Compte rendu
Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public
– Audition, ouverte à la presse, de M. Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis et Mme Caroline Flaissier, directrice générale 2
– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football et M. Jean‑François Vilotte, directeur général 18
– Présences en réunion................................37
Vendredi
27 octobre 2023
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 35
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
Mme Sabrina Sebaihi,
Rapporteure
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La séance est ouverte à neuf heures.
La commission auditionne M. Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis et Mme Caroline Flaissier, directrice générale.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous accueillons M. Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis (FFT), et Mme Caroline Flaissier, directrice générale (DG).
Nous avons entamé les travaux de cette commission d’enquête sur l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif le 20 juillet dernier. L’Assemblée nationale a décidé de sa création à la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de diverses affaires judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations.
Nos travaux portent sur trois axes : les violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; les discriminations sexuelles et raciales ; les problématiques liées à la gouvernance financière des organismes de gouvernance du monde sportif.
Monsieur Moretton, vous présidez la FFT depuis février 2021. Auparavant, vous y exerciez des fonctions de bénévole. Vous avez présidé la ligue Auvergne-Rhône-Alpes de 2018 à 2021. Pouvez-vous, dans un court propos liminaire, nous indiquer les faits dont vous avez eu connaissance dans le périmètre qui intéresse notre commission, et les réponses qui ont été apportées ? Quelle est la politique menée par la fédération dans ces domaines ?
Pouvez-vous faire le point sur la mise en œuvre des recommandations qui ont été formulées à l’égard de la FFT par les autorités de contrôle, en particulier l’IGÉSR (Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche), qui a effectué un contrôle en 2022 ?
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
(Mme Caroline Flaissier et M. Gilles Moretton prêtent successivement serment.)
M. Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis. Je souhaite tout d’abord vous présenter la Fédération française de tennis (FFT), où je suis arrivé en tant que bénévole – la relation avec les bénévoles est un sujet important. J’ai eu la chance d’être président de la ligue Auvergne-Rhône-Alpes et d’apprendre le fonctionnement interne d’une fédération avant d’être élu à la tête de la fédération.
La Fédération française de tennis regroupe cinq pratiques – tennis, padel, beach tennis, courte paume, tennis fauteuil –, qui se jouent avec quatre raquettes différentes. Elle compte un peu plus de 1,1 million de licenciés à fin août 2023 au sein de plus de 7 000 clubs, mobilisant 100 000 bénévoles partout en France.
La Fédération française de tennis possède la particularité d’être propriétaire de grands évènements sportifs tels que le tournoi de Roland-Garros et le Rolex Paris Masters. C’est assez rare puisque, par exemple, le Tour de France cycliste, événement français majeur, n’appartient pas à la Fédération française de cyclisme mais à une société commerciale.
La Fédération française de tennis génère un chiffre d’affaires de plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Elle emploie 460 équivalents temps plein au siège de la fédération et plus de 800 salariés dans les comités départementaux et les ligues.
Par ailleurs, notre sport possède une caractéristique qu’il faut prendre en compte pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), entre autres : c’est un sport individuel. Je précise que j’ai vécu tout cela de l’intérieur puisque j’ai d’abord été joueur de tennis professionnel, puis enseignant de tennis et chef d’entreprise avant d’être retraité et de m’occuper de ma fédération. Notre sport est d’abord un sport individuel, qui a un rapport très important avec l’entraîneur. Cela nous confère un rôle particulier, différent de celui existant dans d’autres fédérations.
La FFT est amenée à faire de la détection et de la formation dans les territoires et dans les clubs. D’autres fédérations, telles que la Fédération française de football, fonctionnent différemment puisque la détection est assurée par les clubs professionnels : dès qu’un jeune fonctionne bien, il est « happé » par les clubs professionnels.
Nous avons aussi une exposition importante au risque de manipulation des compétitions sportives. Dans notre sport, il y a très peu d’élus : si les meilleurs gagnent beaucoup d’argent, il est très compliqué d’accéder au haut niveau et de vivre du tennis. Seuls 200 à 250 joueurs professionnels dans le monde y parviennent – à titre de comparaison, plus de 2 000 joueurs de football professionnels en France vivent de leur sport.
Ces caractéristiques sont à prendre en compte dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Nous menons différentes actions dans ce domaine. Vous avez d’ailleurs auditionné des personnes de la Fédération française de tennis, que nous avons été amenés à soutenir. Sous notre mandat, la Fédération a véritablement pris fait et cause pour ces personnes, notamment pour assurer leur reconstruction, qui est un sujet important.
Mme Caroline Flaissier, directrice générale de la Fédération française de tennis. À la Fédération française de tennis, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et contre toute forme de harcèlement est notre priorité. Notre politique est très simple : c’est la tolérance zéro.
Nous avons créé une structure dédiée à l’intégrité sportive en 2019, dans laquelle travaillent deux personnes à plein temps et une personne en contrat d’apprentissage. Nous avons également désigné dix-huit référents « intégrité sportive » dans chacune des ligues afin de mailler au mieux le territoire et de pouvoir déployer l’ensemble de nos programmes.
Nous travaillons avec des associations, comme celle d’Isabelle Demongeot, ou encore l’association Rebond avec Angélique Cauchy, que vous avez auditionnée. Nous mettons également de nombreuses ressources à la disposition des victimes, des encadrants, des clubs et des organes décentralisés – page d’information consacrée à la protection des mineurs sur le site de la fédération ; formulaire de signalement ; kits de communication et affiches sur la prévention des atteintes à l’intégrité sportive ; principes de bonne conduite pour les encadrants sportifs.
Par ailleurs, nous avons mis en place, en septembre 2022, une protection juridique des victimes de violences sexuelles. Cette assurance permet à tout licencié d’accéder à une protection juridique, à un accompagnement financier pour pouvoir supporter les frais juridiques, ainsi qu’à un accompagnement psychologique.
Nous menons également beaucoup d’actions de sensibilisation lors de formations présentielles ou en ligne. Un module consacré à la protection des mineurs, intégré au référentiel des formations diplômantes, est disponible sur notre plateforme de formations. Nous organisons également des séminaires de sensibilisation et de formation auprès de l’ensemble de nos populations dans tout le territoire ; une vingtaine de dates sont planifiées en 2024.
Nous avons organisé une conférence en 2022 sur la réparation, pour pouvoir accompagner et comprendre comment réparer après un tel drame. Nous avons également mis en place une charte pour l’ensemble de nos référents. Enfin, nous déploierons en 2024 une plateforme de suivi socioprofessionnel pour l’ensemble de nos sportifs, avec des modules dédiés à l’intégrité sportive.
Nous complétons ces actions par des campagnes de régularisation. Ainsi, en février 2023, nous avons envoyé un courrier à plus de 16 000 personnes pour leur rappeler nos actions et l’existence des plateformes de signalement. Nous appliquons une tolérance zéro dans ce domaine, qui est notre priorité.
M. Gilles Moretton. Je vais vous donner quelques exemples d’actions menées sur le terrain, car je me considère plus comme un président de terrain qu’un président de salon.
Le tournoi Les petits As, à Tarbes, réunit les meilleurs joueurs de moins de 14 ans. Nous y sommes allés avec Ophélie Soudre, la déléguée à l’intégrité sportive de la Fédération, pour parler directement aux joueurs, sans leurs parents. Nous leur avons expliqué concrètement ce qu’ils pouvaient accepter ou ne pouvaient pas accepter, par exemple qu’un entraîneur vienne dans la chambre à partir de neuf heures.
Le tennis étant un sport individuel, la relation entre entraîneur et entraîné est très forte. Par conséquent, nous avons expliqué à ces jeunes qu’il y avait des limites au comportement humain et instauré des règles : ainsi, le fait de se serrer fort après une victoire ne doit pas être quelque chose d’acquis. Ils se sont montrés très intéressés et nous ont indiqué que leurs parents les avaient déjà mis en garde. À la suite de cette rencontre avec les joueurs, nous en avons organisé une autre avec les seuls entraîneurs. Certains parmi eux sont probablement des prédateurs : ils savent désormais que nous veillons. J’étais présent à ces rassemblements pour écouter les enfants et les entraîneurs s’exprimer sur ce sujet.
Je voudrais aussi évoquer Isabelle Demongeot, avec qui j’étais sur le terrain il y a deux jours pour de l’urban tennis. Je connais bien Isabelle car c’est une ancienne joueuse professionnelle. Lorsque je l’ai vue avant le début de mon mandat, elle était vraiment détruite. La Fédération, dans son cas, a accompli un véritable travail de reconstruction : désormais, elle témoigne dans des conférences, explique dans des tutos ce que l’on doit faire et ne pas faire et a repris son rôle d’entraîneur de joueuses de tennis. Je la trouve épanouie et j’en suis très heureux pour elle.
Je souhaite revenir sur le sujet de l’intégrité dans les compétitions. Nous avons engagé très tôt la lutte contre les risques de manipulation des compétitions dans le cadre de paris sportifs. Je ne dirai pas que certains joueurs, gagnant très peu d’argent, peuvent être incités à franchir une ligne rouge mais des cas existent. La Fédération française de tennis s’est positionnée très tôt, dès 2009, contre Unibet. C’est un cas qui a fait jurisprudence, avant que la loi de 2010 ne consacre le droit aux paris dans le cadre d’événements sportifs.
La Fédération a déployé un large arsenal, tout d’abord au stade de la détection. Les paris ne concernent pas uniquement les grands tournois : les petits tournois où il est possible de parier sur le vainqueur à la fin d’un set sont également visés. Nous envoyons donc des observateurs pour scruter les comportements.
Nous organisons aussi des actions de sensibilisation auprès des joueurs, des cadres, de l’entourage et des familles, notamment sur les grands tournois comme Roland-Garros ou le Rolex Paris Masters. Par ailleurs, Roland-Garros est le premier tournoi au monde à avoir passé un accord avec une société, Bodyguard, pour protéger les joueurs contre les attaques qu’ils peuvent subir en lien avec les paris sportifs.
Enfin, l’éthique est également un sujet important.
Mme Caroline Flaissier. Nous nous sommes dotés d’un comité d’éthique, de déontologie et de traitement des conflits d’intérêts. Nous avons également établi une procédure d’alerte et une charte éthique.
Le comité d’éthique, créé en 2017, est composé de six membres. Il peut s’autosaisir ou être saisi par tout licencié, parent de licencié mineur, lanceur d’alerte ou dirigeant de la Fédération. Les comités de ligues ont l’obligation de le saisir pour toute question d’ordre éthique dont ils auraient connaissance. Par ailleurs, cette instance décide librement du contenu de ses publications en ligne ; elle a un pouvoir de publication qui va au-delà de son rôle de conseil.
Le comité d’éthique a traité plus d’une centaine de saisines depuis sa création. Nous travaillons régulièrement avec lui et nous nous appuyons sur lui en cas de questionnement ou de sujet complexe.
M. Gilles Moretton. S’agissant de la gouvernance et de la vie démocratique, nous avons, en 2023, modifié en profondeur les statuts de la Fédération française de tennis. La parité sera assurée en 2024 au niveau national et en 2028 dans les régions.
L’actuel comex (comité exécutif), mis en place par l’équipe précédente, est composé de membres de la seule liste du vainqueur. Nous avons modifié les statuts pour le remplacer par un comité fédéral, conformément à notre projet de campagne ; il sera composé de représentants des différentes listes.
Pour conclure, je tiens à souligner que notre sport repose beaucoup sur le bénévolat. Il faut absolument protéger les pratiquants, les enfants avant tout, mais aussi les bénévoles. On leur en demande beaucoup et ils sont les premiers, dans nos clubs, à lancer les alertes et à prendre des mesures. Nous devons absolument nous en préoccuper.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Angélique Cauchy, que nous avons entendue dans le cadre de cette commission, a porté à notre connaissance certains éléments sur lesquels je souhaite revenir.
La FFT dispose de sa propre plateforme de signalement, sur laquelle elle indique qu’il est possible de contacter la cellule Signal-sports pour toute information complémentaire. Pourquoi n’indiquez-vous pas clairement que les victimes peuvent directement témoigner auprès de la cellule Signal-sports ?
Comment les signalements effectués sur votre plateforme interne sont-ils traités ? Font-ils l’objet d’un prétraitement avant d’être renvoyés sur Signal-sports ? Sont-ils traités en interne ? Il y a parfois eu quelques confusions sur l’utilisation de la cellule Signal-sports. Comment cela fonctionne-t-il à la FFT ?
Mme Caroline Flaissier. Il y a en effet plusieurs manières de faire un signalement. Nous voulons que ce soit simple et accessible. Certains utiliseront notre formulaire de signalement tandis que d’autres solliciteront la plateforme Signal-sports. Nous travaillons de manière très rapprochée avec cette dernière puisque, sur les quatre-vingt-dix-sept signalements que nous avons reçus depuis la création de notre cellule intégrité, nous en avons partagé à peu près une cinquantaine avec Signal-sports. Il faut savoir que ces signalements ne concernent pas tous des violences sexuelles et sexistes.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Les cinquante dossiers partagés avec Signal-sports concernaient-ils des VSS ?
Mme Caroline Flaissier. Oui.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce que Signal-sports reçoit des témoignages en dehors de votre plateforme, qui vous sont ensuite transmis ?
