autres.

J’en profite pour remercier les collaborateurs qui travaillent avec nous et leur dire que nous avons pleinement conscience de ce à quoi ils sont exposés.

L’amendement CL68 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement CL106 tombe.

La commission rejette successivement le sous-amendement CL101 et l’amendement CL4.

Amendement CL1 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). J’ai rencontré des élus locaux qui m’ont confié leur peur que des violences se poursuivent à l’expiration de leur mandat. Pouvons-nous leur assurer une forme de protection ? C’est possible à vie – même si ce n’est pas forcément à cela que j’appelle – pour certaines professions. Il faudrait protéger les anciens titulaires d’un mandat électif public dès lors qu’ils font l’objet de menaces ou de violences du fait de leurs anciennes fonctions électives. Des élus font même l’objet de menaces pour l’avenir, lorsqu’ils ne disposeront plus de la protection qui leur est propre actuellement. On entend dire : « Quand tu ne seras plus élu, je viendrai te chercher ».

Alors que l’engagement local souffre d’une crise des vocations, il faut appréhender dans le temps la question de la protection des élus. Mon amendement tend ainsi à compléter l’article 1er en étendant l’aggravation des peines encourues aux violences envers les anciens élus locaux en cas de lien avec leurs anciennes fonctions.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Merci, monsieur Bazin, pour cet amendement, auquel je suis favorable. Comme vous l’avez clairement précisé, il s’agirait de violences à l’encontre d’un ancien élu qui seraient motivées par des décisions prises ou des faits qui se sont produits dans le cadre de son ancien mandat. Cela ne semble donc pas élargir excessivement le champ de l’article 1er.

L’arrêt de la protection des élus à la fin de leur mandat a, par ailleurs, fait l’objet d’un amendement, malheureusement jugé irrecevable au titre de l’article 40, de notre collègue Cormier-Bouligeon, qui prévoyait l’extension de la protection fonctionnelle jusqu’à six ans après la fin du mandat pour des décisions prises pendant celui-ci. Nous espérons convaincre le Gouvernement de reprendre en séance cet amendement. Dès lors qu’il y a un fait générateur situé pendant l’exercice des fonctions antérieures et lié à elles, il faut le prendre en compte après le mandat.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Oui, il faut prendre en considération le fait qu’on peut être agressé en raison de décisions prises lorsqu’on était un élu. Néanmoins, dès lors que l’aggravation des peines ne retiendra pas la main des agresseurs, nous ne sommes pas favorables à l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL18 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). C’est un amendement de repli par rapport à notre demande de suppression de l’ensemble de l’article. Les alinéas 5 à 7 sont en quelque sorte une dérive de la dérive, où l’on retrouve deux obsessions du libéralisme réactionnaire qui s’est exprimé hier, à savoir les étrangers et la liberté d’expression. Nous voulons supprimer les peines complémentaires qui seraient l’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique et, pour des étrangers, l’interdiction du territoire français – une manifestation de sans-papiers cocherait ainsi toutes les cases… Le Sénat tente d’introduire, par ces alinéas, une petite loi « immigration ». Or il faudrait arrêter de nous faire voter des dispositions qui pourraient être totalement inconstitutionnelles.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je crois que vous mélangez tout, cher collègue. On est loin d’une interdiction de manifester pour des sans-papiers ou d’une loi « immigration », et je suis, bien sûr, défavorable à cet amendement.

Il s’agit de faits extrêmement graves, que les violences concernent des élus ou des gendarmes, des policiers et des militaires dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions, et les peines complémentaires qui sont proposées me paraissent complètement justifiées. Il faut, par ailleurs, assurer la cohérence du code pénal. Il est déjà possible de prononcer une peine complémentaire d’interdiction de séjour en cas de violences en réunion, sanctionnées par l’article 222-14-2 du code pénal, ou une peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour des violences sur mineur telles que sanctionnées à l’article 222-14-1. L’échelle des peines est tout à fait cohérente, et nous ne faisons qu’ajouter une catégorie de victimes potentielles.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CL66 de M. Éric Poulliat

M. Éric Poulliat (RE). Le phénomène de la violence contre les élus touche non seulement les personnes mais aussi, de plus en plus, les biens – des domiciles sont incendiés, des permanences parlementaires saccagées, etc. Lorsque l’atteinte à un bien porte préjudice à un élu, le code pénal prévoit un alourdissement des peines encourues, que l’atteinte commise présente ou non un danger pour les personnes. Si tous les élus sont concernés pour ce qui est des atteintes non dangereuses, par la mention de « personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public », ce n’est pas le cas pour les atteintes dangereuses : dans ce cas, la circonstance aggravante ne s’applique que s’il s’agit de personnes dépositaires de l’autorité publique. Les élus locaux qui ne font pas partie d’un exécutif local et les parlementaires ne sont donc pas couverts. Le présent amendement vise à remédier à cette situation en appliquant la même circonstance aggravante pour les atteintes dangereuses aux biens commises au préjudice de tous les élus, y compris les personnes chargées d’une mission de service public. Cet amendement est issu des préconisations du rapport de la mission d’information sur l’activisme violent que j’ai menée avec notre collègue Jérémie Iordanoff.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Merci pour votre proposition qui permettra de combler un vide juridique relatif aux atteintes dangereuses aux biens concernant des personnes chargées d’une mission de service public et qui démontre bien l’utilité des rapports d’information. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 (art. 222‑33‑2‑2 du code pénal) : Création d’une peine de travail d’intérêt général en cas d’injure publique à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou de certains élus ainsi que d’une circonstance aggravante lorsque la victime de harcèlement est titulaire d’un mandat électif

Amendement CL65 de M. Thomas Rudigoz

M. Thomas Rudigoz (RE). Suivant la même logique qu’au premier alinéa du présent article, cet amendement permettra de prononcer une peine de travaux d’intérêt général (TIG) en cas d’outrage à un élu local.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Avis favorable. La proposition de loi comporte un vide : elle vise les injures, mais pas les outrages. Or en cas de diffamation ou d’insultes dans l’espace public ou privé, la qualification pénale est très importante, notamment pour les suites judiciaires qui peuvent être données par les procureurs.

M. Didier Paris (RE). Je soutiens l’amendement. Après une injure publique ou un outrage, il n’y a rien de mieux que des travaux d’intérêt général. C’est une forme de réparation extrêmement importante pour la population et pour l’élu lui-même.

Madame la rapporteure, vous avez évoqué la diffamation : son absence, s’agissant des TIG, est-elle un oubli de la part des sénateurs ? Le texte pourrait-il encore évoluer sur ce point en séance ? Le paradoxe est qu’on permettra le recours aux TIG, qui ne sont pas assez utilisés par les juridictions, pour des faits seulement punis d’amende, mais pas en cas de diffamation, qui est punie d’une peine de prison – cela correspondrait donc plus naturellement aux TIG.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Le texte issu du Sénat ne vise que les injures publiques, qui relèvent du droit de la presse. Nous ajoutons, dans le champ du code pénal, les outrages, en lien avec la fonction d’élu local, et on pourrait faire, de même, en effet, en ce qui concerne la diffamation. Il faut veiller à être très précis, je l’ai dit, dans les différents domaines du droit et pour les différentes infractions, afin que les plaintes déposées par les élus puissent être traitées et conduire à des peines d’une façon opérationnelle.

Les auditions que j’ai menées avec Sébastien Jumel ont révélé l’existence chez les élus d’une forte méconnaissance de leurs droits et de la façon dont ils doivent déposer plainte – tantôt ils écrivent au procureur, tantôt ils font une citation directe, tantôt ils s’adressent aux gendarmes, et tantôt ils ont un avocat, tantôt ils n’en ont pas. Il convient de renforcer la formation des élus en ce qui concerne l’exercice de leurs droits et les dépôts de plainte – il faut utiliser la bonne qualification pour que le meilleur traitement possible ait lieu ensuite.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le droit de la presse régule la liberté d’expression. Dans la tradition française, il est extrêmement protecteur de cette liberté. La procédure est donc compliquée quand il s’agit de limiter l’expression d’autrui, les délais de prescription sont extrêmement courts et la qualification des délits extrêmement rigoureuse. Il m’est arrivé de porter plainte contre quelqu’un qui avait injurié un parlementaire : la qualité de parlementaire n’a finalement pas été retenue, en raison du caractère général de l’insulte. La caractérisation est difficile sur le plan juridique et les tribunaux se montrent stricts.

