Compte rendu
Commission d’enquête
sur les manquements
des politiques de protection
de l’enfance
– Audition de M. Didier Tronche, président de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), et de M. Pierre-Alain Sarthou, directeur général 2
– Présences en réunion................................18
Mercredi
5 juin 2024
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 21
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
Mme Laure Miller,
Présidente
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La séance est ouverte à quinze heures.
Sous la présidence de Mme Laure Miller, présidente, la commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance s’est réunie en vue de procéder à l’audition de M. Didier Tronche, président de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), et de M. Pierre-Alain Sarthou, directeur général.
Mme la présidente Laure Miller. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour poursuivre les travaux de notre commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance. Cet après-midi, nous auditionnons la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), représentée par son président, M. Didier Tronche, et son directeur général, M. Pierre-Alain Sarthou. Merci d’avoir répondu favorablement à notre invitation.
Votre Convention fédère de nombreuses associations présentes sur l’ensemble du territoire. Avec cette vision globale qui est la vôtre, vous pourrez sans doute nous éclairer sur les causes des disparités importantes de la politique de l’enfance, tant selon les départements que selon le type de structure concernée. Nous aimerions également vous entendre sur les moyens de remédier à ces disparités, ainsi que sur les difficultés financières et de recrutement des associations, les taux d’encadrement et le manque d’attractivité des métiers de l’enfance. Vous avez aussi récemment pris position sur la santé des enfants, un sujet dont nous entendons beaucoup parler depuis le début des auditions. Vous pourrez ainsi nous donner votre avis sur les expérimentations « Santé protégée » et « Pégase » et nous éclairer sur les propositions que vous portez pour améliorer le suivi médical des enfants, en particulier concernant la santé mentale et le handicap. Comme vous le voyez, les questions sont nombreuses. Mme la rapporteure en ajoutera sans doute d’autres, plus précises.
Avant de vous laisser la parole, je rappelle que notre audition est publique et retransmise sur le site internet de l’Assemblée nationale. En outre, en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais préalablement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et de dire : « Je le jure ».
(MM. Didier Tronche et Pierre-Alain Sarthou prêtent serment.)
M. Didier Tronche, président de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant. Vous avez rappelé que la Cnape regroupe 170 associations et treize mouvements, représentant la diversité des actions menées dans le cadre de la protection de l’enfance, qu’il s’agisse de placement familial, d’action en milieu ouvert ou de prévention. Cela concerne 250 000 enfants suivis, près de 30 000 professionnels et 8 000 bénévoles. La Cnape bénéficie d’une reconnaissance légitime de sa représentativité, ce qui explique notre présence à cette audition, pour laquelle nous vous remercions.
Je ne vais pas répéter les constats que nous connaissons depuis des années. Vous avez auditionné la présidente du Conseil national de protection de l’enfance (CNPE), dont nous sommes membres. Je siège au bureau du CNPE, dont la Cnape a validé l’ensemble des positions, notamment le plan Marshall pour la protection de l’enfance que nous souhaitons voir mis en œuvre, avec des adaptations selon les priorités définies.
Mon intervention se concentrera essentiellement sur la situation des associations aujourd’hui, le risque de marchandisation du secteur de la protection de l’enfance et la situation des professionnels, qui se sentent déclassés et usés.
Concernant les associations, le problème est bien sûr financier, mais il touche également aux ressources humaines. Il s’agit de bien plus qu’un simple cri d’alarme. L’enquête que nous avons menée fin 2023 auprès des adhérents de la Cnape révèle un modèle de financement non pérenne et inadapté à l’évolution rapide des besoins et à la restructuration de l’offre. Nous sommes conscients de la nécessité de faire évoluer l’offre en matière de protection de l’enfance, mais le système actuel d’encadrement financier ne favorise pas cette évolution. Cela entraîne une faible visibilité pour nos associations, qui s’appauvrissent compte tenu de l’inflation. Des efforts ont été faits pour reconnaître les professionnels, notamment avec le Ségur de la santé ou la prime Macron. Cependant, ces avancées restent insuffisantes, laissant de nombreux professionnels sur le carreau. Le recouvrement financier ne correspond pas aux décisions prises au niveau national. Certains départements n’ont pas versé la prime Ségur, tandis que d’autres l’ont fait selon des taux laissés à leur discrétion.
Dans un contexte de rationalisation budgétaire, une écrasante majorité d’associations (neuf sur dix) observent une tendance inquiétante à la baisse de leur trésorerie. Près de 70 % d’entre elles constatent une augmentation de leur dette à court terme entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2022. En 2024, environ 60 % des associations n’ont pas reçu de retour des autorités de tarification sur leur compte administratif de 2022. De plus, près de 70 % d’entre elles ont constaté un écart significatif entre les comptes administratifs et les budgets accordés. Par exemple, lorsque l’on reçoit l’arrêté de financement de 2022 pour la protection de l’enfance en janvier 2023, c’est du pilotage à vue. L’expertise des comptes administratifs de l’année n-2, qui a des effets sur l’année n+2, devient catastrophique. Les trésoreries des associations s’assèchent ; certaines pourraient même se retrouver en situation de faillite. Nous ne pouvons pas continuer à faire de la cavalerie budgétaire.
Face à cette situation, deux pistes se dégagent. Premièrement, revenir à l’esprit de la loi du 2 janvier 2002 qui a introduit les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Ces contrats, mis en place par l’État dans le secteur de la santé, sont aujourd’hui très rarement appliqués par les départements. Certains départements n’honorent même pas les CPOM déjà signés. Ces contrats sont pourtant essentiels pour assurer une gestion financière stable et prévisible. Ils donnent une visibilité à plus long terme, permettent d’améliorer l’offre d’intervention et d’adapter les modalités d’accompagnement des parcours individuels, à condition d’établir une temporalité de cinq ans, comme pour la santé. Ceci nous paraît d’autant plus important que nous constatons, en protection de l’enfance comme dans le secteur médico‑social, l’apparition de doubles vulnérabilités. Par exemple, nous avons en institut médico-éducatif (IME) des enfants relevant de la protection de l’enfance. La responsabilité de l’application de la loi est partagée entre différents financeurs : l’État et le département. Cette double prise en charge des besoins fondamentaux et spécifiques de l’enfant constitue aujourd’hui la question centrale de la protection de l’enfance. Il nous semble également nécessaire, au-delà des CPOM, d’établir de bonnes pratiques budgétaires pour éviter les ponctions de trésorerie ou les rattrapages budgétaires en fin d’exercice, qui ne sont jamais satisfaisants.
Par ailleurs, notre système de protection de l’enfance souffre d’un manque de prévention en amont, que ce soit pour la petite enfance ou pour la santé physique et morale des jeunes enfants, ce qui a des effets délétères. Il y a un lien évident avec le secteur de la pédopsychiatrie et, plus généralement, avec la psychiatrie infanto-juvénile.
Dans le contexte actuel de crise d’attractivité des métiers du travail social, nous sommes très inquiets face au risque d’ubérisation ou de marchandisation du secteur de la protection de l’enfance. Je sais que vous allez auditionner la semaine prochaine l’entreprise Domino RH. Dans mon département, je dois avouer que son intervention n’est pas une réussite et que cela se termine de manière déplorable pour les enfants confiés, ainsi que pour les personnels exerçant dans ces structures. La question de l’intérim est aujourd’hui une véritable problématique pour nous en termes de permanence de l’accompagnement.