Mme Caroline Flaissier. Oui, nous en avons reçu une quinzaine.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ne pensez-vous pas que le fait d’indiquer que la victime peut saisir la cellule Signal-sports « pour toute information complémentaire », sans préciser qu’elle peut directement la saisir pour faire un signalement, peut prêter à confusion ?
M. Gilles Moretton. Ce n’est pas aussi cartésien que vous le présentez car il existe des cas particuliers. Certaines joueuses sont venues me voir directement, sans passer par Signal-sports ni aucune autre cellule. Lorsque je les ai reçues, je leur ai indiqué qu’elles pouvaient rencontrer Ophélie Soudre, à la Fédération, et qu’elles pouvaient contacter Signal-sports directement.
Il me paraît compliqué de fixer une règle. Aujourd’hui, cela fonctionne très bien avec Signal-sports. De notre côté, plus nous sommes à l’écoute des problématiques du territoire et mieux nous pouvons y répondre, en orientant différemment selon les cas, les personnalités face à nous étant toutes différentes.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il ne s’agit pas d’établir une règle mais de remarquer que l’information concernant la cellule Signal-sports est mal faite ou incomprise. Nous avons pu constater, à l’occasion d’un déplacement à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), qu’il n’était inscrit nulle part que les victimes pouvaient saisir directement la cellule. Apparemment, dans votre fédération, c’est aussi le cas.
Les victimes choisissent bien évidemment le canal par lequel elles veulent s’exprimer mais le rôle des fédérations et des instituts est de donner la bonne information afin que la victime puisse ensuite prendre une décision. S’il n’est inscrit nulle part que les victimes peuvent saisir directement la cellule Signal-sports, alors il y a un déficit d’information. Du reste, la plupart des personnes que nous avons auditionnées ne connaissaient pas Signal-sports, alors que cela fait trois ans que cette cellule existe. Nous essayons d’en comprendre les raisons, afin de pouvoir formuler des préconisations très précises pour améliorer l’information sur cette cellule et indiquer au plus grand nombre de personnes qu’elles peuvent la saisir directement, sans passer par leur fédération.
M. Gilles Moretton. Nous vous avons décrit nos actions dans les territoires. Nous y avons nommé des référents, nous avons mis des affiches, nous sommes sur le terrain. Je pense que nous avons fait beaucoup de choses au niveau de la Fédération, peut-être pas assez d’ailleurs, et c’est la raison pour laquelle nous sommes là et prêts à écouter.
Je pense que nous avons fait beaucoup pour que les parents, les entraîneurs et les victimes soient capables de saisir Signal-sports sans avoir à passer par mon bureau. On peut toujours se demander si cela est suffisant mais, concrètement, dans les clubs, là où existe la menace – le problème se trouve à la base, et non forcément dans le haut niveau –, nous avons eu la volonté d’informer sur l’existence de cette cellule qui fonctionne.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le ministère des sports vous a-t-il donné des consignes pour communiquer sur Signal-sports, par exemple en vous transmettant des plaquettes d’information ?
Initialement, cette cellule a été créée pour éviter que les fédérations ne filtrent les signalements et les témoignages. Les victimes que nous avons auditionnées nous ont d’ailleurs toutes indiqué qu’elles ne leur faisaient pas confiance car tout le monde se connaît et parce que, dans certains cas, chacun savait mais personne n’a rien dit. La création d’un outil rattaché au ministère des sports, hors des fédérations et des clubs, a donc permis aux victimes de s’en saisir directement.
Cependant, si vous n’indiquez pas aux sportifs qu’ils peuvent saisir la cellule Signal‑sports sans passer par le filtre de la Fédération, cela perd tout intérêt. C’est la raison pour laquelle j’essaye de comprendre pourquoi vous avez fait ce choix.
Mme Caroline Flaissier. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère, avec lequel notre équipe dédiée à l’intégrité sportive échange régulièrement. Notre responsabilité est d’informer le mieux possible nos licenciés. Si nous pouvons rendre la cellule Signal-sports plus visible, nous le ferons, bien évidemment. Loin d’être en compétition avec elle, nous travaillons avec cette cellule et tout se passe très bien. Il est nécessaire de proposer plusieurs choix, qui doivent être très lisibles et très simples. Telle est notre intention.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Si vous voulez que plusieurs choix soient disponibles, il faut indiquer clairement aux victimes qu’elles peuvent saisir la cellule Signal-sports sans passer par la Fédération.
Mme Caroline Flaissier. Nous réalisons actuellement un film pour alerter et informer sur les violences. Nous améliorons d’année en année notre communication et notre manière de traiter ce sujet. Signal-sports fait partie des plateformes vers lesquelles nous orientons.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Lors de l’audition d’Angélique Cauchy, le sujet des chambres d’hôtel a été évoqué. Au moment de cette affaire, les entraîneurs partageaient parfois la chambre des joueurs de tennis lors des déplacements. C’était connu par tous les entraîneurs et les adultes présents mais personne n’y trouvait à redire.
Vous avez dit que, lors du tournoi Les petits As, vous aviez indiqué aux joueurs que l’entraîneur ne pouvait pas aller dans la chambre d’un jeune à partir de neuf heures. Est-ce à dire qu’il peut s’y rendre avant ? Il faudrait préciser vos propos à ce sujet.
M. Gilles Moretton. Très sincèrement, je ne sais pas si j’ai vraiment donné cet horaire. Je serai plus précis la prochaine fois. Lors de la présentation aux Petits As, notre objectif était d’expliquer les limites à respecter. Nous avons mentionné plusieurs éléments qui, comme vous l’avez signalé, étaient vraisemblablement pratiqués par le passé. Ainsi, les chambres étaient partagées par les entraîneurs et, même si c’était souvent pour des raisons financières, c’était inacceptable ; plusieurs affaires en sont d’ailleurs la conséquence. Nous avons donc fixé des règles et posé des limites.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon vous, qu’est-ce qui justifierait qu’un entraîneur se rende dans la chambre d’un jeune sportif à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit ?
M. Gilles Moretton. La nuit, aucune raison. En revanche, on peut préparer un match en analysant des vidéos de l’adversaire, ce qui peut impliquer de discuter en face-à-face. Nous pourrions toutefois imaginer que cela se passe ailleurs que dans la chambre.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il ne faut pas se contenter de l’imaginer : nous sommes là au cœur du problème. Il n’y a aucune raison, à aucun moment, pour qu’un adulte entre dans la chambre d’un mineur ou d’un joueur sous son autorité pour préparer quoi que ce soit. Il faut arrêter ces pratiques et trouver des endroits neutres. En tant que parent, je n’accepterais jamais qu’un adulte entre dans la chambre de mon enfant pour quelque raison que ce soit.
Mme Caroline Flaissier. Notre charte des encadrants spécifie ce point et n’autorise aucun horaire de visite. Lorsqu’un encadrant souhaite entrer dans la chambre d’un joueur, il doit préalablement frapper et s’annoncer. Il est également indiqué qu’il faut garder la porte ouverte en cas de réunions et que celles-ci doivent se tenir dans des parties communes autant que possible. Ainsi, il est préférable que les réunions soient organisées dans un hall d’entrée plutôt que dans une chambre.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il faudrait imposer cette règle, et non se contenter de la recommander : ce ne doit pas être une option.
Mme Caroline Flaissier. Oui, tout à fait.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Concernant le sujet de l’isolement, une réflexion a-t-elle été engagée sur l’agencement des équipements sportifs, afin d’éviter qu’un joueur se retrouve seul sur un terrain avec un adulte ou un entraîneur qui pourrait s’avérer être un agresseur ?
M. Gilles Moretton. Le tennis est un sport individuel. Les parents ou d’autres adultes ne sont pas toujours présents sur les courts, malheureusement, et l’entraîneur se trouve très souvent seul avec sa joueuse ou son joueur – d’autant plus lorsque l’entraînement a lieu tôt le matin, lorsqu’il n’y a encore personne dans le club.
Pour être sincère, je n’ai pas connaissance de mesures prises par la Fédération française de tennis pour obliger une tierce personne à venir sur le terrain. Je ne sais d’ailleurs pas si nous en aurions les moyens car, avec 1,1 million de licenciés, dont 50 % de jeunes, le nombre d’entraînements dans les clubs est très élevé. Or je rappelle que nos référents sont des bénévoles. Si vous voulez soutenir cette cause, il faudra reconsidérer leur statut.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous sommes tout à fait conscients de l’importance du bénévolat dans le mouvement sportif. Nous recherchons des solutions réalistes pour faire en sorte que ce qui est arrivé à Angélique Cauchy et à d’autres ne se reproduise plus jamais. L’idée d’un binôme d’entraineurs a ainsi été évoquée dans le cadre de cette commission. Est-ce un sujet dont vous avez débattu au sein de la Fédération ?
M. Gilles Moretton. Seuls 200 joueurs vivent du tennis dans le monde. Cela veut dire qu’un joueur classé 400ème mondial, qui doit payer ses déplacements et rémunérer son entraîneur, perd de l’argent – environ 20 à 30 000 euros par an. Si vous demandez aux jeunes joueurs et joueuses de rémunérer un entraîneur supplémentaire, il faudra le financer et, par conséquent, revoir complètement le modèle économique. Contrairement au football, qui compte un entraîneur pour douze à quinze joueurs, le tennis est dans un rapport de un pour un ; je ne vois pas comment nous pourrions économiquement passer à deux pour un.
Notre fédération a des moyens sportifs, des équipes techniques régionales, pour entraîner les jeunes. Toutefois, un club n’entraîne pas que des champions. Lorsqu’un joueur veut réserver un cours de tennis, c’est souvent le club ou les parents qui financent. Si l’on impose la présence de deux entraîneurs, il faudra les payer, ce qui sera difficile.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’entends vos propos mais cette proposition a été formulée dans le cadre de cette commission d’enquête, notamment par Angélique Cauchy.
Mme Caroline Flaissier. Les jeunes joueurs qui entrent au pôle France puis au centre national d’entraînement bénéficient d’une équipe composée d’un préparateur mental, d’un préparateur physique et d’entraîneurs. Dans ce cadre, le joueur a des entretiens réguliers avec l’équipe et peut s’exprimer de manière complètement indépendante.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez indiqué que certaines victimes étaient venues vous voir directement pour procéder à un signalement. Qu’avez-vous fait ensuite ?
M. Gilles Moretton. Très concrètement, j’ai immédiatement informé notre cellule intégrité. Celle-ci a fait un double travail : elle a attendu que la personne se manifeste – je ne rentrerai pas dans les détails car la personne à laquelle je pense s’était confiée à moi directement et ne se sentait pas encore prête à saisir la cellule – puis a procédé à un signalement. Ensuite, la machine s’est mise en route.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Sans entrer dans les détails, de quel type de faits s’agit-il ? D’une agression sexuelle ? Avez-vous fait un signalement sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale ?
M. Gilles Moretton. Il s’agit d’une agression entre un entraîneur et une joueuse. J’ai transmis les informations à Ophélie Soudre, qui a effectué toutes les démarches dont vous parlez. Le dossier est en cours.
Mme Caroline Flaissier. Le président s’adresse à la cellule intégrité, qui contacte ensuite la victime pour essayer de comprendre et savoir comment elle peut l’accompagner. Ensuite, il y a un traitement au cas par cas. Si cela relève des VSS, le dossier est transmis à Signal-sports. Un article 40 peut aussi être déclenché, de même qu’une saisine de la commission fédérale des litiges.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Dans quels cas ne déclenchez-vous pas d’article 40 ?
Mme Caroline Flaissier. Les cas étant parfois complexes, il faut les analyser au cas par cas. Nous écoutons beaucoup les victimes. Nous faisons mécaniquement des articles 40, puisque c’est de notre responsabilité.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez indiqué que le déclenchement de l’article 40 n’était pas systématique. Je voulais donc savoir quels cas vous excluiez. À partir du moment où vous recueillez un témoignage, sans même entrer dans un processus d’enquête, votre rôle est de signaler sur la base de l’article 40. Il appartient ensuite au ministère des sports de mener l’enquête en lien avec la justice et la police.
Mme Caroline Flaissier. Nous déclenchons un article 40 dans tous les cas de VSS. Nos signalements ne se limitent d’ailleurs pas aux VSS ; ils peuvent concerner des insultes, une raquette cassée par un jeune, etc.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je voudrais maintenant aborder la question du contrôle d’honorabilité. Comment se déroulent ces contrôles au sein de votre fédération ? Sont‑ils systématiques ?
Mme Caroline Flaissier. Les contrôles d’honorabilité sont effectués pour les bénévoles : les arbitres, les juges arbitres, les encadrants bénévoles et les dirigeants. Nous travaillons avec les pouvoirs publics, avec le système d’information automatisé du contrôle d’honorabilité (SI honorabilité). Nous avons ainsi réalisé une campagne portant sur 30 000 personnes l’année dernière. Concrètement, nous envoyons des fichiers aux pouvoirs publics qui les analysent, puis le ministère des sports nous envoie les résultats.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez fait un contrôle d’honorabilité sur 30 000 bénévoles ?
Mme Caroline Flaissier. Tout à fait.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Sur les 100 000 bénévoles que compte la Fédération ?
Mme Caroline Flaissier. Nos bénévoles ne sont pas tous encadrants, juges arbitres, etc.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ces contrôles sont-ils obligatoires pour tout le monde ou est-ce par cercle ?
