Compte rendu
Commission
des affaires européennes
Mercredi
12 février 2025
15 heures
Compte rendu n o 16
Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 12 février 2025
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
La séance est ouverte à 15 heures
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Le premier texte à l’ordre du jour est la proposition de résolution présentée par notre collègue Laurent Mazaury appelant au renforcement du soutien à l’Ukraine.
Nous approchons des trois ans de cette guerre et, sans certitude sur la pérennité de l’aide américaine, il est important que l’Assemblée nationale continue de débattre de cette guerre et, le cas échéant, d’apporter son soutien à la résistance ukrainienne. Je condamne avec la plus grande force et la plus grande fermeté les frappes indiscriminées de la Russie qui se poursuivent sur l’Ukraine, contre les infrastructures énergétiques, contre les villes, les civils et, ce matin encore, les frappes russes sur Kiev qui ont fait à ce stade un mort et trois blessés. Ces frappes et la rhétorique irresponsable qui les accompagne participent d’une logique d’escalade inacceptable de la part de la Russie qui continue de poursuivre son dessein révisionniste, brutal et impérialiste en violation des droits souverains de l’Ukraine.
C’est pourquoi cette résolution arrive au bon moment en faisant de la poursuite du renforcement à l’Ukraine sa priorité absolue. En lien avec nos partenaires européens, il nous faut donner à l’Ukraine les moyens de se défendre et de faire échec à la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie depuis près de trois ans. C’est non seulement la sécurité de l’Ukraine et de son peuple, mais c’est aussi la sécurité de tout le continent qui sont en jeu à travers cette guerre.
Au moment où l’administration américaine semble faire pression pour que des négociations de paix soient engagées rapidement, il est important de redire qu’aucune solution ne saurait être trouvée à ce conflit en dehors des Ukrainiens et des Européens. C’est à nous-mêmes de construire les garanties de sécurité dont l’Ukraine aura besoin, mais aussi pour tout le continent européen. Par conséquent, l’appel au soutien à l’Ukraine que vous formulez est indispensable et fait honneur à l’Assemblée nationale.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Le 24 février 2025 marquera le troisième anniversaire de l’agression brutale menée par la Russie contre l’Ukraine. Trois années de guerre, trois années de souffrances indicibles pour la population ukrainienne, trois années qui ont bouleversé l’équilibre européen et international, trois années d’une guerre qui, je l’espère, prendra bientôt fin. Hier encore, le président Zelensky a ouvert la voie à une nouvelle négociation proposant cette fois d’échanger des territoires avec la Russie, proposition qui a d’ailleurs été très rapidement rejetée par cette dernière.
Alors que les appels ukrainiens à la fin de la guerre se multiplient, il est nécessaire de soutenir l’Ukraine afin qu’elle puisse se présenter à la table des négociations avec la Russie dans les meilleures conditions possible. Souhaite-t-on que l’Ukraine, qui n’exige que la paix et l’exercice normal de sa souveraineté, modifie ses exigences et donne ainsi partiellement satisfaction aux revendications inacceptables de Moscou ? Non, bien entendu. Il nous faut mesurer l’ampleur de cette tragédie. En raison d’abord de la violence de l’invasion russe qui s’accompagne de crimes de guerre avérés, de déportations massives et de destructions systématiques d’infrastructures civiles, comme ce fut encore le cas cette nuit.
Ensuite, parce que cette guerre vise à mettre fin à l’existence même d’un État souverain, l’Ukraine, et plus généralement vise à imposer par la force un droit de regard par la Russie sur les affaires du continent européen en faisant peser une menace constante sur ses voisins. Ce ne sont pas seulement les frontières de l’Ukraine qui sont menacées mais également la stabilité et la sécurité de l’Europe tout entière.
Si la résistance de l’Ukraine a déjoué les pronostics initiaux, et si la mobilisation de l’Europe et des États-Unis lui ont permis de contenir l’invasion russe pendant trois ans, force est de constater qu’en ce début d’année 2025, nous arrivons à une phase d’usure dans laquelle les ressources militaires et humaines s’épuisent de part et d’autre même si nous ne savons pas toujours clairement dans quelle mesure.
L’Ukraine a en effet choisi de rester discrète quant aux difficultés de cette guerre longue qui lui a été imposée tandis que la Russie a progressivement étouffé toute forme de circulation de l’information et que l’état réel de ses forces comme de son économie reste en réalité très difficile à exprimer. Le point de rupture pourrait cependant être plus proche que nous ne le pensons.
À cet élément s’ajoute l’entrée en fonction récente aux États-Unis d’Amérique d’une nouvelle administration et d’un président qui exprime son souhait d’une issue diplomatique rapide au conflit. Néanmoins, il ne précise pas selon quels paramètres, ou alors de la façon erratique dont il a le secret, ni par quel moyen il amènerait les deux pays à rapprocher leurs positions qui paraissent aujourd’hui totalement incompatibles. Il semble que le président Trump a considéré que la libération d’un prisonnier américain marquait l’espoir d’un début de relation recouvrée avec la Russie pour mettre fin, selon lui, à la guerre en Ukraine.
Il est évident que nous devons rester en alerte. Nous, Français et Européens devons nous assurer que l’Ukraine se trouvera dans la position la plus favorable possible si des négociations s’ouvraient prochainement. Nous savons que la Russie cherchera à imposer ses conditions et que certains États seront tentés d’accepter un compromis au détriment du droit et de la justice. C‘est pourquoi nous devons dès aujourd’hui renforcer notre soutien à l’Ukraine, non seulement pour l’aider à tenir mais surtout pour lui permettre de négocier depuis une position de force.
C’est dans cet esprit que s’inscrit cette proposition de résolution européenne. Son objectif est clair : réaffirmer notre engagement indéfectible envers l’Ukraine et faire en sorte que toute négociation repose sur les principes de souveraineté, de sécurité et de justice. Concrètement, cette résolution appelle à un renforcement du soutien à l’Ukraine, sous toutes ses formes : militaire, économique et technologique. Il s’agit d’accélérer la livraison de matériel de défense, notamment des systèmes de défense indispensables à la protection des populations civiles. Il s’agit également de consolider l’aide financière et logistique afin d’assurer la résilience de l’économie ukrainienne et de préparer sa reconstruction, et même, déjà, de commencer à reconstruire. Nous demandons également le maintien et le durcissement des sanctions contre la Russie afin d’empêcher toute tentative de contournement et de priver Moscou des ressources nécessaires à la poursuite de son effort de guerre. En effet, l’UE doit non seulement maintenir la pression mais aussi travailler en étroite collaboration avec ses partenaires pour garantir l’application effective de ses sanctions.
Cette résolution exprime également notre volonté de voir l’Ukraine rejoindre pleinement la famille européenne. L’Union européenne a déjà franchi des étapes majeures en reconnaissant le statut de candidat de l’Ukraine. Il nous faut aller plus loin et tout mettre en œuvre pour que ce processus d’adhésion aboutisse rapidement afin de garantir à l’Ukraine un avenir stable et sécurisé au sein de l’Europe. Il nous faudra pour se faire aider évidemment l’Ukraine à vaincre ses propres démons, et travailler sur les obligations d’alignement sur les us et les coutumes servant de socle au bon fonctionnement des États pour une intégration à l’UE, comme la lutte contre la corruption.
Enfin, il nous faut également renforcer notre défense, en France mais également au niveau européen, et dans ce cadre, nous ne devons pas non plus oublier la deuxième puissance nucléaire de notre continent, nos alliés britanniques, malgré le Brexit.
Hier encore le président Zelensky affirmait que « les garanties de sécurité sans l’Amérique ne sont pas de véritables garanties de sécurité ». Il n’est plus acceptable que nous soyons dépendants des États-Unis, que nos alliés n’aient pas confiance dans notre capacité européenne à les protéger. Nous devons être à la hauteur de l’Histoire. Relâcher notre soutien, c’est accepter de fragiliser l’Ukraine dans d’éventuelles négociations. Accepter des compromis qui reviendraient à légitimer l’agression russe, c’est envoyer un message dangereux aux régimes autoritaires du monde entier et à la Russie elle-même pour ses visées expansionnistes non dissimulées en Europe. Elles proviennent certes d’un autre siècle, où l’on aurait aimé qu’elles y restent oubliées, mais elles ont repris malheureusement force et vigueur à notre époque. Aujourd’hui nous avons l’opportunité de réaffirmer notre engagement envers la liberté, la démocratie et le droit international. C’est pourquoi je vous invite à voter en faveur de cette résolution, pour l’Ukraine, pour l’Europe, pour la France et pour nos valeurs.
M. Maxime Michelet (UDR). Il y a près de trois ans l’Ukraine état agressée par la Russie et la guerre meurtrissait de nouveau le sol de l’Europe. Une guerre effroyable, jonchée de crimes de guerre et aujourd’hui enlisée. 1084 jours et près de 300 000 victimes plus tard, malgré des perspectives de cessez-le-feu renforcées depuis l’investiture du président américain, aucune perspective politique de règlement durable du conflit n’apparaît. Pourtant, si l’enjeu immédiat est évidemment de mettre fin aux combats, l’enjeu primordial est de bâtir une paix solide qui garantisse les droits de la souveraineté ukrainienne tout en garantissant les devoirs de la sécurité européenne.
Nous partageons pleinement votre déclaration de soutien à l’Ukraine, mais nous ne pouvons pas soutenir votre proposition de résolution car elle contient selon nous un obstacle majeur à la résolution du conflit. Nous ne pouvons pas en effet voter un texte qui contient en son 40e alinéa une défense fervente de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Cette intégration serait illusoire car si la guerre s’achève, elle ne s’achèvera pas par une défaite de la Russie. Puissance nucléaire, la Fédération de Russie n’est pas et ne sera pas défaite, sauf à attendre patiemment sa capitulation. Il nous faut adopter une vision réaliste des lendemains de la guerre. La paix qui mettra fin à ce conflit doit donc assurer des garanties de sécurité aux deux parties.
Notre histoire contient trop d’exemples de paix bancales ayant pavé le chemin de nouvelles guerres pour que l’Europe ne s’égare pas sur cette voie. Notre histoire nous apprend aussi que des élargissements mal inspirés, mal décidés et mal organisés ne peuvent que mener à la déstabilisation de la construction européenne, mais aussi mettre en péril nos intérêts nationaux. Il serait irresponsable et insensé de faire adhérer à l’UE un pays producteur avant la guerre de 85 millions de tonnes de blé contre 34 millions pour la France et où le salaire mensuel brut moyen s’élève à seulement 189 euros. L’UDR appelle donc à une diplomatie réaliste qui permette de bâtir une paix politique durable pour les deux belligérants et une architecture de sécurité collective crédible pour le continent européen. Ainsi, faute d’adoption de l’amendement 2 de mon collègue du Rassemblement National, l’UDR votera contre cette proposition de résolution.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Je comprends votre positionnement politique. Il est vrai que dans des situations comme celle dans laquelle nous sommes, l’adhésion à l’Union européenne relève plutôt d’un symbole et d’une volonté de paix, à l’inverse de ce qu’aurait été l’adhésion à l’OTAN, qui aurait été une ligne rouge et dont on sait qu’elle est à l’origine du déclenchement de la guerre. C’est la raison pour laquelle il me semble important, au contraire, non pas d’avoir un nouveau supplétif au sein de l’Alliance, mais d’envoyer un signal fort : l’adhésion à l’Union européenne.
Vous avez raison de souligner que cela suppose des conditions intelligemment calculées, économiquement réfléchies et non pas, comme cela a pu être le cas à certaines époques, une démarche péremptoire, mais bien un travail approfondi en amont pour ne pas faire de cette adhésion une catastrophe pour l’Europe. Aujourd’hui, grâce à notre intelligence collective, c’est un objectif que nous pouvons atteindre en bonne intelligence, avec suffisamment d’anticipation.
Le message que nous voulons envoyer et renforcer est celui du lancement d’un processus qui devra aboutir, dans des conditions économiques équilibrées, à cette adhésion, comme une forme de barrière et de garantie pour l’avenir. Je comprends notre différence sur ce point et je respecte votre position. La guerre est présente en Europe, elle est à notre porte et elle peut emporter tout le reste dans les années à venir. Nous devons utiliser tous les moyens et leviers à notre disposition pour faire en sorte que la Russie reçoive un message affirmant que l’une des solutions réside dans le commerce, la sécurité en Europe et l’industrie de défense européenne. Cela passe par un renforcement de la structure européenne.
M. Matthieu Marchio (RN). Nous réaffirmons notre attachement au respect du droit international et à la souveraineté des peuples. La guerre en Ukraine est une tragédie et nous soutenons toute initiative diplomatique sérieuse pour y mettre fin rapidement.
Or, au lieu de favoriser des négociations de paix, ce texte prône l’extension des sanctions, la rupture totale des relations stratégiques avec la Russie et l’accélération de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Ces orientations ne feront qu’enliser le conflit et affaiblir nos propres intérêts stratégiques. Sous couvert de soutien à l’Ukraine, ce texte engage la France et l’Union européenne dans une fuite en avant dangereuse. Il est de notre devoir de rappeler que toute politique étrangère responsable doit avant tout préserver les intérêts de notre pays et éviter une escalade dont les conséquences pourraient être dramatiques. Notre position a toujours été claire : nous nous opposons à toute nouvelle adhésion qui viendrait aggraver les déséquilibres agricoles et sociaux au sein de l’Union européenne. L’intégration précipitée d’un pays en guerre qui ne remplit aucun des critères requis mettrait en péril la stabilité de l’ensemble du continent.
Concernant les sanctions, nous dénonçons celles qui pénalisent avant tout nos économies européennes : la flambée du prix de l’énergie, la désindustrialisation et l’inflation que subissent nos compatriotes en sont des conséquences directes. La France ne doit pas s’imposer des restrictions suicidaires pendant que d’autres pays contournent allègrement ces mesures.
