Compte rendu
Mission d’information
de la conférence des présidents
sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable
– Audition de Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires et M. Christophe Canu, directeur des études économiques et financières 2
Mercredi
11 octobre 2023
Séance de 14 heures
Compte rendu n° 03
2023-2024
Présidence de
M. Stéphane Peu,
Président
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La mission d’information de la conférence des présidents sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable a auditionné Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires et M. Christophe Canu, directeur des études économiques et financières.
M. le président Stéphane Peu. La présente mission d’information résulte d’une initiative du président du groupe Modem, acceptée par la présidente de l’Assemblée nationale. Alors qu’une loi-cadre sur le logement, comportant un volet relatif à la décentralisation, est annoncée pour le premier semestre 2024, notre rapport visera à éclairer la réflexion du Gouvernement et de l’Assemblée nationale sur ce futur projet de loi. Notre objectif est d’essayer d’analyser la crise immobilière et sociale que nous traversons, crise de l’offre mais aussi de la mobilité qui se décline de multiples manières et appelle des réponses également multiples.
M. Mickaël Cosson, rapporteur. L’objectif du rapport que nous préparons n’est pas de tenir compagnie à ceux qui peuplent déjà les placards, mais de fournir des outils qui permettront de relancer la production de logements neufs, répondre aux besoins du territoire et lever les freins à l’accès au logement à toutes les étapes de la vie. Les étudiants, comme les actifs et les seniors, rencontrent aujourd’hui des difficultés et il faut agir de sorte que l’offre de logements soit suffisante à chacune des étapes de la vie et que le parcours résidentiel soit simplifié – ce qui suppose de lever de multiples contraintes. Le constat est partagé et connu de tous : il s’agit dorénavant de construire des outils fonctionnels.
Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH). Il n’existe pas tant de rapports que cela sur le logement, hormis sur quelques sujets particuliers, et aucune mission d’information comparable à la vôtre n’a été menée depuis plusieurs années : le rapport Goldberg de 2016 reste une mine de propositions pour tous les enjeux fonciers ; les rapports parlementaires sur l’application et l’évaluation de la loi Alur contiennent également plusieurs pistes d’amélioration ; de nombreuses contributions ont été produites pour le Conseil national de la refondation et il me semblerait intéressant, à ce titre, que vous ayez accès à l’intégralité des propositions déposées.
Vos travaux s’engagent à l’heure d’une crise multiple qui affecte l’accès au logement social, l’accès au logement locatif privé et l’accession au logement, de manière plus générale. La durée de cette crise et ses conséquences sont à ce jour inconnues. Cette crise n’est pas une surprise, car des alertes ont été lancées depuis plusieurs années et il a seulement fallu que les taux d’intérêt remontent pour qu’elle se matérialise.
Mon expérience en matière de logement social m’a appris qu’il fallait de nombreuses années pour mettre en place une politique du logement qui soit cohérente et produise des effets positifs ; en revanche, une politique qui fonctionne peut s’enrayer très rapidement à cause d’un petit nombre de mesures. Dans le domaine du logement social, la crise de 2008 n’avait pas épargné le secteur ; une autre crise s’est produite autour de 2012-2013, entraînant d’importantes difficultés de production ; nous avons ensuite connu une embellie entre 2015 et 2018, puis une nouvelle dégradation brutale.
Je suis inquiète que plusieurs textes législatifs portant sur le logement soient annoncés, susceptibles de remettre en cause des pans de notre législation et dont les nouveaux outils pourraient être difficiles à comprendre et manipuler. Nous n’avons pas encore « digéré » l’arrivée de la loi Elan que d’autres textes sont annoncés, concernant également le logement privé.
A l’époque où j’étais ministre en charge du logement, j’ai malheureusement connu les difficultés de mise en œuvre des quelque deux cents décrets d’application de la loi Alur ; j’ignore même si nous avons été au terme du processus. Une partie des nombreux textes de loi votés au cours des dix dernières années n’a pas été mise en application, notamment parce que la rédaction des décrets d’application n’avait pas été anticipée. Nous avions même eu parfois des difficultés à savoir ce qu’il fallait mettre en œuvre…
Par ailleurs, je ne pense pas qu’il faille se contenter d’évoquer les compétences et les objectifs politiques et je crois que nous devons également débattre du financement de la politique du logement et de son efficacité : qui finance, comment et pour quels résultats ? Sans une politique d’accompagnement financier forte, la rénovation des logements sera difficile à mettre en œuvre et cette observation vaut dans de nombreux domaines liés au logement. Il me semble donc difficile de dissocier l’examen d’un projet de loi sur le logement des dispositions votées parallèlement en loi de finances : un ministre en charge des comptes publics me disait que la question du logement ne se résoudrait pas en loi de finances ; c’est certes vrai, mais il est vrai aussi qu’un projet de loi de finances inadapté peut annihiler l’efficacité d’une politique du logement.
La première difficulté que nous devons affronter est celle de la cherté du logement en France, de manière générale. En outre, la répartition géographique de l’offre ne correspond pas forcément aux besoins. Parfois, c’est la nature des logements disponibles qui ne correspond pas aux besoins : par exemple, de nombreux logements de trois et quatre pièces sont proposés, alors que la demande se concentre aujourd’hui autour des studios et des deux-pièces, tous secteurs confondus. Le logement reste cher dans le locatif comme dans l’accession, une problématique qui se renforce encore avec l’augmentation des taux d’intérêt. Dans le logement social, les loyers apparaissent relativement élevés et ce, même si beaucoup de ménages bénéficient de l’APL.
Je vous renvoie aux travaux du CNR qui montrent que la très forte augmentation du coût du foncier ces vingt dernières années, et plus encore ces dix dernières années, a contribué à ce que les prix du logement restent élevés. L’augmentation des coûts liée aux normes de construction et l’augmentation des coûts des matières premières ont été documentées, un observatoire ayant d’ailleurs été créé au sein du ministère de l’Économie sur cette question ; ces enjeux peuvent être maîtrisés sur une durée de deux à trois ans. En revanche, l’augmentation continue des prix du foncier est une difficulté qui demeure et qui nécessite, de mon point de vue, une réflexion sur la régulation des prix et les régimes de taxation des plus-values. L’État a investi dans des établissements publics fonciers – aujourd’hui, presque toutes les régions en sont dotées – et des établissements fonciers locaux ont également été créés, ainsi que des établissements publics d’aménagement. Ces établissements sont censés contribuer à la maîtrise des prix, mais nous devons nous interroger sur leur capacité à contenir la surenchère foncière. Entre-temps, la taxe d’habitation a été réformée, ce qui soulève des questions. On attend parfois de ces établissements qu’ils dégagent des résultats, alors que l’objectif n’est pas qu’ils participent à la surenchère.
