Compte rendu

Mission d’information
de la conférence des présidents
sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable

 Audition de M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, M. Emmanuel Rousselot, sousdirecteur du financement et de l’économie du logement, M. Benoît Chantoiseau, chef du bureau du développement de l’offre de logements sociaux et intermédiaires, et M. Raphaël Montagner, adjoint au chef du bureau de la fiscalité du logement et de l’aménagement              2


Mercredi
18 octobre 2023

Séance de 15 heures 30

Compte rendu n° 09

2023-2024

 

Présidence de
M. Stéphane Peu,
Président
 


  1 

La mission d’information de la conférence des présidents sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable a auditionné M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, M. Emmanuel Rousselot, sousdirecteur du financement et de l’économie du logement, M. Benoît Chantoiseau, chef du bureau du développement de l’offre de logements sociaux et intermédiaires, et M. Raphaël Montagner, adjoint au chef du bureau de la fiscalité du logement et de l’aménagement.

M. le président Stéphane Peu. La mission d’information qui nous a été confiée par la présidence de l’Assemblée nationale porte sur les problématiques du logement au sens large : contrairement à des missions précédentes, qui étaient focalisées sur tel ou tel aspect de la politique du logement, celle-ci est beaucoup plus étendue.

Un projet de loi sur les propriétés dégradées a été présenté ce matin, qui sera sans doute débattu d’ici la fin de l’année ; une proposition de loi sur les meublés touristiques est attendue au premier semestre 2024 ; une loi-cadre sur le logement, avec un volet relatif à la décentralisation, devrait être présentée au premier semestre 2024. Telle est la perspective dans laquelle s’inscrivent nos réflexions.

M. Mickaël Cosson, rapporteur. Notre souhait est de disposer d’une feuille de route qui, malgré les nombreux acteurs, nous permette à la fois d’assurer un parcours résidentiel à chaque étape de la vie de chacun et de répondre aux enjeux des différents territoires en matière de logement. Parfois le logement pèche pour les étudiants, mais il peut pécher aussi pour les entreprises souhaitant s’installer sur un territoire. Aujourd’hui, il pèche pour les multiples raisons que nous connaissons (inflation, hausse des taux d’intérêt, etc.) et qui empêchent certains de bouger et de libérer un logement qui pourrait permettre à d’autres d’en acquérir un.

La volonté de cette mission est de disposer d’une caisse à outils, dans laquelle nous pourrions piocher en cas de blocage, et surtout de remettre de l’huile dans les rouages pour faire en sorte de trouver des solutions.

M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). La situation est aujourd’hui complexe à beaucoup d’égards. Nous parlons de « crise du logement », mais ce mot, à force d’être utilisé depuis des années, a de moins en moins de sens. Il existe évidemment des facteurs circonstanciels et liés à la conjoncture des taux d’intérêt, des coûts de la construction, etc. ; des réponses de court terme sont proposées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Les causes sont toutefois largement structurelles ; elles appellent des réponses plus profondes et qui, par ailleurs, dépendent des territoires.

Les situations ne sont en effet pas les mêmes sur l’ensemble du territoire. L’attention se porte naturellement sur les zones tendues, où la demande est la plus forte, mais toutes ne sont pas toutes tendues pour les mêmes raisons : une agglomération et un littoral touristique ne sont pas dans les mêmes situations et n’ont pas les mêmes origines de contraintes. Il existe inversement des problématiques plus spécifiques aux zones détendues, comme celle de la vacance.

Vous nous interrogez, en premier lieu, sur le pilotage de la politique du logement. Indéniablement, la DHUP considère – comme la législation le porte d’ailleurs depuis un certain temps – que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) constituent l’échelon approprié pour assurer un pilotage stratégique. C’est le niveau auquel les programmes locaux de l’habitat (PLH) sont normalement élaborés.

S’agissant de la politique de peuplement et des attributions, la dynamique pousse également à monter au niveau intercommunal, en cohérence avec le PLH et le dialogue collectif. L’intercommunalité est la maille adéquate pour des réponses efficaces et qui ne portent pas sur des territoires trop petits. Depuis la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (2014), dite loi « Alur », la dynamique enclenchée est très largement centrée autour de l’EPCI.

Je sais qu’il y a une forte demande, notamment pour les attributions, de revenir au niveau communal ou de le conforter ; une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été votée en première lecture au Sénat, il y a quinze jours. Nous pensons que la maille communale est un peu trop fine pour mener des politiques efficaces de diversification du peuplement et de mixité sociale. C’est la raison pour laquelle l’EPCI, en association évidemment avec les communes membres et les maires, nous paraît se situer au bon niveau.