De plus, ce texte appelle à l’exécution immédiate des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale. Si nous défendons fermement le droit international, nous estimons que de telles décisions doivent être appliquées avec prudence et dans un cadre diplomatique maîtrisé, sans quoi elles risquent de compromettre toute issue négociée au conflit. Enfin, il serait irresponsable d’étendre des garanties de sécurité à l’Ukraine, ce qui reviendrait à engager directement la France dans une guerre qui n’est pas la nôtre. Chaque pays doit rester maître de ses décisions militaires et diplomatiques sans se soumettre aux intérêts de puissances étrangères ou d’organisations supranationales. Nous sommes favorables à une diplomatie réaliste, qui protège nos intérêts nationaux, évite toute surenchère et œuvre pour une paix durable. Nous sommes en faveur de cette résolution à condition que les éléments bellicistes, qui ne feraient qu’aggraver les souffrances des peuples européens et retarder la paix, soient retirés.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Vous avez compris que le principe de cette résolution est d’aller en position de force à la table des négociations. C’est un principe dicté par le bon sens et c’est dans cet esprit que cette résolution s’exprime. Nous verrons les amendements que vous avez déposés pour entrer plus dans le détail. Nous ne pouvons pas avoir une Ukraine qui va à la table des négociations avec la Russie en position de faiblesse. Les engagements tenus dans cette proposition de résolution vont peut-être loin et affirment en effet des positions fortes, mais l’idée est vraiment de négocier en position de force.
Le deuxième point concerne le coût de l’énergie. Au contraire, nous allons dans le sens d’une baisse du coût de l’énergie puisque c’est également une arme. Je rappelle qu’on a compensé toutes les problématiques que nous avions avec les approvisionnements et, entre autres, nous travaillons sur une option qui irait vers la baisse des coûts en ce qui concerne la production de produits pétroliers, de façon à atteindre l’économie russe. Ce point a été partagé avec les Ukrainiens comme étant un élément plus fort même que d’aider les livraisons d’armes supplémentaires. Ils ont la conviction que ce serait de nature à fragiliser l’économie russe, de façon à limiter ses capacités de réarmement.
Enfin, en ce qui concerne les crimes commis par la Russie sur le territoire ukrainien, ils sont avérés et documentés. J’ai tendance à faire confiance à la Cour pénale internationale pour pouvoir condamner, le moment venu, ceux qui sont à l’origine de ces crimes de guerre. Je maintiens donc ces positions.
Mme Constance Le Grip (EPR). 1 096 jours depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, qui représente toujours l’une des plus graves violations de la sécurité européenne depuis des décennies. Trois années après le début de l’invasion de l’Ukraine par le régime de Vladimir Poutine, le retour de la guerre sur le sol européen, le groupe Ensemble pour la République tient à réaffirmer son engagement fort aux côtés des Ukrainiens et du président Zelensky.
Notre engagement est fort depuis le premier jour de l’agression russe : un soutien indéfectible au peuple ukrainien face à cette agression illégale, injustifiée, brutale, dans la droite ligne des propos et des actions du président de la République et de la diplomatie française depuis trois ans.
En nous tenant aux côtés du peuple ukrainien et des autorités ukrainiennes, nous défendons l’Ukraine, la liberté, la démocratie, l’aspiration de tout un peuple à voir son indépendance et sa souveraineté être garanties, défendues. Ce sont également nos valeurs européennes que nous défendons et qui sont brandies par le peuple ukrainien et la très courageuse résistance ukrainienne, tous les jours, depuis le début de l’agression russe. Nous pouvons rappeler quelques chiffres : les victimes civiles ukrainiennes s’élèvent à 40 838 en décembre 2024, dont 12 456 civils tués.
Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de votre résolution européenne, qui réaffirme la nécessité de renforcer toujours plus notre soutien à l’Ukraine sur les plans militaire, humanitaire, diplomatique, politique, économique et sur le plan de la construction d’un État de droit. Soutenir l’Ukraine, c’est soutenir et protéger la sécurité de l’Europe.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Tout texte peut être amélioré et j’aurai l’occasion de revenir sur les amendements. Je remercie d’ailleurs tous les collègues qui nous ont fait remonter, quel que soit le parti, un ensemble de proposition.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Notre soutien à l’Ukraine agressée et à son peuple ne peut pas être un encouragement à l’escalade militaire ni occulter les dérives préoccupantes qui se produisent dans le pays. Or, la proposition de résolution est précisément le reflet d’une logique de guerre totale.
Les alinéas 50 et suivants invitent explicitement l’Union européenne et les États-Unis à poursuivre leurs efforts d’accroissement de leur capacité de production d’armements et de munitions pour accélérer les livraisons d’armes lourdes et de missiles à longue portée, le tout sans aucun contrôle démocratique. Ces choix ont déjà provoqué une riposte immédiate de Moscou, puisque Poutine a ordonné le tir d’un missile balistique et la menace nucléaire se fait de plus en plus pesante. Pendant ce temps, Donald Trump laisse entendre que l’Ukraine pourrait devenir russe un jour, semant ainsi l’incertitude sur l’avenir du soutien américain et la stabilité du pays. La guerre devient également de plus en plus internationale avec la participation de troupes nord-coréennes aux côtés de la Russie et la France discute d’un engagement militaire plus direct.
Nous devons dire stop à cette mécanique infernale. La France doit mener une politique étrangère non alignée et surtout tournée vers la désescalade et la paix. Nos camarades réfugiés politiques russes, persécutés par le régime de Poutine, nous le disent.
La solution ne peut être uniquement militaire, il faut mettre un terme aux objectifs impérialistes du conflit, tels que l’élargissement de l’OTAN ou de l’Union européenne, comme le propose votre résolution aux alinéas 49, 61 et 62. Au contraire, nous devons exiger des garanties démocratiques pour la paix, telles que l’autodétermination des peuples, l’égalité linguistique, la libération des prisonniers politiques.
Pour cela, il faut soutenir et renforcer la base en garantissant la protection des déserteurs et des opposants politiques. Nous devons intervenir dans le processus de paix en portant des objectifs humanistes. Comme les militants russes opposés à Poutine, il y a aussi des réfugiés politiques ukrainiens qui s’organisent pour la paix. Je vous demande d’en tenir compte. Je suis en contact avec plusieurs d’entre eux, et ils témoignent d’un état déplorable des libertés fondamentales en Ukraine, où l’état de guerre est utilisé pour réprimer les opposants. Un rapport de l’ONU, couvrant la période de septembre à novembre 2024, témoigne et atteste de violations des droits de l’homme, par exemple de tortures contre les objecteurs de conscience.
L’Ukraine continue de criminaliser l’opposition politique et syndicale. Par exemple, Tatiana Potapenko a été condamnée à cinq ans de prison pour avoir eu un engagement associatif humanitaire. Ces dérives autoritaires sont indignes d’un État qui aspire à rejoindre l’Union européenne.
Par ailleurs, Volodymyr Zelensky a vu son mandat prendre fin en mai 2024 et il n’est pour le moment pas question d’organiser des élections. Je vous demande, au nom de la France insoumise, de privilégier une conférence internationale sous l’égide de l’ONU ou de l’OSCE pour parler de paix. La paix n’est pas l’affaire des marchands d’armes, c’est l’affaire des peuples. Les peuples ukrainien et russe ont assez souffert.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. S’il faut en effet préparer la paix, il faut également veiller à être dans une position favorable pour négocier. Je reviendrai tout à l’heure sur les amendements que vous avez déposés, mais je vous invite à lire cette proposition de résolution européenne comme un tout. Ses différents articles sont complémentaires : ceux qui vont dans votre sens ne sont pas en contradiction avec les autres. Elle vise à permettre à l’Ukraine de se présenter à la table des négociations avec le plus d’arguments possibles pour faire valoir les valeurs humanistes que vous évoquiez. L’objectif n’est absolument pas de faire la guerre, mais bien de l’arrêter par tous les moyens.
Concernant le système politique de l’Ukraine, je partage en partie votre avis, mais ce n’est pas le sujet de cette proposition de résolution.
M. Thierry Sother (SOC). « La Russie pourrait mettre à l’épreuve la capacité de l’Union européenne à se défendre d’ici trois à cinq ans » a affirmé Kaja Kallas, la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le 22 janvier dernier. De nombreux services de renseignement européens ont en effet fait remonter de telles informations. D’ici trois à cinq ans, autant dire demain ! Est-ce que l’Union européenne sera prête à se défendre ? Ce n’est pas jouer à se faire peur que demander cela : la guerre est déjà là, en Ukraine.
Les socialistes n’ont eu de cesse de le répéter, aussi bien en France qu’au Parlement européen : la guerre de Poutine contre l’Ukraine est une guerre contre l’Europe. Ce sont nos démocraties, nos libertés, notre sécurité qui sont visées. Les cyber-attaques en Espagne et en République tchèque, les ingérences dans les élections présidentielles en Roumanie et en Moldavie, les campagnes de désinformation massives sont toutes l’œuvre de la Russie. Quand l’Ukraine se défend, elle défend l’Europe tout entière.
Voilà pourquoi nous avons exigé, dès le premier jour de la guerre, des sanctions exemplaires contre la Russie. Nous avons également appelé l’Union européenne à soutenir massivement la résistance ukrainienne, ce qu’elle a fait en partie. Mais les Européens doivent faire plus, dès maintenant. C’est notre sécurité et la maîtrise de notre propre destin qui sont en jeu.
Si la Russie de Poutine ne respecte que la force, les États-Unis aussi ont désormais à leur tête un dirigeant qui ne parle que ce langage-là. Pour Donald Trump, la paix est un deal qui vise à garantir les seuls intérêts économiques américains, comme le montre sa récente déclaration demandant un accès aux terres rares en Ukraine. Dans une telle configuration, la sécurité européenne risque d’être négociée sans l’Europe.
Si nous voulons nous maintenir à la table des discussions, nous devons intensifier l’aide à la résistance ukrainienne et utiliser l’ensemble des leviers à notre disposition pour peser dans le rapport de force. Or, nous avons sur la Russie un avantage considérable : les 200 Md€ d’avoirs publics russes qui sont gelés par les banques européennes. Alors que le quinzième train de sanctions contre la Russie a été mis en œuvre, un seizième est en cours de préparation. S’il était bien nécessaire de mettre un terme aux importations d’énergie fossile russe et d’utiliser les intérêts des avoirs russes gelés, ce n’est pas suffisant. L’Union européenne doit maintenant saisir ces avoirs et les affecter directement à l’aide à l’Ukraine, pour qu’elle puisse se battre aujourd’hui et se reconstruire demain. Si l’Europe a les attributs d’une puissance, elle doit désormais assumer le rapport de force.
Le groupe Socialiste soutient cette proposition de résolution européenne.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. La saisie des avoirs russes, et non seulement des intérêts qu’ils produisent, soulève des questions techniques et juridiques. Une telle saisie ne semble pas conforme au droit international, c’est pourquoi je n’ai pas retenu cette option. Mais s’il s’avérait, dans les semaines ou les mois qui viennent, qu’elle était possible, j’y souscrirai tout à fait. Il faudrait examiner au préalable les conséquences jurisprudentielles d’une telle décision dans les autres conflits.
M. Frédéric Petit (Dem). Je voudrais faire un rappel au règlement, sur le fondement du principe de séparation des pouvoirs garanti par la Constitution. Notre collègue a parlé tout à l’heure de mauvais jugements ou de jugements politiques. Mais si les parlementaires contrôlent le pouvoir exécutif, ils n’ont pas à juger l’action du pouvoir judiciaire.
Ce n’est peut-être pas notre guerre, mais c’est bien notre confrontation, comme j’ai pu l’exprimer le 22 février 2022 dans l’hémicycle. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit – vous connaissez mon engagement sur le sujet – et je me contenterai d’insister sur un point. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump consacre une approche transactionnelle, laquelle est souvent à l’opposé du droit. Je crains que ces transactions ne fassent passer les valeurs sous le tapis, comme le montrent quelques exemples concrets.
La fédération de Russie a ainsi changé sa Constitution, il y a un peu plus d’un an, pour intégrer à la terre de la Sainte Russie les quatre oblasts ukrainiens qu’elle revendique, alors que 30 % d’entre eux n’ont encore jamais vu un char russe. Si ce problème n’est pas résolu lors des négociations, dans une dizaine d’années, un président de la Fédération de Russie tout à fait pacifique pourra faire valoir qu’il est bien ennuyé mais que Kherson lui appartient et que sa Constitution l’oblige à défendre son territoire.
Deuxième exemple : l’extraterritorialité du droit russe. La justice russe a ainsi lancé un avis de recherche contre Kaja Kallas, en fondant sa compétence sur le fait qu’elle parle russe. Je rappelle également que le ministre des affaires étrangères russe, M. Lavrov, avait justifié l’agression contre l’Ukraine en arguant que si les Flamands étaient opprimés par les Wallons en Belgique, il aurait été normal que les Français les défendent. C’est entièrement faux : les Flamands sont des citoyens belges qui parlent le flamand, et non une minorité en Belgique.
Il faudrait encore évoquer la question des réparations civiles, ou celle du jugement des prisonniers, qui risquent elles aussi d’être oubliées dans la transaction. L’Union européenne devra être particulièrement vigilante sur ces points. En conséquence, mon groupe soutiendra la proposition de résolution européenne.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Ce sera en effet un deal, comme disent les Américains. Il faudra que nous soyons présents à la table des négociations, que nous défendions nos valeurs avec force, et que nous ne laissions de côté aucun élément du dossier. Nous avons besoin de l’ensemble des pays partenaires frontaliers avec la Russie, aussi bien l’Ukraine que la Roumanie, la Pologne, l’Estonie, qui constituent un véritable rempart face à la Russie – je parle ici des dirigeants russes, et non du pays, puisqu’il est évident que l’Europe devrait travailler au quotidien avec une Russie normalisée. Ces pays frontaliers pourront être confrontés demain à la même problématique que l’Ukraine aujourd’hui. Les négociations auront des conséquences sur le long terme. Aussi est-il crucial de ne rien oublier.
Mme Isabelle Rauch (HOR). Trois ans, cela fait maintenant bientôt trois ans que l’Ukraine mène un combat existentiel pour sa souveraineté et son intégrité territoriale. Notre soutien à cette PPRE rappelle notre attachement au droit international ainsi qu’à la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’invasion russe ne menace pas uniquement l’Ukraine mais remet en cause les fondements et la stabilité du continent européen. Il nous faut rester unis et fermes face à cette menace dans notre engagement en renforçant les capacités de défense de l’Ukraine et en accroissant notre autonomie stratégique.
