Compte rendu

Commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, et de M. Michel Vilbois, préfet du Tarn, accompagné de M. Maxime Yasser Abdoulhoussen, directeur de projet              2

– Présences en réunion................................32

 

 



Mardi 7 mai 2024

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 20

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Jean Terlier,
Président de la commission

 


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La séance est ouverte à dix heures.

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M. Jean Terlier, président. Chers collègues, nous poursuivons nos travaux consacrés au volet économique et social de la convention de concession sur l’autoroute A69.

Je souhaite la bienvenue à monsieur Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie et préfet de la Haute-Garonne, à monsieur Michel Vilbois, préfet du Tarn, accompagné de monsieur Maxime Yasser Abdoulhoussen, directeur de projet. Messieurs, je vous remercie de vous présenter ce matin devant notre commission d’enquête.

Ainsi que vous le savez, notre commission examine le montage juridique et financier de l’autoroute A69 et à ce titre, auditionne les responsables des diverses administrations ayant pris des actes réglementaires ou émis des avis sur cette infrastructure.

En tant que préfets, vous et vos prédécesseurs avez exercé une responsabilité générale sur l’élaboration de plusieurs des actes préparatoires aux travaux de l’A69, notamment l’autorisation environnementale accordée à Atosca, après les phases d’instruction conduites principalement par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) d’Occitanie et la direction départementale des territoires (DDT) du Tarn.

Le chantier de l’A69 est en cours. Vos préfectures font preuve d’une grande réactivité et dialoguent constamment avec le concessionnaire Atosca autour du respect de ses obligations à l’occasion des travaux d’aménagement du chantier. Les pouvoirs publics accordent la plus grande attention au respect du principe de légalité, tant à l’échelon central que départemental. Cette commission d’enquête n’a d’ailleurs constaté aucun manquement sur ce point.

Je rappelle que notre audition est publique et retransmise sur le portail de l’Assemblée nationale.

Messieurs, en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais préalablement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et de dire : « Je le jure ».

(MM. Pierre-André Durand, Michel Villebois et Maxime Yasser Abdoulhoussen prêtent successivement serment).

Mme Christine Arrighi, rapporteure de la commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69. Je remercie à mon tour MM. Durand, Villebois et Abdoulhoussen de leur présence parmi nous.

Votre audition complétera utilement celles des fonctionnaires placés sous votre autorité, à savoir M. Patrick Berg, directeur de la Dreal d’Occitanie et M. Maxime Cuénot, directeur départemental du territoire du Tarn, et nous permettra d’adapter nos questionnements à l’État, autorité concédante, laquelle sera auditionnée à plusieurs reprises sur les volets environnemental, économique, social et financier de la convention de concession.

À ce stade, la commission d’enquête n’a relevé aucun manquement notable au principe de légalité, ce qui n’a rien d’étonnant, l’État de droit étant – et fort heureusement – encore une réalité dans notre pays, mais des actes peuvent être formellement réguliers et pourtant avoir été pris sur des hypothèses fragiles.

Notre débat autour de l’A69 porte sur de nombreux points : délimitation des zones humides ; études prévisionnelles de trafic, jugées trop optimistes par nombre d’observateurs et autres organismes officiels tels que l’Autorité de régulation des transports (ART) ; hypothèse de la valorisation sociale et économique, notamment la question de la valeur actualisée nette socio-économique remise en cause par le Commissariat général aux investissements (CGI) ; notion d’enclavement, à laquelle il a été fait recours à maintes reprises et par vous-mêmes dans l’arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 ; et enfin estimation des différents gains attendus, notamment de temps, basés sur des études discordantes, voire contradictoires.

En somme, nombre d’éléments nous interrogent quant au contenu de la déclaration d’utilité publique (DUP) et sur cette raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) que la seule reconnaissance du caractère d’utilité publique ne suffit pas à justifier au sens de l’article L.411.2 du code de l’environnement. En effet, la dérogation à la stricte protection des espèces ne peut être accordée qu’à la condition que le projet réponde à une RIIPM, y compris de nature sociale ou économique au terme de l’article précité.

L’ensemble de ces autorisations a été accordé dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) adoptée à une période où la loi dite climat et résilience et la loi d’orientation sur les mobilités avaient posé plusieurs principes d’action publique, notamment la question de la limitation de l’artificialisation des sols et de la décarbonation des transports. Il en résulte que vos arrêtés se sont fondés sur des hypothèses probablement obsolètes.

S’ajoute à ce dossier une série de mensonges ou de simplifications de communication, pour reprendre les mots de M. Martial Gerlinger, illustrés par le slogan d’Atosca de « cinq arbres plantés pour un arbre coupé » et les atermoiements de la préfecture du Tarn lorsque des coupes menaçaient les arbres du bois de la Crémade.

Enfin, preuve que cette autoroute a été décidée en dépit de la réflexion minimale qui s’imposait, l’idée d’un projet de territoire n’a émergé que très tardivement. D’éminents géographes, économistes et urbanistes nous ont effectivement rappelé l’importance d’élaborer une stratégie de territoire préalable aux équipements qui le desservent.

Nous reviendrons par ailleurs sur la question de l’apport financier par cinq collectivités locales et sur les différences qui nous interrogent entre les montants précédemment annoncés et ceux finalement inscrits dans la convention de concession.

Le questionnaire que je vous ai adressé a été communiqué à l’ensemble de mes collègues, répondant à mon souci d’une parfaite transparence sur le sens que j’ai souhaité donner aux auditions de la commission d’enquête. Je vous invite à y apporter vos réponses au fur et à mesure de l’audition de ce jour et ultérieurement par écrit, si le temps nous manquait pour développer tous les sujets, comme d’ajouter éventuellement tout élément qui vous semblerait utile à porter à la connaissance de notre commission.

Dans un premier temps, je vous demanderai de développer tout particulièrement la question de la RIIPM. J’ai demandé au ministère chargé des transports, à deux reprises, sur quelles études s’était fondée la décision de M. Dominique Perben sur le recours à une concession. Toutefois, celles-ci n’ont pas été retrouvées à ce jour, ce qui pourrait laisser entendre que le choix d’une concession ne s’est basé en fait sur aucune étude. Votre arrêté interdépartemental fait pourtant bien mention d’études. Je souhaiterais donc qu’elles me soient communiquées par le Gouvernement, notamment celle portant sur le réseau ferroviaire et celle portant sur la réhabilitation de la RN126. Je rappelle qu’aux termes de l’article L.411-2 du code de l’environnement, toute dérogation concernant les espèces protégées ne peut être accordée qu’à la condition de prouver qu’il n’existait pas d’autres solutions alternatives.

Enfin, nous reviendrons très précisément sur le calcul de la valeur actualisée nette socio-économique, laquelle est passée de 508 millions d’euros à 98 millions d’euros, dans la contre-expertise du CGI, pour finalement bondir à 788 millions d’euros, dans un document communiqué par Atosca. Vous avez entrepris d’entériner cette dernière valeur sans avoir procédé à une contre-expertise, alors même les éléments financiers avaient été modifiés et que la valeur actualisée nette socio-économique est désormais calculée sur 115 ans. Je rappelle ici que, dans son avis de 2017, signé par M. Louis Schweitzer, le CGI indiquait que cette valeur actualisée nette socio-économique comportait des éléments de fragilité.

Ainsi reviendrons-nous sur l’ensemble de ces éléments au cours de cette audition qui s’annonce riche d’enseignements.

M. Jean Terlier, président. En complément, messieurs les préfets, je vous demanderai en premier lieu de nous faire le point sur les difficultés de maintien de l’ordre sur le chantier de l’autoroute A69, à l’image de l’engin de chantier incendié le week-end dernier.

En second lieu, je crois utile que vous développiez vos positions quant au projet de territoire dont il me semble, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, qu’il existe véritablement et a d’ailleurs été piloté de main de maître, si je puis dire. Il s’agira de nous permettre de bien cerner les enjeux et l’accompagnement de cette infrastructure autoroutière par l’ensemble des forces vives de ce territoire.

M. Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne. Monsieur le président, madame la rapporteure, je vous confirme que ce dossier est conduit avec un grand souci du respect de la légalité, à laquelle nous sommes évidemment très attentifs dans tous les actes qu’il nous revient de prendre à l’échelon déconcentré.

Ce dossier répond à une demande extrêmement forte du territoire, une demande au demeurant très ancienne, très ancrée et surtout renouvelée. Les élus du territoire sont très majoritairement demandeurs du projet, de même que le monde économique incarné notamment par les chambres consulaires. Il est d’ailleurs assez rare qu’une demande de désenclavement d’un territoire soit aussi forte et je ne puis que constater le caractère très puissant de ce besoin en dessertes exprimé par les habitants et les représentants de ce territoire.

Nous nous attachons évidemment, en lien avec le préfet du Tarn, à faire en sorte que l’ordre public soit toujours respecté. Il n’est aucunement choquant et parfaitement légitime, dans un État de droit, qu’un projet fasse l’objet de contentieux. Tout citoyen en désaccord avec des décisions administratives a parfaitement le droit d’engager des contentieux. Je ne suis pas davantage choqué par le fait que des citoyens souhaitent manifester. C’est leur droit. En revanche, l’État fera toujours preuve de la plus grande fermeté face aux actions délinquantes, voire terroristes. J’utilise le mot à dessein, car lorsqu’une trentaine de personnes vêtues de noir et masquées entreprennent nuitamment d’intimider un gardien, de le neutraliser par des menaces et d’incendier des engins de chantier, nous ne sommes plus dans un État de droit.

Ainsi, je distingue bien les désaccords et autres oppositions, pouvant tout à fait s’exprimer légitimement et pacifiquement, des actions violentes qu’aucun de nous ne peut évidemment tolérer.

Pour le reste, nous nous attachons, avec mon collègue du Tarn, à traiter correctement les procédures et les actes administratifs de notre ressort et les problématiques d’ordre public lorsque cela s’avère malheureusement nécessaire.

Nous sommes et serons attentifs au respect de la loi à l’endroit des manifestants tout autant qu’à celui d’Atosca, si les uns ou les autres ne respectaient pas les règles.

M. Michel Vilbois, préfet du Tarn. Je m’inscris très logiquement dans la suite des propos du préfet de région en précisant que, dans le souci d’une continuité de l’action de l’État, la préfecture du Tarn considère le respect de l’autorisation environnementale – accordée par nos prédécesseurs – comme un enjeu majeur. Notre rôle est de vérifier la bonne application de ladite autorisation. De la même manière, il ne nous revient pas de revenir sur la question de l’opportunité de cette infrastructure et les conditions dans lesquelles les décisions ont été prises.

M. Jean Terlier, président. Merci, messieurs. Je vous propose maintenant de répondre au questionnaire de madame la rapporteure.

M. Pierre-André Durand. La première question concernait l’étude d’impact au sujet de laquelle madame la rapporteure nous demande confirmation de l’écart supposé entre les études de trafic fournies par les deux concessionnaires.

Le projet de mise à deux fois deux voies de la liaison Castres-Toulouse est un programme global porté par deux maîtrises d’ouvrage distinctes : la maîtrise d’ouvrage de la bretelle de Verfeil (A680) étant assurée par Autoroutes du Sud de la France (ASF) et celle de la liaison autoroutière entre Castres et Verfeil (A69) par Atosca. Dans la mesure où le contrat de concession délègue la maîtrise d’ouvrage du projet au concessionnaire, ce dernier est intégralement responsable de l’ensemble des études et des procédures administratives nécessaires à la réalisation de l’objet de la concession, en particulier des études préalables aux travaux d’aménagement. Les deux concessionnaires, Atosca et ASF, doivent donc obtenir une autorisation environnementale préalablement au démarrage des travaux.

 En application de l’article L.122-1, paragraphe 3, du code de l’environnement, un projet de cette nature doit s’appréhender dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et l’espace et dans le cas précis d’une multiplicité de maîtrises d’ouvrage, de sorte que les incidences à l’environnement soient évaluées dans leur globalité. Comme toujours dans ce type de procédures, les services instructeurs de l’État se tiennent à la disposition des pétitionnaires pour les accompagner, les conseiller et les éclairer quant au cadre réglementaire et aux divers attendus des dossiers d’autorisation.