J’ajoute que les autorités organisatrices de l’habitat (AOH) au sens de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS », qui ont encore besoin de monter en compétences et en contenu, bâtissent également leur écosystème autour de cet échelon.

S’agissant de la production, la construction neuve constitue, dans les circonstances actuelles, le segment qui pose le plus de difficultés. Les difficultés d’accès sont à la fois conjoncturelles et structurelles. Afin de contribuer à la solvabilisation de la demande, le projet de loi de finances pour 2024 recentre le prêt à taux zéro (PTZ) sur le neuf, le tendu et le collectif.

Pour sauvegarder la capacité d’investissement des bailleurs sociaux, le maintien du taux du livret A à 3 % est extrêmement significatif, puisque tout le dispositif de financement de la production neuve de logement social est fondé sur les prêts bonifiés et l’épargne réglementaire.

Les autres outils de court terme sur la production neuve sont, en tout cas dans le parc privé, relativement modestes. Un travail est clairement engagé pour faciliter la libération de foncier. Il y a aussi des réflexions, portées par le ministre de l’économie et des finances, sur la capacité des banques à prêter.

S’agissant des bailleurs sociaux, les sujets sont nombreux et parfois conflictuels. Lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH) à Nantes, le ministre chargé du logement a fait un certain nombre d’annonces significatives. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) a proposé un travail intéressant sur le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) et le prêt locatif à usage social (Plus), pour restaurer l’attractivité de ces deux produits.

Je rappelle aussi le soutien financier public important sur la rénovation, puisque 1,2 milliard d’euros (Md€) sont mobilisés sur trois ans, soit 400 millions d’euros (M€) par an pour la rénovation du parc.

S’agissant des Perspectives sur le logement social récemment publiées par la Banque des territoires, la production neuve et la rénovation du parc existant, qu’il soit social ou privé, ne doivent pas être opposées dans l’esprit de la DHUP et il est tout à fait possible, financièrement et techniquement, de les faire avancer conjointement. C’est certes financièrement très lourd et cela ne mobilise pas les mêmes mécanismes, mais les deux sont combinables.

L’enjeu de la production neuve est de produire là où il faut, un objectif qui peut être partagé par tous et auquel le dispositif Pinel, appelé à s’éteindre, n’apportait pas une réponse appropriée. Faut-il produire cinq cent mille, trois cent mille ou quatre cent mille logements par an ? Le débat peut être ouvert, mais il nous semble que là n’est pas l’essentiel.

Un travail fin est à mener sur les produits du logement social eux-mêmes, notamment les PLAI et les Plus. Nous constatons un déséquilibre entre ces produits : le PLS présente une attractivité forte, mais qui est supérieure aux besoins ; le PLAI et le Plus ont une attractivité moins forte, pour des raisons techniques et politiques, singulièrement pour le PLAI. Ceci explique les annonces de la Caisse des dépôts et consignations pour rendre le PLAI attractif en termes d’équilibre financier. Quant au Plus, un produit qui peut paraître déséquilibré aux acteurs – y compris en termes de soutien financier –, nous nous attachons à le rééquilibrer pour qu’il soit plus utilisé dans la production de logement social, le Plus et le PLAI étant destinés aux publics sociaux et très sociaux.

Le développement du logement intermédiaire est poussé par beaucoup d’acteurs de la filière et par le gouvernement. L’actuel ministre chargé du logement a tenu des propos très clairs, lors du congrès de Nantes, sur la mise en place de dispositifs au soutien de la production de logements intermédiaires, qui sont beaucoup plus orientés vers la classe moyenne.

S’agissant du foncier, le projet de loi de finances pour 2024 propose des abattements exceptionnels temporaires pour les terrains à bâtir et de retravailler sur l’imposition des plus‑values de cession à horizon de vingt ou trente ans.

La sobriété foncière et la mise en œuvre du « Zéro artificialisation nette » (ZAN) relèvent d’un exercice complexe de gestion des contradictions. Au cours de la première période (2020-2030), il est tout à fait possible d’atteindre le volume de constructions neuves attendu à l’échelle du territoire français tout en tenant l’objectif de diminuer de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf). Cela nécessite de travailler sur le recyclage foncier et sur toutes les thématiques de « dents creuses ». Le travail est compliqué et nécessite de nouveaux outils, mais, en termes de gisement, c’est tout à fait réalisable.