La Russie s’est rendue coupable de crimes de guerre et de crimes contre les droits humains notamment par les attaques ciblées contre les civils et les infrastructures essentielles. Nous soutenons les initiatives envers les responsables de ces crimes pour que la justice soit rendue et qu’ils répondent de leurs actes.
Afin de tarir les ressources financières de la Russie nous appelons à un durcissement des sanctions ainsi qu’à une vigilance accrue contre leur contournement en renforçant les contrôles sur les flux commerciaux et financiers.
Notre groupe réaffirme ainsi son engagement envers une Ukraine libre et souveraine, une Europe forte et solidaire face aux menaces. Vos propos liminaires, Monsieur le rapporteur étaient parfaitement clairs. Le groupe Horizons et Indépendants votera en faveur de cette résolution, convaincu de la nécessité impérieuse d’un soutien renforcé de l’Ukraine face à l’agression.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Merci de votre soutien. Soutenir l’Ukraine, c’est soutenir la France.
Amendement n° 7 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). Nous souhaitons ajouter un visa, à la liste déjà longue que contient votre PPRE. Pour étayer votre alinéa 44, nous proposons de faire référence à la résolution du Parlement européen du 23 janvier 2025 relative à la désinformation et les falsifications de l’Histoire faites par la Russie pour justifier sa guerre d’agression contre l’Ukraine.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Avis favorable. Il s’agissait d’un oubli de ma part.
L’amendement n° 7 est adopté.
Amendement n° 8 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). Nous souhaitons à nouveau ajouter un visa après l’alinéa 22 pour faire référence au quinzième train de sanctions et mesures restrictives prises par l’Union européenne, décidé à la mi-décembre 2024. Nous souhaitons étayer votre alinéa 53 en renforçant la légitimité de votre argumentation en faisant référence à l’Union européenne.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Avis favorable.
L’amendement n° 8 est adopté.
Amendement n° 12 de M. Thierry Sother
Mme Thierry Sother (SOC). Cet amendement vise à condamner les ingérences russes dans le processus démocratique en Europe et dans son voisinage, en particulier dans les scrutins électoraux en Bulgarie, en Roumanie et en Géorgie. Il vise également à condamner la progression des forces pro russes en Europe centrale et orientale, qui par leur opposition à la poursuite du soutien à Kiev pourraient fragiliser le soutien à l’Ukraine.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Avis favorable sous réserve de rectification. La condamnation des ingérences russes dans le processus démocratique européen est bienvenue, l’Union européenne doit renforcer ses efforts pour l’empêcher. En revanche le second alinéa vise à condamner des évolutions politiques. Or, aussi regrettables qu’elles soient, celles-ci ne sont pas nécessairement liées aux ingérences évoquées dans le premier alinéa de votre amendement. La réponse politique générale qu’elles appellent n’a pas sa place dans cette PPRE. Je vous demanderai donc de supprimer le second alinéa de votre amendement.
Mme Thierry Sother (SOC). J’en suis d’accord.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’amendement ainsi rectifié est mis aux voix.
L’amendement n° 12 rectifié est adopté.
Amendement n° 11 de M. Thierry Sother
Mme Thierry Sother (SOC). Par cet amendement nous apportons notre indéfectible soutien à la résistance ukrainienne qui dure depuis plus de dix ans, depuis la première agression de la Russie de Vladimir Poutine en Russie. Après ces trois ans de guerre, l’Ukraine doit pouvoir compter plus que jamais sur le soutien humanitaire, financier, humain, militaire et diplomatique de la France ainsi que de l’Union européenne. Ces deux dernières doivent également réaffirmer leur volonté de faire échouer l’entreprise d’oppression russe entamée dès 2014. Il y va de la protection du peuple ukrainien et de la défense de notre vision du monde, respectueuse des peuples, protectrice des libertés et des valeurs démocratiques.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Avis favorable.
L’amendement n° 11 est adopté.
Amendement n° 17 de Mme Sophia Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise à conditionner l’aide publique européenne à l’Ukraine au respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux. Pour préparer l’avenir et la paix en Ukraine, toutes les sensibilités politiques existant en Ukraine doivent être respectées. La démocratie ukrainienne est à l’arrêt. Depuis mai 2024, aucune élection n’a eu lieu. Même si les raisons de l’arrêt du processus électoral sont évidentes en temps de guerre, il importe de peser sur la suite et de dire que ce temps-là doit s’achever, et que l’aide européenne à l’Ukraine sera conditionnée. Une amnistie générale doit être accordée aux déserteurs, aux objecteurs de conscience, aux opposants à la guerre en Ukraine emprisonnés et condamnés. Nous avons un rôle à jouer dans le processus de paix, comme vous l’avez rappelé M. le rapporteur. Nous ne pouvons pas laisser M. Donald Trump décider seul avec M. Vladimir Poutine de ce que sera la paix.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Avis défavorable même si je comprends votre intervention. En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur les déserteurs de guerre. L’Ukraine est une démocratie récente, en guerre, soumise à une agression qui dure depuis plus de dix ans maintenant. Le gouvernement a été démocratiquement élu, sa légitimité ne peut en rien être questionnée.
M. Frédéric Petit (DEM). Je suis défavorable à cet amendement. D’une part, la constitution ukrainienne est respectée : les élections peuvent être suspendues en cas de guerre. D’autre part, l’élection de 2015 s’est déroulée dans des conditions démocratiques. Les régions, dont le pouvoir est important, et qui lèvent l’impôt par exemple, sont pour la majorité d’entre elles tenues par l’opposition. Toutefois, cette opposition apporte son soutien au président Zelensky par respect de l’unité nationale face à l’agression russe. En outre, les dispositions de cet amendement seraient incontrôlables. Nous n’avons pas le droit d’aller en Ukraine, comment dès lors contrôler les mesures que l’on voterait ici ?
Mme Thierry Sother (SOC). La question de la conditionnalité me pose un problème au regard du soutien que nous devons apporter à l’Ukraine. Le chemin d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne nous protège des forces troubles, de l’absence de valeurs démocratiques et de la lutte contre la corruption.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Vous avez mis en avant un seul argument : l’absence de mandat du président Zelensky depuis mai 2024, la guerre ayant empêché la tenue de nouvelles élections. Or mon amendement porte sur le processus de paix et sur la conditionnalité au respect, à l’intérieur des frontières ukrainiennes, des valeurs démocratiques, des droits fondamentaux du peuple ukrainien. Ce sont des réfugiés ukrainiens, à Paris, qui m’ont aidé à écrire cette position : ils ont peur, une fois la paix signée, d’être jetés en prison pour désertion. Savez-vous quel est le droit actuel en Ukraine ? Si vous travaillez pour une multinationale, vous êtes exemptés ; si vous êtes doctorant en sciences économiques ou sociales, vous êtes enrôlés. Ce sont d’immenses injustices. Travaillons dès à présent à la paix pour le peuple ukrainien. Aidons les Ukrainiens à condition que leurs droits fondamentaux soient garantis et respectés dans le processus de paix : sans cela, vous acceptez la torture des objecteurs de conscience en Ukraine, l’Organisation des Nations Unies (ONU) l’a reconnu.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. J’aimerais simplement dire que nous n’acceptons pas la torture, Madame Chikirou ! J’ai dit que la temporalité aujourd’hui imposait d’abord de faire la paix et, ensuite - et vous l’avez dans le PPRE - nous fixons des conditions pour l’entrée de l’Ukraine dans l’UE, et dans ces conditions-là, il y a évidemment tous les points que vous avez donnés. Dans ma déclaration préalable, j’étais très clair : il faudra sauver l’Ukraine de ses propres démons après la paix. Si on le fait maintenant, on la fragilise. Aussi horrible que cela soit en période de guerre, il faut d’abord faire la paix et ensuite s’attaquer aux sujets que vous avez mentionnés. C’est une question de stratégie. Avis défavorable.
L’amendement n° 17 n’est pas adopté.
Amendement n° 9 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). C’est un amendement déposé par le président du groupe Ensemble pour la République, Gabriel Attal, qui est également depuis peu le président du groupe d’amitié, France-Ukraine. C’est à un amendement que nous avons tous - les commissaires EPR de cette commission - cosigné. Il insiste sur l’importance que les futures négociations - parce que nous savons qu’il y aura des négociations pour un cessez-le-feu, pour faire émerger une solution de paix, une solution politique durable - s’ouvrent au moment opportun. Bien évidemment, nous allons tous y travailler au moment qui sera choisi par les Ukrainiens. Nous souhaitons que, à la table des négociations, se tiennent l’Union européenne et les États européens. Nous souhaitons, par cet amendement du président Attal, réaffirmer la nécessité d’une présence active des Européens. Il s’agit de parler de la sécurité, de la paix et de la future architecture de sécurité en Europe et cela ne saurait se faire juste en face-à-face entre monsieur Trump et monsieur Poutine.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Cet amendement va dans le sens d’un renforcement du soutien à la défense de l’Ukraine. Je donne donc un avis favorable.
L’amendement n° 9 est adopté.
Amendements identiques n° 2 de M. Matthieu Marchio et n° 19 de Mme Sophia Chikirou
M. Matthieu Marchio (RN). Cet amendement propose de supprimer la mention relative à l’accélération de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Une telle initiative va à l’encontre des intérêts des États membres car il néglige les critères fondamentaux d’adhésion clairement définis par les traités européens. L’Ukraine ne répond pas aux exigences économiques, politiques et institutionnelles nécessaires à une telle intégration. Une adhésion précipitée risquerait de fragiliser la cohésion interne de l’Union et de l’affaiblir à long terme. Il était irréaliste et inconsidéré d’envisager l’adhésion d’un pays en guerre, ce qui entraînerait l’Union européenne dans une spirale d’instabilité et de conflit.
Mme. Sophia Chikirou (LFI-NFP). Mon amendement est défendu.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Refuser l’adhésion de l’Ukraine au motif de l’agression russe serait un début de capitulation pour nous. Il convient de rappeler que le point de départ du conflit en 2014 a été justement la pression exercée par la Russie pour empêcher le rapprochement entre l’Ukraine et l’Union européenne et je rajouterai - on l’oublie toujours - sa volonté d’adhésion à l’OTAN, c’est-à-dire la tentative russe de peser à la fois sur la politique extérieure de l’Ukraine et sur celle de l’Union, ce qui n’est pas acceptable. Enfin, s’agissant des critères d’adhésion, le texte de la résolution souligne clairement que ces derniers devront être respectés et n’invite en aucun cas à une adhésion précipitée.
M. Maxime Michelet (UDR). Je voudrais vous dire de faire très attention aux symboles et signaux qui peuvent gripper la machine diplomatique. Vous dites qu’il n’y doit pas y avoir d’adhésion précipitée : donc autant de pas précipiter non plus la candidature! Vous avez parlé d’une perspective conditionnée à la situation économique : je voudrais ajouter des conditions politiques de cohérence et de solidité de la construction européenne. Nous l’avons vu en 2022, l’Europe a été malheureusement tout à fait inaudible face à Vladimir Poutine, avant le déclenchement de la guerre, comme elle l’a été durant la guerre. Je crains qu’elle ne le soit aussi durant les négociations, alors que le président Zelensky a déclaré hier au Guardian que l’Europe ne serait pas la garantie de sécurité de l’Ukraine, mais que ce serait les États-Unis. Par conséquent, essayons de lutter contre ce phénomène de marginalisation. Si nous avons été marginalisés, c’est que l’Union Européenne est aujourd’hui devenue impuissante car elle a été construite de manière bringuebalante. Par conséquent, n’ajoutons pas un nouvel étage, un nouvel acteur à la complexité politique de la construction européenne, qui demain pourrait rendre l’Union encore plus immobile, et ne pas lui permettre de faire face aux prochains conflits, aux prochaines tensions géopolitiques.
M. Frédéric Petit (Dem). Je voudrais rappeler à tous nos collègues que l’Union européenne, ce n’est pas quelque chose dans lequel on rentre, dans lequel on s’enferme et dont on sort. Ce sont des traités et l’Ukraine est candidate. L’Union européenne ne s’élargit pas par captation. Elle s’élargit parce qu’il y a des gens qui demandent à y adhérer. Il y a une société ukrainienne qui a demandé de manière ultra-majoritaire à nous rejoindre. Nous avons des conditions, nous les avons données. Nous avons maintenant des équipes sur place, puisque la candidature a été acceptée. Je voudrais bien qu’on arrête de renverser les choses et de pratiquer cette espèce de simplification voire de simplisme consistant à dire que c’est l’Union européenne qui fait du « cherry picking ». Non, ils sont aujourd’hui candidats et rien d’autre.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera contre ces amendements - identiques d’ailleurs de la France Insoumise et du Rassemblement National. Nous soutenons tout à fait la perspective européenne de l’Ukraine, pays candidat dont la candidature a été acceptée et nous espérons que l’Ukraine, lorsqu’elle sera en paix, lorsqu’elle aura reconstruit un État de droit et mis en place des institutions pleinement démocratiques, pourra commencer sérieusement à envisager son adhésion à l’Union européenne. Dans l’alinéa 49 de la résolution portée par notre collègue Mazaury que je relis, il n’est nulle part question d’adhésion précipitée, d’intégration précipitée ou, d’accélération du processus. Nous avons des procédures, des critères d’adhésion et cela vaut pour la couverture de l’Ukraine comme pour les autres candidatures actuellement en phase de processus d’adhésion. Mais il nous semble important d’envoyer un message politique : oui, l’Union européenne souhaite que la perspective européenne, la perspective de rejoindre à la famille européenne, soit offerte à l’Ukraine.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Il faut supprimer l’alinéa 49, qui dit « Faciliter le processus d’adhésion et faire en sorte qu’il aboutisse dans les meilleurs délais ». On ne l’interprète pas la même façon : il s’agit bien d’une accélération du processus à mes yeux. Il ne peut pas être question de rabaisser le niveau d’exigence des critères d’adhésion à l’UE quand on sait désormais quelles sont les conséquences de l’élargissement de l’UE. Il ne s’agit pas de verser des larmes de crocodile pour nos agriculteurs français, puis de préparer leur mise à mort définitive par des élargissements qui auront un impact sur eux. Nous sommes très loin de voir l’Ukraine remplir les conditions d’une adhésion à l’UE. C’est peut-être secondaire pour vous, mais les droits fondamentaux, l’état de droit, la question de la corruption, la question de l’indépendance judiciaire : tous ces critères sont au rouge pour l’Ukraine. Donc nous ne soutenons pas l’accélération du processus, puisque nous savons que faire la paix, mettre en place un état de droit et lutter contre la corruption sont des processus qui prennent du temps. Si vous voulez accélérer, vous le ferez aux dépens de ces critères qui sont essentiels.
