Compte rendu
Commission
des affaires européennes
Mercredi
9 avril 2025
15 heures
Compte rendu n o 26
Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 9 avril 2025
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
La séance est ouverte à 15 heures.
M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne (PPRE) visant à dénoncer l’Accord euro-méditerranéen de 2005 établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. L’Union européenne (UE) a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples selon les termes solennels de l’article 3 de son traité fondateur. Toutefois, que reste-t-il de cette ambition lorsque les accords que nous signons au nom de ces principes ne sont ni respectés ni défendus ? L’accord d’association conclu en 2005 entre l’UE et l’Algérie en est un exemple parlant, tant cet accord est déséquilibré, obsolète et inefficace dans son application. Cet accord, en tant que prolongement du processus de Barcelone, était censé rapprocher les deux rives de la Méditerranée autour de valeurs communes : la démocratie, la prospérité partagée, et la sécurité. Force est de constater, vingt ans après, que ces objectifs n’ont clairement pas été atteints. Il n’existe pas de convergence entre les deux rives de la Méditerranée. À l’inverse, le marasme économique algérien se poursuit, les inimitiés régionales au Maghreb s’exacerbent, et la sécurité se dégrade. La principale cause tient à l’entretien durant vingt ans d’une relation à sens unique, déséquilibrée, et souvent inefficace. Aujourd’hui, il est temps d’en dresser le bilan, et il se trouve sans appel.
Tout d’abord, concernant les droits de l’Homme et les principes démocratiques, leurs violations sont constantes. Pourtant, en vertu de l’article 2, leur respect se trouve au cœur de l’accord d’association. Néanmoins les faits montrent que la protection des libertés régresse en Algérie : depuis l’émergence du mouvement du Hirak, la répression s’intensifie, des centaines d’opposants sont poursuivis, emprisonnés, ou réduits au silence. La justice est instrumentalisée, les médias indépendants sont muselés, sans parler de l’absence de libre expression pour laquelle la France a payé un lourd tribut sur son sol.
Je pense à Ghilas Aïnouche, caricaturiste et militant, harcelé, menacé, contraint à l’exil, condamné à trente ans de prison, accusé de terrorisme pour un simple dessin. N’est-il pas enfin temps de faire preuve de lucidité, voire d’humilité, pour comprendre que les valeurs fondamentales de l’Union ne sont pas nécessairement des aspirations universellement partagées ? N’est-il pas également temps d’en tirer les conséquences en particulier lorsque cet état de fait met en péril des citoyens européens ? Je pense bien sûr à notre compatriote Boualem Sansal, emprisonné, privé de libertés et du droit de se défendre, accusé de terrorisme pour avoir critiqué le régime algérien.
Ensuite, concernant le volet économique de l’accord, celui-ci doit également être repensé. En effet, la relation établie se fait unilatéralement au bénéfice de l’Algérie qui profite d’un accès préférentiel au marché européen sans pour autant respecter la réciprocité de ces engagements. Alors que l’Union européenne a ouvert son marché commercial à l’Algérie, en retour, celle-ci a multiplié les obstacles unilatéraux. Depuis 2021, l’Algérie prend de multiples mesures de rétorsions pénalisant les entreprises françaises, en violation directe des termes de l’accord. En effet, depuis mars 2021, les entreprises étrangères établies en Algérie et désireuses d’y importer des biens, doivent se conformer à une réglementation qui limite leur participation à 49 % du capital social, restreint leur champ d’activité à une seule catégorie d’exportation, et les soumet à une procédure administrative opaque et discriminatoire. Les certificats ALGEX, imposés depuis 2022, compliquent considérablement les importations. En 2023, les autorités douanières algériennes ont cessé d’accepter les déclarations d’origine simplifiées, contraire à l’esprit même de l’accord d’association. Enfin, depuis janvier dernier, une interdiction totale touche l’importation de produits finis en marbre et en céramique. On peut même citer, ce qui s’apparente à une taxe déguisée, la taxe « halal », qui oblige les exportateurs européens, de viande notamment, à acheter un certificat délivré par la Grande Mosquée de Paris pour obtenir l’autorisation d’exporter vers l’Algérie. Ces pratiques, non scandaleuses par principe, constituent autant de violations flagrantes de la liberté d’établissement, de la libre circulation des marchandises, et de la non-discrimination entre opérateurs économiques, censées être permises par l’accord. Pendant ce temps, l’Algérie continue d’exporter massivement ses marchandises vers l’Union européenne, en particulier vers la France. La relation économique se trouve donc manifestement déséquilibrée. La Commission européenne, qui a mal apprécié la pertinence d’une zone de libre-échange supplémentaire, l’a elle-même reconnu en décidant d’ouvrir de plusieurs procédures de règlement des différends.