Par ailleurs et pour l’avoir expérimentée, je pense que la politique nationale de décote du foncier de l’État et de ses établissements pour des projets d’intérêt général (logements sociaux, services publics) a été très utile pendant les années où elle a été menée. Bien entendu, l’État n’a pas gagné autant que sur un marché spéculatif, mais cela a permis de produire plusieurs dizaines de milliers de logements. Nous devons faire en sorte que cette politique soit menée et qu’elle soit validée par le conseil immobilier de Bercy. J’ai bien lu les critiques de la Cour des comptes sur ce sujet, mais je pense que le fait d’avoir pu construire des logements avec ce système de décote a permis de réaliser des économies ou des gains au niveau des APL, des conséquences du surpeuplement des logements, de la prévention de l’échec scolaire, etc.
Le nombre de demandeurs de logement social n’a jamais été aussi élevé : 2,4 millions de ménages demandeurs. Parmi eux, on trouve 700 000 demandes dans le cadre d’une mobilité, c’est-à-dire que des attributaires de logement social souhaitent accéder à un logement plus grand ou plus petit – de mémoire, environ un tiers d’entre eux souhaitent accéder à un logement plus grand. Le problème est que nous avons très peu de logements disponibles et que 1,65 million de ménages attend un logement social. Ce nombre n’a jamais été aussi élevé, il est en augmentation constante depuis trois ans et il s’est accru de 20 % au cours des huit à dix dernières années.
Les demandeurs de logement sont en moyenne plus pauvres que la population générale. Il s’agit souvent de personnes seules ou de familles monoparentales avec un enfant. Beaucoup sont actifs.
Jusqu’au déclenchement de la pandémie, le nombre d’attributions de logement social avait eu tendance à augmenter, pour atteindre un rythme maximal de 420 000 par an ; nous devrions nous situer aux alentours de 350 000 attributions cette année.
Autre fait notable : la demande de logements HLM a augmenté dans toutes les régions, y compris dans celles où la situation était considérée comme « détendue ». Le nombre de demandes a crû en moyenne de 7 % en 2022, dans une fourchette comprise entre + 5 % et + 11 %. En Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, où la tension est modérée, le taux de croissance est tout de même de 5 %. Les territoires très attractifs en matière d’emploi sont extrêmement sollicités : la Bretagne, les Hauts-de-France, les Pays de la Loire s’ajoutent ainsi aux régions les plus tendues que sont l’Île-de-France, Auvergne – Rhône-Alpes (surtout Rhône-Alpes) et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Comme moins de logements sont disponibles ou accessibles dans le parc privé, davantage de personnes se tournent vers nous. Les demandeurs sont souvent des ménages actifs, avec un ou deux enfants et des parents de trente à quarante-cinq ans. Beaucoup de demandeurs effectuent leur première demande de HLM vers soixante ans, en anticipation de leur départ en retraite : ils ont déjà anticipé qu’ils ne pourront pas rester dans leur logement actuel, du fait d’un loyer qui sera devenu trop élevé pour eux ; ce phénomène a toujours existé, mais il était beaucoup moins répandu. Enfin, les demandes portent majoritairement sur de petits appartements, avec beaucoup de personnes seules ou de familles monoparentales avec un enfant. Chez les demandeurs comme chez les quelque onze millions de locataires HLM, les familles monoparentales sont prépondérantes et largement surreprésentées par rapport à la population générale.
Simultanément, la production n’a jamais été aussi faible. J’espère que les prévisions communiquées par le ministre chargé du logement seront démenties, mais il semblerait que nous ne « produisions » (agréments hors reconstruction Anru) qu’environ 85 000 logements en 2023 (contre 95 000 attendus). Si cette prévision était confirmée, ce serait la plus mauvaise année en termes de production depuis 2005, qui était déjà une très mauvaise année. Ces vingt dernières années, la production a oscillé entre 100 000 et 120 000 logements par an ; l’année de la covid-19 a été marquée par un fort ralentissement, puis nous sommes revenus à 95 000 logements l’année dernière. Quant aux mises en chantier, elles oscillent historiquement entre 80 000 et 90 000 par an, mais en 2022, ce nombre a plongé à 66 000 – voire 60 000.
Nous sommes donc confrontés à une baisse de la production, si bien que moins de nouveaux programmes sont proposés aux locataires. Les réponses favorables aux demandes de HLM sont moins nombreuses et, simultanément, ces demandes sont plus nombreuses. Nous nous retrouvons ainsi dans une impasse, puisque la vocation d’un bailleur social est bien de répondre à la demande de logements.
Quels leviers pouvons-nous actionner ? Si nous voulons pouvoir rénover et produire au rythme demandé par l’État, des moyens financiers pérennes et lisibles doivent être déployés. Nous avons besoin de pouvoir construire des stratégies pluriannuelles et non pas subir des à-coups à chaque loi de finances. Je vous renvoie au scénario de la Banque des territoires : sur la base d’un financement analogue à celui de 2023, nous serions en capacité de rénover seulement 100 000 logements par an et d’en produire 70 000, puis 66 000. Or l’État estime qu’il serait nécessaire de produire 110 000 logements par an – nous pensons qu’il faudrait même en produire un peu plus. En termes de rénovation, aucun objectif quantifié n’a été fixé par l’État mais nous estimons que pour pouvoir « tenir » la stratégie bas-carbone aux horizons de 2034 et, surtout, de 2050, il faudrait passer de 120 000 à 150 000 rénovations par an – en gardant à l’esprit que les deux-tiers seulement des rénovations actuelles permettent d’obtenir un reclassement des logements vers les catégories « bas-carbone » (étiquette A ou B).
Pour faire sauter certains verrous, nous avons besoin d’une visibilité financière qui nous protège des à-coups économiques. Je pense notamment au niveau des taux d’intérêt. Les mesures prises en 2018 (réduction du loyer de solidarité, regroupements, etc.) ont été jugées à l’époque indolores par les décisionnaires, mais le taux d’intérêt était alors de 0,5 %. Aujourd’hui, il est monté à 3 % et, sans une action déterminée de la Première ministre, il atteindrait même 4 %. Chaque fois que le taux du livret A augmente d’un point, cela représente de 1,4 à 1,6 milliard d’euros de dépenses supplémentaires pendant l’année. Nous avons donc vécu un bouleversement considérable ces deux dernières années : le taux du livret A est passé de 0,5 % à 1 %, 2 % puis 3 % ; nous savons qu’il va rester à 3 % pendant dix-huit mois, ce qui nous offre une certaine visibilité, mais ce niveau est considérable. En 2023 et en 2024, les bailleurs sociaux vont donc consacrer une bonne partie de leurs recettes à payer davantage de charges financières ; il faudra régler ce problème avant d’espérer pouvoir produire plus de logements. Je ne minimise pas l’effort du Gouvernement, qui nous a entendus sur ce sujet, mais je dois dire aussi que la réduction du loyer de solidarité (RLS), qui avait été décidée dans un contexte de taux particulièrement faibles, est maintenue alors que le taux d’intérêt a été multiplié par six. Il est incompréhensible qu’il soit impossible de rediscuter de la RLS, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, et que chaque fois que des parlementaires ont voulu rouvrir le débat, ils se soient vus opposer les dispositions de l’article 40 de la Constitution. J’insiste donc sur le fait que les bailleurs sociaux donnent 1,3 milliard d’euros à l’État, c'est-à-dire des sommes qui ne sont pas investies dans le secteur du logement social : il me semble que ce serait un levier considérable s’ils pouvaient en conserver l’usage.