Avec la seconde étape (2031-2050), il faudra basculer vers une logique de projets de territoire. Nous en sommes aujourd’hui au stade des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet), appelés à être déclinés progressivement ; à partir de 2031, ce sera au niveau des plans locaux d’urbanisme que les choix auront à être réalisés, dans le cadre de véritables projets de territoire. Même si ce travail est complexe et qu’il nécessite de revoir une partie des habitudes de construction et d’aménagement, singulièrement sur l’artificialisation par extension, nous sommes capables d’intégrer ces problématiques et de trouver les gisements au niveau de la parcelle.

De manière générale sur le foncier public, qui représente environ 50 % du coût de sortie de la construction neuve et dont le coût croît depuis vingt ans, des pistes sont explorées. Nous savons que la « décote Duflot » ne fonctionne pas très bien et peut être améliorée. Les agglomérations peuvent aussi mener un travail technique sur le niveau des décotes, même si, depuis une loi de 2019, ces décotes sont plafonnées – ce n’était pas le cas auparavant, ce qui permettait des négociations plus souples.

Le Conseil national de la refondation (CNR) souhaite mettre fin aux enchères publiques pour la vente du foncier public. Des outils fiscaux seront présentés dans le projet de loi à venir, permettant de libérer une partie du foncier.

Les établissements publics fonciers d’État ou locaux couvrent quasiment 90 % de la population française et constituent des outils de portage intelligents, qui travaillent dans la durée, ont la connaissance technique et peuvent jouer un rôle contracyclique. Ces outils sont plus ou moins appropriés selon les territoires, mais ils sont en mesure d’assurer l’ingénierie sur le portage foncier, sur l’achat et tout ce qui permet de faire du recyclage urbain intelligent, voire très sophistiqué.

S’agissant de la vacance, une mission spécifique au sein de la DHUP et une start-up d’État travaillent sur ce sujet important. La vacance structurelle, c’est-à-dire celle de plus de deux ans, concerne 1 million de logements, soit un peu plus de 3 % du parc privé en France : sans être totalement négligeable, l’enjeu n’est donc pas considérable. Il s’agit plutôt d’un problème de zone détendue que de zone tendue, ce qui explique que cette thématique soit intégrée à France Ruralité et à d’autres programmes.

Dans le détail, 65 % des vacances s’expliquent par des raisons d’obsolescence des biens. Viennent ensuite les problèmes de succession, les blocages juridiques, les propriétaires qui ont une mauvaise expérience locative et qui préfèrent renoncer… mais, globalement, ce sont des biens en mauvais état : on finit par retomber sur des problématiques d’accompagnement et de financement de la rénovation. Une partie des réponses est donc portée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour le ciblage des publics sociaux, avec MaPrimeRénov’ pour la réhabilitation et, à partir de 2024, un dispositif de rénovation énergétique qui s’oriente vers une rénovation plus structurelle que le geste individuel, le vecteur énergétique ou le changement des huisseries et fenêtres.

La mission et le travail de beaucoup d’acteurs comme l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l’Anah consistent, en réalité, à aller voir les propriétaires de logements vacants, dans les bourgs et les villages, afin de leur présenter les solutions auxquelles ils pourraient avoir accès.

Il existe une taxe sur les logements vacants et une taxe d’habitation sur les logements vacants, mais cette dernière est peu mobilisée. La taxe sur les logements vacants (TLV) a fait l’objet d’un zonage en application des dispositions de la loi de finances pour 2023 et afin d’ouvrir cette taxe, auparavant limitée à des communes de plus de cinquante mille habitants, à beaucoup plus de communes : 2 200 communes supplémentaires peuvent désormais lever la taxe sur les logements vacants. L’outil est donc utile, mais il peut certainement être amélioré : en l’état, c’est une ressource non affectée qui abonde le budget de l’État – ce qui peut être un sujet du point de vue des collectivités, puisque ce n’est pas une taxe locale ; par ailleurs, le taux de majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est défini au niveau national, dans une fourchette comprise entre 5 % à 60 % – ou pourrait donc ouvrir un débat sur la possibilité de moduler ou, en tout cas, de donner des marges de manœuvre sur cette taxe… voire  sur l’affectation de cette taxe et le caractère incitatif de cette fiscalité.

La taxe d’habitation sur les logements vacants, qui est liée à la TLV, rencontre les mêmes difficultés.

