Compte rendu

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements

– Audition de M. Jean-Emmanuel Rodocanachi, président fondateur de Grandir-Les Petits Chaperons rouges 2

 


Mercredi 3 avril 2024

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 38

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Thibault Bazin,
Président


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La séance est ouverte à 18 heures 40.

La commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a auditionné M. Jean‑Emmanuel Rodocanachi, président fondateur de Grandir-Les Petits Chaperons rouges.

M. le président Thibault Bazin. Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux pour cette dernière audition de la journée. Nous souhaitons la bienvenue à M. Jean-Emmanuel Rodocanachi, président fondateur du groupe Grandir-Les Petits Chaperons rouges (Grandir-LPCR). Vous avez tout de suite répondu positivement après avoir été sollicité et nous vous en remercions.

Le 20 mars dernier, nous avons auditionné les dirigeants des quatre groupes privés gestionnaires de crèches : Babilou, La Maison Bleue, People&Baby et, enfin, Grandir –LPCR.

Nous avons souhaité approfondir ces échanges en recevant, lorsque cela n’a pas été possible dès le 20 mars, les fondateurs de ces groupes. Nous terminons cette seconde salve d’auditions ce soir en vous recevant, monsieur Rodocanachi, afin de répondre à certaines interrogations soulevées lors de l’audition de votre directeur général France, M. Sacha Tikhomiroff, ainsi que de Mme Élodie Colas, directrice régionale Ile-de-France Nord.

Le format de cette audition est par définition souvent contraint et il est de bonne politique, je crois, que nous disposions de ce second temps d’échanges qui permet à chacun de réagir et de rebondir.

Pour être tout à fait complet, je précise que nous auditionnerons à partir de demain plusieurs fonds d’investissement au titre de leur participation au capital des groupes de crèches privées, dont Infravia Capital pour le groupe Grandir-LPCR. Nous auditionnerons aussi des représentants de Bpifrance la semaine prochaine dans cette même optique.

Pour revenir à notre audition, je précise qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale et que l’enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

Il me reste à vous rappeler que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi prête serment.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi, président de Grandir - LPCR. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, avant de commencer mon propos liminaire, je vous confirme que nous avons bien répondu par écrit aux trente questions que vous aviez transmises à mon directeur général.

J’ai bien compris que le temps était compté et que nous ne pourrions pas évoquer le cœur de notre activité, qui est la pédagogie. Nous avons mis à votre disposition, ici en bout de table, le projet éducatif des Petits Chaperons rouges, notre rapport RSE 2023 et un rapport d’un cabinet de conseil, je pense compatible avec l’Assemblée nationale puisque l’Assemblée l’a fait travailler il y a quelques années, qui dresse un panorama du secteur.

Comme vous le constatez depuis quelques semaines, ce secteur est extrêmement complexe. Je pense qu’il est important d’avoir cette vision d’ensemble. Ces documents sont à votre entière disposition après l’audition.

M. le président Thibault Bazin. Je vous remercie. Si certains des collègues veulent les consulter d’ores et déjà, ils ne doivent pas hésiter à se signaler.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je suis vraiment heureux de répondre à la représentation nationale. J’éprouve un grand respect pour cette belle maison, qui est la maison du peuple. J’ai compris que votre investigation portait à la fois sur le modèle économique, mais aussi et surtout sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants. J’espère que mes réponses seront complètes afin de pouvoir vous apporter un maximum d’éclairage face aux enjeux importants soulevés par cette commission.

J’aimerais, à titre liminaire, vous parler de cinq points essentiels et d’une double équation qui, selon ma conviction et mes vingt-quatre ans au service du secteur, sont essentiels.

Le secteur est aujourd’hui au centre d’enjeux sociétaux majeurs : la natalité, l’évolution de la pyramide des âges en France, la croissance du pays dans les années qui viennent. Vous allez le comprendre tout de suite, mon tempérament d’entrepreneur est plutôt de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je suis par nature optimiste et je pense que ce modèle français, très décrié ces derniers mois, est au contraire extrêmement qualitatif. Peut-être pas partout, nous en parlerons, mais de manière générale, il est exemplaire en Europe. Je parle de la qualité de l’accueil et de l’éveil, des neurosciences, des mille jours, du fait que 100 % des diplômés en crèche, contrairement à ce qu’on dit, soient diplômés. La petite enfance impose un diplôme d’État délivré par l’éducation nationale. Il ne s’agit pas d’une question de nombre de normes et de contrôles, mais de leur efficience et du fait que les inspecteurs puissent être des “coachs” au service des crèches. Grâce à la Cnaf et aux plans crèches successifs, des investissements ont été consentis dans des équipements neufs. Les professionnels sont bienveillants et font preuve d’une vraie conscience professionnelle. Deux tiers à trois quarts des crèches vont bien en France, où il n’y a pas de problème de recrutement ou de pénurie.

Par contre, un quart des crèches souffre, du fait qu’elles sont situées en centre-ville, imposant parfois deux heures de transport en commun chaque matin aux professionnels. Ceux-ci sont en première ligne et n’ont pas la possibilité d’avoir recours au télétravail. Ce sont des gens ordinaires qui, chaque jour, réalisent des choses extraordinaires au service de nos enfants. Il faut saluer leur travail.

Ensuite, le tissu local correspond à une particularité française. Je parle du maillage territorial et du partenariat public-privé qui contribuent à un juste équilibre. Pour rappel, 20 % du secteur revient à des acteurs privés marchands, 20 % au privé associatif et 60 % au public. C’est deux à trois fois moins qu’en Allemagne ou en Angleterre, mais cette organisation fonctionne. Vous le savez en tant qu’élus locaux quand vous retournez dans vos circonscriptions, les tutelles le savent, les Caf et les PMI également, les crèches représentent le mode de garde préféré des Français. Au quotidien, ce sont des actes de solidarité sur l’ensemble du territoire, les gens communiquent entre eux. Cette réalité, occultée ces derniers mois, doit être remise remettre au centre du débat.

Les crèches d’entreprise forment un maillon essentiel. Nous évoquerons certainement le Cifam, qui peut être considéré comme la clé de voûte. Je vous donnerai mes chiffres, après avoir tenu mon propos liminaire. Nous cochons toutes les bonnes cases de l’emploi féminin non délocalisable et jeune. Il faut sanctuariser le Cifam et sanctuariser nos crèches.

Enfin, je ne connais pas un seul acteur public, privé, associatif qui ne met pas au cœur de ses préoccupations le juste équilibre entre les aspects économiques, sociaux, pédagogiques et sociétaux. Vous aurez toujours un pour cent ou un pour mille des acteurs, quel que soit leur statut, qui ne sera pas vertueux. En cela, je vous rejoins, je pense qu’ils n’ont rien à faire dans le secteur, mais l’immense majorité des acteurs est de très bonne facture. Il faut aussi le dire. Dans un puzzle de dix mille pièces, une ou deux pièces peuvent être défectueuses. Nous appelons cela un accident ou un incident, mais ne jetons pas l’opprobre sur tout un secteur. Lorsqu’un évènement survient dans une crèche, je peux vous assurer que l’équipe et le gestionnaire sont les premiers affectés. Ils ont honte et font leur possible pour corriger la situation le plus rapidement possible.

Je vous livre un rapide bilan. En vingt ans, les crèches du secteur privé ont accueilli un million de familles. Le secteur privé est à l’origine de plus de cent innovations majeures pédagogiques, sociétales et sociales. L’investissement pour construire ces places de crèches s’est élevé à 2,5 milliards d’euros, un montant que l’État n’a pas eu à dépenser. Chaque année, 800 millions d’euros se destinent au fonctionnement, une somme là encore économisée par l’État s’il était en charge de la gestion directe des crèches. Qu’il s’agisse de dépenses brutes ou nettes, une place en crèche privée coûte à l’État 1,5 à trois fois moins cher qu’une place en crèche municipale ou associative.

Nous parlons donc d’un apport extraordinaire, qui n’est certes pas parfait et qui mérite d’être amélioré en continu. Je pense que nous avons rempli notre mission d’intérêt général. Nous avons été les bons élèves de la classe en appliquant à la lettre le maquis règlementaire, les règles du jeu dictées par les Caf et les PMI.

Aujourd’hui, nous nous situons à un carrefour, en raison de la complexité administrative, du manque de sens pour les jeunes. Il nous faut proposer ensemble une vision sociétale à l’horizon 2030. Cette perspective me paraît essentielle, d’autant plus que le nombre de familles en liste d’attente est appelé à doubler, pour passer de 200 000 à 400 000, alors que nous devrons faire face au départ à la retraite des assistantes maternelles. Il nous faut une vision commune, politique, sur la politique de la famille, qui doit être efficace, généreuse et universelle.

L’équation se veut simple. Si l’on apporte du pouvoir d’achat, du sens et de la simplification dans le métier, les contrôles deviendront plus homogènes et efficaces. Ce sera aussi l’amélioration continue de la qualité. Enfin, les nouveaux talents seront incités à nous rejoindre et nous maintiendrons les salariés dans le secteur.