Le deuxième levier a un impact financier plus limité : il s’agit de la manière dont les taux de TVA sont utilisés dans le cadre du logement – et pas seulement du logement social. Il fut un temps où le taux de TVA était de 5,5 % pour tous les « produits » du logement social. Le taux est ensuite passé à 20 %, puis retombé à 10 % dans certains cas. Actuellement, le logement très social bénéficie d’un taux de TVA réduit à 5,5 %, tandis que les autres produits sont taxés à 10 %. Je ne comprends pas pourquoi le taux unique n’est plus de 5,5 % pour l’ensemble du logement social, ce qui permettait de réduire le coût du logement.
S’agissant de l’accession à la propriété, un taux de TVA réduit s’applique à l’ensemble des programmes situés à moins de cinq cents mètres des quartiers « Politique de la ville » – cette mesure a été voulue pour stimuler la production privée dans des quartiers qui avaient besoin de mixité sociale. Il en va de même pour l’accession sociale à la propriété et pour le bail réel solidaire. Sans cette TVA à taux réduit, nous ne serions pas capables de mener des opérations en accession sociale : nous cherchons à faciliter l’achat de logements par des ménages qui n’ont pas des revenus élevés et le taux de TVA a donc un effet considérable.
Le troisième levier est lié au fait qu’une partie des objectifs est déjà territorialisée avec les délégataires de l’aide à la pierre et débattue dans les comités régionaux de l’habitat, placés sous l’égide du préfet. L’une des questions qu’il s’agira de traiter dans le projet de loi qui est annoncé sera celle de la détermination de la position de l’État sur les besoins en logement, en général, et en logement social, en particulier – et dans le terme « logement social », j’englobe les logements pour les étudiants, ceux pour les familles et ceux pour le secteur accompagné. Nous construisons des logements permettant à des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans de vivre en toute autonomie, d’avoir accès à un ensemble de services et surtout de bénéficier d’un loyer modéré ; des promoteurs privés proposent également des résidences adaptées aux seniors – une offre de qualité, d’ailleurs – mais avec des loyers différents. Je pense également aux résidences pour jeunes actifs et aux pensions de famille, qui permettent de trouver des solutions d’hébergement d’urgence aux personnes qui vivent dans la rue, etc. Les logements accompagnés représentent plus de 350 000 logements, ce qui est considérable, et beaucoup de territoires souhaitent que nous développions cette offre, au-delà des logements familiaux classiques. J’ai aujourd’hui du mal à savoir ce que l’on attend de nous. Il existe plusieurs statuts dans le logement social, mais tous ses acteurs, soutenus économiquement par la Caisse des dépôts et consignations, par des taux de TVA réduits et des subventions de l’État, ont besoin que ce dernier incarne une vision pour le logement social. Nous regrettons d’être aujourd’hui les seuls à essayer de construire une telle vision d’ensemble.
Les acteurs du logement social ne seront pas capables, seuls, de répondre l’ensemble des besoins. En outre, leurs difficultés se répercutent sur les autres secteurs. Le secteur des promoteurs privés, aujourd’hui en très grande difficulté, a toujours été habitué à ce que les bailleurs sociaux soient présents pour soutenir des programmes immobiliers, les racheter et les transformer en logements sociaux dans les périodes où le marché privé n’était plus capable d’absorber la production. Or nous sommes actuellement dans l’incapacité de le faire. L’État a demandé à CDC Habitat et à Action Logement de reprendre quelques dizaines de milliers de logements, mais cela ne suffira pas à surmonter les difficultés des promoteurs privés. Si l’un des secteurs du logement se trouve affaibli, l’autre en pâtit également et ce, d’autant plus que le secteur social représente une part importante de la production annuelle de logements.
Il faut également se demander pourquoi autant de ménages s’adressent à nous actuellement en dépit du délai d’attente. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : la modération des loyers et leur encadrement fixé par la loi en fonction des revenus, la faiblesse des salaires – notamment, ceux des travailleurs essentiels – et la qualité du logement social. On nous demande aujourd’hui de loger en priorité les travailleurs essentiels, qui sont éligibles au prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), c'est-à-dire le logement très social, et au prêt locatif à usage sociale (PLUS), c’est-à-dire le niveau immédiatement supérieur. Les salaires de ces travailleurs sont assez peu élevés et, surtout, ils évoluent peu dans la durée, ce qui se répercute sur leur capacité à accéder à la propriété dans le parc privé. Quant à la qualité des logements, n’oublions pas que, pendant la crise sanitaire, une grande partie des bailleurs sociaux a téléphoné à chaque locataire pour s’enquérir de sa santé et de ses besoins : nous avons gardé nos agences ouvertes, nous avons organisé des distributions alimentaires, nous nous sommes occupés de personnes gravement malades qui avaient besoin d’assistance. Nous avons des travailleurs sociaux, des accompagnateurs à l’innovation sociale, de la présence avec la gestion urbaine de proximité – sans même parler des sujets de sécurité.
Nous allons tenir les engagements de réhabilitation fixés par l’État. Ce sera difficile à réaliser dans les délais, mais il faut le faire car nous le devons à nos locataires. C’est aussi parce que nous avons des objectifs à atteindre que nous vous demandons souvent des moyens financiers.
M. le président Stéphane Peu. De manière générale, je préfère raisonner en termes de mises en chantier ou de livraisons plutôt qu’en agréments. Les deux approches sont naturellement intéressantes, mais les entrées sur le marché correspondent avant tout aux mises en chantier et même si l’écart entre les agréments et les mises en chantier est sans doute aujourd’hui plus faible qu’il ne l’a été à d’autres périodes. Si l’on considère la production annuelle de logements sociaux et que l’on en retire les logements démolis – dans le cadre de rénovations Anru, entre autres – et les logements vendus – la vente de logements HLM a toujours existé, mais la loi Elan en a fait une « doctrine » –, quel solde net obtient-on ? En d’autres termes, quel est le nombre de logements sociaux supplémentaires proposés chaque année aux ménages ?
Incidemment, j’ai du mal à comprendre pourquoi l’article 40 peut être opposé à un nouveau débat sur la RLS, dès lors que, originellement, la RLS devait être une mesure provisoire : les députés n’ont jamais adopté le principe d’une mesure définitive, la RLS a été votée pour trois ans avec une clause de revoyure. Cette mesure a donc vocation à pouvoir être revisitée quand c’est nécessaire.
Seconde question : quel regard l’USH porte-t-elle, à ce stade, sur les projets de décentralisation de la politique du logement ? Nous avons rencontré la Fédération française du bâtiment et la Capeb. On pourrait penser que les artisans sont, par vocation, proches des territoires et, pourtant, ils ont manifesté de l’inquiétude à propos d’une telle décentralisation de la politique du logement.