S’agissant des besoins spécifiques des personnes âgées, nous sommes en phase de mise en œuvre de MaPrimeAdapt’, qui sera effective à partir du 1er janvier 2024 : elle sera portée par l’Anah, mais nous en assurons le pilotage. Cette prime, annoncée par le Président de la République l’année dernière, correspond à une aide unique à l’adaptation des logements au vieillissement et au handicap, avec un objectif de 680 000 logements aidés dans les dix prochaines années, pour un budget évalué à environ 1,5 Md€ (et un sous-objectif de 250 000 logements d’ici à 2027). Cette prime sera presque universelle, puisqu’elle sera versée aux personnes de plus de soixante-dix ans sans condition de perte d’autonomie ; elle sera également ouverte aux moins de soixante-dix ans en perte d’autonomie précoce.

Par ailleurs, il est proposé de prolonger, jusqu’en 2025, le crédit d’impôt autonomie, qui est remplacé par un nouveau mécanisme pour continuer à prendre en charge les populations couvertes jusque-là.

La gestion en flux des logements sociaux, comme la cotation, peine à se mettre en œuvre malgré les injonctions législatives.

Le bail réel solidaire (BRS) est un outil récent, qui est très attractif. Il n’aboutit, pour l’instant, qu’à peu de réalisations concrètes, mais c’est normal – je crois que nous atteignons neuf cents réalisations de logements. En revanche, les organismes de foncier solidaire (OFS) sont agréés en nombre et plusieurs dizaines sont maintenant créés sur le territoire. Nous tentons désormais de les étendre au tertiaire.

Nous menons également un travail pour rehausser les plafonds, qui ne permettent pas forcément aux classes moyennes et moyennes-supérieures d’accéder aux logements ainsi construits, notamment dans les grandes agglomérations ; or ce public est également visé. Nous soutenons cet outil, qui demande néanmoins de l’ingénierie et reste toutefois une réponse très ponctuelle, une réponse de « niche ».

M. le président Stéphane Peu. Vous avez indiqué que le débat sur le volume de la production de logements dans notre pays pouvait être ouvert, tout en considérant que le sujet était peut-être secondaire. Il est tout de même sensé de se fixer des objectifs et de savoir quelle direction prendre en fonction des besoins.

Puisque vous nous invitez à descendre au niveau des territoires, je voudrais vous faire réagir sur un document. Si nous cumulons les PLH, qui sont au plus près des territoires et des élus locaux, nous arrivons, selon une étude qui nous a été communiquée, à un besoin de cinq cent mille logements environ et de 198 000 logements sociaux. Ce qui signifie que, si nous prenons le problème à l’envers en nous rapprochant de l’expression des besoins, nous arrivons à des chiffres jamais atteints et révélateurs du niveau des attentes.

Deuxièmement, vous avez à juste titre parlé des questions foncières, qui sont un problème majeur, avec des lois qui peuvent être difficiles à concilier – voire contradictoires – entre les ambitions de produire et les restrictions sur l’utilisation du foncier. L’autre problématique liée au foncier est l’explosion des coûts, ces dernières années, et l’absence de cadre réglementaire pour la valorisation des fonciers par les investissements publics, qu’ils soient issus de l’État ou des collectivités : j’ai en tête le réseau de transport du Grand Paris, qui valorise des fonciers sans être encadré par une régulation. La DHUP conduit-elle une réflexion sur une grande politique de régulation foncière, de sorte que les établissements publics fonciers, qui sont effectivement des outils formidables, ne fassent pas seulement de la réserve foncière, mais interviennent également sur la régulation de ce foncier ? Êtes-vous ouverts, sur le plan réglementaire, à une extension du droit de préemption pour un motif de régulation des coûts, au-delà du seul motif de l’utilité publique ?

Vous avez, en troisième lieu, indiqué que la crise de la production comporte des dimensions conjoncturelle et structurelle. Vous avez bien décliné la dimension conjoncturelle, mais pas la dimension structurelle. Quels sont, selon vous, les facteurs structurels qui expliquent ou aggravent la crise de la production qui est aujourd’hui observée ?

M. Damien Botteghi. On parle depuis des décennies de cinq cent mille logements à construire, un objectif qui n’a jamais été véritablement atteint. Les discours qui brandissent ce chiffre comme un totem ont pour inconvénient de ne pas se pencher suffisamment sur les besoins réels de chaque territoire.