Lors de la phase préalable à l’autorisation environnementale, soit une phase de conseils et d’éclairages, les services de l’État ont indiqué aux deux maîtres d’ouvrage que le projet était unique au regard du code de l’environnement et devait faire l’objet d’une étude d’impact unique et actualisée. Tel avait d’ailleurs été le cas au moment du dossier d’enquête préalable à la DUP. Afin d’observer ces dispositions, ASF et Atosca ont conjointement mis à jour l’étude d’impact réalisée en 2016 par les services de l’État et leurs échanges mutuels dans ce cadre ont abouti à une forme d’harmonisation du contenu du document et des études afférentes.

En réponse à votre seconde question, l’unité du projet ne pouvant être remise en question au regard du code de l’environnement, une étude d’impact actualisée a conjointement été produite par les deux concessionnaires. ASF et Atosca ont donc été amenés à échanger sur le contenu de ce document qui comprenait les études de trafic. Comme indiqué par les pétitionnaires dans leur réponse à l’avis de l’Autorité environnementale, dans le cadre du dossier d’enquête publique, les études de trafics ont été actualisées. En page 24 du dossier, il est ainsi indiqué : « En situation de projet, les trafics moyens journaliers annuels à horizon de la mise en service en 2025 et à plus de 20 ans ont été actualisés pour tenir compte des évolutions à la suite de la déclaration d’utilité publique de 2016 et pour permettre le dimensionnement technique du projet ».

En page 26, il est précisé que : « Les prévisions de trafics issues de cette étude sont très proches des trafics de l’étude menée en 2016. Les hypothèses reconnues intègrent notamment les modifications du projet intervenues après l’enquête publique de 2016 : ajout sur l’A69 d’un demi-diffuseur à Verfeil et d’un diffuseur complet à Maurens-Scopont. Cette actualisation prend également en compte le contexte socio-économique actuel et notamment l’évolution de la mobilité domicile-travail ».

Pour la bonne information du public et pour la cohérence avec l’étude d’impact préalable à la DUP de 2016, ces hypothèses ont été mentionnées dans le dossier soumis à l’enquête publique.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous me confirmez donc que l’entreprise Atosca n’a pas conduit elle-même les études de trafics, mais n’a procédé qu’à une harmonisation sur la base de l’actualisation réalisée dans le cadre de la DUP et des éléments élaborés par ASF.

M. Pierre-André Durand. Oui, les deux concessionnaires ont actualisé leurs études de trafic.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je prends acte de votre confirmation.

Je vous invite donc à répondre à la question n° 3, qui rappelle que l’ART avait jugé les prévisions de trafics trop optimistes (point 81).

Avez-vous expertisé les éléments qui vous ont été communiqués après l’actualisation, pour finalement considérer, en page 7 de votre arrêté, que les études relatives au bilan socio-économique étaient pertinentes au regard de la raison impérative d’intérêt public majeur ?

M. Pierre-André Durand. Cette question relève davantage de l’échelon central que de l’échelon déconcentré. Je peux quand même vous préciser que les avis de l’ART sont des documents publics, dans leur version expurgée des éléments couverts par le secret et protégés par la loi. L’avis de l’ART n° 2022-007 du 25 janvier 2022, relatif au projet de contrat pour la mise en construction de l’A69, a été publié le 28 février 2022.

Le point 81 de cet avis n’indique pas que l’ensemble des prévisions de trafic est trop optimiste, à l’exception de deux paramètres : le trafic estimé à la mise en service et la croissance annuelle du trafic des véhicules légers. Ces deux prévisions s’avèrent en effet supérieures à celles du dossier de DUP.

Lors de son audition devant votre commission, l’ART a indiqué que, pour s’assurer de la cohérence des hypothèses prises par le concessionnaire et apprécier son niveau de risque, ses services avaient procédé à des vérifications prenant en compte des prévisions comparables à celles du dossier de DUP.

M. Jean Terlier, président. La préfecture du Tarn souhaite-t-elle compléter ces éléments ?

M. Michel Vilbois. Je n’ai pas d’éléments complémentaires à apporter à l’intervention du préfet de région.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Monsieur le préfet de région, existe-t-il des éléments d’actualisation autres que ceux cités dans la pièce F5 et que vous pourriez porter à notre connaissance ? De tels éléments pourraient démontrer la volonté réelle d’Atosca de mener ses études propres et non de s’appuyer sur des actualisations liées à la DUP.

M. Pierre-André Durand. Je n’en ai pas connaissance à mon niveau.

M. Michel Vilbois. Je n’en ai pas non plus connaissance.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Dont acte.

Je propose maintenant d’aborder le point 4 relatif à la valeur actualisée nette socio‑économique.

Le sujet est particulièrement prégnant dans la mesure où ce calcul précis conditionne la valeur nette d’une infrastructure telle que l’A69. Plusieurs éléments ont ainsi été portés à notre connaissance. La valeur actualisée nette socio-économique avait d’abord été estimée à 508 millions d’euros, en tenant compte d’une participation des collectivités locales à hauteur de 220 millions d’euros (voire de 240 millions d’euros). La contre-expertise réalisée par le CGI, en 2016, a ramené ladite valeur à 98 millions d’euros, pour une participation des collectivités locales estimée à 110 millions d’euros. Enfin, dans la pièce F5 du dossier communiqué par Atosca, cette même valeur a finalement été portée à 798 millions d’euros, pour une subvention d’équilibre de 23 millions d’euros et une période de calcul étendue à 115 ans, jusqu’à 2140. Cette dernière valeur, significativement améliorée, est précisément celle dont vous avez tenu compte en page 7 de votre arrêté interdépartemental.

Le sujet est d’une importance extrême d’autant plus que, lors de son audition, monsieur Martial Gerlinger nous indiquait être parvenu à améliorer le projet quant à la participation des collectivités locales, ainsi que sur l’utilisation de matériaux.

Il se trouve qu’entre-temps, monsieur le préfet de région, vous avez élaboré le schéma régional Occitanie des carrières, lequel a fait l’objet d’une enquête publique dont la période s’est déroulée au mois d’août. Manifestement, les enquêtes publiques sont toujours organisées aux périodes où les citoyens sont les moins disponibles, à l’instar de l’enquête publique pour l’A69, organisée du 28 novembre au 11 janvier, au moment des fêtes de Noël donc. Cela étant dit, votre schéma régional fait état de plusieurs projets, dont celui de l’autoroute Toulouse-Castres pour laquelle la période de travaux s’étend de 2022 à 2023 et des besoins en granulat estimés à 2,6 millions de tonnes réparties de façon égale entre les bassins de Toulouse et d’Autan.

Ainsi, la concomitance entre la signature du contrat, l’arrêté interdépartemental du 1er mars 2023, la valeur actualisée nette socio-économique et ce schéma régional nous donne à penser que les gains relevés par la société Atosca pourraient résulter des négociations relatives à ce schéma précité ; négociations qui lui a d’ailleurs permis de disposer de granulats auxquels elle n’avait pas accès auparavant. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Ce nouveau schéma régional pourrait-il avoir influencé l’apport des collectivités locales dans le cadre de ce chantier, ramené de 220 millions -240 millions d’euros dans certains documents- à 23 millions d’euros ?

M. Jean Terlier, président. Monsieur le préfet, je vous propose de répondre à toutes ces questions de sorte que l’ensemble des collègues aujourd’hui présents puissent ensuite s’exprimer.

M. Pierre-André Durand. Je m’attache simplement à répondre aux questions posées de la manière la plus factuelle possible.

Le bilan socio-économique du projet, notamment sa chronologie, a été défini par l’État en 2016, au moment de la DUP, en amont de l’attribution de la concession dans le dossier d’études préalable. À l’appui, je me permets de vous donner lecture de l’extrait suivant : « Ce caractère d’utilité publique est confirmé par l’évaluation socio-économique d’après laquelle le projet est profitable à la collectivité, puisque son bénéfice actualisé s’élève à 508 millions d’euros (valeur 2010), bénéfice qui reste largement positif même avec des hypothèses de reports de trafics ou de gains de temps beaucoup plus pessimistes. Par la suite, le concessionnaire Atosca a actualisé, en 2022, ce bilan socio-économique, indiquant une valeur actualisée nette socio-économique de 788 millions d’euros dans son dossier de demande d’autorisation, en page 75 de la pièce E3 (…) Bien que les référentiels aient changé pour prendre en compte les enjeux actuels, les études socio-économiques actualisées en 2021, jointes aux dossiers d’études d’impact, confortent les calculs du bénéfice-coût du projet pour la collectivité qui avaient conduit à l’utilité publique dans le dossier d’études d’impact de 2016. »

Premièrement, s’agissant des améliorations apportées par le concessionnaire, entre le dossier d’études de 2016 et le dépôt du dossier d’autorisation environnementale, en 2022, on peut noter des facteurs d’évolution de la valeur actualisée nette dans l’étude socio-économique, à commencer par la forte réduction de la subvention publique, qui passe de 230 millions d’euros (valeur 2015) à 23 millions d’euros (valeur 2021) et permet l’augmentation du bénéfice pour la collectivité.

Deuxièmement, l’actualisation des trafics présentée par Atosca, qui prend en compte la levée des réserves de la DUP, la création d’un nouvel échangeur à Villeneuve-les- Lavaur et la modification de l’échangeur de Verfeil, met en évidence des reports de trafic de certaines voiries existantes vers l’A69, ce qui augmente les gains de temps et de sécurité valorisés dans l’étude socio-économique.

Troisièmement, l’optimisation du projet est traduite par l’absence de carrières, les évitements du tracé et le système de péage en flux libre, ce qui permet une économie de 80 hectares sur les espaces consommés.

Je rappellerai enfin que le CGI a réalisé des tests de sensibilité, émis des hypothèses dégradées de trafic et de gains de temps et que, ce faisant, la valeur actualisée nette du projet reste néanmoins positive.

Sur la question du schéma régional Occitanie des carrières, qui ne figurait pas au questionnaire que j’ai reçu, je vous propose, madame la rapporteure, de vous faire une réponse écrite afin d’être suffisamment clair et précis, mais je puis d’emblée vous confirmer l’absence de lien entre la construction de ce schéma des carrières et la convention de concession.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Monsieur le préfet, j’avais aussi évoqué la question des subventions par des collectivités publiques, lesquelles ont une influence significative sur le calcul de la valeur actualisée nette socio-économique. Ces subventions sont passées de 240 à 110 millions d’euros lors de la contre-expertise du CGI, avant de soudain chuter à 29,5 millions d’euros. Cette dernière évaluation diffère d’ailleurs des 23 millions d’euros mentionnés au contrat de concession et n’intègre pas les 75 millions d’euros, qui font partie de l’apport en nature. Or l’article 3 d’un décret de 2013, relatif aux procédures d’évaluation des investissements, impose une contre-expertise pour tout apport des collectivités locales supérieur à 100 millions d’euros.

Cet apport en nature a donc existé, y compris au moment de la valorisation issue de l’étude du CGI, ce qui est bien normal, sauf qu’il a disparu de manière soudaine, ce qui permet de faire baisser significativement le montant des subventions publiques et d’éliminer l’obligation d’une contre-expertise. Quelle est votre position sur ce point ?

M. Pierre-André Durand. Il me semble que ces aspects relèvent très clairement de la phase de construction du projet. Je vous propose donc de vous faire une réponse écrite, y compris sur les éléments de droit que vous évoquez.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je vous en remercie, monsieur le préfet, sachant que nous ne manquerons pas de poser à nouveau la question au Gouvernement.

M. Jean Terlier, président. J’ajoute qu’une partie de la réponse nous a été donnée lors de l’audition de l’ART.

Monsieur le préfet du Tarn, je vous invite maintenant à répondre aux questions posées par madame la rapporteure et moi-même sur les notions d’enclavement et de projet de territoire.

M. Michel Vilbois. Il me faut d’abord préciser que le sens donné aux notions d’isolement et d’enclavement s’avère des plus relatifs puisqu’il n’en existe pas de définition juridique précise.