Il me semble essentiel de résoudre durablement la pénurie des professionnels. La solution peut venir du statut intermédiaire d’auxiliaire de puériculture. Les 10 000 salariés occupent déjà le secteur et je vous en parlerai davantage si vous me posez des questions à ce sujet.

Il faut autoriser la revalorisation par accords d’entreprise et non pas par accords de branche afin que tous nos salariés, dès la rentrée de septembre 2024, puissent recevoir leur augmentation de 150 euros.

Enfin, il me semble important de convoquer dès cet été des assises de la petite enfance, avec les représentants de Bercy. Nous ne pouvons plus accepter l’excuse consistant à dire que Bercy a tranché. Je parle aussi de la nécessité d’un choc de simplification en relation avec les normes et la PSU et d’un immense plan de prévention des risques.

Nous avons besoin d’environ 900 000 euros pour la PSU indexée sur l’inflation et de 150 euros par salarié. Quatre pistes de travail peuvent permettre d’économiser 2,5 milliards d’euros. Je suis persuadé que nous pouvons sortir de la Cog avec un excédent en arrivant à tout faire.

M. le président Thibault Bazin. Je vous ai présenté au titre de président fondateur. Dans la gouvernance actuelle du groupe, quel rôle jouez-vous et quelles missions suivez-vous ? Que demandez-vous au directeur général ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. J’ai été directeur général du groupe lorsque je l’ai fondé. J’en suis aujourd’hui le président, plutôt président exécutif, engagé. Je préside un groupe qui couvre entre 1 200 et 1 300 établissements dans le monde, dans plusieurs pays en Europe, en France, en Amérique du Nord. Ce sont à la fois des crèches et des écoles maternelles. Un tiers de notre activité concerne les écoles maternelles dans les pays anglo‑saxons. Le groupe rassemble 14 000 salariés, qui reçoivent au quotidien 50 000 enfants âgés de 0 à 6 ans.

En quoi consiste mon rôle de président ? Je suis l’interlocuteur de chacun des directeurs généraux déployés dans les pays. Ils s’appuient sur leur propre équipe de management. Je fixe les grands objectifs annuels, c’est-à-dire le budget et le cadre dans lequel nous devons nous inscrire. Si des problématiques particulières apparaissent dans les pays, d’une année à l’autre, je considère qu’il s’agit d’un dossier spécifique, sur lequel nous travaillons ensemble.

Lorsque le budget financier, qualitatif et social est tenu, ma responsabilité de président est d’anticiper l’avenir. Je réfléchis à la stratégie non pas de demain, mais d’après-demain. Je fais en sorte que les pays se parlent et que chacun ne reste pas son silo et privilégie la synergie. Nous avons mis en place, à ce titre, de nombreuses initiatives, notamment sur la gestion des risques et leur anticipation. Ce sont aussi des démarches en faveur du projet pédagogique, avec le souhait qu’il soit commun à l’ensemble des pays. Nous avons également partagé les bonnes pratiques.

Je joue avant tout un rôle facilitateur entre les équipes de management de chaque pays. S’agissant par exemple de l’emploi, un sujet qui concerne tous les pays, les bonnes pratiques des États-Unis, de l’Allemagne ou de la France sont partagées.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je vous remercie pour vos propos introductifs qui dessinent un panorama assez positif de la situation. Vous l’avez dit d’ailleurs, vous avez tendance à voir le verre à moitié plein. En tant que rapporteure, me concernant, et en tant que membres de la commission d’enquête s’agissant de mes collègues, nous avons malheureusement tendance à voir plutôt le verre à moitié vide.

Nous constatons des difficultés liées à des taux d’encadrement et de couverture des besoins inférieurs à certains de nos voisins européens et des situations dans lesquelles les personnels de crèche vivent des quotidiens parfois très difficiles, avec un impact sur la qualité d’accueil des jeunes enfants.

Le champ de notre commission est extrêmement vaste et nous ne pourrons pas tout traiter ensemble dans le temps imparti. J’ai fait le choix de concentrer mon propos sur votre modèle économique et sur la question de la représentation d’intérêts qui fait partie du champ d’investigation de la commission d’enquête.

Je vous propose de vous poser une série de questions sur le modèle économique, de vous laisser le temps de répondre avant d’évoquer la représentation d’intérêts.

Quel est aujourd’hui le niveau de rentabilité de votre groupe ? A-t-il substantiellement évolué à travers les années ? Si oui, pourquoi ? Y a-t-il une disparité forte entre votre rentabilité en France et à l’étranger ? Si oui, comment l’expliquez-vous ?

Pourquoi avoir fait appel à des fonds d’investissement assez rapidement dans votre croissance ? Nous savons que les banques imposent un certain niveau de rentabilité. Les fonds d’investissement font-ils également preuve d’exigence sur votre niveau de rentabilité, sur votre croissance ? Y a-t-il une pression de leur part pour réduire les coûts, notamment sur les consommables ?

Je souhaitais également vous interroger sur le portage immobilier des crèches de votre groupe. Adossées à l’activité de crèche, des sociétés civiles immobilières sont-elles détenues en tout ou partie par une entreprise de votre groupe, par vous-même ou par vos proches ? L’achat de ces locaux a-t-il été réalisé, le cas échéant, par le biais de subventions d’investissement de la Caf ?

Votre groupe intègre-t-il un service chargé de l’allocation de places en crèche ? Quel volume financier représente cette activité par rapport à votre activité traditionnelle d’accueil du jeune enfant ? Quelle est la différence de rentabilité entre ces deux activités ?

Vous savez que l’Igas, dans deux rapports distincts, a préconisé la disparition du Cifam. J’aurais souhaité que vous m’indiquiez quel impact aurait cette disparition sur l’ensemble du secteur et sur votre groupe. Nous avons pu constater, dans le cadre d’une audition, qu’une des personnes auditionnées nous parlait de la disparition de 100 000 places de crèche. Infirmez-vous ou pas cette affirmation ?

Ma dernière question porte sur vos frais de siège. Le rapport de l’Igas publié l’année dernière soulignait que pour les établissements du secteur marchand, dont le tiers financeur est une entreprise, on constate une augmentation de 51,8 % du compte « autres charges », dans lequel sont notamment imputés les frais de siège des groupes. Comment expliquez-vous ces chiffres ? Comment sont établis vos frais de siège ? Le rapport de l’Igas fait également état d’importantes difficultés, pour les services de l’État, à accéder aux clés de répartition des frais de siège de grands groupes. Comprenez-vous que cela puisse poser de sérieux problèmes dans la mesure où votre activité est très largement financée par des fonds publics ? Pouvez-vous nous transmettre cette clé de répartition pour les crèches de votre groupe ? Dans la mesure où vous nous avez déjà apporté des éléments de réponse, j’imagine que la clé de répartition y figure.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. La rentabilité du groupe est précisée dans nos réponses écrites. Nous vous avons joint un tableau dédié aux dix dernières années, qui montre que nous oscillons entre -2 et +2 % de résultat net, ce qui n’est pas extravagant. Le résultat opérationnel, qui s’entend avant le remboursement des emprunts bancaires, des impôts et taxes, se situe entre 4 et 5 %. Dans les autres pays, ces taux sont doublés, à environ 10 %. La raison se veut simple. La petite enfance, et vous m’excuserez cet anglicisme, n’est pas une rocket science. La difficulté est liée à l’exécution précise du métier au quotidien. En réalité, quel que soit le pays dans lequel vous êtes implanté, des taux d’encadrement différents sont compensés par des mètres carrés différents par enfant. Au final, le coût d’accueil et d’éveil d’un jeune enfant dans tous les pays industrialisés reste globalement le même. Vous avez cité des chiffres, c’est-à-dire 20 000 à 25 000 euros la place ou 20 000 à 25 000 dollars ou 20 000 à 25 000 pounds. Nous retrouvons les mêmes grands équilibres.

Où se situe la différence ? Dans les frais de siège. En France, l’aspect administratif contribue au fait que ces frais de siège apparaissent supérieurs, pour quelques pour cent, à ce que j’observe dans mes activités en Amérique du Nord ou en Angleterre. En France, les frais de siège représentent 10,2 % du chiffre d’affaires pour l’année 2024. Dans les autres pays, ils se situent plutôt entre 6 et 7 %. Cette différence explique que la pérennité de la crèche, dans les autres pays, est sensiblement supérieure à celle constatée en France.

La population active française du secteur privé regroupe 24 millions de personnes, dont 10 millions travaillent pour une entreprise dotée d’un actionnaire institutionnel et professionnel. Quand vous lancez votre entreprise à 25 ou 30 ans, vous ne possédez pas encore tous les outils dans la boîte à outils, vous faites face à des plafonds de verre, vous apprenez beaucoup au fur et à mesure du développement de l’entreprise. Avoir des banques qui vous suivent est une chance, à condition de ne pas trop s’endetter. Vous voyez par exemple que Casino s’est beaucoup trop endetté. Lorsque vous avez maximisé l’endettement, il faut avoir recours aux fonds propres, c’est-à-dire des actionnaires institutionnels et professionnels. Nous avons agi de cette manière dès le début, après avoir convaincu de très beaux noms de l’investissement français. Je cite la Banque publique d’investissement, donc l’État, qui nous a accompagnés de 2015 à 2021. Aujourd’hui, c’est Infravia, l’un des fonds en France le plus en pointe sur l’infrastructure sociale, qui nous accompagne. L’enjeu est que le secteur privé devienne un véritable partenaire de l’acteur public afin d’offrir à la population ces services essentiels de proximité.