M. Benoît Chantoiseau, chef du bureau du développement de l’offre de logements sociaux et intermédiaires. Aujourd’hui et afin de donner un ordre de grandeur, 300 à 350 PLH sont exécutoires ou en phase de signature, qui couvrent environ 33 millions de personnes en France, c’est-à-dire à peu près la moitié de la population. Ils représentent 1,2 million de logements en cumulé sur six ans, c’est-à-dire environ deux cent mille logements programmés par an, uniquement en production. Nous avons des difficultés à récupérer les objectifs de production sociale, qui ne sont pas renseignés par toutes les collectivités. Cet objectif de deux cent mille logements à produire ne tient pas compte du « taux de chute », c’est-à-dire du fait que, que lorsque nous autorisons cent logements, nous n’aboutissons pas à cent logements privés. Les objectifs d’un PLH s’entendent donc plutôt comme un besoin de logements projetés, c’est-à-dire livrés.

M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur du financement et de l’économie du logement. Parmi les facteurs déterminants du besoin en logements – et donc du besoin de construction –, au-delà des projections sur la démographie et la taille des ménages, figurent les rythmes de résorption des situations de mal-logement liées à l’indécence, au surpeuplement, à la situation financière des ménages ou encore à des ménages dont le logement n’est pas adapté à la composition familiale. Dans les hypothèses de chiffrage, cette variable est déterminante, mais elle n’est pas toujours prise en compte. In fine, la question porte sur la détermination des besoins au niveau territorial plutôt que sur un chiffre national.

M. Benoît Chantoiseau. Nos travaux s’attachent à dissocier le « besoin en construction » du « besoin en production », notamment sociale : ce dernier peut être satisfait par de la construction, mais également par la remobilisation du parc existant via des mécanismes d’acquisition-amélioration et, éventuellement, la recomposition des logements – notre parc de logements sociaux est essentiellement composé de grands logements, construits dans les années soixante et soixante-dix, alors qu’aujourd’hui, les deux tiers des demandes concernent des petits logements. La construction et la production de logements ne sont donc pas toujours des concepts interchangeables.

M. Damien Botteghi. S’agissant de la question foncière et du rôle des OPH, la position de la DHUP est bien que la mission des OPH n’est pas seulement de faire du portage financier, mais aussi des formes de régulation foncière.

Nous travaillons sur la question du droit de préemption et sommes ouverts à une évolution de son périmètre. Certaines collectivités en font déjà un usage extensif, notamment dans un département que vous connaissez bien, mais ces démarches font parfois l’objet d’annulations juridictionnelles. Il existe une demande de confortement de l’outil, pour avoir un droit de préemption qui pourrait notamment être utilisé pour « refroidir le marché » et lutter contre la spéculation foncière ; un travail technique doit permettre de définir cette spéculation, car il n’est jamais évident de définir un prix « anormal » de marché.

La valorisation et les mécanismes de décote du foncier public issus de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dite loi « Duflot », n’ont pas très bien fonctionné, en raison notamment du captage de la plus-value. Après les opérations d’aménagement, des opérateurs peuvent développer des projets sur les terrains, puis les mettre en vente, parfois à des prix très élevés ; les plus-values réalisées reviennent alors totalement aux opérateurs et aux propriétaires successifs. Il existe certes des outils contractuels, imaginés par des notaires, permettant que la plus-value liée à un effort public ne soit pas captée par les propriétaires successifs.

Certaines collectivités, qui ne disposent pas de ces mécanismes anti-spéculatifs, peuvent être dissuadées de vendre. De tels mécanismes pourraient donc faire partie de la panoplie pour inciter à la mise à disposition du foncier public, en plus du portage et du droit de préemption.

S’agissant des causes structurelles et dans la continuité des propos de Benoît Chantoiseau, nous devons effectivement nous entendre sur la production et la construction. Nous pouvons offrir plus de logements sans forcément construire du neuf – il existe beaucoup d’outils disponibles et des réflexions à mener sur le réinvestissement de l’existant.

Concernant le peuplement, nous savons que 60 % du parc privé est considéré comme sous-peuplé, selon les chiffres de l’Insee. Nous disposons donc d’une ressource, mais qui nécessite un travail très fin, notamment en zone pavillonnaire. Travailler sur 5 % du pavillonnaire d’Île-de-France nous permettrait de répondre aux besoins de production de logements en Île-de-France. Ce travail à l’îlot, sur les plans locaux d’urbanisme, est complexe du fait des problématiques de parkings, très bloquantes pour les opérations. Ce type de réponse doit être exploré, en parallèle au soutien par les prêts à taux zéro.

Se pose également la question du rôle joué par les plans locaux d’urbanisme (PLU) : beaucoup d’opérateurs déplorent que ce qui est permis par les PLU n’est pas forcément autorisé, ce qui pose naturellement problème.

M. Mickaël Cosson, rapporteur. Nous devons réfléchir à des PLU qui afficheraient des hauteurs non plus maximales, mais minimales.