Mme la présidente Laure Miller. De quel département s’agit-il ?
M. Didier Tronche. Le Calvados. En tant que président de l’association de la Sauvegarde du Calvados, je tiens à souligner les problèmes liés à l’encadrement budgétaire des appels d’offres. Lorsqu’un appel d’offres pour la création de Mecs fixe un prix de journée à 175 euros, il devient impossible de répondre, sauf peut-être pour le secteur privé lucratif qui pourrait respecter ces contraintes budgétaires. Nous ne répondons pas par manque d’intérêt pour ces structures, mais parce que notre proposition à 220 euros, déjà très modeste, dépasse l’encadrement budgétaire fixé. Ce montant de 175 euros ne permet même pas de respecter le code du travail et la convention collective. Ce point, bien que rapidement évoqué, est essentiel pour comprendre les risques de marchandisation et d’ubérisation du secteur.
La crise actuelle de l’attractivité des métiers est un problème majeur pour les professionnels du secteur. Ils doivent souvent travailler avec des intérimaires ou des salariés en contrat en durée déterminée (CDD), ce qui nuit à la stabilité des projets. Il est crucial d’analyser les raisons de cette désaffection à l’entrée des instituts de formation et de repenser notre approche. Nous devons améliorer nos pratiques managériales car les jeunes préfèrent aujourd’hui des CDD plutôt que des contrats à durée indéterminée (CDI). Cela ne signifie pas qu’ils manquent d’engagement, mais que la nature de leur engagement a changé. Nous rencontrons également de grandes difficultés sur les fonctions support. Les conséquences sont bien connues : difficultés à appliquer les mesures en matière de placement et de milieu ouvert, liste d’attente importante. Cela engendre un véritable problème de responsabilité et un découragement persistant.
Ces difficultés ne relèvent pas des exigences directes de nos financeurs, qu’il s’agisse des départements ou de l’État. Toutefois, elles relèvent indirectement de l’État qui joue un rôle déterminant dans l’ingénierie des formations, leur adaptation et leur capacité d’évolution. Nous estimons qu’il est impératif de repenser les parcours professionnels et de promouvoir davantage l’apprentissage, car c’est une voie de stabilisation pour des personnels souvent devenus nomades. Il est également essentiel de renforcer l’utilisation de la validation des acquis de l’expérience (VAE) en mobilisant les fonds collectés au titre de la formation continue. Le secteur dépasse le seuil fiscalisé de 1 % de la masse salariale collecté par les opérateurs de compétences, ce qui laisse des fonds disponibles pour ces accompagnements. De plus, dans le cadre de la solidarité interbranche professionnelle, des objectifs précis pourraient être fixés.
Il est tout aussi important d’organiser les secondes parties de carrière pour offrir de nouvelles perspectives aux professionnels, de mieux penser les passerelles, de valoriser les compétences antérieures et d’adapter la pédagogie des organismes de formation aux profils spécifiques. Nous recrutons souvent sur la base de compétences individuelles plutôt que de diplômes. En tant qu’association et employeur, il nous incombe d’accompagner les personnes dans la reconnaissance de leurs qualifications et l’acquisition de nouvelles compétences. Nos diplômes du travail social sont de nature générique et nous constatons que la plupart des professionnels postulant dans le domaine de la protection de l’enfance n’ont jamais été formés spécifiquement à ce secteur. La raréfaction des lieux de stage et l’obligation de rémunérer les stagiaires ont conduit la quasi-totalité des départements à ne plus offrir de stages en protection de l’enfance, ce qui réduit considérablement l’attractivité de notre secteur. D’autres éléments doivent être pris en compte, notamment les normes d’encadrement, que vous avez mentionnées précédemment.
Lors d’un entretien la semaine dernière avec le président de la Haute Autorité de santé (HAS), le président de la commission sociale et l’administratrice chargée du développement de la qualité et de l’évaluation de la HAS, nous avons constaté le manque d’éléments concernant l’évaluation en matière de protection de l’enfance. Ils s’étonnent que, dans la plupart des dix Mecs qu’ils ont examinées de près, les personnels aient une image totalement dévalorisée de leur propre travail. Cette situation s’explique par l’absence d’analyse des pratiques prises en charge financièrement, bien que cela soit obligatoire et inscrit dans la loi. Les budgets excluent le financement associé, il n’y a pas de pluridisciplinarité des équipes et les travailleurs sociaux, qu’ils exercent dans des Mecs ou des foyers éducatifs, se retrouvent toujours seuls face à un groupe hétérogène. Comment ne pas s’user et porter un regard critique, voire avoir un sentiment d’impuissance et de défaillance par rapport à son propre travail dans de telles conditions ?
Il existe des solutions concrètes et peu coûteuses, qui consistent simplement à appliquer la loi et à faire preuve de bon sens, ce qui semble parfois faire défaut. Nous pourrions également envisager la création d’un comité de filière des métiers de la protection de l’enfance, similaire à celui de la petite enfance, pour réfléchir sur les métiers et les besoins, notamment pour les assistants familiaux. Ces derniers se font de plus en plus rares, ce qui va assécher une partie des orientations. De plus, les placements éducatifs à domicile posent problème : la Cour de cassation a indiqué qu’une telle mesure n’est pas constitutive d’un placement. Il faudra donc que vous, mesdames et messieurs les députés, pensiez à adopter une nouvelle loi ou à adapter la loi.
Je sais que vous allez recevoir l’Association nationale des maisons d’enfants à caractère social (Anmecs), l’une des fédérations de notre Convention. Je m’étonne que vous ne receviez pas également des représentants de l’action éducative en milieu ouvert (AEMO), qu’il convient de redéfinir. Le placement doit être considéré comme le dernier recours lorsque toutes les autres options ont été épuisées. L’AEMO, qui englobe actuellement tout et n’importe quoi, doit être réévaluée. Nous menons actuellement une étude avec le Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert (CNAEMO) pour clarifier les différents sigles et déterminer les distinctions entre une AEMO classique, telle qu’elle était initialement conçue, et une AEMO renforcée, qui devrait être une version plus suivie dans le temps. Nous avons également des AEMO avec des structures d’hébergement d’accueil de crise, qui sont indispensables, mais qui ne constituent pas un placement au sens strict du terme. De plus, les départements appliquent des règles différentes concernant ces orientations, ce qui rend nécessaire une harmonisation rapide. L’AEMO, en tant que milieu ouvert, reste une forme de prévention essentielle.
Mme la présidente Laure Miller. En effet, je peux vous assurer que c’est un sujet que nous abordons à chacune de nos auditions.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Vous représentez une Fédération nationale regroupant de nombreuses associations consacrées à la protection de l’enfance. Si je ne me trompe pas, cela concerne 140 associations et 250 000 enfants sur les 377 000 pris en charge au total en France. Étant donné que nous sommes dans le cadre d’une commission d’enquête, je souhaitais vérifier ces chiffres.