C’est la raison pour laquelle j’ai fait appel à des fonds d’investissement. Ils nous permettent par exemple de profiter des conseils d’un “coach”.

Vous avez constaté que notre actionnariat est assez hybride. Notre conseil de surveillance intègre bien évidemment l’équipe de management du groupe, mais aussi le groupe familial Sodexo, le premier employeur français dans le monde, avec 450 000 salariés. Dans le cadre d’un plan stratégique, il nous aide à entrer aux États-Unis. Les gens ne le savent peut-être pas, mais Sodexo réalise 46 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis. Je pense que Pierre Bellon a été l’un des grands entrepreneurs de notre pays. Nous avons la chance d’avoir Sodexo autour de notre table, ainsi qu’Infravia. Nous faisons également appel à des administrateurs indépendants. Pendant des années, nous avons reçu Bruno Mettling, le DRH d’Orange. Il a eu l’occasion de remettre à la ministre du travail le rapport consacré au digital et à la qualité de vie au travail. Grâce à Bruno Mettling, j’ai beaucoup appris, lors des conseils d’administration, sur la question des ressources humaines. Nous avons créé un univers, une façon de travailler en nous appuyant sur ces professionnels qui nous accompagnent.

Y a-t-il des exigences de leur part ? La réponse est négative. Ce serait absurde. Ces personnes investissent dans la qualité, elles assurent le trait d’union entre l’épargne des Français et les entreprises les plus qualitatives pour les accompagner dans la durée. Elles nous laissent une liberté de gestion et nous apportent des conseils, mais sans aller plus loin. En termes d’images, ces personnes auraient beaucoup à perdre si elles venaient à imposer leurs exigences que mes salariés et moi-même n’accepterions jamais.

S’agissant du portage immobilier, notre vocation est d’être une société opérationnelle qui gère et anime des crèches et des écoles maternelles au quotidien. Il ne s’agit pas devenir une foncière immobilière. Notre patrimoine immobilier est le fruit de l’histoire. Nous gérons 830 crèches en France, dont six portées au bilan de l’entreprise du fait que nous ayons racheté un petit groupe de crèches propriétaire des murs. Néanmoins, ce chiffre de six crèches sur les 830 reste anecdotique.

Sinon, plus de 400 bailleurs détiennent une ou deux crèches, en relation avec les investissements de personnes. Une quinzaine de bailleurs se compose de professionnels de l’investissement, qui détiennent une centaine de baux. À titre personnel, j’en détiens 25.

Quel est l’intérêt ? Rendre service au groupe. Les niveaux de loyer se situent au niveau de ceux du marché, voire sont parfois inférieurs. Ce sont des situations qui montrent que personne n’occupe le territoire, sauf, peut-être, un promoteur immobilier qui souhaite nous facturer un loyer beaucoup trop élevé. Les baux que je détiens représentent 3,9 % de nos loyers. Vous connaissez la lettre circulaire relative au Piaje, les Caf ne versent pas un euro d’argent public en vue d’acquérir des murs. Le Piaje sert uniquement à aménager les structures.

Mon directeur général vous a déjà parlé du réseau. Le prix de revient de l’ensemble des fonctions supports et des frais de siège coûte entre 2 200 et 2 300 euros par place. Le prix moyen de vente à nos partenaires sur le terrain se situe à environ 2 900 euros, soit une différence de 600 à 700 euros. Je précise que la quote-part du crédit d’impôt s’établit à 50 %. Nous nous situons donc à environ 300 €. Le réseau, dans sa totalité, offre 6 000 places. Cette part peut sembler modeste par rapport aux 480 000 places en France, mais elle permet à de nombreux petits gestionnaires, dont les gestionnaires associatifs, d’atteindre l’équilibre. Je peux citer l’exemple d’une association nantaise, que nous avons soutenue en lui apportant l’équivalent de 50 000 euros de places de crèche pendant plusieurs années avant qu’elle n’atteigne l’équilibre.

M. le président Thibault Bazin. Vous avez été très rapide dans l’énoncé des chiffres. Pouvez-vous nous les repréciser plus lentement ? Vous dites que le prix de revient se situe entre 2 200 et 2 300 euros et le prix moyen de vente s’élève à 2 900 euros.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Oui, soit un écart de 600 à 700 euros, dont 50 % au titre du Cifam. J’ai bien entendu le point de Mme la rapporteure sur la bonne utilisation des deniers publics. Ils représentent ici 300 euros. Si nous les multiplions par les 6 000 places de notre réseau français, nous nous situons à peu moins de 2 millions d’euros.

M. le président Thibault Bazin. Combien avez-vous de places ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Nous en avons 1 800 sur les 6 000. Oui, c’est important, mais au regard du budget consacré à la petite enfance en France, soit 9 milliards d’euros, dont 7 milliards d’argent public, je pense que de nombreux autres sujets sont plus à même de contenter Bercy que celui-ci. J’entends votre point, il est tout à fait justifié.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Il y a la question de la marge, mais, au-delà, mon sujet consiste à dire que l’agent public dépensé doit servir à accueillir les jeunes enfants dans les meilleures conditions. L’activité de commercialisation, dont je ne conteste pas la nécessité au regard du fonctionnement actuel du secteur, m’interroge sur le fait qu’elle soit financée grâce à l’argent public. Nous avons reçu, lors d’une précédente audition, les représentants d’une structure dédiée à l’intermédiation. Ils nous expliquaient qu’ils rémunéraient leurs commerciaux à hauteur de 5 000 euros par mois. Je suis interpellée lorsque je constate les très faibles rémunérations des auxiliaires de puériculture, des EJE, des infirmières lorsqu’elles sont présentes dans les crèches en comparaison des rémunérations des commerciaux. Irrémédiablement, elle est financée par le biais d’argent public, nous en avons largement parlé avec le député Martinet. Pour rappel, le secteur privé dépense 80 millions d’euros en faveur de ce secteur, contre 16 milliards d’euros d’effort pubmic. Le mécanisme du Cifam et celui de la déduction fiscale au titre de l’IS pour les entreprises qui y sont soumises contribuent à une prise en charge très généreuse de ce que nous appelons le tiers financement par les entreprises. Cette situation nous interroge.

Mes propos ne sont pas une critique à l’égard des acteurs qui s’inscrivent dans le système tel qu’il existe aujourd’hui.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je souhaite juste reprendre la déclaration Cerfa relative au Cifam. Les acteurs qui se sont lancés dans cette offre n’ont pas fait preuve de mauvaise foi. Le Cerfa pour le Cifam comprend l’investissement, le fonctionnement et les missions d’études et de conseil. Il n’existe pas de volonté de mal faire. L’état de fait s’est construit sur une dizaine d’années.

M. le président Thibault Bazin. Pouvez-vous répondre sur les frais de siège et le Cifam ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Nous avons envoyé notre tableau. J’ai lu la note de l’Igas relative aux 50 %. Nous partageons 80 % des recommandations de leur rapport, mais l’Igas peut aussi se tromper ou nous pouvons être en désaccord avec quelques-unes de ses recommandations. En l’occurrence, l’Igas a utilisé le plan comptable général, le poste « autres charges externes » (comptes 61 et 62). C’est une espèce de compte fourre-tout de la comptabilité française. Vous voyez les lignes sur la sous-traitance, le crédit-bail informatique, les primes d’assurance, la documentation, les frais d’actes, la publicité, le mécénat, le transport, les frais postaux, de télécommunication et bancaires. D’ailleurs, le rapport utilise le conditionnel : « Il se pourrait que les frais de siège soient là-dedans et ce poste a augmenté de 50 %. »

Je pense qu’il s’agit d’une erreur de la part de l’Igas. Nos frais de siège par place augmentent de 1,3 % quand l’inflation se situe à 2,9 %. Ensuite, si nous comparons nos frais de siège entre 2022 et 2024, ils passent de 11,5 % à 10,2 %.

M. le président Thibault Bazin. En parts relatives par budget de structure, mais quel est le budget global si vous êtes en croissance ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Les frais de siège augmentent en euros, en étant passés de 48 à 49 millions d’euros entre 2023 et 2024. Par contre, entre 2023 et 2024, ils sont passés de 10,6 % du chiffre d’affaires à 10,2 %. Le but est que les frais de siège croissent moins vite que le chiffre d’affaires.

Je vous donne deux éléments de comparaison, qui vont vous faire sourire. J’ai pris le rapport annuel de la Mutualité française de cette année. Ses frais de siège ne se situent pas à 10,2 % comme nous, mais à 11,7 %. Je dois avouer qu’elle ne gère pas seulement des crèches.

M. le président Thibault Bazin. Nous n’auditionnons pas la Mutualité française.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je peux citer l’exemple de l’Assemblée nationale, dont le budget est de 6 millions pour 4 000 personnes, avec 150 000 euros de frais de siège par personne. Nous nous situons à 100 000 euros, un niveau plus vertueux, si j’ose dire, que celui de l’Assemblée nationale.