Il me paraît essentiel de rappeler préalablement les contraintes et les désavantages subis par le territoire du Sud du Tarn. Le bassin de Castres-Mazamet est en effet le seul bassin de cette importance de la région Occitanie qui n’est pas relié à la métropole toulousaine par une infrastructure rapide à deux fois deux voies. Cette absence de liaison pénalise l’agglomération de Castres-Mazamet et le territoire voisin par rapport aux autres villes principales se situant autour de la métropole. Le temps de trajet de 72 minutes entre Castres et Toulouse, soit 77 kilomètres, contre 52 minutes de trajet entre Albi et Toulouse, serait ainsi à comparer aux 79 minutes requises pour parcourir les 113 kilomètres séparant Cahors de Toulouse. Le trajet entre Castres et Toulouse est donc quasiment identique à celui entre Cahors et Toulouse, alors que Cahors s’en trouve éloignée de 110 kilomètres. Sachant la distance quasiment équivalente entre Albi, Toulouse et Castres, la desserte de Castres requiert pourtant 20 minutes de plus.

En outre, les données statistiques de l’Insee concernant le bassin de Castres-Mazamet révèlent un moindre dynamisme par rapport aux agglomérations comparables d’Occitanie. Pour cause, la croissance démographique y est plus faible, soit une diminution de 0,4 % entre 2009 et 2014 et se trouve être nulle entre 2014 et 2019, tandis qu’elle progresse dans les autres grandes agglomérations de la région.

On pourrait citer à l’appui le vieillissement de la population et une dynamique de création d’activités et d’emplois parmi les plus faibles des agglomérations de la région. Cet enclavement se traduit notamment par un déficit d’accessibilité à la capitale régionale et à ses grands équipements, par comparaison aux autres villes citées et souvent plus éloignées, par un déficit d’attractivité économique et une croissance démographique atone, une absence de dynamique en matière de création d’activités et d’emplois, marquant ainsi une rupture avec les autres grandes villes de la région.

À ces considérations s’ajoutent des objectifs d’amélioration du confort, de la sécurité routière pour les usagers et du cadre de vie pour les riverains de la RN126, lesquels verront s’éloigner le trafic et les nuisances associées.

Je poursuivrai sur la question du comité de développement en soulignant qu’il incarne une opération partenariale ayant mobilisé les collectivités territoriales du territoire, les acteurs socio-économiques et la chambre d’agriculture. Ledit comité a entrepris de définir sérieusement l’ensemble des objectifs de développement économique, en y intégrant les logiques de maîtrise du développement foncier et les impératifs de sobriété foncière. C’est donc un projet de territoire véritable qui a ainsi été défini, depuis le logement jusqu’à l’attractivité économique en passant par l’enseignement supérieur, de manière à anticiper et maîtriser les conséquences potentiellement négatives, en termes d’urbanisation, de l’arrivée de cette infrastructure. En janvier dernier, la feuille de route issue du comité de développement territorial a été adoptée à l’unanimité de ses membres.

M. Jean Terlier, président. Merci pour ces précisions utiles. J’invite maintenant monsieur Abdoulhoussen à développer la question du projet de territoire, mais dans un premier temps, je cède la parole à Mme la rapporteure.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je ne nie aucunement l’existence d’un projet de territoire auquel M. Abdoulhoussen s’intéresse tout particulièrement, fort d’un remarquable travail, d’après ce que j’ai pu en lire.

Mon propos était qu’un projet de territoire doit normalement précéder et non succéder à la décision d’une infrastructure. En l’occurrence, M. Vilbois a fait état d’éléments datant de janvier 2024 et donc postérieurs à la décision du contrat de concession et à l’arrêté interdépartemental du 1er mars 2023. Un projet de territoire est donc censé préexister à la décision prise par M. Dominique Perben, il y a presque quinze ans.

Par ailleurs, je voulais revenir sur la RIIPM et notamment sur les quatre critères socio-économiques. Vous avez confirmé que la notion de désenclavement n’avait aucun fondement juridique. Pour accorder une dérogation au droit environnemental, encore faut-il qu’un certain nombre de conditions aient été remplies au moment de la signature du contrat de concession, en avril 2022 : sur les temps de trajet, l’accidentologie, l’équité territoriale et l’étude de possibles alternatives, comme l’aménagement de la RN126 et les alternatives ferroviaires.

Ma question portait donc sur les éléments dont disposait concrètement l’État au moment de la signature du contrat de concession et au regard de cette RIIPM. Si je reconnais que je m’entête, c’est justement parce que je l’avais déjà posée au ministère par écrit et à deux reprises. Sans réponse à ce jour, je me tourne vers vous pour avoir communication de l’ensemble des éléments dont votre arrêté interdépartemental a tenu compte pour valider cette RIIPM en 2022.

J’en profite pour vous interroger sur les prises de position de votre prédécesseur, monsieur Lauch, face aux commissaires-enquêteurs, quant à la nécessaire recherche d’alternatives prescrites par l’article L.411-2 du code de l’environnement. Estimez-vous que ses prises de position publiques ont pu influencer l’absence de recherche d’alternatives, qui devrait pourtant précéder toute autorisation environnementale portant dérogation sur les espèces protégées ? Pensez-vous qu’un préfet doit ainsi s’exprimer publiquement sur l’orientation qu’il souhaite donner à une enquête publique, lorsque celle-ci vient à peine de commencer, privant ainsi les citoyens et les habitants du territoire d’une possibilité d’expression dans ce cadre ?

Monsieur Durand, disposiez-vous de ces éléments sur la RIPPM et l’alternative ferroviaire au moment de signer l’arrêté préfectoral du 1er mars 2023 ?

Le sujet s’avère être de la plus grande importance. Je demande communication de ces études alternatives depuis le début des auditions et personne ne semble être en mesure de me les communiquer. Il me faudra donc écrire à nouveau au ministère pour les requérir.

M. Jean Terlier, président. Je précise, messieurs, qu’un certain nombre des questions posées par madame la rapporteure ont déjà été tranchées par le Conseil d’État dans le cadre de la contestation de la DUP, notamment sur le fait que les solutions alternatives ont été examinées.

M. Pierre-André Durand. Je rappelle que l’article L.411-2 du code de l’environnement, relatif aux conditions de délivrance d’une dérogation de l’interdiction de destruction des espèces protégées, prévoit que les RIIPM peuvent être de nature économique et sociale.

Par ailleurs, dans sa décision du 5 mars 2021, rejetant le recours contre le décret de DUP, le Conseil d’État a confirmé l’intérêt général du projet, considérant notamment ses avantages pour le développement économique et l’amélioration du cadre de vie des riverains de l’actuelle RN126. De fait, une lecture juridique très forte a été opérée par le Conseil d’État sur ces problématiques d’avantages économiques et d’amélioration du cadre de vie.

Dans le considérant 34 de sa décision du 5 mars 2021, le Conseil d’État a précisé qu’eu égard à l’intérêt public du projet, à son importance et aux mesures qui l’accompagnent, ses inconvénients ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer au projet son caractère d’utilité publique. Ce considérant est donc extrêmement puissant dans sa portée. Le code de l’environnement prévoit que les éléments impératifs d’intérêt public majeur peuvent être de nature économique et sociale. L’importance de l’infrastructure avait été identifiée dès 2003 en tant que grande liaison d’aménagement du territoire, puis comme liaison de première importance en 2013 et jugée prioritaire dans la loi d’orientation des mobilités de 2019.

Il existe donc une réelle constante dans le temps des attentes et des besoins du territoire, ainsi que dans la manière dont il a été pris en compte par l’échelon central.

Le bassin de Castres-Mazamet affiche un moindre dynamisme par rapport aux agglomérations comparables d’Occitanie, en termes de croissance démographique, de vieillissement de la population et de dynamique de création d’activités et d’emploi. Cet équipement permettra de soutenir les filières économiques, de maintenir les emplois et les entreprises, en raison d’une meilleure accessibilité et d’un gain de temps important.

Enfin, l’A69 concourt à l’équité territoriale entre les villes moyennes autour de la métropole toulousaine, en proposant un aménagement autoroutier cinq fois plus sécurisé que l’itinéraire actuel, qui est assez accidentogène, la mise aux normes de sécurité des tronçons des deux fois deux voies de Soual et Puylaurens et la déviation des communes de Cuq-Toulza et de Saïx.

Ces arguments de justification de la RIIPM ont enfin été retenus par le tribunal administratif et par le Conseil d’État à l’occasion des référés de suspension jugés en 2023. Il existe donc un certain nombre de décisions juridiques, certes sur le terrain du référé, mais qui restent très actuelles et dans la même ligne.

Enfin, madame la rapporteure, il se trouve que l’alternative d’un aménagement de la RN126 avait des incidences considérables pour l’environnement et pour les habitants.

M. Maxime Yasser Abdoulhoussen, directeur de projet. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’avoir noté l’existence de ce projet de territoire, qui constitue un élément important de l’animation et de l’accompagnement du projet. J’ai été nommé à la fin de 2021 pour conduire cette réflexion territoriale avec l’ensemble des acteurs.

Cette démarche s’inscrit dans la continuité de toutes les réflexions territoriales menées sur le projet. Le sujet est ancien et a été largement approfondi par les acteurs régionaux et départementaux. Un débat public a été organisé dès 2010 et une garante de la concertation avait été désignée, entre 2010 et 2016, pour organiser tout un dispositif de réunions intercommunales, de permanences auprès du public et de groupes de travail sur les sujets environnementaux, économiques et agricoles. Dans ses conclusions de 2016, la garante de la concertation confirmait que le maître d’ouvrage, la Dreal à cette époque, avait bien veillé à associer toutes les forces vives du territoire en vue d’aboutir à des diagnostics et des orientations partagées et ainsi véritablement améliorer le projet dans le seul intérêt général.

Je me suis inscrit dans la continuité de cette action de l’État pour piloter et animer l’élaboration de la feuille de route de développement territorial et donc le projet de territoire. Mon rôle a essentiellement consisté à être le catalyseur de ces réflexions assez anciennes en les formalisant dans un document unique et à permettre à tous les acteurs de dialoguer au sein d’une enceinte commune.

Dans cette logique partenariale, j’ai proposé à monsieur le préfet du Tarn, en 2022, d’instaurer un comité de développement, soit une instance partenariale, de prospective et de dialogue. Ce comité n’est donc pas une instance prescriptive au sens des études requises dans le cadre d’un débat public ou d’une DUP, mais bien une instance de prospective et de dialogue territorial. J’en veux pour preuve que le comité de développement est co-présidé par le préfet du Tarn et le président du conseil départemental du Tarn, et je dois dire que les équipes du conseil départemental m’ont substantiellement aidé dans l’animation de cette démarche.

 Le mandat qui était le mien était donc de penser l’aménagement du territoire du Sud du Tarn, pays à forte capacité industrielle du côté du bassin de Castres-Mazamet, mais aussi à dominante rurale et d’essayer de créer les conditions d’un développement raisonné.

Lors de son audition, M. Jean-Marc Offner, urbaniste faisant vraiment autorité, avait écarté la notion d’effet structurant et plutôt insisté sur les effets d’amplification et d’accélération que peuvent amener une infrastructure autoroutière de ce type. Je souscris à cette analyse.

Nous avons effectivement voulu concevoir cette autoroute en tant qu’instrument d’aménagement et levier de développement dont il faut naturellement maîtriser les effets. Mon souhait fut de créer les conditions d’une complémentarité entre les acteurs du territoire et de créer des synergies sur différentes thématiques : les mobilités, le développement économique ou l’urbanisme. Monsieur le préfet du Tarn rappelait à juste titre notre souci constant en matière d’artificialisation des sols et de sobriété foncière pour les projets qui seraient amenés à émerger à l’issue de la mise en service de l’autoroute.

Ces réflexions ont donc été menées pendant plus d’une année au sein de groupes de travail et d’ateliers, avec l’appui du bureau d’études Alphaville mandaté par le ministère de la transition écologique. Ce spécialiste de stratégies territoriales nous a aidés à bâtir une vision commune, un socle d’ambition et les axes structurants de l’aménagement du Sud du Tarn, qui jalonneront toutes les actions et initiatives que l’arrivée de l’autoroute fera émerger dans les prochaines années. Ces actions prendront pour socle le schéma de cohérence territoriale (Scot) d’Autan-Cocagne sur lequel travaillent actuellement les élus.