Enfin, sur le plan sécuritaire et migratoire, la situation demeure tout aussi préoccupante, l’Algérie refusant obstinément de coopérer avec les États membres de l’UE en refusant la réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière. L’Algérie s’était pourtant engagée, en vertu de l’article 84 de l’accord, à réadmettre ses ressortissants frappés d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Or, l’Algérie n’hésite pas à violer cet article, en refusant à répétition de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires. La conséquence s’avère être le maintien sur notre sol d’individus en situation irrégulière, très nombreux, dont certains se trouvent être radicalisés et très dangereux. Je pense à cet attentat commis à Mulhouse : l’auteur était algérien, fiché, sous OQTF, expulsé puis revenu sur le territoire français et laissé libre, avec les conséquences que nous connaissons. Ces cas ne sont malheureusement pas rares : octobre 2024, menace au couteau, à Bobigny, par un Algérien sous OQTF ; septembre 2024, trois agressions au couteau, à Bordeaux, par un Algérien sous OQTF ; juin 2024, à Lyon, agression sexuelle dont une sur mineur, par un Algérien, sous OQTF ; novembre 2024, à Valenciennes, agression de quatre personnes au couteau par M. Koussaila, Algérien sous OQTF. Enfin, nous pensons bien sûr, à l’assassinat particulièrement horrible, en octobre 2022, de la petite Lola, douze ans, tuée par une Algérienne frappée d’une OQTF. En réalité, l’Algérie instrumentalise cette question migratoire dans le cadre d’un bras de fer politique avec la France, et plus largement avec l’UE. Le gouvernement algérien l’utilise aussi comme un outil de politique intérieure, visant à perpétuer un sentiment anti-français qu’il conçoit comme un pilier de l’identité nationale algérienne. Aucune renégociation de l’accord de 2005 ne saurait donc être envisagée sans un changement clair et durable de cette ligne migratoire.
Nous sommes donc confrontés à une triple faillite : migratoire, sécuritaire et politique. Pendant ce temps, l’Algérie n’assume aucune responsabilité : ni sur ses ressortissants ni sur les flux migratoires ni sur la sécurité collective. Pour répondre à cette situation, la Commission européenne a dû ouvrir non pas une mais deux procédures de règlement des différends : une première en 2020, et une seconde en 2024. L’accumulation des contentieux devrait à elle seule suffire à déclencher une réaction de fermeté de la part de l’UE. L’UE ne peut pas éternellement mendier la coopération d’un partenaire qui n’entend pas respecter les règles du jeu nécessaires à cette même coopération. C’est pourquoi nous appelons à une remise à plat complète de l’accord de 2005. Sa renégociation ne peut se faire qu’avec des conditions claires au profit des nations européennes. Tout d’abord, l’Algérie devra effectivement respecter les droits de l’homme. L’UE a voulu en faire une condition, celle-ci doit, dès lors, être effective, à plus forte raison lorsque sa violation s’opère au détriment des citoyens de ses États membres. L’Algérie devra également s’engager formellement à réadmettre les personnes se trouvant en situation irrégulière parce qu’il est inacceptable que l’Algérie transforme la France en pays de rétention prolongée pour ses propres ressortissants. Enfin, l’UE devra s’assurer de la levée des restrictions commerciales unilatérales. Que l’Algérie souhaite poursuivre une politique commerciale protectionniste n’est pas forcément illégitime à condition que la liberté d’établissement et de circulation des biens ne se fasse pas à géométrie variable. Ainsi, si l’Algérie s’entête à ne pas respecter ses engagements contractuels, des conséquences devront en être tirées : il faudra envisager une dénonciation pure et simple de l’accord.
Ce débat n’est pas propre à la question algérienne, il concerne la crédibilité des nations européennes, la cohérence de leur politique étrangère et la souveraineté des États membres, à commencer par celle de la France, affectée au premier chef. Pour faire face à ces défis, il nous faut pouvoir faire entendre une voix commune, claire, ferme et dénuée de toute forme de naïveté. Il ne s’agit pas de fermer la porte aux coopérations avec l’Algérie mais de les rectifier pour paver la voie à l’ouverture de meilleures relations à condition que l’Algérie elle-même le veuille.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. La parole est aux orateurs de groupe.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Dans le contexte actuel, les membres de la commission devaient se ressaisir de la question des relations entre l’Union européenne et l’Algérie, qui ne cessent de se détériorer et de se refroidir au fil du temps. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères revient d’Alger : il nous promet un retour à la normale et un partenariat d’égal à égal. Pourtant, le régime de M. Tebboune n’a pas mis fin à ses provocations envers la France : refus de reprendre ses ressortissants frappés par une OQTF, permanence d’un discours anti-français, instrumentalisation de la menace terroriste, détention de Boualem Sansal pour ne citer que ces exemples.
Alors qu’une question de souveraineté est en jeu, le résultat s’avère nul. Avec l’octroi de plus de 250 000 visas par an, la France se soumet au diktat de l’Algérie et perd ainsi la maîtrise de sa politique migratoire. Loin de l’échange d’égal à égal ainsi vanté, c’est bien l’Algérie qui mène la danse et décide du nombre de ressortissants que notre pays doit accueillir. Voilà le triste résultat de la visite du ministre à Alger ! Voilà ce que signifie un retour à la normale avec un régime algérien autoritaire et spoliateur !