Je reviens à la répartition des frais de siège, qui vous seront également transmis. Cette répartition s’entend par fonction. La première concerne les coordinatrices et la certification qualité. Viennent ensuite les conseillers parentalité, c’est-à-dire des spécialistes de la petite enfance qui réalisent les études de besoins auprès des collectivités, des entreprises et des services de l’État pour connaître le nombre de places attendu. Ils accompagnent les familles dans leur choix de crèche, procèdent ensuite aux comptes rendus annuels. Il existe un vrai travail de conseiller parentalité. Le troisième grand poste s’attache aux ressources humaines, au recrutement, aux formations, aux déclarations Caf, à la pédagogie, à l’hygiène et à la sécurité. Vous avez le détail complet.

Le Cifam, comme je l’ai dit en introduction, représente la clé de voûte du système. On a inventé un modèle social et éducatif français envié en Europe. Le budget consacré à la petite enfance prévoit que 400 à 500 millions d’euros soient apportés par les employeurs. À ce titre, ils assument leurs responsabilités sur l’égalité femmes/hommes, la conciliation des temps de vie, etc. Le coût du crédit d’impôt s’établit à 150 millions d’euros, puisque je retire le Cesu, qui doit représenter 30 à 40 millions d’euros. Nous disons que la partie consacrée aux crèches se situe à 150 millions d’euros. En considérant les 40 000 emplois créés, les cotisations patronales et salariales rapportent 500 millions d’euros à l’État chaque année.

Le seul moyen d’ouvrir des places de crèches dans les territoires en difficulté ces prochaines années consiste à solvabiliser l’offre, ce qui suppose d’étendre le Cifam aux professions libérales, aux artisans et commerçants. Le coût se situera entre 20 et 30 millions, mais ce sera une goutte d’eau. La disparition du Cifam menace 40 000 emplois et 100 000 places de crèches. Ce sont 120 à 130 000 familles qui se retrouvent sans mode de garde, obligeant l’un des conjoints à cesser son activité professionnelle. Nous revenons à vingt ans en arrière, avec une inégalité des naissances, une inégalité entre les hommes et les femmes et la conciliation des temps de vie. Il sera impossible de relancer la natalité. Ce serait un désastre.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Vous nous donnez votre point de vue sur le Cifam. Je constate quand même que les autres pays européens n’ont pas de dispositif de tiers financement, de Cifam et leurs taux de couverture des besoins n’apparaissent pas forcément inférieurs aux nôtres, pas plus que leurs taux d’encadrement. Il est donc possible d’agir différemment, si tant est que nous ne voulions pas juste toucher une brique, mais repenser une architecture.

Je vous propose de passer aux questions relatives à vos activités d’influence. Si vous en êtes d’accord, je me contenterai, pour commencer, de lire un certain nombre de citations issues du site Internet des Petits Chaperons rouges ou d’une interview que vous avez donnée au journal Les Échos en novembre dernier.

Sur votre propre site, vous indiquez, dans l’onglet « Pourquoi choisir Les Petits Chaperons rouges » : « Les Petits Chapons rouges ont vu le jour en 2000, après que notre président fondateur, M. Jean-Emmanuel Rodocanachi, ait œuvré auprès des pouvoirs publics en faveur de l’ouverture du secteur des crèches aux acteurs privés afin de pallier la pénurie de places en France. » À l’onglet « Notre belle histoire inspirante », nous pouvons lire : « Suite à trois ans de concertations avec la Cnaf et les ministères concernés, Jean-Emmanuel Rodocanachi a fondé le groupe Grandir, devenant ainsi le premier groupe privé autorisé à gérer les crèches privées. » Dans une interview au journal Les Échos du 7 novembre dernier, vous contestez les mesures adoptées depuis 2015 par les gouvernements successifs. Vous dites : « Les tutelles, obnubilées par ce reste à charge, ont remplacé en 2015 le forfait par une tarification horaire qui a déséquilibré le modèle économique. » Vous ajoutez « Avant, les familles se voyaient facturer 2 000 heures par an. Depuis, elles consomment les crèches en libre-service, c’est plutôt 1 800 heures ». Vous poursuivez en expliquant que pour compenser, la Cnaf vous a proposé de prendre aussi des enfants de manière occasionnelle et permis de pratiquer un peu d’accueil en surnombre jusqu’à 115 % d’occupation. « On s’éloigne ainsi de la qualité, on fatigue les équipes, c’est générateur d’absentéisme et de turn-over ».

Dans cette même interview, vous en appelez vous-même à diviser par deux le rythme de création de places tel que prévu par la Cog en 2023 et 2024.

Monsieur le président, j’avoue ne plus comprendre. Qu’en est-il ? Avez-vous influencé les autorités lors de l’ouverture du marché au secteur privé ? Qui avez-vous rencontré à cette époque de manière formelle ou informelle ? Quelles ont été vos relations au sein des gouvernements, mais également au sein des administrations au début des années 2000 ? Avez-vous coconstruit la libéralisation du secteur avec les autorités de l’époque ? Avez-vous reçu des subventions de la part des Caf ou toute autre aide en nature à l’époque pour lancer cette activité ? Depuis, que s’est-il passé ? Votre pouvoir d’influence a-t-il faibli ? Vos relais d’influence ont-ils disparu ? Pourriez-vous nous expliquer cette évolution dans vos prises de position vis-à-vis des autorités ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Vous m’interrogez sur des rendez-vous qui auraient été pris il y a une vingtaine d’années. Je dois vous avouer que ma mémoire peut éventuellement flancher. Nous avons vu passer beaucoup de monde, beaucoup de cabinets, nous avons vu évoluer les équipes au sein des Caf, à la Cnaf. Mais aussi au sein de l’AMF, les départements de France ou encore l’association des villes de haute montagne. Nous étions un grpoupe de jeunes entrepreneurs. Tout le monde constatait que 800 000 familles étaient placées sur listes d’attente, qu’il existait de vrais problèmes de qualité structurelle dans les crèches et qu’il fallait innover. Nous nous sommes regroupés tous ensemble et nous avons essayé de faire avancer le secteur.

La plupart des rendez-vous ont été pris à l’initiative de l’État. Dès lors que nous travaillons de manière partenariale, ils souhaitent nous rencontrer pour étudier telle crèche ou pour constituer un groupe de travail. Par exemple, le Centre d’analyse stratégique nous contacte en 2007 pour expliquer qu’il rédige un rapport sur un service public de la petite enfance et qu’il souhaite nous auditionner. Untel organise une table-ronde sur les services à la personne. J’ai été auditionné, dans le cadre du rapport Attali, sur le rôle de la crèche comme vecteur de socialisation. La Cnaf a lancé une étude sur l’entreprise et le mode d’accueil de la petite enfance et, à ce titre, nous a auditionnés. Nous l’avons été parce que nous étions réactifs, parce que nous partagions les informations du terrain et les données. Lorsque nous nous sommes implantés à l’international, nous les avons nourris de nos observations. Finalement, ils étaient heureux d’avoir des gestionnaires jouant le jeu, partageant l’information ou travaillant avec eux pour trouver la meilleure option.

Lorsque je regarde ce que nous avons fait avec la Fédération française des entreprises de crèches depuis un an, nous avons eu tort sur un certain nombre de choses. Nous avons encouragé la carte professionnelle pour détecter les risques chez les salariés qui pourraient être maltraitants, mais la démarche a été refusée. Nous avons proposé de passer l’accueil en surnombre de 120 à 115 % il y a deux ou trois ans, et cette proposition a été acceptée. Nous avons souhaité supprimer le décret permettant d’accueillir des non-diplômés, ce qui a été accepté. J’ai proposé de diviser par deux le nombre de places sur cette Cog, parce que vouloir ouvrir à tout prix sans professionnels est une folie. Nous n’avons pas été écoutés, comme nous ne l’avons pas été au sujet de l’ouverture du Cifam aux professions libérales, malgré les différents examens au Parlement. J’espère que nous serons écoutés sur la simplification de la PSU. Pour les trois journées pédagogiques, qui datent de la nouvelle loi, nous avons proposé six demi-journées, car nous estimons que les professionnels ont besoin de se retrouver plus régulièrement. La demande n’a pas été acceptée.

Nous avons été entendus sur le fait que les contrôles de l’Igas puissent également porter sur la qualité. Nous espérons que sera accepté, ces prochains jours, le fait de passer par des accords d’entreprise, et pas de branche, s’agissant des 150 euros destinés aux salariés. La décision dépend du cabinet de la ministre, en espérant qu’elle soit rapide. Je mentionne enfin le socle commun, les 10 000 salariés qui manquent, au sujet desquels nous attendons une réponse concrète.

Sur les dix mesures récentes, nous avons reçu trois réponses positives et cinq négatives, deux étant en attente.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Si je résume vos propos, vous êtes un acteur du secteur. Vous faites des propositions. Certaines sont retenues, et c’est tant mieux. Certaines ne le sont pas et vous vous adaptez.