Ma première question porte sur le budget de la protection de l’enfance, qui s’élève aujourd’hui à environ 10 milliards d’euros annuels pour ce qui concerne les départements. Ce budget recouvre notamment l’accompagnement et la prise en charge des enfants. À l’échelle des 250 000 enfants et des 140 associations que la Cnape représente, pouvez-vous nous fournir un ordre de grandeur de la part budgétaire que représentent ces associations dans ce budget de 10 milliards d’euros ? Cette information n’est référencée nulle part et il serait utile d’en avoir une idée précise.
Ma deuxième question concerne les habilitations des associations en protection de l’enfance. C’est un aspect que j’essaie de clarifier dans le cadre de cette commission d’enquête. Pouvez-vous nous préciser les règles en vigueur ? En général, ces habilitations sont accordées par les départements pour une durée de quinze ans renouvelable tacitement. Pouvez-vous confirmer que lors de la décentralisation, qui a transféré la compétence de l’aide sociale à l’enfance (ASE) de l’État aux départements, les associations déjà habilitées par l’État ont vu leur habilitation reconduite de manière tacite par les départements ? Cela nous conduit à un historique de la protection de l’enfance où certaines associations sont implantées dans les territoires depuis le XIXe siècle, ce qui montre un ancrage profond. Cette question soulève d’ailleurs le problème des infrastructures, souvent anciennes et parfois inadaptées aux besoins actuels des enfants. La société a évolué et nous avons acquis de nouvelles connaissances sur les besoins fondamentaux des enfants, notamment grâce aux neurosciences. Nous savons aujourd’hui que de petites structures sont plus adaptées aux enfants que les anciennes structures des années 1940, 1950 ou 1960, même si des travaux de rénovation peuvent être entrepris. C’est un élément important à prendre en compte. Je souhaite savoir si, au niveau de la Cnape, compte tenu de l’historique de l’implantation de la protection de l’enfance, qui, avec la décentralisation, a très peu évolué, une réflexion est en cours sur ces sujets. En effet, les besoins fondamentaux des enfants aujourd’hui nécessitent une réévaluation de ce fonctionnement. Vous avez esquissé cette question en mentionnant que les besoins des enfants ont changé. Est-ce que des discussions ont lieu avec les départements ou à l’échelle nationale concernant un grand plan de reconstruction ou de rénovation afin que vos associations, y compris les plus anciennes, accueillent les enfants de manière plus appropriée ?
Je soulève cette question car, bien que je ne dispose pas de chiffres précis ni ne vise une association en particulier, certaines structures accueillent jusqu’à quatre-vingts ou cent enfants. Nous savons pertinemment que ce n’est pas la solution idéale, surtout pour des enfants présentant plusieurs vulnérabilités. Vivre en collectivité en permanence est extrêmement difficile. Personne ne souhaiterait vivre en groupe 24 heures sur 24. Or cette pratique n’a pas été réinterrogée. J’aimerais connaître votre avis sur cette question, sachant que j’ai toute confiance dans les travaux menés par la Cnape.
Certaines associations font l’objet de rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ou de saisines du Défenseur des droits en raison de situations jugées dramatiques. Je prendrai un seul exemple : l’association la Sauvegarde 13 dans les Bouches-du-Rhône, qui a connu un pic d’alerte dramatique. Défenseur des droits, Igas… tout le monde s’est mobilisé récemment, en 2021-2022. Il y avait notamment plus de mille mesures d’AEMO en attente. Comment, au niveau national, la Cnape se saisit-elle ou s’autosaisit-elle de ces manquements graves ? Quel travail est réalisé avec les associations et les départements ?
Je souhaiterais également revenir sur la question du recours à l’intérim en protection de l’enfance. En Seine‑Saint-Denis, le budget pour l’intérim s’élève à 2 millions d’euros, car l’intérim coûte cher. Cependant, aujourd’hui la protection de l’enfance ne pourrait pas fonctionner sans l’intérim, faute de personnel. L’urgence est absolue, tant budgétairement que structurellement. Compte tenu de la masse de personnel nécessaire, alors même que les normes d’encadrement réglementaires n’ont pas été définies – il est pourtant essentiel d’avoir des normes pour que les enfants soient bien accompagnés – la vérification du casier judiciaire des personnes avant leur recrutement en intérim, pourtant imposée par la loi du 7 février 2022, n’est pas appliquée. En 2022, le législateur souhaitait absolument que les personnels travaillant auprès des enfants ne soient pas des agresseurs sexuels ; or, avec le système de l’intérim qui s’est mis en place, nous ne sommes pas en capacité de le vérifier. Si cela est bien confirmé, c’est très important pour la commission d’enquête.
Concernant les propositions budgétaires, je soutien le plan Marshall et j’espère que la commission d’enquête apportera un poids supplémentaire pour exiger sa mise en place urgente. En effet, l’intérim représente un surcoût de 500 à 700 euros par jour pour les associations, alors même que vous avez rappelé qu’elles sont en difficulté financière. Elles devront donc également supporter ces coûts exorbitants, ce qui crée un cercle vicieux et nous mène droit à la catastrophe. Les enfants n’ont aucune stabilité, subissent un turnover constant et cette situation s’est dégradée depuis environ cinq ans. Nous sommes désormais au pied du mur pour résoudre ces problèmes.
J’aimerais connaître votre avis sur ces sujets, car la situation me semble extrêmement grave. Une partie de la question de la formation, ainsi que celle des primes, relèvent de la responsabilité de l’État. Aujourd’hui, de nombreux acteurs de la protection de l’enfance quittent ce domaine pour des postes en intérim, mieux rémunérés. Certains refusent des CDI, préférant l’intérim. Le problème des salaires et de la revalorisation des métiers est une urgence absolue pour endiguer cette tendance actuelle.
M. Didier Tronche. Je vais répondre à la plupart des questions, puis M. Pierre‑Alain Sarthou, directeur général, apportera des précisions sur certaines d’entre elles. Vous mentionnez 140 associations sur les 170 qui se consacrent à la protection de l’enfance. Il est possible que ce soit davantage. Une partie de nos associations se concentre sur la protection de l’enfance au titre du volet pénal (protection judiciaire de la jeunesse - PJJ). Nous avons des associations qui se consacrent exclusivement à la protection de l’enfance au titre de l’ASE. La partie relevant de la PJJ inclut les services d’investigation auprès des magistrats, les mesures fondées sur l’ordonnance du 2 février 1945, les centres éducatifs renforcés (CER) et les centres éducatifs fermés (CEF). Nous sommes l’un des principaux acteurs de la politique publique en matière de CER et de CEF. Ce sont souvent des associations qui jouent un rôle central dans la protection de l’enfance, au sens large de la défense des droits des enfants. En revanche, je suis dans l’incapacité de vous répondre sur la question budgétaire ; M. Pierre-Alain Sarthou pourra peut-être vous donner des éléments à ce sujet.