Mme Emmanuelle Cosse. En 2022, nous avons recensé 96 000 agréments pour le logement social et 88 000 mises en chantier : les deux indicateurs ne sont pas identiques, puisque les mises en chantier sont légèrement décalées. Depuis 2010, les mises en chantier ont dépassé le seuil des cent mille logements à plusieurs reprises : ce nombre de 88 000 est donc bas et nous nous attendons à une nouvelle baisse en 2023 ; il est à rapprocher des 370 000 mises en chantier enregistrées en 2022, toutes catégories de logements confondues.
L’année dernière, 11 834 logements HLM ont été vendus et nous avons produit 16 300 logements neufs en accession sociale.
M. Christophe Canu, directeur des études économiques et financières (USH). Comme nous démolissons entre dix et quinze mille logements par an, le solde net est donc de l’ordre de cinquante mille par an.
Mme Emmanuelle Cosse. Nous avons réalisé une étude sur les besoins en logement dans le cadre du congrès HLM, qui s’appuie sur les besoins recensés par les établissements publics de coopération intercommunale : prenant en considération les enjeux de la vacance des logements, du mal-logement, de l’adaptation des logements aux nouvelles caractéristiques des ménages, etc., cette étude estime que nous avons besoin de pouvoir « mettre sur le marché » – donc, pas nécessairement de construire – 518 000 logements par an d’ici 2040 et 198 000 logements sociaux. Ce second chiffre a été calculé en consolidant les besoins exprimés à l’échelle des EPCI, sur la base des PLH notamment. Nous ne nous attentions pas à un tel chiffre : nous avons réalisé des contrôles de cohérence sur les territoires et nous nous sommes aperçus que les besoins sont beaucoup plus élevés que nous ne le pensions. Notre analyse est notamment que la captation du marché par les résidences secondaires et l’augmentation de la vacance des logements ont provoqué une augmentation du besoin de mise à disposition de nouveaux logements sur le marché.
L’Union sociale pour l’habitat est une confédération composée de cinq fédérations, dont l’une, la Fédération des offices HLM, est placée sous la gouvernance des collectivités territoriales. Cette fédération est depuis longtemps favorable à la décentralisation de la politique du logement et elle a d’ailleurs été très active dans les discussions sur les amendements au projet de loi dit « 3DS ». Pour ce qui concerne l’USH, j’ai toujours considéré qu’il n’appartenait pas à l’opérateur que nous sommes d’avoir un point de vue tranché sur la décentralisation, que ce sujet relevait prioritairement des élus locaux et que nous pouvions seulement apporter le regard qui nous est propre. La difficulté vient de ce que nous parlons de décentralisation au moment d’une crise, ce qui est assez troublant : l’objet de cette décentralisation est-il de gagner en efficacité ou bien est-ce un moyen, pour l’État, de se délester de son fardeau sur les collectivités territoriales ? Je m’exprime en termes assez directs, mais c’est ainsi que je perçois la discussion. Les collectivités sont aujourd’hui très impliquées dans la politique du logement et dans l’aménagement et, en complément des aides nationales, elles consacrent une part importante de leurs budgets à ces questions. Inversement, certaines collectivités sont en carence sur ces mêmes sujets, parfois depuis vingt ans et pas seulement au titre des dispositions de la loi SRU. En tant qu’opérateur, notre souhait est que, dans le cadre d’une politique décentralisée, l’État apporte une cohésion et une égalité territoriales et qu’il assure ainsi une régulation pour l’ensemble des citoyens.
Face à un sujet aussi complexe que l’accès à un logement, ma crainte est que les élus locaux – en particulier, les maires – se retrouvent seuls et démunis face aux besoins : pour avoir vécu des situations locales, je connais les enjeux que soulèvent un programme de rénovation urbaine ou le caractère inadapté des logements vis-à-vis du vieillissement. Les communes sont déjà extrêmement sollicitées et ont parfois de grandes difficultés à répondre aux attentes qui s’expriment : auront-elles davantage de moyens demain ? Je n’en suis pas certaine. Pourquoi n’utilise-t-on pas les facultés ouvertes par la loi 3DS, qui permettent de réaliser des expérimentations ? Nous avons proposé, à plusieurs reprises, que des expérimentations puissent être menées dans les territoires AOH sur des modalités différentes d’exercice de la compétence « Logement », plus ou moins décentralisées ou déconcentrées.
Un autre fait troublant – et je sais que l’État a prévu de produire une étude sur ce sujet d’ici deux ans – est que, lorsqu’on combine l’ensemble des PLH, les besoins en logement s’avèrent être beaucoup plus importants que les volumes admis par tous depuis dix ans.
Je crois beaucoup à la dualité des compétences sur ces sujets. Mais je mets en garde face à la tentation de laisser les communes et les établissements publics de coopération intercommunale seuls à la manœuvre : ils en font déjà beaucoup, c’est parfois très dur et beaucoup demandent à l’État d’être davantage présent.
M. Mickaël Cosson, rapporteur. Chaque nouvelle vague de décentralisation a effectivement été source de désorganisation, le temps que chacun s’empare du sujet et ce, dans de nombreux domaines.
Vous avez souligné que, sur de nombreux territoires, l’offre de logements est parfois inadaptée par rapport aux besoins. On s’est beaucoup focalisé, au cours des années récentes, sur des objectifs quantitatifs. Quelle serait, selon vous, la manière de mieux répondre aux besoins des communes et des EPCI, afin que le logement soit plutôt appréhendé sous l’angle des caractéristiques des populations – d’un territoire à l’autre, la proportion d’actifs, d’étudiants ou de seniors peut en effet grandement varier ?
J’entends que la TVA puisse être un levier essentiel pour que nous puissions redresser la production. Vous avez évoqué la mise sur le marché de 66 000 logements, ce qui est assez éloigné des objectifs : selon vous, quelle capacité financière est-elle manquante annuellement pour que la production soit au rendez-vous de la demande ? Quelles ressources financières vous seraient nécessaires pour passer de 66 000 à 100 000 logements ?
J’ai eu l’occasion de rencontrer le directeur d’un organisme HLM, qui évoquait devant moi la possibilité de mettre sur le marché des logements dans le cadre d’opérations type « public-privé ». Partagez-vous cette vision ?
La taxation des plus-values pourrait peut-être permettre de mobiliser des ressources financières pour la politique de logement sur les territoires. Ces plus-values résultent souvent d’aménagements réalisés par les collectivités et leurs retombées sont parfois insignifiantes pour ces collectivités, alors que les propriétaires en bénéficient pleinement. Qu’en pensez-vous ?
Mme Emmanuelle Cosse. S’agissant de la question de la mutation de l’offre de logements par rapport aux besoins, nous connaissons les enjeux. Le parc social a connu son âge d’or pendant les Trente Glorieuses et on a beaucoup construit dans les bassins industriels de l’époque. Nous avons donc beaucoup de logements sociaux dans le Grand-Est, les Hauts-de-France, en Île-de-France et dans le couloir rhônalpin, mais moins dans l’Ouest, un territoire aujourd’hui fortement attractif. Il est difficile de faire en sorte que l’offre suive la demande de la population : dans les Landes ou en Gironde, l’attractivité est telle qu’il est difficile, pour les acteurs, de suivre le rythme ; malgré tout, on y arrive à peu près.