Je tenais à rappeler l’existence de cette vision d’ensemble du territoire qui embrasse toute une série de problématiques, que ce soit celles des mobilités (y compris les mobilités douces), l’apaisement des mobilités dans les villages par la séparation des flux que permet l’autoroute, la voie cyclable qui sera déployée, ainsi que l’idée d’une desserte expresse décarbonée par autocar, portée par le conseil régional d’Occitanie. Bien entendu, il convient d’y intégrer tous les sujets liés au savoir-faire industriel tarnais, cette terre d’entrepreneuriat nourrissant de grandes ambitions autour de filières d’avenir : la filière santé et médecine, la filière technologique et numérique et toutes les filières liées à la transition écologique, notamment le BTP, le granit et le bois.

Tel est le rôle qui a été le mien dans cette démarche, en parallèle de la coordination de tous les aspects procéduraux du projet autoroutier. Cette animation du projet de territoire me semble être un pilier très important de l’arrivée de l’autoroute A69 dans le Tarn.

M. Jean Terlier, président. Merci, monsieur Abdoulhoussen pour ces précisions effectivement très utiles.

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES). Messieurs, bien que des réponses partielles aient effectivement été apportées, je m’interroge toujours sur le maintien de ce projet comme étant une raison impérative d’intérêt public majeur.

M. Nyls de Pracontal, président de la commission espèces et communautés biologiques du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) nous assure pour sa part que l’A69 ne remplit pas les critères pour considérer le projet comme une RIIPM et soutient que l’élargissement de la RN126 aurait un impact environnemental négatif. Pourquoi continuer à considérer ce projet d’intérêt public majeur, alors qu’il semble fortement nuire à l’environnement ?

J’aimerais également revenir sur un événement encore entouré de mystères. Dans un communiqué du 21 février 2024, la préfecture du Tarn a validé le défrichement du site de la « Crem’Arbre », à Saïx, en disant s’appuyer sur un avis de l’Office français de la biodiversité (OFB) ayant établi l’absence d’espèces protégées. Cet avis n’a cependant jamais été publié, malgré les sollicitations réitérées de plusieurs associations. Après un mois de mobilisation des militants environnementaux, l’OFB constatait finalement, le 20 mars dernier, la présence d’espèces protégées sur le site, ce qui aboutira à ce que M. Vilbois garantisse qu’aucune coupe d’arbre ne pourrait avoir lieu avant le 1er septembre 2024. Il aura pourtant suffi d’un avis supposé de l’OFB pour que vous autorisiez le défrichement, ne tenant aucun compte du fait que le site de la « Crem’Arbre » soit considéré comme étant à fort enjeu écologique et que son déclassement, demandé par Atosca, ait été refusé par la Dreal le 20 février 2024, ainsi que cela nous a été confirmé par son directeur, M. Patrick Berg, lors de son audition du 2 avril dernier.

Monsieur le préfet, pouvez-vous rendre public l’avis de l’OFB témoignant de l’absence d’espèces protégées et surtout, pouvez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles vous avez autorisé un défrichement du site de la « Crem’Arbre » ?

M. Pierre-André Durand. S’agissant de la RIIPM et au risque d’acter un point de désaccord, vous reprenez le point de vue d’une personne tout à fait respectable par ailleurs. Je ferais simplement remarquer que le tribunal administratif et le Conseil d’État se sont exprimés clairement sur ce point, si bien que le sujet de la RIIPM me paraît avoir été tranché.

M. Jean Terlier, président. Monsieur le préfet du Tarn, je proposerais que vous profitiez de votre réponse pour faire un point de situation sur l’occupation illicite du site de la « Crem’Arbre » par un certain nombre de zadistes.

M. Michel Vilbois. Il convient effectivement de rappeler ce contexte tout à fait particulier de l’occupation illégale d’un terrain privé par des personnes physiques. L’opération de police conduite sur ce terrain, pendant un mois et demi, l’a été dans un cadre judiciaire et sous l’autorité du parquet de Castres, qui a considéré cette occupation comme un flagrant délit. Je rappelle que les occupants du site ont incendié un engin de chantier à l’aide d’un cocktail Molotov, alors qu’un ouvrier se trouvait dans la cabine de conduite ; ce dernier n’ayant eu la vie sauve qu’en quittant précipitamment sa cabine.

Je précise en outre que le rapport de l’OFB auquel il est fait mention a été sollicité par l’autorité judiciaire. Si j’ai pu avoir connaissance des principaux éléments, je ne dispose pas de ce rapport destiné à l’autorité judiciaire dans le cadre d’un contrôle diligenté par le parquet général de la région Occitanie.

 Je reviendrai également sur plusieurs éléments relatifs aux interventions d’Atosca sur le site de la Crémade. Le maître d’ouvrage, Atosca, porte la responsabilité des actions qu’il a conduites sur ce terrain. Le 15 février 2024, Atosca a transmis une note, datée du 14 février, concernant la phase 3 du déboisement. La Dreal y a répondu par différents courriers en date des 20 février, 22 février et 5 mars, ce qui a donné lieu à une série d’échanges entre Atosca et la Dreal. L’OFB a alors procédé à des contrôles sur le terrain, les 26 février et 11 mars, dans les conditions d’intervention judiciaire susdites. Ces contrôles au donné lieu à un rapport de manquement administratif formé par la Dreal en date du 7 mars. Dès lors, j’ai pris un arrêté de mise en demeure sur cette parcelle dite de la « Crem’Arbre ».

L’ensemble des services de l’État, la Dreal et la préfecture ont donc réagi sur la base des informations dont ils disposaient et se sont mobilisées pour faire respecter l’arrêté interpréfectoral d’autorisation du 1er mars 2023.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Pour ma part, je me permets d’insister à nouveau sur la RIIPM dont je rappelle qu’elle permet de déroger à la protection de plus de 162 espèces animales et végétales. Cette RIIPM a notamment été contestée par le CNPN, du fait de l’inexistence de solution de substitution au regard de l’environnement et des espèces protégées.

Depuis le début de cette commission d’enquête, nous essayons de savoir si une étude technique sérieuse a permis d’évaluer l’impact, le coût et la faisabilité d’une alternative multimodale, par un réaménagement de la route nationale et une augmentation du cadencement des trains. Or nous n’avons jamais obtenu de réponse, pas plus qu’aujourd’hui, monsieur le préfet d’Occitanie n’ayant pas répondu à la question de madame la rapporteure.

Je me permets alors de reposer cette question très simple. L’État a-t-il eu accès, d’une manière ou d’une autre, à une étude technique détaillée permettant de comparer l’impact environnemental et le coût des travaux relatifs à une augmentation du cadencement de train sur la ligne ferroviaire Toulouse-Castres-Mazamet ? Si oui, où se trouve cette étude ? Au moment de signer le contrat de concession, au printemps 2022, l’État disposait-il d’un inventaire complet en termes de biodiversité, et notamment de biodiversité hivernale ?

Je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d’une commission d’enquête et je vous remercie d’avance de bien vouloir nous donner une réponse claire à ces questions.

J’ajoute que l’enquête publique aura tout de même rassemblé près de 6 000 contributions, dont 90 % d’avis défavorables, ce qui relativise quelque peu l’unanimité supposé autour du projet, tel que vous le décriviez en début d’audition. Les chargés de cette enquête publique ont en outre émis une réserve quant au coût excessif du péage, laquelle réserve n’a pas été levée par l’arrêté préfectoral portant l’autorisation environnementale. Peut-on vraiment juger du caractère d’intérêt général d’une infrastructure sans tenir compte de son accessibilité au public ? À quoi servent les contributions et les réserves issues des enquêtes publiques si elles ne sont pas prises en compte ?

Monsieur le préfet du Tarn, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas tout compris de votre réponse à Mme Erodi. C’est pourquoi je vais me permettre d’insister sur les événements du bois de la Crémade.

L’arrêté préfectoral interdisait les défrichements, entre 1er septembre et mi-novembre, sur les parcelles classées à fort enjeu environnemental. Le directeur de la Dreal d’Occitanie a expliqué à notre commission qu’il avait été saisi par Atosca, le 15 février 2024, d’une demande de déclassement d’un certain nombre de parcelles, dont celle du bois de la Crémade. Le 20 février, monsieur Patrick Berg a refusé le déclassement de cinq parcelles et précisé qu’il ne disposait pas des éléments nécessaires pour répondre concernant la « Crem’Arbre ». Pourtant, dès le 19 février, NGE avait déjà procédé à des opérations de défrichement sur le site, comme cela a été constaté, le 21 février, par des agents de l’OFB. Ce même jour, Mme Erodi et moi-même vous adressions un courrier vous demandant sur quel fondement légal ce défrichement avait eu lieu, mais nous n’avons malheureusement jamais eu de réponse.

 S’agissant des cinq autres parcelles, les agents de l’OFB ont pu constater, le 11 mars, des abattages d’arbres effectués en dehors de la période autorisée, créant ainsi des dommages graves et irréversibles. Le 24 avril, vous avez été interrogé par la presse à ce sujet et avez répondu : « Je ne suis pas sûr qu’Atosca ait agi de manière complètement illégale ». Pouvez-vous préciser votre propos ? Contestez-vous les déclarations du directeur de la Dreal devant cette commission d’enquête ou disposez-vous d’informations que nous ne connaissons pas ? Sur quel fondement légal ces défrichements ont-ils pu avoir lieu ?

Par ailleurs, comment expliquez-vous que M. Berg ait affirmé devant notre commission d’enquête qu’il a fait savoir à Atosca, par courriers du 20 février et du 5 mars, que la parcelle de la Crémade ne pouvait pas être déboisée en l’état. Dans un communiqué de presse en date du 21 février, vous affirmiez néanmoins qu’à la suite du passage d’un écologue, les coupes d’arbres sur cette parcelle avaient pu démarrer. Il en résulte une incompréhension totale de ma part.

J’ajoute qu’au sujet d’une troisième parcelle, celle du bois de Teulat, l’OFB a considéré que les abattages d’arbres ne constituaient pas un manquement, au motif qu’Atosca affirmait les avoir réalisés pendant l’automne. Toutefois, nous disposons d’un certain nombre d’images vidéo et de témoignages de riverains certifiant que ces arbres n’avaient pas encore été abattus début février. Les services de la préfecture et de l’OFB s’appuient-ils sur des éléments matériels concernant les dates d’abattage ou se basent-ils uniquement sur les déclarations d’Atosca ?

M. Pierre-André Durand. Sur la RIIPM, il me faut à nouveau rappeler que le Conseil d’État s’est exprimé. On peut vouloir le contester, mais pour ce qui me concerne, je ne suis aucunement habilité à remettre en cause une décision validée par la plus haute juridiction.

La réserve à laquelle vous faites allusion dépassait le cadre de l’enquête publique proprement dite d’une part et d’autre part, je crois utile de rappeler qu’il s’agit d’avis simples et non d’avis conformes. C’est donc un élément d’éclairage versé au dossier au moment de l’enquête publique, mais ce n’est pas un avis conforme pour la prise de décision. En l’espèce, un avis favorable a finalement été rendu. Je laisserai mon collègue vous répondre sur les différentes alternatives et sur la Crémade.

M. Michel Vilbois. À notre connaissance, les services de l’État disposent bien d’études sur les éléments alternatifs, dans le cadre des études préalables à la DUP. Nous allons toutefois le vérifier avec les services régionaux de l’État, mais il me semble que ces documents ont été élaborés.

M. Jean Terlier, président. Monsieur le préfet du Tarn, je me dois ici de renvoyer ma collègue à l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 5 mars 2021, en son point 12. En vertu de l’article R.122-5 du code de l’environnement, le Conseil d’État indique bien que « l’étude d’impact comprend une analyse suffisante des solutions alternatives examinées par le maître d’ouvrage ». Il repousse donc l’argument sur cette question, qui a bien été tranchée.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je note que M. Terlier entreprend de répondre à la place du préfet.