Il est indéniable que l’histoire est un élément fondamental dans le secteur de la protection de l’enfance, comme vous l’avez rappelé. Cette dernière repose largement sur des principes établis au XIXe siècle, notamment en ce qui concerne le respect des droits des mineurs. L’ordonnance du 2 février 1945, souvent citée, ne se limite pas à un texte judiciaire ; elle définit également les bases de la protection de l’enfance en situation de danger, y compris s’agissant des mesures administratives. Je rappelle fréquemment que le préambule de cette ordonnance souligne que la France, trop pauvre en enfants, ne peut se permettre de négliger son devoir de les accompagner pour qu’ils deviennent des adultes sains et pleinement citoyens, selon le langage de l’époque. Lors de la construction des politiques publiques, il est important de ne pas oublier les antécédents d’accompagnement des orphelinats et autres institutions depuis le XVIIIe siècle. À cette époque, il n’a pas été décidé de créer un service public de protection de l’enfance. Ainsi, aujourd’hui, ce sont les associations qui assurent cette mission à hauteur de 75 %, voire 80 %, avec parfois un positionnement ambigu.
Quand je parle d’ambiguïté, je souhaite illustrer mon propos. La puissance publique perçoit souvent le secteur associatif comme une extension de son action, chargé de mettre en œuvre ses décisions. Cependant, ce n’est pas la vocation première des associations. L’association joue un rôle essentiel dans la vie sociétale en participant activement à la représentation de la société civile. Malheureusement, aujourd’hui, elle est souvent perçue comme un simple organisme gestionnaire qui applique, ce qui est déresponsabilisant. Une association doit non seulement participer au débat public, mais aussi nourrir ceux qui ont la capacité de prendre des orientations et des décisions, qu’il s’agisse de l’État ou des départements, en leur fournissant des données d’expertise. Elle doit également assumer une co‑responsabilité dans son approche des situations, en tenant compte des difficultés, qu’elles soient financières ou humaines. Concernant l’architecture des associations, bien que reposant souvent sur des modèles du XIXe siècle, il est désormais évident que l’accompagnement des familles en difficulté et des enfants en situation de danger ne peut plus se faire par une simple mise au vert à la campagne, avec des établissements de quatre-vingt-un lits. Aujourd’hui, les associations constatent que leur patrimoine historique n’est plus adapté. La plupart se séparent de ce patrimoine qui coûte cher en entretien, en chauffage, en électricité, etc. On abandonne ainsi les bijoux de famille, souvent des châteaux donnés ou acquis.
Il ne faut pas sous-estimer que plus on se concentre sur des lieux d’animation territoriale, la proximité à l’environnement et des structures à caractère plus chaleureux pour de petits groupes, plus on augmente les besoins d’encadrement, les coûts de location, etc. Je vais prendre l’exemple de l’association calvadosienne que je préside, qui s’appelle désormais Acséa. Mais accès à quoi ? C’est tout l’enjeu de notre mission. Nous n’avons plus de château ; le dernier, nous l’avons vendu il y a sept ou huit ans, et nous étions bien contents de nous en débarrasser car il était totalement inadapté. Aujourd’hui, nous nous sommes rapprochés des lieux de décision et d’orientation. Nous avons implanté nos services et nos établissements sectorisés au cœur des lieux de vie, à l’intérieur même du territoire départemental, en les répartissant sur quatre zones. Cependant, nous rencontrons de grandes difficultés à faire accepter que cela engendre des coûts, même si nous nous sommes rapprochés des circonscriptions administratives du département.
Au niveau de la Cnape, nous avons signé un accord de partenariat et de développement avec la Banque des territoires, en prévoyant 100 millions d’euros pour accompagner les associations de protection de l’enfance dans leur évolution. Cela leur permet d’accéder aujourd’hui à des prêts bonifiés, alimentés par les livrets, les placements et les intérêts des placements gérés par la Caisse des dépôts. C’est la solution que nous avons trouvée pour répondre aux urgences actuelles.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Pouvez-vous nous éclairer sur la question budgétaire, notamment par rapport au budget global de 10 milliards d’euros ? Ensuite, j’aimerais savoir comment sont traitées, à l’échelle nationale, les problématiques rencontrées par les membres de votre fédération. Par exemple, dans le cas de la Sauvegarde 13, qui a fait l’objet d’une intervention du Défenseur des droits et d’un rapport de l’Igas, quelles actions spécifiques sont mises en œuvre, étant donné que cette association est membre de la Cnape ?
Enfin, concernant l’intérim, constatez-vous que le casier judiciaire, notamment pour les infractions sexuelles, n’est pas systématiquement demandé, malgré la loi ?
M. Didier Tronche. Sur cette dernière question, je vais répondre très directement : oui, nous avons un problème important, qui n’est pas nouveau. Nous l’avions souligné auparavant. Lorsqu’il y a des remplacements, par exemple pour un poste de surveillant de nuit, ou lorsqu’un éducateur qui doit assurer une garde nocturne ne se présente pas à cause d’un accident, nous activons le dispositif d’astreinte. Cependant, si toutes les astreintes ont déjà été utilisées, nous devons parfois recourir à un emploi de très courte durée. Dans ce cas, nous n’avons pas la capacité de vérifier certains éléments, même avant la loi du 7 février 2022 et le décret récent sur les antécédents judiciaires. Auparavant, nous avions assoupli les procédures en demandant au département d’obtenir rapidement des renseignements sur l’inscription au bulletin du casier judiciaire, ce qui n’était pas toujours efficace.
Je vais vous donner un exemple personnel, bien qu’il soit un peu ancien. Nous avions recruté un surveillant de nuit qui avait déjà travaillé dans la fonction publique, effectué des remplacements, notamment en collectivité territoriale et municipalité. Nous avons ensuite été confrontés à de sérieuses questions, c’était comme une bombe qui explose : notre salarié était fiché S, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’une personne est condamnée. Comme il était en contrôle judiciaire, il n’y avait encore rien d’inscrit sur son bulletin. De nombreux petits problèmes subsistent donc.
Pour les personnels stables, cela fonctionne actuellement, mais cela fonctionnera sans doute mieux lorsque le processus sera informatisé, car il y a encore des questions en suspens. Pour l’instant, la transmission passe par le ministère de la justice, via les services du directeur interrégional de la PJJ, pour obtenir des informations. Lorsque nous n’avons pas de renseignements par le service du ministère, nous passons par les présidents de conseils départementaux pour accéder au bulletin. Cependant, ce système n’est pas satisfaisant.
M. Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant. Sur la partie budgétaire, vous avez mentionné, Mme la rapporteure, un budget global d’environ 10 milliards d’euros, probablement similaire pour 2024. D’après les dernières données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), d’il y a un ou deux ans, ce budget s’élève à 9 milliards d’euros. Sur ce montant, 8 milliards d’euros sont consacrés aux dépenses liées aux placements, donc à l’accueil des enfants. Cela concerne environ la moitié des enfants bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance. Le milliard restant couvre l’ensemble des autres types d’intervention de protection de l’enfance : milieu ouvert, aide éducative à domicile, AEMO, prévention spécialisée et autres types d’accueil et de prise en charge. Effectivement, il existe une énorme disparité entre les dépenses relatives à l’accueil et les autres types de dépenses en protection de l’enfance.