Mme Caroline Flaissier. La campagne que nous avons lancée l’année dernière a rencontré des problèmes techniques de référencement de fichiers et de mise en commun. Nous lançons actuellement une campagne concernant 67 000 acteurs.
M. Gilles Moretton. Nous avons évoqué 100 000 bénévoles mais vous constatez que nous n’avons que 30 0000 contrôles : c’est bien là le sens de votre question ?
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous rappelle que vous êtes sous serment et qu’il est donc important que vous soyez précis dans les éléments que vous communiquez à la commission. Mais nous essayons surtout de comprendre car aucune des personnes auditionnées ne définit le contrôle d’honorabilité de la même manière. Nous voulons savoir s’il existe une règle venant du ministère des sports sur la manière dont ces contrôles d’honorabilité doivent être réalisés.
M. Gilles Moretton. Tous les bénévoles ne sont pas en contact avec des jeunes. Nous avons donc ciblé 30 000 personnes en contact avec les joueurs – arbitres, etc. – et nous en ciblerons 67 000 de plus cette année.
Deux contrôles d’honorabilités ont été faits la saison dernière mais nous avons dû refaire le premier pour des raisons techniques – les premiers contrôles ont été difficiles à effectuer en raison de problèmes de qualité des données extraites de notre base de licenciés. Un nouveau contrôle d’honorabilité a été lancé en début de saison 2023-2024. D’ici à fin novembre, nous serons capables de donner des chiffres précis. Ce contrôle sera effectué annuellement et portera sur les licenciés exerçant des fonctions entrant dans le champ d’application du contrôle d’honorabilité.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En quelle année le premier contrôle a-t-il été réalisé ?
M. Gilles Moretton. Je pense qu’il a été fait lors de la saison précédente.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quand le contrôle d’honorabilité a-t-il été mis en place ?
M. Gilles Moretton. J’en ai entendu parler l’année dernière mais il existait sans doute avant. Nous l’avons mis en place récemment. Le premier contrôle a été difficile mais les problèmes rencontrés ont été résolus. Quatre personnes ont été identifiées lors du premier contrôle mais n’ont pas fait l’objet de procédures disciplinaires. Chaque cas a été analysé et, contrairement à ce que faisait ressortir le croisement des fichiers, ces personnes n’exerçaient pas ou plus de fonctions d’encadrement dans les clubs concernés. Elles étaient sorties des effectifs.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ces quatre personnes n’étaient-elles plus en poste, ou bien l’étaient-elles toujours mais pas en tant qu’encadrants ?
M. Gilles Moretton. Ces personnes n’exerçaient pas ou plus de fonctions d’encadrement dans les clubs concernés, ou étaient sorties des effectifs car elles n’étaient plus licenciées.
M. Stéphane Buchou (RE). Quels sont les critères appliqués dans le cadre d’un contrôle d’honorabilité au sein de votre fédération ? Émanent-ils de directives du ministère des sports ou bien le cahier des charges est-il établi par la Fédération ?
Je m’étonne que quatre personnes aient été identifiées et qu’elles n’aient a priori fait l’objet d’aucune sanction. Si elles ont été identifiées, c’est bien parce qu’il y avait des raisons. Je m’interroge donc sur la qualité des contrôles qui sont menés. Avez-vous envisagé de vous faire accompagner par un organisme extérieur concernant les sanctions à prendre à la suite d’un contrôle d’honorabilité ? Existe-t-il une échelle des sanctions ?
Mme Caroline Flaissier. Nous travaillons avec le SI honorabilité, à qui nous envoyons notre base de données pour qu’elle soit analysée en fonction des critères des pouvoirs publics, lesquels nous envoient ensuite les résultats. Si des personnes identifiées avaient encore été en fonction dans nos clubs, nous aurions déclenché une procédure disciplinaire et pris des mesures à titre conservatoire. C’est le processus que la Fédération applique mécaniquement.
M. Stéphane Buchou (RE). Notre commission s’intéresse de près à l’enchaînement des faits. Elle cherche également à comprendre pourquoi les outils existants ne sont pas efficaces au sein de certaines fédérations. Si vous m’expliquez qu’il existe une échelle de sanctions écrite et claire, alors il n’y a pas de problème. Cependant, les faits que nous évoquons sont graves et notre objectif est qu’ils ne se reproduisent pas. Nous devons donc pouvoir identifier les dysfonctionnements. J’ai l’impression que vous menez des contrôles d’honorabilité parce que vous y êtes contraints mais que les suites qui leur sont données ne sont pas à la hauteur.
Mme Caroline Flaissier. Nous ne nous disons pas qu’il faut faire le contrôle d’honorabilité, il est complémentaire. Tous nos enseignants ont déjà une carte professionnelle contrôlée par les clubs. Nos contrôles d’honorabilité s’inscrivent dans le prolongement de cette démarche.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Comment sont contrôlées des cartes ?
M. Gilles Moretton. Les clubs ont l’obligation d’afficher les cartes professionnelles. Aujourd’hui, pour enseigner le tennis, on est obligé d’avoir dans le club la carte professionnelle. Or qui dit carte professionnelle dit honorabilité, donc ça c’est fait.
Le contrôle d’honorabilité concerne les bénévoles encadrants qui peuvent être dans les clubs. Les entraîneurs sont contrôlés de façon professionnelle.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En quoi consiste ce contrôle professionnel ? Le casier judiciaire et le Fijaisv (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes) sont-ils vérifiés ?
M. Gilles Moretton. Je ne peux pas entrer dans un tel détail mais si la carte professionnelle est affichée, c’est aussi par souci d’honorabilité, pour pouvoir enseigner auprès de jeunes. Nous aurons probablement un complément d’information à vous donner sur les contrôles qui sont effectués sur cette carte professionnelle, qui n’est d’ailleurs pas délivrée par la Fédération française de tennis.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce complément d’information nous sera en effet utile.
Concernant l’accompagnement des victimes, vous vous portez partie civile aux côtés de la victime. Est-ce systématique ? Par ailleurs, il semblerait que pour que cela soit possible, il faut que la personne ait été licenciée au moment des faits et le soit restée jusqu’à cinq ans après. Pourquoi cette limitation dans le temps, alors que nous savons que de nombreuses victimes ont témoigné quinze ou vingt ans après les faits, en raison d’une amnésie traumatique ou pour d’autres raisons ? Pouvez-vous nous préciser comment se fait cet accompagnement juridique des victimes ?
Mme Caroline Flaissier. Il faut que la personne ait été licenciée au moment des faits et moins de deux ans avant le dépôt de sa plainte. Voilà le cadre temporel ; je n’ai pas connaissance d’une durée de cinq ans.
Concernant l’accompagnement, nous avons souscrit une assurance qui permet la prise en charge des frais, à savoir les honoraires nécessaires à toute action en justice, du dépôt de plainte jusqu’à l’exécution de la décision de justice. Un montant maximum de 20 000 euros est fixé par victime. Un accompagnement psychologique est également pris en charge.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Cette période de cinq ans nous a été communiquée par Mme Cauchy. C’est un point qu’il conviendra de vérifier.
Vous indiquez qu’il faut être licencié jusqu’à deux ans avant le dépôt de la plainte. Des réflexions sont-elles en cours pour assouplir ces règles ? Certaines victimes témoignent de très nombreuses années après les faits, ce qui ne leur permet pas de satisfaire à ce critère.
Mme Caroline Flaissier. Une réflexion est en cours, en effet, avec une cellule qui travaille à plein temps sur ces sujets. Nous en discutons beaucoup avec les associations avec lesquelles nous travaillons, ce qui nous permet de progresser. J’ajoute que cette assurance est récente puisque nous l’avons mise en place en septembre 2022.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez évoqué l’équipe qui entoure les jeunes sportifs quand ils intègrent le haut niveau et deviennent joueurs professionnels. On nous a parlé de la surveillance médicale réglementaire, obligatoire pour les sportifs. Est-ce que vous le faites pour tous ?
M. Gilles Moretton. Le parcours vers le haut niveau concerne moins de 1 % des joueurs. Lorsqu’ils sont détectés par leur club, ils participent une fois par mois à un rassemblement au sein d’un comité départemental ou d’une ligue, où ils bénéficient d’entraînements additionnels. Après ces premiers rassemblements, il y a les centres fédéraux d’entraînement : c’est à partir de ce niveau que s’effectue le contrôle médical. L’étape suivante, c’est le centre national d’entraînement : les joueurs y sont entièrement pris en charge, un centre médical étant à leur disposition.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La surveillance médicale réglementaire de ces athlètes est-elle effectuée chaque année, comme la loi l’impose ?
M. Gilles Moretton. La question est de savoir à partir de quel âge on commence la surveillance médicale. Doit-on le faire quand les joueurs sont encore dans leur club, soit autour de 8 ou 9 ans ? À ce stade, ils sont très nombreux et le suivi médical ne peut être assuré par le club ; il est effectué à titre individuel. En revanche, dès qu’un joueur participe à un rassemblement, le suivi médical commence.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La surveillance médicale réglementaire concerne le haut niveau. C’est une fois par an et cela permet de faire une évaluation psychologique des sportifs de haut niveau. Dans certains cas par exemple, nous avons pu identifier des athlètes qui étaient en souffrance, pour différentes raisons.
Nous savons qu’il y a des fédérations où c’est très peu fait. Ma question est très précise. Est-ce que vous le faites au sein de la Fédération française de tennis ?
Mme Caroline Flaissier. La réponse est oui. Nous avons un médecin à plein temps qui fait partie du comité de direction de la direction technique nationale et deux psychologues qui reçoivent les joueurs.
M. Gilles Moretton. Je précise que cela concerne le haut de la pyramide et que très peu de joueurs sont concernés.
Pour ma part, je n’aime pas parler de parcours de haut niveau. Le parcours, c’est de la formation. À la Fédération française de tennis, le haut niveau concerne très peu de joueurs. Ils sont vingt-trois au Creps (centre de ressources, d’expertise et de performance sportive) de Poitiers et à la Fédération, ils sont une dizaine.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vos athlètes de haut niveau bénéficient donc d’un suivi psychologique, ce qui n’est pas le cas dans toutes les fédérations. Nous aurions pu éviter pas mal de problèmes si cela avait été fait comme indiqué dans les textes.
Comme vous avez pu le constater, cette commission d’enquête traite de différents sujets. Plusieurs affaires ont secoué la FFT, notamment la vente des billets pour le tournoi de Roland-Garros. Pouvez-vous revenir précisément sur cette affaire ?
M. Gilles Moretton. Ce sujet est apparu pour la première fois dans le cadre des élections à la gouvernance. Au début de ma candidature, j’ai été attaqué pour des ventes de billets du tournoi au marché noir auprès de conciergeries parisiennes. J’ai été diffamé ; il y a eu un procès et la personne qui m’a attaqué a été condamnée.
À la fin de mon mandat de président de la ligue Auvergne-Rhône-Alpes, je me suis présenté à l’élection à la présidence de la Fédération française de tennis, prévue en décembre 2020. La campagne a été très musclée. Mon adversaire, qui était alors président de la Fédération, a attaqué la ligue Auvergne-Rhône-Alpes sur la vente de billets dans le cadre de partenariats avec des sponsors, qui comprenaient des places pour le tournoi de Roland-Garros. Ces partenariats permettaient d’accorder aux sponsors une présence dans les centres et les championnats des ligues, sur le site internet, dans des opérations marketing, et comportaient des places pour Roland-Garros.
Après mon élection, nous avons évoqué ce dossier avec toutes les ligues : il est apparu que celles-ci agissaient toutes ainsi et que j’avais probablement été attaqué parce que j’étais un candidat dangereux. Il a donc été décidé à l’unanimité de créer le village des ligues, un espace de relations publiques propre à ces dernières dans Roland-Garros pour pouvoir inviter les sponsors et les partenaires.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. S’agissant des billets mis à disposition des sponsors, pouvez-vous nous préciser quel était le problème ? D’après ce que j’ai compris, des personnes possédant des billets pour Roland-Garros les revendaient parfois jusqu’à 1 000 euros. Est-ce bien de cela dont vous parlez ?
M. Gilles Moretton. Ce n’était pas du tout le sujet. Le sujet, c’est que dans les packages de partenariats il y avait des billets pour Roland-Garros. Il n’y avait pas du tout de revente de billets.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce que cette pratique de revente de billets a déjà été effectuée au sein de Roland-Garros et en avez-vous eu connaissance ?
M. Gilles Moretton. Je suis un peu allergique à cette expression de « revente de billets ». Ce sont des places contenues dans un package. Il n’y avait pas de marché noir.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il se trouve que parmi ces places qui étaient attribuées dans les packages, certaines ont ensuite été revendues. En avez-vous eu connaissance ?
M. Gilles Moretton. Vous parlez de revente de billets individuels, donc de marché noir. C’est vraiment un marché particulier.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous pose la question.
M. Gilles Moretton. La Fédération française de tennis a été très concernée par ce sujet il y a quelques années mais aujourd’hui, nous ne sommes quasiment plus concernés du tout. Il y avait beaucoup de reventes de places à une époque mais un système de billets nominatifs a été mis en place à la Fédération et désormais, il n’y a plus du tout ce cas de figure. Nous n’en entendons plus parler.
Mme Caroline Flaissier. L’environnement des billets de Roland-Garros est très contrôlé et très encadré.
Nous avons mis en place le village des ligues, qui est une manière très encadrée pour les ligues de pouvoir emmener leurs partenaires à Roland-Garros.
