Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Audition de M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en matière de sécurité 2
– Informations relatives à la Commission ........... 21
Mercredi
25 septembre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 4
2023 - 2024
Présidence
de M. Florent Boudié, président
— 1 —
La séance est ouverte à 9 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission auditionne M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en matière de sécurité.
M. le président Florent Boudié. Monsieur le préfet de police de Paris, nous vous recevons pour tirer le bilan des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) au regard de la sécurité publique. Ces événements avaient été préparés notamment par les lois du 26 mars 2018 et du 19 mai 2023. Beaucoup de craintes s’étaient exprimées, notamment à propos de la captation d’images et de leur utilisation algorithmique qui ont même fait l’objet d’une restriction d’interprétation du Conseil constitutionnel. Avec mes collègues Colette Capdevielle et Pascale Bordes, nous avons pu visiter le centre de commandement et constater l’application concrète de restrictions adoptées en commission des lois – ainsi, les images des fenêtres étaient floutées dès lors qu’elles n’avaient pas d’intérêt pour la sécurité publique. Vous disposiez aussi d’une structure de commandement unique, étendue à toute l’Île-de-France, jusqu’au 15 septembre.
Nous lancerons la semaine prochaine une mission d’information qui reviendra sur le bilan de ces Jeux, en termes tant de sécurité publique que de libertés individuelles, et sur les perspectives qu’ils ont ouvertes – quel bilan, par exemple, pour le commandement unique ?
Je vous remercie pour l’impressionnante qualité du travail accompli.
M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris. Je voudrais d’abord insister sur l’énorme effort consenti par la préfecture de police, mais aussi par l’ensemble des acteurs, notamment le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), les élus locaux et les préfets de département, pour présenter les dispositifs de sécurité dans des conférences de presse et des réunions partout en Île-de-France, et cela dès la fin de l’année 2023. Ce travail d’explication très en amont a permis une bien meilleure acceptation des contraintes fortes qui ont pesé sur les Franciliennes et les Franciliens, en particulier en matière de circulation.
Je soulignerai aussi que la loi avait confié au préfet de police de Paris, pendant toute la durée des Jeux, un commandement unique pour l’Île-de-France, pour toutes les questions opérationnelles. La centralisation de l’information et de la planification a été à mon sens un élément important de la réussite du dispositif, tant en amont – l’identification des besoins en moyens humains et de chaque mission liée aux Jeux a commencé deux ans avant le début de l’événement – que pendant les Jeux. Le commandement unique n’écrase pas le principe de subsidiarité : je me suis évidemment appuyé sur les préfets des départements de la région. Mais nous avons ensemble convenu de règles d’application identiques. Les Jeux olympiques se sont déroulés à 80 % à Paris et en Île-de-France, les Jeux paralympiques à 95 % : il fallait que les mêmes règles s’appliquent, dans le même état d’esprit, la subsidiarité permettant les nécessaires adaptations locales en fonction des contraintes. Le commandement unique n’est pas de l’autoritarisme ; il a facilité l’étroite concertation menée avec l’organisateur, Paris 2024, avec la présidente du conseil régional, la maire de Paris, les présidents de conseils départementaux, les maires, avec les opérateurs de transport.
En matière de sécurité, la gestion a été quasiment sans faute : il n’y a pas eu de réel incident. Nous avons aussi constaté une baisse significative de la délinquance. Elle a été continue dans ma zone de compétence depuis l’été 2022. En outre, à l’automne 2022, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur et des outre-mer, nous a demandé un plan Zéro délinquance partout en Île-de-France.
Pour la préfecture de police, la gestion des Jeux, c’était une planification à revoir chaque jour pour s’adapter aux besoins de l’organisateur, des élus locaux, des transporteurs. Cela me donne l’occasion de remercier devant vous l’ensemble de mes équipes pour leur travail remarquable en la matière. Il ne suffit pas de disposer de renforts exceptionnels – 45 000 membres des forces de sécurité intérieure ont été déployés le jour de la cérémonie d’ouverture : si vous ne savez pas planifier, définir des blocs missionnels cohérents, répartir la ressource, gérer l’approvisionnement et la logistique, cela ne marchera pas. C’est ce travail qui ne s’est pas vu, mais qui a été mené au long cours, qui nous a permis de relever ce défi.
M. Jordan Guitton (RN). Nous avions alerté à plusieurs reprises sur les risques liés aux Jeux olympiques et paralympiques de cet été. Si notre pays a réussi à organiser ce bel événement dans des conditions de sécurité optimales, c’est grâce à la mobilisation de nos forces de l’ordre et aux moyens que nous leur avons donnés.
Depuis des années notre pays fait malheureusement face à une recrudescence de la violence et de la délinquance. Pour les Jeux olympiques et paralympiques, des moyens considérables ont été engagés ; force est de constater qu’ils ont permis d’assurer la sécurité des Français et des touristes. C’est la preuve que renforcer les moyens et la présence des forces de l’ordre protège, sécurise et dissuade.
Concrètement, les consignes sécuritaires, si j’en crois les chiffres de votre ministère, ont permis 20 déchéances de nationalité et 92 expulsions ; 30 000 agents ont été mobilisés en moyenne à Paris et 700 patrouilles quotidiennes organisées.
Je tiens à remercier nos forces de l’ordre et les agents du ministère de l’intérieur qui ont fourni un travail important, sans oublier ceux qui ont dû agir parfois en effectifs restreints dans les territoires éloignés des Jeux.
Augmenter les effectifs de police et de gendarmerie, procéder à des déchéances de nationalité et à des expulsions, lutter réellement contre les vendeurs à la sauvette, fluidifier le système judiciaire en lui donnant plus de moyens, expulser les délinquants étrangers…: finalement, appliquer les préconisations du Rassemblement national en matière de sécurité, cela fonctionne et cela protège !
Monsieur le préfet, que souhaiteriez-vous voir pérenniser à Paris et dans les grandes villes ? Avez-vous ressenti une volonté politique plus forte de contrer la délinquance du quotidien pendant ces Jeux olympiques ?
M. Stéphane Mazars (EPR). Je vous adresse, ainsi qu’à l’ensemble des forces de sécurité, toutes mes félicitations pour la réussite des Jeux olympiques et paralympiques. Si nous avons vécu une aussi belle parenthèse, c’est d’abord parce que l’organisation de ces Jeux a été parfaite, ce que le monde entier a salué.
La sécurité des personnes et des biens était une condition du succès de cet événement planétaire. L’État a été au rendez-vous, n’en déplaise aux spécialistes autoproclamés des plateaux de télévision qui nous annonçaient une « folie criminelle », ou encore à ceux ou plutôt à celle qui, dans notre hémicycle même, voulaient une fois de plus spéculer sur la peur en anticipant « un désastre sécuritaire » et une « humiliation nationale ». Sans compter le lot habituel des peine-à-jouir, pour reprendre l’expression de Mme la maire de Paris !
Pour relever ce défi sécuritaire, la loi olympique du 19 mai 2023 a prévu, à titre expérimental, l’utilisation de la vidéosurveillance augmentée. Cette disposition avait suscité de vifs débats ici même, certains y voyant l’instauration de la reconnaissance faciale, alors qu’il s’agissait ni plus ni moins de définir huit événements « anormaux » pour aider les opérateurs physiques à lire des flots d’images dans les salles de contrôle, et cela sous un contrôle étroit, notamment de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Cette expérimentation, qui a d’ailleurs commencé avant même les Jeux à l’occasion de grands événements sportifs ou culturels, fait l’objet d’un suivi par un comité d’évaluation, présidé par le haut magistrat Christian Vigouroux. Le Gouvernement doit remettre un rapport d’évaluation au Parlement, au plus tard le 31 décembre prochain, mais pouvez-vous d’ores et déjà nous livrer un premier retour d’expérience de ce traitement algorithmique des images de vidéosurveillance ?
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les Jeux olympiques et paralympiques ont donné à la France l’occasion de fixer un nouveau cadre d’organisation des grands événements.
Bien sûr, les Jeux se sont globalement bien déroulés, et tant mieux. Après la liesse sportive, permettez-nous toutefois de révéler, si besoin était, quelques éléments de l’envers du décor.
Je mentionnerai d’abord le recours massif à des agents de sociétés privées et la concentration des effectifs de police – que, bien sûr, nous saluons – au détriment d’autres zones et d’autres missions. Vous aurez sans doute à cœur de nous parler de l’attribution des primes comme des prises de congé de nos effectifs.
Les JOP ont fourni une rampe de lancement à des dispositifs de surveillance généralisée, plus singulièrement la vidéosurveillance algorithmique. On a vu à cette occasion une police administrative un peu bringuebalante, avec des publications d’arrêtés et des respects de délais discutables ; mais laissons cela de côté.