Pourriez-vous mettre à notre disposition une sorte de resource data, qui donnerait les chiffres à atteindre, les évolutions démographiques en corrélation avec les besoins de chaque territoire, etc. ?

Dans le cadre de la réindustrialisation, des logements devront être créés. Or la politique du logement a toujours été décorrélée des autres politiques, tant du point de vue économique que du point de vue de l’aménagement d’un territoire. Quels sont les projets dans ce domaine ?

Nous devons mettre une boîte à outils à la disposition des territoires, au regard des enjeux auxquels ils sont confrontés – par exemple, pour loger les étudiants dans des conditions adéquates lorsque des filières d’enseignement supérieur se développent, mais également pour le parcours résidentiel des seniors, lorsque leur démographie est vieillissante.

Les différentes lois qui se sont succédé, depuis la loi SRU, ont toujours raisonné en termes de quantité et non de qualité et de réponses aux besoins de chaque territoire, en fonction de sa population et de ses évolutions. Maintenant que la trame urbaine est tissée, comment broder une politique en dentelle afin qu’elle réponde aux besoins des territoires, de manière harmonieuse et en évitant les problèmes aux différentes étapes de la vie ?

On rencontre des difficultés pour insérer des logements en milieu artificialisé et, surtout, des problèmes de financement lorsqu’il s’agit de reconstruire sur des friches. Des réflexions sont-elles conduites pour inciter, par des outils, les promoteurs ou les bailleurs à construire sur des friches plutôt que sur un terrain vierge ? La part de ces terrains diminue et il vaut peut-être mieux la consacrer à d’autres choses qu’au logement, puisque tout ce qui est construit en périphérie des agglomérations ne fait que renforcer les problèmes de mobilité et, parfois, les problèmes sociaux.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Une part importante des logements de demain est déjà construite aujourd’hui, sur un terrain déjà artificialisé sur lequel il y a du bâti. Quels seraient les outils pertinents pour réinvestir les centres urbains ou les centres-bourgs ? Ces zones souffrent de problèmes de désertification et de logements vacants, moins pour des raisons de prix ou d’indivision successorale que parce que ces logements sont inadaptés et qu’il est compliqué d’y vivre. Comme les problèmes d’accès au logement et d’usage du logement sont cumulatifs, les propriétaires peuvent renoncer, pendant des périodes relativement longues, à occuper ces locaux. Mon sentiment est qu’un important travail doit donc être réalisé sur les centres-bourgs, afin de les rendre de nouveau attractifs par des politiques de repeuplement associées à des restructurations. Quels sont, selon vous, les outils adéquats pour y parvenir ? Faut-il y déployer des opérations d’intérêt national (OIN) ou de grandes opérations d’urbanisme (GOU). Devons-nous adapter ces dispositifs ? Quel bilan dresser des outils existants ?

N’y aurait-il pas un problème d’adéquation du tissu économique pour répondre aux enjeux du logement ? Savons-nous faire autre chose que du neuf dans le cadre d’une production massifiée ? Si ce n’est pas le cas, que devrions-nous faire en termes de formation ?

Le foncier pâtit d’une injonction contradictoire : on ne peut pas demander simultanément à un producteur public d’optimiser ses actifs pour réduire sa dette et de faire de la décote. Le résultat, c’est qu’on ne fait rien ou pas grand-chose. Les exemples les plus criants sont les universités et les hôpitaux, qui montrent une vraie réticence à entrer dans ces schémas complexes…

M. Mickaël Cosson, rapporteur. C’est également le cas de la SNCF…

M. Guillaume Vuilletet (RE). En effet ! N’aurions-nous pas des outils de démembrement à simplifier ou à reconfigurer, afin que, dans une forme de conciliation, le terrain utilisé puisse rester public pendant un certain temps, afin de rendre des choses plus faciles ?

S’agissant de l’habitat indigne, un des problèmes est le suivi individuel des logements, pour savoir ce qu’ils deviennent et comment ils sont entretenus – et pas uniquement au niveau des copropriétés. J’ai toujours entendu dire que la DHUP avait une réticence presque systémique à une forme d’immatriculation pour identifier un local, pouvoir le contrôler, avoir une traçabilité de ce qui a été fait ou pas. Est-ce le cas ? La position de la DHUP peut-elle évoluer ?