La plus grande difficulté est liée au type de logement : alors que la demande était autrefois centrée sur les logements de types T4-T5, qui correspondaient au modèle des familles pendant fort longtemps, la demande porte plutôt aujourd’hui sur des T2 ou des T3. Le problème ne se situe pas au niveau des bailleurs : partout où nous serons capables de transformer des T5 en deux T2 ou T3, nous le ferons et nous ajouterons les salles de bains nécessaires. Le problème est que, parfois, nous n’avons pas le droit de procéder à ces modifications.
J’ai honte de devoir évoquer des sujets qui vont vous paraître stupides. Nous essuyons des refus de la part d’administrations locales, parce que, par exemple, en Normandie sur un territoire « détendu » mais en politique de la ville depuis fort longtemps, lorsque nous cherchons à transformer des T4-T5 en T2-T3, on nous oppose que cela conduirait à augmenter le nombre de logements sociaux et que cela n’est pas souhaité : on ne parle que de quelques dizaines de logements… Notre quotidien, c’est, par exemple, d’être bloqués au niveau du PRU à Nogent-le-Rotrou pendant trois ans pour réaliser cinq logements supplémentaires, parce que nous étions en QPV : comme si ces cinq logements allaient bouleverser l’équilibre social du secteur ! C’est la raison pour laquelle évoquer la décentralisation me fait sourire : lorsqu’il s’agit de procéder aux adaptations locales, il n’y a jamais accès aux lieux de discussion.
Lorsque nous faisons de la réhabilitation en milieu occupé, nous ne changeons pas l’intérieur des logements. Dès que l’on fait de la « seconde vie » – et j’ai obtenu de l’État l’inscription de moyens à ce titre dans le projet de loi de finances – on peut changer totalement le type de logement proposé. Nous avons des exemples de réussite, comme les opérations d’Archipel Habitat à Rennes : dans des tours anciennes, au pied du métro, qui ne correspondaient plus au mode de vie actuel et que plus personne ne voulait habiter, la hauteur sous plafond a été modifiée, de très grands logements sont devenus des T3, des résidences pour jeunes actifs ont été réalisées. L’offre a été totalement transformée, ce qui a permis de proposer des « produits » différents, y compris au sein d’une même résidence : cela permet alors d’assurer la mixité entre les publics et de ne pas accueillir seulement des familles ou seulement des jeunes. Nous aimerions pouvoir entrer dans des discussions quasiment contractuelles avec les parties prenantes et n’avoir plus affaire à des législations-couperets.
Par ailleurs, on trouve encore des endroits qui sont dépourvus de PLH et il est compliqué de répondre aux besoins si nous n’avons aucun document à notre disposition : ce sont en effet ces PLH qui expriment les besoins de la population et qui présentent des projections sur la physionomie de cette population dans les dix ou vingt ans à venir, sur un territoire donné.
Il est également parfois difficile de faire comprendre aux collectivités locales que l’offre ne peut pas se borner à proposer un seul « produit », dans la mesure où l’étudiant aujourd’hui aura un enfant demain et où les ménages actifs prendront un jour leur retraite. Nous arrivons à proposer des produits diversifiés à l’échelle d’un quartier, mais encore faut-il que nous puissions les réaliser.
S’agissant des capacités financières nécessaires annuellement, La loi « Climat et résilience » a modifié la donne, dans la mesure où elle instaure une obligation de rénovation. Nous avons vécu plusieurs événements en 2018 : la création de la RLS, la perte de la TVA et le gel des loyers. Même si ce dernier n’a été décidé que pour un an, ses effets se répercutent aussi les années suivantes. En échange, nous avions obtenu un taux fixe pour le livret A, avant que celui-ci n’augmente finalement.
Pour pouvoir répondre aux objectifs fixés la loi « Climat et résilience » tout en conservant une production dynamique, nous aurions besoin d’investir 25 milliards d’euros par an, contre 15 milliards d’euros actuellement.
M. Christophe Canu. Le scénario que nous avons élaboré est un peu plus exigeant que celui présenté par la Banque des territoires dans son étude sur le logement social publiée récemment. A l’issue de discussions avec la direction de l'habitat, de l'urbanisme et du paysage, nous avons envisagé 150 000 réhabilitations et changements de vecteurs : nous passerions d’un investissement annuel de l’ordre de 4-4,5 milliards d’euros à un montant de 9 milliards d’euros – ce n’est d’ailleurs pas tellement le nombre de réhabilitations qui compte, mais le fait que ces réhabilitations sont beaucoup plus lourdes et qu’elles impliquent donc un doublement du coût des travaux. Si, par ailleurs, nous ne voulons pas que cet investissement supplémentaire se fasse au détriment de la production neuve, l’investissement global annuel passerait alors de 15 à 25 milliards d’euros : ce scénario nous permettrait simplement de respecter nos engagements.
Mme Emmanuelle Cosse. Les scenarii construits aux alentours de 2018 n’envisageaient pas l’augmentation des taux que nous avons subie ni les dispositions de la loi « Climat et résilience ». Loin de moi l’idée de remettre cette loi en cause, car elle introduit des mesures très importantes ! Même si réaliser la réalisation de chantiers de réhabilitation en milieu occupé n’est pas simple, il faut garder à l’esprit que ces travaux bénéficieront à toutes les parties : les charges locatives baisseront, la fragilité des ménages sera allégée et notre patrimoine sera revitalisé pour des dizaines d’années. La démarche est très vertueuse, c’est simplement la mise en œuvre et l’arbitrage avec le volet « Production » qui sont compliqués.
Beaucoup de bailleurs sociaux se lancent aussi dans des opérations d’aménagement. Les sociétés d’économie mixte, qui constituent une minorité parmi les bailleurs sociaux, en font depuis longtemps. Les opérateurs HLM s’y sont également mis, car ils ont constaté qu’ils avaient moins facilement accès au foncier que par le passé et qu’il leur fallait donc retrouver des marges de manœuvre. Sur certains territoires, notamment dans les départements ruraux, l’organisme HLM est parfois devenu le premier maître d’ouvrage. La loi Élan nous ayant permis de contribuer à d’autres missions d’intérêt public que celle du logement, il nous arrive de construire des gendarmeries ou des bâtiments publics à la demande des communes.
Nous sommes par ailleurs très fortement impliqués dans des opérations « Action cœur de ville » ou en centre-bourg. In fine, les logements produits ne sont pas seulement destinés au secteur social, il y a également de la revente en « VEFA inversée » (nous produisons alors pour le privé) ou en accession libre.