M. Thierry Sother (SOC). Il n’est pas possible pour mon groupe de soutenir ces deux amendements, qui visent l’alinéa 49. Ce dernier n’appelle en rien à une accélération du processus d’adhésion à l’UE qui est long, complexe et codifié par les traités européens. Le fait que la candidature ait été exprimée et acceptée par l’UE permet à l’Ukraine de rentrer dans un processus qui viendra contrôler les aspects démocratiques, judiciaires et économiques de ce pays tout au long de ce parcours. L’adhésion doit rester comme une finalité qui est importante par rapport au combat que mènent les Ukrainiennes et ukrainiens depuis bientôt trois ans, et qui constitue une véritable boussole dans leur action et détermination quotidienne.
M. Sylvain Maillard (EPR). Tout le monde parle, mais pas de la même chose. Évidemment, il faut rappeler qu’il n’y a aucune accélération, mais juste une perspective d’adhésion : c’est un souhait des Ukrainiens et une perspective importante pour leur pays, et ça va prendre du temps – ils le savent très bien. Pour adhérer à l’UE, ce n’est pas à la carte en fonction du pays. Il y a des conditions très importantes, qui sont fixées dans nos traités. N’ayons pas de vision politique ! J’entendais mon collègue de l’UDR toute à l’heure : ce qu’il souhaite, c’est qu’il n’y ait jamais d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Nous, nous souhaitons qu’il y ait une possibilité. C’est un pays candidat, et nous voulons l’accompagner sur ce chemin.
M. Frédéric Petit (Dem). Il s’agit de rappeler que les Ukrainiens ont le record de rapidité entre la demande de candidature et l’acceptation des conditions de candidature. Il s’est écoulé six mois : ils l’avaient annoncé, ils l’ont fait. Ce sont eux qui ont accéléré ! Je voudrais aussi rappeler à mon collègue que le critère d’état de droit fait évidemment partie des conditions d’adhésion. Faciliter ne signifie pas accélérer, mais des choses très concrètes faites en temps de guerre : envoyer Expertise France, des gens dans les collectivités territoriales, des shadow cabinet dans les régions pour expliquer comment lever l’impôt. Il y a des demandes très importantes et des Français sont déjà sur place, notamment ceux qui vivent en Ukraine. En ce qui concerne les agriculteurs, la France est déjà présente sur place pour expliquer au Ministère de l’agriculture ukrainienne ce qu’est une agriculture durable. Aujourd’hui, l’Ukraine a peut-être une agriculture volumineuse, mais elle n’est pas durable. Il faudra donc qu’ils fassent des efforts, sinon ils ne rentreront pas. Faciliter ne veut donc pas dire abaisser les standards, mais accompagner le processus.
M. Maxime Michelet (UDR). Cet alinéa ne nous semble pas se contenter de prendre acte d’une candidature. Non seulement il y a « faciliter », mais aussi « faire en sorte qu’il aboutisse dans les meilleurs délais ». Cela signifie que la France, par notre voix, soutient le processus d’adhésion. Nous sommes contre l’adhésion de manière absolue et nous l’assumons, mais ce texte – nous le craignons – déclare au nom de la France qu’elle soutient la finalité de l’adhésion de l’Ukraine. Ce texte ne prend donc pas simplement acte d’une candidature. Il faudrait peut-être se prémunir d’empoisonner de nouveau la construction européenne avec une candidature qui pourrait diviser les États et les nations européennes, comme ça a été le cas pour la candidature turque pendant des décennies. Il ne faudrait pas répéter cette erreur.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Faciliter le processus d’adhésion ne veut pas dire rendre l’adhésion réelle, mais bien faciliter le processus. Madame Chikirou, pardon mais vous avez dit que peut-être que les valeurs humaines étaient secondaires pour moi : pas du tout ! Je m’inscris en faux. Vous oubliez d’ailleurs la fin de la phrase de l’alinéa 49, « dans le respect des critères d’adhésion actuellement en vigueur », ces dernières contenant bien évidemment le respect des droits humains et du droit international. Ce n’est pas parce que nous voulons faciliter un processus, que nous allons faire fi du respect des critères d’adhésion, entre autres sur la question de la corruption. Je tiens à vous rassurer sur ce point.
Les amendements n° 2 et n° 19 ne sont pas adoptés.
Amendement n° 1 de M. Frédéric Petit
M. Frédéric Petit (Dem). Cet amendement demande que les actions de formation militaire mises en place depuis le début de la guerre – 200 personnes en France et en Pologne, puis sous la forme d’un bataillon à Reims, avaient également lieu à l’arrière du front. Je sais que cet amendement sera compris comme s’il appelait à aller se battre, mais pas du tout : c’est une formation, c’est le troisième étage de la fusée de formation, qui par ailleurs se passe très bien. Deuxièmement, je suis contre l’armée européenne, mais je suis pour la défense européenne. Cette dernière se construira par travail entre les différentes armées. Or, ce travail de formation a favorisé ce que l’on appelle sur le terrain une « fraternité d’armes » qui sera utile, comme le sera le fait de réduire le nombre de modèles d’avions et de chars que nous avons dans l’UE. Il est important que la formation, les allers-retours, les retours d’expériences, en particulier sur la guerre électronique, se rapprochent du front. Nous avons tous à y gagner, y compris nous, Français.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. J’émettrai un avis défavorable, même si je comprends tout à fait les éléments indiqués par M. Frédéric Petit. C’est une chose d’aider en accompagnant certains moyens sur son territoire, c’en est une autre de le faire à l’extérieur. Nous pensons, pour en avoir parlé entre autres avec les Ukrainiens, que cela impliquerait de facto ce qui serait assimilé à une présence militaire de la part des pays mettant en œuvre ces formations sur le sol ukrainien. Par conséquent, l’Ukraine étant un pays souverain dont le territoire est reconnu, s’y refuser reviendrait à reconnaître un droit de regard de la Russie, ce qui serait contraire à nos principes comme à notre politique. Cependant, envoyer des militaires en territoire ukrainien, même pour une formation, représente dans les faits une escalade, ou pourrait du moins être interprété comme tel. La Russie considérant le territoire entier de l’Ukraine comme une zone de guerre, il convient de tenir compte de nos propres capacités à agir si ces formateurs étaient eux-mêmes visés par une action quelconque de la part de la Russie. Cela signifie en effet que nous serions dans une situation qui nous amènerait peut-être à devoir les défendre. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable, même si je comprends tout à fait le sens de l’amendement présenté.
M. Frédéric Petit (Dem). Je voudrais tout d’abord rappeler qu’il y a des Français vivant en Ukraine et qu’ils sont bombardés. Par ailleurs, lorsque vous mentionnez le terme d’escalade je souhaite indiquer que nous sommes observés par des drones russes là-bas et que nous sommes considérés déjà comme des belligérants. Enfin, je rappelle que la Russie considère l’Ukraine comme un territoire russe. La Russie a fait inscrire dans sa constitution que les quatre oblasts, donc bien au-delà du front actuel, font partie de la terre de la « Sainte Russie ».
M. Sylvain Maillard (EPR). Mon groupe et moi considérons que nous vivons un moment important. Nous entendons les réticences du rapporteur mais l’ensemble des arguments développés par notre collègue Frédéric Petit sont pertinents. Nous ne devons pas intégrer nous-même l’ensemble des désidératas des Russes. Nous formons les Ukrainiens en France, non sans certaines difficultés dont il a été d’ailleurs fait écho. La perspective de les former sur place est de bon aloi et nous voterons en faveur de cet amendement.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 3 de M. Matthieu Marchio
M. Matthieu Marchio (RN). Cet amendement propose de supprimer les dispositions appelant à un renforcement des sanctions sur l’énergie. Bien que la fermeté diplomatique soit indispensable pour défendre nos positions, ces sanctions n’ont pas montré leur efficacité. Pire encore, elles risquent de nuire gravement à notre économie, en particulier dans les secteurs énergétique et industriel. Les sanctions actuelles pénalisent nos entreprises et entravent leur compétitivité, exacerbant les difficultés économiques que nos concitoyens doivent déjà affronter et rendent de ce fait toute aide future à l’Ukraine plus difficile. Nous devons donc revoir ces mesures et adopter une approche plus équilibrée qui ne mette pas en péril notre prospérité tout en maintenant un soutien humanitaire cohérent.
M. Laurent Mazaury (LIOT). J’émets un avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment développées. D’ailleurs, lorsque nous avons rencontré l’ambassadeur d’Ukraine en France, il nous a indiqué que, contrairement à ce qui est pensé en Europe, ces sanctions ont prouvé leur efficacité avec une tension très importante sur la capacité de production d’une part, et l’obligation pour la Russie d’aller se servir en armes et même en hommes dans d’autres pays « proxies » de la Russie.
L’amendement n° 3 n’est pas adopté.
Amendement n° 13 de M. Thierry Sother
M. Thierry Sother (SOC). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa invitant les pays exportateurs de combustibles fossiles à accroître leur production. Si nous partageons le constat de l’importance des répercussions sur les marchés de l’énergie - à travers la fluctuation des prix et les inquiétudes quant à la sécurité de l’approvisionnement énergétique - de la guerre injustifiée et non provoquée menée par la Russie contre l’Ukraine, nous ne plaidons pas pour une solution qui engendrerait une hausse de la production des combustibles fossiles et nous éloignerait dès lors de l’accord de Paris.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Je comprends tout à fait votre intervention. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’échanger avec un certain nombre de députés sur le sujet. Néanmoins, la situation de la guerre nous semble devoir favoriser un accroissement, au moins temporaire, de la production. Et même si l’accord de Paris doit nous pousser dans le sens d’une décarbonation de l’énergie, les échanges que nous avons eus avec l’ambassadeur d’Ukraine en France nous amènent à devoir aller dans ce sens pour un temps. J’émets donc un avis défavorable même si, là aussi, je comprends le sens de votre amendement.
M. Frédéric Petit (Dem). Je pense qu’il faut sortir d’une vision franco-centrée voire européo-centrée. Si la planète arrive à réaliser la transition énergétique, je vous rappelle, chers collègues, que pour que deux tiers de l’humanité ne meurent pas de faim demain matin, nous allons encore avoir besoin de trente années d’utilisation des énergies fossiles. C’est mathématique. Nous décarbonons bien évidemment en France mais certains pays réalisent la transition en utilisant encore des énergies fossiles. Certains pays ne pourront pas participer à la décarbonation de la planète avant une trentaine d’années. Nous n’allons pas condamner ces pays.
Mme Constance Le Grip (EPR). J’ai écouté les différentes interventions de MM. Sother et Petit. Notre groupe va voter cet amendement. Nous comprenons les arguments géopolitiques mais ces éléments n’ont pas tout à fait leur place dans une résolution européenne politique.
L’amendement n° 13 est adopté.
Amendement n° 6 de M. Matthieu Marchio
M. Matthieu Marchio (RN). Cet amendement vise à supprimer la disposition qui préconise d’interdire toute importation de combustible fossile russe, une mesure mettant gravement en danger notre indépendance énergétique. Cette disposition, bien qu’orientée par des considérations géopolitiques, ignore gravement les réalités du marché énergétique et les conséquences économiques qu’elles pourraient causer à nos industries et à nos ménages. Nous ne sommes pas prêts à nous passer de ces sources d’approvisionnement. Ce choix a conduit à une flambée des prix de l’énergie pénalisant la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat de nos ménages européens. Il faut donc revoir cette disposition et adopter une approche plus réaliste qui ménage à la fois notre indépendance énergétique et notre soutien à l’Ukraine.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Je suis déjà intervenu sur ce sujet. Je tiens à rappeler que nous n’interdisons pas mais invitons à des restrictions. Nous enjoignons nos partenaires européens à limiter au maximum. J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement n° 6 n’est pas adopté.
Amendement n° 14 de M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother (SOC) : Cet amendement propose de réécrire l’alinéa 56 afin de préciser notre souhait d’affecter non seulement les intérêts mais également les actifs russes gelés sur le territoire européen à la résistance ukrainienne et à la reconstruction de l’Ukraine. Nous pensons que cet amendement doit permettre d’utiliser les avoir russes pour financer la guerre d’aujourd’hui et la reconstruction de demain. J’entends les questionnements juridiques du rapporteur dans son propos préalable mais aujourd’hui rien ne l’interdit. Sur ce sujet, nous ne sommes pas dans un vide juridique car il y a des précédents et nous pensons qu’il faut aller de l’avant et pouvoir faire usage de ces actifs.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. J’avais préparé une longue note technique que vous avez résumée. Je demeure défavorable. À ce stade, la piste d’une confiscation pure et simple des actifs russes ne semble pas stabilisée juridiquement. Toutefois, politiquement, je souscris à vos propos et je comprendrais que vous souhaitiez porter cette proposition.
M. Frédéric Petit (Dem). C’est un sujet dont nous avons tous beaucoup parlé. Je crois qu’on ne peut pas se battre contre les non-démocraties avec des outils non-démocratiques et non juridiques. On appelle au respect du droit international, il ne faut pas descendre dans « le bac à sable ». Quand nous serons dans la phase d’après, quand il y aura, et s’il y a, un accord, il faudra évidemment refuser qu’on nous dise : « On ne peut pas réparer nos dégâts civils et militaires ». Les bombardements sur un hôpital sont un dégât civil. Ce qui a été détruit systématiquement devra être réparé par l’agresseur. On pourra alors dire dans un accord : « Vous avez les moyens ».
Transgresser le droit international de manière unilatérale se retournera contre nous, à court et peut-être aussi à long terme. Le droit des avoirs dans un autre pays est compliqué. Je rejoins l’analyse de M. Laurent Mazaury et je serais très prudent à ce sujet.
Mme Constance Le Grip (EPR). Nous avons été plusieurs à cosigner une proposition de résolution, initiée par M. Benjamin Haddad et M. Julien Bayou sous la mandature précédente. Celle-ci proposait d’aller au-delà de la simple utilisation des intérêts et d’envisager le chemin juridique pour aller jusqu’à l’utilisation des avoirs russes gelés.