Concernant les billets, ils sont tracés et nominatifs. Nous avons un système qui nous permet de changer le nom de la personne qui vient au stade jusqu’à 24 heures avant le jour J.
M. Stéphane Buchou (RE). Je peux témoigner qu’il y a encore quelques années, il existait un imbroglio sur la vente et la revente des places pour Roland-Garros. Cela provoquait de la frustration chez les jeunes licenciés qui ne pouvaient pas participer à cet événement, les billets étant cédés à des partenaires, à des institutionnels et même souvent à des élus. Depuis, le ménage a été fait ; je tenais à souligner ce point positif.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Concernant les différentes affaires qui ont éclaboussé votre fédération, je voudrais revenir sur la nomination de Mme Amélie Oudéa‑Castéra au poste de directrice générale de la FFT quelques mois après son élection au comité exécutif sur votre liste. Pouvez-vous nous dire comment se passent les nominations et s’il est courant de devenir DG après avoir été nommé au comité ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser quel était son salaire à l’époque et s’il est toujours le même pour le DG actuel ?
M. Gilles Moretton. La recherche qui est la mienne au sein de la Fédération est une recherche de compétences. L’élection a été très tendue et notre arrivée à tête de la Fédération s’est avérée très difficile. Nous avons découvert un univers compliqué, où il a fallu se faire accepter et où les personnes avaient peur – j’avais en effet été décrit comme le diable en personne.
Très vite, j’ai donc été amené à constituer mon équipe en recherchant les compétences indispensables pour assurer le bon fonctionnement de la Fédération. Il se trouve que j’avais dans mes équipes des personnes qui aidaient le tennis depuis longtemps : plutôt que d’aller chercher à l’extérieur, j’ai souhaité promouvoir quelqu’un de l’intérieur. Ce n’était pas prévu parce que, sinon, je n’aurais jamais débauché quelqu’un au sein de mon propre comex.
J’ai pensé qu’Amélie Oudéa-Castéra était la bonne personne pour diriger la Fédération : elle avait été joueuse professionnelle et avait arrêté le tennis pour faire des études alors qu’elle était au niveau d’Amélie Mauresmo, qui allait devenir numéro un mondial et remporter un titre du grand chelem.
J’ai été amené à évaluer la rémunération qui était la sienne. Amélie Oudéa-Castéra était dans une entreprise où elle touchait près de 1,5 million d’euros par an en cumulant les stock-options, etc. Lorsqu’il s’est agi de déterminer sa rémunération, elle a été fixée autour des 400 000 euros avec un intéressement pouvant atteindre 100 000 euros en fonction des résultats de la Fédération. Ces chiffres sont approximatifs, nous pourrons vous donner des précisions ultérieurement.
Amélie Oudéa-Castéra est donc venue à la Fédération française de tennis en divisant son salaire par trois. Je voudrais que les gens maintenant le sachent, je suis ravi de pouvoir le dire dans ce contexte-là. C’était pour moi le bon niveau de rémunération.
Auparavant, nous avions un personnage, M. Jean-François Vilotte, qui avait aussi une rémunération qui n’était pas très éloignée de celle-ci, on était dans les mêmes eaux, donc il n’y a pas de scandale. Concernant Caroline Flaissier, nous vous donnerons des éléments si vous le souhaitez.
Pour moi, je suis allé chercher des compétences. Le contexte en 2021 était assez particulier. Pour diriger cette fédération, qui est une véritable entreprise, il fallait quelqu’un qui ait l’expérience pour pouvoir le faire.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous attendons donc que vous nous transmettiez les informations concernant le DG précédent et la DG actuelle, Mme Caroline Flaissier.
Par ailleurs, pourriez-vous nous expliquer pourquoi la Fédération a acquis un bien immobilier, pour quel montant, pour qui et à qui il appartenait précédemment ?
Mme Caroline Flaissier. Outre des tournois, la Fédération est propriétaire de bureaux à Boulogne-Billancourt. En analysant nos dépenses, nous nous sommes aperçus que nous dépensions beaucoup d’argent pour loger le président. Lorsque l’appartement loué pour le président a été mis en vente par ses propriétaires, nous avons donc décidé de l’acquérir. Nous avons estimé que cela était cohérent avec notre stratégie patrimoniale.
M. Gilles Moretton. Nous avons effectivement la chance d’investir beaucoup et de posséder un parc assez important. Il existe une liste civile au sein de la Fédération, avec divers avantages pour le président, dont la possibilité d’organiser des déjeuners et de disposer d’un appartement. Une voiture et un chauffeur sont en outre mis à la disposition de la Fédération. Un salaire est également envisagé pour son président, tandis que les présidents de ligue peuvent bénéficier d’une indemnisation.
Dans la liste civile, je suis logé quand je suis à Paris. Mes prédécesseurs avaient choisi de réserver une chambre d’hôtel à l’année. Concernant mon prédécesseur, cela coûtait 58 000 euros chaque année à la Fédération. Travaillant beaucoup – je passe dix heures par jour à la Fédération, quasiment toute la semaine –, je ne me voyais pas vivre dans une chambre d’hôtel. J’ai donc préféré louer un appartement. Après avoir fait plusieurs visites, nous avons trouvé un appartement de 70 mètres carrés à Boulogne-Billancourt, pour un loyer de 32 000 euros par an : c’était le moins cher de ceux que nous avions visités, et c’était moins cher que les 58 000 euros que coûtait la chambre d’hôtel à la Fédération. J’ai passé deux ans dans cet appartement remarquable, situé à deux pas de Roland-Garros. Puis les propriétaires m’ont informé qu’ils souhaitaient le vendre. Je me suis alors tourné vers la Fédération pour son acquisition. Celle-ci a été autorisée en assemblée générale afin de renforcer le patrimoine de la Fédération.
Je rappelle que la Fédération possède déjà un hôtel particulier à deux pas de Roland‑Garros. Il accueille une centaine de salariés, parce que nous n’avions pas assez de place à Roland-Garros. Or, en l’espace de dix à quinze ans, nous avons réalisé une plus-value incroyable sur l’acquisition de ce bien. Nous avons donc pensé, avec l’appréciation de nos commissaires aux comptes, que l’achat de cet appartement était un bon choix patrimonial pour la Fédération.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quel a été le montant de cette acquisition ? Comment se situe ce montant par rapport aux prix du marché ? Pouvez-vous nous préciser si le chiffre d’affaires de la Fédération inclut le patrimoine ?
M. Gilles Moretton. Notre patrimoine inclut le tournoi de Roland-Garros et le Rolex Paris Masters. Si ces tournois étaient valorisés, le montant serait certainement très élevé. Aujourd’hui, ils ne le sont pas, contrairement à nos actifs immobiliers.
Concernant le prix de l’appartement, les valorisations faites par des agences étaient comprises entre 800 000 euros et un peu plus de 1 million d’euros. Nous l’avons acheté un 1,08 million d’euros.
Mme Caroline Flaissier. Nous vous communiquerons les chiffres exacts ainsi que les devis que nous avons obtenus des différentes agences. Nous pourrons aussi vous communiquer nos bilans. Nous sommes propriétaires du tournoi de Roland-Garros, du tournoi du Rolex Paris Masters et d’autres tournois plus régionaux. Nous avons également des licences d’exploitation.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Y a-t-il des sujets que nous n’aurions pas abordés et que vous souhaiteriez porter à la connaissance de cette commission ?
M. Gilles Moretton. Je souhaite à nouveau souligner l’importance des bénévoles pour le sport français. Notre sport vit grâce à eux. Si je me suis lancé à la retraite, c’est parce que j’avais envie de rendre au tennis ce que le tennis m’avait apporté. C’est toute ma vie. Il est important de comprendre que l’on demande beaucoup aux bénévoles au quotidien et qu’il faut les considérer.
Je ne veux surtout pas éluder les problématiques que vous avez évoquées. Tout n’est pas parfait au sein de la Fédération, nous en sommes conscients et nous appliquons une tolérance zéro.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous remercie pour votre disponibilité. Nous sommes bien conscients que 3 millions de bénévoles font vivre le sport français. L’objectif de cette commission est de faire en sorte que les choses s’améliorent pour les professionnels, pour les sportifs, pour les bénévoles et surtout que cela fonctionne correctement. Nous avons bien en tête la question des bénévoles.
La réunion est brièvement suspendue.
M. Stéphane Buchou (RE). Monsieur le président, vous avez été épinglé concernant la rémunération d’un de vos conseillers, qui est resté pendant quelques mois au sein de la Fédération et dont il est dit qu’il aurait été un de vos soutiens lors de votre élection à la tête de la Fédération. Est-ce avéré ou non ? Il s’agit de M. Hughes Cavallin, qui aurait été rémunéré 10 000 euros par mois pendant quinze mois pour un poste de directeur de cabinet.
M. Gilles Moretton. Je ne sais pas si ce sujet peut être évoqué. J’ai un document et une décision de la Cour d’appel de Paris et du PNF (parquet national financier) concernant ces dossiers. Je peux vous lire la conclusion du PNF concernant les deux dossiers car j’ai moi aussi été impliqué : « Les infractions pénales dénoncées tant en détournement de fonds publics, de prises illégales d’intérêts et de corruption, n’apparaissent ainsi pas caractérisés. Décide en conséquence de classer sans suite la précédente procédure, les infractions dénoncées n’apparaissant pas constituées. » Le sujet est clos ; peut-être ressurgira-t-il car la Fédération va bientôt entrer en période électorale. C’est la décision du parquet national financier. Je n’ai pas de commentaire à faire.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous étions informés du classement sans suite par le PNF, raison pour laquelle nous ne sommes pas revenus sur ce sujet.
Puis, la commission auditionne M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football et M. Jean-François Vilotte, directeur général.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous accueillons M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football (FFF), et M. Jean-François Vilotte, directeur général.
La commission d’enquête a entamé ses travaux le 20 juillet dernier. L’Assemblée nationale a décidé de sa création à la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de diverses affaires judiciaires liées à la gestion de certaines fédérations.
Nos travaux sont organisés selon trois axes : les violences physiques, sexuelles et psychologiques dans le sport ; les discriminations sexuelles et raciales ; les problématiques liées à l’administration financière des organismes de gouvernance du monde sportif.
Monsieur Diallo, vous avez exercé plusieurs fonctions au sein de la FFF : trésorier général, vice-président délégué. En janvier 2023, à la suite de la démission de Noël Le Graët, vous en êtes devenu président par intérim, et vous avez été élu président en juin 2023. Vous êtes également membre du comité exécutif (Comex) de l’UEFA, l’Union des associations européennes de football, depuis avril 2023. Par ailleurs, depuis 2023 également, vous présidez le Conseil social du mouvement sportif (Cosmos), organisation patronale créée en 1997 pour représenter les employeurs du sport.
À partir de septembre 2022, des articles de presse font état de graves difficultés de fonctionnement au sein de la Fédération. Les faits évoqués portent sur la gouvernance et le management de la Fédération, et sur des faits de harcèlement ou liés à des violences sexistes et sexuelles (VSS) ; ils sont survenus au siège de la FFF et au Centre national du football de Clairefontaine.
Un rapport de l’IGÉSR (Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche), dont une synthèse a été publiée en février 2023, constate que la gouvernance est défaillante, que la directrice générale a des méthodes brutales et des comportements jugés erratiques et que les dérives de comportement du président sont incompatibles avec l’exercice de ses fonctions et avec l’exigence d’exemplarité qui lui est attachée. Ce rapport pointe également l’inefficacité de la politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le réseau fédéral.
Avant d’entamer nos échanges, pouvez-vous nous indiquer quand et comment vous avez eu connaissance de ces dysfonctionnements ? Quels changements souhaitez-vous impulser dans les domaines qui intéressent notre commission ? Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Philippe Diallo et M. Jean-François Vilotte prêtent successivement serment.)
M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football. Merci de nous recevoir ; cette audition va nous permettre de répondre aux interrogations que vous avez soulevées. Je rappellerai d’abord en quelques mots la réalité sociale du football.
Je préside la première fédération française sportive, qui réunit un peu plus de 2,2 millions de pratiquants et de pratiquantes. En comptant les familles, la pratique du football concerne chaque semaine 10 à 15 millions de Français. Bien évidemment, cela nous confère une responsabilité particulière au sein de la société française, au-delà de la pratique sportive qui est notre cœur d’activité. Si notre première mission est de permettre à toutes et à tous de pratiquer le football, les autres sont bien plus étendues, ce qui en fait la singularité et la popularité.
Nous sommes une fédération populaire dans tous les sens du terme : par le nombre de personnes qu’elle réunit, et par sa sociologie – près de 60 % de nos pratiquants sont issus des catégories employés et ouvriers.
C’est au sein de cette fédération que certaines actions éducatives ont été déployées. Nous exerçons notre activité grâce à quelque 400 000 bénévoles, qui permettent quotidiennement la pratique sportive. Environ 800 000 jeunes participent au plan d’éducation de la Fédération et près de 60 % de nos 13 000 clubs contribuent à l’insertion professionnelle des jeunes licenciés qui sont nos pratiquants. Par ailleurs, près d’un quart de nos clubs accueillent des réfugiés.
Ces quelques exemples montrent que le football participe à la cohésion nationale et au lien social ; il est un des ciments de notre pays, au-delà des performances sportives de notre élite – les équipes nationales. Cela nous engage.