Certaines mairies ne respectent pas leur propre PLU. Pouvons-nous faire quelque chose pour un plus grand respect des textes existants ? La transformation des zones commerciales ne devrait-elle pas être simplifiée ? Dans ma circonscription, un tiers des centres commerciaux est aujourd’hui vide, du fait de la concurrence du commerce en ligne. Ces terrains artificialisés pourraient intégrer le grand mercato du ZAN ou être reconvertis.

La crise sanitaire a favorisé le développement du télétravail, ce qui signifie que des familles s’implanteront plus loin pour bénéficier de conditions de vie correctes au regard des prix qui leur sont proposés. Cela signifie aussi qu’elles auront besoin d’un pied-à-terre ou d’un hébergement, au moins temporaire, dans les cœurs de métropoles – car le télétravail « absolu » existe très peu. Menez-vous une réflexion sur le statut de ces hébergements ? Aujourd’hui, ils sont soumis à la taxe d’habitation et à la taxe foncière, c’est-à-dire qu’une des taxes entre par la fenêtre et ressort par la porte…

M. Damien Botteghi. Sur la question des friches, il existe une mobilisation, notamment financière, via le fonds Friches. Ce fonds est bien installé, il est géré localement et il permet justement de financer des projets sur les friches, sachant que la dépollution, qui est souvent assez complexe et coûteuse, est l’un des enjeux majeurs. Il recouvre à la fois des moyens (de l’ordre de 300 M€), de l’ingénierie et un soutien et constitue donc une partie de la réponse.

Sur la question du tissu urbain des centres-bourgs et petits centres-villes, nous disposons d’un outil qui fonctionne bien, à savoir les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah), qui donnent de la visibilité et permettent de reconfigurer des îlots. Nous avons par ailleurs le programme « Action cœur de ville », qui est porté par l’ANCT et qui permet d’accompagner les territoires.

Sur la question du démembrement, je ne peux qu’être d’accord. La dissociation du foncier et du bâti est une façon de répondre aux hésitations légitimes des collectivités sur la vente d’un foncier décoté, avec une perte de valeur. L’idée est de conserver la propriété du foncier, pour vendre ensuite les volumes à construire. Ce sont des choses qui se font déjà dans les territoires, il est tout à fait possible d’en faire un modèle.

Sur le statut ou la fiscalité spécifiques de l’hébergement provisoire, j’avoue que nous n’y avons pas particulièrement réfléchi. C’est une piste, mais la DHUP ne l’a pas explorée.

Les zones commerciales constituent, à l’évidence, de forts gisements. L’idée est de commencer par avoir des démonstrateurs, parce que l’imaginaire doit être réinventé : annoncer aux gens qu’ils logeront sur une zone commerciale réhabilitée, c’est pour l’instant un peu compliqué. Il faut passer par des étapes de renaturation, c’est donc également une question d’aménagement. J’ai compris d’un échange avec le directeur général de l’ANCT que Chartres notamment menait une politique assez avancée sur ces sujets et conduisait des projets intéressants.

Les entrées de ville recouvrent les mêmes problématiques de paysage. Je pense que nous pouvons avancer par les travaux d’aménagement, de renaturation et de reconfiguration des réseaux de transport, démontrant que ces zones ne sont pas enclavées. Les enfants iront à l’école facilement, dans un endroit agréable et porteur, avec des commerces autour : si nous parvenons à en apporter la preuve, nous trouverons toujours l’ingénierie nécessaire. Les promoteurs savent, de fait, que « c’est la guerre » pour trouver du foncier et le secteur privé s’orientera, de toute façon vers ces zones.

M. Emmanuel Rousselot. S’agissant de l’habitat indigne, vous avez évoqué la problématique des données et de leur mise à disposition pour estimer les besoins et mieux programmer. Il existe déjà les bases de données des notaires ainsi que des bases de données fiscales, notamment foncières – toutes ne nous sont pas accessibles au regard notamment du secret fiscal. Il y a aussi les données, en cours de publication, de l’enquête nationale sur le logement de 2020, qui donnent une vision globale et à laquelle la DHUP contribue.

L’outil Otelo d’estimation des besoins territorialisés en logements apporte également des éléments de réponse à la question de l’évaluation des besoins territoriaux. Il a été déployé par le ministère chargé du logement et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Il est ouvert aux collectivités locales, aux agences d’urbanisme, aux bailleurs sociaux et aux services locaux de l’État. Il permet à ces acteurs, à partir de projections de population et sur la base d’hypothèses locales relatives à l’évolution de la vacance et des résidences secondaires et aux besoins liés au mal‑logement, de réfléchir collectivement pour définir les besoins en logements des PLH. Nous assurons le déploiement de cet outil, qui est plutôt bien perçu et fait partie des éléments de la boîte à outils pour progresser.