Je suis consciente du flou juridique qui entoure cette question. Cependant, il faut être réaliste et saisir l’opportunité de cette proposition de résolution européenne pour émettre un message politique. Des masses d’argent considérables sont gelées dans les pays de l’UE et au-delà depuis de nombreuses années.
L’amendement n° 14 est adopté.
Amendement n° 15 de M. Thierry Sother
M. Thierry Sother (SOC). Cet amendement vise à préciser et compléter les questions de l’alinéa 57, notamment dans l’objectif de reconstruction de l’Ukraine. Il vise également à prévoir une intervention plus forte sur les questions de transport, notamment du rail, qui seront essentielles dans ce corridor européen, ainsi que des questions de déminage. En effet, l’Ukraine détient un triste record concernant les mines posées sur son territoire.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Étant donné que nous ne voulons privilégier aucun secteur, je pense à la construction et à l’agriculture, je donne un avis défavorable. Ce matin, en réunion de commission affaires étrangères sur la Syrie, nous expliquions qu’un des points d’entrée de la reconstruction est de commencer par le déminage. Cependant, la rédaction de l’amendement est trop restritive.
L’amendement n° 15 est adopté.
Amendement n° 18 de Mme Sophia Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement propose de mettre en place un dispositif d’accueil et de protection temporaire pour les ressortissants russes qui font l’objet de persécutions en raison de leur opposition à la guerre en Ukraine : des objecteurs de conscience, déserteurs de l’armée russe, militants pacifistes, journalistes, syndicalistes réprimés. L’objectif est de faciliter les conditions d’accueil, aussi bien par la France que par l’UE.
Pour avoir été très proche d’eux ces trois dernières années, c’est souvent un parcours du combattant. Mon mouvement, LFI, est intervenu pour les aider, en France et en Allemagne. Il faut attendre 18 mois pour obtenir l’asile et pouvoir travailler. Ensuite, ils sont souvent exploités par des réseaux internationaux. La solidarité entre réfugiés russes et ukrainiens s’exprime aussi à Paris car les exilés se retrouvent dans des situations d’exploitation.
Il s’agit ici de garantir les meilleures conditions d’accueil pour ces réfugiés russes jusqu’à ce que la paix leur permette d’avoir une amnistie générale et de retourner dans leur pays comme ils le souhaitent.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Je donne un avis favorable à cette proposition.
L’amendement n °18 est adopté.
Amendement n° 5 de M. Matthieu Marchio
M. Matthieu Marchio (RN). Cet amendement vise à supprimer l’appel à une extension des garanties de sécurité. La proposition risquerait d’engager la France et ses partenaires européens dans un conflit armé. En l’état, cet appel manque de clarté et prévoit l’extension des garanties de l’article 5 de l’Otan à un pays qui n’en fait pas partie et ce, de manière imprécise.
De plus, l’extension de l’article 42 du traité sur l’Union européenne pourrait nous entraîner immédiatement dans une escalade militaire sans réflexion sérieuse sur les conséquences. L’extension de telles garanties, qui sont au cœur de notre alliance, ne doit pas être envisagée sans que les devoirs et les engagements associés soient pris en compte.
Il est irresponsable d’envisager un tel engagement militaire sans en mesurer les répercussions géopolitiques. Comme l’a rappelé le président Zelensky, l’heure est à la diplomatie et à la négociation. Nous devons éviter à tout prix des actions impulsives ou bellicistes qui pourraient plonger l’Europe dans une situation incontrôlable et hasardeuse.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. L’alinéa 62 n’appelle nullement à une extension des articles 5 de l’Otan ou 42 du TUE mais à la mise en place de garanties de sécurité adaptées à la situation particulière de l’Ukraine, préalablement à son éventuelle future adhésion à l’Otan ou à l’UE.
S’il est possible que des négociations soient engagées dans les semaines ou les mois qui viennent, rien n’indique que la Russie soit sur le point de renoncer réellement à ses ambitions sur l’Ukraine et tout indique que la seule alternative réaliste à la guerre est celle d’une paix armée pour une durée indéterminée. Je donne donc un avis.
L’amendement n° 5 n’est pas adopté.
Amendement n° 20 de Mme Sophia Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement cherche à veiller à ce que les garanties ne s’inscrivent pas dans une logique d’expansion de l’Otan mais plutôt dans une démarche de désescalade et de sécurité collective. Vous connaissez la position de LFI concernant l’Otan, vous savez que son élargissement et la volonté affichée d’intégrer de nouveaux États sont mal perçus par la Russie dans le cadre d’un processus de paix.
Si j’entends votre stratégie de « montrer les muscles », plus que jamais quand la paix se négocie, il faut aussi savoir montrer des signes d’apaisement qui n’empêchent pas la paix de se faire. Nous proposons une rédaction nouvelle de l’alinéa 62.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Je donne un avis défavorable à cet amendement, pour les mêmes motifs que ceux évoqués précédemment : nous n’appelons nullement à un renforcement de l’adhésion à l’OTAN ; en revanche nous laissons la liberté à l’Ukraine de leur faire.
L’amendement n° 20 n’est pas adopté.
Amendement n° 16 de Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Il s’agit d’inviter le gouvernement français ainsi que ses partenaires européens à entrer dans les discussions pour la paix en privilégiant une initiative sous l’égide de l’ONU ou de l’OSCE car on ne peut pas accepter que la paix soit discutée de façon opaque entre un président américain et un président russe qui paraissent davantage préoccupés par des enjeux commerciaux et économiques que par le bien-être des peuples russes et ukrainiens. La paix ne semble être pour eux qu’un accord transactionnel et commercial au service d’une nouvelle alliance de pouvoir. Pour nous, peuples européens, la paix est notre existence même. Il est important de remettre le droit international au cœur des négociations car c’est tout ce dont nous disposons pour nous protéger face à l’autoritarisme des deux présidents russe et américain et, peut-être demain, du pouvoir ukrainien comme certains réfugiés qui craignent l’arrivée au pouvoir d’un militaire après le président Zelensky.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. J’émets un avis défavorable parce que, si l'hypothèse de négociations prochaines doit être prise en considération, rien à ce stade n'a été proposé et la position de la Russie reste très éloignée de ce qui semblerait acceptable pour entamer des pourparlers. En réalité, il me semble prématuré de proposer dès à présent un cadre particulier s'agissant d'un conflit dont les implications sont fortes pour les pays de la région. Il semble plus logique que des négociations se tiennent avant tout entre les pays les plus directement impliqués, même si les Nations Unies ont certainement un rôle à jouer.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). L’amendement propose un autre cadre que l'ONU, pour lequel vous pourriez émettre un avis favorable, qui est l'OSCE.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Je maintiens mon avis défavorable parce que je considère que ces négociations seraient prématurées, même si je comprends bien la volonté d'avoir un tiers pour permettre des négociations plus sereines et plus efficaces au niveau international.
L’amendement n° 16 n’est pas adopté.
Amendement n° 10 de Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). Cet amendement a été déposé par Gabriel Attal en sa double qualité de président du groupe EPR et de président du groupe d’amitié France-Ukraine. Il vise à réaffirmer l’importance du destin de l’Ukraine pour la sécurité et la paix collective de l'Union européenne.
M. Laurent Mazaury, rapporteur. Avis favorable.
L’amendement n° 10 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution ainsi modifié est adopté.
La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous examinons maintenant la proposition de résolution présentée par notre collègue Nicolas Metzdorf appelant à condamner les ingérences de l’Azerbaïdjan et du « Groupe d’initiative de Bakou » en Nouvelle Calédonie et dans des Outre-mer.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, l’ingérence étrangère n'est ni une fiction, ni une exagération, ni une crainte disproportionnée. C'est une réalité qui frappe notre pays, menace notre souveraineté et vise à affaiblir méthodiquement la France.
Nous avons cru jusqu’ici que les conflits entre États se réglaient par la diplomatie ou, dans les cas extrêmes, par des interventions militaires conventionnelles. Toutefois la guerre moderne a changé de visage. Aujourd'hui, l'agression ne passe plus forcément par des chars ou des missiles : elle prend la forme d'opérations invisibles, sournoises et insidieuses visant à déstabiliser les démocraties de l'intérieur.
L’ingérence, c'est l'instrument de ceux qui veulent affaiblir nos institutions sans jamais nous déclarer officiellement la guerre. C'est une guerre hybride qui se mène dans l'ombre, par la désinformation, la manipulation des opinions publiques, l'infiltration politique et le cyber espionnage.
Dans cette guerre nouvelle, nos territoires ultramarins sont en première ligne parce qu'ils sont à la fois la manifestation de notre force et de notre vulnérabilité.
Ils sont notre force : grâce à eux notre présence est assurée sur tous les continents. Mais ils sont également notre vulnérabilité : éloignés de l'hexagone, ils sont souvent sous-estimés dans la gestion des crises et plus exposés aux tentatives de déstabilisation. La Nouvelle-Calédonie est là pour le rappeler.
Mon rapport démontre avec une précision implacable que la Nouvelle-Calédonie et les autres territoires ultramarins ont été victimes d'une opération de déstabilisation orchestrée par une puissance étrangère : l'Azerbaïdjan.
Par l'intermédiaire du « groupe d'initiative de Bakou », Bakou a méthodiquement infiltré les milieux indépendantistes pour alimenter les tensions locales et affaiblir l'autorité de l'État.
Cette ingérence a pris plusieurs formes : financement et soutien logistique à des groupes indépendantistes radicaux visant à les renforcer politiquement et médiatiquement, propagation de fausses informations – notamment après les émeutes du 13 mai 2024 – et cyberattaques contre les infrastructures publiques de communication.
L’objectif est clair : créer un climat de chaos et d’instabilité pour pousser l'opinion publique locale à la défiance envers l'État et in fine affaiblir notre présence outre-mer.
Soyons lucides : ce qui s'est passé en Nouvelle-Calédonie est un précédent mais non une exception !
Ce rapport met en évidence une tendance inquiétante : les territoires ultramarins sont devenus la cible privilégiée des ingérences étrangères. En effet, les États souhaitant affaiblir et fragiliser la France savent que nos territoires d'Outre-mer sont les points névralgiques de notre influence mondiale.
La Polynésie française assure une présence militaire et stratégique dans le Pacifique, épine dans le pied pour certaines puissances régionales. En Guyane, les richesses naturelles et le centre spatial de Kourou attisent les convoitises. Aux Antilles, la montée des revendications sur la vie chère est un terrain propice aux manipulations extérieures.
L'enjeu est donc bien national. En laissant nos territoires ultramarins devenir des terrains de jeu pour les puissances étrangères nous laissons affaiblir l’entièreté de notre souveraineté nationale.
Nous devons réagir et nous devons le faire maintenant. Face à une telle offensive, notre réponse doit être forte, l'État ne peut plus avoir une réaction tardive et dispersée. Notre réponse doit être structurée pour protéger nos institutions, nos populations et notre souveraineté.
Je formule ici quatre exigences : sanctionner les ingérences étrangères, geler les avoir des organisations et des individus impliqués dans ces opérations, expulser du territoire les agents qui participent à ces manœuvres et intégrer la lutte contre l'ingérence dans nos outils de sécurité nationale.
En réponse à ces attaques hybrides, il nous faut renforcer notre résilience, développer un observatoire permanent des ingérences étrangères en étoffant la cellule de surveillance et de veille des ingérences numériques du ministère de la défense (Viginum). Il nous faut également éduquer et informer nos concitoyens, et surtout mobiliser l'Europe pour proposer une réponse coordonnée car nos territoires d'Outre-mer sont aussi les représentants de l'Union européenne à travers le monde.
Nous devons inscrire la lutte contre les ingérences étrangères dans les priorités de l’Union européenne. L’Europe doit pouvoir se doter d'un cadre juridique strict appelant des sanctions automatiques contre les États menant des campagnes de déstabilisation. La France n’est pas la seule puissance menacée, toutes les démocraties le sont.
La naïveté n’a plus sa place : nous devons comprendre que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de confrontation internationale où les guerres invisibles ne seront pas moins destructrices. La Nouvelle-Calédonie a été la première cible. Demain, les cibles pourront être la Polynésie, la Guyane voire la Corse.
La souveraineté française ne peut pas rester un concept abstrait, elle doit être défendue avec fermeté. Ce rapport lance un signal d'alarme. À nous d'y répondre avec la détermination qu'exige la situation car protéger nos territoires ultramarins, c'est aussi protéger la France.
M. Frédéric Petit (Dem). Le rapporteur a très bien mis en évidence deux sujets importants : l’émergence d’une menace nouvelle de déstabilisation menée par une guerre hybride de désinformation, ainsi que la création, par l’Azerbaïdjan, de structures nouvelles pour y parvenir.
Toutefois, certains termes doivent être précisés car, comme l’énonçait Albert Camus, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ».
Tout d’abord, il faut préciser quel est le rôle des réseaux sociaux durant une campagne électorale. J’entendais hier un haut dignitaire américain affirmer qu’utiliser un réseau social pour donner son avis n’est en rien condamnable. Certes, il n’est pas interdit de critiquer son gouvernement sur un réseau social même durant une campagne électorale. L’utilisation d’un réseau social est un droit comprenant notamment celui de donner un avis sur des élections se déroulant dans un pays étranger, cela ne consiste en rien en de l’ingérence.
L’ingérence consiste à ne pas respecter les règles de la campagne électorale en utilisant des moyens détournés, non déclarés, secrets et déstabilisants, pour désinformer et induire en erreur les citoyens, comme cela a été le cas en Roumanie, et en Nouvelle-Calédonie par exemple.
Ensuite, il faut s’interroger par ce que l’on entend par multilatéralisme. Il existe une contradiction flagrante, peu relevée : pour critiquer l’émergence d’un nouveau multilatéralisme, tel que le Sud global, on utilise le même terme de multilatéralisme, de manière arbitraire, comme pour désigner le groupe d’initiative de Bakou (BIG). Pour que notre combat contre la guerre hybride, porte il nous faut être précis. Nous devons prendre de la hauteur.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je partage votre point de vue. L’émergence d’une nouvelle forme de guerre nécessite d’être précis et de bien nommer les choses. Toutefois, la difficulté pour bien les nommer réside justement dans leur nouveauté même. Ces nouvelles formes d’ingérences prennent parfois une forme autonome. Nous apprenons en marchant. Sans cesse, nous devons nous adapter aux réseaux sociaux ainsi qu’aux nouveaux moyens mis en œuvre par les ennemis de la France. Nous n’en sommes qu’aux commencements de la lutte contre les ingérences. La cellule Viginum du ministère de la défense fait un travail exceptionnel qu’il importe de saluer. Pour continuer le combat il importe de renforcer ses moyens.