Sommes-nous en mesure, à la Cnape, de fournir un coût par enfant pris en charge ? Non, nous ne sommes pas capables de le faire. Nous n’avons pas les compétences en interne, car je n’ai pas d’économistes dans mon équipe, ni de spécialistes en économétrie. C’est quelque chose que nous regrettons énormément et dont nous avons discuté avec l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), qui anime une communauté de jeunes chercheurs et supervise de nombreuses thèses en cours, en psychologie, en sciences de l’éducation, en sociologie. Aujourd’hui, il n’existe pas en France de thèse en économie publique de la protection de l’enfance, alors qu’il y aurait beaucoup à en tirer. Une source d’inspiration pour la commission d’enquête serait de créer de la connaissance pour améliorer l’efficacité de l’action publique sur le plan budgétaire et de la prise en charge des enfants.
Concernant la Sauvegarde 13, la directrice chargée de l’enfance et des familles du département des Bouches-du-Rhône a quitté ses fonctions à la suite du rapport de l’Igas. Du côté de la Sauvegarde, comme dans l’ensemble de nos associations dans tous les départements, un important phénomène de liste d’attente pour le milieu ouvert s’est manifesté. Cela signifie que des enfants bénéficiant d’une mesure judiciaire, prononcée par le juge des enfants, ne peuvent pas être pris en charge parce que les services associatifs manquent de moyens, financiers la plupart du temps, ou parfois humains, pour exécuter ces mesures.
Il est essentiel de souligner la question de la responsabilité. Étant donné qu’il y a plus de cent départements, la Cnape ne peut pas participer au dialogue de chaque association avec son département pour trouver des solutions spécifiques. Cela serait impossible à gérer. Cependant, nous soutenons nos adhérents du mieux possible, notamment en matière de responsabilité. Lorsqu’un juge a confié au département, puis à une association, la tâche de protéger un enfant en danger et que la mesure n’est pas exécutée, que se passe-t-il si cet enfant voit sa situation s’aggraver, voire, dans le pire des cas, décède, comme cela a été le cas récemment dans certains faits divers ? Ce problème ne concerne pas uniquement les Bouches‑du-Rhône, mais l’ensemble des départements ; nous en sommes extrêmement préoccupés.
Concernant le lien entre intérim et antécédents judiciaires, le président a déjà partiellement répondu. Le problème du contrôle des antécédents judiciaires n’est pas uniquement lié à la question de l’intérim. De nombreux dirigeants associatifs souhaitent vérifier les antécédents judiciaires des personnes qu’ils embauchent et le font. Cependant, il y a un tel délai entre la demande aux administrations et la réception de la réponse concernant le bulletin n° 2 (B2) du casier judiciaire que les associations sont contraintes de recruter ces personnes sans attendre. En effet, les besoins en recrutement sont tels qu’il est impossible de patienter quatre mois pour obtenir une réponse administrative. Nous recrutons donc immédiatement en raison de l’urgence des besoins. L’intérim peut effectivement aggraver cette situation. Il faudrait peut-être examiner la régulation de ce secteur. Si les entreprises d’intérim ne sont pas obligées de vérifier elles-mêmes les antécédents judiciaires des intérimaires qu’elles emploient, cela pose un problème, non pas aux associations, mais à ces entreprises d’intérim.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Vous avez évoqué que certaines associations possèdent des listes de mesures qu’elles ne peuvent pas mettre en place. Les magistrats, notamment le Syndicat de la magistrature, ont fourni des chiffres à ce sujet. Il semble que ce soient principalement les mesures d’AEMO, plutôt que les ordonnances de placement provisoire (OPP) du parquet, qui soient concernées. Ainsi, pouvez-vous, en tant que représentants des associations, nous indiquer si vous disposez d’un chiffre approximatif concernant les mesures non exécutées par les associations ?
M. Didier Tronche. Non, tout simplement parce que les listes d’attente fluctuent énormément. Je suppose que vous faites référence aux 3 335 ordonnances déférées qui ne sont pas prises en compte. Ce chiffre est sûrement vrai, mais il masque de nombreuses autres mesures que l’on oublie, notamment celles relevant de mandats administratifs. Nous avons donc des listes d’attente dans plusieurs centaines de départements, je dirais au moins 50 % d’entre eux. Si vous examinez le Nord, où la commission d’enquête se rendra prochainement, la liste d’attente sera extrêmement longue. En Rhône-Alpes, avec la double organisation de Lyon‑Métropole et du département, nous observerons la même situation. Dans les Bouches‑du‑Rhône et dans des départements de moindre importance, comme le Puy-de-Dôme, le Morbihan ou le Calvados, on compte environ 400 mesures non réalisées.
La situation est complexe car nous trouvons des solutions intermédiaires qui nous préoccupent en matière de responsabilité. Lorsqu’il y a un signalement de la justice ou un signalement des services sociaux du département, nous tentons parfois, dans certains départements, de trouver un consensus pour prendre des mesures temporaires et non définitives, telles que des interventions auprès des familles, puis nous effectuons un bilan. Mais nous avons dû mettre de côté ce mode opératoire en ce qui concerne la Cnape : nous avons réalisé une étude de responsabilité qui révèle que dès que nous commençons à mettre en place des mesures, nous assumons l’entière responsabilité des résultats, sans aucune garantie de succès.
Nous faisons également face à des équipes qui manquent de ressources pour gérer ces mesures de manière cohérente. Nous avons alerté à plusieurs reprises les ministres concernés, en leur indiquant que nous étions en train de créer des situations de maltraitance institutionnelle, ce qui affecte le moral des professionnels. Ces derniers savent qu’ils ne sont pas maltraitants par nature. Si certains le sont, nous les dénonçons. Cependant, ce sont parfois les conditions d’accueil qui deviennent maltraitantes. Vous avez visité une pouponnière dans le Puy-de-Dôme, département que je connais bien pour y avoir travaillé ; il y a des Mecs qui sont dans un état similaire. Cette situation n’est pas rassurante.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Je souhaite vous interroger sur trois points : le casier judiciaire, l’état de faillite et le manque de ressources des associations. J’ajouterais une question annexe sur les détournements de fonds.
Concernant le casier judiciaire, vous avez mentionné le bulletin B2, où figurent les principales infractions. Pensez-vous qu’il serait envisageable pour nous, députés, de bénéficier d’un accès direct via le procureur ? Ce dernier dispose en effet des informations en temps réel. Ne pourrait-on pas imaginer que certaines associations, sous des conditions strictes, puissent bénéficier d’un accès direct ou via le procureur, afin d’obtenir les informations nécessaires dans la journée pour recruter quelqu’un ?
Ma deuxième question est liée à sur l’une de vos déclarations. Vous avez mentionné que certaines associations sont en état de faillite. J’aimerais que vous expliquiez les principales causes de cette situation. Quels remèdes proposez-vous pour ces associations ? J’imagine qu’un meilleur financement est nécessaire, mais par quels moyens pourrait-il être obtenu ? Vous avez également affirmé que vous ne disposiez pas des ressources nécessaires pour mettre en œuvre des mesures cohérentes. Cette situation est alarmante, notamment en pensant à des cas comme celui de Seine-et-Marne, où un enfant ayant fait l’objet de neuf signalements n’a pas pu être placé et est décédé. Pour nous, députés, comme pour la plupart des citoyens, il est inquiétant d’entendre que vous manquez de ressources. Ce n’est pas de votre faute, mais bien celle de l’État et du législateur si rien n’est entrepris.
