Compte rendu
Commission
des affaires européennes
Mardi
1er avril 2025
16 h 30
Compte rendu n o 23
Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président,
puis de
M. Thierry Sother,
vice-président de la Commission
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 1er avril 2025
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
puis de M. Thierry Sother, vice-président de la Commission
La séance est ouverte à 16 heures 30.
Cette réunion est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
Présidence de M. Thierry Sother, vice-président de la Commission
M. Thierry Sother, vice-président. Notre collègue Frédéric Valletoux va nous présenter son rapport par rapport à la proposition de résolution relatif à la mise en œuvre du protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé pour « lutter contre le commerce illicite de tabac ».
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir devant votre commission pour l’examen de cette proposition de résolution européenne. Ce texte vise à renforcer la lutte contre le marché parallèle du tabac, via la mise en œuvre du protocole de l’Organisation mondiale de la Santé, ratifié par l’Union européenne en juin 2016, à la suite d’une procédure de vote à l’unanimité devant le Conseil de l’Union européenne. Si 20 États de l’Union européenne, dont la France, ont ratifié ce protocole, sept États membres ne l’ont toujours pas fait à ce jour. Pourtant, ce protocole permet notamment, et j’y reviendrai dans le détail, d’assurer une meilleure traçabilité du tabac et de mettre en place des quotas de livraison par pays, afin de lutter plus efficacement contre le marché illicite. Face à l’ampleur de ce fléau, il est en effet indispensable de renforcer notre arsenal juridique pour avoir une réponse à la hauteur des enjeux.
Pour mémoire, chers collègues, le tabac et la première cause de mortalité prématurée évitable en France avec 75 000 décès par an, 200 décès par jour.
En sus du coût humain, le tabac engendre un coût pour nos finances publiques. Selon un rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies de juillet 2023, le coût du tabac sur nos dépenses sociales est évalué à plus de 1,6 milliard d’euros par an et représente un coût social annuel de 156 milliards d’euros.
La France a donc engagé dès les années soixante-dix une politique de lutte contre le tabagisme ambitieux. Ainsi, une première législation voit le jour avec la loi portée par Simone Veil en 1976, puis vient la loi de 1991, portée par le ministre Claude Évin qui durcit très fortement la consommation en encadrant la publicité et en augmentant le prix du tabac élément clé de la lutte contre le tabac. C’est le premier plan, lancé en 2003 par le président Jacques Chirac, qui marque un moment clé dans cette politique de santé. Déclarant la guerre au tabac, le président de la République témoigne de son engagement en augmentant le prix du tabac de près de 42 % entre 2002 et 2004. Plusieurs plans qui suivront et à partir de 2014, sous l’impulsion de Marisol Touraine, le tabac fait l’objet d’un plan spécifique appelé « programme national de réduction du tabagisme ».
Les résultats sont sans appel et nous pouvons nous en réjouir. Ainsi la trajectoire de baisse de la consommation de tabac est ininterrompue depuis près de 30 ans. Le recul atteint même pour la première fois un nombre à deux chiffres en 2024, avec un recul de 12 % et qui se poursuit en 2025 avec -15 % pour les mois de janvier et février par rapport à l’année dernière. Cette répercussion se constate dans le nombre de fumeurs : 30 % en 2015 contre 23 % seulement en 2025.
Malgré ses résultats positifs notre politique de prévention est mise à mal par l’essor du marché parallèle du tabac. Ce marché recouvre des réalités différentes : importations de produits du tabac, au-delà des quantités autorisées, produits contrefaites ou marques non autorisées. Malgré les mesures déjà mises en œuvre en France comme au niveau européen sur les 52 milliards de cigarettes fumées en France par an, 16 milliards proviennent du marché parallèle.
Les travaux menés dans le cadre de la commission des finances de notre Assemblée ont permis également d’évaluer l’ampleur de ce marché. En période de confinement, alors qu’il était interdit rappelez-vous de franchir les frontières, les consommateurs se sont repliés sur le réseau national des buralistes, augmentant la consommation dans certaines régions de plus de 40 % et même de plus de 70 % dans certains départements transfrontaliers. Ces chiffres témoignent d’une situation devenue hors de contrôle.