Cela fait maintenant des décennies que le Rassemblement national (RN) ne cesse d’alerter sur une telle situation. Combien de temps perdu pour les Français ! La faiblesse, la repentance et la lâcheté doivent cesser ! La France doit retrouver son indépendance vis-à-vis de l’Algérie et le Gouvernement faire preuve de courage et de fermeté envers un régime autoritaire multipliant les provocations et ne respectant pas les accords bilatéraux.
Mme Constance Le Grip (EPR). Les relations entre l’Union européenne et l’Algérie sont un sujet grave, posé à un moment très particulier, celui de la sortie d’une crise diplomatique aiguë entre nos deux pays. Alors que le constat d’une relation dégradée entre la France et l’Algérie est avéré, alors que l’un de nos compatriotes, l’écrivain franco-algérien et francophone Boualem Sansal, est toujours embastillé à Alger, ce sujet mériterait un traitement et une réponse à la hauteur des enjeux.
Or, le texte de votre PPRE n’est ni sérieux ni approprié. Sous couvert de défendre les intérêts de la France et de l’Union européenne, vous faites le choix d’une rupture brutale, unilatérale, celui de la fermeture et du repli. Vous proposez la dénonciation unilatérale d’un accord stratégique entre l’Union et l’Algérie comme si vingt ans de coopération devraient être effacés d’un simple trait de plume.
Cet accord n’est pas un simple traité commercial : il engage un choix stratégique, celui d’un dialogue structuré avec un partenaire clé de notre voisinage méridional. Comme l’a rappelé la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité commune, Mme Kaja Kallas, cet accord d’association s’accompagne de projets et d’engagements concrets, en matière de gouvernance, de droits des femmes, de politiques envers la jeunesse par exemple.
Dans la PPRE que j’ai présentée, ici, le 5 février dernier, appelant à la libération immédiate et sans conditions de M. Boualem Sansal, je n’avais pas manqué de rappeler combien la relation entre nos deux pays, bien que marquée par cette tension, demeurait essentielle dans tous les sens du terme.
Le communiqué de presse conjoint du président de la République, M. Emmanuel Macron et du président algérien, M. Abdelmadjid Tebboune, publié le 31 mars dernier, après leur échange téléphonique, insiste bien sur les crises et les défis que l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique doivent affronter ensemble. La récente visite de M. Jean-Noël Barrot à Alger a confirmé le besoin d’un partenariat renouvelé pour affronter ensemble les défis communs qu’ils soient économiques, sécuritaires, en matière de lutte contre le terrorisme ou relatifs aux questions mémorielles.
Rompre unilatéralement, brutalement cet accord serait renoncé à toute capacité d’influence au profit de puissances bien moins regardantes que nous sur les principes. Nous nous opposons clairement à cette proposition de résolution qui confond fermeté et rupture : nous voterons donc contre.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. La dénonciation n’interviendrait que dans le cas où l’Algérie continuerait de ne pas respecter la réciprocité des engagements. La PPRE que je présente se trouve être finalement assez similaire à votre proposition de résolution européenne appelant à la libération sans condition et immédiate de M. Boualem Sansal que le groupe du Rassemblement national avait par ailleurs voté.
Permettez-moi de vous citer : « à la lumière de cette résolution et de la symétrie des relations euro-algérienne, la rapporteure estime qu’une renégociation de l’accord ne peut avoir lieu sans réciprocité. Il apparaît essentiel de rappeler à l’Algérie ses obligations en matière de droits fondamentaux et de donner tout son sens à l’article 2 de l’accord d’association ».
Le dialogue n’exclut donc pas la fermeté, ce qui revient à peu de chose près à reprendre ce que vous disiez deux mois plus tôt.
S’agissant de M. Jean-Noël Barrot, a-t-il obtenu de l’Algérie l’assurance de la libération de M. Boualem Sansal, la promesse de reprendre ses ressortissants frappés d’OQTF, le respect de ses engagements, notamment commerciaux, s’agissant des restrictions aux importations des produits d’origine européenne ?
Cette proposition de résolution européenne vise à tracer des lignes rouges claires parce que depuis vingt ans la relation euro-algérienne se trouve être en dents de scie, émaillée par plusieurs contentieux non résolus.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). M. Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, déclarait en ces murs, le 12 juin 1957 : « j’étais à Alger, officier des renseignements et comme tel je dois être aux yeux d’un certain nombre de nos collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo ». Je cite M. Jean-Marie Le Pen, auquel M. Jordan Bardella et Mme Marine Le Pen rendent aujourd’hui hommage.
Ainsi, quand le groupe RN dépose un texte sur les relations que l’Union européenne et la France entretiennent avec l’Algérie, nous savons effectivement qui parle. Ce sont ceux qui comme M. Jean-Marie Le Pen ont torturé, et justifié l’usage de la torture durant la guerre d’Algérie, ce sont ceux qui comme le député RN M. José Gonzalez proclament leur nostalgie de l’Algérie française à la tribune de l’Assemblée nationale ou ceux qui comme le maire RN de la ville de Perpignan M. Louis Alliot rendent hommage aux fondateurs de l’Organisation de l’armée secrète (OAS).