L’article 10 de la loi du 19 mai 2023 dispose que la Cnil est informée tous les trois mois des conditions de mise en œuvre de cette vidéosurveillance algorithmique. Qu’en est-il ?
En tant que préfet, quelles conclusions tirez-vous ?
M. Roger Vicot (SOC). Les Jeux ont fait l’objet de très nombreux débats en amont. Les bilans sont pour la plupart positifs, notamment en ce qui concerne le continuum de sécurité et l’unité de commandement.
J’aimerais revenir sur la vidéosurveillance algorithmique. Cette expérimentation liée à l’organisation des JOP doit durer jusqu’en mars 2025 – les Jeux seront pourtant, je crois, terminés à cette époque-là…
Nous nous interrogeons sur la nature du bilan qui en sera tiré. Si celui-ci devait être succinct et se contenter d’un satisfecit global le dispositif risquerait d’être intégré sans plus attendre au droit commun et appliqué pour toutes les manifestations d’ampleur. Quels seront les critères précis utilisés pour ce bilan ? Prendrez-vous en compte uniquement ce qui s’est passé sur les lieux où les JOP se sont déroulés, ou bien dans l’ensemble de l’espace public ? Saurons-nous combien d’interpellations ont pu être réalisées grâce à cela ?
Ce bilan devra être extrêmement précis, documenté et organisé. Ce sera aussi le rôle de notre mission d’information. Nous devrons nous prononcer en toute connaissance de cause.
M. Éric Pauget (DR). Les Jeux de Paris ont été un incontestable succès ; ils constituent une vraie fierté pour notre pays, notamment en termes de sécurité : je rends hommage à l’ensemble des forces de sécurité mais aussi de secours engagées pendant cette période. Le continuum de sécurité entre policiers, gendarmes, militaires, pompiers et sécurité privée a été exemplaire. L’État français a fait la démonstration que lorsque l’on met des moyens, on gère bien la sécurité – même si, en effet, en province, nous avons eu un été peut-être un peu plus difficile que les années précédentes.
L’utilisation innovante de drones équipés des dernières technologies de surveillance a permis une surveillance aérienne, notamment des foules, et la détection de menaces. L’intelligence artificielle a été utilisée. Quel premier bilan dressez-vous de ces expérimentations ? Quels sont les premiers retours d’expérience en termes d’efficacité opérationnelle ? Je suis pour ma part très favorable à ces nouvelles technologies et je crois que cet événement de très grande ampleur est une bonne occasion d’en dresser un bilan.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je vois que la parité n’est pas arrivée jusqu’à la préfecture, puisque vous êtes accompagné de deux hommes, monsieur le préfet.
Les Jeux ont été une réussite. Maintenant vient le temps de l’évaluation. Vous avez dit qu’il s’agissait de « saturer l’espace public » d’agents des forces de l’ordre. Nous l’avons bien vu en Alsace et plus largement dans le Grand Est, puisque 30 % des forces de gendarmerie présentes en Île-de-France étaient issues de notre région. Vous n’avez sûrement pas raté cette vidéo d’un agent de la police judiciaire qui s’est fait connaître sur les réseaux sociaux pour son travail de héros dans le cadre des Jeux Olympiques : il empêchait des chats de faire pipi au pied d’immeubles et des chiens de déféquer au milieu des rues. Il a été mis à pied en un temps record, quelques jours à peine – bien moins de temps qu’il n’en a fallu pour agir contre la CSI 93 (compagnie de sécurisation et d’intervention de Seine-Saint-Denis) avant que la justice ne pousse à sa dissolution. Il y a des fois où l’on se dit qu’il y a quelque incohérence dans la façon dont sont traitées les choses !
Les syndicats de police rappellent combien les personnels ont été éprouvés durant cette période. On le comprend bien : l’absence de vacances, par exemple, pèse durement sur la vie familiale. Quand les primes, les repos et les compensations seront-ils accordés ?
Quant à la biométrie automatisée partout et tout le temps, nous en avons déjà beaucoup débattu – notamment des données sur les visages, qui ne sont pas traitées mais bien enregistrées. Nous ne savons rien de la méthodologie qui sera utilisée par le comité d’évaluation. Or c’est de la méthode que dépend la capacité à exploiter les données. Je rappelle qu’à Londres, jusqu’en 2022 au moins, on comptait à peine 10 % de vrais positifs dans les personnes identifiées par ces méthodes.
M. Éric Martineau (Dem). La sécurité du plus grand événement multisport international a été bien assurée. Merci. J’ai moi-même eu la chance d’assister à plusieurs épreuves ainsi qu’à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques et j’ai pu constater l’importance des moyens déployés pour sécuriser la ville et les sites olympiques. La tâche était d’ampleur et les attentes étaient grandes. Entre menaces terroristes, risques d’attaques cyber et enjeux de la régulation des spectateurs sur les sites des compétitions, nombreux étaient les sceptiques qui prédisaient un désastre sécuritaire. Nous pourrons tous nous entendre sur le fait que ces Jeux ont été un succès en termes de sécurité ; les millions de visiteurs venus du monde entier ont pu profiter d’un environnement à la fois festif et sûr.
La loi du 19 mai 2023 a permis d’expérimenter un dispositif de vidéosurveillance rigoureusement encadré et contrôlé, préservateur des libertés : 485 caméras pilotées par un logiciel d’intelligence artificielle ont fonctionné pendant la quinzaine olympique afin de détecter par exemple les objets abandonnés, les chutes et les mouvements de foule.
Ce dispositif expérimental voté par le Parlement a-t-il facilité votre action de contrôle pendant les Jeux ? En vue de la mission d’information, pouvez-vous déjà nous décrire les principales difficultés rencontrées lors du déploiement des dispositifs de sécurité ? Vous a-t-il été facile d’associer les agents de police étrangers ?
Quid, enfin, des agents de police municipale mobilisés pour cet événement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Merci pour votre engagement plein et entier au service de la sécurité de nos concitoyens. La période des Jeux olympiques a été intense pour vous, pour vos équipes, pour toutes les forces de l’ordre, pour toutes les forces de sécurité et de secours : au nom du groupe Horizons, je tiens à les remercier. Le succès indéniable de ces Jeux vous doit et leur doit beaucoup.
La loi a permis des expérimentations destinées à sécuriser cet événement hors du commun. Des traitements algorithmiques devaient aider à exploiter des images de vidéoprotection, afin de signaler en temps réel des comportements susceptibles de menacer la sécurité des personnes. Des drones ont aussi été utilisés. Ces dispositifs vous ont-ils permis de détecter des comportements à risque et d’éviter des passages à l’acte ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Les premiers chiffres transmis par les ministères de l’intérieur et de la justice semblent témoigner d’une baisse significative de la délinquance pendant la période des Jeux. Selon vous, outre la forte présence policière dans les rues, quelles en sont les causes principales ? Quels dispositifs pourraient perdurer dans le temps pour maintenir ce niveau de sécurité ?
Mme Martine Froger (LIOT). Je salue l’engagement sans faille des forces de sécurité intérieure, qui ont assuré la protection des citoyens et des athlètes pendant les Jeux.
Je voudrais revenir sur les quelque 800 000 enquêtes administratives préalables de sécurité. Ce dispositif était évidemment nécessaire pour écarter les personnes susceptibles de menacer sérieusement la sécurité. Néanmoins, des associations comme des articles de presse ont dénoncé les dérives dans le fichage : près de 4 000 individus ont été écartés et on ne parle pas de condamnés ou de fichés S mais d’individus parfois mis à l’écart en raison de leur simple activité militante. On évoque d’anciens gilets jaunes ou encore des gens qui avaient été placés en garde à vue à l’occasion d’une manifestation sans que cela donne lieu à des poursuites. On est tout de même loin de la menace terroriste ou d’un risque d’une particulière gravité pour la sécurité des pays !
Or, ces évictions n’ont pas été sans conséquence. Elles ont privé d’accès aux Jeux des volontaires, bénévoles, voire des salariés, souvent sans aucune explication.
Quels critères se cachent derrière ces évictions ? Comment justifiez-vous le choix d’écarter un maximum d’individus sans aucune nuance ?
Mme Brigitte Barèges (UDR). Permettez-moi de m’associer aux félicitations qui vous ont été adressées par l’ensemble des groupes. On nous annonçait le pire, mais les Jeux ont été un vrai succès.
Nous serons tous très intéressés par les bilans que vous dresserez, notamment quant à l’utilisation des nouvelles technologies.