M. Matthieu Marchio (RN). L’ingérence de l'Azerbaïdjan en Nouvelle‑Calédonie est une attaque directe contre la souveraineté française. Depuis plusieurs mois, des tentatives répétées de déstabilisation dans nos territoires d’Outre-mer sont orchestrées par un régime autoritaire qui cherche à exploiter les tensions locales pour servir ses propres intérêts géopolitiques. Le Rassemblement national a toujours défendu des positions claires et fermes : la souveraineté de la France sur l’ensemble de ses territoires n’est pas négociable. Ces derniers mois, nous avons vu la multiplication des actes hostiles en provenance de Bakou, allant de la propagande sur les réseaux sociaux jusqu’à l’organisation de sommets internationaux réunissant des mouvements indépendantistes dont certains prônent ouvertement la rupture avec la République. Nous dénonçons avec la plus grande fermeté ces ingérences inacceptables. Nous saluons la décision du Gouvernement français qui a refusé de se rendre à la conférence des Nations Unies sur le climat (COP 29), à Bakou, en raison des provocations répétées envers la France du président azerbaïdjanais M. Ilham Aliyev. Ce geste diplomatique, bien que tardif, était nécessaire pour envoyer un signal clair indiquant que la France ne se laissait pas dicter sa politique par un régime étranger hostile.
Néanmoins, il nous faut aller plus loin : la France doit renforcer ses dispositifs de surveillance et de lutte contre la désinformation, notamment en outre-mer où ces manipulations étrangères visent à attiser les tensions sociales et politiques. Il est inacceptable que l'Azerbaïdjan puisse utiliser ces territoires comme terrain d’expérimentation pour mettre au point ses stratégies de déstabilisation.
La coopération avec nos partenaires européens et internationaux doit être renforcée afin d’identifier, contrer et prévenir toute tentative d’ingérence étrangère visant à affaiblir l’intégrité de notre territoire national. Il y va de la stabilité de la Nouvelle-Calédonie, de celle de Mayotte mais également de l’ensemble de nos territoires d’Outre-mer et plus largement de notre souveraineté. Le Rassemblement national défend l’intégrité de nos territoires face à ces menaces extérieures et exige une réponse forte et déterminée de la part de l’État.
La souveraineté de la France ne se discute pas, elle se protège.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je soutiens bien évidemment la défense de la souveraineté nationale. Combien même on aurait des débats internes sur la question du statut de nos territoires et leur évolution institutionnelle, ceux-ci ne concerneraient que la France. Cette réponse ne vous est évidemment pas directement adressée.
La proposition de résolution européenne (PPRE) ne dit pas autre chose : l’évolution institutionnelle des territoires ultra marins ne concerne que la France, les territoires ultra marins et les citoyens français. La souveraineté de la France, c’est laisser le choix à la France de décider par elle-même quelle évolution elle souhaite pour ses territoires.
Mme Constance le Grip (EPR). Le groupe Ensemble pour la République (EPR) tient à saluer l’initiative de cette proposition de résolution européenne. Le groupe EPR soutient en particulier, l’engagement fort et déterminé de son rapporteur pour dénoncer les ingérences récentes et déstabilisatrices de l'Azerbaïdjan et du « Groupe d’Initiative de Bakou » en Nouvelle-Calédonie et plus précisément dans l’ensemble des territoires d’Outre‑mer.
Cette guerre hybride, menée par l’Azerbaïdjan, contre la France et ses territoires ultra marins est très documentée. Vous avez, en effet, cité à plusieurs reprises Viginum, le service en charge de la détection des ingérences numériques étrangères, rattaché au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Dans un rapport publié le 2 décembre 2024, ce service a documenté avec précision les manœuvres de déstabilisation, manipulations et désinformations orchestrées par l'Azerbaïdjan. Nous devons dénoncer les manœuvres du Groupe d’Initiative de Bakou derrière lequel se cache la voix du président azerbaïdjanais, M. Ilham Aliyev. Ces manœuvres se déroulent dans un climat de tension alors que nos relations diplomatiques avec l’Azerbaïdjan se sont refroidies à cause du soutien apporté par la France à l’Arménie.
Nous devons notamment dénoncer l’ingérence azerbaïdjanaise dans l’organisation d’un congrès pour créer le Front international de décolonisation (FID) sur le sol même de la France, en Nouvelle-Calédonie. Nous devons fermement dénoncer ces manœuvres étrangères qui, sous couvert de lutter contre un supposé néocolionalisme du gouvernement français, s’attaquent en réalité directement à l’intégrité du territoire de la France. Le groupe EPR votera en faveur de cette résolution.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je vous remercie pour votre soutien. Vous avez prononcé le nom d’un pays important, l’Arménie. Personne n’est dupe, personne ne croit à un intérêt marqué de l'Azerbaïdjan pour nos territoires ultramarins. L’intérêt de l’Azerbaïdjan pour ces territoires n’est qu’une manœuvre orchestrée pour déstabiliser la France en représailles de son soutien à l’Arménie.
Les territoires ultramarins ne peuvent pas être ceux qui paieront pour les différends politiques en Europe. Nous, ultramarins, qui défendons la souveraineté de la France, nous défendons aussi la souveraineté de l’Arménie. Nous ne pouvons céder, ni à la pression, ni à la menace exercée par l'Azerbaïdjan pour faire cesser notre soutien à l’Arménie. Ce sont des combats que nous devons mener de front. J’ai échangé à plusieurs reprises sur cette question avec l’ambassadrice de France en Arménie. Je vous remercie, Madame Constance Le Grip, d’avoir ainsi permis de resituer l’enjeu diplomatique de ces ingérences.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). La situation en Kanaky-Nouvelle Calédonie est critique. Le territoire connaît la plus grave crise politique, sociale et économique depuis trente ans. Des années de paix civile, difficilement construite après les événements qui ont ensanglanté l’archipel dans les années 1980 ont été remises en cause. Par un vote, le 13 mai 2024, à l’Assemblée nationale, vous avez décidé de mettre le feu aux poudres en voulant imposer unilatéralement le dégel du corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.
Le plus terrible est que rien de tout cela n’était imprévisible. De nombreuses voix s’étaient élevées pour vous dire de ne pas le faire, que ce projet de loi était inacceptable, mais vous n’avez rien voulu entendre.
Aujourd’hui, le gouvernement a invité les acteurs calédoniens à reprendre les discussions et cherche à renouer des liens de confiance. Le ministre des Outre-mer se rendra à Nouméa dans dix jours pour poursuivre les discussions. Il faut qu’elles aboutissent à un accord global sur l’avenir institutionnel d’ici au 31 mars 2025.
Notre rôle en tant que parlementaires est de tout faire pour faciliter un nouvel accord s’inscrivant dans la continuité de ceux de Matignon-Oudinot et de l’accord de Nouméa. Le ministre Manuel Valls l’a dit dans l’hémicycle : seul le dialogue permettra de reconstruire un projet commun et partagé. Les accords de Matignon et l’accord de Nouméa, ouvrant la perspective d’un processus de décolonisation, sont le socle de ces discussions.
C’est un engagement fort du gouvernement auquel je veux croire. Or, celui-là même qui fut rapporteur du projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, qui a une responsabilité singulière dans la situation actuelle, prend aujourd’hui le risque d’aggraver encore la situation et de compliquer la tâche du gouvernement et des négociateurs en portant un texte contenant des positions contraires à celles de l’accord de Nouméa.
L’Assemblée nationale ne peut pas – je cite l’alinéa 24 de la PPRE – affirmer son soutien indéfectible à la souveraineté nationale et à l’intégrité des institutions de la République en Nouvelle-Calédonie et dans les Outre-mer, tout simplement parce que l’accord de Nouméa prévoit, dans son préambule, une souveraineté partagée en Nouvelle-Calédonie. Il ne nous appartient pas, à nous, législateurs français, de trancher ici et maintenant, quelle forme prendra le texte final issu des discussions entre les Calédoniens et l’État.
Sur les questions calédoniennes, chaque mot compte. Nous parlons de l’émancipation d’un peuple autrefois colonisé ! S’il ne faut toucher à la Constitution qu’avec une main tremblante, il en va de même pour l’avenir institutionnel calédonien. Voter ce texte enverrait un signal désastreux !
Oui, évidemment, toute tentative d’action hostile d’un pays envers la France est inacceptable, quelle qu’en soit la provenance : États-Unis, Russie, Chine ou Azerbaïdjan. Les actions de déstabilisation utilisant les réseaux sociaux pour diffuser des « fake news », sous la forme d’une guerre informationnelle, sont l’une des nouvelles formes prise par la conflictualité contemporaine que j’ai relevée, dès 2018, dans un rapport parlementaire. Toutefois, les événements du 13 mai n’ont pas été provoqués par l’Azerbaïdjan. La responsabilité incombe de façon écrasante au gouvernement et à son ministre de l’intérieur alors en fonction. Les tentatives opportunistes de l’Azerbaïdjan n’ont fait que tenter d’amplifier, d’ailleurs sans grand succès, des événements dont il n’est pas à l’origine.
Si les ingérences étrangères doivent être combattues, elles ne sont pas le véritable objet de ce texte. Collègues, revenez à la raison et retirez-le !
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je sais que M. Bastien Lachaud fait des « capsules » pour ses nouveaux fans en Nouvelle-Calédonie, et je dirais qu’aujourd’hui, il confond un peu les choses.
Ce texte vise à condamner l’ingérence de l’Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie et dans l’ensemble des territoires d’Outre-mer. Ce texte ne vise en rien à remettre en cause les discussions qui se tiennent actuellement entre les indépendantistes et le gouvernement : pour preuve, le gouvernement de la République le soutient.
Ne mélangeons pas les sujets ! En quoi avoir des discussions sur nos Outre-mer et leur évolution institutionnelle, pas seulement la Nouvelle-Calédonie d’ailleurs, et dire en même temps que ces ingérences concernent la France serait-elle une remise en cause de ces discussions ? Il s’agit bien d’une affaire concernant la France, l’État, nos territoires ainsi que les responsables politiques hexagonaux et ultramarins. Condamner les ingérences de l’Azerbaïdjan ne remet aucunement en cause ces discussions.
J’en profite pour préciser que les indépendantistes modérés, que vous avez tendance à toujours oublier, condamnent également ces ingérences ! D’anciens députés polynésiens les ont condamnées et des partis politiques kanaks les dénoncent ! C’est justement sur cette question, à cause des liens qu’il entretient avec l’Azerbaïdjan, que M. Roch Wamytan a perdu son poste de président du Congrès de Nouvelle-Calédonie.
Il s’agit de deux sujets différents. Vous me mettez personnellement en cause à propos des exactions commises le 13 mai. Moi je suis fier d’avoir défendu, non pas le dégel du corps électoral, mais le droit de vote ! Je me suis battu pour que des Calédoniens, nés en Nouvelle-Calédonie, puissent voter sur leur propre terre, j’en serai toujours fier ! Ce qui a mis le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie n’est pas la question du droit de vote mais celle de l’indépendantisme radical et de la haine de l’autre. Alors même que les partis indépendantistes modérés condamnaient les exactions commises, brûler des maisons, mettre des entreprises à terre, les indépendantistes radicaux étaient mobilisés.
Être indépendantiste dans les territoires ultramarins n’est pas interdit à condition que cela se fasse dans le cadre des règles démocratiques qui nous gouvernent. Il ne s’agit pas d’aller chercher le soutien de dictatures qui envahissant d’autres pays en massacrant leur peuple. Quand on veut l’indépendance, on veut aussi que son pays reste une démocratie. Vous vous trompez de débat : je veux bien que vous rameniez tout à la Nouvelle-Calédonie, mais il faut à un moment se recentrer sur l’essentiel : la souveraineté de la France dans l’hexagone et dans ses territoires ultramarins.
M. Pierre Pribetich (SOC). Cette résolution est une résolution-alibi. Qui, ici, serait en faveur des ingérences étrangères ? Qui serait adepte d’une guerre hybride contre notre pays ? Qui serait en faveur de la violence ? Personne.
En fait, le diable se trouve dans les détails et plus précisément dans les considérants de votre PPRE. Quand vous demandez un soutien indéfectible à la souveraineté nationale et à l’intégrité des institutions de la République en Nouvelle-Calédonie, c’est bien cette question que vous posez, mais en oubliant l’Histoire et la démarche entreprise. Les émeutes de mai dernier sont la conséquence de l’adoption à marche forcée du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de provinces de la Nouvelle-Calédonie, sans accord politique global, à rebours de la démarche initiée par Michel Rocard, auquel le président François Mitterrand avait demandé de prendre le temps de négocier et de définir un cadre pour la paix. Quand Manuel Valls, ministre des Outre-mer, parle d’un socle de discussion, c’est dans ce cadre que l’on doit adopter ou refuser votre proposition. Mon collègue ici présent, Arthur Delaporte, au nom de la commission des lois, a lui aussi fait en sorte de supprimer cette précipitation pour donner « du temps au temps » pour reconstruire économiquement et socialement la Nouvelle-Calédonie.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, nous souhaitons le retrait du texte, à défaut nous voterons contre.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je suis surpris de la position de votre groupe. La position de la France insoumise est habituelle, alors que les socialistes sont généralement plutôt constructifs concernant la Nouvelle-Calédonie.
Je suis assez surpris de ce que j’entends : vous nous expliquez ne pas vouloir voter ce texte parce que nous avons rappelé la souveraineté de la France sur la Nouvelle-Calédonie !
J’ai l’impression que la gauche n’aime pas le droit de vote. Non seulement vous ne voulez pas le donner aux Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie pour élire leurs représentants dans les institutions locales, et en plus, vous ne respectez pas celui exprimé par les Calédoniens ayant choisi la France, par trois fois, en 2018, en 2020 et en 2021 ! Et il ne faudrait pas rappeler à l’Assemblée nationale, devant la représentation nationale, que la France est souveraine en Nouvelle-Calédonie !