M. Jean Terlier (RE). Selon vous, le modèle économique des crèches influe-t-il sur la pénurie de personnels et la qualité d’accueil des enfants ? À votre niveau, que mettez-vous en place pour pallier ce problème majeur ?

De votre point de vue, afin d’améliorer la qualité d’accueil en crèche, quelles seraient les principales mesures à mettre en place dans les modèles économiques comme le vôtre ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Il manque 10 000 professionnels. Vous avez lu le rapport de la commission d’Élisabeth Laithier, consistant à dire qu’il faut améliorer les VAE, l’apprentissage et l’alternance. ? C’est très bien, il faut le faire, mais je pense que la même discussion se posera dans cinq ans. Nous aurons trouvé 500 ou 1 000 places de plus, mais pas les 10 000. Nous portons une solution depuis déjà quelques années. Elle permettrait, en douze ou dix-huit mois, de régler le problème. Nous avons 100 000 élèves CAP petite enfance, de catégorie 2, et nous comptons 50 000 auxiliaires et d’éducatrices, de catégorie 1. Si nous créons un diplôme intermédiaire, assimilé à la catégorie 1, qui permet instantanément de toucher 100 euros de plus, nous retenons les 10 % des meilleurs élèves de CAP de petite enfance en France, qui valent amplement la moyenne des auxiliaires. Dans n’importe quel corps constitué, vous trouvez toujours des bons éléments, des moyens et des mauvais. Nous retenons les 10 % des meilleurs, nous mettons en place six contrôles, garde-fou et qualité. Ces personnes ont au moins passé trois ans en crèche. Elles passent par le sas d’une formation pendant un mois, qui permet d’aborder les cinq thèmes du diplôme d’auxiliaire, en insistant sur la notion de présence à ces formations, qui ne doivent pas être organisées en e-learning. Un examen sanctionne la sortie de la formation. Les élèves reviennent ensuite dans leur crèche et bénéficient d’une marraine ou d’un parrain pour les accompagner et les coacher. Enfin, l’employeur est soumis à l’obligation, dans les trois à quatre années qui suivent, de les faire passer du statut intermédiaire au statut à temps plein d’auxiliaire de puériculture à travers une VAE ou l’apprentissage.

Nous avons les garde-fous, nous choisissons les meilleurs et, surtout, nous décloisonnons le secteur, qui devient aspirationnel. Vous ne passez plus toute votre vie avec le même diplôme dans la même crèche. Vous avez tout à coup la possibilité d’atteindre ce Graal qu’est la catégorie 1. Je propose la même chose aux auxiliaires pour qu’elles deviennent éducatrices de jeunes enfants.

Lancer de telles démarches permettrait d’apporter une respiration au secteur. Nous comptons 40 000 familles inscrites sur les listes d’attente et nous recevons environ 50 000 CV chaque année. Nous ne voyons pas assez de CV de catégorie 1, mais un nombre pléthorique de CAP. Allons chercher ces fameux CAP dans le secteur, aidons-les à grandir et à atteindre la catégorie 1. Je pense que nous résolvons le problème du secteur en dix-huit mois.

La qualité suivra. Les fondamentaux français du secteur de la petite enfance sont tellement bons que le sujet de qualité ne se posera pas.

M. William Martinet (LFI-NUPES). J’ai évidemment plusieurs questions à vous poser, mais je souhaite d’abord rebondir sur l’un de vos propos. Vous avez affirmé qu’une place en crèche chez vous coûtait de 1,5 à trois fois moins cher à l’État. J’aimerais que vous argumentiez cette affirmation. Les documents pourraient être transmis à Mme la rapporteure. Nous avons d’autres sources, notamment celles de l’Igas, qui a déjà publié des données sur cette question. Que ce soit au berceau ou à l’heure, les places du secteur marchand, comparé au secteur public ou associatif, sont celles qui sont les plus subventionnées et qui nous coûtent le plus cher. Peut-être direz-vous que c’est une erreur de l’Igas, comme celle relative aux frais de siège, mais je vous avoue que nous avons tendance à faire confiance à l’Igas et à considérer que les places du secteur marchand coûtent plus cher que les autres aux finances publiques.

Dans cette commission, nous sommes plusieurs à ressentir des inquiétudes sur le modèle économique des crèches privées et sur la qualité de l’accueil. Je voudrais vous faire remonter un témoignage pour connaître votre réaction. Il émane de parents d’une crèche de votre groupe, dans le 17e arrondissement. Je défends le lancement de cette commission depuis un an, après avoir reçu de nombreux témoignages de parents.

Nous avons dans cette crèche une directrice qui a expliqué aux parents qu’elle devait acheter du pain avec son propre argent pour compléter les repas, qu’elle devait commander des rations supplémentaires quand il y avait des enfants gros mangeurs, dit-elle, parce qu’elle considère que les rations sont faibles. Dans cette crèche, les parents ont listé les moments au cours desquels la réglementation n’était pas respectée en termes d’encadrement des enfants. Je rappelle qu’il faut un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas et un professionnel pour huit enfants qui marchent. Que nous disent les parents ? Le 16 novembre 2023, à 9 h 20, dix-sept enfants marcheurs dépendaient de deux encadrants, huit bébés d’une encadrante. Le 15 décembre 2023, à 16 h 45 et le 22 décembre 2023 à 9 heures 30, nous trouvions treize enfants marcheurs pour une encadrante. Le dernier exemple est assez exceptionnel. Le 22 janvier 2024, à 10 h 15, une seule encadrante s’occupait de neuf bébés. De plus, les parents ont trouvé dans la crèche ce message de la part de la directrice. « Je suis à la crèche Lantiez, contrôle PMI. Appelez-moi si besoin ». Nous comprenons que la directrice a quitté la crèche pour aller dans une autre crèche soumise à un contrôle PMI, laissant une encadrante s’occuper seule de neuf bébés. Vous admettez qu’une telle situation questionne.

Comprenez-vous que nous puissions penser qu’il ne s’agit pas simplement d’une série d’erreurs, qu’il est peut-être un peu trop facile à chaque fois de faire endosser la responsabilité individuelle à des professionnels qui ne feraient pas bien leur travail. Nous pouvons aussi estimer que ce genre de situation résulte d’un problème de modèle économique. Quand on tire très fort sur la corde, elle finit par rompre, ce qui correspond aux exemples que je viens d’évoquer.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je vous pose une question. Est-ce une micro‑crèche ? Connaissez-vous de nom de cette crèche ?

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je parle d’une crèche de vingt-quatre berceaux.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je suis navré d’apprendre cette situation. Nos consignes stipulent que le taux d’encadrement doit être toujours respecté. S’il y a un enfant de trop, du fait que les familles arrivent plus tôt, partent plus tard ou n’ont pas prévenu qu’elles venaient ce jour-là, la consigne fait en sorte que les parents restent avec les enfants pour faire le nombre. Nous pouvons aussi refuser l’accès de la crèche à l’enfant. Nous ne transigeons pas avec cette règle ni avec la sécurité.

Je vous posais la question pour savoir s’il s’agissait d’une micro‑crèche. Nous avons mis en place une organisation plus qualitative que la loi, qui prévoit une directrice pour trois micro‑crèches, alors que chez nous, elle couvre deux établissements. Il est normal que cette dernière se rende à la crèche voisine en cas de contrôle PMI puisqu’elle est responsable des deux structures. En l’occurrence, vous évoquez une crèche de vingt-quatre places et je me renseignerai, si vous avez la gentillesse de me donner le nom de la crèche. Je vais surtout demander à mes équipes opérationnelles de mener une enquête.

Je ne pense pas qu’il y ait de lien, en revanche, avec le modèle économique en tant que tel. Toutes les structures d’accueil du jeune enfant, et notamment à Paris, souffrent de cette pénurie de personnel. Certaines crèches sont obligées de fermer, même à Paris, certaines sections certains jours. Oui, il peut y avoir des difficultés et j’entends votre point. Je suis navré d’ailleurs pour ces parents. Par contre, je ne pense pas que ce cas individuel mérite une généralité.

S’agissant du modèle économique, je relirai le rapport de l’Igas. Je vous rassure, l’Igas ne fait pas que des erreurs. C’est une institution remarquable et nous partageons 80 % de ses recommandations. Si vous prenez une structure publique versus une structure d’entreprise, que trouvez-vous ? Les familles payent à peu près la même chose, 25 % dans les deux cas. C’est la PSU. Ensuite, la Caf paye la PSU, à hauteur de 25 % dans les deux cas. Dans la structure municipale, la collectivité finance les 50 % restants. L’argent public est donc alimenté par la Caf et les collectivités, pour un taux de 75 %.

Le modèle privé dépend de l’employeur qui paye. Nous avons donc 75 % versus 25 %, soit le ratio d’un pour trois. Si nous regardons les mêmes chiffres en net, pour la famille, la ville et l’employeur, ce ratio 75/25 devient 88/58, soit une fois et demi. Je confirme donc mes chiffres.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous n’allons pas entrer dans le débat des chiffres. Les données de l’Igas sont assez claires et fiables.