Enfin, une dernière question : le manque de moyens et de ressources n’est-il pas exacerbé par l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) ? Pouvez-vous nous donner une idée de l’ampleur de ce phénomène ?
M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Vous avez mentionné le manque d’attractivité des métiers dans le secteur. Deux causes principales ont été identifiées, même si elles ne sont pas forcément nouvelles. La première concerne la question de la rémunération, notamment l’inégalité d’accès à la prime Ségur. J’aimerais que vous détailliez cet aspect en abordant plus largement la question des salaires dans le secteur. Ensuite, vous avez évoqué, dans la Gazette des communes, une communication négative de la part des pouvoirs publics sur ces métiers. Pourriez-vous expliciter ce que vous entendez par là, en fournissant des exemples concrets ?
Concernant les MNA, je salue votre position face aux départements qui se désengagent de l’accueil et de l’intégration de ces jeunes dans la protection de l’enfance. Selon vous, s’agit-il uniquement d’une question de moyens ou bien d’un problème de doctrine d’intégration spécifique à la protection de l’enfance des MNA ?
Enfin, j’aimerais connaître votre avis sur les contrats jeunes majeurs, dont la mise en œuvre est souvent inégale et conditionnée. Cette situation soulève de nombreuses questions quant à leur efficacité. Vous semblez penser qu’il y a des progrès à réaliser dans ce domaine. Pourriez-vous préciser votre analyse à ce sujet ?
Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Ma première question s’adresse spécifiquement à vous, monsieur le directeur général. Lors de votre audition dans le cadre du rapport d’information de la délégation aux droits des enfants sur les violences faites aux mineurs dans les outre-mer, vous avez indiqué que les dispositifs de protection maternelle et infantile ou de périnatalité étaient insuffisants et que les observatoires de la parentalité étaient défaillants. Vous avez mentionné que cela était dû à un manque de moyens financiers, à des professionnels insuffisants, mal formés et qui ne restent pas en poste. La situation des enfants des outre-mer n’est peut-être pas connue de tous. Pourriez-vous, s’il vous plaît, développer vos propos et expliquer la situation particulière de ces enfants et de la protection de l’enfance dans ces territoires ?
En prenant les choses un peu plus en amont, je m’adresse cette fois-ci à vous deux. Pensez-vous que l’État pourrait jouer un rôle plus important en matière d’accès aux soins et de soutien à la parentalité pour mieux accompagner les familles et éviter les drames, notamment les morts violentes d’enfants dans le cadre familial, ainsi que pour réduire le nombre d’enfants confiés à l’ASE ?
M. Léo Walter (LFI-NUPES). J’ai deux questions à poser rapidement. La première concerne un sujet qui me tient particulièrement à cœur depuis le début de cette commission d’enquête : la scolarité et les parcours scolaires des enfants pris en charge par l’ASE. Les chiffres sont alarmants : seulement 13 % de réussite de ces enfants au brevet, contre 80 % en population générale ; 13 % d’entre eux préparent un bac général, contre près de cinq fois plus en population générale ; seulement 4 % poursuivent des études supérieures. De plus, 70 % d’entre eux quittent le dispositif sans aucun diplôme. Ce point a été régulièrement soulevé par les anciens enfants placés que nous avons auditionnés. Premièrement, quel regard portez-vous sur cette réalité et quelles actions les associations que vous fédérez peuvent-elles mettre en place pour répondre à cette problématique ? Deuxièmement, quelles relations ces associations entretiennent-elles avec l’éducation nationale et quelles difficultés rencontrent-elles éventuellement dans ce cadre ?
Ma deuxième question concerne les disparités territoriales que vous avez évoquées. Le rapport récent de M. Éric Woerth sur la décentralisation propose une recentralisation de la politique de prévention pour l’enfance. Que pensez-vous de cette proposition ?
Mme Marianne Maximi. (LFI-NUPES). Vous avez mentionné avoir alerté à plusieurs reprises les ministres concernant l’état d’effondrement de la protection de l’enfance. Je profite de cette commission d’enquête et de votre présence sous serment pour vous demander quelles réponses vous ont été fournies par les ministres.
Par ailleurs, nous nous sommes déjà rencontrés au sujet du taux d’encadrement dans les structures de protection de l’enfance. Pour ceux qui nous écoutent, il est important de préciser qu’il s’agit du ratio entre le nombre d’adultes et le nombre d’enfants dans les foyers et les Mecs. Un décret a été rédigé, travaillé et budgété à ce propos. J’aimerais savoir, en tenant compte des échanges que vous avez eus avec les départements et les ministères à cette époque, qui a bloqué la publication de ce décret et quels arguments ont été avancés pour justifier ce blocage.
M. Didier Tronche. J’ai alerté à plusieurs reprises les ministres successifs. Pendant un temps, nous n’avons pas eu de ministre dédié et, durant de telles périodes de vacance ministérielle, l’administration ne suit pas, ce qui a compliqué les choses. Les suites données à nos actions sont souvent des suites de façade. Je suis désolé d’employer un langage direct, mais j’ai l’impression de m’adresser à des ministres qui n’ont pas les réponses. Ils pourraient les avoir, mais celles-ci se trouvent ailleurs, à Bercy, à Matignon ou à l’Élysée. Nous avons mené des actions avec les ministres. Avec la secrétaire d’État Charlotte Caubel, nous avons progressé sur plusieurs dossiers. Toutefois, nous avons rapidement constaté que le fait qu’elle soit rattachée à la Première ministre ne garantissait pas l’efficacité de l’action interministérielle.
À la même époque, nous avons connu deux ministres dont les approches concernant la double vulnérabilité n’étaient pas totalement convergentes. La secrétaire d’État à la protection de l’enfance était réceptive, tandis que la ministre déléguée au handicap l’était moins. Nous plaidions pour la protection des jeunes majeurs, qu’ils soient handicapés ou socialement inadaptés. Malheureusement, malgré une écoute apparente, les résultats concrets se font attendre, ce qui est décevant.
En ce qui concerne les taux et les normes d’encadrement, ce sujet traîne depuis l’époque où M. Adrien Taquet était secrétaire d’État. Bien que cela ne figure pas dans les décrets d’application de la loi du 7 février 2022, il s’était engagé à aborder cette question, et cette démarche consensuelle avait satisfait tout le monde. Cependant, après son départ, son successeur a préféré prendre le temps de réfléchir et s’est davantage intéressé aux mesures en milieu ouvert dans un premier temps. Les mesures en milieu ouvert doivent être évaluées par rapport à leur fondement, leur référentiel professionnel, leur pratique et les attentes qu’elles suscitent, et non sur des normes d’encadrement.