Respectez le choix exprimé par le vote du peuple calédonien ! Que l’on discute des futures évolutions de notre statut est un fait, mais vous ne pouvez pas dire que la France n’est pas souveraine en Nouvelle-Calédonie ! Dois-je vous rappeler que je suis moi-même de nationalité française ?
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le groupe LIOT votera sans réserves pour cette proposition de résolution visant à prévenir les ingérences étrangères du groupe d’initiative de Bakou dans les territoires d’outre-mer. L’Azerbaïdjan alimente, via cet organe, une déstabilisation méthodique dans les territoires français du Pacifique, en Guyane, mais également aux Antilles et dans l’océan Indien.
Les Comores se sont alliées avec la Russie et l’Azerbaïdjan pour lutter contre la France à Mayotte. Nous avons vu, en septembre 2024, l’organisation d’une conférence à Bakou : deux jours de propagande antifrançaise avec une délégation comorienne. Cette propagande est largement relayée par les réseaux sociaux. Nous observons, en effet, à Mayotte la montée de publications pro russes, alimentées par une armée de faux profils, qui pullulent, sur Facebook et TikTok, lors de chaque crise sociale, pour appeler au départ de la France, à l’aide de Poutine, avec le déploiement de force drapeaux russes. La diplomatie russe a offert, à plusieurs reprises, ses services à Moroni pour prendre le contrôle de Mayotte.
Je regrette de ne voir aucune mention des ingérences du groupe d’initiative de Bakou à Mayotte, alors qu’il s’agit, là aussi, d’une menace directe envers notre intégrité territoriale et la souveraineté de la France. Il est urgent de rappeler les ingérences subies à Mayotte, comme en Nouvelle-Calédonie, dans votre PPRE. Ce serait une piqûre de rappel nécessaire pour nos diplomates et nos alliés au sein de l’Union européenne.
Quand Mayotte, territoire ultrapériphérique européen, est attaqué, ce sont non seulement l’intégrité et la souveraineté territoriales de la France qui sont remises en cause, mais également celle de l’Europe. Il me semble essentiel d’intégrer les ingérences à Mayotte dans votre PPRE. Je travaillerai un amendement en ce sens pour l’examen au fond en commission des affaires étrangères ou en séance.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je vous remercie pour votre rappel que les ingérences de l’Azerbaïdjan ne concernent pas seulement le dossier calédonien, mais l’ensemble de nos territoires ultramarins. Je vous remercie de rappeler que Mayotte, la Polynésie, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, que tous nos territoires sont la cible du régime de Bakou ! Nous travaillerons ensemble à un amendement intégrant Mayotte ainsi que l’ensemble des territoires ultramarins dans la PPRE, car il est nécessaire de mettre en lumière l’ensemble des victimes du régime d’Ilham Aliyev.
M. Arthur Delaporte (Soc). Personne ici ne s’oppose à la nécessité de condamner les ingérences azerbaïdjanaises en Nouvelle-Calédonie et ailleurs dans le monde. Il existe sur ce sujet un consensus politique de tous les groupes. Pour nous, le problème, que nous partageons avec certains électeurs calédoniens, y compris non-indépendantistes, concerne l’alinéa 24 de votre PPRE. Actuellement, la période est singulière : il faut trouver un accord pour écrire l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. La question de la souveraineté se trouve au cœur des discussions, avec pour socle commun, présent dans l’accord de Nouméa, l’idée d’une souveraineté partagée.
Or, vous parlez d’un soutien indéfectible à la souveraineté nationale et à l’intégrité des institutions de la République. Cette phrase entre en contradiction avec le processus de décolonisation inscrit dans l’accord de Nouméa, aujourd’hui au cœur du débat national. Vous mélangez des considérations qui appartiennent au débat national avec une résolution à caractère international. Le seul problème que nous dénonçons dans votre PPRE – il est majeur – c’est de mélanger des considérations liées à l’avenir institutionnel et à la situation politique en Nouvelle-Calédonie avec des considérations de politique internationale, qui devraient tous nous rassembler.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Si quelqu’un mélange des considérations contradictoires, il ne s’agit pas de moi ! Je pensais avoir été très clair ! Si vous condamnez les ingérences de l'acerbement dans les territoires d’outre-mer, votez en faveur de ce texte ! Si vous ne le faites pas, on pourra toujours s’interroger !
M. Hervé Berville (EPR). J’ai du mal à comprendre les propos de mon collègue lorsqu’il affirme qu’il est inutile de discuter de ce texte sous prétexte que personne ne s’y oppose. Nous portons de nombreuses propositions de résolution afin que les différents groupes politiques se positionnent alors même que les sujets font consensus. Lorsqu’une PPRE condamne un régime dictatorial, il est évident que la plupart des personnes sont d’accord. Pourtant on dépose la PPRE et on l’adopte. Ce n’est pas parce qu’il existe un consensus apparent qu’aucune discussion n’est possible.
Ensuite, concernant le mélange entre considérations internationale et nationale, je tiens à préciser que c’est vous qui êtes dans la confusion. Lorsque la PPRE affirme soutenir le respect de l’intégrité des institutions de la République, elle ne fait mention, ni d’une évolution du statut, ni de la question du droit de vote. Nous sommes dans un moment charnière, marqué par des discussions en cours sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Le régime d’Ilham Aliyev cherche à déstabiliser notre pays : cette résolution est d’autant plus pertinente et nécessaire. Il faut donc voter en sa faveur.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Vous vous arrêtez au milieu de l’alinéa 24. Ce dernier affirme son soutien indéfectible à la souveraineté nationale et à l’intégrité des institutions de la République, en Nouvelle Calédonie et dans les Outre-mer. Cet alinéa n’est en rien consensuel. Tout le sens de la résolution en est changé. Nous portons une opposition constructive : nous allons vous proposer des amendements. Cet alinéa n’est ni neutre ni impartial et change complètement la nature de la PPRE.
Amendement n° 3 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). À lire la PPRE, nous avons l’impression que, le 13 mai, l’Azerbaïdjan aurait appuyé sur un bouton qui aurait déclenché l’insurrection en Nouvelle-Calédonie. Il faut être réaliste, crédible, raisonnable dans ce que l’on affirme. Il faut préciser quelles étaient les conditions préalables au déclenchement de l’insurrection en dehors de toute ingérence azerbaïdjanaise en Nouvelle-Calédonie. Le 13 mai, c’est le jour du vote, à l’Assemblée nationale, du projet de loi constitutionnelle visant à dégeler le corps électoral, alors qu’aucun consensus avec les acteurs locaux n’a été recherché. Or, depuis les accords de Matignon et l’accord de Nouméa, nous savons que sans consensus avec les acteurs locaux, la situation peut rapidement se détériorer. En Nouvelle-Calédonie, les avancées ne se font que par consensus. La majorité des parties prenantes l’avaient annoncé en amont du débat parlementaire. Or certains n’ont pas voulu l’entendre. Ceux-ci portent également la responsabilité de ces insurrections. Cet amendement a pour objet de rappeler le contexte précis dans lequel les insurrections du 13 mai ont été déclenchées.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). J’aimerais que le rapporteur justifie les raisons de son avis défavorable. Pourquoi refuser de dénoncer les faits ?
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Cette résolution n’affirme en rien que l’Azerbaïdjan a été le seul à mettre le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie, mais elle précise qu’il a soufflé sur les braises en attisant la haine. Cela a été démontré par le rapport publié par Viginum.
M. Arthur Delaporte (SOC). Nous nous trouvions ensemble, lors de l’audition du Haut-Commissaire, en tant que membres du groupe de contact sur la Nouvelle-Calédonie. Madame Marine Le Pen avait posé la question des ingérences. Le Haut-Commissaire avait répondu que les ingérences n’avaient pas joué de rôle majeur dans les émeutes, qu’elles n’en étaient pas l’origine et qu’elles ne les avaient pas non plus accentué. Selon lui, l’amplification des émeutes était due à des phénomènes de groupe, à l’utilisation des réseaux sociaux et à des comportements mimétiques. Aucun rôle particulier ne pouvait être attribué à l’Azerbaïdjan dans les émeutes. Toutefois, cela ne signifie pas que l’Azerbaïdjan n’a pas de stratégie d’ingérence. Il faut rester pondérés. Pour nous, cette résolution empêche de trouver un consensus. Cet amendement permet d’éviter une lecture univoque.
M. Sylvain Maillard (EPR). J’écoute avec grand intérêt l’ensemble des échanges et j’ai l’impression que nous ne nous comprenons pas. Cette résolution vise à dénoncer un État qui cherche à nous déstabiliser. Pourquoi ? Parce que l’Azerbaïdjan est l’idiot utile de la Russie qui condamne nos positions sur l’Arménie. Sommes-nous tous d’accord sur ce point ? Si nous le sommes, nous aurons déjà fait un grand pas. À vous écouter, j’ai l’impression que, selon vous cette résolution ne serait qu’un prétexte pour faire de la politique locale alors qu’il s’agit de simplement rappeler qu’il est anormal qu’un État cherche à nous déstabiliser en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Guyane mais également dans l’ensemble de nos territoires ultramarins avec pour seul objectif de nous influencer sur nos positions arméniennes. Je ne comprends pas comment les socialistes ne le voient pas et ont des pudeurs de gazelles vis‑à‑vis de la stratégie d’un État dictatorial cherchant à nous déstabiliser.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous n’avons aucune difficulté à condamner les ingérences de l’Azerbaïdjan sur l’ensemble de nos territoires ultramarins. Les choses sont parfaitement claires. De la même manière, le groupe La France Insoumise a toujours apporté un franc soutien à l’Arménie face à l’agression de l’Azerbaïdjan. Parmi la liasse d’amendements, vous trouverez un amendement déposé par notre groupe portant une condamnation ferme de nos relations avec l’Azerbaïdjan. Pour nous, le sujet de votre texte n’est pas celui-là. Dès lors, vous pouvez tourner la question dans tous les sens : les événements du 13 mai sont mal décrits, l’alinéa 24 apporte de la confusion et la lecture qui peut être faite de ce texte – et qui va en être faite – est celle d’un coup de butoir porté à l’accord de Nouméa. Or, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a rappelé dans l’hémicycle que l’accord de Nouméa s'appliquait toujours et qu’il était le socle des négociations à venir. Pour moi, si l'on veut mettre en péril les négociations en cours, votons ce texte !
L’amendement n°3 n’est pas adopté.
Amendement n° 4 de M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Plutôt que de dire « attiser les tensions » ce qui laisse penser qu’il n’y a pas de tensions et que nous les créons, l’amendement propose la rédaction suivante : « profiter des tensions préexistantes ». En effet, des tensions existent dans nos territoires ultramarins, dans tous nos territoires ultramarins, plus encore en Nouvelle-Calédonie qu’ailleurs. Nous devons rester précis sur les termes. L’Azerbaïdjan utilise les problèmes préexistants dans nos territoires ultramarins pour les accentuer, c’est ce que nous devons condamner.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je ne dis pas que l’Azerbaïdjan est à l’initiative des tensions, ni qu’il les a créées de toutes pièces, mais qu’il a attisé les tensions. Cela ne me paraît pas choquant. Vous-même venez d’utiliser l’expression « attiser les tensions » pour justifier le fait que ce n’était pas si grave. Et là vous cherchez encore à réduire le rôle de l’Azerbaïdjan. Je m’interroge sur la nature de votre collusion avec l’Azerbaïdjan car vous cherchez clairement à réduire à néant leur influence. Avis défavorable.
M. Arthur Delaporte (SOC). M. Nicolas Metzdorf, je trouve un peu singulier de votre part d’accuser les autres de collusion. La semaine dernière, n’étiez-vous pas à Bruxelles avec Mme Marion Maréchal-Le Pen et M. Nicolas Bay parce qu’ils sont supposés apporter leur soutien à la souveraineté de la France alors que leurs accointances avec M. Vladimir Poutine sont bien connues ? Pouvez-vous faire preuve d’une forme de modération en évitant de dire que ceux qui ne sont pas d’accord avec vous sont soumis à vos ennemis ? Je ne vous accuse pas d’être soumis à M. Vladimir Poutine. Vous pourriez faire preuve de la même forme de respect vis-à-vis des autres.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Concernant nos supposées accointances avec l’Azerbaïdjan, vous pouvez examiner toutes nos prises de position : vous ne verrez à aucun moment une quelconque collusion d’intérêts. Ce n’est pas mon groupe politique qui sous la mandature précédente a eu des problèmes avec des mallettes de billets en provenance de l’Azerbaïdjan.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. M. Arthur Delaporte, quand je rencontre Mme Marion Maréchal, je rencontre une eurodéputée française comme je rencontre tous les eurodéputés français qui veulent bien défendre la souveraineté de la France. Ce qui m’importe c’est que l’ensemble des élus de la République française défendent la souveraineté de la République française face aux ingérences extérieures. Il me semble que sur la question de la souveraineté de notre nation, l’on pourrait être transpartisan. Avis défavorable.
L’amendement n°4 n’est pas adopté.
Amendement n° 5 de M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Toujours dans la même logique, nous voulons rappeler la responsabilité du gouvernement français dans l’advenue des tensions et des violences en 2024. Les opérations de l’Azerbaïdjan ont été des tentatives opportunistes pour profiter d’une situation déjà existante. Le rapport de Viginum dit des choses intéressantes : « il s’agit d’une tentative de l’Azerbaïdjan ». Ce rapport dit également que ces tentatives n’ont pas réussi et qu’il y a eu 423 faux comptes et 5 000 tweets en deux jours. Alors, si avec seulement 423 faux comptes et 5 000 tweets, on arrive à déstabiliser la France, je m’interroge sur la santé de notre pays ! En conclusion le rapport de Viginum qualifie, non sans ironie, cette campagne numérique de « non-notoriously big », justement parce qu’elle n'a pas fonctionné !
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. La fiche technique du 17 mai 2024 publiée par Viginum ne parle plus de tentatives d’ingérence mais d’ingérence avérée. Avis défavorable.