Nous avons eu l’occasion, lorsque nous avons auditionné vos équipes il y a quelques jours, d’évoquer un sujet qui, je crois, à juste titre, a beaucoup choqué. Je parle de l’existence, au sein de votre groupe Les Petits Chaperons rouges, d’une prime à destination des directeurs et directrices d’établissements qui vise à réaliser des économies sur les repas distribués aux enfants. Afin que tout le monde comprenne bien le principe de cette prime, les repas sont commandés la veille et il y a toujours un écart entre le nombre de repas commandés et le nombre d’enfants réellement présents, parce que c’est la vie. Parfois, les grands-parents, au dernier moment, décident de garder leurs petits-enfants, ou bien les enfants sont malades.

Le principe de la prime repose sur un ratio maximal de 103 % entre les commandes et les repas distribués. L’effet pervers de cette prime est que certaines directrices ont considéré qu’il valait mieux sous-estimer le nombre d’enfants présents, parce qu’après tout, il y en a toujours un ou deux qui sont absents, pour avoir le meilleur ratio possible. Si aucun enfant n’est absent, on se retrouve avec insuffisamment de rations. Tout cela a été documenté par des parents qui ont témoigné, et par les journalistes qui écrit le livre Le prix du berceau.

Étiez-vous informé de l’existence de cette prime qui visait à réaliser des économies sur les repas des enfants ? Considérez-vous qu’elle est compatible avec la bientraitance des enfants et le respect de leur dignité ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Le sujet est sérieux. Je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse de la situation. Je vais l’expliquer une dernière fois, parce que mon directeur général a déjà livré les explications.

Comme vous le savez, une plainte en diffamation a été déposée et je laisse la justice faire son travail. Jamais il n’y a eu, ou il n’y aura, dans notre groupe, de rationnement de la nourriture. Le fait même de l’imaginer est absurde, totalement absurde. Bien au contraire, nous sommes probablement l’un des seuls groupes à avoir prévu des stocks de secours de la marque Blédina, en petits pots sucrés et salés, à raison d’une réserve d’une semaine complète pour faire face à certaines intempéries.

Je vous donne un exemple concret. Dans les Hauts-de-Seine, le préfet a publié un arrêté d’interdiction de circulation des camions de livraison en raison des intempéries. Heureusement que nous avions ces petits pots dans nos crèches.

Ensuite, je suis le seul responsable de cette prime. C’est une décision collective de mon équipe, mais au final, c’est moi le patron et c’est moi qui en suis responsable. Si c’était à refaire, je l’aurais probablement refait parce qu’au départ, cette prime ne visait pas du tout à rationner les repas, bien évidemment. Il y a eu un incident isolé d’une directrice qui s’est trompée, qui, un jour sur deux, a commandé 97 % des repas et un jour sur deux, 105 % des repas sur une période de deux à trois mois, dans une crèche qui existait depuis dix ans. Ce phénomène ne s’est produit nulle part ailleurs en France.

Cette prime répondait à une question de RSE, de la loi Egalim. Vous le constaterez d’ailleurs dans notre rapport RSE. La lutte contre le gaspillage alimentaire est mentionnée en page 55, illustrée par toutes nos actions. On jetait à la poubelle de quoi nourrir la ville de Bordeaux pendant une journée entière, des tonnes et des tonnes de nourriture. Est-ce encore acceptable au XXIe siècle ? Je ne le crois pas. Nous avons considéré, à travers les 10 % de la prime de la directrice, et non pas 50 %, soit 300 euros par an, que c’était un sujet important à nos yeux.

Nous attaquons en diffamation les auteurs du livre parce qu’ils avaient toutes les formations et ne les ont pas retranscrites. Nous avons mis un terme à cette prime un an avant l’incident. Vous voyez qu’il n’existe pas de lien de cause à effet.

Je vais vous dire ce qui m’a choqué dans cette histoire, c’est votre tweet qui a attaqué frontalement, il y a quinze jours, l’une de mes collaboratrices, avec son nom jeté en pâture sur les médias sociaux. C’est gravissime. Nous parlons ici de diffusion de fake news, avec le bidouillage de votre vidéo. Nous sommes bien dans un cas de diffamation. On parle d’une jeune mère de famille exemplaire, intègre, qui venait de rentrer de congé de maternité. Elle reçoit toujours des menaces sur les réseaux sociaux. Je vous dis, monsieur Martinet, que c’est indigne d’un élu de la République.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Vous avez raison d’évoquer le sujet de la responsabilité, mais qui a pris la décision ? Dans votre monde, on fait des systèmes de primes, de rationnement, on se dit que cela permettra d’économiser de l’argent et d’augmenter la rentabilité. Vos décisions ont des conséquences dans la vie réelle, dans les crèches, pour les professionnels et les enfants. Nous avons reçu les organisations syndicales qui ont dénoncé ce système de primes qui vise à rationner la nourriture dont vous parliez à l’époque.

Vous avez raison de parler de procès en diffamation. La décision a été prise par une directrice opérationnelle qui, dans son parcours professionnel, est passée chez McKinsey. C’est ce qui nous a été dit au moment de l’audition de la semaine dernière. On parle de procès en diffamation et cela me vaut une menace de procès en diffamation de la part de McKinsey. Je le dis pour que vous compreniez ce qu’est la tentative d’intimidation d’un élu de la République, d’un parlementaire, membre d’une commission d’enquête. McKinsey considère que la pratique de prime est suffisamment détestable pour essayer de s’en détacher et de montrer qu’il n’a aucun rapport avec cette pratique. Cela me donne envie de creuser le sujet. Je pense que McKinsey, et d’autres, ont une influence sur la méthode de management des entreprises.

À l’exception de cette directrice opérationnelle, d’autres personnes de LPCR ont-elles eu, dans leur parcours professionnel, une expérience chez McKinsey ? Elles ont peut-être importé des méthodes au sein de votre groupe.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je pense que nous sortons totalement de l’objet de cette commission. Le sujet a été abordé avec la Cour des comptes, à notre siège social. Ses représentants sont venus à trois reprises ces derniers mois. Nous les avons accueillis, ils ont eu l’occasion de discuter avec tous les salariés et ont pu poser leurs questions sans tabou. Je peux vous dire qu’ils sont repartis très rassurés.

Je vous tends la main également, monsieur Martinet, puisque vous n’avez pas encore visité une seule de nos crèches. C’est un peu dommage, nous en avons trois dans votre circonscription, la 6e des Yvelines, à Trappes et Élancourt. Vous n’êtes jamais venu. Je vous invite à nous rendre visite, à rencontrer notre direction régionale et à vous rendre à notre siège social. Nous parlerons de tous ces sujets à tête reposée. Vous constaterez que les choses sont bien plus qualitatives que vous ne le pensez.

M. le président Thibault Bazin. Monsieur Rodocanachi, sur la question du parcours professionnel, avez-vous connaissance de certains collaborateurs de votre groupe ayant travaillé chez McKinsey ?

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je vous informe, monsieur Rodocanachi, que Denis Terrien, nommé en 2016 président du conseil de surveillance de LPCR, a effectué une partie de sa carrière chez McKinsey. Vous-même, vous vous êtes vanté dans la presse, à plusieurs reprises, du parcours professionnel de vos collaborateurs. C’est assez édifiant. Parmi vos directeurs généraux ou délégués, nous trouvons des gens issus de Sodexo, de Pizza Hut, d’Elior, de McKinsey, de Danone, de Casino, d’Ernst & Young, de KPGM, d’Etam. Je n’ai rien contre les reconversions professionnelles, je pense que c’est très utile, mais quand autant de personnes ont construit leur parcours dans quelque chose qui n’a rien à voir avec les crèches, avec les métiers du lien, ne pensez-vous pas que ces gens participent à une forme de management, à une stratégie financière qui peut poser problème pour les enfants ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je vous confirme que je ne connais pas par cœur le CV de mes 14 000 collaborateurs dans le monde et je m’en excuse. Je tâcherai de m’améliorer la prochaine fois. Ensuite, j’ai envie de vous dire que c’est une chance inouïe pour un secteur d’activité d’avoir des gens qui viennent d’horizons différents. Ils apportent des outils différents dans la boîte à outils, ils apportent un savoir-faire, une expertise, une exposition. Cette assemblée serait bien terme si tout le monde avait été député toute sa vie. Heureusement, elle comprend des agriculteurs, des infirmières et des architectes qui ont occupé ces métiers avant d’être élus députés. Ne croyez-vous pas ?

Mme Anne Bergantz (Dem). Je reviens au financement et à la qualité des crèches. Nous avons évoqué les résultats de votre société, mais je ne crois pas que nous ayons parlé de votre endettement et de son niveau. J’aimerais savoir également si vous avez un endettement à titre personnel, s’agissant notamment des SCI que vous possédez.

Nous travaillons sur la proposition de suppression du Cifam émise par l’Igas, motivée par le fait que le pilotage du Cifam se révèle difficile et qu’il bénéficie essentiellement aux grands groupes, avec un effet inflationniste sur les prix de berceaux. Vous dites qu’une telle démarche s’accompagnerait d’un risque de retrait des entreprises et donc de fermetures de crèches. Le nombre n’est peut-être pas de 100 000, il me semble exagéré, mais je conviens qu’il peut y avoir des fermetures de crèches.