Une fédération telle que la nôtre doit donc exercer une vigilance particulière. Quand des familles nous confient leurs filles ou leurs garçons, elles doivent le faire en toute sécurité. C’est pourquoi je souhaite établir un contrat de confiance entre nos clubs, la Fédération et les familles qui nous confient ces centaines de milliers de jeunes.
L’action en cours a déjà plusieurs volets. Certains nous sont imposés par la loi, comme le contrôle d’honorabilité. À ce stade, nous en avons effectué plus de 90 000, avec 21 positifs. De plus, la Fédération a d’ores et déjà manifesté, à plusieurs reprises, sa volonté d’élargir le champ des contrôles, pour renforcer le contrat de confiance.
Deuxièmement, nous avons créé un observatoire des comportements. Nous organisons chaque année 1 million de matchs et disposons donc ainsi de remontées d’informations sur les comportements, les incidents et les insultes qui peuvent y survenir. Nous avons ainsi décelé un peu plus de 10 000 incidents de différentes natures lors des rencontres.
Le troisième volet concerne les alertes. Nous avons passé un partenariat avec l’association France victimes pour prendre en charge les victimes lorsque des faits sont mis au jour. À ce jour, l’association s’est occupée de 66 cas.
Nous avons également organisé une campagne de sensibilisation, en développant plusieurs programmes. Je pense tout particulièrement à Open Football Club, dirigé par le Fondaction du football. Il s’appuie sur des associations partenaires, telles que Colosse aux pieds d’argile, qui interviennent dans les centres de formation des clubs professionnels et dans les pôles espoirs afin de sensibiliser tous les jeunes aux sujets des violences sexuelles et sexistes et des discriminations.
Vous m’avez demandé ce que nous souhaitions faire pour amplifier cette action. Comme je l’avais promis au moment de mon élection, en juin 2023, j’ai présenté il y a quelques jours un plan d’engagement sociétal, au nom de la Fédération. Nous avons travaillé cet été pour rendre la FFF performante dans ce domaine, comme elle l’est en matière sportive et économique.
Ce plan me semble inédit dans le monde du football, voire dans celui du sport. Il exprime la volonté d’assurer une nouvelle gouvernance dans ces domaines, en associant des personnes qualifiées venues de l’extérieur et en faisant appel à des organisations indépendantes de la Fédération, susceptibles d’évaluer et les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous aurons ainsi un partenariat avec l’Unesco, qui jugera de nos politiques et évaluera l’incidence sociale du football.
J’ai souhaité agir ainsi dans un souci de transparence de la gouvernance mais aussi pour assurer la crédibilité de nos objectifs et des résultats. Le programme repose sur trois grands piliers : les discriminations sous toutes leurs formes ; le rôle citoyen et inclusif ; la transition écologique. Ce sont les trois domaines dans lesquels j’ai souhaité que la Fédération fournisse un effort particulier, en fixant des objectifs précis, pour rendre visibles la progression et l’accomplissement des engagements.
Ainsi, s’agissant des discriminations, nous faisons en sorte que, dans les trois ans, 100 % de nos éducateurs aient suivi un programme de formation et de sensibilisation aux questions relatives aux discriminations sous toutes leurs formes. Je rappelle que nous avons un peu plus de 35 000 encadrants. Nous nous sommes également engagés à ce que 75 % de nos licenciés suivent un programme de formation et de sensibilisation dans les mêmes délais.
Nous allons réformer notre plateforme d’alerte pour la placer sur la page d’accueil du site de la Fédération. Elle sera aisément accessible à tous – pratiquants, éducateurs, bénévoles, tiers –, afin de faciliter les remontées et de détecter au mieux les comportements inappropriés. Dans ce cadre, nous avons renouvelé et renforcé notre partenariat avec France victimes pour que les alertes soient suivies d’une prise en charge.
La position de la Fédération française est absolument claire : nous appliquerons une tolérance zéro et nous nous engageons à systématiquement activer les moyens réglementaires et légaux à notre disposition. Cette action de la Fédération, menée dans le cadre du plan d’engagement, doit participer à renforcer le contrat de confiance avec les familles que j’appelle de mes vœux.
Le deuxième volet de notre action concerne notre rôle citoyen et inclusif. Il passe d’abord par une plus grande féminisation ; notre objectif est clair : favoriser la pratique sportive des jeunes filles. Nous voulons que la FFF compte 500 000 licenciées dans les cinq ans. C’est un objectif extrêmement ambitieux puisque cela revient à doubler leur nombre. Nous devrons agir en partenariat avec les collectivités locales pour avoir des équipements, ainsi qu’avec nos propres moyens de formation professionnelle, car il faudra suffisamment d’encadrants pour accueillir ces jeunes filles.
Au-delà, nous jouons un rôle d’inclusion. Le passage dans nos clubs doit mettre en valeur les aptitudes que le sport peut développer chez les jeunes filles comme chez les jeunes garçons. À ce titre, la Fédération française de football a pris l’engagement très clair de favoriser l’insertion professionnelle de 10 000 jeunes en 2024.
Nous souhaitons que des organismes externes évaluent et valident nos politiques. Dans ce cadre, l’Unesco jugera l’incidence des mesures que nous souhaitons appliquer.
Conformément à la loi de 2022, le Comex de la Fédération sera paritaire à partir de 2024 ; au-delà, nous nous sommes engagés à mener nos recrutements avec des panels paritaires pour favoriser l’insertion professionnelle de jeunes femmes ou de femmes au sein de la Fédération.
S’agissant de la transition écologique, j’ai souhaité que la FFF s’applique d’abord à elle-même les plans de sobriété énergétique. Nous avons fixé l’objectif de réduire de 50 % notre consommation d’énergie et d’eau dans les cinq prochaines années. Pour réduire notre empreinte carbone à très court terme, les sélections privilégieront désormais le train, en particulier pour les déplacements en France. Nous y travaillons en partenariat avec la SNCF, même si cela peut poser des difficultés en matière de sécurité, parfois même des difficultés sportives, notamment pour l’équipe de France A. Nous organiserons des campagnes, afin que 75 % de nos licenciés suivent des programmes de sensibilisation à la transition écologique.
Le directeur général pilotera le déploiement du plan, avec les moyens humains et financiers nécessaires. Nous avons déjà débloqué une enveloppe d’environ 6 millions d’euros supplémentaires.
Ainsi, la Fédération française prend des engagements avec des objectifs chiffrés, des financements et des moyens humains. Sur une génération, six garçons sur dix ont été ou sont licenciés de la Fédération française de football avant leur majorité. Notre rôle de socialisation est manifeste ; ce plan d’engagement montre que nous avons une conscience aiguë de nos responsabilités.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci pour cette introduction. Le rapport de février 2023 contient des recommandations très précises. Je vais vous en citer quelques-unes pour savoir si ce plan d’engagement sociétal les prend en considération.
Les rapporteurs estiment qu’il n’y avait pas assez de personnes dédiées à la lutte contre le fléau des VSS. Savez-vous combien elles étaient ? Quelle évolution prévoyez-vous ?
Une recommandation concerne le bilan du contrôle d’honorabilité avec le ministère des sports. Avez-vous un lien permanent avec le ministère à ce sujet ?
Les rapporteurs préconisent l’élaboration d’un guide de procédures opérationnelles des traitements des VSS à l’intention de chaque instance territoriale, qui écarte le fonctionnement actuel. Qu’en est-il dans votre plan d’engagement ?
Avez-vous prévu de réviser les statuts de la FFF pour améliorer l’information et l’expression des oppositions ?
Qu’en est-il de l’application d’une stratégie spécifique relative aux VSS à Clairefontaine ?
M. Jean-François Vilotte, directeur général de la Fédération française de football. S’agissant des moyens, aucune direction n’était spécifiquement chargée des politiques d’engagement, qu’il s’agisse de la lutte contre les violences sexuelles, sexistes, homophobes ou racistes, des politiques de l’inclusion ou des politiques relatives aux défis climatiques. Les responsabilités étaient réparties de façon diffuse au sein de différentes directions. Le Comex a approuvé la création d’une direction de l’engagement ; elle est en cours d’organisation. Les moyens humains consacrés au pilotage de ces politiques au niveau du siège seront doublés. Toutefois, ces politiques doivent également être prises en charge par l’ensemble du réseau territorial de la Fédération – ligues et districts. Il est fondamental de travailler en réseau pour atteindre les objectifs.
Nous avons donc décidé de développer le réseau des correspondants, qui existe au sein des ligues mais n’existait pas partout dans les districts et les clubs. Nous nous sommes assignés l’objectif de disposer d’un réseau de référents au niveau des ligues, des districts et des clubs d’ici à trois ans. Idéalement, il serait composé d’éducateurs et de dirigeants sportifs. Nous allons lancer des appels à projet pour désigner des associations qui les formeront.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À l’heure actuelle, y a-t-il des référents formés ?
M. Jean-François Vilotte. Nous avons des référents dans toutes les ligues mais pas dans tous les districts. C’est une faille que nous devons combler. Les clubs prennent de nombreuses initiatives, mais elles sont souvent insuffisamment aidées et organisées.
Afin de détecter les personnes inscrites dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv), nous avons effectué 90 000 contrôles d’honorabilité. Le cadre juridique impose de contrôler l’honorabilité de trois responsables – le président, le trésorier, le secrétaire général – et des éducateurs. Je ne dis pas que les contrôles ne doivent pas être intensifiés ici ou là, mais avec 90 000 contrôles menés, nous atteignons l’objectif. C’est d’autant plus vrai que la Fédération a expérimenté le dispositif généralisé en 2021.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon vous, qui doit être soumis au contrôle d’honorabilité ? Selon les fédérations, des différences apparaissent.
M. Jean-François Vilotte. Pour nous, tous les éducateurs y sont soumis, ainsi que les trois dirigeants bénévoles exerçant les fonctions exécutives que j’ai citées. Nous avons souhaité étendre le croisement de fichiers à tous les bénévoles au contact des licenciés et à tous ceux exerçant des fonctions d’encadrement, qu’ils soient rémunérés ou bénévoles. Nous discutons avec l’État d’un élargissement du champ.
Par ailleurs, nous devons résoudre certaines difficultés techniques. Nous croisons les renseignements saisis lors de la délivrance de la licence et le Fijaisv ; en raison de défauts de saisie, le taux d’erreur atteint encore 17 %. Nous travaillons à y remédier, notamment grâce à la dématérialisation de la délivrance des licences.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Sur les 90 000 contrôles réalisés, le taux d’erreur atteint 17 % ?
M. Jean-François Vilotte. Oui. Les erreurs qui nous reviennent font ensuite l’objet d’une nouvelle saisie mais en première saisie, nous obtenons 17 % d’erreurs.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous effectué un bilan avec le ministère des sports ? Avez-vous évoqué ce taux d’erreur ?
M. Jean-François Vilotte. Oui, bien sûr. Nous nous réunissons, notamment avec la directrice des sports, afin d’évoquer les problèmes de croisement de fichiers lors du contrôle d’honorabilité des encadrants et des bénévoles.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Les contrôles d’honorabilité ont fait ressortir vingt et un cas positifs. Quelles suites y avez-vous données ?
M. Jean-François Vilotte. Nous leur avons retiré leur licence ou nous avons refusé de leur en délivrer une. Lorsqu’il s’agissait d’éducateurs rémunérés, ils ont été exclus de la possibilité d’exercer cette activité réglementée.
J’ajoute que les 17 % d’erreurs s’expliquent en partie par des erreurs intentionnelles. Il faut donc être attentif pour rendre le croisement de fichiers plus efficace.
S’agissant des suites données aux incidents et aux signalements, vous avez évoqué la nécessité de rédiger un protocole que suivront les territoires et la Fédération. Dans le plan d’engagement, la Fédération a réaffirmé sa volonté ferme de donner aux incidents une suite disciplinaire, sportive, administrative, voire pénale.
La culture juridique des fédérations ne les conduit pas nécessairement à considérer qu’elles disposent de l’autonomie suffisante pour prononcer des procédures disciplinaires ou pour prendre des décisions sportives sans attendre que les procédures administratives et judiciaires aient abouti. Nous avons clairement indiqué qu’il convient de prendre des mesures conservatoires immédiates. La révision de nos statuts en juin dernier nous le permet, en application de l’article 85 des règlements généraux. Nous avons donc décidé donc de former les membres des commissions disciplinaires pour qu’ils aient conscience de leurs responsabilités en la matière. Comme d’autres, nous opérons une révolution pour convaincre que les procédures disciplinaires, les décisions administratives et sportives relevant de la Fédération n’ont pas à attendre les décisions administratives ou judiciaires.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous des éléments concernant la stratégie spécifique relative aux VSS pour Clairefontaine ?
M. Jean-François Vilotte. Tous les encadrants, notamment ceux en contact avec les mineurs, les sélections nationales ou les équipes nationales accueillies au Centre national d’entraînement de Clairefontaine sont formés aux VSS dans le cadre d’ateliers, pour que cette dimension soit prise en charge.
M. Philippe Diallo. Votre dernière question évoquait l’opposition et les statuts de la FFF. Vous avez peut-être en mémoire la Coupe du monde de 2010. Les joueurs de l’équipe de France avaient provoqué un incident politico-sportif en décidant de ne pas descendre d’un fameux bus. Cela avait provoqué un grand émoi non seulement en France, mais aussi sur la scène internationale.