Quand le RN parle de l’Algérie, il prétend se soucier de l’équilibre, de la réciprocité de notre relation. Toutefois, nous ne sommes pas dupes. La vérité est toute autre. Depuis toujours, la haine de l’Algérie, des Algériens et des Français d’origine algérienne les obsède. Cultiver la nostalgie du colonialisme et attiser la xénophobie, le racisme, l’islamophobie constituent l’infâme petite rente politique du clan Le Pen.
En 1957, le patriarche qui venait de fonder le Front National des Combattants sillonnait la France avec une caravane Algérie française. En 2025, l’héritier, M. Jordan Bardella, déclare : « nous avons donné à l’Algérie son indépendance, elle doit maintenant nous donner la nôtre ». Des mots qui charrient le paternalisme colonialiste, le négationnisme des crimes commis par la France en Algérie et le fantasme délirant d’une France soi-disant soumise à l’Algérie ainsi que le pensent les racistes. Et nous devrions confier nos relations avec l’Algérie à ces gens ? Il n’en est pas question !
L’accord d’association entre l’Algérie et l’UE doit effectivement être révisé pour rééquilibrer une relation commerciale jugée asymétrique quoique pour des raisons opposées selon les deux parties. Les autorités algériennes se sont elles-mêmes exprimées en ce sens en janvier dernier.
La France peut avoir un rôle à jouer à la seule condition qu’elle tourne le dos à la rhétorique brutale et aux manipulations grossières qui viennent tant du Rassemblement national que des rangs du Gouvernement. Il suffit d’écouter pour cela M. Retailleau.
Seules la discussion, la négociation et la diplomatie permettront de bâtir une relation respectueuse, équitable et mutuellement bénéfique avec l’Algérie avec laquelle tant de liens nous unissent. C’est parce que nous disons « non » aux instrumentalisations poisseuses, et « oui » au dialogue franco-algérien que nous voterons contre ce texte.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. Le niveau du débat est assez bas : toutefois je vais vous répondre sur le fond. Il n’y a aucune haine envers le peuple algérien, mais une critique ferme d’un gouvernement opprimant son peuple. Depuis des années, ce gouvernement fait de la France et des pays européens un bouc émissaire pour cacher ses propres faillites.
L’Algérie aurait pu être la Norvège du Maghreb. Ce pays avait les infrastructures que la France lui avait laissées, et des ressources naturelles extraordinaires. Ce pays aurait pu être une grande nation alors qu’il se trouve en voie de récession économique totale depuis des années. C’est la raison pour laquelle le gouvernement algérien choisit une politique de haine et d’hostilité assumée envers la France, la prenant pour un bouc émissaire pour essayer d’asseoir sa légitimité nationale. Je suis surprise de vous voir aussi prudents. Dès que l’on évoque la question algérienne, vous semblez marcher sur des œufs.
À gauche, vous parlez d’État de droit et de démocratie à longueur de journée, mais vous êtes muets lorsqu’il s’agit de parler de l’Algérie. En 2019, ce gouvernement a réprimé dans le sang le mouvement du Hirak. Ce gouvernement emprisonne des journalistes, des opposants politiques, des militants. La semaine dernière, j’ai rencontré M. Ghilas Aïnoush, un Algérien réfugié en France, condamné à trente ans de prison par contumace pour avoir fait des caricatures publiées dans le journal Charlie Hebdo. Nous pouvons également parler de notre compatriote M. Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, donc à mort étant donné son âge et sa maladie ! Votre silence sur ces sujets interpelle ! Quant au reste, de vos propos ils ne méritent pas que l’on y revienne.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Nous examinons une proposition de résolution européenne du Rassemblement national visant à dénoncer l’accord euro-méditerranéen de 2005. Est-ce que le sujet que la commission des affaires européennes examine aujourd’hui est vraiment cet accord ? Non, avec cette PPRE, le RN tente une fois de plus de transposer les tensions franco-algériennes en tensions euro-algériennes !
Nous déplorons l’instrumentalisation de la question algérienne à des seules fins de politique intérieure. Cette ligne dure, tenue par une extrême droite dure et une partie de la droite française, incarnée par le ministre de l’Intérieur, M. Bruno Retailleau, réduit l’Algérie aux questions migratoires et sécuritaires au détriment d’un apaisement des tensions par la voie diplomatique. La surenchère permanente sur ces questions identitaires n’est en aucune manière utile à notre pays ou à ses intérêts. La dégradation des relations entre la France et l’Algérie a débuté à l’été 2024 après la reconnaissance par le Président de la République de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Nous dénonçons ce tournant diplomatique précipité à un moment où le gouvernement démissionnaire était censé gérer uniquement les affaires courantes, et ce sans que le Parlement n’ait été consulté.