Nous sommes d’accord pour éviter les trous dans la raquette législative en ce qui concerne la protection apportée et les limites de la liberté d’expression, notamment en matière d’injure, mais nous ne pensons pas que cela permettra, objectivement, à tout élu local de sortir du cadre général. Des gens devront tout simplement payer une amende parce qu’ils auront commis le délit de diffamation ou d’injure, publique ou non publique – je rappelle en effet que l’injure non publique, contraventionnelle et non correctionnelle, existe aussi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL19 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’ajout d’une circonstance aggravante en cas de harcèlement contre un élu. On peut déjà condamner les auteurs de harcèlement, notamment sur les réseaux sociaux. La question qui se pose est celle de la rapidité de la justice : c’est sur ce plan qu’il faut agir.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis totalement opposée à cet amendement. Réprimer le harcèlement envers les élus fait partie de mes priorités et de celles de beaucoup de collègues ici présents. Pour tout vous dire, nous souhaitons même aller plus loin en ce qui concerne le harcèlement en ligne, en prévoyant des peines complémentaires très précises – le travail que nous sommes en train de mener nous permettra peut-être d’intégrer d’autres éléments dans le texte la semaine prochaine, en lien avec le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL5 de M. Vincent Seitlinger et sous-amendement CL102 de Mme Sylvie Bonnet

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement déposé par Vincent Seitlinger vise à inclure les collaborateurs des cabinets.

Mme Sylvie Bonnet (LR). Mon sous-amendement permettra de mieux prendre en compte les usages dans les territoires ruraux et de protéger toutes les personnes qui travaillent aux côtés des élus.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous demande un retrait. À défaut, avis défavorable à l’amendement et au sous-amendement. Cette proposition de loi a pour objectif de protéger les élus locaux. Je ne nie pas, bien sûr, les difficultés, les menaces, les pressions que peuvent subir certains de nos collaborateurs et certains agents de la fonction publique, comme les personnes à l’accueil des mairies ou d’autres institutions, mais ce n’est pas l’objet du texte.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Amendement CL36 de M. Emeric Salmon

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement a pour objet d’étendre l’infraction prévue par l’article 222-33-2-2 du code pénal non seulement aux faits commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif, comme le prévoit la proposition de loi, mais aussi aux faits concernant un candidat à un mandat électif public pendant la période sensible, et même cruciale, de la campagne électorale.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Avis défavorable, pour deux raisons. Tout d’abord, la proposition de loi renforcera déjà très significativement la protection des candidats à une élection, notamment grâce à l’article 10, qui leur étendra le bénéfice de la protection fonctionnelle, ce qui permettra de répondre à de nombreuses attaques, pouvant correspondre, notamment, à du harcèlement, et de prendre en charge les frais de protection. Par ailleurs, votre amendement devrait au moins préciser le lien entre le fait que le candidat est harcelé et sa participation à une campagne électorale, afin d’éviter qu’un harcèlement antérieur ne soit plus fortement sanctionné à partir du moment où la personne concernée entre en campagne. Il faut sanctionner toutes les formes de harcèlement, comme le fait déjà le code pénal. Si nous voulons renforcer la sanction dans le cadre d’une candidature à une élection, il faut bien expliciter le fait que le harcèlement doit être motivé par la situation de candidat de la victime.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis (nouveau) (art. 65-5 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Allongement des délais de prescription des délits d’injure et de diffamation publiques commis à l’encontre des personnes mentionnées à l’article 31 et au premier alinéa de l’article 33 de la loi de 1881

Amendement CL104 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’article 2 bis répond à une véritable nécessité : les élus locaux sont encore trop souvent confrontés à l’inadaptation des délais dérogatoires résultant de la loi de 1881 sur la liberté de la presse : les possibilités d’action judiciaire contre les délits de presse sont enserrées dans des délais bien trop courts pour être tenables. Par ailleurs, les évolutions technologiques – les réseaux sociaux, internet et, demain, l’intelligence artificielle – favorisent la persistance de la diffusion des contenus injurieux et diffamatoires dans l’espace public et leur accessibilité dans le temps. Lutter contre les nouvelles formes de violences et d’injures, notamment en ligne, doit être notre priorité, et j’espère que nous pourrons traiter cette question plus en profondeur dans le cadre de la proposition de loi relative au statut de l’élu. En attendant, l’extension du délai de prescription proposée par le Sénat, dont je salue le travail, me paraît essentielle. Je rappelle à cet égard que le délai de prescription est de six ans pour le délit d’outrage.

L’article 2 bis pose néanmoins de petites difficultés d’interprétation relatives à son champ d’application. Je souhaite préciser, par mon amendement, que l’allongement du délai de prescription s’applique lorsque la victime est un élu ou un candidat à une élection au moment des faits.

M. Didier Paris (RE). Je salue les efforts de mise en cohérence de Mme la rapporteure : je comprends parfaitement son amendement. Néanmoins, l’approche suivie dans cet article me pose une difficulté. Je trouve qu’il est un peu inconséquent de dire qu’il faut absolument protéger les élus – nous sommes d’accord sur tous les bancs pour le faire – et en même temps de vouloir allonger le délai de prescription. En réalité, on devrait presque faire l’inverse : il faut que les parquets, que l’ensemble des acteurs en mesure de mettre en marche l’action publique le fassent rapidement, efficacement, vigoureusement, compte tenu des attaques dont les élus sont victimes.

Par ailleurs, il faut se livrer à une réflexion approfondie à chaque fois que l’on envisage de modifier la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui est un texte très particulier. Je ne doute pas que les sénateurs l’aient fait, mais je ne suis pas certain que, pour notre part, nous y ayons suffisamment réfléchi. Toucher au délai de prescription relatif à un élément déterminé de la loi entraînerait des difficultés au regard des autres délais de prescription qui continuent à s’appliquer en matière de presse. Je crains que l’on ne déséquilibre la loi de 1881 et que l’on n’aille à l’encontre de l’objectif politique visé. Je ne suis pas favorable à l’article 2 bis.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Sur le plan du droit, il faut bien distinguer la situation du candidat et celle de l’élu. Dans le premier cas, il s’agit non seulement de protéger le candidat mais aussi de permettre le bon déroulement de l’élection. C’est pourquoi notre droit prévoit des délais procéduraux très courts – vingt-quatre à quarante-huit heures – pour répondre à des attaques infondées en période électorale. La célérité est, en ce domaine, essentielle. L’extension de la prescription des délits d’injure publique et de diffamation à six mois lorsque la victime est un candidat pourrait être contre-productive ou, à tout le moins, vaine, car, si la justice se prononce une fois l’élection passée, le bon déroulement de la campagne et du scrutin en aura pâti.

Pour les élus, la prescription de droit commun est de trois mois. Il existe toutefois des prescriptions spéciales pour des délits tels que les injures à caractère raciste, qui mettent en cause non seulement l’honneur de la personne mais aussi la société entière.

Cet amendement ne vise pas seulement à protéger l’intérêt de l’élu mais aussi celui de la société, puisqu’il a pour objet de permettre à l’élu d’effectuer le mandat qui lui a été confié par les citoyens. Il faut toutefois avoir à l’esprit que cela risque d’entraîner des demandes d’allongement de la prescription en matière d’infractions à la liberté de la presse. Nous estimons que, dans une société libre et démocratique, la liberté d’expression doit être protégée.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’extension du délai de prescription n’a évidemment pas pour objet de ralentir le cours de la justice : nous souhaitons tous que les infractions puissent être signalées et poursuivies rapidement. Cet amendement a pour seule finalité de permettre à un élu d’agir lorsqu’il prend connaissance, à l’issue du délai de prescription – qui est actuellement de trois mois –, d’une injure ou d’une diffamation, par exemple sur un réseau social ou sur un blog. Nous souhaitons conserver la célérité de la procédure, en particulier pendant les campagnes électorales.

Je partage votre préoccupation concernant l’équilibre de la loi de 1881. Le travail qui est mené dans le cadre des états généraux de l’information sur la mutation de l’information doit nous conduire à réfléchir à la manière dont on traite la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.