Vous avez mobilisé énormément de forces de l’ordre, venues de nos campagnes, de nos provinces. Une forte inquiétude règne dans les rangs de la police et de la gendarmerie au sujet des mesures de compensation qui vont leur permettre de rattraper leurs heures supplémentaires, leurs pertes de congés.
Je vous félicite : vous avez réussi à déplacer des populations très marginales, que nous avons récupérées dans nos villes de province. C’est la maire de Montauban qui vous parle : comment avez-vous fait ? Car c’est une vraie réussite. Mais comment allez-vous nous les enlever, maintenant ? Véritablement, nous avons vu enfler nos rues de personnes extrêmement marginales qui se sont ajoutées à l’immigration sauvage et clandestine, à la submersion migratoire que nous connaissons déjà. Merci de nous aider à pacifier maintenant nos villes de province qui, par contre coup, ont subi elles aussi des problèmes de sécurité liés aux Jeux olympiques.
M. Sacha Houlié (NI). Je félicite moi aussi le préfet de police de Paris et ses équipes.
À l’apogée du dispositif, c’est-à-dire au moment de la cérémonie d’ouverture, près de 45 000 policiers et gendarmes ont été déployés. Est-ce le contingent dont il faut disposer pour assurer la sécurité en Île-de-France de façon pérenne ? C’est moins la question des campagnes qui m’inquiète que la mobilisation exceptionnelle des personnels.
Le ministre de l’intérieur avait parlé d’une baisse de la délinquance à Paris, comme vous l’avez fait tout à l’heure, parlant même d’une diminution dès l’été 2022. C’est certainement vrai pour les atteintes aux biens ou la violence contre les personnes. Est-ce vrai aussi en ce qui concerne le trafic de stupéfiants qui devrait être aujourd’hui, à mon avis, la priorité absolue du ministre de l’intérieur ?
Vous avez aussi bénéficié des moyens importants que nous avons votés dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) qui prévoyait un budget prévisionnel de 24,1 milliards d’euros en 2025. Or je m’aperçois à la lecture des lettres plafonds pour 2025 qu’il manquera 300 millions l’année prochaine, puisque le budget prévisionnel est de 23,8 milliards. Cette diminution aura-t-elle une incidence forte sur la gestion de votre quotidien et sur la sécurité qui est due aux Franciliens ?
Dernier élément, la question de la pérennisation des dispositions qui permettent l’usage de la vidéoprotection par algorithme. Une échéance nous attend le 31 mars 2025, et je me réjouis que la commission des lois organise sur ce sujet une mission d’information. Que pouvez-vous nous dire de l’usage de cette technologie ? Vous a-t-elle permis d’éviter des actes de délinquance ? En souhaitez-vous la pérennisation ?
M. le président Florent Boudié. Nous espérons entendre le ministre de l’intérieur la semaine prochaine.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Il semblerait que le nombre de comparutions immédiates ait fortement augmenté durant les Jeux. Pouvez-vous préciser les chiffres ? Le tribunal de Bobigny a enregistré 105 audiences de comparution immédiate entre le 1er juillet et le 31 août, contre 70 à la même époque l’année dernière. Selon le Procureur de la République, Éric Mathais, l’augmentation serait même de 125 %.
Est-elle satisfaisante ? Elle soulève des préoccupations : les comparutions immédiates permettent, certes, un traitement plus rapide des affaires, mais elles conduisent souvent à des placements en détention provisoire, ce qui contribue à la surpopulation dans les maisons d’arrêt ce que les syndicats de magistrats soulignent régulièrement : par rapport à une procédure classique, elle multiplie par huit la probabilité d’un enfermement, on en connaît également les conséquences délétères pour les droits de la défense.
M. Laurent Nuñez. Je remercie l’ensemble des parlementaires qui ont adressé des remerciements ou des félicitations aux forces de sécurité intérieure (FSI) mobilisées pour les Jeux.
Monsieur Guitton, les moyens déployés étaient exceptionnels, il faut en avoir conscience. Je n’aurai plus jamais à ma disposition 30 000 membres des forces de sécurité intérieure en moyenne, chaque jour, pour toute la région Île-de-France, avec des pics à 45 000, par exemple lors de la cérémonie d’ouverture.
L’impact sur la délinquance a évidemment été direct. Elle a fortement baissé, on l’a constaté dans les chiffres, pendant la période des Jeux olympiques, des Jeux paralympiques et de l’inter-Jeux, où nous avons continué à bénéficier de renforts. Je tiens des documents écrits à la disposition de la commission. Durant les JO, les atteintes aux biens ont baissé de 15 %, les violences physiques crapuleuses de près de 35 %, les vols à la tire dans les transports de 20 % et les vols avec violence dans les transports de 41 %. Pendant les Jeux paralympiques, les baisses ont été encore plus importantes : les atteintes aux biens ont reculé de 30 %, les violences physiques crapuleuses dans les transports de 47,5 %, les vols à la tire dans les transports de 38 % et les vols avec violence dans les transports de 42 %.
Cette évolution avait commencé bien avant, à l’été 2022, sans de tels renforts. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer de l’époque, Gérald Darmanin, m’avait demandé de lancer des actions de lutte contre la délinquance qui ont porté leurs fruits. Des baisses moins significatives mais continues dans l’agglomération parisienne – Paris et les trois départements de la petite couronne – sont intervenues. Nous avons notamment organisé de nombreuses opérations coups de poing de lutte contre les ventes à la sauvette à Paris et en Seine-Saint-Denis et nous avons pris, comme nous le faisons systématiquement, des mesures de police administrative, y compris pour la reconduite des délinquants étrangers les plus dangereux. Les renforts de ces dernières années – 10 000 policiers et gendarmes, dont la préfecture de police a aussi bénéficié – ont contribué à cette baisse continue de la délinquance.
Depuis le début de l’année, les atteintes aux biens dans l’agglomération parisienne ont baissé de 9,35 %, les cambriolages à Paris de 20 % et les vols avec violence dans l’ensemble de l’agglomération de 18,4 % – ils ont même reculé de 30 % au mois d’août. Les vols avec violence commis dans les transports de l’agglomération, qui sont pour nous une préoccupation importante, compte tenu de la densité du réseau, sont également en forte baisse, de 23 %, depuis le début de l’année. Le volume des effectifs dont nous avons bénéficié pour les Jeux a conduit à des baisses de la délinquance extrêmement significatives, mais ces baisses sont continues. Les premiers chiffres dont je dispose pour le mois de septembre sont également très positifs.
Que retenons-nous de la séquence des Jeux ? La présence sur la voie publique a évidemment un effet majeur. Elle ne sera sans doute plus jamais aussi massive, mais la multiplication des patrouilles pédestres, qui vont au contact et sont donc visibles et dissuasives, est une orientation forte dont je parlerai avec le nouveau ministre de l’intérieur. L’articulation, ou le continuum de sécurité, comme l’a appelé à juste titre l’un d’entre vous, entre policiers, gendarmes, militaires du dispositif Sentinelle, agents de sécurité privée dans le cadre de leurs missions, sur lesquelles je reviendrai, et policiers municipaux, dont l’engagement a été important durant les Jeux à Paris et dans l’ensemble des communes concernées, est un autre héritage. Nous avons travaillé tous ensemble. La coordination, la coopération ont atteint un niveau sans doute jamais vu par le passé. C’était lié au caractère exceptionnel de l’événement, mais c’est à retenir également.
La question de M. Mazars sur l’intelligence artificielle a également été posée par bien d’autres. La biométrie et la reconnaissance faciale ne figuraient pas du tout dans le dispositif adopté par le Parlement ; il s’agit d’apporter une aide aux opérateurs qui sont en continu, lors de grands événements et dans des conditions tout à fait légales, derrière les caméras de vidéoprotection, de plus en plus nombreuses. La loi permet une assistance aux opérateurs dans huit cas limitativement énumérés, par exemple lorsqu’un individu circule dans une zone où les personnes sont interdites, lorsque la densité de personnes est supérieure à ce qui est prévu ou lorsque des personnes vont à contresens. L’opérateur reçoit alors une alerte qui lui permet de vérifier ce qui se passe, d’exercer un contrôle. En revanche, il n’y a pas de reconnaissance faciale ni de surveillance généralisée.
Nous allons tirer les conséquences de l’expérimentation menée par la préfecture de police dans un peu plus d’une dizaine de sites lors des JO et par d’autres acteurs, comme les transporteurs – j’ai notamment eu à autoriser des dispositifs à la SNCF et à la RATP. Sur le plan technique, il a fallu apprendre à paramétrer l’outil, à définir les besoins afin d’avoir les bonnes alertes et à former les opérateurs en salle. Tout cela a été fait dans un processus d’apprentissage, sous l’étroit contrôle du comité d’évaluation : le président Vigouroux et ses équipes sont venus voir à quatre ou cinq reprises la façon dont nous travaillions.