Nous avons la capacité de produire des logements intermédiaires : nous l’avons fait, ces dix dernières années, dans le cadre de foncières séparées et l’État souhaite que notre part de logements non conventionnés ou libres monte à 20 % contre 10 % actuellement. Cette possibilité permet d’améliorer l’équilibre économique des opérations et je pense que les bailleurs vont se saisir de ces dispositions afin de renforcer la mixité au sein du parc. Il faut cependant rester prudent : les demandeurs de logement HLM sont éligibles, pour la plupart, aux plafonds PLAI ou PLUS ; très peu sont au plafond PLS ; les demandeurs au plafond LLI sont presque inexistants. Les demandeurs qui s’adressent à nous, notamment ceux qui sont actifs et qui gagnent le Smic ou Smic + 10 %, correspondent au profil du « travailleur essentiel » éligible au social classique et qui peut, parfois, prétendre à l’accession sociale.
Le statut des opérateurs HLM est un autre débat. Certains prônent une forme de privatisation ou de « titrisation » de ces opérateurs, afin de pouvoir traiter le secteur comme un secteur économique privé. Nous y sommes totalement opposés, car nous considérons que nous réalisons un « service d’intérêt général » au sens de la réglementation de l’Union européenne : cela explique et justifie certains soutiens de l’État, mais également les obligations légales sur le relogement auxquelles nous sommes assujettis et les comptes que nous devons rendre s’agissant de la mixité sociale. Les soutiens donnent lieu à des contrôles et il est bien normal que des missions d’inspection soient régulièrement organisées.
Par ailleurs, les logements sociaux sont des biens appartenant à la Nation, financés par des prêts de la Caisse des dépôts et consignations, qui gère l’épargne des Français, et par des subventions de l’État et des collectivités : ces 5,6 millions de logements sont une richesse. Certains États européens ont vendu leur patrimoine social à diverses époques et, aujourd’hui, ils s’en mordent les doigts. C’est le cas en Allemagne, où les logements sociaux ont été rachetés par des fonds d’investissement ; ces derniers sont certes publics, mais les collectivités n’ont plus la maîtrise du parc social. C’est le cas en Angleterre, où certaines collectivités tentent de reconstruire un patrimoine social sans y parvenir. C’est le cas aux Pays-Bas, mais le processus a été interrompu. De l’autre côté du spectre, on trouve le modèle autrichien, qui est encore plus poussé que le nôtre et qui est cité en exemple. Il est étonnant que le débat sur la propriété du patrimoine social reprenne en France, à un moment où toute l’Europe nous félicite pour la pérennité de notre modèle social.
Une dernière question portait sur la taxation des plus-values. Quelques dispositions existent d’ores et déjà, mais j’ignore si elles ont été évaluées : c’est notamment le cas des règles fiscales qui s’appliquent aux plus-values, lors de la revente d’un terrain pour un programme de logements sociaux. Ce dispositif, qui existe depuis plusieurs années, a permis de faciliter des ventes et je sais qu’il a servi de modèle dans d’autres cadres – par exemple, pour améliorer l’attractivité du territoire.
Il est évident que les investissements des collectivités locales – notamment pour ce qui a trait aux transports, à la voirie, etc. – contribuent à augmenter la valeur des biens sur le marché immobilier. C’est une bonne nouvelle… en remarquant néanmoins que ce sont les propriétaires privés qui bénéficient des retombées des investissements publics – ce sujet a d’ailleurs été au cœur des débats au sein du Conseil national de la refondation. Dans le même ordre d’idées, lorsque des élus modifient le plan local d'urbanisme et rendent certaines parcelles constructibles, ils permettent à leurs propriétaires de réaliser des « culbutes » financières, alors que ces changements sont opérés pour le bien de la collectivité.
Il me semblerait donc intéressant que la puissance publique, État ou collectivité territoriale, puisse, à l’occasion de la taxation des plus-values réalisées par les vendeurs, récupérer une partie de son investissement. Je pense notamment aux grandes infrastructures de transport : lorsque des territoires se trouvent désenclavés par la construction d’une ligne de tramway, les prix des biens immobiliers ont tendance à augmenter le long du trajet de cette ligne, alors que ce sont les collectivités et les contribuables qui l’ont financée ; il serait donc juste que les collectivités récupèrent une partie de leur investissement à travers le prélèvement d’une fraction de la plus-value réalisée.
Un autre débat qui nous occupe depuis très longtemps est celui de la rétention foncière. Des propositions ont été formulées pour que l’on inverse le système de la fiscalité. Se pose également la question des valeurs foncières, qui sont parfois erronées à la hausse comme à la baisse.
Quoi qu’il en soit, la question foncière est un chantier qui s’étend au-delà d’un ou deux mandats politiques. Nous aurions besoin de faire notre révolution foncière, mais cela impliquerait un consensus politique qui n’existe pas nécessairement aujourd’hui. Nous sommes en difficulté, car nous sommes en concurrence avec les programmes de logement du secteur privé, qui sont beaucoup plus rentables et qui permettent donc d’acheter plus cher, et avec les enjeux de développement de l’industrie, de l’agriculture, des services publics, des infrastructures, etc. : tous les acteurs se disputent le même foncier, alors même que nous sommes dans une période où nous devons baisser notre consommation foncière. Certains ont suggéré que lorsque des propriétaires vendent des terrains pour des programmes d’une certaine densité, limitant ainsi l’étalement urbain et la consommation foncière, une fiscalité plus favorable leur soit appliquée puisqu’ils facilitent ainsi des projets permettant une densité plus élevée qu’un programme de moindre envergure : nous ne pouvons nous permettre de négliger les enjeux sur le ZAN, qui auront également un impact sur la question foncière.
M. Mickaël Cosson, rapporteur. La question du vieillissement de la population est au cœur des réflexions actuelles. Alors que beaucoup de personnes âgées de plus de soixante ans sont en attente d’un logement social, comment passer d’une posture réactive à une politique d’anticipation permettant de proposer une offre adaptée aux seniors, dont certains se trouvent obligés de rester dans un logement inadapté à leur vieillissement ? Comment faire en sorte que les organismes HLM proposent différents types d’habitat adaptés et qui soient proches des commodités ? Il faut également penser aux professionnels de santé qui dispensent des soins à ces personnes et qui, pour se loger, sont contraints d’être très éloignés de leurs patients. Avez-vous déjà engagé une démarche pour répondre à cette problématique qui ne cessera de se renforcer ?
Mme Emmanuelle Cosse. S’agissant de la population de nos locataires, nous attendons des données précises de l’Insee, dont la dernière enquête sur le logement remonte à plus de dix ans… Sommairement et selon nos propres données, plus de 30 % de nos locataires ont plus de 65 ans et plus de 10 % ont de plus de 75 ans ; ce sont assez souvent des locataires présents depuis la création des immeubles. Ces ménages-là n’accéderont clairement pas à la propriété et l’objectif est donc de les accompagner vers les troisième et quatrième âges. Le premier niveau de réponse est celui de l’adaptation du logement à la demande : les bailleurs le font et nous recevons des aides. Au-delà, la convention que nous avons de nouveau signée avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et qui implique également la Mutualité sociale agricole et les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) permet de soutenir des projets spécifiques sur l’accompagnement des seniors et, par exemple, d’apporter des services au sein du logement plutôt que de sortir les ménages de leurs logements actuels et donc les couper de leurs réseaux locaux.