M. Philippe Gosselin (LR). Il faut en effet éviter de juger les moyens d’aujourd’hui sur la base des textes d’hier. Cela étant, on ne doit toucher aux délais de prescription que d’une main tremblante. On a tendance, à l’heure actuelle, à les allonger, dans l’intérêt des victimes et des personnes mises en cause, mais, à l’exception de cas particuliers, tels que les violences intrafamiliales ou les viols, ce n’est pas toujours souhaitable. À l’origine, la prescription avait pour objet, d’une certaine façon, de protéger la société. Il faut maintenir l’équilibre – qui est complexe – entre la nécessité de défendre les victimes – ce qui me conduit à soutenir pleinement le texte – et la préservation de l’économie de la loi de 1881. Le délai de trois mois permet une réaction rapide, en particulier lors des élections. Je ne suis pas certain qu’il soit utile d’aller au-delà. Je continue à m’interroger sur cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL77 de Mme Marie Pochon

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement vise à porter à trois ans le délai de prescription des délits d’injure publique et de diffamation. Le délai de trois mois est souvent trop court pour permettre à un élu de porter plainte. Nous saluons son extension à un an. Cependant, en cas de harcèlement moral, par exemple, le délai d’un an peut paraître encore trop bref pour permettre à la victime de documenter la réitération des propos ou des comportements et de témoigner de l’évolution de sa santé mentale et physique. En portant le délai à trois ans, on desserrerait l’étau dans lequel est pris l’élu local.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Comme cela a été précédemment exposé, il nous faut trouver un équilibre en la matière. À cet égard, le délai d’un an est satisfaisant. Trois ans, c’est trop long. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 bis modifié.

Article 2 ter (nouveau) (art. 223‑1‑1 du code pénal) : Création d’une circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale d’un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale

Amendement de suppression CL20 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Cet amendement vise à supprimer l’article 2 ter. Les candidats aux élections sont certes surexposés tout au long de la campagne et peuvent subir des violences, à l’instar de leur famille. Toutefois, si les agressions physiques sont inacceptables, le code électoral prévoit une liberté d’expression renforcée dans le cadre du débat démocratique. Si la justice doit être en mesure de condamner rapidement les auteurs de certains faits, il faut éviter la surenchère proposée par le texte.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis très défavorable à cet amendement. La liberté d’expression ne saurait autoriser l’atteinte illégitime à la vie privée, y compris à celle d’un candidat. Nous souhaitons que les candidats et leur famille soient protégés. L’article 2 ter ne doit pas être considéré isolément. La proposition de loi forme un tout. L’article 10, par exemple, assure une protection très forte des candidats. Les volets préventif et répressif sont complémentaires et aussi essentiels l’un que l’autre. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je n’en doute pas, Sébastien Rome est un élu qui a les pieds sur terre et qui est bien ancrée dans son territoire. Il peut donc comprendre qu’un candidat ou un élu engage sa famille, qui doit être protégée. En effet, si nous sommes armés pour supporter les coups, même ceux en-dessous de la ceinture, qui nous sont portés, tel n’est pas le cas de nos enfants et de nos conjoints. Il me semble essentiel de protéger la vie privée si l’on veut éviter de décourager l’engagement citoyen.

Mme Edwige Diaz (RN). Je suis étonnée par cet amendement. Chacun connaît la crise des vocations en matière d’engagement citoyen. Un certain nombre de communes, on le sait, n’ont pas de candidat à la fonction de maire. Les raisons de ce phénomène tiennent, entre autres, à la crainte de s’exposer et de voir sa vie privée mise en cause. Nous considérons au RN que l’atteinte à la vie privée et familiale des candidats est inacceptable et doit être sévèrement punie. On remarque, une fois de plus, que les élus de La France insoumise-NUPES préfèrent détourner le regard. Nous serons défavorables à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL71 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Cet amendement vise à étendre le champ de la circonstance aggravante aux atteintes à la vie privée des proches des candidats et des élus. Là encore, je salue le travail du Sénat. L’article 223-1-1 du code pénal sanctionne la révélation, la diffusion ou la transmission, par quelque moyen que ce soit, d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer. Il s’agit de cibler une personne en vue de la commission de violences de nature politique. Le droit actuel sanctionne déjà plus durement ces faits lorsque la victime est un élu. L’article 2 ter étend ces sanctions aggravées aux actes commis contre un candidat. Je souhaite explicitement inscrire dans la loi que ces sanctions aggravées s’appliquent également lorsque la victime est un proche d’un candidat à une élection, qu’il s’agisse de ses enfants, de ses parents ou de son conjoint, notamment.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). L’article 2 ter, et en particulier cet amendement, sont attachés au nom de Mme Spillebout, qui a été déboutée d’une plainte qu’elle avait portée contre le magazine Médiacités. Ce dernier avait largement évoqué des faits liés à des membres de sa famille. Nous sommes des personnages publics et, à ce titre, nous savons que nous sommes exposés à ce genre de choses. Que cela vous plaise ou non, nous devons supporter le même traitement médiatique que celui dont peut faire l’objet toute personnalité publique. Je ne suis pas favorable à ce que l’on accorde un traitement de faveur aux élus, surtout pendant les périodes électorales, au cours desquelles on cherche à connaître les candidats.

M. Philippe Gosselin (LR). Il ne s’agit pas d’accorder un traitement de faveur, mais d’éviter un lynchage ! Il est facile de s’attaquer aux conjoints, à la famille, de semer le trouble. On n’a pas besoin de cela en période électorale. On ne peut pas vous laisser dire ce que vous avez dit. Je souscris totalement aux propos de Sébastien Jumel. Certes, nous avons peut-être le cuir un peu tanné. Mais pensons aux milliers de candidats, dans les communes, qui constituent le tissu de la démocratie et veillons, non à les placer au-dessus des lois mais à les protéger, eux et leur famille. Vos propos constituent une incitation à une forme de haine et de lynchage que je désapprouve totalement.

M. Thomas Rudigoz (RE). Les propos qu’a tenus M. Coulomme sont absolument aberrants et dénotent un point de vue à géométrie variable. À Lyon, une de vos collègues de la NUPES a porté plainte à la suite de la divulgation de l’adresse d’une députée et a obtenu, à juste titre, gain de cause au tribunal. Il est essentiel de protéger la vie privée et familiale de ceux qui sont engagés dans le débat démocratique.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Il faut établir une distinction très nette entre les personnes titulaires d’un pouvoir politique, qui doivent agir de manière transparente et rendre des comptes, et leur entourage, qui n’est pas soumis à ces obligations et peut faire l’objet d’une curiosité mal placée, voire d’actes de malveillance. Les proches des personnes engagées en politique doivent bénéficier d’une protection renforcée.

L’amendement fait la part des choses puisqu’il traite de la famille des candidats. Il prend en compte la nature des attaques actuelles, qui peuvent prendre la forme d’un lynchage en ligne. La question est de savoir s’il faut à chaque fois ajouter une disposition spécifique, étant rappelé que la vie privée est protégée par l’article 9 du code civil.

Par ailleurs, on peut se demander si les dispositions proposées éviteront à la victime de devoir engager plusieurs procédures – les unes au titre des infractions de presse, soumises à une prescription courte, les autres, relatives à la protection de la vie privée, auxquelles sont attachés des délais de prescription plus longs. Peut-être, ce faisant, renforceront-elles la protection des parties civiles ?

Le groupe LFI considère que les élus doivent rendre des comptes mais qu’il n’est pas acceptable que la vie privée soit attaquée.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Monsieur Coulomme, je vous remercie d’avoir posé très clairement le débat. J’ai en effet intenté un recours contre une personne malveillante. N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, j’ai fait appel : attendons la décision de la justice. De quoi parlez-vous, en réalité ? Dites-le franchement : on m’a menacée de diffuser, pendant la campagne municipale de Lille, des photos pornographiques qui, prétendument, me représentent avec diverses personnes. Ces photos n’existent pas mais cela a créé une rumeur. Or, la rumeur, vous le savez, a tué des élus. Je continuerai de me battre pour mes droits de femme et pour les droits de toutes les femmes et de tous les hommes dont la probité, la vie personnelle sont mises en cause. Je crois avoir prouvé, depuis deux ans que je suis députée, que je m’investis sur la question de la violence faite aux élus, notamment au côté de Sébastien Jumel, de manière transpartisane. Soyez assuré que mon procès sera terminé lorsque cette loi entrera en application.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL70 de Mme Violette Spillebout et sous-amendement CL103 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Cet amendement a pour objet de créer une circonstance aggravante lorsque l’atteinte à la vie privée est portée contre une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, titulaire d’un mandat électif public ou candidate à un tel mandat. Il complète l’article 2 ter dans le même esprit, concernant un autre type d’atteinte à la vie privée. Il s’agit de cas dans lesquels il est volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, soit en captant, enregistrant ou transmettant, sans consentement, des images – vidéos ou photos – ou des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit en captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans le consentement de celle-ci. Ces faits sont déjà punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Je souhaite que le juge puisse prononcer des peines aggravées.