Les industries du tabac organisent elles-mêmes le surapprovisionnement des pays limitrophes de la France, afin de contourner notre politique de hausse du prix du paquet. Prenons deux exemples marquants : au Luxembourg où la consommation domestique est de 600 millions de cigarettes chaque année, les fabricants de tabac y livrent 3 milliards de cigarettes. À Andorre où la consommation domestique était de 120 millions de cigarettes chaque année, en 2015, les fabricants y ont livré 850 millions de cigarettes.
Alors même que la directive européenne sur les produits du tabac proscrit une implication des fabricants dans le suivi de la chaîne logistique, il a été prouvé que cette séparation n’existait pas. Cette situation méconnaît l’exigence u protocole de l’OMS et il est plus que temps d’y mettre fin. Le législateur français a bien tenté de limiter l’importation de tabac mais la jurisprudence du Conseil d’État est venue rappeler que nous ne pouvons agir que dans les limites de la directive sur les droits d’accises fixant les seuils quantitatifs autorisés.
Par ailleurs, la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, nous rappelle que nous ne pouvons entraver la libre circulation des marchandises que pour des motifs précis et à condition de correspondre à certaines situations. En l’état, le droit ne nous permet pas d’aller plus loin et il est donc indispensable de franchir une nouvelle étape. La lutte contre le tabagisme n’est pas simplement une politique française mais aussi un combat mené à l’échelle européenne d’abord, et internationale ensuite.
Nous ne partons pas d’une feuille blanche. Les premières actions étaient initiées comme témoin une directive européenne entrée en vigueur en 2016 qui vient encadrer le commerce du tabac, en fixant des normes et en mettant en œuvre des mesures de traçabilité des produits. De même, au niveau international avec la convention cadre contre le tabac de 2003, et surtout le protocole pour éliminer le commerce illicite de produits du tabac de 2012. Des textes majeurs ont été portés par l’Organisation Mondial de la Santé. Le protocole de 2012, dont il est question aujourd’hui, acte la perte de recettes fiscales pour les États en raison de ce marché parallèle et vise à répondre par des mesures fermes et efficaces permettant à la fois de retracer le parcours des produits du tabac, vendus et de mettre en œuvre des mesures de transparence, à l’égard de l’industrie du tabac. Plus majeur encore est l’article 7 de ce protocole qui ouvre la voie à la mesure que porte le texte que je présente aujourd’hui : des quotas de tabac par pays pour éviter le surapprovisionnement. L’article stipule que les quantités livrées doivent être proportionnées à celle vendues. Ainsi serait mis en œuvre un principe simple : une cigarette doit être fumée là où elle a été achetée. Depuis 2023 avec le dépôt d’une proposition de loi, j’ai soutenu la mise en place de tels quotas. Et lors des dernières discussions budgétaires, nous avons interpellé le gouvernement qui à l’époque par la voix de son ministre Laurent Saint-Martin était très ouvert à cette proposition. Je rappelle que ma proposition ne consiste qu’à appliquer un protocole que nous avons ratifié il y a plus d’une décennie. La cohérence de notre politique de santé publique nécessite que nous franchissions cette nouvelle étape aujourd’hui.
Nous disposons également de mesures complémentaires. En effet la révision des deux directives sur les droits d’assise concernant le tabac est une nécessité et devrait être réalisée pour pouvoir rendre opérationnels les quotas de livraison de tabac. Cette révision interroge d’ailleurs la politique fiscale puisque tout changement nécessite l’unanimité des États membres à l’évidence. Cette façon d’agir devient préjudiciable à tout avancée concrète et en l’espèce une politique de lutte contre le tabagisme et aux effets tangibles et concrets. Il conviendra de renforcer la directive de 2014 sur les produits du tabac pour la rendre plus structurante et faire cesser les immixtions de l’industrie du tabac. Je n’oublie pas la situation d’Andorre dont la concurrence déloyale crée des dysfonctionnements majeurs, c’est un sujet commercial qui devra donc être géré au niveau européen.