Nous sommes montés progressivement en puissance et le dispositif a démontré son utilité : nous avons bien eu un certain nombre d’alertes, seulement dans des cas prévus par la loi, et nous pensons que l’aide apportée à nos opérateurs pour détecter des situations anormales, a été très efficace. La préfecture de police a accès, vous le savez, à des dizaines de milliers de caméras, qui servent uniquement à la surveillance de la voie publique. Les enquêtes judiciaires menées pour confondre ou retrouver des auteurs de violences sont grandement facilitées par la vidéoprotection – je le dis pour ceux qui contestent encore ses bienfaits. Elle permet 30 % des interpellations réalisées dans les transports en commun. Nombre d’enquêtes ont abouti et nombre de personnes ont été confondues grâce à la vidéoprotection. C’est la vie de nos concitoyens et la recherche d’auteurs de violences qui sont en jeu.
N’oubliez jamais que la vidéoprotection est un dispositif de surveillance de la voie publique et d’élucidation. Quand vous arrivez à confondre l’auteur d’un crime grâce à elle, c’est important, quels que soient les chiffres par ailleurs. Pardon d’exprimer aussi fermement cette position personnelle, mais quand vous êtes confronté comme moi à des familles de victimes, vous êtes content de pouvoir retrouver l’auteur des faits grâce à un outil de vidéoprotection.
Le bilan de l’expérimentation est pour nous positif. Nous le présenterons au comité d’évaluation et au Gouvernement, qui proposera ou non de reconduire le dispositif – vous comprendrez que je ne puisse pas m’engager davantage. Je peux simplement vous dire que nous avons beaucoup expérimenté pendant les JO et que nos outils ont été nettement plus opérationnels lors des Jeux paralympiques. Nous les avons utilisés plus souvent, notamment pour la cérémonie d’ouverture, afin de détecter des mouvements anormaux. Des zones étaient interdites au public et il était important d’y avoir une caméra, une seule, qui ne visait absolument pas à surveiller qui que ce soit, mais à savoir si quelqu’un pénétrait ou non dans une zone, où l’on pouvait avoir des raisons de penser que cela pouvait être dans le but de commettre un acte malveillant. Le dispositif ne servait qu’à déclencher une alerte et ensuite une vérification par un opérateur.
J’en profite pour répondre à une autre question, portant sur le nombre d’interpellations liées à ce dispositif d’intelligence artificielle, de type vidéoalgorithmique. Je n’ai pas connaissance de telles interpellations, parce que ce n’était pas le but. Il s’agissait de détecter des flux, des mouvements anormaux. Il sera peut-être possible dans l’avenir de procéder à des interpellations si on détecte une personne dans une zone interdite et qu’elle y reste, mais ce n’est pas le but essentiel qui est d’apporter une aide à nos opérateurs. Le Gouvernement vous proposera ou non une reconduction, mais vous avez compris que j’y suis très favorable à titre personnel et que nous pousserons en ce sens.
Je le redis, afin que les choses soient claires, et j’y reviendrai aussi à propos des drones, il n’a jamais été question de reconnaissance faciale.
Madame Martin, vous m’avez interrogé sur le recours à la sécurité privée, que vous considérez comme massif. Tout le monde disait que cela ne fonctionnerait pas, parce que trop peu d’agents seraient formés. Or, grâce à l’effort exceptionnel qui a été mené par Paris 2024 en matière de recrutement et par les acteurs de l’État en matière de formation, aussi bien au niveau du délégué interministériel aux Jeux olympiques qu’au niveau du préfet de région – je suis compétent, pour ma part, en matière d’utilisation des effectifs et non de recrutement –, la sécurité privée a été au rendez-vous. Nous n’avons eu à nous substituer à elle que ponctuellement, comme cela arrive dans la vie courante, parfois parce que nous avions choisi d’exercer certaines missions. Pour la cérémonie d’ouverture, le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, avait ainsi décidé que nous exercerions certains contrôles, afin d’assurer un très haut niveau de sécurité. En dehors de quelques cas très limités, et résultant le plus souvent d’un choix, la sécurité privée a été au rendez-vous, dans le cadre de la répartition des compétences habituelle avec la puissance publique dont relèvent toute la sécurisation extérieure des sites et certains contrôles d’entrée ; pour le reste, c’est la sécurité privée qui officie.
Le fait que des renforts de sécurité se sont succédé à Paris a-t-il obéré la présence de forces de l’ordre dans d’autres départements ? Je rappelle que l’ensemble des congés avaient été réduits durant cette période et qu’il y a eu dans tous les départements, en réalité, davantage d’effectifs présents au cours de l’été 2024 qu’au cours de l’été précédent – le ministre avait d’ailleurs communiqué à ce sujet.
En ce qui concerne les congés, les règles ont été appliquées à la préfecture de police – je ne peux parler que pour elle. Une restriction et des dérogations étaient prévues pour certaines périodes. S’agissant du paiement des primes JO, des engagements ont été pris. Nous avons procédé à l’évaluation du quantum.
Vous avez évoqué avec un peu de malice – mais je concède l’existence d’une faute – des arrêtés publiés avec retard. C’est arrivé une fois : nous avons publié avec quatre jours de retard un arrêté relatif aux algorithmes. Les JO étaient une période compliquée : l’activité de production d’arrêtés a été très dense. Toutes les cartes que vous avez vues – les périmètres rouges ou bleus – avaient une traduction réglementaire. Je vous rassure, nous n’avons pas utilisé l’arrêté en question et, en tout état de cause, l’information du public a été assurée dans les sites, par l’apposition de panonceaux, et en ligne. Ce défaut de publication a fait l’objet d’un dépôt de plainte. La Cnil est saisie et je lui apporte des réponses. Elle a par ailleurs été informée régulièrement du dispositif. Sa présidente, que j’ai rencontrée dans un tout autre cadre, m’a remercié pour la qualité des échanges avec mes services.
Ma conclusion au sujet de l’IA, madame Martin, est qu’il s’agit d’un outil très utile pour nous permettre de détecter des situations anormales – à titre personnel, je ne demande pas plus.
Monsieur Vicot, j’ai déjà apporté des réponses au sujet de l’IA. S’agissant des événements qui peuvent être concernés, la loi parle des manifestations culturelles et sportives de grande ampleur. Nous avions déjà utilisé ces moyens avant les Jeux pour des concerts et nous continuerons à le faire jusqu’au bout de l’expérimentation, en mars 2025, pour certains événements. Lors des JO, nous avions des effectifs si nombreux sur le terrain que l’assistance à l’opérateur était certes importante, mais peut-être un peu moins que pour des manifestations isolées, comme des concerts, pour lesquelles nous ne bénéficions pas des mêmes renforts. Pendant les Jeux, beaucoup d’alertes sur des situations anormales nous remontaient tout simplement par les ondes radio, grâce aux effectifs présents sur le terrain qui voyaient un flux de personnes allant à contresens ou des individus dans une zone interdite.
Je redis qu’il n’y a pas eu, à ma connaissance, d’interpellations liées à l’usage de l’intelligence artificielle, mais que nous avons eu beaucoup d’alertes permettant de détecter des situations anormales. Nous présenterons un bilan au ministre de l’intérieur et le Gouvernement décidera de proroger ou non la mesure. Je ne vous ai pas caché pas que nous étions très favorables à une prorogation, mais il faudra aussi en parler avec le comité d’évaluation, afin d’établir un bilan complet.
Monsieur Pauget, merci d’avoir rappelé que le continuum de sécurité a fonctionné à plein. Je réunissais tous les matins, dans mon bureau, le responsable zonal de la gendarmerie, mes directeurs de police, des responsables de la DGPN (direction générale de la police nationale), de la direction zonale des CRS et du gouverneur militaire de Paris, dont l’engagement a également été très fort. Il est toujours question des 45 000 membres des FSI présents en période de pic et des 30 000 en moyenne, mais il ne faut pas oublier les 10 000 militaires de Sentinelle, qui étaient présents en permanence et dont le rôle a été extrêmement important et très complémentaire du nôtre. Le continuum de sécurité a joué au sein des services de l’État pour la définition, au quotidien, de nos missions – elles étaient prévues, mais des ajustements ont été réalisés chaque jour – et nous avons associé dans chaque territoire, y compris à Paris, les polices municipales qui ont joué un rôle majeur dans des dispositifs de sécurisation ou de circulation.