M. Michel Vilbois. La réponse du président se trouve être complémentaire de la nôtre, en ce sens que je me suis contenté de dire que ces études existaient et qu’il n’y avait aucune raison de ne pas les mettre à disposition de la représentation nationale.

Par ailleurs, nous savons que la RN126 s’inscrit dans le développement du Sud du Tarn depuis de nombreuses années, qu’elle y joue un rôle structurant et que l’urbanisation s’est progressivement développée tout autour, à l’image des habitations ayant émergé le long de cette route.

Un aménagement alternatif de l’axe existant, associé à la réalisation de voies latérales de desserte, viendrait empiéter sur de nombreuses habitations. Ainsi, la solution d’un élargissement de la route nationale actuelle à deux fois deux voies impliquerait l’acquisition et la destruction de nombreuses habitations et augmenterait les nuisances sonores de manière non négligeable. Les incidences d’une telle solution sur les villages traversés et les nombreux bâtiments conduiraient à des impacts humains, économiques et écologiques beaucoup plus importants que le tracé en site propre proposé par l’autoroute.

En outre, il nous faut souligner que l’impact de l’artificialisation ne se limiterait pas seulement à doubler la surface de la route, du fait des nombreuses voies latérales à construire pour desservir les habitations, et que les exploitations agricoles aujourd’hui directement accessibles depuis la RN126 ne le seraient plus à la suite de la mise en place d’une deux fois deux voies. Il faudrait aussi considérer d’importantes adaptations de tracés de la route nationale actuelle et des aménagements supplémentaires pour être en cohérence avec les standards de voies rapides.

Il en résulte qu’un tracé nouveau s’avère optimal par rapport à un aménagement sur place particulièrement contraint et dont le coût serait de 1,5 à deux fois supérieur, et ce, pour un niveau de service inférieur.

En réponse sur la situation de la « Crem’Arbre », l’État parle évidemment d’une seule voix. Le principe général est que le préfet reçoive les préconisations de la Dreal en matière d’abattage d’arbres, sur proposition du concessionnaire. Il procède aux contrôles nécessaires et le cas échéant, à l’examen des rapports en manquement administratif et à la mise en demeure administrative, dont une actuellement est en cours sur la « Crem’Arbre ». Il n’y a donc pas de défaillance de l’État, pas plus qu’il n’y a de double langage. L’État s’exprime par la voix de la Dreal, qui est l’experte de la question et le préfet prend les décisions que dicte la situation, dans le strict respect de l’arrêté d’autorisation environnementale. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’intervention des différents services de l’État sur la « Crem’Arbre ».

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NUPES). Ma question s’adresse à monsieur le préfet de région.

L’ART a estimé que l’aller-retour pourrait coûter 19,50 euros de péages pour un véhicule léger, en intégrant le péage d’entrée dans Toulouse. Je rappelle que le gain de temps supposé reste encore très théorique et que le prix du péage est susceptible d’augmenter au regard des formules le déterminant. Dès lors, comment pouvez-vous affirmer que ce projet d’autoroute représente un réel gain économique et qu’il rendra le bassin de Castres-Mazamet plus attractif ?

M. Pierre-André Durand. Le sujet du montant du péage relève de l’échelon national. Je ne peux donc que vous renvoyer à la question du calcul de la valeur actualisée nette socio-économique autour de laquelle les choses ont clairement été exprimées, y compris les hypothèses de fréquentation les plus défavorables.

M. Jean Terlier, président. J’ajoute que l’ART nous a fait un examen très précis du prix du péage et qu’il en est ressorti qu’il serait inférieur de 7 % à ce qui se pratique sur des autoroutes comparables. Monsieur le préfet du Tarn souhaite-t-il apporter une précision complémentaire ?

M. Michel Vilbois. Je n’ai pas de complément à apporter aux propos de mon collègue de région.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. S’agissant de la RIIPM, vous indiquez que tout a été tranché dans le cadre de la DUP, mais je dois m’inscrire en faux sur ce point. En l’occurrence, les réponses de monsieur Berg sur ce point me donnent raison, notamment sur la satisfaction des trois critères de dérogation de la RIIPM. Il indique en effet que « le caractère reconnu de l’utilité publique ou de l’intérêt public d’un projet ne suffit pas à justifier la RIIPM au sens de l’article L.411.2 du code de l’environnement. Il convient de démontrer le caractère impératif et majeur du projet (…), de s’appuyer sur des chiffres sourcés et datés concernant l’accidentologie, les besoins au logement, les créations d’emploi, mais également le gain de temps ».

Autant de sujets qui préoccupent assurément cette commission et nos interrogations subsistent avec votre audition, puisque la Dreal nous indiquait que le gain de temps serait de 15 minutes, que d’autres documents évoquent 35 minutes et que l’arrêté interdépartemental fait état de 25 minutes.

J’ajoute que nous ne connaissons les trajets exacts ayant servi de base à ces estimations. L’arrêté interdépartemental estime le trajet Castres-Verfeil à 53 kilomètres, alors que 10 kilomètres sont déjà passés à 110 km/h. Un gain de temps de 25 minutes -35 minutes pour Atosca- sur 43 kilomètres supposerait une vitesse de plus de 160 kilomètres/heure. Il apparaît donc clairement que ces sujets ne sont ni datés, ni expliqués, et pour certains, parfaitement incohérents.

En conséquence, ce qui nous est opposé en permanence sur la question de la DUP ne nous suffit pas au regard de l’article L. 411.2 du code de l’environnement, repris également dans le code des transports, dans la mesure où une dérogation si forte au code de l’environnement suppose la parfaitement démonstration de la RIIPM.

Vous nous dites par ailleurs que les études alternatives entrent dans le cadre des articles L. 411.2 et L. 411.4 du code de l’environnement, ce qui est tout à fait exact. Vous affirmiez que des études alternatives ferroviaires et routières avaient bien été réalisées et nous souhaitons donc qu’elles nous soient communiquées. Tel n’est pas le cas à ce jour et quoi qu’il en soit, nous demanderons à nouveau ces études au ministère ; études qui n’ont pas non plus été communiquées dans le cadre de l’enquête publique.

Monsieur Vilbois, considérez-vous que les prises de position publiques de votre prédécesseur, M. Lauch, à l’intention des commissaires-enquêteurs, quant aux recherches alternatives à l’autoroute concédée ont pu priver l’enquête publique – et les citoyens – des autorisations environnementales obligatoires pour porter atteinte aux espèces protégées ?

J’en viens à la question 8 portant sur les mesures compensatoires.

Votre arrêté départemental (pages 57-68, référence MC 41) fait état de la question de la désimperméabilisation des délaissés d’infrastructures. Le sujet est effectivement important, puisque dans les concessions autoroutières précédentes, il est rare que ces délaissés reviennent à la nature ou à l’agriculture. C’est donc une bonne chose que de les faire figurer dans le cadre de votre arrêté interdépartemental.

Il se trouve que la convention de concession (annexe 12, pages 6 et 21) indique, dès sa signature, en avril 2022, qu’Atosca envisage d’utiliser ces délaissés pour y installer des panneaux photovoltaïques dans le cadre d’une joint-venture à constituer avec Gaïa Énergy Systems et le groupe Pierre Fabre. L’objectif est de produire l’électricité qui alimenterait les bornes électriques de l’autoroute, mais également 40 mégawatts d’électricité. En tant qu’écologiste, on peut se satisfaire d’un investissement massif dans les énergies renouvelables. Toutefois, la production d’un mégawatt d’électricité nécessite une surface deux à trois hectares, soit 120 hectares pour 40 mégawatts.

Pouvez-vous m’indiquer s’il est prévu que 120 hectares de délaissés d’autoroutes soient affectés à des panneaux photovoltaïques ? En outre, ces 120 hectares font-ils partie des éléments relatifs aux mesures d’expropriation que vous avez supervisées ?

M. Pierre-André Durand. Tout d’abord, mes propos sur la RIIPM n’entrent aucunement en contradiction avec ceux de monsieur Berg. Le tribunal administratif et le Conseil d’État, à l’occasion d’un référé, a jugé cet élément comme valide. Nous verrons si le jugement sur le fond entérine cette analyse, mais cette première indication est tout de même assez forte.

S’agissant de la méthode d’évaluation des gains de temps, nous avons évidemment intégré les problématiques de congestion à l’entrée de Castres. Sur le plan méthodologique, l’instruction du Gouvernement du 16 juin 2014 présente le cadre général de l’évaluation des projets d’infrastructures de transports, en application des articles L. 1500-1 à L. 1500-6 et R. 1500-1 à R. 1500-16 du code des transports. Ensuite, une note technique de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (Dgitm), intitulée « Référentiel méthodologique pour l’évaluation des projets de transports », présente la méthode pour appliquer ce cadre général. Ce référentiel a été rédigé par un comité de pilotage animé par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), avec la participation de la Dgitm, du Commissariat général au développement durable (Cgdd), de représentants des services déconcentrés, d’établissements publics et du réseau scientifique et technique du ministère de la transition écologique. Le référentiel, publié en 2014, a été mis à jour en 2019. L’évaluation socio-économique du projet de l’A69 a été réalisée en pleine conformité avec cette méthode, dans la version en vigueur au moment de la réalisation des études, c’est-à-dire celle du référentiel de 2014. En somme, nous nous sommes situés, techniquement et chronologiquement, dans un cadre d’appréciation technique rigoureusement conforme au droit.

Quant aux études préalables à la DUP menées par les services de l’État et l’actualisation réalisée par Atosca, dans sa version de 2019, je vous ai répondu au début de notre échange.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous me disiez en effet que l’entreprise Atosca n’avait pas elle-même conduit les études, mais s’était basée sur les référentiels précédemment élaborés et réactualisés.

M. Pierre-André Durand. ASF a actualisé les études de trafics, à la suite d’une concertation entre les deux acteurs, dans le but d’actualiser leurs études respectives.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Les études ont donc été réalisées par ASF.

M. Pierre-André Durand. ASF et Atosca se sont rapprochées pour actualiser et uniformiser leurs études. Il n’y a pas d’ambiguïté à cet égard.

M. Michel Vilbois. En réponse sur la question de l’enquête publique et des déclarations de mon ami et prédécesseur, François-Xavier Lauch, je note qu’il s’est contenté de préciser l’objet de l’enquête publique et qu’en apportant des précisions utiles, il n’a aucunement outrepassé son rôle.

Je note aussi, madame la rapporteure, que les éléments relatifs aux études alternatives figuraient au dossier d’enquête publique et dans le dossier d’Atosca (pièce F5, page 32).

Vous évoquiez par ailleurs la comitologie et la question de l’énergie d’origine photovoltaïque. Sur ces sujets, je crois M. Abdoulhoussen particulièrement désigné pour faire un point sur le comité de suivi des engagements de l’État et le comité des mesures compensatoires.

M. Maxime Yasser Abdoulhoussen. Le projet s’appuie effectivement sur une gouvernance assez robuste et structurée pour le dialogue avec les différentes parties prenantes.

Cette gouvernance a perpétuellement été enrichie par les opérations des enquêtes publiques. Je pense notamment à l’enquête publique relative à la DUP, mais également à l’enquête publique environnementale, qui a tout de même duré 45 jours. Ainsi, sept commissaires-enquêteurs ont pu prendre le temps d’écouter l’ensemble des préoccupations et des questions des riverains, des usagers, et ce, de manière assez large dans le territoire. La participation citoyenne a donc été très riche, à l’image des 6 000 contributions recueillies. Je rappelle enfin que cette enquête publique s’est soldée par un avis favorable, assorti de deux réserves.

Sur la protection de l’environnement, l’annexe 3 du décret de la DUP fixe le cadre de la concertation qui s’articule autour de deux piliers : le comité de suivi des engagements de l’État et le comité de suivi des mesures compensatoires.

Le comité de suivi des engagements de l’État réunit les services de l’État, les élus, les acteurs du monde socio-économique et les associations environnementales, sous la présidence de monsieur le préfet de région. Il permet à l’État de contrôler le juste respect par le concessionnaire des engagements vis-à-vis du territoire, de ses habitants et de leur cadre de vie. Ce comité, qui se réunit une fois par an, s’est déjà réuni à deux reprises : en septembre 2022, avant le lancement des travaux, et en décembre 2023.