Face à cet incident et à la mauvaise performance sportive qui s’était ensuivie, des états généraux ont été organisés, qui ont abouti à la modification des statuts de la Fédération. Elle visait à rendre l’exécutif plus homogène, resserré et agile, pour qu’il soit plus efficace, en instaurant un scrutin de liste. Le futur président devait être en tête, accompagné d’une équipe, avec un programme. Telle était la philosophie des statuts fédéraux adoptés après l’échec de Knysna, afin que la Fédération dispose d’une gouvernance mieux à même de relever les défis.
En mars 2022, le législateur a modifié la loi sur la gouvernance des fédérations, introduisant certains éléments, relatifs à la féminisation et à l’élargissement du corps électoral, notamment au profit des clubs. Depuis que j’ai pris mes fonctions, j’ai souhaité que la FFF s’adapte dans les meilleurs délais à ce nouveau dispositif législatif.
Après de nombreux échanges au sein de la Fédération, nous avons été en mesure, en juin 2023, de présenter à l’assemblée fédérale un projet de réforme statutaire. Celui-ci a été adopté à la majorité qualifiée nécessaire, permettant à la Fédération de se mettre assez rapidement en conformité avec la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. Nous tiendrons en décembre 2023 une assemblée qui finalisera la réforme.
Parallèlement, j’ai créé un groupe de travail réunissant toutes les parties prenantes, pour réfléchir à la modernisation des statuts. Il est à l’œuvre, je lui ai demandé de me rendre ses travaux en 2024. Nous entamerons ensuite si nécessaire une nouvelle réforme statutaire.
L’un des débats qui ont émergé concerne l’opposition. Nous sommes dans un exécutif ; mon comité exécutif a besoin d’homogénéité pour que la gouvernance soit le plus efficace possible. L’opposition s’exprime dans le cadre de l’assemblée fédérale. Tous les textes fédéraux – réglementaires, statutaires, financiers – lui sont soumis et font l’objet d’un vote démocratique de tous les représentants.
Parallèlement, nous avons une haute autorité qui est une sorte de conseil de surveillance du comité exécutif. Elle peut convoquer une assemblée fédérale de révocation du comité exécutif si celui-ci s’écarte d’une bonne gouvernance.
Nous disposons donc de garde-fous, de contre-pouvoirs. J’ai néanmoins demandé que nous étudiions pour l’avenir les conditions d’une meilleure représentation de l’opposition.
M. Stéphane Buchou (RE). Vous avez rappelé les chiffres relatifs à la Fédération française de football ; évidemment, ce n’est pas une fédération comme les autres. De nombreux éléments concourent au fait que vous soyez regardés de très près et que vous ayez un devoir impérieux d’exemplarité.
Je voudrais revenir sur l’observatoire des comportements. Vous avez indiqué que sur 1 million de matchs organisés, vous aviez relevé 10 000 incidents. Quelle était leur nature ? Je souhaite également des informations plus détaillées sur les actions que vous avez mises en œuvre avec l’association France victimes.
Vous avez mis en avant la nouvelle gouvernance et vous avez insisté sur la féminisation du sport. Lorsque je regarde la composition de vos différentes instances, je pense que des progrès restent à accomplir. Sauf erreur de ma part, vous avez environ 2,2 millions de licenciés, dont seulement 225 000 femmes. Que faites-vous pour augmenter ce chiffre ? Quant aux instances, ni les commissions ni le Comex ne respectent la parité.
Vous avez indiqué que les nouveaux statuts avaient été adoptés à la majorité qualifiée nécessaire. Qu’entendez-vous par « majorité qualifiée nécessaire » ? Combien avez-vous recensé de votants et de votes en faveur des nouveaux statuts ?
Nous avons beaucoup entendu lors de nos auditions que le milieu du sport, en particulier le milieu du football, entretenait l’entre-soi, et qu’on y retrouvait toujours les mêmes personnes. Faites-vous le même constat, et avez-vous l’ambition de décloisonner ce monde ?
M. Philippe Diallo. J’ai effectivement indiqué que nous avions un peu plus de 10 000 remontées d’incidents ; 50 % concernent des violences verbales, 3 000 à 4 000 des violences physiques, le reste des incivilités.
M. Stéphane Buchou (RE). Ces violences verbales émanent-elles de joueurs, de dirigeants, de supporters ?
M. Philippe Diallo. L’outil dont nous disposons ne permet pas d’analyser finement ces remontées de terrain. Nous prévoyons donc d’engager un travail pour avoir une vision beaucoup plus précise, en automatisant les remontées, avec une caractérisation fine des incidents. À partir de ces éléments statistiques, nous essaierons de mieux piloter notre politique nationale.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Comment sont traités les cas que remonte l’observatoire ? Prononcez-vous des sanctions ?
M. Philippe Diallo. Chaque fois que des incidents sont portés à la connaissance de nos organes déconcentrés, grâce aux rapports d’arbitrage notamment, leur commission de discipline prononce des sanctions.
Cet observatoire vise à appréhender la réalité du terrain pour mieux cibler les programmes de sensibilisation et de formation, voire les sanctions. Nous allons le renforcer, sauf à accroître le pourcentage d’incidents : en examinant la réalité de manière plus fine, nous nous exposons à davantage de remontées. Nous assumons ce risque pour mieux lutter contre les incidents.
Concernant la féminisation, nous avons 225 000 licenciées ; le Comex compte 14 personnes, dont 3 femmes. Je l’ai dit, nous souhaitons amplifier de manière très ambitieuse la présence des femmes.
Le législateur nous y a invités au niveau de l’exécutif ; dès le prochain renouvellement du Comex de la Fédération, la parité intégrale sera assurée. Il comptera 28 membres, dont 14 femmes. En 2028, l’exigence de parité s’appliquera également à l’exécutif des organes déconcentrés de la Fédération, des ligues régionales et des districts.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez été élu au mois de juin 2023. Qu’est-ce qui vous empêchait de mettre en place un comité exécutif paritaire ?
M. Philippe Diallo. La liste élue l’a été en mars 2021, sans règle de parité. Le président à sa tête avait formé une liste comptant 3 femmes. J’ai été élu en juin dans la continuité du mandat précédent, sans présenter une liste complète au suffrage de l’assemblée.
Afin d’augmenter le nombre des pratiquantes, nous avons élaboré un plan de féminisation, que j’ai présenté dès février dernier. Il prévoit de réformer les compétitions et d’engager des moyens économiques très significatifs pour inciter l’élite des clubs féminins à se structurer et à être la locomotive de notre football d’élite. Nous avons parallèlement réformé l’équipe de France.
Dans le cadre du plan d’engagement, j’ai également énoncé l’objectif de 500 000 licenciées à cinq ans. Pour y parvenir, nous souhaitons travailler avec les collectivités locales, parce que ce sont elles qui financent les équipements. Pour accueillir ces jeunes filles, il nous faudra en effet des terrains. De notre côté, nous formerons des éducateurs.
J’ajoute que nous sommes une des rares fédérations à disposer d’un fonds d’aide à la pratique des amateurs, qui nous permet d’accompagner l’investissement public.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quel est le montant de ce fonds d’aide ?
M. Philippe Diallo. Il se monte à 20 millions d’euros environ, répartis entre plusieurs pôles : équipement, transport, emploi.
La majorité qualifiée correspond à une majorité des deux tiers des membres de l’assemblée fédérale. Nos statuts ont été validés avec plus de 70 % des voix.
M. Jean-François Vilotte. Entre 2019 et 2021 existait un partenariat avec l’association Éthique et sport, qui a disparu, provoquant une période de vide, puisqu’il y avait une ligne qui ne répondait plus. C’est pour pallier cette défaillance qu’un partenariat a été noué avec France victimes en octobre 2022.
Depuis qu’il a été conclu, France victimes a enregistré 66 appels sur sa ligne dédiée au football, dont 44 concernaient réellement des victimes. L’association a pris en charge ces appels pour y apporter les réponses les plus adaptées, y compris des dépôts de plainte et des signalements disciplinaires.
Au sujet de l’observatoire des comportements, j’ajoute que l’automatisation de toutes les procédures disciplinaires a débuté. La granularité des renseignements sera beaucoup plus fine, nous permettant par exemple de distinguer les violences sexistes des violences homophobes et des violences racistes.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Comment vous avez appris que la ligne sonnait dans le vide ? Pendant combien de temps cette ligne est-elle restée inactive ?
M. Jean-François Vilotte. À cette période, je n’étais pas à la Fédération française de football. Je peux juste vous dire que le partenariat avec Éthique et sport s’est achevé en décembre 2021 et que celui avec France victimes n’a été noué qu’en octobre 2022.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le partenariat avec Éthique et sport s’est-il arrêté en 2021 ou a-t-il continué ?
M. Jean-François Vilotte. Il n’a fonctionné qu’entre octobre 2019 et décembre 2021.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon l’article de L’Équipe, le téléphone a sonné dans le vide entre avril 2022 et octobre 2022.
M. Jean-François Vilotte. Oui, vous avez raison. Le comité Éthique et sport a cessé totalement son activité en mars 2022 et le partenariat avec France victimes a été noué en octobre 2022.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Donc, entre mars et octobre 2022, il y avait une ligne téléphonique à disposition des victimes, qui ne fonctionnait pas. Comment vous en êtes-vous aperçus ?
M. Jean-François Vilotte. Je pense que la Fédération a pris le temps de chercher un nouveau partenaire associatif, et que le nouveau partenariat a été rendu possible en octobre 2022.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne vous demande pas pourquoi vous avez conclu un nouveau partenariat. Je vous demande comment vous vous êtes aperçus que la ligne téléphonique ne fonctionnait pas.
M. Philippe Diallo. Je ne peux pas vous apporter de réponse précise. J’étais trésorier à cette époque et je n’étais pas directement impliqué. J’ai pris connaissance des faits dans l’article de presse que vous avez mentionné. Je n’avais pas d’éléments d’information sur ce dysfonctionnement.
Sur ces éléments, nous savons que tout n’a pas été parfaitement réalisé et que la prise de conscience sur ces questions n’a peut-être pas été optimale. Aussi souhaitons-nous, sans totalement remettre en cause le passé, par nos propos, opérer une rupture, en mettant en place des outils plus performants et qui ne nous conduisent pas aux difficultés que vous avez soulignées.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’entends parfaitement ce que vous dites. J’entends tout ce que vous proposez pour l’avenir. Néanmoins, le travail de cette commission est aussi d’identifier des dysfonctionnements, afin d’y apporter des éléments de réponse. Dans ce cadre, il n’est pas possible de ne pas évoquer le fait qu’une ligne à disposition des victimes a sonné dans le vide pendant plusieurs mois. Pourquoi a-t-il fallu autant de mois pour s’en rendre compte ? Vous engagez un partenariat avec France victimes en octobre 2022 ; moins d’un an après, vous avez 66 signalements, dont quarante-quatre victimes.
Par ailleurs, pourquoi avoir choisi de nouer un nouveau partenariat au lieu de renvoyer par exemple sur la cellule Signal-sports, du ministère des sports ? Pourquoi organiser un dispositif parallèle, alors que l’idée était justement que les signalements parviennent directement au ministère, sans passer par le filtre des fédérations ?
M. Jean-François Vilotte. Nous ne pouvons que constater le dysfonctionnement que vous évoquez. Vous avez raison, plusieurs mois se sont écoulés entre les deux prises en charge. Mais d’autres dispositifs de remontée des alertes existaient dans le temps où le numéro d’appel n’a pas fonctionné, en particulier une plateforme de signalement fédéral.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous reçu des signalements sur cette plateforme pendant la période d’indisponibilité de la ligne d’écoute ?
M. Jean-François Vilotte. Je n’ai pas les chiffres mais nous vous les transmettrons. Dans le cadre du plan d’engagement, nous avons considéré que cette plateforme n’était pas suffisamment accessible. Il a donc été décidé qu’elle serait refondée et directement accessible sur la première page de notre site internet.
Concernant l’articulation avec le ministère des sports, nous avons la conviction que les dispositifs sont éminemment complémentaires et que la Fédération française de football se doit d’avoir un outil de signalement matérialisé par une plateforme informatique et un numéro d’appel. Il est évidemment possible d’effectuer des signalements directement sur Signal-sports.
J’ajoute que lorsque nos dispositifs recueillent un signalement, nous transmettons l’information à Signal-sports. Je ne crois pas que ce mécanisme brouille la capacité de remonter les messages. Les deux éléments sont complémentaires.
De plus, France victimes prend en charge les victimes. Il y va de la légitimité du dispositif, car les victimes n’ont pas forcément envie d’être prises en charge par une administration, voire par la Fédération. Je pense que cette complémentarité est précieuse.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez précisé que les signalements que vous recevez sont systématiquement renvoyés à la cellule Signal-sports. Vos éléments de communication indiquent-ils quelque part que les victimes peuvent directement saisir la cellule Signal-sports ? Si c’est le cas, sous quel format ? Est-ce précisé sur le site internet ? Avez-vous des plaquettes d’information ? Le ministère vous a-t-il transmis des documents à destination des licenciés pour les informer sur la cellule Signal-sports ?
Je vous confirme – cela a été dit durant les travaux de cette commission – que certaines victimes ne souhaitent pas que la fédération prenne en charge leur signalement. Elles disent que l’omerta a régné trop longtemps, que beaucoup d’affaires ont été éteintes au niveau local parce que tout le monde se connaissait, tout le monde était au courant.