Mme Sylvie Bonnet (LR). Le sous-amendement vise à protéger les familles des élus et des candidats en créant une circonstance aggravante lorsqu’elles sont victimes d’une atteinte à la vie privée.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Favorable. Je vous remercie pour cette précision.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Hier, la ministre de l’éducation nationale, aujourd’hui, la rapporteure : il faut conseiller à La France insoumise d’arrêter de s’ériger en tribunal et de cesser de traîner des ministres et des députés dans la boue au moyen d’attaques ad hominem. La priorité est de ne pas alimenter, contrairement à ce que vous faites, la machine à insulter et diffamer les élus.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Je ne crois pas que ce soit La France insoumise qui ait créé les circonstances dans lesquelles votre ministre de l’éducation s’est complètement disqualifiée. Ses propos, qui expriment clairement son mépris pour l’éducation publique, permettent à la France entière de constater l’inadéquation de cette personne à la fonction. Notre groupe n’est nullement responsable de la dégradation de l’image de votre ministre auprès des Français et des professionnels de l’éducation.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’article 2 ter modifié.

Après l’article 2 ter

Amendement CL43 de Mme Mélanie Thomin

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous avons adopté de nombreux textes sur le statut de l’élu au cours des dernières années, mais ils sont tellement éparpillés qu’on ne sait plus exactement ce que recouvre ce statut. La priorité doit être d’insérer un corpus législatif, comportant un titre particulier, au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT). L’amendement vise à ajouter une circonstance aggravante lorsque l’élu est menacé pour faire barrage à un projet d’intérêt public.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement car il me paraît satisfait par l’article 433-3 du code pénal, qui réprime le fait d’user de menaces ou de pressions pour faire renoncer à un projet politique.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je retire l’amendement, mais je rappelle que les maires de Callac, Saint-Brévin-les-Pins, Beyssenac et Bélâbre ont démissionné à la suite des menaces dont ils ont fait l’objet.

L’amendement est retiré.

Titre II : AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES ÉLUS VICTIMES DE VIOLENCES, AGRESSIONS OU INJURES DANS LE CADRE DE LEUR MANDAT OU D’UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Article 3 (art. L. 2123-35, L. 2573-10, L. 3123-29 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales) : Octroi automatique de la protection fonctionnelle aux maires, aux élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages

Amendements CL3 et CL6 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CL3 vise à imposer à tout établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’accorder une protection fonctionnelle à son président et à ceux de ses vice-présidents ayant reçu délégation, lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. En effet, un nombre croissant de présidents ou de vice-présidents d’EPCI n’exercent aucune fonction exécutive au sein d’une commune. L’amendement CL6 inclut les élus des EPCI ayant reçu une délégation.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous propose de retirer vos amendements. En effet, ils sont satisfaits par plusieurs articles du CGCT, qui prévoient que les dispositions relatives à la protection fonctionnelle applicables aux élus municipaux s’appliquent aussi aux élus municipaux membres des EPCI. En outre, l’article 6 de la proposition de loi contient des dispositions qui visent à combler le vide juridique concernant les membres des communautés de communes. Si une lacune demeurait, nous serions prêts à étudier la question en vue de la séance.

M. Thibault Bazin (LR). Je retire les amendements. Je précise que j’avais déposé des amendements de même nature, qui ont été jugés irrecevables, concernant les membres du conseil départemental. Pourrait-on vérifier qu’il n’y a pas de lacune juridique les concernant ?

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous allons y veiller : c’est notre objectif commun. N’hésitez pas à retransmettre vos propositions d’amendements afin que nous puissions en discuter avec le Gouvernement avant le passage en séance, les 6 et 7 février.

Les amendements sont retirés.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL34 de Mme Edwige Diaz.

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Après l’article 3

Amendements CL52 de M. Paul Molac et CL38 de M. Éric Pauget (discussion commune)

M. Paul Molac (LIOT). L’amendement CL52 vise à inscrire les sommes nécessaires à la protection fonctionnelle des élus dans la liste des dépenses obligatoires de la commune. Cela rendrait ce droit plus effectif, tant pour les élus que pour les agents. Cet amendement est issu d’une proposition de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

M. Éric Pauget (LR). L’amendement CL38, issu d’une proposition de l’AMF, vise à s’assurer de l’effectivité de la protection fonctionnelle en rendant cette dépense obligatoire et en garantissant les crédits afférents.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Demande de retrait. En effet, la commune a l’obligation d’assurer les dépenses de protection fonctionnelle des élus exerçant des fonctions exécutives. Vos amendements sont donc satisfaits, et les associations d’élus peuvent être rassurées. Nous verrons si nous réussissons à étendre la liste des bénéficiaires de la protection la semaine prochaine.

M. Éric Pauget (LR). Je retire mon amendement, mais sachez que l’AMF nous demande expressément d’inscrire cette disposition. Cela mérite d’être retravaillé en vue de la séance.

M. Paul Molac (LIOT). Je retire également mon amendement. Cela étant, si l’AMF nous l’a demandé, c’est qu’il y a une difficulté.

Les amendements sont retirés.

Article 4 (art. L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement du dispositif de compensation par l’État des coûts liés à l’obligation de contracter une assurance pour la protection des élus municipaux

Amendements de suppression CL89 de Mme Violette Spillebout, CL22 de M. Sébastien Rome, CL32 de Mme Edwige Diaz et CL83 de M. Jean-Claude Raux

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il faut éviter les lois inutilement bavardes. L’article 4 étend aux communes de moins de 10 000 habitants la compensation par l’État des coûts liés à l’obligation de contracter une assurance pour couvrir le risque associé à la protection fonctionnelle des élus. Or, cette disposition, qui est de nature à sécuriser les finances des collectivités territoriales, est contenue à l’article 247 de la loi de finances pour 2024, qui est entré en vigueur au 1er janvier. D’après la direction générale des collectivités locales (DGCL), 2 216 communes supplémentaires peuvent désormais bénéficier de cette compensation, ce qui représente un coût annuel supplémentaire pour l’État d’environ 300 millions. Je vous propose donc de supprimer l’article 4.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous avions relevé que cette disposition était satisfaite. Cela étant, nous sommes favorables à un certain nombre d’articles, au sein du titre II, qui visent à accompagner les élus et non à aggraver les peines.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 5 (art. L. 2 123-35 du code général des collectivités territoriales) : Compétence de l’État dans l’octroi de la protection fonctionnelle aux élus agissant en qualité d’agent de l’État

Amendement CL51 de M. Paul Molac

M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à préciser que, lorsqu’il souhaite bénéficier de la protection fonctionnelle, l’élu municipal agissant en qualité d’agent de l’État doit adresser sa demande au préfet.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement. L’article 5 clarifie le droit en précisant que l’État accorde aussi sa protection aux élus qui sont victimes de violences lorsqu’ils agissent en qualité d’agent de l’État. Dans les faits, c’était déjà le cas, mais cela constitue une clarification utile. Vous souhaitez ajouter que, dans ce cas de figure, l’élu municipal adresse sa demande au préfet. Cette précision renforcera la rapidité et l’efficacité de la procédure.

M. Philippe Gosselin (LR). Cela n’apporte pas seulement un surcroît d’efficacité mais marque aussi la prise en compte du dédoublement fonctionnel. Le maire est en effet à la fois agent de l’État dans la commune et président de l’exécutif. Je suis tout à fait favorable à cette précision.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (art. L. 5214-8 et L. 5842-21 du code général des collectivités territoriales) : Application des dispositions relatives à la protection fonctionnelle et à l’amoindrissement de la responsabilité des élus locaux aux élus des communautés de communes

La commission adopte l’article 6 non modifié.

Après l’article 6

Amendement CL45 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à limiter l’engagement de la responsabilité pénale personnelle des élus pour homicide ou blessure involontaire aux cas de manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Si les élus locaux doivent évidemment assumer une responsabilité personnelle en cas de dommage lié à un manquement de leur part, ils ne sauraient être tenus responsables pénalement de manquements à des obligations de prudence ou de sécurité qui ne seraient pas manifestement délibérés. Nous proposons également de permettre la recherche de la responsabilité pénale d’une collectivité locale en tant que personne morale dans tous les cas et non plus seulement pour les faits commis dans le cadre d’activités susceptibles de délégations de service public.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. La question de la responsabilité pénale des élus est un sujet très important, notamment lorsqu'ils sont les auteurs indirects du délit. Nous pensons typiquement à l'histoire du maire dont la responsabilité pénale serait engagée automatiquement par la chute d'un panneau de basket consécutive à un défaut d’entretien et qui blesserait quelqu’un.