Le constat global est celui d’une situation qui ne peut plus durer et pour laquelle nous disposons d’un puissant outil de régulation. Il s’agit d’une question de santé publique essentielle au-delà de ce coût humain et social. Le développement du marché parallèle engendre un manque à gagner pour l’État évalué à environ 3 milliards d’euros par an et porte préjudice à nos buralistes qui se retrouve face et une concurrence déloyale alors même qu’ils sont souvent les derniers commerces de proximité de nos territoires. Nous devrons impérativement nous donner des moyens de poursuivre la politique de lutte contre le tabac, c’est désormais à l’échelle européenne qui combien de porter ce débat c’est la raison pour laquelle je vous invite à voter cette proposition de résolution européenne.
M. Christophe Blanchet (Dem). Je m’exprime à la fois en tant que député du groupe démocrate et comme président du comité national anti contrefaçon dont j’exerce la fonction depuis six ans. J’ai réalisé deux rapports sur la contrefaçon, et notamment sur le tabac. Le volume des cigarettes de contrebande et de contrefaçon s’élève à 3 milliards d’euros : jusqu’à il y a 3 ans encore, les douanes ne pouvaient pas faire le distinguo, tandis que c’est ce qui leur est demandé depuis.
Trois milliards d’euros, c’est à peu près le montant du marché du narcotrafic. Les différents rapports effectués démontrent que le tabac de contrebande ou contrefait représente un coût humain et un coût pour les finances publiques, mais également trois autres coûts importants.
Le premier, c’est le coût pour le crime organisé. S’il est considéré que 3 milliards d’euros nécessitent la mise en œuvre de lois contre le narcotrafic, il est possible d’imaginer que ce sont les mêmes conséquences, les mêmes buts et les mêmes mafias. Les différents rapports prouvent que les mafias qui organisent le narcotrafic s’orientent vers le tabac parce qu’il y a 10 fois moins d’investissement, 20 fois plus de rentabilité et 20 fois moins de sanctions.
Le deuxième coût, c’est celui de la traite humaine. Les revendeurs de paquets de tabac à 4,50 euros ou 5 euros sont malheureusement trop souvent des personnes immigrées ou d’origine immigrée qui sont exploitées et qui, si elles ne vendent pas leurs paquets, n’auront pas de quoi manger et ne se verront jamais rendre leur passeport.
Le dernier coût, c’est celui du terrorisme. Les frères Kouachi avaient financé leurs attentats grâce à la revente de contrefaçons de tabac. De même, Boko Haram finance ses actions en Afrique grâce notamment à la contrefaçon et à la contrebande de tabac.
On retrouve dans le tabac contrefait de l’urine de souris, de la mort-aux-rats et du ciment. Si nous voulons empêcher les contrefacteurs de fabriquer des cigarettes de tabac, il faudrait tracer le produit de tabac et empêcher que les trafiquants puissent s’approvisionner.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je vous remercie d’avoir rappelé que le trafic du tabac finance des actions de terrorisme et de banditisme.
Cette proposition de résolution permettra à la France d’envoyer un signal aux autres États membres et à la Commission dans la perspective d’une nouvelle révision des textes encadrant le tabac au niveau européen et de sa volonté de voir mettre en œuvre un certain nombre de principes, notamment de transparence.
Mme Marietta Karamanli (Soc). Cette proposition de résolution européenne a pour objet de demander à l’Union mais aussi au Gouvernement de soutenir activement l’application du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits de tabac. C’est le premier protocole à la convention cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac.
Dans le contexte de son élaboration, son objectif est clair : réaction au commerce illicite de produits du tabac qui s’étend au niveau international et qui met gravement en péril la santé publique. Ce commerce illicite rend les produits plus accessibles et plus abordables. Il entretient ainsi l’épidémie du tabagisme et sape les politiques de lutte anti-tabac.