La question s’est posée de créer une entité indépendante du ministère et des fédérations, pour recueillir la parole des victimes et la prendre en charge.
M. Jean-François Vilotte. Oui, il y a eu une communication sur l’existence de Signal-sports, notamment quand la cellule s’est développée, sous l’égide de Roxana Maracineanu.
Pour qu’un dispositif de remontée d’alertes soit efficace, il faut que les victimes le jugent les destinataires légitimes. C’est absolument fondamental. Aussi avons-nous créé des partenariats associatifs, pour qu’elles n’aient pas seulement affaire à un outil de signalement, qu’il soit ministériel ou fédéral. Je pense que c’est absolument indispensable.
S’il y a lieu de réfléchir à la création d’une autorité indépendante qui prendrait en charge l’ensemble de ces questions d’éthique, je le pense – à titre personnel, sans engager la Fédération. Selon moi, c’est utile et souhaitable. Faut-il que ce soit sous l’égide du mouvement sportif, par exemple du CNOSF (Comité national olympique et sportif français) ? Le débat est légitime.
M. Philippe Diallo. Je partage ce sentiment. Plus il y a de moyens déployés pour que chacun puisse faire connaître les agissements négatifs qu’il a subis, mieux c’est. Donc, si demain une entité indépendante recueillait des alertes, je pense que nous n’y verrions que du bien.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous nous préciser le nombre d’éducateurs rémunérés ?
M. Philippe Diallo. Nous avons à peu près 35 000 éducateurs en France. Je n’ai pas à disposition ce matin le nombre de ceux qui sont rémunérés ; nous pourrons vous le faire connaître dans un deuxième temps.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pour notre part, nous disposons de deux chiffres : 8 900 éducateurs sportifs rémunérés sont déclarés dans le domaine du football, sur un total de 202 500.
M. Philippe Diallo. Les 35 000 éducateurs que j’ai mentionnés sont diplômés. L’activité étant réglementée, il est nécessaire de posséder une certification, un diplôme ou un titre à finalité professionnelle pour encadrer contre rémunération.
Ces 35 000 éducateurs ont été identifiés à partir de leur carte professionnelle. Vous citez le chiffre de 8 900 éducateurs rémunérés – dont acte. En revanche, je ne peux me prononcer sur le chiffre de 202 500. Je n’ai pas d’éléments qui me permettraient de le valider.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ces 8 900 éducateurs rémunérés sont-ils ceux pour lesquels un contrôle du casier judiciaire est effectué ? Qu’en est-il des autres ?
M. Jean-François Vilotte. Je ne sais pas quelle est la source de ce chiffre de 8 900 éducateurs rémunérés ; il me semble assez éloigné de la réalité.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce chiffre provient du fichier EAPS (portail de déclaration des éducateurs sportifs du ministère des sports) du 15 janvier 2023.
M. Jean-François Vilotte. Il faut savoir que la détention d’une carte professionnelle n’est imposée que si l’activité est rémunérée. Il en va de même pour les titres et diplômes. Je pense donc que le nombre d’éducateurs est plus proche de 35 000.
Ensuite, « rémunéré » ne signifie pas forcément « salarié par les clubs ». Certains éducateurs sont rémunérés en tant que prestataires de services d’encadrement. La situation juridique d’encadrement de la pratique peut varier largement d’un éducateur à l’autre.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Peut-être pourrez-vous nous envoyer les chiffres détaillés : il est étonnant que sur le nombre d’éducateurs, 8 900 seulement soient déclarés comme rémunérés.
Vous avez évoqué les éducateurs qui possèdent une carte professionnelle. Peut-on entraîner sans être éducateur professionnel ?
M. Jean-François Vilotte. La profession est réglementée : on ne peut être éducateur sportif rémunéré sans être titulaire d’une carte professionnelle. Mais il existe une population d’encadrants bénévoles non rémunérés, qui n’ont pas l’obligation d’être titulaires de diplômes. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas s’en préoccuper. Ainsi, le comité exécutif et la direction technique nationale de la Fédération ont indiqué qu’il fallait s’intéresser aux conditions d’encadrement des plus jeunes pratiquants et faire en sorte qu’à terme, ceux-ci soient encadrés uniquement par des personnes titulaires de diplômes adaptés.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ces éducateurs sont ceux qui sont soumis au contrôle d’honorabilité.
M. Jean-François Vilotte. Oui.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous avons entendu à plusieurs reprises que des personnes déjà signalées continuaient à exercer, des entraîneurs qui ont changé de club par exemple.
Au sein du monde du football, avez-vous déjà eu à examiner des affaires de VSS ou d’autres cas ? Comment ont-elles été traitées ? L’article 40 du code de procédure pénal a-t-il été appliqué ? La personne mise en cause a-t-elle été systématiquement mise à l’écart et interdite d’exercer ?
Plusieurs affaires ont éclaté encore récemment, dans lesquelles des entraîneurs dénoncés avaient pu changer de club et reproduire exactement les mêmes agissements, ailleurs en France.
M. Jean-François Vilotte. Réguler la profession d’encadrant rémunéré relève de la compétence de l’État. En cas de signalement, il appartient donc aux services de l’État de prendre les mesures qui s’imposent et de retirer la carte professionnelle. En revanche, les clubs doivent vérifier que la carte professionnelle des entraîneurs rémunérés est à jour. Le mouvement sportif peut également agir, y compris s’agissant d’éducateurs non rémunérés.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le faites-vous ?
M. Jean-François Vilotte. Oui. L’article 85 des règlements généraux prévoit les cas de suspension, de retrait et de refus de délivrance de la licence, dans le cadre des procédures disciplinaires et des décisions administratives.
Le faisons-nous suffisamment ? Non, c’est pourquoi nous entendons former les membres des commissions disciplinaires et des organisations territoriales à l’existence de l’article 85 dans nos statuts, ainsi qu’à la possibilité de prendre des mesures conservatoires, dans le cadre des procédures disciplinaires.
C’est fondamental, pourtant cela n’a pas été spontané. Nous devons opérer une révolution culturelle pour que nos structures territoriales prennent ces mesures conservatoires complémentaires à celles qu’applique l’État.
M. Philippe Diallo. Il ne nous a pas échappé que certains éducateurs, repérés ou signalés dans un endroit, pouvaient aller exercer dans d’autres.
La difficulté de traitement est liée au fait que très souvent, il n’y a aucune plainte. La doctrine qui prévalait jusqu’à présent était de dire que la Fédération interviendrait postérieurement à une décision de justice. J’ai souhaité un basculement d’approche pour que, sans attendre une hypothétique décision de justice, la Fédération intervienne de manière beaucoup plus systématique et qu’elle prenne des mesures conservatoires.
Par ailleurs, les clubs qui engagent les éducateurs et rédigent leur contrat de travail ont une part de responsabilité : dans certains cas, les affaires les concernant ont été rendues publiques.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Lorsque la Fédération apprend qu’un club recrute un entraîneur précédemment repéré ou signalé, dispose-t-elle d’un levier d’action pour l’en empêcher ?
M. Philippe Diallo. Il ne me semble pas que nous ayons des moyens d’action. Il s’agit d’une relation de travail, établie par un contrat passé entre un club et un éducateur. Notre levier concerne la licence. C’est là que la Fédération peut intervenir, en prenant des mesures conservatoires.
J’ajoute que le tribunal peut condamner la Fédération si elle a refusé de délivrer ou retiré une licence sans décision de justice préalable et que les faits allégués n’ont pas été confirmés a posteriori. Il faut bien en être conscient.
Cependant, nous avons mené une réflexion et avons accepté de prendre le risque de la condamnation judiciaire pour garantir la protection des victimes. Notre position est philosophique, mais aussi très pragmatique.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Comment expliquez-vous qu’un club puisse recruter un éducateur ou un entraîneur, alors qu’il a connaissance de faits répréhensibles ou de signalements, par la presse ou par d’autres dispositifs ?
M. Philippe Diallo. J’ai du mal à me l’expliquer moi-même. Dans beaucoup d’affaires, il n’y a pas de dépôt de plainte. Il existe une suspicion mais elle ne repose pas sur des fondements matériels.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À partir du moment où un article de presse ou des bruits très forts éveillent la suspicion à l’égard d’une personne, qu’est-ce qui empêche la Fédération ou les clubs concernés de déclencher une enquête ?
M. Jean-François Vilotte. Rien, vous avez raison. C’est pour cela qu’il faut pouvoir prendre des mesures conservatoires avant même que soit prononcée une quelconque sanction disciplinaire.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous avons reçu hier la Fédération française de gymnastique. Des bruits très forts circulaient sur ce qui se passait, mais il a fallu attendre l’émission « Stade 2 » pour qu’elle prenne des mesures. Faut-il attendre que les affaires soient médiatisées pour que les fédérations ou les clubs s’y intéressent ? Il me semble que vous avez des moyens, notamment des leviers disciplinaires, pour agir en amont.
M. Jean-François Vilotte. Ignorant ce cas d’espèce, je me garderai donc bien d’entrer dans le débat, mais au fond vous avez raison. Il faut que les clubs, les districts, les ligues, etc. assument le changement culturel qu’évoquait Philippe Diallo.
Je voudrais juste insister sur un point. Il faut s’intéresser aux conditions qui régissent les relations d’une fédération avec ses instances territoriales. Les ligues, les districts et les clubs sont des personnes morales distinctes. S’agissant des questions d’éthique, il faut réfléchir pour fonder l’intervention de la fédération et lui donner les moyens, le cas échéant, d’agir au nom d’une instance donnée ou de réformer une décision.
Un maire est à la fois le pouvoir exécutif de sa commune et le représentant de l’État. Quand il est le représentant de l’État, il fait d’une certaine façon ce que l’État lui dit de faire. Dans le cas qui nous préoccupe, je pense qu’il faut réfléchir à la relation des fédérations avec les personnes morales qui constituent leur réseau territorial.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous évoqué le sujet avec le ministère des sports ?
M. Jean-François Vilotte. Non. C’est une opinion personnelle qui n’est pas nécessairement celle de la FFF.
La relation entre la Fédération et les territoires est complexe. Il faut avoir les moyens d’agir. Il faut convaincre, il faut former, il faut avoir tous les moyens pédagogiques ; quelquefois, il faut aussi avoir les moyens juridiques.
L’organisation territoriale des fédérations n’est plus déconcentrée, même si elle a été conçue ainsi il y a très longtemps ; elle est désormais décentralisée. Il y a sans doute une réflexion à engager sur le domaine éthique, pas sur la capacité des associations à se gérer elle‑même.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Des informations parfois extrêmement graves, qui concernent des violences sexuelles et sexistes, de la pédocriminalité, ne sont parfois pas prises en compte. Il est très compliqué de penser que c’est juste une question de culture.
Je pense que le problème ne se limite pas à un « changement de culture ». Les adultes responsables d’enfants doivent déclencher des enquêtes lorsqu’ils ont connaissance d’affaires.
La FFF effectue aujourd’hui un travail en ce sens mais il est quand même très étonnant qu’il n’y ait pas de signalement automatique dès lors que des éléments sont rapportés.
M. Philippe Diallo. C’est bien parce que nous partageons ce constat que je défends une approche différente, pour établir une systématisation. Nous avons lu des articles de presse, nous avons vu certains cas, et nous essayons d’y apporter des réponses. Ce n’est pas forcément simple. La confusion parfois entre déconcentration et décentralisation dans le rapport de la Fédération avec ses organes déconcentrés n’est pas la seule difficulté. Il y en a d’autres, telles la fragilité des bases juridiques sur lesquelles nous pouvons fonder nos interventions. Malgré tout, nous prenons le risque de condamnations judiciaires. Nous sommes dans une dynamique d’engagement.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Jusqu’à présent, les dirigeants, ou en tout cas les personnes concernées, n’étaient-elles pas formées précisément à ces questions ? Ne leur était-il pas expliqué que lorsqu’elles avaient connaissance de faits, il fallait logiquement déclencher une enquête interne, ou au moins le signaler ?
M. Philippe Diallo. Des actions de sensibilisation sont menées auprès des encadrants et auprès des centres de formation. Plusieurs programmes sont déjà à l’œuvre.
Notre objectif est de déployer et de renforcer ces dispositifs. Il ne s’agit pas que seule la Fédération agisse, au niveau de son centre de formation et de Clairefontaine. Tout doit se déployer dans les territoires. C’est pourquoi nous nourrissons l’ambition de former 100 % des 35 000 encadrants, en insérant des modules spécifiques dans les préparations des diplômes. Nous voulons également sensibiliser 75 % de nos licenciés à ces questions dans les trois ans. Nous nous y sommes engagés et nous mettrons en œuvre les moyens nécessaires pour y parvenir dans les semaines et les mois qui viennent.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Parfois, des personnes viennent de l’étranger pour entraîner, pour former. Comment se passent les contrôles ? Existe-t-il des relations spécifiques avec certains pays pour vérifier le passé des personnes concernées ? Je sais que c’est le cas dans certaines disciplines.