M. Moerani Frébault (EPR). Il est tout de même important de tenir également compte des avis exprimés par les ultramarins. Trois d’entre eux se sont exprimés aujourd'hui : un Calédonien, une Mahoraise et un Polynésien. Nous sommes le relais de nos populations qui s’inquiètent de ces ingérences. Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas voter ce texte. Nos Outremer ne sont pas et ne devront jamais être le terrain de jeu des puissances étrangères. Aujourd’hui, vous nous parlez d’alibi alors que c’est vous qui utilisez ce texte comme un alibi pour tenter de régler vos comptes politiques sur des sujets nationaux. Si nous vous demandons de soutenir ce texte, c’est parce qu’il est important pour nous.
M. Sylvain Maillard (EPR). M. Bastien Lachaud, je me suis moi-même rendu en Nouvelle-Calédonie au mois de février, l’année dernière. J’ai été immédiatement attaqué par des comptes azerbaïdjanais ou associés à l’Azerbaïdjan. J’ai pu constater la présence de drapeaux azerbaïdjanais, lors de manifestations, dès le mois de février. Affirmer que ces drapeaux ne sont apparus qu’au moment des événements, c’est faux ! Ce travail de sape a commencé depuis un moment dans nos Outre-mer et va continuer. L’ensemble de la représentation nationale doit faire front avec nos ultramarins et affirmer que nous refusons cette agression azerbaïdjanaise.
L'amendement n°5 n’est pas adopté.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Je suspends la séance afin que nous puissions participer au vote solennel dans l’hémicycle sur le projet de loi relatif à Mayotte.
La séance est reprise.
Amendement n° 2 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Cet amendement reprend les termes précis utilisés dans le rapport de Viginum concernant les tentatives d’ingérence azerbaïdjanaises. Ce service ne parle pas de volonté organisée, notion très évanescente, mais d’une réelle tentative en provenance de l’Azerbaïdjan. J’ai ici une fiche technique distribuée par M. le rapporteur datant du 17 mai 2024 qui traite de l’activité de l’Azerbaïdjan sur les réseaux sociaux X et Facebook des 15 et 16 mai 2024. Le rapport auquel je me réfère date du 2 décembre 2024, il traite donc d’une période plus longue, s’étendant de juillet 2023 à octobre 2024. Ce rapport fait état de « tentative ». Il me semble donc plus logique d’utiliser ce terme.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Je vais vous lire une déclaration du président Aliyev : « Je pense que si nous sommes tellement forts que nous sommes capables d’intervenir dans les affaires intérieures de la France et de changer quelque chose, nous ne pouvons qu’en être fiers ». N’y a-t-il donc pas de tentatives d’ingérence ? Les experts que nous avons auditionnés dans le cadre du rapport sont formels : nous sommes entre une ingérence et une tentative d’agression. Si c’est une tentative d’ingérence, alors qu’est-ce qu’une ingérence ? Ce ne sont pas forcément des hommes en armes sinon cela s’apparenterait à une agression militaire. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Personne ne le nie Monsieur le rapporteur. Prenez l’alinéa 19 de votre PPRE dans lequel vous affirmez : « rappelant le rapport technique publié par le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères de décembre 2024, sur l’activité numérique du groupe d’initiative de Bakou concluant à une volonté organisée de mettre en cause la souveraineté de la France… ». Or dans la synthèse de ce rapport, il est écrit « Viginum confirme que ces différentes tentatives se sont appuyées sur des procédés d’amplification… ». Dans l’alinéa 19, vous-même faites référence à ce même rapport Viginum qui utilise le terme de « tentatives » !
L’amendement n° 2 n’est pas adopté.
Amendement n° 7 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Cet amendement rédactionnel porte sur l’alinéa 21 qui indique : « rappelant que la France est attachée à la souveraineté nationale et attachée à l’intégrité de ses territoires ». La France est une et indivisible, elle n’a donc qu’un seul territoire. Je propose de remplacer « ses territoires » par « son territoire » et de compléter l’alinéa, compte tenu de la situation calédonienne, par la phrase « dans le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Votre amendement me convient. Effectivement, il s’agit du territoire français et le peuple calédonien a bien disposé de lui-même en votant pour rester français. Je suis tout à fait en accord pour dire que nous devons disposer de nous-mêmes. Avis favorable.
L’amendement n° 7 est adopté.
Amendement n° 1 de M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous arrivons au cœur du sujet. L’alinéa 24 rend impossible pour le groupe LFI ainsi que pour d’autres groupes qui siègent à l’Assemblée nationale de soutenir cette proposition de résolution. L’alinéa 24 dispose du « soutien indéfectible à la souveraineté nationale et à l’intégrité des institutions de la République en Nouvelle-Calédonie et dans les Outre-mer ». Même si vous citez l’ensemble des Outre-mer, il s’agit bien de cibler en priorité la Nouvelle-Calédonie. Or, le préambule de l’accord de Nouméa affirme très clairement que « le partage des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée ». La situation en Nouvelle-Calédonie est inédite, notre Constitution y consacre un titre particulier, et la souveraineté y est partagée. Il ne peut donc pas y avoir une seule souveraineté nationale en Nouvelle-Calédonie. Adopter cet alinéa reviendrait à aller à l’encontre de la Constitution, car l’accord de Nouméa a été constitutionnalisé. Cela reviendrait également à anticiper les conclusions des discussions que le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, tente, tant bien que mal, de mener avec l’ensemble des parties prenantes. Je ne souhaite pas mettre un obstacle sur le chemin du ministre alors même qu’il se rendra en Nouvelle-Calédonie dans dix jours pour essayer de trouver un accord global pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de surmonter la période très difficile qu’elle vit.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Avis défavorable. Vous voulez supprimer la souveraineté de la France sur la Nouvelle-Calédonie ! La France est souveraine en Nouvelle-Calédonie ! Tous les Calédoniens sont des Français, qu’ils aient des positions indépendantistes ou pas ! Vous l’avez vous-mêmes rappelé l’autre jour dans l’hémicycle : lorsqu’on naît en Nouvelle-Calédonie, on est Français. Les compétences régaliennes sont exercées par la France.
Le débat actuel ne porte pas sur la souveraineté partagée mais sur la répartition des compétences entre l’État et la collectivité de Nouvelle-Calédonie qui a choisi de rester française. Donc en supprimant l’alinéa 24, vous voulez remettre en cause la souveraineté de la France sur la Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pas audible. Quand bien même souhaiteriez-vous soutenir une position politique favorable à une pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie sur la Nouvelle-Calédonie, dois-je vous rappeler que les Calédoniens ont voté pour que la France reste souveraine en Nouvelle-Calédonie ? C’est un résultat contesté, ni par l’Organisation des Nations Unies, ni sur le plan national. Les referenda sont juridiquement légitimes.
M. Frédéric Petit (Dem). Ne pas mettre d’obstacles sur le chemin du ministre, c’est aussi ne pas compliquer le texte. La souveraineté partagée ne s’oppose pas à la souveraineté nationale. Supprimer cet alinéa serait dangereux. Pour rappel, vous avez voté contre les accords d’Aix-la-Chapelle parce qu’ils introduisaient une différence pour l’Alsace et la Moselle en termes de compétence. Je trouve que vous avez des positions surprenantes lorsque l’on considère le territoire national comme un seul territoire. J’ai l’impression que parfois votre position revient à avoir « deux poids deux mesures ».
M. Pierre Pribetich (SOC). Nous soutenons la suppression de l’alinéa 24. La démonstration du rapporteur consiste à nous expliquer que ce texte vise à combattre les ingérences. Si c’est le cas, aucune nécessité juridique n’impose d’introduire le terme « soutien indéfectible » à la situation en Nouvelle-Calédonie. Ce qui est choquant c’est d’utiliser ce dispositif comme cheval de Troie pour un sujet, la condamnation des ingérences, sur lequel tout le monde est a priori d’accord. Vous auriez pu aussi bien mentionner celles de la Chine, très intéressée par le nickel de la Nouvelle-Calédonie, et qui a notamment financé des groupes d’amitiés sino-calédoniennes, présidés par un proche d’un leader indépendantiste.
Nous sommes d’accord avec vous. Si vous souhaitez une forme d’unanimité, retirez cette notion de « soutien indéfectible » à un processus pour lequel des négociations très compliquées sont menées au nom de la France par le ministre d’État Manuel Valls, qui s’appuie sur le socle de l’accord de Nouméa, lui-même issu des accords de Matignon conclus par Michel Rocard. Ce dernier avait réussi à apaiser la situation, à définir un processus et à permettre que le corps électoral s’autodétermine pour ensuite définir l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Si on veut mettre de la clarté pour dénoncer les ingérences, faites un geste : supprimez cet alinéa 24 !
M. Sylvain Maillard (EPR). Il faut rappeler que la souveraineté partagée, prévue par l’accord de Nouméa est très largement mise en œuvre à l’heure actuelle : il existe un gouvernement calédonien et un Parlement calédonien qui vote ses propres lois. Il existe donc bien une coexistence entre la loi régalienne faite par la France et le fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie pour lequel les Calédoniens décident de leur avenir. La souveraineté partagée est donc un fait.
Ce qui est intéressant dans cette résolution, c’est que l’on parle d’un État – l’Azerbaïdjan – qui attaque un autre État – la France –. Et ici nous rappelons donc qu’il existe une souveraineté française en Nouvelle-Calédonie, ainsi que sur l’ensemble des territoires comme Mayotte ou la Guyane par exemple, même si ce texte se concentre sur la Nouvelle-Calédonie. Deuxièmement, je voudrais rappeler que dans le projet de réforme constitutionnelle, qui comprenait deux articles, l’article 2 précise : « Nous souhaitons un accord politique ». Si accord politique il y a, cette réforme constitutionnelle sera dès lors nulle et non avenue. C’est justement cet accord politique que nous recherchons tous.
L’amendement n’est pas adopté.
Amendement n° 6 de M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Cette résolution, si elle cible l’Azerbaïdjan, ne va pas jusqu’au bout. La France est partie à de multiples traités bilatéraux avec l’Azerbaïdjan, dont un traité d’amitié datant de 1993. Au vu de la gravité de la situation, et notamment de l’agression de l’Arménie par l’Azerbaïdjan, des ingérences en Nouvelle-Calédonie rappelées par le rapporteur et de nombreux collègues, en s’appuyant notamment sur le rapport Viginum, cette résolution ne va pas assez loin. Il est indispensable d’appeler le gouvernement à réexaminer les coopérations bilatérales existantes entre la France et l’Azerbaïdjan, à l’aune des actions de ce pays. Il paraît compliqué de reprocher à des membres des congrès calédoniens et polynésiens de faire des memoranda avec l’Azerbaïdjan, alors même que le traité d’amitié entre la France et l’Azerbaïdjan est toujours en vigueur. Il me semble nécessaire de reconsidérer l’ensemble de ces relations bilatérales.
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. Avis favorable à cet amendement. Je crois qu’il est effectivement important de revoir nos relations avec les pays qui nous souhaitent du mal. Pourquoi met-on en avant la Nouvelle-Calédonie ? Je suis bien sûr député de Nouvelle-Calédonie, mais c’est également le territoire dans lequel ces ingérences sont allées le plus loin, pour l’instant. Rien n’interdit que demain, profitant de conditions économiques, sociales, politiques, institutionnelles difficiles en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, en Polynésie française, l’Azerbaïdjan ne continue pas ce qu’il a déjà commencé. Ce que je trouve extrêmement choquant c’est que le rôle de l’Azerbaïdjan est continu. Il a commencé bien avant les émeutes du 13 mai et les destructions d’entreprises que l’on a condamnées. Il s’est poursuivi après, démontrant que la stratégie de déstabilisation de l’Azerbaïdjan a bien pour objectif de faire pression sur le soutien de la France à l’Arménie. Cette pression ne cessera pas car elle vise à nous faire reconsidérer notre position diplomatique vis-à-vis de l’Arménie. Il est donc effectivement important de réévaluer notre relation diplomatique avec l’Azerbaïdjan, et de nous montrer bien plus fermes.
L’amendement est adopté.
L’article unique est adopté.
La proposition de résolution ainsi modifiée est par conséquent adoptée.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Monsieur le rapporteur un dernier mot de conclusion ?
M. Nicolas Metzdorf, rapporteur. J’ai pris en considération ce qu’a proposé Mme Estelle Youssouffa. En voulant mettre en avant les ingérences en Nouvelle-Calédonie, j’ai peut-être un peu trop « calédonisé » le débat dans cette assemblée. Cette PPRE n’avait pas d’autre objet que de mettre en garde la représentation nationale sur la volonté de l’Azerbaïdjan de nous déstabiliser. Pour le débat en séance, je proposerai des amendements qui intègrent plus spécifiquement les autres territoires d’Outre-mer.
Je suis par ailleurs désolé que la gauche ait considéré cette résolution comme un moyen pour nous, ou pour moi personnellement, de dire « attention la Nouvelle-Calédonie c’est la France, rien que la France ». Ce n’était pas mon souhait. Je veux que vous soyez vraiment convaincus qu’en Nouvelle-Calédonie, il y a une vraie inquiétude partagée tant par des non-indépendantistes que des indépendantistes modérés, quant à la forte présence d’un pays comme l’Azerbaïdjan. Nous n’avons jamais vu cela auparavant chez nous : des drapeaux azerbaïdjanais, des écritures en cyrillique, la présence de responsables azerbaïdjanais faisant des conférences de presse. Nous sommes à deux heures de vol de l’Australie, dans le Pacifique Sud : voir des Azerbaïdjanais débarquer, si loin de leur zone d’influence traditionnelle, cela ne peut pas nous laisser indifférents. L’objectif de cette PPRE consistait vraiment à vous interpeller sur cette question.
Nous pouvons trouver un consensus. J’arriverai peut-être à le trouver en intégrant les autres territoires d’Outre-mer d’ici le débat pour la séance. Toutefois, ce n’est pas en remettant en cause la souveraineté de la France en Nouvelle-Calédonie que nous allons y arriver.
La séance est levée à 18 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Karim Benbrahim, M. Hervé Berville, Mme Sophia Chikirou, M. Moerani Frébault, M. Bastien Lachaud, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, M. Sylvain Maillard, M. Matthieu Marchio, M. Laurent Mazaury, M. Nicolas Metzdorf, M. Maxime Michelet, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Pierre Pribetich, Mme Isabelle Rauch, M. Thierry Sother, Mme Liliana Tanguy, Mme Estelle Youssouffa
Excusées. - Mme Manon Bouquin, Mme Yaël Ménaché