Vous avez, par ailleurs, évoqué la question de l’identifiant. Des travaux sont en cours sur le référentiel interadministratif des logements et locaux non résidentiels (RIAL), un outil d’identification unique du logement, en lien avec la DGFiP et l’Insee, et permettant de suivre un logement, de savoir s’il est rénové, s’il est vendu, s’il est occupé par des locataires (par rapport à l’aide personnalisée au logement), s’il est indécent, s’il est indigne, etc. Ce chantier d’ampleur a commencé, il n’a pas encore abouti, mais il est vraiment essentiel et nous l’accompagnons.

M. Guillaume Vuilletet (RE). C’est une bonne nouvelle, même si l’invariant fiscal existe déjà.

M. Damien Botteghi. Sur l’habitat indigne, il existe aussi l’outil de suivi des sinistres (Histologe), qui répond à un certain nombre de préoccupations.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Je crois que la démarche est partie de la communauté d’agglomération de Pau et il s’agit d’un outil vraiment remarquable.

M. le président Stéphane Peu. Vous avez indiqué que si nous nous occupions de 5 % des pavillonnaires de l’Île-de-France, nous réglerions les problèmes de logement en Île‑de-France. J’entends des maires du Val-de-Marne, voire des Hauts-de-Seine, me dire que nous devons absolument maîtriser la division sauvage des pavillons. Aujourd’hui, dans beaucoup d’endroits, les pavillons sont divisés et un logement devient trois, quatre ou cinq logements, sans contrôle ni régulation ; les maires, les riverains et les voisins s’en inquiètent, ils n’y voient pas une solution à la crise du logement. Si cette division pavillonnaire est une réalité aujourd’hui en région parisienne, elle se fera ailleurs demain, partout où le logement est tendu : les maires en appellent à un encadrement plus sérieux, au-delà des autorisations de travaux.

Je crois beaucoup aux aménagements publics. Mais cet aménagement a-t-il le vent en poupe, aujourd’hui, dans notre pays ? Y a-t-il plus de zones d’aménagement concerté (ZAC) qui se créent que de ZAC qui se clôturent ? Intuitivement, j’ai l’impression qu’elles régressent. Dans ce cas, les vocations du maire-aménageur, du maire-bâtisseur ou de l’intercommunalité seraient compromises. En tout cas, si l’aménagement public devait régresser, nous devrions réfléchir à lui redonner ses lettres de noblesse et son intérêt, avec la limite qu’un chantier d’aménagement public s’inscrit souvent sur plusieurs mandats.

M. Damien Botteghi. J’ai conscience que mes propos étaient peut-être un peu réducteurs et provocateurs, mais la difficulté actuelle est bien que beaucoup de promoteurs cherchent du foncier et que les propriétaires privés ont des réflexes de division foncière. Le pavillonnaire présente des qualités urbaines et paysagères indéniables, qui font la qualité de vie dans ces lieux ; il nécessite un travail très fin sur l’existant, qui masque beaucoup de sous‑peuplement. Des cabanes en fond de terrain ou des garages inoccupés peuvent se transformer ; tous ces sujets peuvent être travaillés à condition d’être anticipés, ce qui n’est pas suffisamment le cas. La densification et la division foncières ne constituent pas toujours la réponse ; elles sont actuellement très dispersées et gérées à l’opération, ce qui peut aboutir à des paysages urbains peu agréables en l’absence d’un véritable dialogue sur la construction.

Grand Paris Aménagement entame une réflexion sur des secteurs d’aménagement pavillonnaire, pour fournir des réponses intelligentes avec une densité attractive : il ne s’agit pas simplement de diviser et de juxtaposer, ce qui ne serait effectivement pas désirable ; il est possible de faire de la densification du pavillonnaire d’une manière attractive et ces réponses pourront s’adresser à des étudiants ou à de l’intergénérationnel.

M. le président Stéphane Peu. Dans le Val-d’Oise, vous devez entendre, comme moi, les maires dire que cette situation est épouvantable. Là où il y avait une famille par pavillon, ils se retrouvent avec quatre familles dans des espaces de douze mètres carrés. Cela devient de l’habitat insalubre et le phénomène touche toute la deuxième couronne parisienne.

M. Benoît Chantoiseau. Ces problématiques sont plus de l’ordre des marchands de sommeil que de l’aménagement du territoire.

M. le président Stéphane Peu. Je vous remercie.


Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15 h 30

Présents. – M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Peu, M. Guillaume Vuilletet.