M. Jean-François Vilotte. Oui. La régulation de la profession réglementée d’éducateur prévoit la reconnaissance de diplômes étrangers, européens notamment. La possession de chaque diplôme entraîne des prérogatives, et des équivalences sont prévues pour les diplômes internationaux. Mais encore une fois, il s’agit d’une compétence de l’État.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce qu’il n’existe, au niveau de la Fédération ou des clubs, aucun dispositif permettant de vérifier la situation des personnes qui viennent y travailler, comme le contrôle d’honorabilité ?
M. Jean-François Vilotte. Dans tous les cas, nous devons vérifier qu’un éducateur qui encadre contre rémunération y est effectivement autorisé. Il doit avoir un diplôme qui le lui permet en droit français et être titulaire de la carte professionnelle, mais la question de la reconnaissance des diplômes est une compétence régalienne.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je n’évoquais pas forcément la question des diplômes, plutôt celle du casier judiciaire par exemple, celle du passif de la personne. Avez-vous la possibilité de savoir si elle est signalée quelque part ?
M. Jean-François Vilotte. C’est la question des informations contenues dans le fichier. Nous rapprochons le fichier des personnes que nous contrôlons avec les informations du Fijaisv. Si ce dernier ne contient pas les condamnations prononcées à l’étranger, le contrôle est négatif.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’en viens à votre prédécesseur. Plusieurs témoignages relatent des messages sexistes transmis à des personnes au sein de la Fédération. À quel moment en avez-vous eu connaissance ?
M. Philippe Diallo. J’en ai eu connaissance par un article de journal qui doit dater de septembre 2022. Vous savez qu’une procédure judiciaire est en cours, je dois donc garder une certaine réserve sur ce point.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous-même, vous est-il déjà arrivé de déclencher des procédures au titre de l’article 40 ?
M. Philippe Diallo. Absolument. Sous réserve de vérification, je pense que nous avons procédé à une dizaine de signalements article 40 entre 2022 et 2023.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous préciser quels types de faits étaient en cause ?
M. Philippe Diallo. Il s’agissait essentiellement de faits de violences sexuelles et sexistes.
M. Jean-François Vilotte. Il a également pu s’agir de fautes de gestion susceptibles de constituer des infractions pénales. Par ailleurs, la Fédération a également signalé au parquet des faits qui ne l’avaient pas été par l’organisation territoriale qui aurait dû le faire.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La commission a reçu M. Marc Sauvourel, réalisateur du film documentaire Je ne suis pas un singe, consacré au racisme dans le football. Il a estimé que les personnes de couleur représentaient 50 % des pratiquants du football, contre 5 % des entraîneurs et des dirigeants. Est-ce que cette estimation vous paraît juste encore aujourd’hui ? Est-ce qu’elle s’explique, selon ses mots, par des « préjugés [voulant] que les joueurs noirs soient athlétiques et puissants et les joueurs blancs intelligents » ?
M. Philippe Diallo. En tant que président de la première fédération française, j’espère incarner une autre vision. Plus sérieusement, c’est évidemment un point de réflexion. C’est pourquoi je me suis rapproché d’experts et d’associations qui mènent des programmes relatifs à la diversité.
Je ne dispose pas de pourcentages, puisque notre pays n’autorise pas les quotas ou les statistiques mais, en tout état de cause, le problème est identifié et nous souhaitons pouvoir agir pour le résoudre. L’évolution naturelle de notre discipline va dans ce sens.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il a été rapporté à la commission d’enquête que de nombreux joueurs étaient victimes de violences racistes mais qu’ils ne souhaitaient pas porter plainte par crainte de nuire à leur carrière ou à leur club, ou de passer pour une victime. Avez-vous perçu des éléments en ce sens ? Comment la FFF accompagne-t-elle les victimes de discrimination ? Je pense notamment à certains joueurs qui subissent des cris de singe au moment des événements sportifs.
Certaines fédérations ont instauré un accompagnement juridique avec des avocats ou se portent systématiquement partie civile aux côtés des victimes. La FFF a-t-elle mis en place des dispositifs de cette nature ?
M. Philippe Diallo. Ce sont effectivement des dispositifs que nous déployons. Nous avons déjà évoqué France victimes ; la Fédération a également souhaité se constituer systématiquement partie civile dans les procédures engagées.
S’agissant de la remontée que vous évoquez, elle est plus difficile à appréhender dès lors que les joueurs ne souhaitent pas ou ne peuvent pas témoigner. Bien évidemment, nous sommes vigilants.
Concernant les fameux cris de singe, j’ai déjà pris position publiquement pour dire qu’il existait des procédures permettant aux arbitres d’interrompre des matchs ou de les suspendre temporairement. J’ai d’ailleurs reçu il y a quelques jours un très jeune arbitre qui a eu le courage d’interrompre un match amateur parce que des cris de singe et des violences étaient survenus lors d’une rencontre. J’ai tenu à le soutenir et à le féliciter. Les conditions sont évidemment plus difficiles dans le haut niveau, parce qu’il y a des questions de programmation et de calendrier, mais j’ai pris position à ce sujet.
M. Jean-François Vilotte. J’ajoute que M. Philippe Diallo a demandé que la Fédération se constitue systématiquement partie civile quand une plainte pénale est déposée, notamment par un club, pour assister les victimes et, le cas échéant, l’auteur de la plainte.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Les personnes victimes de propos racistes ou de discriminations en parlent parfois, mais elles n’osent pas porter plainte de peur que cela nuise à leur carrière professionnelle.
Pouvez-vous porter plainte à leur place, vous constituer partie civile, ou les accompagner pour qu’il leur soit plus facile de porter plainte, sans craindre des représailles ?
M. Jean-François Vilotte. C’est l’esprit du partenariat avec France victimes ; nous communiquerons davantage à ce sujet. Ce partenariat avec un acteur associatif indépendant de la Fédération et des autorités publiques devrait faciliter l’expression des victimes.
Si les victimes craignent de pâtir du dépôt de plainte ou de la remontée d’informations, elles ne se confieront pas. Il faut un tiers lieu, neutre et légitime aux yeux des victimes.
S’agissant de l’observatoire des comportements, nous souhaitons que les faits de violence, y compris raciste et homophobe, soient systématiquement reportés dans les feuilles de match des arbitres. Nous voulons également que l’observatoire travaille avec une granularité suffisante pour caractériser les faits de violence. Aujourd’hui, la caractérisation est insuffisante.
M. Philippe Diallo. Les plans engagés et la publicité que j’essaie de leur donner doivent offrir à ceux qui sont seuls et inquiets le sentiment qu’ils sont dans une fédération capable de les accompagner et de les soutenir.
Nous enclenchons un mécanisme grâce auquel les victimes pourront se sentir moins seules. C’est en tout cas la dynamique que nous essayons d’impulser.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. L’article 4-2 du contrat de délégation de service public relève que les violences verbales ou physiques se multiplient contre les arbitres et les joueurs, et entre les supporters. Il prévoit que « la Fédération s’engage à mettre en place les mesures de nature à prévenir ces dérives, le cas échéant, en associant autant que possible les associations de supporters agréées à leur élaboration et leur mise en œuvre ». Or nous avons auditionné des membres du bureau de l’Association nationale des supporters (ANS) ; ils nous ont indiqué que les relations avec la FFF étaient inexistantes. Est-ce que vous pouvez nous le confirmer ? Pourquoi les relations semblent-elles difficiles avec l’ANS ?
M. Jean-François Vilotte. La Fédération n’est plus présente dans cette structure de l’ANS et c’est un tort. Eu égard à ses responsabilités, la Ligue de football professionnel (LFP) y a sa place, mais cela n’épuise pas le sujet. Nous y remédierons pour occuper toute notre place au sein de cette commission qui permet un travail avec les associations de supporters. Par ailleurs, le président a signé récemment un engagement avec la ministre des sports et la LFP.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourquoi la FFF n’y est-elle plus présente ?
M. Jean-François Vilotte. Elle en est absente depuis de nombreuses années, ce n’est pas récent. Je crois qu’en réalité, elle a laissé sa place à la Ligue de football professionnel en pensant que cela épuisait le sujet du supporterisme. De notre point de vue, cela n’est pas le cas.
M. Philippe Diallo. Ce comité a peut-être besoin d’être redynamisé. Je pense qu’une réflexion est en cours pour renforcer le dialogue avec les supporters.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourquoi les relations entre la FFF et l’ANS sont-elles complètement rompues ? Apparemment, il n’y a plus de rendez-vous, plus de rencontres.
M. Jean-François Vilotte. Encore une fois, nous évoquons des décisions auxquelles ni le président ni moi-même n’avons été associés.
Je pense qu’à tort, la Fédération a considéré que cette question du supporterisme ne la concernait pas et qu’elle a laissé ce champ des relations avec l’ANS à la Ligue de football professionnel. C’est une erreur ; nous devons réinvestir ce champ.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous avons auditionné d’autres personnes sur le football et nous sommes revenus sur la fameuse réunion dite des quotas. Il est ressorti des échanges qu’il existait des réunions où se tenaient des propos racistes et discriminants. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?
M. Philippe Diallo. Cette réunion dite des quotas date quand même d’un peu plus de dix ans. Quoi qu’il en soit, vous aurez compris que nous ne sommes pas du tout dans cet état d’esprit. Ce n’est pas parce qu’on est noir qu’on est grand et costaud, ni parce qu’on est blanc qu’on est technicien. Nos techniciens, la direction technique nationale actuelle, ne partagent pas du tout cet état d’esprit.
Au contraire, le sport est un domaine où le mérite sportif et les qualités individuelles constituent un ascenseur social. De ce point de vue, le sport est plus exemplaire que bien d’autres secteurs de la société où les ascenseurs sociaux sont bloqués.
Notre idée fondamentale, mon idée fondamentale, c’est d’ouvrir la Fédération sur la société. Nous avons une mission, qui est sportive, et un devoir de performance dans ce domaine.
Notre deuxième ambition est économique. Il n’y a pas de sport sans économie. Le budget de la Fédération se monte à 280 millions d’euros, dont moins de 1 million de subventions publiques directes. Il est donc d’autant plus nécessaire de trouver des ressources économiques pour développer la discipline que la Fédération doit également participer au déploiement de politiques publiques.
Notre troisième objectif est l’ouverture sur la société.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Même si cette affaire a dix ans, elle n’a pas empêché M. Laurent Blanc d’être conforté. Il n’a pas été sanctionné et le sentiment demeure qu’elle a été enterrée. La seule personne à avoir été sanctionnée est celle qui en a parlé à l’extérieur.
Il est donc légitime de s’interroger sur le traitement des affaires de discrimination et de racisme, qui ont pendant longtemps été complètement mises sous le tapis.
M. Philippe Diallo. Je suis solidaire du football, mais je ne peux être comptable de tout. Je ne peux que m’engager sur ce que nous faisons aujourd’hui et surtout sur ce que nous ferons demain. En ce qui me concerne, je souhaite que de telles attitudes ne se reproduisent pas. Je peux m’y engager, mais je ne peux pas être comptable du passé, ni de l’intégralité de l’histoire de la Fédération française de football.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci. Selon vous, le ministère des sports a-t-il les moyens d’exercer sa mission de tutelle sur les fédérations ?
M. Philippe Diallo. Pourriez-vous préciser votre question ?
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je pense aux moyens humains, financiers, voire réglementaires. Selon vous, le ministère des sports dispose-t-il des dispositifs et des moyens nécessaires pour exercer son contrôle et sa tutelle sur les fédérations ?
M. Philippe Diallo. En ce qui nous concerne, je pense que le contrôle que peut exercer le ministère sur notre fédération est suffisant et que ses moyens sont suffisants.
En l’espace de quelques mois, nous avons été contrôlés par l’IGÉSR, l’Agence française anticorruption (AFA), la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et les administrations fiscale et sociale. Les administrations publiques et les agences indépendantes sont en mesure de vérifier l’intégralité de notre gestion.
M. Jean-François Vilotte. On parle beaucoup de tutelle quand il faudrait désormais parler de contrôle, suivant l’évolution législative récente.
Plus important, on parle beaucoup de délégations de service public. Il serait opportun de réfléchir à ce qu’est le service public délégué aux fédérations sportives. En droit positif, à part le contrat de délégation qui crée un cadre de dialogue avec l’État récent et spécifique, le service public délégué est l’organisation des compétitions sportives officielles.
Cela n’épuise évidemment pas le sujet du service public dont les fédérations sont responsables.
Nous avons la conviction que tout l’engagement sociétal que nous avons évoqué est au cœur du service public. Or, il ne l’est pas sur le plan juridique. Je pense donc qu’une réflexion est nécessaire pour redéfinir le service public – pas simplement le service public auquel participent les fédérations agréées, mais celui confié aux fédérations délégataires. Malheureusement, cette question, centrale, est absente des débats politiques.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je partage totalement la dernière réflexion sur le service public et la nécessité de se réapproprier le débat sur ce qu’est le service public du sport dans notre pays.
M. Philippe Diallo. Comme je l’ai dit, au-delà de l’organisation des compétitions, nous participons à certaines politiques publiques. C’est ce cadre que nous devons interroger avec notre ministère pour savoir dans quelle mesure nous en sommes responsables, avec quels objectifs, quels moyens, et dans le cadre de quelles relations juridiques avec le ministère.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci à vous deux. Nous vous recontacterons peut-être pour vous demander des informations complémentaires ou des documents, afin de préciser vos propos.
La séance s’achève à treize heures.
Présents. – M. Stéphane Buchou, Mme Sabrina Sebaihi
Excusée. – Mme Claudia Rouaux