Les drones sont un outil indispensable. Depuis la régularisation qui était attendue, nous en utilisons chaque fois que nos moyens humains ou de vidéoprotection à terre ne nous permettent pas d’observer un mouvement de foule. Une fois encore, il n’y a pas de reconnaissance faciale : ce n’est pas possible. Par ailleurs, je dois autoriser et justifier chaque utilisation de drones. C’est un moyen qui nous permet, lors de manifestations, de suivre le flux avec énormément de précision. Il ne s’agit pas de faire de la surveillance : nous utilisons des drones pour nous assurer qu’un cortège progresse de manière satisfaisante. Cela participe à l’exercice de la liberté d’expression, dont le préfet de police doit assurer la protection – je le dis parce que nous sommes souvent critiqués en la matière. L’usage des drones permet de détecter des groupes à risque qui se projettent dans une manifestation, de nous assurer qu’un cortège progresse normalement, qu’il n’y a pas d’incident, et parfois de détecter des groupes de manifestants radicaux qui s’en prennent à des vitrines. Le bilan des drones est extrêmement positif : nous en sommes très satisfaits.
Madame Regol, je vous enverrai l’organigramme de la préfecture de police. Vous voyez derrière moi deux collaboratrices, à l’égard desquelles votre remarque était assez désobligeante. Je suis entouré de femmes, dont mon adjointe.
J’ai répondu en ce qui concerne les primes. S’agissant de l’IA, nous allons revoir très vite le comité d’évaluation et nous devons faire un rapport au ministre pour lui présenter le bilan de l’expérimentation. J’ajoute que les données sont écrasées au bout de trente jours.
Monsieur Martineau, les polices municipales et les renforts étrangers n’ont pas participé au dispositif d’intelligence artificielle. Je salue, encore une fois, l’engagement des polices municipales dans la sécurisation des Jeux, partout dans la région Île-de-France, et je redis que les renforts étrangers – 1 800 personnes – ont été très utiles en matière de sécurisation de la voie publique et de moyens spécialisés. Nous avons eu besoin de démineurs et d’équipes cynotechniques.
Madame Firmin Le Bodo, je ne reviens pas sur le traitement algorithmique ni sur les drones. J’ai également donné des chiffres s’agissant de la baisse de la délinquance. Les premières tendances pour septembre sont excellentes, et nous allons continuer, en accentuant nos travaux.
Madame Froger, je n’ai pas de chiffres concernant les enquêtes administratives. Elles sont réalisées par le SNEAS (service national des enquêtes administratives de sécurité), sur la base de certains fichiers. Je rappelle aussi que le champ des enquêtes a été élargi à beaucoup d’autres acteurs, exception faite des spectateurs.
Vous m’avez également interrogé sur les critères d’éviction : chaque fois que nous avons une bonne raison de penser qu’un individu peut constituer un risque pour la sécurité ou la sûreté publique. Il existe une possibilité de recours – nous en instruisons ainsi un certain nombre.
Madame Barèges, j’ai déjà évoqué les mesures de compensation de congés pour les forces de l’ordre mobilisées cet été. Quant aux déplacements de population, ils ne relèvent pas de la compétence de la préfecture de police de Paris, puisqu’ils sont gérés par le préfet de région ; nous apportons toutefois notre concours à la mise à l’abri de personnes migrantes à la rue auxquelles un hébergement est proposé en Île-de-France ou en province, dans le cadre d’une répartition décidée en amont.
M. Houlié m’a interrogé sur la pérennisation des effectifs. S’il est évident qu’ils ne seront pas maintenus au même niveau, nous retiendrons la méthode, celle d’une présence pédestre importante sur la voie publique. Concernant le trafic de stupéfiants, les Jeux olympiques ont vu une augmentation de l’ordre de 200 % du nombre d’infractions révélées par l’activité des services (Iras) ; ce chiffre est en hausse constante depuis plusieurs années, du fait des opérations « place nette » et de l’action menée au quotidien par les services de police et de gendarmerie au travers des structures départementales d'échange d'informations placées sous l'autorité des préfets et des procureurs et coordonnées par l’office français antistupéfiants (Ofast). La lutte contre le trafic de stupéfiants est une priorité dont le ministre de l’intérieur a annoncé le renforcement, mais je ne suis pas en mesure d’en détailler l’incidence budgétaire.
Je transmettrai ultérieurement à Mme K/Bidi le nombre de comparutions immédiates recensées durant les Jeux olympiques, après avoir obtenu l’accord de la procureure de la République de Paris.
Mme Pascale Bordes (RN). 45 000 agents des forces de l'ordre mobilisés au plus fort des Jeux olympiques, 700 patrouilles quotidiennes, 44 000 barrières de sécurité installées, 2 400 aviateurs engagés, 1 800 policiers étrangers, le recours aux caméras augmentées, l'implication de la force Sentinelle dans la lutte antidrones : le déploiement colossal de forces et de moyens fut à la hauteur du défi à relever. La saturation de l'espace public par les agents en uniforme a incontestablement eu des vertus dissuasives.
Néanmoins, il ressort de la lecture du tableau de suivi statistique de la délinquance du 14 août qu'une certaine délinquance n'a pas disparu. Je cite : « Les cambriolages de logements sont en hausse de 13 % en zone Jeux olympiques d'Île-de-France, de même que les mis en cause pour usage de stupéfiants, avec plus de 28 %, après une première hausse de 17 %. » Comment expliquez-vous cette hausse ? Par ailleurs, les données afférentes aux violences sexuelles, exponentielles sur l'ensemble du territoire, ne figurent pas dans ces tableaux hebdomadaires. Le préfet Serge Boulanger, qui nous a reçus le 9 août dernier, avait indiqué qu'elles étaient malheureusement présentes durant les Jeux olympiques. Pouvez-vous nous communiquer les chiffres de la délinquance sexuelle durant cette période ?
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Avant même le lancement des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, les effectifs de police assuraient, sous votre autorité, la sécurité publique dans les rues de la capitale. Cela a donné lieu, outre le nettoyage social entrepris en amont, à d'importantes restrictions des libertés individuelles et publiques.
Illustration de cette politique répressive de maintien de l'ordre, les militants d'Extinction Rebellion ont été frappés par plus de soixante-dix interpellations et gardes à vue en une seule semaine, au mois de juillet. Le problème de ces interpellations de masse tient moins à leur existence qu’à leur justification et à leur issue : toutes ont été réalisées sur la base de la même infraction, quoique pour différents faits et dans différents lieux et, in fine, la quasi-totalité d'entre elles ont débouché sur un abandon de charges en raison de l'absence d'éléments matériels probants ; en d'autres termes, rien ne justifiait ces arrestations. Leur caractère arbitraire constitue une violation de la liberté fondamentale de circulation garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
L'infraction pour laquelle toutes ces personnes furent interpellées et mises en garde à vue durant des dizaines d'heures est celle de « participation à un groupement en vue de commettre des violences et des dégradations », qualification fourre-tout qui a mené à une quasi-totalité de classements sans suite. Le recours systématique à cette qualification pénale, abandonnée à l'issue de la garde à vue, démontre une utilisation abusive du terme à des fins préventives ; associé à l'absence de suites pénales ou à de simples requalifications en contravention pour laquelle la garde à vue n'aurait pas été possible, il dissimule assez mal le fait que ces interpellations visent un but qui n'est pas l'identification des infractions en vue de les faire cesser. Comment expliquez-vous l'usage massif de cette méthode et comment justifiez-vous une telle atteinte à la liberté de circulation ?
Mme Marietta Karamanli (SOC). Le bilan des Jeux olympiques est clairement positif et nous pouvons nous en féliciter. Sauf erreur de ma part, 30 000 à 45 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés chaque jour, ainsi que 15 000 militaires, 22 000 agents de sécurité, 120 agents supplémentaires de la RATP, 500 agents de la SNCF et, bien sûr, le service national des enquêtes administratives de sécurité, qui a criblé les données d'un million de personnes en vue de les accréditer. Ce fut un effort massif de coordination et d’implication.
Quelles suites pourraient être données à cette expérience, en termes tant d’effectifs que d’organisation ? De nombreux observateurs évoquent, tout en refusant de la nommer, le retour à une police de proximité dont les caractéristiques étaient la massification des effectifs et la proximité avec le public. Il faut revenir sur le terrain.
Je souhaite également connaître le bilan des assignations à résidence et des refus d'accréditation. Combien de décisions ont été prises et, le cas échéant, annulées par le juge ?
Enfin, vous avez annoncé, en raison du contexte budgétaire, un report des dépenses. Disposez-vous du bilan financier des efforts consentis ? Je les estime à 320 millions d'euros – 120 millions en hébergement et 200 millions en primes et heures supplémentaires.
M. Philippe Gosselin (DR). Les Jeux olympiques ont été un succès pour les forces de l'ordre. Je m’associe aux remerciements de mes collègues avec d’autant plus de satisfaction je n’étais pas le seul à être dubitatif.