La question vise à savoir si nous pourrions compenser la disparition des places résultant de la suppression du Cifam. De combien devrions-nous augmenter la PSU ? Quel devrait être le prix minimum des DSP ? De quelle manière compenser le retrait des entreprises et assurer la viabilité des crèches ? Vous avez évoqué la différence, entre 1,5 et trois fois, du coût moyen. Resterions-nous au même niveau ? C’est important, puisque nous parlons d’argent public.

Vous appelez de votre vœu la simplification de la PSU. La Cnaf a indiqué devant nous qu’elle travaillait sur un projet de lissage de la PSU. Cette démarche va-t-elle dans le bon sens ? Avez-vous d’autres propositions ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Oui, comme je l’ai expliqué précédemment, nous faisons face à un endettement. Il faut avoir un bilan équilibré, c’est-à-dire une partie en dette bancaire et une partie en fonds propres de la part de ces actionnaires. Chez nous, l’endettement au bilan s’établit à près de 400 millions d’euros. Cet endettement a surtout servi à ouvrir des places de crèches. J’ai entendu les intervenants de la précédente audition. Malheureusement, nous n’avons jamais 80 % de Piaje. En moyenne, l’aide à l’investissement se situe à 35 %. Pourquoi pas davantage ? Vous n’êtes pas sur le territoire qui maximise en fonction des ressources des habitants ou vous vous installez dans un local existant, ce qui ne permet pas de toucher la prime de haute qualité environnementale. Ces 65 % forment donc notre bilan, notre endettement.

S’agissant du Cifam, pourquoi les opérateurs privés sont-ils inquiets ? Les associations et les municipalités le sont également, puisque nous venons en soutien à de nombreuses délégations de service public. Il nous est demandé de vendre 5 à 10 % des places de la crèche municipale aux employeurs locaux.

Chez nous, sur environ 2 000 entreprises clientes, plus de 1 500 sont des mono-réservataires. Ce sont des TPE, TPI et PME de cinq à dix salariés qui prennent une place. Ce sont aussi des grands groupes, qui souhaitent des centaines de places. Vous imaginez leur niveau de dépense sans le Cifam.

Pourquoi n’y a-t-il pas de réservataire employeur dans les autres pays européens ? Tout simplement parce qu’il n’existe pas de crédit d’impôt. En Angleterre, les familles payent 3 000 pounds chaque mois pour une place de crèche. Je ne suis pas certain qu’une telle politique familiale serait souhaitable en France.

Vous m’avez posé une question au sujet de l’impact sur les prix des DSP. Je pense que le sujet de la DSP est assez simple. Vous savez que ce n’est pas le gestionnaire qui fait le prix, c’est l’AMO avec la ville. Entre le premier et le second tour, ils vous reçoivent à l’oral et vous expliquent que si vous voulez gagner, il vous faudra baisser le prix.

Nous savons que le montant de 10 000 euros correspond au prix payé par la famille et la Caf. Il reste 10 000 euros payés par la ville. Dans une DSP, ils mettent souvent le local gracieusement à disposition. De fait, le montant passe à 7 000 euros. Ensuite, des charges supplétives sont prises en charge par la commune : l’électricité, l’entretien du jardin, la rénovation de la façade, etc. Ces 7 000 euros passent donc à 5 000 euros. Chaque DSP est unique dans son modèle. Nous ne pouvons pas dire que c’est mal vendu à 3 000 euros ou trop bien vendu à 7 000 euros. C’est très complexe et pointu.

En France, le prix moyen de la PSU s’établit à 11,70 euros de l’heure, selon le chiffre officiel de la Cnaf publié il y a quelques semaines. Le seuil d’exclusion s’élève à plus de 17 euros de l’heure. Dans ce cas, la Cnaf considère que la crèche est mal gérée. Pourquoi ne pas envisager un prix plancher pour garantir la qualité pour toutes les crèches, pas simplement dans les DSP ? Nous pourrions le fixer à 8, 9 ou 10 euros de l’heure, comme cela existe dans d’autres pays. Je pense que c’est une option.

Enfin, je réponds à votre question sur le coût d’arrêt du Cifam, en rappelant que le Cifam est un outil essentiel de lutte contre les inégalités de naissances. Dans une crèche municipale, la ville privilégie les foyers dont les deux parents travaillent. Dans une crèche d’entreprise, un parent travaille et, statistiquement, le deuxième peut ne pas travailler. C’est la raison pour laquelle nous trouvons 15 à 20 % de familles fragiles dans les crèches privées contre 7 % en moyenne nationale.

Nous sommes passés de la tarification au forfait à la tarification horaire. Le taux d’occupation des crèches en France se situait à 60 % il y a dix ans. L’État a considéré que ce n’était pas suffisant, au regard de l’équipement public disponible, et qu’il fallait l’augmenter à 75 %. On a inventé la PSU horaire, qui était une bonne idée au début. Personne n’avait anticipé le futur dérapage. Les congés payés des familles ont été déplafonnés. Au lieu de prendre cinq semaines, elles ont pris dix semaines. Que s’est-il passé ? Les gestionnaires sont allés voir les Caf en expliquant qu’ils n’avaient plus assez de ressources. Les Caf ont répondu qu’il fallait avoir recours à l’accueil occasionnel, mais trouver une famille pour la deuxième semaine des vacances de février ou la première des vacances de Pâques s’avère impossible dans la vraie vie. Les Caf ont alors considéré qu’il fallait assurer un accueil en surnombre toute l’année.

Vous avez évoqué mon interview donnée aux Échos. Effectivement, l’accueil en surnombre est la conséquence de la PSU horaire. Il faut avoir suivi des études de Polytechnique pour comprendre le calcul de la PSU horaire, du taux d’occupation facturé et du taux d’occupation réalisé. Aujourd’hui, nous lissons entre 107 et 117 %. C’est un mal pour un bien. Je pense qu’il existe une autre solution, celle de proposer à la Cnaf de passer à un taux unique de PSU indexé sur l’inflation dès 2025. Nous constatons six taux de PSU différents, à multiplier par les trois bonus. Au total, nous obtenons dix-huit taux de PSU. Le « U » de PSU ne signifie plus rien. Nous subissons une régression linéaire et nous créons une infinité de taux. Au lieu de privilégier la simplification, nous nous dirigeons vers la complexification.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je ne crois pas que vous ayez répondu à ma question sur votre endettement personnel.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. J’ai des dettes personnelles puisque, tout au long de ma carrière, je me suis endetté pour maintenir le contrôle et détenir une part de l’entreprise la plus importante possible.

Mme Anne Bergantz (Dem). Pouvez-vous nous préciser le montant de cet endettement ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je ne le connais pas par cœur, je pourrais vous fournir les documents, mais il s’élève à plusieurs millions d’euros.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je voulais savoir si le Cifam faisait partie du plan de développement de croissance. Vous parliez, en 2017 d’hyper-croissance à propos de votre groupe et du modèle de crèche que vous développez. Le plan de croissance de votre groupe est-il un gage pour vos investisseurs et est-il très important pour le modèle économique, pour la valeur de votre groupe ? Que pourrait représenter la suppression ou la modification du Cifam dans votre modèle économique ? De quelle manière pourriez-vous anticiper des modifications de ce crédit d’impôt ? Quelles seraient les répercussions ? Je pense que vous êtes un homme d’affaires très avisé et malin, vous êtes capable de rebondir si la loi change. Votre groupe continue de progresser et de faire son travail.

Votre groupe est-il doté d’une centrale d’achat ou bien faites-vous appel à une centrale d’achat externe ? Êtes-vous actionnaire d’une centrale d’achat ? Si elle existe, que représente cette centrale ? Quel est son chiffre d’affaires ? Pouvez-vous nous dire ce qu’elle représente en surplus dans le coût final du berceau ? Quel pourcentage prend-elle sur les transactions entre fournisseurs et crèches ?

J’ai vu sur Internet la centrale d’achat qui s’appelle Point Omega. Quelle est sa place dans votre modèle économique ? Comment fonctionnez-vous ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Nous ne fixons pas la croissance, qui est fixée par l’État à travers les différents plans crèches successifs. Pour le prochain quinquennat, il considère qu’il faut ouvrir 30 000 ou 50 000 places. Le secteur se met en ordre de marche pour essayer d’ouvrir ces places. L’État est notre prescripteur. Il donne le ton sur le nombre de places à ouvrir. Depuis 2017, je tiens une position inverse dans les médias, en disant qu’il faut ralentir les ouvertures. Nous ne pourrons pas faire du « en même temps » sur ce dossier. Ma position apparaît un peu anachronique dans le secteur. Je suis le seul à dire qu’il faut ralentir.

Vous me demandez ensuite de quelle manière affiner le Cifam. Nous avons la poche d’étude et de conseil préalables et la poche de financement de l’investissement. C’est assez peu utilisé et donc assez peu justifié dans le Cifam. En revanche, je pense qu’il faut sanctuariser le fonctionnement.