Nous avons mené une étude spécifique au sujet des normes d’encadrement, plus précise que ce qui est prévu dans le cadre du CNPE, portant sur deux volets des besoins fondamentaux : ceux de l’enfant en protection de l’enfance, relevant d’une tarification départementale, et les besoins spécifiques pouvant relever de l’État, notamment en matière de santé et d’éducation. Nous avons chiffré les besoins à 1,5 milliard d’euros. Nous avons clairement indiqué que le décret avait une valeur symbolique pour les professionnels, bien que nous soyons conscients qu’il ne serait pas immédiatement applicable en raison du manque de ressources humaines. Un moratoire progressif sera nécessaire. Nous avons estimé qu’une application en trois ans serait déjà une réussite. Il faudra recruter et former, ce qui demandera des investissements parallèles, mais il faut rester réaliste. Notre étude, réalisée avec l’Anmecs, a surtout mis l’accent sur l’évolution des structures. L’encadrement ne se calcule pas de la même manière selon que l’on se trouve dans une structure unique avec soixante ou quatre‑vingts lits, ou bien dans des structures marquées par une dispersion géographique correspondant aux réalités actuelles de l’accompagnement éducatif. Nous nous attendions à ce que le décret soit signé mais nous avons changé de ministre, ce qui a entraîné un certain retard car il a été difficile de trouver un ministre en charge de ce sujet.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas prêts, car la Cnape, poussée par ses adhérents, signale un état d’asphyxie du secteur. Si vous avez lu notre compte rendu d’assemblée générale, vous savez que nous ne sommes ni des gauchistes, ni des extrémistes qui descendent dans la rue. Cependant, nous constatons que nous ne pouvons plus accepter des lois non appliquées, des décrets qui tardent à venir et, lorsqu’ils arrivent, qui sont inapplicables. Il me semblait que le principe démocratique et législatif était de voter une loi et de disposer des moyens pour la mettre en œuvre. Cela devrait être le cas.
En ce qui concerne les relations entre l’État et les départements, ce n’est pas notre rôle de gérer ce dialogue. C’est la responsabilité de l’État et des départements. Nous avons particulièrement apprécié la démarche entreprise fin 2022 par l’ancienne secrétaire d’État Charlotte Caubel pour initier un travail avec l’association des Départements de France. Nous avons récemment repris ce sujet avec la ministre Sarah El Haïry, rappelant qu’une fois que l’État et les départements se sont mis d’accord sur les compétences régaliennes, il est nécessaire que l’État vérifie si les départements accomplissent leur mission. Si ce n’est pas le cas, il faut déterminer si cela est dû à un manque de moyens budgétaires ou à un choix délibéré de ne pas agir malgré des moyens disponibles. Prenons un exemple concret : doit-on choisir entre la protection de l’enfance et la construction de ronds-points ? Ce n’est pas une question de recentralisation, mais d’application des lois.
Nous avons rappelé l’importance d’associer les associations, qui interviennent au nom des politiques publiques, à la réflexion. Si un plan Marshall devait être élaboré ou s’il fallait préciser les attentes et les mesures à prendre, il est essentiel que nous soyons autour de la table. Nous ne pouvons pas accepter une situation où une seule partie déciderait et financerait sans concertation. Nous ne sommes pas à la botte de qui que ce soit, ce n’est pas ainsi que nous concevons notre travail. Aujourd’hui, les associations sont effectivement à bout.
Concernant la question de la faillite, oui, certaines associations accumulent des dettes qui devraient déclencher une mesure d’alerte de la part des commissaires aux comptes. La plupart du temps, ces derniers ne le font pas car ils constatent que les comptes sont sincères et véritables. Ils savent aussi que certaines pratiques sont curieuses, comme le fait que les provisions pour congés payés ne sont souvent pas prises en compte par les départements, ou que les provisions pour les départs en retraite sont soumises à la règle de la comptabilité générale, mais chacun interprète cette règle à sa manière. Ainsi, les dettes sont chiffrées, mais on sait qu’elles ne seront pas immédiatement exigibles, ce qui offre des temps de respiration. Cependant, cette situation ne tient plus, car il n’y a plus de fonds de trésorerie, ni de fonds propres. Certaines associations, certes, n’en ont jamais eu : elles survivent malgré tout.
Pour répondre à la question sur les améliorations possibles, il faudrait d’abord instaurer une gestion prévisionnelle et prospective, avec une obligation d’objectifs, des systèmes d’évaluation et de réajustement si nécessaire, dans une perspective pluriannuelle. Comment peut-on raisonner sur une année civile lorsque le budget nous est souvent attribué au dernier trimestre, voire l’année suivante ? Qui peut gérer une telle situation, à part l’État, qui a les moyens de faire de la cavalerie budgétaire – et encore, de manière limitée à un moment donné ? On nous rappelle que nous sommes des entreprises comme les autres, avec la responsabilité des emplois, des contentieux, etc. Cependant, ce n’est pas tout à fait ainsi que cela fonctionne. Nous serions plus sereins si, comme je l’ai mentionné précédemment, nous avions des CPOM départements et agences régionales de santé (ARS) sur les mêmes durées. En effet, les populations sont perméables, notamment en raison des doubles vulnérabilités. Il est essentiel que cela soit pris en compte, car certaines compétences et moyens financiers relèvent de l’État, tandis que d’autres dépendent du département. Ce que nous attendons, c’est une gouvernance partagée et claire.
Concernant les MNA, notre position est bien connue. Un mineur non accompagné reste un mineur. Nous ne pouvons pas accepter que certains départements conditionnent leur prise en charge à un quota. Cela doit relever de la politique nationale et éventuellement de la confrontation avec ce que l’État apporte en termes de financement. Cela ne peut pas reposer uniquement sur nous. Prenons l’exemple du droit du sol à Mayotte. Remettre en question ce droit constituerait une entorse aux engagements pris par la France dans la Convention internationale des droits de l’enfant. Un engagement signé par l’État doit être respecté et ne peut être de pure forme. Vous avez évoqué le manque de moyens aggravé par les MNA. Je tiens à préciser que les MNA ne doivent pas être pris pour cible. Ils ne constituent pas une variable d’ajustement pour nous. Je ne peux être plus clair.
Quant aux jeunes majeurs, la situation est similaire. Il y a actuellement des contrats jeunes majeurs qui, conformément à la loi du 7 février 2022, représentent une avancée significative. Il est impératif de préparer ces jeunes majeurs à leur sortie. Nous constatons que, dans une cellule familiale fonctionnant de manière équilibrée et normale, les jeunes majeurs restent souvent dépendants de leur famille jusqu’à 25, 26, voire 27 ans. Nous souhaitons que nos jeunes majeurs ayant eu un parcours chaotique, et dont l’accès à la qualification est souvent très limité, puissent atteindre une performance comparable à celle des autres. Cependant, certaines décisions départementales ne prennent pas en compte la nécessité d’une prise en charge sur une durée relativement longue. Même pour un adulte vivant dans des conditions normales, cette période de transition s’allonge. Or, en moyenne, les décisions de prise en charge sont limitées à six mois ou moins. De plus, certains départements ajoutent des conditions à l’octroi de cette prise en charge, conditions qui ne sont pas prévues par la loi et qui sont donc illégales. Nous resterons toujours vigilants lorsque nous estimons que la loi n’est pas appliquée correctement, surtout lorsque cela met en difficulté des publics déjà vulnérables.