Il entraîne par ailleurs d’importantes pertes fiscales et contribue en même temps à financer des activités criminelles transnationales. L’article 4 du protocole est de ce point de vue très explicite : « les parties au traité adoptent et appliquent des mesures efficaces pour contrôler et réglementer la chaîne logistique, enquêter et engager les poursuites et coopèrent entre elles à cette fin ».
L’Union a ratifié ladite convention, et depuis 2018, il était attendu que soit mis en œuvre un système mondial de traçabilité des produits du tabac. La proposition de résolution se félicite de l’engagement pris par le Gouvernement de prendre des mesures adaptées. Nous pouvons regretter de ne pas disposer d’information sur la manière dont l’Union européenne et les États ont rendu compte périodiquement de la façon dont ils appliquent leurs obligations au titre de ce traité et de ce protocole.
Selon l’ONU, cette démarche, prend la forme d’une reddition de comptes et de rapports soumis tous les deux ans à la conférence des États parties au traité qui doivent faire connaître les raisons des délais nécessaires pour œuvrer plus efficacement. Ceci permettrait de savoir où mettre l’accent pour surmonter les difficultés. En tout état de cause, notre groupe soutiendra cette proposition de résolution mais nous aurions aimé avoir un peu plus d’éléments sur ce qui a été mis en place au sein des autres pays de l’Union.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Ce n’est pas à moi de vous donner plus d’éléments sur la manière dont au niveau mondial ou européen, certains principes sur l’organisation d’un réseau de traçabilité du marché de l’approvisionnement du tabac sont mis en œuvre. Je serais preneur de telles informations. À la veille d’une négociation qui doit s’ouvrir sur un la définition d’un nouveau cadre européen, le fait que la France affirme sa volonté que cette négociation prenne en compte les principes figurant dans ce protocole, permettra sans doute d’aboutir à la transparence que vous évoquez et à une amélioration du contrôle de la chaîne logistique et de la traçabilité des paquets de cigarettes.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Le tabac est un produit toxique et cancérigène dont la consommation est strictement encadrée en France. Il est soumis à une fiscalité spécifique avec des taxes appliquées chez nos buralistes.
Pourtant, force est de constater que des marchés parallèles persistent : certains dans les limites prévues par la loi permettent à des particuliers d’acheter du tabac à l’étranger sans taxe pour leur usage personnel. En revanche, d’autres, illégaux, prospèrent en contournant les règles et en alimentant un commerce clandestin qui nuit à la santé publique, à nos finances, et à la sécurité de nos concitoyens.
Le commerce illicite de tabac affaiblit les campagnes de prévention, met en péril les recettes publiques et expose les consommateurs à des produits dont la fabrication et la distribution échappe à tout contrôle sanitaire.
Face à ce fléau, la communauté internationale a pris ses responsabilités. En 2015, la France a ratifié le protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite de tabac, suivie par l’Union en 2016.
Toutefois, son application reste incomplète. En effet, des divergences existent entre la directive européenne en vigueur et les exigences du protocole, notamment sur deux points cruciaux. D’une part, la nécessité de garantir que les volumes de tabac mis sur le marché correspondent réellement à la demande légitime. D’autre part, le besoin d’un contrôle strict et indépendant de la traçabilité des produits du tabac.
Actuellement, l’industrie du tabac choisit elle-même les entreprises chargées de suivre les mouvements de ses produits. Ce système constitue une faille que nous devons combler. Il est nécessaire d’instaurer des quotas de livraison par pays pour empêcher toute surproduction destinée à alimenter le marché illicite. De plus, nous devons mettre en place un système de traçabilité réellement indépendant, à l’abri de l’influence des industriels du tabac. C’est une question de cohérence et d’efficacité dans notre lutte contre ce commerce parallèle.