Le comité de suivi des mesures compensatoires, également prévu par l’annexe 3 au décret de la DUP, est davantage un comité technique, d’appui et de conseil aux maîtres d’ouvrage, sous la présidence du préfet de Tarn. Réuni une fois par an, il a pour objet de vérifier la pertinence des mesures compensatoires et leur état d’avancement, de vérifier la mise en œuvre des mesures compensatoires et se caractérise par une vraie diversité des acteurs représentés. Je pense notamment aux associations naturalistes qui s’avèrent très actives en son sein et n’hésitent pas à stimuler les réflexions du concessionnaire en matière de choix et de déploiement de mesures compensatoires.

L’État a finalement souhaité, par une prescription de l’arrêté d’autorisation environnementale, instaurer une fréquence semestrielle pour assurer ce suivi des travaux. Le comité de suivi des mesures compensatoires s’est donc réuni à trois reprises : en juillet 2022, en juillet 2023 et en février 2024, où il a présenté les premiers plans de gestion des mesures compensatoires.

Ces deux comités ne sont pas les seuls outils de suivi des travaux.

En effet, un suivi très fin de l’exécution de l’arrêté d’autorisation environnementale est aussi opéré par les services de l’OFB, les deux DDT (Haute-Garonne et Tarn) et par les services de la Dreal.

Quant au projet photovoltaïque auquel vous avez fait référence, j’en ai eu effectivement connaissance lors du comité de développement. Le comité de développement se décline en différents groupes de travail : un groupe de travail sur l’économie agricole (piloté par la chambre d’agriculture du Tarn) et un groupe de travail sur le cadre de vie. Nous avons évoqué le sujet de l’optimisation des délaissés autoroutiers dans le cadre agricole et le concessionnaire a précisé l’assiette des surfaces disponibles de ces délaissés. Une réflexion a été conduite avec la chambre d’agriculture pour savoir s’ils se prêtaient à un usage agricole. À cette occasion, le concessionnaire a effectivement précisé que son offre initiale mentionnait le projet d’utiliser ces délaissés à des fins de déploiement de panneaux photovoltaïques, en vue d’alimenter l’autoroute en électricité. Nous en sommes restés là et n’avons pas pu quantifier précisément les surfaces disponibles pour un tel projet. Je pense donc que la question est à poser directement au concessionnaire.

Enfin, lors des groupes de travail issus du comité de développement, nous n’avons pas eu connaissance d’une quelconque participation de l’entreprise Pierre Fabre à cette initiative.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Les études de Biotope ont démontré que de nombreuses parcelles de terres agricoles avaient été considérées comme artificialisées, échappant ainsi aux mesures compensatoires. Bien que cela ait été corrigé, nous n’avons toujours pas la certitude que les surfaces seront suffisantes, y compris en réserves foncières, pour retrouver la surface correspondant aux mesures compensatoires.

Les délaissés faisaient partie des éléments susceptibles de bénéficier de la désimperméabilisation et d’être considérés par la suite comme des parcelles sujettes à un retour à l’exploitation agricole ou à la nature. Nous nous interrogeons aussi sur les hectares qui ont été supprimés et la maîtrise foncière afférente.

Ainsi dois-je admettre être quelque peu étonnée de votre découverte du sujet à l’occasion d’un groupe de travail, alors qu’il figure expressément dans la convention de concession.

De plus, M. Pascal Bugis, lors de son audition, nous assurait que le groupe Pierre Fabre n’avait strictement aucun rapport et aucun intérêt lié à cette autoroute. Nous avons pourtant découvert, dans les auditions qui ont suivi, que le groupe Pierre Fabre avait bel et bien des intérêts économiques et financiers spécifiquement liés à ce contrat, et ce, dès 2022. Je cite : « Atosca a d’ores et déjà engagé une étude prospective sur ce projet. Une dizaine de sites répondant aux premiers critères de délaissement et sans enjeux environnementaux ont été identifiés avec un objectif d’installer 40 mégawatts opérationnels dès la mise en service de l’autoroute. Une joint-venture sera créée spécifiquement avec un développeur de projets d’énergie expérimenté, le groupe Pierre Fabre et Atosca ».

Je suis donc assez surprise que, contrairement à ce qui était affirmé jusqu’à présent, tout le monde semble découvrir aujourd’hui que le groupe Pierre Fabre a effectivement un intérêt économique à ce contrat de concession,

Du point de vue des mesures compensatoires, ces 120 hectares affectés aux panneaux photovoltaïques ne reviendront pas à la nature ni aux exploitations agricoles. Avez-vous connaissance des parcelles identifiées dans le contrat et de leur localisation ? En outre, avez-vous été en relation avec la société Gaïa Énergy, le groupe Pierre Fabre et avec Atosca sur ce sujet ?

M. Jean Terlier, président. J’imagine que l’autorisation des préfectures devra être sollicitée dans le cas de l’installation de 120 hectares de panneaux photovoltaïques.

M. Michel Vilbois. Nous aurons effectivement à en connaître dans le cadre de la procédure d’instruction qui ferait suite à une éventuelle demande d’autorisation administrative pour l’installation desdits panneaux.

Pour ma part, je n’ai pas de commentaire à faire sur la nature des entreprises susceptibles de porter le projet. Une telle démarche s’inscrit assurément dans le cadre d’une autoroute qui se veut vertueuse et le cas échéant, nous appliquerons strictement la réglementation en matière d’installation de panneaux photovoltaïques. La conduite d’un dossier de cette nature relève non pas de la préfecture, mais du pétitionnaire qui déposera son projet.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Monsieur le préfet, je ne doute pas que vous aurez le regard le plus expert sur les autorisations qui vous seront soumises. Je vous demande très précisément si vous pensez que les mesures compensatoires seront suffisantes, eu égard au fait que des parcelles seront soustraites à celles indiquées dans votre arrêté interdépartemental.

M. Pierre-André Durand. Les mesures compensatoires prescrites seront appliquées dans tous les cas de figure. Il ne s’agit aucunement d’altérer, de minorer ou de transformer des mesures compensatoires s’imposant aux concessionnaires.

M. Michel Vilbois. J’ajoute que les mesures compensatoires doivent s’apprécier globalement et sur l’ensemble du tracé. Il appartient à l’État de vérifier que la compensation est réalisée. La commission de suivi des mesures compensatoires s’assure du respect de l’ensemble des prescriptions par le concessionnaire. La dernière commission, que je présidais le 1er février dernier, a d’ailleurs évoqué ces sujets de manière précise. Les associations environnementales ont pu poser des questions extrêmement précises sur tel ou tel secteur et ainsi obtenir les réponses du pétitionnaire. Je précise enfin que les plans de gestion des mesures compensatoires ont été demandés au pétitionnaire et qu’ils feront l’objet d’un examen approfondi lors de la prochaine commission de suivi des mesures compensatoires.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vérifierez-vous que les parcelles actuellement affectées en délaissés d’autoroutes et devant servir à l’installation de panneaux photovoltaïques entreront bien dans les mesures compensatoires ?

M. Pierre-André Durand. Le pétitionnaire est redevable d’un certain nombre de mesures compensatoires et devra assurément les produire. Si un tel projet faisait l’objet d’une demande d’autorisation, des mesures de compensation devront être fixées et assurées, et ce, en toute transparence.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Monsieur le préfet d’Occitanie, je vous ai demandé très précisément si l’État avait à sa disposition des études techniques portant sur l’alternative multimodale à cette autoroute et s’il était en possession d’inventaires de biodiversité complets. Une fois encore, je n’ai pas eu de réponse à cette question pourtant simple.

Monsieur le préfet du Tarn, vous disiez que des études existaient, je vous cite, « probablement ». Je ne sais pas si vous faisiez référence aux études non détaillées que nous connaissons déjà sur l’alternative ferroviaire. Je rappelle que le CNPN a estimé que l’étude sur le réaménagement de la RN 126 était biaisée. Je vous demande donc, solennellement, si la commission de l’enquête pourrait accès aux études que l’État aurait eues en sa possession.

Par ailleurs, la préfecture du Tarn a signifié un certain nombre de mises en demeure à l’entreprise Atosca. Après une deuxième mise en demeure, en date du 29 novembre 2023, à la suite de manquements observés par l’OFB le 7 juin, vous leur en adressiez une troisième le 25 avril dernier, après des manquements constatés par les agents de l’OFB au début d’octobre. Pourquoi a-t-il fallu plus de cinq mois pour que le constat d’un manquement administratif donne lieu à une mise en demeure et comment expliquez-vous de tels délais ? Lors de la première mise en demeure, vous aviez enjoint à Atosca de trouver un site de compensation dans un délai de quatre mois. Où en est l’application des mises en demeure précédentes ? Ne pensez-vous pas qu’il existe un risque qu’Atosca puisse choisir délibérément de ne pas respecter les prescriptions de l’arrêté d’autorisation environnementale, dans la mesure où le seul risque serait de devoir mettre en œuvre des mesures de compensation plusieurs mois plus tard ?

Ma dernière question concerne les feuilles de route, lesquelles détaillent les objectifs prioritaires de chaque préfet et les conditionnent à l’obtention de primes spécifiques. La presse a fait état des objectifs fixés à monsieur le préfet du Tarn, à savoir la poursuite de la construction de l’A69 et la limitation de l’artificialisation des sols. Pourriez-vous nous indiquer la formulation de ces objectifs dans votre feuille de route ? Existe-t-il des indicateurs permettant d’en mesurer l’atteinte et sont-ils hiérarchisés ?

Enfin, pouvez-vous décrire l’état d’avancement des travaux au regard du premier calendrier prévisionnel de mars 2023 et s’ils vous semblent compatibles avec une mise en service de l’autoroute en 2025 ?

Monsieur le préfet d’Occitanie, la poursuite du projet d’autoroute fait-elle également partie des objectifs de votre feuille de route ?

M. Pierre-André Durand. Je vous propose de répondre par écrit à un certain nombre de points ici évoqués, comme nous le ferons sur le schéma régional Occitanie des carrières.

Sur la question du CNPN, je rappellerai que cet organisme n’est pas une juridiction. Il émet des avis simples et non des avis conformes. Le CNPN compte parmi la centaine d’organes consultatifs existant dans notre appareil institutionnel et en tant qu’organisme consultatif, précisément, il n’a pas forcément raison et n’est d’ailleurs pas toujours suivi par les juridictions. Il l’est parfois, aux dépens de l’administration, mais pas toujours. Les juridictions suprêmes disposent quant à elles de tous les éléments et se prononcent en droit et en toute connaissance de cause.

Par ailleurs, je vous confirme que le calendrier sur les avancements du chantier est conforme aux prévisions et qu’à ce jour, aucun de retard n’est constaté dans le déroulement des travaux.

En réponse sur les feuilles de route, les préfets assurent leurs missions régaliennes et la mise en œuvre de politiques publiques du Gouvernement, qui impliquent parfois la réalisation de grands projets d’intérêt général, à l’instar de celui de l’A69. Ces feuilles de route n’ont pas une finalité politique, ni d’appréciation de nos résultats ou, que sais-je, mais visent simplement à faire en sorte que les préfets soient attentifs au bon déroulement, à la rigueur technique et procédurale des dispositifs et procédures qu’ils doivent déployer. Autrement dit, les feuilles de route ne se situent pas sur le terrain de l’opportunité, mais sur un terrain juridique et procédural. Il est donc parfaitement légitime que la feuille de route du préfet du Tarn contienne les éléments que vous avez cités.

Sur le fait qu’Atosca pourrait ne pas respecter les compensations, des mises en demeure et des procédures pénales seront déployées le cas échéant. Je ne peux pas dire a priori qu’Atosca ne les respectera pas, d’autant que ce dernier affiche un discours très volontariste, notamment sur le nombre d’arbres plantés, ce que je crois très positif. Nous y serons néanmoins attentifs.