La loi Fauchon du 10 juillet 2000 a institué un régime de responsabilité pénale spécifique pour les auteurs indirects de délits, qu’ils soient ou non élus. Ainsi, depuis 2000, lorsqu’ont lieu des délits non intentionnels, la responsabilité pénale n'est applicable que dans deux cas de figure : soit l’auteur a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; soit trois éléments sont réunis : l’existence d’une « faute caractérisée », l’exposition d’autrui à un risque que l’auteur ne pouvait ignorer du fait de cette faute, la gravité particulière de ce risque. Je tiens à vous rassurer. D'abord ce régime de responsabilité pénale fait l'objet d'un large consensus dans son application et semble bien accepté par tous. Selon le rapport 2022 de l’observatoire de la SMACL (la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales) des risques de la vie territoriale, les infractions non intentionnelles faisant l’objet de poursuites sont marginales : nous n’en comptons que cinquante-six pendant la période 2014-2020, soit 3 % des poursuites pénales contre les élus. Cela montre que l’objectif d’allégement de la responsabilité des décideurs publics locaux que poursuivait la loi Fauchon a été atteint.

En outre, la jurisprudence fait apparaître que le juge apprécie avec justesse l'application de ces dispositions légales. Pour déterminer l'existence d'une faute caractérisée, il examine le degré de connaissance du risque par l'élu. Il apprécie aussi in concreto si ce dernier a accompli les diligences normales, le degré de gravité de la faute et son lien avec le dommage.

Enfin, si cette loi a été conçue pour les élus locaux, sa portée est générale : elle concerne toutes les personnes physiques qui commettent un délit non intentionnel. Il semblerait donc disproportionné de modifier l'ensemble du régime de responsabilité pénale en cas de faute indirecte.

Je demande le retrait de cet amendement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je souscris pour ma part à l’esprit et à la lettre de l’amendement. J’ai en tête quelques cas d’élus auxquels on a cherché querelle alors qu’ils n’avaient commis aucune faute.

Je vous soumets un exemple : dans une rue piétonne, le conducteur d’un camion de ramassage des poubelles roule en marche arrière. Une personne fragile, saoule, se jette alors sous ce camion et meurt écrasée. Le maire a été mis en examen et a dû faire la démonstration que, à chaque fois qu’un conducteur de camion benne avait pris son poste, il s’était assuré que les dispositions du code de la route lui avaient été rappelées.

Certes, on peut considérer que le juge, faisant usage de sa liberté d’appréciation, considérera in fine qu’aucune faute n’a été commise. Il n’en demeure pas moins que la mise en examen d’un élu sur un tel fondement peut le déstabiliser lorsqu’il doit engager sa responsabilité.

M. Philippe Gosselin (LR). La loi Fauchon est intervenue après la mise en cause de plusieurs maires s’agissant de différents équipements collectifs. Elle répondait à un vrai besoin. Vous avez raison, madame la rapporteure, de souligner que, aujourd'hui, après une période de flottement la jurisprudence est plutôt favorable et honnêtement entendue.

Quelques cas problématiques demeurent néanmoins. L’amendement permettrait d’écarter toute difficulté. Je le soutiens donc.

M. Stéphane Delautrette (SOC). La rédaction proposée ne sort pas de notre chapeau : elle a fait l’objet d’un travail avec l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des petites villes de France (APVF). Je l’avais d’ailleurs reprise dans la proposition de loi visant à améliorer l’attractivité des mandats locaux que nous avons déposée en novembre.

Il existe encore des situations problématiques que l’adoption de cet amendement permettrait d’éviter. Je ne le retirerai donc pas.

La commission rejette l’amendement.

Article 7 (art. L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales) : Mesure de coordination

Amendement CL98 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L'article L. 127-1 du code des communes de la Nouvelle Calédonie renvoie, comme l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, abrogé par ordonnance le 1er mars 2022, pour les modalités d'application de la protection fonctionnelle prise en charge par l'État, quand l'élu agit en qualité d'agent de l'État.

L'amendement propose donc d'effectuer la coordination prévue par l'article 7, c'est-à-dire de renvoyer aux nouveaux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique qui traitent de la protection fonctionnelle des agents publics, afin que cette dernière soit complète et pertinente.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL90 de Mme Violette Spillebout.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (art. L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales): Prise en charge des restes à charge ou des dépassements d’honoraires au titre de la protection fonctionnelle

La commission adopte l’article 8 non modifié.

Article 9 (art. L. 252-3 [nouveau] du code des assurances) : Faculté de saisine du bureau central de tarification par les élus pour l’assurance des permanences électorales et des lieux accueillant des réunions électorales

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL93 de Mme Violette Spillebout.

Amendement CL39 de Mme Élodie Jacquier-Laforge

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Cet amendement vise à couvrir un cas de figure qui ne l’est pas encore : celui d’un élu dont le contrat d’assurance de la permanence aurait été résilié à l’initiative de la compagnie d’assurance concernée sans raison valable, et qui aurait des difficultés à en souscrire un nouveau auprès d’une autre compagnie d’assurance du fait de sa radiation. L’amendement permettra à un élu rencontrant ce problème de saisir le Bureau central de tarification (BCT) afin de continuer d’être assuré. Il comble ainsi un vide juridique.

Même si ce n’est pas le sujet du jour, je rappelle que certaines collectivités ne sont actuellement pas assurées puisque leurs contrats ont été résiliés et qu’elles doivent s’assurer elles-mêmes. Nous devons nous mobiliser pour mettre fin à de telles situations.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je propose le retrait de cet amendement, qui est d’ores et déjà satisfait, si vous faites bien référence à l'assurance de la permanence ou du local accueillant des réunions électorales. En effet, l'article 9 permet à tout élu ou candidat, après le refus d'au moins deux compagnies d’assurance, de saisir le BCT pour qu'il fixe le tarif auquel une entreprise d'assurance est tenue de garantir le risque à couvrir.

Si toutefois vous faites référence à d’autres types d’assurances, alors votre amendement n’est pas assez précis pour que je sois favorable à son adoption.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL94, CL91 et CL92 de Mme Violette Spillebout.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Article 10 (art. L. 52‑18‑1, L. 52-18-2 et L. 52-18-3 du code électoral) : Élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats aux élections et remboursement des frais de sécurisation engagés par les candidats

Amendement CL95 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il s’agit par cet amendement d’inscrire les dispositions du présent article dans le chapitre du code électoral consacré aux dépenses électorales. Il est issu des recommandations du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur le statut de l’élu local de M. Jumel et de Mme Spillebout.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’argument est bon mais je suis défavorable à l’amendement. En effet, la création d'un chapitre V ter nous a été recommandée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) elle-même. Les articles que nous créons concernent tous les candidats alors que les dispositions du chapitre V bis ne s'adressent qu'à certains d'entre eux – ceux qui sont soumis à une obligation de dépôt de compte de campagne, c'est-à-dire qui se présentent dans des communes de plus de 9 000 habitants.

J'ajoute que je proposerai en séance un amendement technique précisant quelles dispositions du chapitre V bis ont vocation à s'appliquer dans le cadre du chapitre V ter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL72 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il importe de préciser la notion de candidat à une élection. Cet amendement propose de la définir, au sens du chapitre V ter que nous créons.

Plusieurs éléments de définition, élaborés avec la CNCCFP, me paraissent devoir être retenus pour justifier d’une protection fonctionnelle ou du remboursement de dépenses de sécurité : une durée maximale de six mois jusqu’à l'élection, de sorte qu’il soit impossible de déclarer des dépenses antérieures au début de cette période ; un signe officiel de candidature pendant cette période de six mois – soit une déclaration publique du candidat, soit la déclaration d'un mandataire financier ; l’enregistrement auprès de la préfecture de la candidature ; et, enfin, la participation effective du candidat à l'élection.

Je suis tout à fait ouverte à des améliorations de cette définition en séance publique afin de la rendre encore plus opérante, mais il me paraît important que nous posions ces premiers jalons dès à présent.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL73 de Mme Violette Spillebout et CL96 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’amendement CL73, également élaboré avec la CNCCFP, précise la date à laquelle s'achève la période pendant laquelle le candidat peut bénéficier de la protection fonctionnelle et du remboursement de ses dépenses de sécurité. Cette période doit s'achever à la date de la tenue du tour des élections auquel il prend part et non à la date de dépôt, plus tardive, de son compte de campagne.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Je retire l’amendement CL96 au profit de l’amendement CL73 de Mme la rapporteure.

L’amendement CL96 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL73.

En conséquence, les amendements identiques CL24 de M. Sébastien Rome et CL47 de M. Stéphane Delautrette tombent.