Nous devons changer de vision sur ce sujet. Au cours de nos discussions avec le ministère des finances, on nous reproche souvent que les biens soient en sous-occupation, c’est-à-dire qu’il y ait plus de pièces dans le logement que de personnes dans le ménage. Cette situation vise principalement des femmes seules, veuves, âgées de plus de soixante-dix ans – voire de plus de soixante-quinze ans – et il nous est donc reproché de ne pas les faire déménager. Ces locataires sont clairement protégées par la loi, vouloir les faire déménager relève d’une violence inouïe et d’une vision très technocratique. Surtout, si ces locataires devaient changer de logement, elles chercheraient à vivre dans des deux-pièces que nous n’avons pas, pas plus que nous ne pouvons, le plus souvent, créer ces logements au sein du patrimoine déjà occupé. Il faut donc se départir de l’idée selon laquelle si on résolvait l’équation de la sous-occupation des logements sociaux, davantage de personnes pourraient y accéder : en réalité, nous avons constaté que notre parc était plus occupé que le parc privé et il est politiquement et socialement impossible de porter un projet d’éviction des plus âgés au titre du fait qu’ils sont seuls. C’est aussi la raison pour laquelle beaucoup de bailleurs, notamment sur les territoires péri-urbains, développent des services dans le logement plutôt qu’à l’extérieur : nous avons en effet constaté que dans ces secteurs éloignés du centre-ville, mal desservis par les transports publics, les locataires ont tendance à ne pas se déplacer vers les services. Ces services comprennent un accompagnement social – y compris pour l’accès aux droits, car l’illectronisme est fort chez ce public âgé – et un accompagnement dans la vie quotidienne, même lorsqu’il ne s’agit pas de publics dépendants – par exemple, de menus travaux, des courses, de menus services et, de plus en plus souvent, des soins en partenariat avec le secteur médical local (infirmiers, aides-soignantes, médecins, etc.). La question qui se pose est alors celle de la facturation : doit-on facturer le service à l’ensemble des locataires ou bien « à la carte », en fonction du revenu ? Les bailleurs ont développé des pratiques différentes, mais prennent bien souvent en charge une partie du coût de ces services.
Le deuxième sujet concerne des produits dits « spécifiques », comme les « résidences autonomie » qui remplacent les résidences pour personnes âgées (RPA) et dont la qualité d’accueil laissait parfois à désirer. Ces résidences sociales offrent à leurs occupants des T2 ou des T1 bis. Ce ne sont pas de grandes surfaces, mais les résidents disposent d’un logement totalement privatif avec cuisine, salle de bains, etc., ils ont accès à des services avec du personnel présent 24 heures sur 24 – ou, à tout le moins, toute la journée –, un gardiennage, une offre de restauration… le tout, au loyer social. De nombreux locataires s’orientent vers ces logements, souvent situés en centre-ville, et quittent des logements dont l’entretien est devenu trop difficile. Nous parvenons ainsi à loger, dans de bonnes conditions, des ménages pour un loyer de 400 à 500 euros, mais le modèle économique d’ensemble reste à inventer, puisque les bailleurs sociaux assument une perte d’exploitation qui est compensée par d’autres produits plus rentables. Il s’agit là d’une excellente solution, notamment pour des publics qui ne peuvent pas accéder à des résidences de très bonne qualité mais où le loyer avoisine les 3 000 euros.
La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis à certains bailleurs de mener des expériences plus poussées et qui répondent à d’autres enjeux que le vieillissement comme, par exemple, la question du handicap.
Le monde du logement social fait beaucoup de choses, mais nous n’en faisons pas encore assez, y compris parce que nous sommes rattrapés par le vieillissement de nos propres locataires : auparavant, nos locataires vieillissants accédaient à la propriété et partaient ; c’est moins le cas désormais et nous devons donc voir les choses différemment.
Par ailleurs, lorsque nous examinons les profils de revenus de nos locataires, nous constatons que nos locataires âgés bénéficiaires de retraite à taux plein sont nombreux, alors que nos locataires aujourd’hui dans la vie active auront demain des retraites beaucoup moins élevées : il y aura donc des « décrochages ». Les « entrants » dans les logements sociaux, y compris les actifs, sont plus pauvres que les « sortants », ce qui aboutit à une paupérisation progressive de la population des locataires : selon l’Insee, 35 % des locataires de HLM étaient considérés comme pauvres en 2019, alors que ces taux sont de 15 % dans la population générale, 22 % dans le parc privé et 7 % chez les propriétaires.
Il faut que nous réussissions à adapter les logements plus rapidement. Même si les moyens sont disponibles, le montage des dossiers est très complexe, comme d’ailleurs dans le parc privé. Nous pouvons financer ces adaptations ou transformations grâce aux dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) : cette aide fiscale est très importante et, sans elle, nous n’y parviendrions pas – j’observe d’ailleurs que ces abattements de TFPB constituent un apport dix fois supérieur à ce que l’État investit dans le logement social. Les dégrèvements accordés par les collectivités locales pour la construction, la réhabilitation ou l’adaptation, sont considérables.
Nous pensons également que les seniors des années à venir seront un peu différents de ceux d’il y a vingt ans : nous allons donc peut-être devoir proposer d’autres produits, en lien avec les réflexions menées, de leur côté, par les collectivités et les pouvoirs publics.
Une dernière remarque : certains bailleurs sociaux sont propriétaires d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), même s’ils ne les gèrent pas. Cette situation soulève certains problèmes, notamment la question du caractère inachevé du modèle économique pouvant permettre la rénovation du bâti de ces établissements.
M. Mickaël Cosson, rapporteur. J’ai été maire et je confirme.
M. le président Stéphane Peu. Vous avez anticipé une de mes questions sur le logement locatif intermédiaire – un sujet sur lequel nous reviendrons probablement dans le cadre de la présente mission, alors que certains y voient une recette miracle pour sortir le secteur de ses difficultés.
Mme Emmanuelle Cosse. En matière de logement locatif intermédiaire (LLI), nous avons mené des analyses qui concluent à la non-adéquation entre les loyers et les revenus.
Nous sommes très fortement sollicités par de grands opérateurs publics comme l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APM), Enedis, EDF, etc., qui n’arrivent plus à loger leurs salariés. Il y a deux ans, le ministère nous avait proposé de produire plus de logements intermédiaires ; le problème est que le LLI est trop cher : ces publics sont éligibles au PLUS, qui correspond au logement locatif des travailleurs et au segment du logement locatif le moins aidé. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai sollicité et obtenu des prêts supplémentaires en 2024 sur le PLUS. Le LLI est intéressant pour d’autres raisons et pour des ménages aux revenus plus élevés : il s’adresse à des cadres, il ne correspond pas au profil des personnes qui n’arrivent pas aujourd’hui à se loger.