M. Michel Vilbois. En complément, il est vrai qu’à première vue, madame la députée, le délai entre un rapport pour manquement administratif (RMA) et la réponse d’Atosca peut paraître long. Je me suis d’ailleurs penché de manière très précise sur les réponses apportées aux neuf RMA rédigés à ce jour. Un délai de réponse est usuellement accordé à Atosca. Les réponses sont examinées de manière extrêmement précise par les services de la Dreal et donnent souvent lieu à un deuxième courrier et une deuxième réponse. Le caractère très technique et précis des RMA explique que les réponses puissent parfois être longues, ce qui ne révèle aucunement une quelconque volonté dilatoire des services de l’État ou d’Atosca.

Dès que cela s’avère nécessaire, l’État n’hésite pas. Nous en sommes aujourd’hui à trois mises en demeure, considérant que les manquements étaient suffisamment sérieux. Comme le prévoient la législation et la réglementation, des amendes administratives et un ensemble de sanctions sont prévues. Si le concessionnaire venait à ne pas respecter les éléments administratifs, il appartiendrait au préfet de saisir le juge judiciaire. L’armature de contrôle est donc bien en place, les services de contrôle sont actifs et la complexité des sujets explique parfois le délai entre le contrôle et l’action compensatoire mise en œuvre par Atosca.

M. Maxime Yasser Abdoulhoussen. Pour clore sur les aspects de sobriété foncière et d’artificialisation des sols, soit une problématique très importante que nous souhaitons accompagner en cohérence avec les objectifs législatifs nationaux, je rappelle que le projet autoroutier, en tant que priorité nationale reprise dans la loi d’orientation des mobilités, a été mutualisé dans une assiette nationale assortie de quotas répondant à l’objectif de zéro artificialisation nette des sols. Cet élément est important et d’ailleurs traité par le comité de développement, en lien avec l’ensemble des élus ayant participé à la démarche. Au demeurant, un atelier urbanisme était spécifiquement consacré à cette problématique grâce à l’appui d’un bureau d’études.

Le principal apport de cette démarche d’animation du projet de territoire a été de faire véritablement prendre conscience aux élus et aux acteurs locaux de la nécessité de piloter leurs aménagements à l’aune de cette exigence de souveraineté foncière. Un certain nombre de principes d’action ont ainsi été établis dans le projet de territoire dont je rappelle qu’il n’est pas un document prescriptif. Il n’existe pas de chiffrage précis ni de zonage précis dans la feuille de route de développement territorial. En revanche, ce document définit les bases de la méthodologie à appliquer. Ces différentes réflexions et autres indicateurs sont ensuite envoyés au Scot, lequel sera véritablement le document programmatique et prescriptif en matière d’artificialisation des sols. C’est vraiment un sujet assez emblématique de notre démarche et lors de cet atelier territorial, nous avons entrepris de poser les bases des grands principes d’action pour l’aménagement futur du Sud du Tarn.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je souhaite revenir sur le sujet des mesures relatives aux délaissés dont M. Abdoulhoussen vient d’indiquer qu’il était abordé dans le cadre des comités de suivi. Je me félicite au passage que ces comités se réunissent finalement de manière bisannuelle, eu égard à l’enjeu de suivi des mesures compensatoires. Je vous remercie par avance de nous communiquer les comptes rendus de ces réunions et particulièrement celles concernant le retour des délaissés. Il s’agit de nous assurer que la priorité est bien portée sur les mesures compensatoires et que les parcelles faisant l’objet desdites mesures ne soient pas affectées à une production d’énergie impliquant une grande consommation de terres agricoles.

Je me félicite également que vous vous assuriez de la cohérence entre le projet de territoire et les Scot, d’autant que l’autoroute ne figure pas sur le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

À la suite de travaux réalisés par Atosca, des recours ont été effectués sur des atteintes possibles aux nappes phréatiques. Un premier fuseau de tracés avait identifié une zone de la vallée du Giroux comme étant moins sujette aux inondations, mais le fuseau finalement retenu passe en zone inondable notoire. Votre arrêté départemental fait état de nombreuses préconisations, notamment – et à raison – sur la question centrale de l’eau. Disposez-vous d’éléments expliquant le choix de passer par une zone beaucoup plus risquée que la précédente ? Dans le cadre de vos prérogatives, avez-vous formé des préconisations particulières concernant ce risque d’inondation et/ou défini des procédures de contrôle ?

Par ailleurs, les installations d’enrobés à chaud suscitent de nombreuses inquiétudes en termes de santé, notamment lorsqu’elles se situent à proximité d’écoles ou d’Ehpad, si bien que la mobilisation citoyenne est réelle.

La Dreal nous a communiqué un document par lequel nous avons découvert qu’il avait été demandé à la DDT du Tarn, en février 2022 de basculer en régime d’autorisation, du fait du cumul des impacts identifiés et d’un risque réel pour la population. En juin 2022, les services de l’État ont finalement accordé des autorisations à ces centrales, sur simple procédure d’enregistrement. Pourriez-vous nous indiquer les éléments qui vous ont été communiqués par Atosca et qui sont de nature à vous permettre, malgré la préconisation de basculer en régime d’autorisation, d’accorder l’autorisation sur simple procédure d’enregistrement ? Lors d’une audition, nous avons ainsi découvert que le maire de la commune de Saint-Germain avait appris l’existence, par les habitants de sa commune, d’une centrale d’enrobés à chaud.

M. Pierre-André Durand. J’aurai d’abord une remarque générale sur la question des zones inondables. Je rappelle qu’il est possible de construire en zone inondable selon un aléa faible, moyen ou fort. Des mesures très particulières sont ainsi prises selon la nature de l’aléa, son intensité et la nature de la construction dont il s’agit. En l’occurrence, il s’agit simplement d’une voirie.

Sur la question des centrales à enrobés, je ferais observer que des centaines d’installations de ce type existent dans notre pays et je parle ici d’usines pérennes. En l’espèce, il ne s’agit que de centrales provisoires. Il va de soi qu’elles sont soumises à la législation des installations classées et obéissent à des prescriptions très précises. Il existe trois niveaux d’encadrement : la déclaration, l’enregistrement et l’autorisation. Je pourrais d’ailleurs compléter avec les niveaux Seveso/seuil bas et Seveso/seuil haut. Pour le cas qui nous occupe, je dirais que l’appréciation de la Dreal a été très « mécanique » et s’est basée sur les précisions transmises par le porteur de projet. Si mon collègue n’a pas d’autres éléments à vous apporter, nous vous les préciserons par écrit.

J’entrevois néanmoins qu’une déclaration d’ordre général a été faite au moment du dossier, en indiquant à l’administration ce dont il s’agissait et qu’au vu des caractéristiques et des volumes précisés au dossier, il entrait mécaniquement dans le champ de l’enregistrement. Je rappelle aussi que l’enregistrement se différencie d’une simple déclaration en ce qu’il se situe un cran au-dessus et nécessite un certain nombre d’éléments d’instructions de la part de l’administration.

En outre, des déclassements et surclassements de cette nature se prononcent assez fréquemment. Il arrive en effet qu’après la remise d’un dossier de première déclaration et au moment de l’instruction du dossier définitif, on s’aperçoive qu’il convient de le passer de déclaration en enregistrement ou d’enregistrement en autorisation. J’ai tendance à penser qu’en l’espèce, le contenu du dossier déposé a conduit à le passer en enregistrement, mais nous le vérifierons et vous répondrons par écrit.

M. Jean Terlier, président. Je pense que le concessionnaire nous a déjà fourni un certain nombre d’éléments de réponse. De surcroît, de nombreuses réunions publiques ont été organisées par la préfecture du Tarn à destination des populations, pour prévenir et préciser la nature de ces centrales à enrobés. Il s’est évidemment agi de rassurer, en lien avec l’ensemble des maires des communes concernées qui étaient parfaitement au courant de l’existence de ce type d’installations temporaires sur leur commune.

M. Michel Vilbois. J’ajoute que nous allons confier à Atmo Occitanie l’élaboration d’un plan de surveillance qui prendra en compte le positionnement des points sensibles (écoles, crèches, exploitations agricoles), les conditions météorologiques et les flux émis en sortie de cheminée. J’en profite pour préciser que l’implantation des centrales figure dans l’article 6 de l’arrêté d’autorisation environnementale et que les communes y figurent. Pour chacune des deux centrales, nous constituerons une instance de suivi composée des collectifs, des riverains, des parents d’élèves et des agriculteurs. Les associations membres du comité de suivi des mesures compensatoires y seront également invitées. Nous organiserons une réunion d’installation avant la mise en service de chacune de ces deux installations.

Je rappelle que ces installations sont temporaires, qu’elles seront démontées et qu’Atosca a d’ores et déjà prévu de les implanter à d’autres endroits. Nous mettrons aussi en place un dispositif de recueil des éventuels signalements et une procédure accélérée de traitement des difficultés par courriel et ligne téléphonique spécifique, tout ceci intervenant en complément du plan de contrôle de l’ICPE, avec une fréquence d’inspection particulière pour ce type d’installation.

Enfin, ce dispositif a été conçu à la demande d’Atosca qui s’inscrit ainsi dans une démarche volontaire consistant à non seulement contrôler la partie réglementaire, mais aussi à rassurer les populations qui viendraient à s’inquiéter de tel ou tel événement relatif à ces deux centrales à enrobés.

Sur certaines questions formulées par madame la rapporteure, nous serons particulièrement attentifs à la qualité des mesures compensatoires et que nous veillerons à ce que celles-ci ne se traduisent pas par une artificialisation des sols, et ce, même s’il s’agit d’installations photovoltaïques.

Enfin, je vous confirme que le concessionnaire a effectivement porté atteinte à une nappe phréatique, au moins à un endroit déterminé et que les contrôles de l’État sont en cours (le dernier ayant eu le 6 mai dernier). Nous n’en sommes pas encore au stade d’un RMA du fait que nous procédons à une série de contrôles depuis une dizaine de jours.

M. Pierre-André Durand. En complément, nous savons que les centrales à enrobés suscitent une très forte inquiétude. Notre souci est d’être extrêmement transparents sur le sujet. L’État jouera naturellement son rôle d’instructeur et de contrôleur avec rigueur. Tout ce dispositif de mesures complémentaires, allant d’ailleurs au-delà de la réglementation, est justement destiné à répondre aux inquiétudes pendant la période transitoire. Cette mise en place me semble donc exemplaire de ce point de vue.

Par ailleurs, nous avons bien l’intention et sommes déterminés à relever toute infraction pénale si tel était le cas. Le chantier avançant, notre sentiment est que le concessionnaire, qui a réorganisé ces problématiques environnementales en interne, devrait être en situation de faire face à la gestion de ce dossier. Il connaît assurément la position de l’État, qui sera évidemment très attentif au respect des textes environnementaux.

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES). Je tenais à revenir sur le sujet de la « Crem’Arbre », en rappelant d’abord que le recours sur le projet n’a toujours pas été jugé sur le fond.

Dans le cadre du projet dit de la « Crem’Arbre », classé à fort enjeu environnemental, les coupes étaient interdites, comme cela a été confirmé par la Dreal et les services de l’État. Atosca est pourtant passée outre en commençant à défricher et à couper de manière illégale. L’occupation du site de la « Crem’Arbre » par les « écureuils » résulte de cette illégalité.

Aussi, étant très attentive à l’emploi de l’argent public, un article du journal La Dépêche confirme que les sous-préfets et les préfets percevaient du Gouvernement des sommes allant 41 000 à 66 000 euros de primes en fonction de leurs résultats et de leurs réussites sur le terrain. Selon un article de Publieco, monsieur le préfet du Tarn aurait pour mission de poursuivre le projet de construction de l’autoroute A69, et ce, malgré les risques d’artificialisation excessive des sols du Sud du département. Monsieur le préfet, est-ce la raison pour laquelle vous avez mis tant de « cœur à l’ouvrage » en faveur de cette autoroute A69, malgré l’illégalité du défrichement du site de la « Crem’Arbre » et de la RIIPM, comme sur les délais de mise en demeure d’Atosca ?