Nous saluons donc l’annonce d’un début de fin de crise après des mois de tensions. Toutefois, cette proposition de résolution n’a hélas pas d’autre objectif que de les réanimer. Le rapprochement diplomatique opéré entre nos deux pays démontre bien que les ultimatums, les injonctions et les petites phrases ne sont d’aucune efficacité. Nous avons besoin d’un dialogue serein et apaisé. Ce dialogue n’empêche nullement de faire preuve de clarté, de franchise, et d’emprunter la voie diplomatique que nous n’aurions jamais dû quitter au lieu de céder à des trépignements à visée électoraliste. Au nom du groupe socialistes et apparentés, j’avais appelé, ici même, il y a quelques semaines, à la libération inconditionnelle de M. Boualem Sansal, en nous appuyant sur la voie diplomatique. Nous partageons l’espoir que le retour au dialogue diplomatique, et à l’apaisement des tensions encourageront le président Tebboune à faire un geste de clémence envers M. Boualem Sansal eu égard à son âge et son état de santé.
Nous appelons les autorités algériennes à respecter et faire respecter les libertés fondamentales. Nous devons rappeler à l’Algérie les engagements pris par la ratification des conventions et traités internationaux relatifs aux droits humains. Au moment où l’on constate une influence croissante de puissances telles que la Russie et la Chine, nous refusons de céder à la facilité et au populisme en prétendant que la dénonciation de cet accord permettrait de résoudre et de traiter les problématiques économiques, migratoires, sécuritaires ou celles relatives à la démocratie. Le groupe socialistes et apparentés votera contre cette proposition de résolution.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. Proposer de dénoncer l’accord n’est rien d’autre qu’un levier pour obliger l’Algérie à se conformer à ses obligations. Il faut instaurer un rapport de force pour que le droit international soit respecté. La Commission européenne a dû engager une seconde procédure de règlement des différends pour contraindre l’Algérie à appliquer les stipulations du traité. Une première procédure a été ouverte en 2020 sans succès. La Commission a dû menacer l’Algérie d’avoir recours à un arbitrage, sans que la troisième étape, celles des mesures de rétorsion n’ait été engagée, pour passer cette première étape. Toutefois, le différend n’a pas été véritablement résolu puisque la Commission a dû ouvrir, en 2024, à nouveau une procédure dont il faut maintenant attendre les résultats. En matière de relations internationales on ne peut pas être naïf. En conséquence après des années de non-réaction, de non-respect des stipulations de l’accord, si toutes les voies de recours sont épuisées, il faudra bien finir par envisager de se retirer d’un accord qui n’est plus avantageux.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Vous nous présentez, tels que fidèles à vous-même, un nouvel épisode de votre série favorite : celle de diviser pour mieux régner, celle d’un énième prétexte pour alimenter les fantasmes nationalistes et souffler sur les braises du ressentiment ! Quelle hypocrisie de vous voir défendre les droits de l’Homme, vous qui passez votre temps à pointer du doigt des populations entières, qui semez la peur et la défiance, qui n’avez aucune retenue quand il s’agit de cibler les juges et piétiner l’État de droit ! Vous osez vous ériger en défenseurs des libertés fondamentales ! Vous vous posez en pompiers alors que vous êtes les premiers incendiaires des valeurs démocratiques et humanistes en France !
Vous semez, par vos déclarations diplomatiques intempestives, les graines du conflit et de la discorde. Votre discours sur une Algérie prétendument déstabilisatrice n’est qu’un écran de fumée destiné à masquer votre obsession devenue maladive d’inventer des boucs émissaires. Ce n’est pas l’Algérie qui menace notre stabilité aujourd’hui, mais bien votre idéologie nationaliste et votre politique de division permanente qui, à elle seule, empoisonne la cohésion sociale et les relations internationales de la France. Contrairement à vous, nous portons une diplomatie humaniste, fondée sur le respect mutuel, la coopération équilibrée et la construction de ponts, non de murs. Nous défendons une vision de la France généreuse, ouverte sur le monde, qui assume toute son histoire avec lucidité. Nous défendons une diplomatie faisant preuve de finesse et de retenue, fidèle au savoir-faire séculaire de la France, reconnue dans le monde entier.
Votre proposition vis ant à rompre les accords bilatéraux, à bloquer les visas ainsi qu’à supprimer l’aide au développement relève d’une politique à courte vue, vouée à isoler la France et à fragiliser nos relations avec l’un de nos partenaires clé en Méditerranée. À chaque fois que vos vieux poncifs sont remis en cause par la vérité historique, vous quittez les débats, à l’image de celui relatif à l’aide publique au développement pour lequel vous n’avez même pas daigné attendre la réponse du ministre pour vous en aller ! Votre vision de l’histoire s’arrête-elle donc à la porte de l’hémicycle ?
Nous rejetterons fermement cette PPRE indigne de notre assemblée. Face au Rassemblement national, qui ne construit rien et détruit tout, nous rappellerons toujours que la grandeur de la France ne réside pas dans la fermeture et la haine, mais dans l’ouverture et la fraternité. Le groupe écologiste et social votera ainsi contre ce texte écrit à l’encre noire par les marchands de peur et les fossoyeurs de la République.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. Vous n’avez pas lu la proposition de résolution ! Justement, pour s’élever au-dessus du jeu politicien auquel vous vous livrez tous sans surprise, elle a été réécrite dans une démarche consensuelle, après les auditions. La PPRE se concentre sur le respect de l’accord, et sur rien d’autre. Pour le reste, il est inutile de refaire la réponse que je viens de faire à votre collègue. Dès que la question algérienne est soulevée, vos réponses montrent clairement où se trouve votre clientélisme.