En votant cette proposition de résolution européenne, nous affirmerons notre engagement pour la santé publique, pour la justice fiscale et pour la sécurité de nos concitoyens. Nous envoyons un signal clair : la France et l’Europe ne peuvent plus tolérer ces failles qui alimentent un commerce illégal au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi le groupe Horizon et Indépendants votera en faveur de cette proposition de résolution.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je remercie Nathalie Colin-Oesterlé pour ses propos. Ce projet est porté par l‘ensemble du groupe Horizon ; je ne suis donc pas surpris par son soutien.
M. Michel Lauzzana (EPR). Nous soutenons pleinement cette proposition de résolution européenne. Le tabac demeure la principale cause de mortalité évitable, responsable d’environ 75 000 décès par an. Des progrès notables ont été enregistrés ces dernières années grâce aux mesures mises en place dans différents programmes nationaux de lutte contre le tabac. Une baisse historique a été constatée. Malheureusement, l’essor du marché parallèle, encouragé et entretenu par les stratégies de l’industrie du tabac, nous pose actuellement problème. Nous devons collectivement redoubler d’efforts.
La proposition de résolution va en ce sens et vise à accélérer la mise en œuvre du protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite du tabac. Elle constitue un levier essentiel pour renforcer la traçabilité des produits, harmoniser nos actions à l’échelle européenne, dénoncer les concurrences injustes pour les buralistes et mieux lutter contre la contrefaçon ainsi que les circuits illégaux qui alimentent la consommation. Notre vote unanime serait un signe fort pour la prochaine réunion de l’OMS sur ce protocole.
Pour poursuivre le travail que mène notre groupe depuis 2017, nous défendrons plusieurs amendements visant à compléter ce texte. Je pense à l’insertion d’une mention relative aux produits substitutifs, nouveaux vecteurs de dépendance à la nicotine. C’est le cas des puffs, interdites en France mais encore disponibles dans certains pays européens, ou encore des sachets de nicotine. Ces produits sont des pièges sournois et des portes d’entrée vers l’addiction nicotinique, notamment chez les jeunes de 12 à 15 ans.
Ce texte nous paraît donc essentiel et devra être accompagné d’actions fortes, notamment par l’application effective du programme national de lutte contre le tabac 2023-2027. J’ai d’ailleurs interpellé le ministre sur ce sujet, car il me semble actuellement au point mort. Nous devons également obtenir une révision ambitieuse des directives européennes sur le tabac, actuellement bloquée, peut-être sous la pression de l’industrie du tabac.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je connais votre engagement pour la santé publique et la lutte contre les grands fléaux dont le tabac. Ces amendements viennent compléter le texte et lui apporter plus de précision. Ils rappellent en effet que la lutte contre le tabac concerne les cigarettes, mais pas seulement. L’imagination des fabricants nous oblige à prendre des mesures pour contrer certaines initiatives de marketing ou de conditionnement de la nicotine, visant à séduire de nouveaux consommateurs et à étendre ce fléau.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le tabagisme cause 73 000 décès par an. C’est la première cause de mortalité prématurée en France. Il est donc urgent de renforcer la lutte contre le tabac. La France compte 27 % de fumeurs, un taux supérieur à la moyenne européenne, qui est de 24 %. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a publié une étude comparative sur le tabac en Europe, plaçant la France parmi les pays où les cigarettes sont les plus coûteuses.
Pourtant, le tabagisme reste un marqueur des inégalités sociales : il existe un écart de 12 points de prévalence du tabagisme quotidien entre les plus bas et les plus hauts revenus. Santé publique France explique cette forte proportion de fumeurs parmi les revenus les plus modestes par l’usage de la cigarette comme moyen de gestion du stress et par une difficulté accrue à se projeter dans l’avenir. L’espérance de vie à 35 ans des cadres atteint 48,9 ans, contre 43,6 ans pour les ouvriers. Ces derniers sont donc moins sensibles aux arguments liés aux risques sanitaires à long terme.