Amendement CL25 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES).  L’amendement CL24 tendait à supprimer la prise en charge des dépenses de sécurité personnelles et privées des candidats au titre des frais de campagne. L’amendement CL25 prévoit qu’un candidat inquiété dans le cadre de sa campagne électorale sera protégé par des fonctionnaires de police ou de gendarmerie. La protection par des services de sécurité privés concernera davantage les élus des grandes villes.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis défavorable à votre amendement, bien que vous fassiez plusieurs constats pertinents. La nécessité de protéger un candidat ou un élu n’a rien à voir avec la taille de la ville dans laquelle il officie mais tout avec l’intensité de la menace qui pèse sur lui ou sur sa famille. Certes, on peut imaginer qu’une telle menace soit plus forte dans une grande ville, mais elle peut tout à fait exister ailleurs. J’en veux pour preuve ce qui est arrivé à la maire de Plougrescant, une commune de 1 200 habitants, qui a fait l’objet une tentative d’homicide – les freins de sa voiture ont été sectionnés – devant son domicile, en raison d’un projet municipal. La violence est en mutation et notre proposition de loi tend à le prendre en compte.

Notez qu’il est déjà possible, dans les cas de menace les plus graves, et notamment pour les élections présidentielles, par exemple, que la sécurité des candidats soit prise en charge par les services de l’État directement. Cela passe par une évaluation de la situation par la préfecture et par une saisine de l'UCLAT (unité de coordination de la lutte anti-terroriste). Un officier de protection peut être mis à la disposition de l'élu dans les cas les plus graves.

Notre proposition de loi prévoit des dispositions répondant à des menaces de moindre intensité mais nécessitant tout de même de prendre des mesures – poster un gardien devant un local de campagne régulièrement dégradé ou installer un dispositif de vidéoprotection au domicile du candidat dont la famille est visée, par exemple.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). L’élu bien ancré dans son territoire pense que votre proposition suscitera parmi les élus le sentiment, déjà bien connu, d’être abandonnés par l’État. Aucun maire, aucun candidat de petite commune ne songera à recourir à des services privés de protection plutôt que de s’adresser à la gendarmerie locale. C’est l’État qui doit intervenir.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Dans les petites communes, l’obligation de déposer un compte de campagne n’existe pas. Il est donc évident qu’un candidat ou un élu menacé dans le cadre de sa campagne, dans une telle commune, saisira le procureur de la République ou le sous-préfet et devra faire l’objet d’une protection assurée par la police ou la gendarmerie.

Avec l’amendement CL74, il sera possible, par exemple, d’assurer la sécurité d’un meeting qui est organisé dans un contexte difficile. En période électorale, la force publique n’est pas en mesure d’assurer la sécurité de tous les événements de la campagne. Il est donc nécessaire d’ouvrir la possibilité de prendre en charge, au titre des frais de campagne, les dépenses de sécurité inhérentes à l’exercice d’une démocratie apaisée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL74 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Là encore, cet amendement procède d’un travail de fond effectué avec la CNCCFP pour rendre encore plus précise la proposition de loi du Sénat.

Certaines dépenses de sécurité sont déjà prises en charge par le biais des remboursements effectués au titre des comptes de campagne. Il s'agit notamment des dépenses ayant trait à la sécurité des réunions électorales ; à la sécurité lors des déplacements et déambulations électoraux du candidat ; aux déplacement des agents de sécurité ; concernant les permanences électorales, aux caméras de surveillance et aux prestations de contre-mesure ; enfin aux prestations de sécurité informatique.

Mon amendement vise à sécuriser juridiquement la doctrine de la CNCCFP. Nous créons des droits supplémentaires – en particulier au profit des élus n’ayant pas l’obligation de déposer de compte de campagne – mais ces droits supplémentaires ne doivent fragiliser ni le droit et la jurisprudence existants, ni les pratiques de la CNCCFP.

Je profite de cet amendement pour préciser que je souhaite élargir le champ des dépenses prises en charge, notamment pour que la protection du domicile personnel et des proches puisse être remboursée. L'article 40 m'empêche de déposer de tels amendements mais j'ai demandé au Gouvernement de le faire en séance. Je profite de cette réunion pour le réaffirmer solennellement.

M. Stéphane Delautrette (SOC). La raison pour laquelle nous proposions, par l’amendement CL47, de supprimer la prise en charge par l’État des frais engagés par les candidats pour leur sécurité personnelle à l’occasion de leur campagne était précisément que cette prise en charge était impossible pour les élus en exercice. Je suis donc satisfait d’entendre les propos de Mme la rapporteure. Nous devrons l’accompagner dans sa tentative de convaincre le Gouvernement d’agir sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL105 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Cet amendement précise le mécanisme de mise en œuvre du remboursement des dépenses de sécurité des candidats menacés. Il prévoit la mise en place d'un référentiel national et une évaluation de l'intensité de la menace par le préfet. Cela me paraît, ainsi qu’à la CNCCFP et aux préfets que nous avons auditionnés, la méthode la plus pertinente puisqu'elle permet de répondre au plus près, de manière pragmatique, aux besoins du candidat, par des évaluations équitables et transparentes répondant à un niveau de menace inférieur à ceux qui requerraient l’intervention de l’UCLAT.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement CL84 de M. Jean-Claude Raux est retiré.

Amendement CL37 de Mme Edwige Diaz

Mme Edwige Diaz (RN). Alors que nous nous accordons tous sur l’importance des dispositions proposées, l’article 10 n’entrerait en vigueur qu’un an après la promulgation du texte. C’est beaucoup trop tard. Les élections municipales approchent et nous avons déployé des dispositifs visant à assurer la sécurité des candidats. Plus tôt la loi s’appliquera, mieux ce sera.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement. Le délai d'entrée en vigueur voté par nos collègues sénateurs me paraît de bon sens pour permettre la mise en œuvre de ces mesures et notamment la prise des textes réglementaires.

Appliquer ce dispositif immédiatement aux élections européennes ne nous semble pas envisageable. En revanche, le texte a bien pour objectif la protection de l’engagement des élus et un choc d’attractivité qui permettra aux candidats d’être rassurés et nombreux dans toutes nos communes, pour les prochaines élections municipales. Ces dispositions contribueront donc à la protection du débat démocratique en 2026.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Titre III : RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES

Article 11 (art. 43 du code de procédure pénale) : Dépaysement des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire dans l'exercice de leur mandat

Amendement CL48 de M. Stéphane Delautrette

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement appelle plutôt un débat qu’une décision. Il a pour objet de renforcer l’information des élus en imposant au procureur de la République territorialement compétent d’agir dans un délai permettant à l’élu de vivre plus facilement dans son territoire. L’élu ayant déposé une plainte du fait de dommages subis dans le cadre de ses fonctions devra être informé des suites données à cette plainte dans un délai de trois mois.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à votre amendement sur le fond, mais sa rédaction me paraît poser des difficultés techniques dans le détail desquelles je ne rentrerai pas. Je vous propose donc de le retirer et de le retravailler pour la séance. En tout état de cause, l’information des maires sur le bilan du traitement de la répression des atteintes aux élus est primordiale au regard de notre objectif.

Mme Cécile Untermaier (SOC). La Chancellerie a publié une circulaire demandant aux procureurs d’agir rapidement. Cette circulaire a eu des effets concrets dans les territoires, que j’ai pu observer par moi-même.

Nous devons pouvoir agir sans considérer qu’un dispositif législatif distinguant le traitement par la justice de la plainte d’un élu de celui qu’elle ferait de la plainte de quelqu’un qui ne le serait pas pose un problème constitutionnel. Nous devons examiner ce point avec le concours de la Chancellerie, qui émet quelques réserves à cet égard, mais qui a la volonté de garantir le soutien apporté aux élus.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 11 non modifié.

Article 12 (L. 132‑3 du code de la sécurité intérieure) : Renforcement de l’information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur son territoire

Amendements identiques CL54 de M. Sébastien Jumel et CL75 de Mme Violette Spillebout

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Lors des auditions que nous avons organisées, force est de constater que la fluidité de l’information ayant trait au suivi des plaintes déposées par les élus est un sujet de préoccupation. Des départements ou des parquets ont mis en place des conventions tripartites améliorant cette fluidité. L’amendement tend à généraliser ce dispositif vertueux.

Mme Violette Spillebout (RE). Mon avis est favorable. Je me suis d’ailleurs permis de déposer un amendement identique.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

Amendement CL80 de Mme Marie Pochon

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Dans le souci de renforcer les relations entre les maires et le parquet, cet amendement tend à établir la possibilité d’associer le procureur de la République territorialement compétent à l’écriture des conventions passées entre les maires et l’État relatives aux actions et informations ayant trait à l’insécurité.