Je souhaite vous interroger sur la pérennisation de certaines expérimentations. Faudra-t-il aller plus loin dans l’utilisation de l’intelligence artificielle ? On a observé une coopération entre des services qui n’étaient jusqu’alors pas en symbiose : en tirerez-vous les conséquences sur les façons de faire ? Enfin, a-t-on constaté davantage d’infractions dans les territoires ayant envoyé des renforts à Paris, par effet d’éviction ? Je me rappelle que certains dispositifs de sécurité n’avaient pas été envoyés en Nouvelle-Calédonie avant le 13 mai, pour mieux satisfaire Paris.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Ma question porte sur la politique de gestion de l'espace public en amont et pendant les Jeux. Vous aviez la lourde tâche d'assurer la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens ; cette mission est avant tout une affaire de discernement et vous savez mieux que quiconque que la sauvegarde de l'ordre public ne peut tout justifier. Pourtant, vous avez décidé de faire de la misère sociale une question d'ordre public et, bien que prétendant ne pas avoir de responsabilité en la matière, vous avez pris des arrêtés comme celui du 16 juillet 2024 et utilisé vos pouvoirs de police pour exclure de l'espace public une pauvreté devenue trop visible avec l'évacuation de campements de sans-abri, l'interdiction des regroupements et des distributions alimentaires avec une politique « zéro point de fixation ».
L'Observatoire des expulsions des lieux de vie informels a recensé à l'échelle de l’Île-de-France une hausse de 38 % du nombre de personnes expulsées sur la période 2022-2024, pour un total de plus de 12 500 personnes, dont 3 500 mineurs. 500 600 personnes ont été visées par la circulaire que vous avez mentionnée, rompant les parcours d'accompagnement et d'inclusion. Selon le collectif Le Revers de la médaille, ces dispersions systématiques se sont faites sans le consentement des personnes et sans prise en compte de leur situation individuelle. Cette politique prétendument dissuasive est en réalité une fabrique du désordre : il ne s'agit pas de populations marginales, mais bien de personnes vulnérables que personne, pas même Mme Barèges, n'a vocation à éliminer, mais dont la République s’honore d'assurer la protection.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit du logement ne s'y est pas trompé. Le 18 avril dernier, il a légitimement demandé au Gouvernement de se justifier et il n'a pas hésité à comparer la politique d'expulsions française au comportement de la Chine ou de l'Inde avant le même type d'événement sportif. La France a d'ailleurs récemment fait l'objet d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. C'est bien normal. Une société se juge à la manière dont elle traite les plus vulnérables de ses membres ; si elle les maltraite, elle se condamne.
La question se pose désormais du devenir de ces milliers de personnes expulsées et dispersées. Qu'allez-vous faire pour prendre en charge ces personnes et tenir ainsi la promesse de l'héritage politique et social des Jeux olympiques ? Quand mettrez-vous un terme à la politique « zéro point de fixation », qui empêche le travail sanitaire et social des associations ?
M. Paul Molac (LIOT). Je constate avec satisfaction que tout s’est bien passé, y compris en région, où les manifestations habituelles ont pu se tenir – au prix, il est vrai, de quelques adaptations, certaines d’entre elles ayant été écourtées. L’augmentation des effectifs des forces de police et de justice, associée à une meilleure coordination, est sans doute l’une des raisons de la baisse de la délinquance ; une méthode que l’on peut opposer à ceux qui veulent durcir les peines – jusqu’où ? – pour améliorer la sécurité.
Mes questions sont les suivantes : quel a été le niveau de la menace terroriste en France pendant les Jeux olympiques ? A-t-elle été importante ou s’agissait-il principalement de délinquance classique ? Vos propos sur la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle me rassurent ; j’avais souligné les dérives possibles de ce type de protection lors du vote de la loi, craignant qu’elle ne soit mise au service d’une surveillance de masse.
Mme Sophie Vaginay (UDR). Vous avez mentionné un travail de coopération. Avec quels pays la préfecture de police de Paris a-t-elle collaboré sur cet événement ? Quelle expérience peut-on en tirer sur l’organisation d’une force de maintien de l’ordre coordonnée au niveau européen, notamment pour la protection des frontières ? Deuxièmement, les solutions innovantes ont-elles été développées par des opérateurs privés ? Si oui, comment envisagez-vous le maintien de ces dispositifs en termes de conciliation entre la garantie de la sécurité nationale et la dépendance à ces opérateurs ?
Mme Marie-France Lorho (RN). À la veille des Jeux olympiques, le Premier ministre avait indiqué s’attendre à de nombreuses cyberattaques. En 2020, les Jeux de Tokyo avaient fait l'objet de 4 milliards de tentatives de cyberattaques, soit 800 par seconde, et le Cojop avait prévenu qu'il fallait s'attendre à une multiplication par dix de ce type de menace pour l'édition 2024. Nous avons tous en tête le sabotage du réseau SNCF à la veille des Jeux. À combien de cyberattaques avez-vous dû faire face sur le plan des transports et des infrastructures de transport ? À combien évaluez-vous le nombre de cyberattaques déjouées ? Ont-elles fait l'objet de demandes de rançon ?
Mme Colette Capdevielle (SOC). Je vous remercie d'avoir permis au bureau de la commission des lois de visiter le centre de suivi et de planification des Jeux olympiques. Cela nous a fait comprendre quel travail extraordinaire vous avez réalisé en collaboration. Cette excellente communication est due aux qualités humaines que l'on vous connaît, ainsi qu’à votre grande expérience à tous.
J’appelle votre attention sur l'effet domino des Jeux olympiques dans les territoires. Dans ma circonscription et, plus généralement, sur la côte atlantique, les élus locaux ont dû s’adapter pour assurer la sécurité du public, notamment sur les plages, où les CRS sont indispensables, et pour les très grandes manifestations : les fêtes de Bayonne ont dû être déplacées et avancées, avec de lourdes conséquences pour les professionnels concernés. Cela doit rester exceptionnel. Dans un contexte budgétaire que l'on sait difficile pour 2025, je redoute une persistance des inégalités territoriales. Pour habiller Pierre, c'est-à-dire Paris, il ne faudrait pas déshabiller Paul en période estivale.
En outre, nous avons constaté in situ que la présence policière de proximité, proche des personnes, en collaboration avec les services, les bénévoles et le public, était respectée, et même très efficace. Vous indiquez en tirer une bonne expérience et avez employé l’expression « police dissuasive ». Je souhaite savoir ce que vous entendez par là.
M. Julien Rancoule (RN). Au cours des dix-huit jours de compétition, ainsi qu’en amont et en aval, un dispositif de sécurité d'une ampleur inédite a été déployé dans la capitale et sur les sites olympiques. Au nom de mon groupe, je tiens à souligner la mobilisation exceptionnelle des forces de l'ordre, des forces de secours et des militaires qui ont fait de ces Jeux une réussite sur le plan sécuritaire.
Ma question porte sur un autre acteur crucial pour le bon déroulement de cet événement : la sécurité privée. Il s'agissait d'un défi majeur pour un secteur encore souvent méconnu et malheureusement peu valorisé. La filière accuse un manque structurel de 20 000 agents pour ses missions courantes ; avec des besoins allant jusqu'à 22 000 agents de sécurité par jour, des inquiétudes légitimes avaient émergé quant à la capacité de la filière à répondre à une demande sans précédent en termes de volume et d'importance. Nous avons encore en mémoire l'échec de G4S lors des Jeux olympiques de Londres en 2012, qui avait contraint l'armée à mobiliser en urgence plus de 3 500 militaires pour combler le déficit d'agents de sécurité. Cela n'a pas été notre cas. Je pense, contrairement à LFI, que nous pouvons saluer l'implication et le professionnalisme des dizaines d'entreprises et des milliers d'agents qui ont contribué à la réussite des Jeux.
Vous aviez la lourde responsabilité de coordonner les forces de sécurité. Pouvez-vous indiquer si la coopération entre sécurité privée et publique a été une réussite ? Avez-vous observé une réelle interconnexion entre ces acteurs ou devons-nous encore travailler pour atteindre pleinement le continuum de sécurité dont il est question depuis plusieurs années ?
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. » La devise du journal Le Figaro, empruntée à Beaumarchais, s’applique aux Jeux olympiques : quoique nous critiquions, parfois vivement, l’usage qui est fait des forces de police, et malgré des inquiétudes en amont, nous reconnaissons qu’ils se sont bien déroulés.