Dès lors, nous ne pouvons pas nous limiter à la lutte contre le commerce illicite du tabac sans agir pour réduire sa consommation, en particulier chez les personnes à plus bas revenus. Dans votre proposition, vous avancez que le commerce illicite du tabac représente un manque à gagner de 2,5 à 3 milliards d’euros par an pour l’État. Or, cette lutte ne doit pas être menée dans le but d’augmenter les recettes publiques : la priorité doit être la diminution du nombre de fumeurs, dans l’intérêt général et pour la santé de nos concitoyens. Si l’on souhaite aborder la question financière, il serait pertinent de plaider en faveur de sanctions, notamment financières, à l’encontre des fabricants de tabac qui alimentent le commerce illicite. Ces sanctions pourraient contribuer au financement des politiques de prévention et d’accompagnement à l’arrêt du tabac, qui ont prouvé leur efficacité dans la lutte contre le tabagisme. En effet, si la France doit soutenir l’application du protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite du tabac, elle doit également redoubler d’efforts dans la lutte contre le tabagisme.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Je suis d’accord avec vous. Si j’ai cité ces chiffres, ce n’était pas pour en faire l’argument central en faveur de l’adoption de ce protocole, mais comme un élément permettant de mieux comprendre le problème posé par les ventes illicites de tabac. Il s’agit avant tout d’un enjeu de santé publique : notre priorité est de protéger nos concitoyens des méfaits du tabac, dont j’ai rappelé l’ampleur ainsi que le coût social et humain. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé n’a pas mis en avant ce protocole par hasard : il s’inscrit pleinement dans cette préoccupation. Sa mise en œuvre est soutenue non seulement par toutes les associations engagées dans la lutte contre le tabagisme et le monde de la santé, mais aussi par les buralistes, qui ont intérêt à retrouver une activité dans un réseau officiel. Contrairement à la France, tous les pays ne disposent pas d’un tel réseau de distribution du tabac.
M. Thierry Sother, vice-président. Je vous propose d’aborder l’examen de la proposition de résolution européenne et des amendements qui ont été déposés.
Amendement n° 4 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à mentionner le programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 qui est un peu à l’arrêt pour le moment.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Avis favorable. Ce programme national est au cœur de l’action de notre pays en matière de lutte contre le tabac. Comme il s’agit d’un élément clé de la politique française, il a toute sa place dans cette résolution.
L’amendement n° 4 est adopté.
Amendement n° 1 de M. Michel Lauzzana
Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise, après l’alinéa 7, à insérer : « considérant que le tabagisme demeure la première cause de mortalité évitable en France, selon Santé publique France ». Dans l’exposé des motifs, il convient de rappeler qu’il s’agit également d’un problème social, comme l’a expliqué notre collègue de la France insoumise. L’exposition au tabac est malheureusement plus forte dans les couches sociales défavorisées. Il est important de souligner que le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable en France afin d’encourager et de promouvoir le sevrage tabagique.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Avis favorable.
L’amendement n° 1 rect. est adopté.
Amendement n° 2 de M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à prendre en compte les sachets de nicotines ou les billes aromatiques de nicotines. Dans ce domaine, l’industrie est très imaginative et développe des consommables qui pourraient s’apparenter à des produits de substitutions. En réalité, ils ne le sont pas et ont pour conséquence de faire tomber des personnes dans la dépendance à la nicotine. Ces produits nicotiniques doivent être pris en compte dans cette résolution.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Cet élément est mentionné dans le rapport, mais c’est un argument fort en faveur de la révision de la directive au niveau européen.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 5 de M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à ajouter après l’alinéa 10, « considérant que le commerce illicite de tabac alimenté par un marché parallèle échappant à tout cadre de régulation sanitaire et fiscal et que de nombreux éléments factuels et judiciaires démontrent l’implication persistante de certains fabricants dans ces circuits illégaux ».
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Le fait est mentionné dans le rapport, et il est intéressant de le mentionner dans le texte pour illustrer la responsabilité de l’industrie du tabac.