Que voulons-nous ? Voulons-nous un modèle à l’anglo-saxonne, très libéral, dans lequel les familles payent le plein tarif ? Si nous passons tout le système français à la Paje, l’État viendrait aider les familles directement. Nous ne serions plus entre 50 centimes et 2,50 euros de l’heure, mais à 10 euros de l’heure, comme en Angleterre. Je ne suis pas certain qu’une telle perspective corresponde à notre politique familiale. Pour moi, la PSU fonctionne. Il faut juste l’améliorer et mieux réallouer les différentes dépenses puisque nous parlons quand même de 9 milliards d’euros. L’Assemblée nationale a décidé, l’année dernière, de doubler le plafond du crédit d’impôt pour garde d’enfant à l’extérieur du domicile. Le coût s’élève à 600 millions d’euros, c’est un très beau cadeau pour les familles. Je cite aussi le déplafonnement des congés payés en crèche, pour 650 millions d’euros. Une économie d’un milliard d’euros sur la provision a été décidée par le Gouvernement sur cette Cog au titre de l’aide à l’investissement. L’efficience sur les seuils d’exclusion représente un coût de 250 millions d’euros. Au final, le montant s’établit à 2,5 milliards d’euros. En face, nous devons absolument faire passer le pouvoir d’achat des salariés dès la rentrée de septembre, mais il manque 240 millions en raison d’un mauvais approvisionnement. Il faut aussi indexer la PSU sur l’inflation, pour 700 millions.

J’ai d’un côté une dépense de 940 millions et, de l’autre, l’opportunité d’aller chercher 2,5 milliards d’euros. Je pense qu’il est possible de parvenir, pour cette Cog, à 1,5 milliard d’excédent dans la branche famille, à la condition de réunir tous les acteurs autour de la table.

Vous m’avez enfin interrogé sur la centrale d’achat. Nous avons effectivement la société Point Omega, qui est une SARL créée en 2007 ou 2008. Pourquoi avoir créé cette unité ? Nous avons regardé ce qui existait et avons constaté que la Mutualité française avait mis en place une centrale d’achat dédiée au sanitaire et social. Nous avons vu que les collectivités utilisaient deux centrales d’achat publiques, de mémoire, en charge de tous les achats, notamment pour les écoles. Nous avons considéré que si ces acteurs le faisaient, nous pourrions le faire également. Notre centrale est détenue à 100 % par le groupe, sans autre actionnaire. Je n’en suis pas actionnaire directement. C’est surtout une structure juridique, dans laquelle se retrouvent les acheteurs, qui travaillent en soutien des différents métiers. Lorsqu’il faut renégocier le contrat de téléphonie ou les loyers, nous nous appuyons sur l’expertise métier de ces acheteurs.

M. le président Thibault Bazin. Quel coût représente cette centrale sur les structures ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Je n’en ai pas la moindre idée. Je reviendrai vers vous. Nous payons 52 millions de loyers par an, 12 millions pour la nourriture, 2 à 3 millions pour les couches. Viennent ensuite tous les autres frais. À mon avis, les achats atteignent au moins les 100 millions par an.

M. le président Thibault Bazin. La question portait surtout sur la facturation de la centrale d’achat à la structure.

M. le président Thibault Bazin. Je ne le sais pas. Je me renseignerai auprès de mon directeur général avant de revenir vers vous.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Vous êtes actionnaire et bénéficiaire effectif de Point Omega, vous êtes bénéficiaire indirect à plus de 50 %.

Concernant le modèle économique, vous parliez de frais de siège, évalués à moins de 11 %. S’agissant des frais de centrale d’achat que vous appliquez, pouvons-nous considérer que vous réalisez environ une marge de 4 % sur la refacturation entre le fournisseur et la crèche ? Vous ne m’avez pas répondu sur le nombre de salariés chez Point Omega.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Nous reviendrons vers vous avec ces chiffres, en toute transparence. Je crois que Point Omega regroupe entre quatre et cinq salariés. Je ne suis même pas certain qu’il y ait une refacturation. Nous vérifierons ces éléments très rapidement.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Selon mes informations, la centrale d’achat réalise un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros. Vous pouvez très bien atteindre les 100 millions en 2024, avec trois ou quatre salariés en effet. On me parle d’un taux de refacturation de 4 % entre les fournisseurs et les crèches. Ce n’est pas négligeable dans le modèle économique quand nous savons que vos frais de siège s’établissent à un peu moins de 11 000 euros. Votre groupe fonctionne un peu en cercle fermé. Vous êtes smart, le système vous permet de libérer toute votre intelligence capitaliste, je le comprends tout à fait, vous n’êtes pas dans l’illégalité, le système le permet. Je dis seulement que nous avons besoin de comprendre de quelle manière il faut procéder pour éviter que ce type de système se multiplie, devienne dominant et conditionne l’avenir des enfants, des parents et des crèches dans le pays.

M. le président Thibault Bazin. Lors de nos auditions avec les collectivités et les groupes mutualistes, nous n’avons pas forcément évoqué la question des centrales d’achat, dans une approche comparative des modèles.

Mme Michèle Peyron (RE). J’ai commis un rapport d’une mission flash avec ma collègue Isabelle Santiago sur les crèches. Nous avons une recommandation, la numéro 36. Je vais vous la lire et vous me direz ce que vous en pensez. « Les rapporteures recommandent de sortir du financement à l’heure qui ne correspond plus aux réalités des besoins des enfants et des familles et nie la partie de travail des équipes en dehors des enfants. À cet égard, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) propose par exemple d’expérimenter la mise en place d’un forfait à la demi-journée à la place du système actuel à l’heure. » Isabelle Santiago et moi-même soutenons cette proposition. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. J’ai lu l’ensemble de vos recommandations. J’aime celle qui préconise de passer d’un pour sept à un pour six, voire pour cinq. Ce sera possible à l’horizon 2040 puisque la mesure coûte 3 milliards d’euros et nécessite de recruter 60 000 personnels en plus.

Il y a deux schémas, vous avez raison. Nous nous sommes tous un peu trompés sur cette facturation à l’heure, qui est trop pointue. Elle partait d’un bon sentiment, c’est-à-dire au plus près des besoins des familles. Il faut savoir qu’une famille moyenne en crèche est inscrite pour vingt-et-un ou vingt-deux jours ouvrés par mois et ne vient pas deux jours sans prévenir la crèche. Vous imaginez la déstabilisation du planning et des équipes.

Deux options se dessinent, dont le forfait à la demi-journée, le matin, l’après-midi ou la journée entière. Cette organisation fonctionne si les familles payent les fameuses cinquante-deux semaines moins les cinq semaines de congés payés, donc quarante-sept semaines, mais pas trente-cinq ou quarante semaines. La famille doit consentir un petit effort. La Cnaf considère que c’est une réforme globale de la PSU dans cinq à dix ans. Pour ma part, je pense que nous pouvons aller un peu plus vite d’ici la fin de la Cog. Il existe peut-être un scénario intermédiaire. Nous oublions le forfait, mais nous proposons un seul taux de PSU horaire, indexé sur l’inflation. Il n’y a plus ces 107 ou 117 %. Les contrôles sont simplifiés. Lors d’un contrôle de la Caf, vous expliquez avoir fait 100 000 heures dans votre crèche l’année dernière, vous avez droit à 6 euros de l’heure, soit 600 000 euros de recettes PSU. Vous montrez les factures aux familles pour les 100 000 heures et c’est tout. En une journée plutôt qu’en une semaine, le contrôleur de la Caf peut mener à bien sa mission. Il est ainsi en mesure, à périmètre équivalent, d’effectuer trois à cinq fois plus de contrôles, et donc plus de coaching et d’accompagnement des crèches.

M. le président Thibault Bazin. Ce que vous nous dites ne correspond pas du tout aux projets de la Cnaf pour la Cog. Vous participez à de nombreux groupes de travail et, au final, le modèle n’évoluera pas comme l’avez préconisé. J’ai d’ailleurs l’impression que, par rapport à vos concurrents, vous occupez une position un peu singulière.

M. Jean-Emmanuel Rodocanachi. Ce n’est pas parce qu’une montagne se dresse devant nous que nous ne parviendrons pas à la franchir collectivement. Le partenariat avec les Caf fonctionne depuis vingt ans, nous travaillons dans un climat de confiance. Encore une fois, nous apprécions et soutenons 80 % des mesures et nous ne sommes pas forcément d’accord pour 20 % d’entre elles. Nous le disons d’ailleurs, puisque ce qui donne du sens à un partenariat est de tenir au partenaire un discours libre et honnête. J’ai lu l’interview de Nicolas Grivel, le directeur général de la Cnaf, publiée dans La gazette des communes il y a quelques semaines. Le titre de l’article consistait à dire qu’il ne serait pas choquant que les familles payent plus si la qualité est au rendez-vous.

M. le président Thibault Bazin. Je ne sais pas si c’est une porte ouverte, mais il faudra avoir ce débat avec le Gouvernement. Je vous remercie, monsieur Rodocanachi. J’ai bien compris que vous nous transmettrez un certain nombre d’éléments.

La séance est levée à 20 heures 15.


Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

 

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 18 h 30

 

Présents. - M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, Mme Sophia Chikirou, M. William Martinet, Mme Michèle Peyron, Mme Sarah Tanzilli, M. Jean Terlier