Comme M. Gosselin, je souhaite savoir ce qui s’est passé dans les territoires que l’on a dégarnis pendant les Jeux. Quels effectifs de police et de gendarmerie faudrait-il pour généraliser à l’ensemble du pays le degré de présence policière atteint à Paris ?
Je souhaite répondre à M. Rancoule sur la sécurité privée : à Grigny, on a formé de nombreux jeunes à la sécurité de manière accélérée, mais les besoins du secteur sont redescendus après les Jeux ; c’était une manière d’utiliser les jeunes des quartiers. Je me satisfais par ailleurs que le Rassemblement national, qui refusait que l’on confie des missions de sécurité aux binationaux, découvre que les étrangers ne sont pas nécessairement des délinquants. Les policiers venus apporter leur concours ont démontré que des personnes venues d’autres pays peuvent être utiles à notre sécurité.
M. Michaël Taverne (RN). Ayant exercé à la préfecture de police de Paris, je veux saluer à mon tour l'engagement des fonctionnaires de la préfecture, de la brigade des sapeurs pompiers de Paris (BSPP) et des militaires, qui ont fait un travail exceptionnel.
Vous avez évoqué une baisse significative de la délinquance, mais il faut rester prudent : sur la période du 28 juillet au 4 août, une augmentation de 17 % des vols violents et de 8 % des vols dans les transports en commun a été constatée. Comment expliquez-vous cette hausse ? Quels seraient les axes d'amélioration possibles ? Avez-vous des informations sur le profil des individus interpellés ?
Mme Marie-José Allemand (SOC). Comme mes collègues, je souhaite remercier les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers et le personnel de la sécurité civile qui, par leur engagement et leur professionnalisme, ont contribué à faire des Jeux olympiques et paralympiques de Paris un immense succès populaire, sportif et sécuritaire dont nous pouvons toutes et tous nous réjouir.
En compensation de leur mobilisation, les policiers et gendarmes bénéficieront d'une prime allant jusqu'à 1 900 euros, pour laquelle était prévu un versement échelonné d'octobre à décembre 2024. D'après les informations qui nous sont parvenues, il n’est pas exclu que, pour des raisons budgétaires, le versement de ces primes soit reporté à 2025. Il serait regrettable que les forces de l'ordre ne perçoivent pas dès 2024 la prime à laquelle leur investissement exceptionnel leur donne droit. Le calendrier initialement prévu sera-t-il tenu par la préfecture de police de Paris ?
Ma deuxième question porte sur les conséquences des plans de congés spécifiques instaurés pour permettre la mobilisation optimale des forces de l'ordre. Pour rattraper les congés qui n'ont pu être pris pendant les JOP, les chefs de service ont reçu l'autorisation d'en valider plus qu'habituellement avant et après l'été. De quelle manière ces rattrapages ont-ils été anticipés ? Nous devons éviter toute désorganisation dans les prochaines semaines.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Les Parisiens sortent de deux mois de festivités et de joie. Unis par la passion du sport, ils retiendront l'ambiance à la fois animée et sereine de ces Jeux et, surtout, la sensation de pouvoir marcher dans la ville sans craindre une agression. Et pour cause : pas un crackhead à la porte de la Chapelle, pas un vendeur à la sauvette au pied de la Tour Eiffel, pas l'ombre d'un pickpocket dans le métro ! Tout ceci grâce à un important dispositif de sécurité, mais pas seulement : entre avril 2023 et juin 2024, plusieurs milliers de migrants ont été déplacés de Paris vers d'autres villes et villages de France.
Dans un éclair de lucidité, les pouvoirs publics ont compris que l'immigration était un problème à Paris, où un délit sur deux – 48 % très exactement – est commis par un étranger. 77 % des mis en cause pour viol en 2023 sont des étrangers. 68 % des vols et violences dans les transports d'Île-de-France sont commis par des étrangers. Bref, vous saviez que pour que Paris soit sécurisé, il fallait que les sans-papiers n’y soient plus. Dans la logique du ministère, les migrants sont un problème pour les touristes mais pas pour les Parisiens qui, eux, doivent s'accommoder de leur présence toute l'année, ni pour les autres villes et villages de France, comme Orléans, où vous les avez envoyés par cars entiers, sans même prévenir la municipalité.
Ma question est donc simple : si l'immigration est un problème pour la sécurité à Paris, pourquoi ne le serait-elle pas ailleurs en France ? Est-ce du fait de la surreprésentation des étrangers en situation irrégulière dans les hébergements d’urgence en Île-de-France ? On sait que 40 à 60 % des places sont alloués à des sans-papiers sur le territoire national. Quid de Paris, où ces chiffres ne sont pas publics ? Est-on arrivé à un niveau de saturation tel qu'il faille absolument faire sortir les migrants de ces centres ?
M. Hervé Saulignac (SOC). Un préfet de police qui reçoit le satisfecit des députés de La France insoumise entre aussitôt dans l’histoire !
La prostitution est un phénomène connexe aux grandes manifestations sportives, qu’avait anticipé le gouvernement Attal, la ministre en charge de l’égalité ayant présenté une stratégie de lutte contre la prostitution en mai dernier. L’un de ses volets, en lien avec la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), concernait les plateformes d’hébergement qui devaient former leurs équipes à la détection de la prostitution et coopérer avec vos services. Cette coopération a-t-elle eu lieu ? Y a-t-il eu des signalements et des sanctions ?
M. Belkhir Belhaddad (EPR). Quarante-quatre pays dont trente-et-un européens ainsi que la première unité binationale de sécurité intérieure en Europe, franco-allemande sont venus appuyer nos forces de sécurité intérieure. Quel est votre retour d’expérience sur ces coopérations ? Alors que nous souhaitions collectivement que les Jeux offrent un nouveau modèle d’organisation des grands événements sportifs internationaux (Gesi), considérez-vous que cette réussite en matière de sécurité fera partie de leur héritage ?
M. le président Florent Boudié. Monsieur le préfet de police, pourriez-vous, en premier lieu, revenir sur les chiffres de la délinquance ?
M. Laurent Nuñez. Je ne conteste pas les chiffres de Michaël Taverne, mais la méthode – non sans une certaine honte, puisque c’est le service statistique du ministère de l’intérieur lui-même qui a fait le choix de comparer les chiffres d’une semaine à l’autre, alors que les statistiques habituelles portent sur douze mois glissants – j’avais dit, à l’époque au ministre de l’intérieur et des outre-mer ce que je pensais de cette comptabilisation statistique. Les observateurs qui avaient relevé la hausse de la deuxième semaine ont évidemment oublié de souligner la baisse des semaines suivantes. Pour ma part, je donne les chiffres de 2024, qui témoignent d’une baisse significative par rapport à 2023. En revanche, nous restons inquiets devant l’augmentation permanente des violences sexuelles : 11,9 % sur les huit premiers mois de l’année dans l’agglomération parisienne et 16,3 % au mois d’août.
Monsieur Coulomme, je réfute l’expression « nettoyage social » : je fais de la prévention des troubles à l’ordre public et mes arrêtés sont toujours motivés en ce sens. Quand des personnes en situation de précarité dans la rue courent un danger, je prends des mesures. De la même façon, j’assume d’avoir décidé d’interrompre certaines manifestations. J’ai la faiblesse de penser que, lorsque quarante-quatre personnes d’Extinction Rebellion vont s’accrocher à des arbres sur le circuit d’un contre-la-montre, ce n’est pas pour regarder passer la course cycliste. J’aurai peut-être à répondre un jour de mes choix ; toujours est-il que ces personnes ont été placées en garde à vue pour manifestation non déclarée et groupement constitué en vue de commettre des violences. J’ai aussi mis un terme à une action organisée par Saccage 2024. Ces divers groupuscules n’ont plus tenté de perturber les Jeux par la suite.
Concernant les classements sans suite, s’il est parfois difficile de matérialiser l’infraction pendant la durée de la garde à vue, cela ne prouve en rien qu’elle n’était pas constituée. Dans un État de droit, il est normal que la justice classe l’affaire sans suite. Je crois avoir suffisamment démontré mon souci de protéger la liberté d’expression pour n’être pas accusé de commettre des actes arbitraires ou autoritaires, notamment dans l’organisation des manifestations parisiennes, y compris avec des députés de votre formation politique que je reçois régulièrement.
Madame Karamanli, je ne peux pas me prononcer sur le bilan financier. Concernant la planification et l’organisation, définir les blocs missionnels – sécurisation des sites, des courses et des transports, lutte contre la délinquance – puis la ressource humaine a représenté un gros travail. Je précise, en passant, que les 700 patrouilles quotidiennes concernaient les seuls transports en commun. La direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police a été particulièrement sollicitée, sans oublier tout l’aspect logistique, concernant notamment l’alimentation, sous l’autorité du préfet, secrétaire général aux moyens mutualisés.