Il s’agit tout simplement d’inviter le parquet à la table de discussion, ce qui pourra mener, selon les besoins des communes, à des pratiques nouvelles, telles qu’en cite la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) dans le rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur le statut de l’élu local. Elle cite par exemple l’organisation de réunions d’information annuelles à destination des maires par le parquet de Valenciennes ou encore l’établissement par le parquet d’Amiens d’un protocole facilitant les contacts.

A minima, cette mesure permettra aux maires de prendre connaissance du référent élus au sein du parquet, ce qui contribuera à renforcer la compréhension et la prévention des situations d’insécurité.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis très favorable à l’ensemble de votre démonstration sur la nécessité d’établir un lien plus fort entre élus locaux et procureur. Je vous propose néanmoins de retirer cet amendement au profit des amendements identiques CL54 et CL75 qui poursuivent le même objectif.

L’amendement est retiré.

Article 13 (supprimé) (L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales) : Espace de communication réservé au procureur de la République dans les bulletins municipaux

Amendement CL76 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. J'ai souhaité déposer cet amendement de rétablissement de l'article 13 qui avait été supprimé au Sénat contre l'avis de la rapporteure. Il me semble en effet que tout ce qui peut favoriser une meilleure information des maires et de nos concitoyens quant aux suites judiciaires données aux affaires de la commune est de nature à accroître la confiance dans la justice. L'article 13 va précisément dans ce sens. Nous l'amenderons peut-être en séance publique, mais la démarche semble avoir toute sa place dans cette proposition de loi.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet amendement pose une question de fond : que sont les affaires de la commune ? S’agit-il des affaires dans lesquelles la commune s’est elle-même portée partie civile parce qu’elle est touchée par des dégradations ou que ses élus sont concernés ? Ou s’agit-il de n’importe quelle affaire pénale concernant un des administrés de la commune ? Ce n’est pas la même chose ! Je ne suis pas favorable à ce que les maires aient connaissance de toutes les procédures judiciaires qui se déroulent dans leurs communes.

Dans le moment politique que nous vivons, sous couvert de bons sentiments, les maires deviennent les réceptacles de toutes sortes d’informations, fournies notamment par des services de renseignement. Il en a été ainsi de l’identité de personnes fichées dans le FSPRT (Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). On prévoit à présent que les maires puissent exclure les enfants harceleurs de leurs communes.

Je pense pour ma part que le maire ne doit pas tout et ne peut pas tout. Chacun doit rester dans son rôle.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il y a erreur sur la cible, qui n’est autre que les habitants des communes. Publier une information dans le bulletin d’une commune, c’est s’assurer que l’ensemble des habitants y ait accès. Lorsque le procureur de la République fait une conférence de presse et rend publiques des informations, il est contraint par le code de procédure pénale qui ne l’autorise à divulguer que certains types d’informations et l’oblige à en garder d’autres secrètes. Les obligations légales et déontologiques qui s’appliquent à lui en vue d’une publication dans le bulletin d’une commune sont identiques.

Il est seulement question de rendre plus accessible le suivi des plaintes judiciaires relatives à la vie de la commune. Au regard des nombreuses expressions que nous avons pu entendre aujourd'hui et qui se sont accordées sur la nécessité d’un rapprochement entre élus, citoyens et justice, de procédures judiciaires plus rapides et d’une meilleure connaissance des suites données aux plaintes, je crois que cet amendement promeut une juste transparence.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 13 est ainsi rétabli.

Article 14 (L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales) : Composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et obligation annuelle de présence de certains membres

Amendement CL57 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Cet amendement est le premier d’une série d’amendements issus du travail que j’ai mené avec Mme la rapporteure sur la nécessaire densification du rôle du maire dans l’animation des contrats locaux de prévention de la délinquance ou des contrats locaux de sécurité, afin de donner de la substance au binôme préfet-maire dans la gestion des problématiques afférentes.

L’amendement CL57 vise à assortir la création d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) de la désignation d’un agent coordinateur auprès du maire pour faciliter l’exercice de cette mission d’animation.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à votre amendement, qui va dans le sens des préconisations de Stéphane Peu et Rémy Rebeyrotte, formulées dans le cadre de leur mission flash de 2020 sur l’évolution et l’amélioration des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance (CSPD). Leur rapport soulignait, en effet, « le rôle central joué par les coordonnateurs dans le succès de ces CSPD ».

J'émets néanmoins une petite réserve dans la mesure où il me semble, en examinant le rapport de nos collègues, que la difficulté constatée tient à des problèmes de recrutement et, en particulier, de statut, de formation et d’attractivité de ces postes, que l'obligation de désigner un agent ne suffira pas à résoudre.

Avis néanmoins favorable, votre amendement allant, comme je le disais, dans le bon sens.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je suis également favorable à cet amendement, car même certaines petites intercommunalités n’ont pas les moyens financiers de se doter d’un tel coordinateur à temps plein ou à temps partiel. Pourtant, il est nécessaire de mettre en place un suivi pour que les CLSPD ne soient pas seulement des coquilles vides, comme c’est le cas dans de nombreux endroits.

Cela étant, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat sur la nécessaire clarification des rôles des différents acteurs. Dans les CLSPD siègent le représentant de la collectivité concernée, commune ou intercommunalité, divers acteurs locaux, des policiers et des gendarmes et, du moins sur le papier, le parquet. Mais ce dernier n’est pas souvent représenté dans les CSPD en raison de la faiblesse de ses moyens. Or c’est le garde des sceaux, et donc les procureurs de la République, qui conduisent la politique pénale, selon notre Constitution. Je ne voudrais pas que le ministère de l’intérieur, les policiers et les gendarmes, soient finalement amenés à conduire la politique pénale, ce qui serait un non-sens constitutionnel.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL26 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Les CLSPD ont pour principe d’agir en faveur non seulement de la répression mais aussi de la prévention. A ce titre, cet amendement tend à faire des représentants d’associations, travaillant dans les domaines de la prévention, de l’aide aux victimes ou encore de l’action sociale, des membres de droit des CISPD (conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance) et des CLSPD.

Mme Violette Spillebout (RE). Mon avis est défavorable. Il est néanmoins intéressant de se poser la question du fonctionnement des CLSPD. Vous faites bien de rappeler le rôle des associations et des établissements, qui doivent être intégrés par les maires et les procureurs au fonctionnement des CLSPD.

Toutefois, faire de certains de leurs membres, dont la liste ne peut être précisément établie en fonction des situations locales, des membres de droit des CLSPD risque de rigidifier leur fonctionnement, qui doit demeurer à l’échelon local et préserver ses capacités d’adaptation.

Je tiens à souligner que notre responsabilité collective est certes de légiférer pour garantit la présence du parquet, des élus locaux et des associations dans les CLSPD, mais aussi de permettre que soient bel et bien organisées des réunions, qui fassent l’objet de comptes rendus et permettent l’établissement de plans d’action. À Lille, le CLSPD ne s’est pas réuni depuis deux ans.

Avis défavorable, donc.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). L’amendement fait des représentants d’association des membres de droit des CLSPD en laissant une grande latitude dans leur désignation. Ces conseils ne doivent pas se résumer à un dialogue entre la préfecture et le maire – un trilogue quand le parquet est représenté. La société civile y a toute sa place, c’est l’essence même des CLSPD.

Alors que nous assistons à une explosion des groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD), qui sont à la main du parquet, nous devons nous assurer que chacun reste dans son rôle pour ne pas entretenir la concurrence entre les dispositifs,

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL27 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Pour rapprocher les citoyens des décisions publiques et des élus, il est proposé de désigner des citoyens tirés au sort comme membres de droit des CLSPD. J’en ai fait l’expérience concluante dans ma commune.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Avis favorable. Il est essentiel de mettre l’usager au cœur des politiques publiques. Nous ne le faisons pas suffisamment au niveau local. L’usager doit être associé dès la conception et pas seulement dans les derniers mois, lorsque le projet est soumis à la concertation.