L’amendement n° 5 est adopté.
Amendement n° 3 de M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (EPR). L’amendement a pour but d’évoquer le sujet des produits de substitutions aux tabacs, tels que les sachets de nicotine ou de billes aromatiques, dont le risque sur la santé, en particulier chez les jeunes, est bien documenté. Malgré la faible toxicité de la nicotine, il existe des cas de surdosage. De plus, la consommation peut aussi causer des cancers locaux, et la nicotine est une entrée dans le monde des addictions. Parmi les jeunes fumeurs de « puffs », ils sont très nombreux à ensuite commencer à fumer du tabac.
M. Christophe Blanchet (Dem). Sans remettre en question le caractère toxique du tabac, il convient de relever que ces produits de substitution sont un moyen pour certaines personnes de sortir de la consommation du tabac. Il n’est pas souhaitable de restreindre la vente de substances qui permettent d’accompagner les fumeurs vers une meilleure santé. Attention à ne pas tout interdire ! Compte tenu des prix actuels d’un paquet de tabac, une quantité non négligeable de consommateurs s’est déportée vers des produits issus de la contrebande ou de la contrefaçon.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cette remarque est très juste. La directive européenne est à ce sujet très claire, et la loi d’interdiction des « puffs » n’a pas inclus les substituts qui permettent de sortir de l’addiction du tabac. Pour autant, l’amendement que je présente ne vise pas à interdire tous les produits de substituts nicotiniques.
L’amendement n° 3 est adopté.
Amendement n° 6 de M. Frédéric Valletoux.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur. Cet amendement porte sur la question de l’introduction des cigarettes étrangères sur notre territoire. Le droit européen permet à un particulier de ramener des quantités importantes sans fiscalité supplémentaire (800 cigarettes, 4 cartouches, 1 kilo de tabac, 400 cigarillos pour sa consommation personnelle). Or, en France, jusqu’en 2024, il n’était pas possible de ramener plus de 200 cigarettes. Pour se mettre en conformité, et ainsi que le Conseil d’État l’avait enjoint par une décision du 29 septembre 2023, notre pays, par un décret entré en vigueur fin mars 2024, a supprimé cette restriction. L’objectif de cet amendement est de revenir sur la situation dommageable résultant du décret et de demander à la Commission européenne de proposer une réforme de la directive établissant un régime général d’assises pour appliquer un nouveau seuil d’une cartouche.
M. Michel Lauzzana (EPR). Comme j’ai l’occasion de le constater, le trafic est très bien organisé en Andorre.
M. Christophe Blanchet (Dem). Nous soutenons cet amendement de bon sens. À l’époque, avec la limitation à 200 cigarettes, les trafics étaient fréquents. Il y a également un travail à faire pour éviter que les ventes de contrebande et de contrefaçon puissent se réaliser via les réseaux sociaux : bien qu’il soit possible de faire un signalement, le produit n’est pas retiré immédiatement. La règle est que la vente de cigarettes doit se faire uniquement chez les buralistes, seuls vendeurs habilités en France.
M. Frédéric Valletoux (HOR). Si la directive européenne autorise la vente de cigarettes sur les plateformes, la France l’a interdite. Continuons le combat.
L’amendement n° 6 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.
La proposition de résolution ainsi modifiée est par conséquent adoptée.
M. Frédéric Valletoux (HOR). Je vous remercie pour le soutien à cette initiative. L’adoption de cette résolution donnera plus de force à la négociation européenne qui s’annonce difficile.
La séance est levée à 20 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. David Amiel, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Christophe Blanchet, M. Nicolas Bonnet, Mme Sophia Chikirou, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Nicolas Dragon, Mme Mathilde Hignet, Mme Marietta Karamanli, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Alexandre Loubet, M. Laurent Mazaury, M. Frédéric Petit, M. Thierry Sother, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye, M. Frédéric Valletoux
Excusé. - M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - M. Pascal Lecamp, M. Pierre Meurin