Monsieur Gosselin, pour ce qui est de l’effet d’éviction, j’en suis resté aux déclarations et aux actions du ministre de l’intérieur et des outre-mer de l’époque, Gérald Darmanin, qui avait notamment présenté une carte. Dans la mesure où il n’y avait pas de congés, les effectifs étaient plus nombreux à l’été 2024 qu’à l’été 2023. Il a pu y avoir des réorganisations à certains endroits où il y avait besoin de CRS, notamment sur les plages. Des renforts ont été envoyés en Nouvelle-Calédonie pendant les Jeux. J’ai dû modifier mon dispositif, sous l’autorité du ministre de l’intérieur et des outre-mer, pour nous adapter.
Nous allons tirer des conséquences de la coopération entre services. Alors que nous faisions une réunion quotidienne avec tous les acteurs de la région Île-de-France, nous avons décidé collectivement de poursuivre cette manière de fonctionner, en passant à une réunion hebdomadaire. Ce sera un héritage des Jeux, en matière de commandement et de dialogue avec les départements.
Madame Balage El Mariky, j’ai pris deux arrêtés d’interdiction des distributions alimentaires depuis que je suis préfet de police. Dans le 12e arrondissement, les habitants me les réclament. J’ai également pris un arrêté relatif au 242, boulevard de la Villette, qui était trop large et a été censuré par le tribunal administratif. À cette adresse, des réseaux de passeurs faisaient venir des migrants qu’ils installaient contre rétribution – c’était de la traite d’êtres humains. Je crois que les distributions alimentaires n’ont pas repris depuis, malgré la censure du tribunal.
Quant aux opérations d’évacuation de campements de migrants, que j’avais annoncées au Conseil de Paris, vous oubliez de dire que ce n’est pas le préfet de police qui les décide seul, puisqu’elles s’accompagnent systématiquement d’une opération de mise à l’abri par le préfet de la région Île-de-France.
Monsieur Molac, le niveau de la menace terroriste est resté très élevé pendant les Jeux. Avant leur ouverture, trois attentats ont été déjoués. Nous avons pleinement utilisé les dispositifs offerts par la loi de 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. À la demande du ministre de l’intérieur et des outre-mer, nous avons ainsi diligenté un grand nombre de visites domiciliaires sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, de nombreuses mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ont été prises.
Madame Vaginay, la coopération internationale s’est faite à plusieurs niveaux. Le premier a été celui du renseignement : en amont des Jeux olympiques et pendant, les services de renseignement ont mené un travail d’échange et de coopération exceptionnel, notamment piloté par la direction générale de la sécurité intérieure. Le deuxième volet avait trait aux missions de sécurisation des effectifs des forces étrangères – les patrouilles. Au-delà du renfort qu’elles nous ont apporté, elles ont également permis de renseigner les touristes dans leur langue. Parmi la quarantaine de pays partenaires, la majorité venait d’Europe, mais nous avons aussi accueilli des policiers de Los Angeles ou du Moyen-Orient. Le troisième volet concernait les moyens spécialisés, la détection d’explosifs ou les moyens contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), qui nous ont été très précieux.
Madame Lorho, je n’ai pas ces éléments sur les cyberattaques. Il y en a eu, mais c’est l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) qui pourra vous répondre et vous donner les chiffres précis. Nous avons plutôt subi des tentatives de cyberattaque par déni de service ; je n’ai pas entendu parler de rançongiciels. Si vous le souhaitez, nous pourrons recueillir des informations auprès de l’Anssi. À la demande du ministre de l’intérieur et des outre-mer et de l’Anssi, nous avions renforcé la sécurisation de tous nos dispositifs – la moindre attaque contre nos cinq salles de commandement et notre système vidéo aurait été préjudiciable.
Madame Capdevielle, il y a eu des adaptations sur les plages, du fait de la réintégration des CRS dans leurs unités pour venir à Paris. Par ailleurs, chaque fois que nous l’avons pu, nous avons évité de déplacer de grands événements. Les fêtes de Bayonne, que je connais bien, non en tant que festayre mais pour avoir été sous-préfet de la ville, commencent traditionnellement le dernier mercredi du mois de juillet, ce qui tombait en même temps que la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. C’est pourquoi nous les avons déplacées.
Ce que j’appelle une police policière dissuasive, c’est une police particulièrement visible. La bonhomie de nos policiers et de nos gendarmes était réelle – et je les en remercie, car c’étaient les instructions du ministre. C’est tout de même plus facile quand vous êtes confrontés à un public qui cherche son chemin ou veut des renseignements. Démonstration a été faite que la présence sur la voie publique avait un effet dissuasif contre la délinquance.
Monsieur Rancoule, de grands progrès ont été accomplis dans la coopération avec la sécurité privée. Le ministère de l’intérieur a démontré son attachement à développer ce pilier de la sécurité. Globalement, nous sommes très satisfaits de la façon dont cela s’est passé. Un seul exemple de notre bonne coopération : le Club France, au parc de la Villette, a été énormément fréquenté. Forces de l’ordre et sécurité privée ont renforcé leurs dispositifs de coopération et se sont très vite adaptées à la grande affluence.
Monsieur Léaument, il y avait des forces de sécurité dans le reste du territoire, étant donné qu’il n’y avait pas de congés. Comme je l’ai dit, il y avait plus d’effectifs à l’été 2024 qu’à l’été 2023. Je ne peux pas vous donner les chiffres de la délinquance pour le reste du territoire, mais je n’ai pas connaissance de hausses significatives. De fait, on ne peut pas reconduire ce que nous avons vécu pendant les Jeux – il ne faut même pas le laisser croire. Les chiffres de recrutement avancés par Gérald Darmanin pour disposer du même effectif sur la plaque parisienne sont inatteignables. En revanche, nous allons retenir certaines méthodes de travail, notamment la présence pédestre dissuasive.
Madame Allemand, je n’ai pas d’éléments laissant à penser que le calendrier des versements de primes serait remis en cause.
Monsieur Lopez-Liguori, il ne faut pas confondre la question des campements de migrants avec l’implication des étrangers en situation régulière ou irrégulière dans la délinquance, dont la part est d’ailleurs en baisse dans l’agglomération parisienne puisqu’elle est passée de 41 % en 2023 à 36 % en 2024. Je veux y voir le résultat de la priorité donnée dans nos reconduites à ceux des étrangers en situation régulière qui étaient porteurs de risques de troubles à l’ordre public.
Monsieur Saulignac, nous craignions la venue de bandes délinquantes pour des appropriations de biens ; la délinquance a baissé. Les bandes sud-américaines qui se rendent coupables de vols à la tire et de cambriolages étaient toujours présentes – nous avons procédé à beaucoup d’interpellations. Quant à la prostitution, nous craignions que les réseaux profitent de la grande affluence pour organiser une « offre » or cela n’a pas vraiment été le cas. Nous avons continué à démanteler des microréseaux. Je vous ferai passer le bilan judiciaire.
Monsieur Belhaddad, le retour d’expérience des forces étrangères est très positif, en matière de moyens spécialisés et de sécurisation générale. La façon dont nous avons organisé les Jeux semble avoir suscité l’intérêt de Los Angeles : une coopération est à venir pour échanger sur le processus de sécurisation, qui servira donc bien de modèle. De la même façon, le Comité international olympique (CIO) nous avait donné beaucoup d’informations sur la façon dont les Jeux avaient été sécurisés lors des précédentes olympiades.
M. le président Florent Boudié. Je vous remercie pour ces informations et la clarté de vos propos.
Nous auditionnerons le ministre de l’intérieur probablement mercredi prochain.
*
* *
La séance est levée à 11 heures 05.
————
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
- M. Jérémie Iordanoff, rapporteur de la proposition de résolution visant à réunir le
Parlement en Haute Cour, en vue d’engager la procédure de destitution à l’encontre du Président de la République, prévue à l’article 68 de la Constitution et à la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution (n° 178).
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Marie-José Allemand, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Brigitte Barèges, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, MmeAgnès Firmin Le Bodo, M. Moerani Frébault, Mme Martine Froger, M. Jonathan Gery, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, Mme Émeline K/Bidi, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Éric Martineau, Mme Élisa
Martin, M. Stéphane Mazars, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Sophie Vaginay, M. Roger Vicot, M. Antoine Villedieu
Excusés. - M. Pouria Amirshahi, Mme Béatrice Bellay, M. Marc Fesneau, M. Yoann Gillet, M. Frédéric Valletoux, Mme Caroline Yadan
Assistaient également à la réunion. - M. Belkhir Belhaddad, M. Sacha Houlié, Mme Céline Thiébault-Martinez