Concernant la question des détournements de fonds, s’ils existent, ils doivent être condamnés sans équivoque. La Cnape n’a jamais défendu une direction générale ou une gouvernance prise en flagrant délit de malversation. Nous veillons scrupuleusement à ce qu’au sein de notre propre gouvernance, au niveau de notre Fédération nationale, il n’y ait pas de comportements indélicats. L’être humain a ses faiblesses, mais je ne crois pas que le système associatif soit globalement condamnable pour quelques brebis galeuses. De même, l’ensemble de la jeunesse ne doit pas être jugé sur les actes délinquants de certains individus.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Ma question n’était pas de savoir si des associations en général étaient concernées. En effet, j’ai été informée de cas similaires dans d’autres contextes, mais je m’interroge spécifiquement sur votre expérience. Avez-vous eu connaissance de directeurs peu scrupuleux ayant détourné des fonds ?
M. Didier Tronche. Si j’avais connaissance de telles situations, je considérerais qu’il est de mon devoir de citoyen de les rendre publiques. Parfois, nous recevons des informations par l’intermédiaire de la presse, mais il nous est également arrivé de prendre position de manière proactive. Récemment, un conseil départemental a rendu publiques des auditions, mettant en lumière des dysfonctionnements ou des pratiques de favoritisme. Dans ce contexte, nous avons pris des positions claires. Nos règles de fonctionnement stipulent que nous ne pouvons pas retenir une candidature qui nous semble suspecte.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Pourriez-vous expliquer le processus mis en place pour gérer les incidents majeurs rencontrés par les associations que vous représentez et s’occupent de 250 000 enfants ? Comment ces incidents, qualifiés d’indésirables, sont-ils remontés aux autorités départementales, notamment au président ou à son cabinet, ainsi qu’à la direction de la cellule de protection de l’enfance départementale ? Existe-t-il une procédure organisationnelle spécifique par territoire ou bien s’agit-il d’un dispositif uniformisé et clarifié au niveau national ?
M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Vous n’avez pas répondu à mes questions concernant l’attractivité des métiers, notamment en ce qui concerne les rémunérations issues du Ségur. De plus, vous n’avez pas abordé la question des discours qui dévalorisent ces professions, comme vous l’avez mentionné dans la presse. Je souhaite obtenir des éclaircissements sur ces deux points.
M. Didier Tronche. Nous avons mis en place un système territorial d’animation et de délégués territoriaux, ce qui nous permet d’être informés très rapidement en cas d’incidents majeurs. En règle générale, lorsqu’un incident majeur survient, un signalement rapide est effectué auprès de l’autorité compétente. Ce dispositif fonctionne relativement bien et fait partie des recommandations que nous adressons aux gouvernances associatives.
M. Pierre-Alain Sarthou. Sur la chaîne de responsabilités au sein du département, du référent ASE jusqu’au président du conseil départemental, c’est évidemment les départements qu’il faut interroger, car nous n’avons pas la main sur celle-ci.
M. Didier Tronche. Concernant l’attractivité des métiers et le Ségur, la Cnape n’est pas un négociateur conventionnel, mais nous entretenons des relations étroites avec les deux principaux syndicats d’employeurs, à savoir la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap) pour la convention collective du 31 octobre 1951 et Nexem pour la convention collective du 15 mars 1966, ces deux syndicats étant réunis au sein d’Axess. Ce matin même, nous étions à l’Assemblée générale de Nexem. Des accords sont en cours de négociation. Nous avons exprimé notre avis et insisté pour que les revalorisations salariales soient pleinement intégrées. Nous ne souhaitons pas, en cette période de difficultés de recrutement, subir des concurrences déloyales, que ce soit avec le secteur public territorial, qui offre des primes pour attirer des employés, ou avec le secteur commercial qui, grâce aux marges de manœuvre dont il dispose, peut se permettre de proposer des avantages que nous ne pouvons pas offrir. Cela se produit parfois sans marges de manœuvre, mais plutôt grâce à la capacité à capter des marchés non rentables aujourd’hui, mais qui le deviendront après la disparition des opérateurs classiques. Vous connaissez bien la loi du marché et cela me gêne particulièrement lorsqu’il s’agit de politiques à caractère public et social. Ces enjeux relèvent de votre responsabilité en tant que législateur et de celle de l’exécutif.
Actuellement, nous faisons face à des problèmes de rémunération. Un bac +3 termine souvent au Smic. Travailler en internat et en externat est peu valorisé, alors que dans un cadre classique, les employés bénéficient de deux journées de repos pour cinq travaillées, de vacances attitrées, etc. Et ce alors même que la protection de l’enfance nécessite une disponibilité 365 jours par an et 24 heures sur 24.
Un éducateur en Mecs, qu’il soit diplômé ou non, regarde avec intérêt les conditions de travail en Itep. En effet, l’éducateur en Mecs est responsable de l’hébergement de nuit toute la semaine, ainsi que de l’hébergement pendant les week-ends et les vacances scolaires. En revanche, l’éducateur en Itep travaille sur un nombre de jours réduit, environ 220 jours par an, soit un tiers de moins que les 365 jours d’une année complète. Cette différence crée un manque d’attractivité pour les postes en Mecs.
De plus, les normes d’encadrement imposent souvent de travailler seul avec des publics difficiles, nécessitant une attention particulière, notamment le soir et à l’approche de la nuit. L’adaptation aux rythmes scolaires et l’accès à la scolarité exigent également une vigilance accrue. Travailler seul toute la journée avec un groupe de dix à douze enfants implique de gérer à la fois l’animation du groupe et les spécificités de chaque individu. Les éducateurs subissent une pression considérable et ont besoin d’un soutien institutionnel. Il est également important de noter que parmi les jeunes motivés pour entrer dans ce métier, un tiers des sélectionnés en formation ne terminent pas leur cursus. C’est un gâchis humain, car nous perdons 30 % des participants en cours de formation. C’est également un gâchis financier, puisque 100 % des formations ont été financées, mais seulement 70 % des participants ont terminé leur parcours. Cela fait partie de nos grandes préoccupations.
Nous souhaitons donc que soit mis en place un véritable travail autour des parcours de formation, des accès à la formation et des suivis tutoraux. J’ai présidé la commission de réforme des diplômes d’État, une mission confiée par la ministre de l’époque, Mme Brigitte Bourguignon. J’avais rendu un rapport jugé trop ambitieux. Aujourd’hui, on me dit qu’on aurait peut-être dû appliquer le plan A que j’avais proposé, au détriment du plan B qui a conduit à un déficit de formation. Je pense que le secteur possède les capacités de former et d’agréger. Il y a actuellement un creux de vague, mais dans la protection de l’enfance, il n’y a pas de manque d’envie de ceux qui souhaitent y travailler. Souvent, ce ne sont pas des jeunes sortant directement du lycée, mais des jeunes ayant déjà un parcours de vie. Il est important de noter qu’il y a dix ans, la moyenne d’âge des diplômés des centres de formation était de 26 à 27 ans. Aujourd’hui, elle est de 21 à 21 ans.
Mme la présidente Laure Miller. Un grand merci pour vos réponses et pour le temps consacré à cette commission d’enquête.
La séance s’achève à seize heures trente.
Présents. – M. Charles Fournier, Mme Karine Lebon, Mme Marianne Maximi, Mme Laure Miller, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Roullaud, Mme Isabelle Santiago, M. Hervé Saulignac, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Anne-Laure Blin, Mme Béatrice Descamps