M. Laurent Mazaury (LIOT). J’ai lu avec attention votre PPRE. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires politiques (LIOT) partage certains points que vous évoquez tels que la dénonciation du non-respect par l’Algérie des droits humains sur l’emprisonnement arbitraire de M. Boualem Sansal ou encore les violations à plusieurs reprises de l’accord de 2005. Cependant, il me faut émettre des réserves.
L’intitulé même de la proposition est critiquable. Il est nécessaire d’engager une révision de l’accord, et non pas simplement de s’y opposer comme vous le soutenez.
Nos relations diplomatiques bilatérales avec l’Algérie sont particulièrement compliquées, et j’entends parfaitement la nécessité de revenir à un dialogue équilibré. J’ai été sidéré, comme une majorité de Français l’ont été, d’apprendre que le terroriste qui a commis l’attentat de Mulhouse n’aurait pas dû être sur notre territoire, la France ayant demandé une dizaine de fois à l’Algérie de fournir le laisser passer consulaire nécessaire à son expulsion. Et, cela n’est malheureusement pas un cas isolé.
Toutefois, le difficile dialogue entre la France et l’Algérie doit pouvoir se résoudre au niveau national, et non pas au niveau européen, du moins, dans un premier temps. Cette proposition de résolution ne doit pas porter préjudice aux autres États membres pour lesquels cet accord serait plus favorable qu’il ne l’est pour nous. Nos tensions avec l’Algérie doivent être traitées uniquement à un niveau bilatéral car dénoncer cet accord pourrait avoir des effets néfastes tant pour l’UE que pour l’Algérie.
Enfin, nous avons voté, il y a deux mois, la PPRE de notre collègue Mme Constance Le Grip appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Boualem Sansal dans laquelle nous constations déjà le non-respect manifeste des droits humains au regard d’un emprisonnement non justifié de l’auteur. Cette dernière résolution appelait alors le Gouvernement et la Commission européenne à demander aux autorités algériennes le respect du partenariat avec l’UE ainsi qu'à suspendre toutes les avancées favorables à l’Algérie dans les discussions de renégociation de l’accord d’association de 2005.
Le Gouvernement et la Commission ont alors été interpellés sur plusieurs points. Il me paraît plus pertinent d’attendre la réponse du Gouvernement à ces dispositions déjà votées avant d’envisager de dénoncer l’accord de 2005. En outre, de sérieux doutes existent quant aux négociations en cours au niveau européen, sur les volumes d’achat de gaz, voire sur le projet de construction du gazoduc avec l’Algérie qui permettrait de soustraire l’Europe aux achats russes.
Dans ce contexte, je choisis de m’abstenir et d’attendre la suite de nos échanges pour prendre une position définitive.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. Je vous remercie pour la pondération de vos propos. À mon sens, l’influence de l’UE ne peut pas reposer sur la facilité : un partenariat déséquilibré ne sera jamais un véritable partenariat. Continuer des discussions sans conditions ni bilans c’est faire le lit d’une inefficacité assurée.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en passons à l’examen de la proposition de résolution européenne et des amendements qui ont été déposés.
Amendement n °1 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). Cet amendement vise à supprimer l’article unique de la proposition de résolution européenne dont le titre est sans ambiguïté, il s’agit de « dénoncer l’Accord euro-méditerranéen de 2005 établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part ». Encore une fois, cette remise en cause frontale de l’accord ne nous semble pas constituer la bonne approche. Pour nous, si une renégociation doit avoir lieu, elle doit pouvoir se faire dans un climat serein sans rupture du dialogue. Au contraire, nous devons être confiant dans la capacité de la coopération européenne à construire un dialogue entre deux régions du monde très importantes. Des puissances rivales redoublent d’efforts pour accroître leurs influences au Maghreb. Dans un tel contexte géopolitique, il faut faire le choix de l’efficacité plutôt que celui de l’affrontement ou de la rupture.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. Avis défavorable. Permettez-moi de développer une longue argumentation car si cet amendement était voté, la proposition de résolution européenne serait rejetée. Cet amendement vise en effet à rejeter la proposition de résolution européenne dans son intégralité au simple motif qu’elle serait dangereuse. La reprise du dialogue entre la France et l’Algérie ne peut être qu’une nouvelle salutaire. Toutefois, cette PPRE n’est en rien un quelconque appel à une escalade verbale, elle est un simple appel à la vigilance. En effet, la proposition de résolution européenne appelle à dénoncer l’accord de 2005 mais uniquement si l’Algérie refusait de se conformer à ses obligations contractuelles. Nous ne proposons rien d’autre qu’une riposte graduée en l’absence d’actes prouvant la volonté de l’Algérie de se conformer aux stipulations du traité.