Je me permets de continuer sur les questions de dépenses d’argent public. D’après un article récent de Reporterre, se basant sur les rapports de l’observatoire toulousain des pratiques policières et de la ligue des droits de l’homme, le coût du maintien de l’ordre sur l’A69 s’élèverait à 2,76 millions d’euros entre mars 2023 et mars 2024. Le même article souligne que, sur les seuls mois de février et mars 2024, 1,615 million d’euros auraient été dépensés pour le maintien de l’ordre sur le site de la « Crem’Arbre », ce fameux site où la coupe était illégale. En un mois, vous aurez donc dépensé l’équivalent d’un peu plus d’un an. En effet, deux Centaures (véhicules blindés), à 800 000 euros pièce, ont été déployés, 250 militaires ont tenu leur position sur 40 jours et nuits, en se relayant toutes les huit heures, avec un coût d’hébergement et de nourriture afférent. Des dizaines de rotations d’hélicoptères ont été effectuées, pour un coût de l’heure de vol se chiffrant à environ 1 500 euros (selon un rapport du Sénat), en plus des frais de carburant pour le transport des troupes à partir de Vannes, Annecy, Gap, Maisons-Alfort, Marseille, Tarbes, Chambéry, etc. 1 000 grenades lacrymogènes à 30 euros l’unité ont été tirées, soit 30 000 euros. L’État a donc déboursé 160 000 euros par « écureuil » perché dans les arbres pour protéger ce site des coupes illégales. Leur action ne répondait qu’au principe de désobéissance civile.

Je tiens à préciser que le chiffre donné représente une fourchette basse en ce qu’il ne considère pas les éléments suivants : la présence des gendarmes locaux mobilisés pour les contrôles routiers et la surveillance du chantier, l’estimation du coût d’utilisation des blindés Centaures et le coût de la Cellule nationale d’appui à la mobilité.

Toutes ces sommes ont été dégagées pour maltraiter les contestataires à l’autoroute A69, allant jusqu’à les affamer et les priver de sommeil.

La situation était tellement alarmante que le rapporteur spécial de l’ONU pour la protection des défenseurs de l’environnement, M. Michel Forst, s’en est ému au point de se fendre d’un rapport.

Je ne reviendrai pas sur la situation de la liberté des représentants de l’audiovisuel public local de couvrir les événements, France 3 Occitanie n’ayant pas manqué de fustiger la façon dont la presse a été entravée dans sa mission.

Ma seconde question est donc la suivante. Si l’illégalité de l’opération de Saïx se confirme, ce que tous les faisceaux d’indices nous indiquent, comment expliquez-vous aux contribuables tarnais – et aux contribuables français – une dépense de plus de 1,5 million d’euros pour cette opération ?

M. Jean Terlier, président. Avant de laisser répondre messieurs les préfets, il me faut vivement déplorer la mise en cause à peine déguisée de leur probité, et notamment celle du préfet du Tarn.

M. Pierre-André Durand. Je répondrai d’abord sur le fait que l’autorisation environnementale n’a pas encore été jugée au fond, ce que nous avons toujours dit et jamais contesté. Nous rappellerons simplement que les cinq référés effectivement déposés ont tous été rejetés par la justice administrative.

 Sur les « écureuils », qui ont pris le parti de grimper dans des arbres pour contrer une coupe illégale, je nuancerai quelque peu cette observation. Je comprends, madame la députée, que vous sembliez approuver le fait de se positionner dans des arbres quand c’est illégal et j’en conclus que vous n’approuvez pas ce même mode opératoire lorsqu’il est légal.

S’agissant du maintien de l’ordre, je vous confirme avec netteté qu’il continuera d’être pleinement assumé. Ainsi que je le disais en début d’audition, les expressions de désaccord sont parfaitement légitimes dans une démocratie et s’expriment par des contentieux. Le fait que le jugement sur le fond n’ait pas encore eu lieu ne revient à donner carte blanche à toutes les actions, d’autant que les référés existants constituent un premier éclairage. Outre le contentieux, le désaccord peut s’exprimer par la voie de la manifestation – déclarée, avec tracés et responsables déclarés – et à la condition qu’elle respecte ces tracés.

Telles sont deux seules voies d’expression d’une opposition dans un État de droit, qui sont d’ailleurs des voies puissantes. Le fait d’opter pour une troisième voie, sympathiquement dénommée « désobéissance civile », consiste en réalité à commettre des actions de force, des voies de fait, des occupations illégales et autres destructions. Dans ce cas, je suis obligé de vous dire que le maintien de l’ordre continuera d’être assuré. Si une illégalité est constatée à l’endroit de quiconque, qu’il s’agisse d’un manifestant ou d’un concessionnaire, le responsable sera sanctionné. C’est ainsi que nous agissons.

Sur la feuille de route, enfin, je trouve votre présentation très orientée, pour ne pas dire déplaisante. Une feuille de route nous est effectivement attribuée, ainsi qu’un complément indemnitaire annuel, que perçoivent au demeurant tous les fonctionnaires de l’État, dans le cadre de ce que l’on appelle le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel. C’est là un dispositif complètement statutaire, de droit commun et qui, contrairement à ce que vous pensez, n’est pas uniquement basé sur le résultat. Il est simplement vérifié, en fin d’année, que le préfet a bien conduit les procédures et accompli les missions qui sont les siennes. Il ne s’agit aucunement d’une sorte de prime de rendement, comme votre présentation pourrait le laisser entendre.

Compte tenu de l’esprit dans lequel tout cela est traité, j’apporte évidemment tout mon soutien à mon collègue du Tarn.

M. Michel Vilbois. Sur cette question de la feuille de route, je préciserais simplement que l’A69 n’est pas le seul sujet y figurant. La feuille de route comprend un certain nombre de projets d’intérêt général, en applications de la loi, et de dispositifs ayant tous été validés par la représentation nationale. La feuille de route s’inscrit dans ce cadre et permet au Gouvernement de mesurer que les préfets servent correctement l’intérêt général.

En réponse sur les coûts évoqués, vous me permettrez de préciser quelques éléments chiffrés :

-          1,5 million d’euros correspondant au montant du préjudice subi par l’entreprise Carayon BTP, à la suite d’une manifestation autorisée par la préfecture en octobre dernier, des membres de cette manifestation ayant violemment attaqué cette entreprise et mis le feu à ses installations ;

-          16 destructions par incendie ;

-          14 vols d’engins de chantier ;

-          38 actes d’opposition violents aux travaux sur le chantier ;

-          3 engins explosifs factices découverts ;

-          27 actes de violence, dont 21 à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ;

-          8 violences et menaces à l’encontre d’élus, qui ont toutes fait l’objet de plaintes ;

-          7 menaces et outrages à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique.

Tout cela est parfaitement mesurable et justifie, à mon sens, que l’État assure l’ordre public sur cette partie du territoire.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Sauf erreur de ma part, je n’ai pas eu de réponse à ma question sur l’application des mises en demeure faites à Atosca. Si nous n’avions pas le temps de développer lors de cette audition, je souhaiterais une réponse écrite sur ce sujet.

Concernant la répression des militants écologistes et plus particulièrement les événements de la « Crem’Arbre », le rapporteur spécial de l’ONU s’est rendu sur place en raison de son inquiétude quant aux méthodes employées pour faire cesser les actions militantes. Dans ses conclusions, rendues le 27 février, il soulignait que : « L’interdiction du ravitaillement en nourriture, les entraves à l’accès à l’eau potable et la privation de sommeil entrent toutes les trois dans le cadre de l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui sont visés par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des obligations internationales de la France, relatives à la convention contre la torture des Nations Unies. »

 Monsieur le préfet du Tarn, lorsque des journalistes vous ont interrogé à ce sujet, vous leur avez répondu avoir « fait le nécessaire et ne rien regretter » dans la mesure où les occupations d’arbres par les militants étaient illégales. Il est ici question de citoyens qui s’étaient simplement perchés dans des arbres, soit une action fondamentalement pacifiste. Confirmez-vous avoir autorisé et donc légitimé ces pratiques envers les militants, alors même que la préfecture n’était pas en mesure de dire sur quelle base légale se fondaient les défrichements d’Atosca ?

Monsieur le préfet Durand, le fait de considérer l’action de ces militants écologistes comme illégale dispense-t-il l’État de respecter les conventions internationales ?

M. Pierre-André Durand. Tout d’abord, nous répondrons par écrit aux questions relatives aux mises en demeure.

 S’agissant du représentant de l’ONU, par ailleurs un acteur militant, je n’ai pas de commentaire particulier à faire sur ses expressions, pas plus que sur la manière dont les opérations de maintien de l’ordre ont été conduites par mon collègue. Je retiens simplement que les dégradations et autres violences ne sont pas à prouver, la litanie des exactions citées par mon collègue étant des plus illustratives à cet égard.

Le maintien de l’ordre est par ailleurs un sujet très éloigné de celui de cette commission d’enquête.

M. Jean Terlier, président. Vous faites bien de le rappeler, monsieur le préfet.

M. Pierre-André Durand. Je maintiens que l’ordre public sera assuré, ainsi que la sécurité des personnes et des biens dans le département du Tarn et de la Haute-Garonne. Il sera assuré dans le cadre de la loi, de manière déterminée et continue dans les mois qui viennent. J’ai déjà indiqué les voies d’opposition légales existantes dans le cadre d’un État de droit. Je ne partage pas votre sentiment, madame la députée, que le fait de se percher illégalement sur des arbres n’aurait « rien de méchant ». L’illégalité éventuelle de coupes effectuées par le concessionnaire sera sanctionnée, mais les accrochages que vous citez interviennent aussi à des endroits ne le justifiant aucunement. Nous assumerons évidemment nos responsabilités autant que nécessaire.

M. Michel Vilbois. S’agissant des mises en demeure et dans un souci de précision, nous informerons par écrit la commission d’enquête des résultats et des suites, sachant que la dernière mise en demeure est encore en cours.

Je me permets d’ajouter, concernant l’intervention du rapporteur spécial de l’ONU, que ses affirmations ont fait l’objet de démentis de notre part dans un document que nous tenons à la disposition de la commission d’enquête. Son rapport, que nous n’avons d’ailleurs pas reçu, puisqu’il s’est contenté d’une déclaration à la presse, a fait l’objet d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, laquelle a classé l’appel, considérant que les éléments présentés ne donnaient pas lieu à de quelconques suites.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Pour ma part, je rejoins pleinement monsieur le préfet de région concernant le nécessaire respect de l’État de droit. C’est d’ailleurs en vertu de l’État de droit qu’une requête en référé a été portée le 29 février dernier, afin d’alerter sur la question du bois de la Crémade. Vous y avez répondu, le 5 mars, en indiquant qu’il n’y avait pas de sujet, alors que le jour même, la Dreal vous alertait de la matérialité de coupes d’arbres illégales pratiquées par Atosca. Sachant que les préfectures départementales et régionales étaient en copie des échanges de courrier entre Atosca et la Dreal, j’admets ne pas bien comprendre votre réponse dans le cadre du mémoire en défense du 5 mars. Si vous aviez bel et bien eu connaissance de ces courriers et justement en vertu de l’État de droit, j’ose espérer que vos conclusions du 5 mars n’eussent pas été les mêmes.

Je vous remercie par avance de répondre par écrit à l’ensemble des questions qui vous ont été posées, de façon à mettre un terme à ces questionnements récurrents.

Je vous remercie, messieurs les préfets, de votre disponibilité et de vos réponses, même si toutes ne sont pas complètement satisfaisantes, notamment sur la conception de l’État de droit. Il revient naturellement à la justice, lorsqu’on lui donne les moyens de fonctionner, de statuer sur des situations que nous regrettons toutes et tous.

M. Jean Terlier, président. Je vous remercie à mon tour, messieurs les préfets, de votre présence et de vos réponses très complètes à cette commission d’enquête.

En ce qui me concerne, je déplore les attaques personnelles survenues dans le cadre de cette audition et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, d’autant que plusieurs questions sortaient du périmètre de cette commission d’enquête et qu’elles avaient trait à des procédures judiciaires en cours.

Enfin, nous sommes très sensibles à l’accueil prochain des membres de la commission par la préfecture du Tarn, en sous-préfecture de Castres.

 

 

La séance s’achève à treize heures.


Membres présents ou excusés

 

Présents.  Mme Christine Arrighi, M. Frédéric Cabrolier, Mme Karen Erodi, Mme Sylvie Ferrer, M. Philippe Frei, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean Terlier, Mme Corinne Vignon