M. le président Stéphane Peu. Je partage votre avis et je suis toujours frappé d’entendre, de manière récurrente, que le LLI serait la recette miracle. L’exemple du village olympique est assez parlant : de grandes administrations publiques comme le ministère de l’Intérieur ou l’AP-HP achètent dans le cadre du LLI pour louer à leur personnel au tarif du PLUS, prenant en charge la différence. Un tel modèle économique n’est évidemment pas viable, il eût mieux valu construire du PLUS.
Il existe aujourd’hui un grand impensé dans le système d’attribution des logements sociaux : c’est la question des fonctionnaires. On compte plus de cinq millions de fonctionnaires en France, avec des salaires plutôt en dessous du secteur privé – notamment pour les catégories inférieures – et il n’existe pas d’équivalent au « 1 % Logement ». Il fut un temps où un contingent préfectoral était censé attribuer une partie de ces logements aux fonctionnaires ; cela ne se pratique plus, surtout dans les zones les plus tendues, où les publics prioritaires sont nombreux et variés. C’est d’ailleurs à travers ce sujet-là que l’Allemagne est revenue sur sa doctrine de privatisation du logement social et qu’elle a recréé des bailleurs pour le logement des fonctionnaires. Je serais preneur de vos propositions si l’USH ouvrait un chantier de réflexion pour qu’un couloir d’accès – et donc de financement – soit ouvert pour le logement des fonctionnaires.
M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires (USH). Nous avons été interrogés de manière approfondie sur la question du logement locatif intermédiaire par votre collègue François Jolivet. Nous avons constaté l’existence d’effets concurrentiels avec le PLS, avec des avantages qui existent au bénéfice du LLI en matière de fiscalité. Nous avons aussi des remarques et des analyses à formuler sur le suivi des publics.
M. le président Stéphane Peu. Il va bien falloir sortir des formules trop rapides sur le sujet du LLI et creuser la question du coût en deniers publics et en fonctionnement. Dans une commune voisine de ma circonscription, on trouve beaucoup de LLI et cela se traduit par une amputation supplémentaire du pouvoir d’achat des locataires.
M. Christophe Canu. J’aimerais ajouter une remarque à propos de l’impact de la RLS sur la construction. La RLS est un prélèvement perçu sur les bailleurs, mais, chaque fois que nous construisons et par un système de lissage, tous les logements conventionnés entrent dans le champ de la RLS et les loyers sont amputés de 5 % environ. Ainsi, lorsque nous cherchons à calculer un équilibre d’opération, il faut « viser » 5 % plus haut à cause de la RLS. Et dans la mesure où nous avons déjà du mal à atteindre l’équilibre, la RLS plombe ce dernier : ceci vaut pour le PLS et le PLUS ; reste le LLI, mais celui-ci est trop cher.
Mme Emmanuelle Cosse. Cette mesure, temporaire depuis 2019, est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2024. Les compensations qui existaient de 2019 à 2022 dans le cadre d’un accord avec le Premier ministre de l’époque n’existent plus. Ce prélèvement se trouve désormais inscrit sans aucune discussion.
M. le président Stéphane Peu. Sommes-nous au terme de la clause de revoyure ?
Mme Emmanuelle Cosse. La clause de revoyure s’est terminée en 2022. Vous noterez d’ailleurs que, dans l’accord que nous avons signé la semaine dernière avec le ministre chargé du logement, la RLS n’est absolument pas mentionnée.
S’agissant des fonctionnaires, je confirme que le contingent de 5 % pour les fonctionnaires ne fonctionne pas du tout et il existe plusieurs raisons à cela. Les fonctionnaires n’ont pas accès au « 1 % Logement » du secteur privé. Ils ne peuvent donc obtenir de logement que sur la base du contingent municipal – dans ce cas, ils devront patienter… plusieurs années – ou sur celle du contingent de l’État – or le contingent de l’État n’est pas suffisant et, parfois, les administrations locales de l’État ne savent pas gérer leur contingent.
La loi Elan a introduit, en 2019, une réforme des règles d’attribution, en flux et en cotation. Nous avons été contraints de demander à la ministre chargée du logement, en 2021, de repousser la mesure jusqu’à 2023, non pas parce que les bailleurs n’étaient pas prêts, mais parce qu’un tiers seulement des EPCI disposait du système permettant la mise en œuvre de la réforme. Cette réforme doit s’appliquer dans un mois, mais je pense que les deux-tiers seulement des EPCI concernés en sont capables.
Les fonctionnaires, notamment ceux de la catégorie C, ont beaucoup de difficultés à accéder au logement, y compris en accession. Nous avons été sollicités sur ce sujet par le ministre chargé de la fonction publique et avons signé une convention, portant notamment sur la question de l’accession sociale. Cela ne résoudra pas le problème du manque d’attractivité des emplois de la fonction publique dans certains secteurs.
Certaines administrations publiques ont pris le parti d’appeler directement des bailleurs pour leur « acheter » des réservations. Des sommes considérables sont dépensées, un ministère finançant parfois dix fois mieux une opération de logement social que l’État… Des personnels vitaux sont concernés et nous sommes fortement sollicités par le ministère de l’Intérieur pour les gendarmes, par l’Éducation nationale et dans le domaine de la santé. L’AP-HP a beaucoup travaillé avec les bailleurs franciliens afin de rouvrir des lits pour ses personnels logés. Nous avons également des échanges avec la RATP.
Le sujet ne concerne pas seulement les fonctionnaires, mais également les agents d’entreprises publiques – dont certaines relèvent du « 1 % Logement », mais pas toutes. Quelles sont les options possibles ? Soit on intègre la fonction publique dans le « 1 % Logement » – mais l’État devra alors participer à son financement, dans le cadre d’un système avec les partenaires sociaux ; soit on met en place une autre filière. Quoi qu’il en soit, nous faisons face à une demande si forte que, parfois, ce n’est pas le fonctionnaire qui formule la demande, mais son conjoint en son nom et ce, afin d’échapper à la filière prévue pour les fonctionnaires où l’offre est encore plus rare. En tant que bailleurs, nous sommes très volontaires pour loger ce type de public, en raison de sa stabilité et des missions qu’il exerce tous les jours. Nous procédons par contractualisations locales, afin de réserver une partie du parc, mais nous n’avons pas assez de logements : il nous faudrait du PLUS, nous n’en avons pas suffisamment ; les demandeurs peuvent accéder à un loyer LLI, mais avec un taux d’effort de plus de 30 %, c'est-à-dire au prix d’une situation de fragilité.
M. Mickaël Cosson, rapporteur. Les métiers du soin à domicile souffrent d’un manque d’attractivité et c’est peut-être par le logement que le problème peut être résolu : lorsque les professionnels concernés ont des difficultés à se loger et se trouvent devoir habiter à cinquante kilomètres du lieu où ils dispensent les soins, cela pose problème.
M. le président Stéphane Peu. Je vous remercie.
Réunion du mardi 11 octobre 2023 à 14 h 00
Présents. – M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Peu.