Pour rappel, la Commission européenne a lancé une procédure de résolution des différends en 2020 en réponse à des mesures restrictives prises par l’Algérie en 2015. En 2018, l’échec de la réunion du conseil d’association, instance de concertation réunissant les ministres des Affaires étrangères des parties à l’accord pour régler les litiges, a contraint la Commission européenne à menacer l’Algérie de faire appel à une procédure d’arbitrage, en 2021. En 2024, la Commission européenne ouvre de nouveau une procédure de règlement des différends pour des restrictions aux échanges apparues en 2021.
Ainsi de 2015 à 2025, malgré deux procédures de règlement des différends, dont l’une résolue, l’Algérie ne s’est pas conformée à ses engagements contractuels. Depuis dix ans l’Algérie ne respecte pas ses engagements commerciaux. Par ailleurs, ces restrictions ne sont pas sans conséquences sur les échanges entre la France et l’Algérie. Ainsi, entre janvier 2024 et janvier 2025, les exportations françaises vers l’Algérie ont baissé de 19,8 %, avec une chute de 99,9 % pour les produits agricoles et de 55,9 % pour les produits alimentaires. Ces produits sont particulièrement touchés par les blocages visant spécifiquement la France depuis août 2024 car ils requièrent des autorisations sanitaires à l’importation.
Concernant la violation des droits humains, Mme Constance Le Grip, vous avez vous-même fait voter par cette commission une résolution pour la libération de M. Boualem Sansal dans des termes, à juste titre, très durs pour le régime algérien. Votre résolution faisait des propositions qui n’étaient pas si éloignées de celles que je défends aujourd’hui. Permettez-moi de vous citer « À la lumière de cette résolution et de l’asymétrie des relations euro algériennes, votre rapporteure estime qu’une renégociation de l’accord ne peut avoir lieu sans réciprocité. Il apparaît essentiel de rappeler à l’Algérie ses obligations en matière de droits fondamentaux et de donner tout son sens à l’article 2 de l’accord d’association ». Dans le rapport relatif à la présente proposition de résolution européenne, j’écris : « Il faut renégocier l’accord pour que la réciprocité ne soit pas un vain mot ».
Concernant la non-réadmission des ressortissants algériens frappés d’OQTF, je m’appuie sur le rapport pour avis fait par notre collègue Mme Brigitte Klinkert, sur la mission « Immigration, asile et intégration ». Si la non-délivrance des laissez-passer consulaires indispensables à la réadmission des ressortissants sur leur territoire peut être liée à des raisons techniques, le rapport souligne que les autorités algériennes sont souvent de mauvaise foi, et refusent de donner les documents nécessaires. L’historique de cette politique de non-réadmission fait d’ailleurs écho à notre propre politique de restriction de délivrance de visa à des ressortissants algériens. L’Algérie fait une réponse politique en violation manifeste avec les stipulations de l’accord. La Commission européenne a fait plusieurs recommandations concernant notamment l’assouplissement des procédures de réadmission en recourant à des preuves d’identifications rapides, en demandant des entretiens consulaires pour tous les États membres, y compris via téléphone ou visio-conférence, ainsi qu'en proposant une validation des documents de voyage pour une durée suffisante.
Laissons la place au dialogue mais assurons-nous de ne pas être les dupes d’un dialogue biaisé. J’appelle à renégocier l’accord pour davantage d’équité et de réciprocité. La proposition de dénonciation de l’accord se ferait uniquement en dernier recours si l’Algérie persistait dans sa volonté de non-respect de ses obligations contractuelles.
M. Guillaume Bigot (RN). L’amendement de Mme Constance Le Grip présente le texte, je vous cite, comme « relevant d’une approche radicale, simpliste et contre-productive ». Il s’agit de votre liberté parlementaire, vous pouvez affirmer ce vous pensez, cela ne pose aucun problème. Toutefois, Mme Constance Le Grip, cette position est uniquement la vôtre, le 9 avril 2025 !
À moins que vous n’ayez une homonyme, voilà ce que vous proposiez le 4 mars 2025 : « Des actions juridiques et diplomatiques pour contraindre le régime algérien à se conformer, y compris pour son propre intérêt, aux normes internationales. Des mécanismes de pression, tels que la suspension, la révision, le réexamen de certains accords bilatéraux, y compris une politique de visas revisitée, la conditionnalité de certaines aides, afin de démontrer que le non-respect des engagements internationaux n’est pas admissible ».
À quelle Constance Le Grip avons-nous affaire ? Cautionnez-vous alors l’approche radicale, simpliste et contre-productive de Constance Le Grip, en date du 4 mars 2025 ? Je sais que vous êtes coutumière du « en même temps » et que vous vous affranchissez assez facilement du principe de non-contradiction. 2+2 = 5 n’est plus un problème pour vous !
Mme Colette Capdevielle (SOC). Notre groupe votera l’amendement de suppression présenté par Mme Constance Le Grip, car la dynamique d’apaisement est confirmée par la visite du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ces derniers jours. Ce dernier a réaffirmé les liens humains, historiques et culturels qui unissent nos deux pays, avec une reprise de la coopération sur les plans sécuritaire et judiciaire, qui sera suivie d’une probable visite du Garde des Sceaux. La reprise du dialogue se fait également sur le plan migratoire et économique. Quant au plan mémoriel, une reprise de contacts entre les historiens français et algériens a été actée. Les deux pays sont en train de retisser des liens : aussi nous voterons cet amendement de suppression.