La sécurité est une préoccupation quotidienne des habitants. Dans ma ville, j’avais souhaité que les conseillers de quartier prennent part aux réunions du CLSPD et cela m’a été refusé. L’évolution de la gouvernance est donc bienvenue. Il faudra certainement préciser par décret les modalités de la participation des citoyens.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL55 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’amendement a pour objet d’autoriser la présence de droit d'un représentant des groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) au sein des CLSPD pour garantir la fluidité de l’information.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement comme à toutes les propositions de M. Jumel. Il y est écrit « le cas échéant », mais il conviendra sans doute de préciser, en vue de la séance, les cas dans lesquels la présence d’un représentant du GLTD est admise.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL58 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Afin de combler une lacune juridique, l’amendement vise à associer au conseil les maires des communes de moins de 5 000 habitants limitrophes de la commune dotée d’un CLSPD. En effet, cela se pratique déjà, notamment à Dieppe.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement, d'autant plus que l’association des maires de communes de moins de 5 000 habitants est présentée comme une possibilité, en tant que de besoin et selon les particularités locales.

La sécurité n’a pas de frontière. Pourtant nous connaissons les difficultés que posent parfois les frontières municipales à la police lancée à la poursuite d’un délinquant à travers une agglomération. Des conventions doivent être signées pour y remédier.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je suis dubitatif. Soit il faut créer un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) dont le territoire coïncide avec le périmètre d’intervention de la police ; soit il faut revoir l’organisation de proximité de la police nationale pour l’adapter à la géographie communale.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL29 et CL28 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). L’amendement CL29 a pour but de rendre publics les comptes rendus des réunions des CLSPD tandis que le CL28 vise à ouvrir au public lesdites réunions. Ce sont deux bonnes manières de raffermir le lien entre la République et les citoyens.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis défavorable aux deux amendements. Vous connaissez mon attachement à la transparence des débats, mais les échanges au sein des CLSPD portent souvent sur des informations de sécurité confidentielles. Il me semble donc dangereux de rendre public le contenu des discussions. Il faut laisser au maire le soin d’informer la population sur les sujets traités par le CLSPD.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous ne connaissons sans doute pas les mêmes CLSPD. Celui que j’ai présidé s’intéressait à la politique générale de sécurité et de prévention, pas à des cas particuliers. Lorsqu’une vingtaine de représentants sont autour de la table, il est difficile de garantir la confidentialité.

M. Éric Poulliat (RE). Il existe des CSLPD-R, dédiés à la radicalisation, sujet sur lequel la discrétion est de mise.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’ordre du jour des CLSPD varie peut‑être selon les communes. Il est important que l’activité et les objectifs des conseils donnent lieu à un compte rendu annuel devant le conseil municipal. Je vous invite à déposer un amendement en séance en ce sens. Trop souvent, les acteurs de la sécurité se renvoient la balle et déplorent le manque de coordination. Il faut mettre en lumière les efforts qui sont faits pour y remédier.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL56 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il s’agit de reconnaître aux maires des communes d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) le statut de membre du CISPD.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement, contrairement à la rapporteure du Sénat qui a écarté dans son rapport cette hypothèse en raison de l'obligation de présence de chacun des maires au moins une fois par an. Cette contrainte me paraît pouvoir être surmontée. Les maires des communes de l'EPCI sont les premiers concernés, les habitants leur seront reconnaissants de leur participation.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

Amendement CL99 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique, destiné à garantir l'application de la future loi dans les territoires ultramarins.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL87 et CL88 de Mme Violette Spillebout, amendement CL15 de M. François Cormier-Bouligeon)

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Puisque l’article 40 de la Constitution m'empêche de proposer l’extension de la protection fonctionnelle, les amendements visent à appeler l’attention du Gouvernement sur le sujet. Il s’agit donc de demander un rapport au Gouvernement sur l’opportunité d’élargir la protection fonctionnelle à tous les élus locaux, y compris ceux qui n’exercent pas de fonctions exécutives, dans l’amendement CL87, et aux conjoints, enfants et ascendants directs des conseillers départementaux et régionaux victimes de menaces ou violences dans l’amendement CL88.

La protection fonctionnelle serait alors accordée après délibération de l’organe délibérant par la collectivité territoriale, et non de façon automatique comme pour les élus qui exercent des fonctions exécutives.

M. Jean Terlier (RE). L’amendement CL15 vise également à demander un rapport sur l’opportunité de l’extension de la protection fonctionnelle aux anciens élus durant les six années suivant la cessation de leur mandat.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement CL15. Il est indispensable d’étendre la protection fonctionnelle à l’issue du mandat. Nous sommes malheureusement contraints par l’article 40 mais j’espère que nous pourrons trouver une solution en séance pour étendre la protection fonctionnelle. Si le gouvernement ne nous donne pas satisfaction, je reprendrai ces mesures dans la proposition de loi que je prépare avec Sébastien Jumel sur le statut de l’élu.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements CL49 de M. Stéphane Delautrette, CL64 de M. Thomas Rudigoz et CL86 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement tend à demander un bilan annuel des atteintes contre les élus locaux et des suites judiciaires données aux plaintes déposées. Cet outil de suivi nous permettrait d’adapter la législation selon les retours du terrain.

M. Thomas Rudigoz (RE). Il s’agit de demander la remise, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, d’un rapport recensant l’ensemble des actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et leurs conséquences. Le rapport comprendrait aussi un bilan des suites données aux plaintes déposées par les élus pour des faits de violences.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le rapport d’information sur le statut de l’élu local de Mme Spillebout et M. Jumel a mis en lumière des failles dans l’application territoriale du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, présenté en juillet. En outre, les moyens du centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus semblent insuffisants pour agir sur l’ensemble du territoire.

Il est donc proposé de demander un rapport au Gouvernement sur la mise en œuvre de ces deux dispositifs.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il est important que la proposition de loi contribue à redonner confiance aux élus, à les protéger, et à leur montrer que la justice fait son travail. Nous partageons tous la préoccupation exprimée dans ces amendements de disposer d’informations précises sur les violences contre les élus et les réponses qui y sont apportées, qu’il s’agisse des actions engagées ou de suites judiciaires. Pour des raisons rédactionnelles et de périmètre, ma préférence ira à l’amendement CL64 mais ils seront tous satisfaits.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je maintiens mon amendement qui impose une fréquence annuelle du rapport.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous invite à déposer un amendement en séance sur ce point.

L’amendement CL86 ayant été retiré, la commission rejette l’amendement CL49 puis elle adopte l’amendement CL64.

Amendement CL23 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). L’amendement vise à demander un rapport évaluant le coût pour les communes de l’obligation de souscrire un contrat d’assurance pour couvrir les frais liés à la protection fonctionnelle des élus. Nous sommes opposés à la surenchère, qu’elle soit pénale ou le fait des assurances.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis favorable même si la référence à une réévaluation du montant des compensations de l’État me gêne un peu.

Nous ignorons ce que représentera le surcoût lié à une extension de la protection fonctionnelle. Le rapport permettra d’avoir une idée plus précise des coûts et des compensations éventuelles.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

 

 

Puis, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (n° 2112) (MM. Bruno Millienne et Nicolas Sansu, rapporteurs).

 

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er

139

M. LE GENDRE Gilles

Renaissance

Accepté

1er

182

M. CAZENEUVE Jean-René

Renaissance

Accepté

1er

196

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

1er

197

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

1er bis

198

M. SANSU Nicolas

Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Accepté

5 bis

199

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

5 bis

181

Gouvernement

 

Accepté

9

201

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

9

202

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

10

163

Mme MILLER Laure

Renaissance

Accepté

10

203

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

10

204

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

10

205

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

10

206

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

12

208

M. SANSU Nicolas

Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Accepté

12

207

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

13

209

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

13

210

M. SANSU Nicolas

Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Accepté

15

214

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

17

216

M. MILLIENNE Bruno

Démocrate (MoDem et Indépendants)

Accepté

19

217

M. SANSU Nicolas

Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Accepté

 

Tous les autres amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

 

 

La séance est levée à 12 heures 20.

————

 

 

 


Informations relatives à la Commission

 

La Commission a désigné M. Ludovic Mendes, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (n° 2041)[1].


Membres présents ou excusés

 

 

Présents. – M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Anne Brugnera, Mme Émilie Chandler, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, M. Philippe Dunoyer, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Sébastien Jumel, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Bruno Millienne, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Stéphane Rambaud, M. Jean-Claude Raux, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Nicolas Sansu, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Violette Spillebout, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Mansour Kamardine, M. Gilles Le Gendre, M. Didier Lemaire, M. Benjamin Lucas, Mme Naïma Moutchou, M. Philippe Pradal, M. Davy Rimane

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, Mme Sylvie Bonnet, M. Stéphane Delautrette, Mme Sandra Regol, M. Sébastien Rome, M. Jean Terlier, Mme Estelle Youssouffa

 


[1] Compte tenu des délégations d’articles à d’autres commissions, la commission des Lois examinera au fond les articles 4, 5, 21 à 30 et 32. Seuls les amendements à ces articles seront recevables.