M. Belkhir Belhaddad (EPR). Je souscris à ce qui vient d’être dit. Cette proposition de résolution européenne est hors-sujet, elle marque une volonté de rupture de nos relations avec l’Algérie, en attisant la haine et la xénophobie. Personne n’est dupe. Mme Manon Bouquin, que connaissez-vous à la relation franco-algérienne ? Où était votre parti lorsque l’Algérie se battait contre l’islamisme politique et le terrorisme, et que des rédactions de journalistes entièrement décimées par le Groupe islamique armé (GIA) demandaient la protection de la France ? Votre parti n’a pas dit un mot ! Je ne vous laisserai jamais attiser la haine entre nos deux pays : vous me trouverez toujours sur votre chemin !
Je ne vous ai jamais entendu parler de liens affectifs entre nos deux pays ni d’un avenir commun ou d’un destin commun. Plus de 7 millions de Français entretiennent des liens personnels avec l’Algérie. Ils forment un pont humain et francophone entre la France et l’Algérie. Ils souhaitent maintenir ces liens précieux qui les rattachent à l’Algérie dans le respect et la souveraineté des deux nations. Cette réalité humaine et culturelle que vous niez ne peut être ignorée ; elle doit être au cœur de nos échanges bilatéraux pour une nouvelle ambition commune entre nos deux pays. Votre proposition de résolution est indigne et elle n’est pas à la hauteur des enjeux de cette relation !
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Nous allons voter cet amendement de suppression. Je regrette que Mme Constance Le Grip n’ait pas voulu prendre en compte notre proposition de réécriture de la proposition de résolution européenne relative à la libération inconditionnelle de M. Boualem Sansal. Nous n’avions alors pas manqué d’indiquer que présenter un levier de pression ne pouvait conduire qu’à la présente proposition de résolution.
Je sais de quel côté était le parti de Mme Manon Bouquin lors de la colonisation de l’Algérie : celui de la torture. Cette résolution est un continuum de l’Histoire ! La rapporteure n’a pas hésité à presque vanter les bienfaits de la colonisation en évoquant tout ce que la France a laissé en Algérie ! Cette résolution est contre-productive, nos diplomates font leur travail pour reconstruire de manière apaisée la relation entre nos deux pays.
Il y a des avancées diplomatiques alors que vous, vous êtes à contretemps en proposant une résolution réanimant une fracture ancienne au lieu de créer des ponts et de reconstruire la relation entre nos deux nations. Continuez à attiser la haine, c’est votre spécialité ! Quand vous parlez des OQTF vous ne parlez que de l’Algérie, c’est votre obsession ! Allez voir le nombre d’OQTF réalisés avec les autres pays ! Vous tournez en rond autour de l’Algérie, qu’il s’agisse de parler des visas, des OQTF ou d’Air Algérie !
Je reviens de la session plénière du Conseil de l’Europe, j’ai une proposition à vous faire. Vos amis, proches de Viktor Orbán, ont largement tapé sur la France et sur l’État de droit en dénonçant le procès et la condamnation de Mme Marine Le Pen. Pourquoi ne pas vous emparer de l’interdiction de la marche des fiertés en Hongrie par les pro-Orbán ? Voilà un sujet sur lequel nous pourrions nous retrouver !
Mme Constance Le Grip (EPR). Puisque j’ai été interpellée, je répondrai simplement qu’il est nécessaire de prendre en considération les dernières évolutions géopolitiques et diplomatiques. Dans le contexte actuel, il serait inutile, voire contre-productif, d’adopter le texte que vous proposez. Cela risquerait de compromettre la libération de Boualem Sansal que vous prétendez défendre.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). La France insoumise votera également en faveur de la suppression de l’article unique. Ce texte s’inscrit dans la droite ligne de la surenchère médiatique et politique contre l’Algérie et les ressortissants algériens. Notre commission a ouvert la brèche en adoptant la proposition de résolution européenne sur la libération de Boualem Sansal. Mon groupe avait alors porté un amendement de réécriture afin que la demande de libération se fonde uniquement sur le principe de respect des droits humains. Faute de l’avoir voté, nous nous sommes retrouvés à discuter des obligations à quitter le territoire français (OQTF), ce qui est totalement hors sujet.
Cette proposition de résolution s’appuie sur la défense des droits de l’homme avec un grand cynisme. Rappelons que le Rassemblement national a pour alliés M. Orban, qui remet en cause les droits des femmes et le droit à l’avortement, ou M. Trump, qui s’attaque aux droits des personnes transgenres et à ceux des migrants. Les droits humains ne sont pas à géométrie variable.
Vous prétendez défendre la diplomatie, la coopération et le dialogue. Drôle de diplomatie que de distribuer les bons et mauvais points, ou de sermonner les États étrangers en les traitant de dictatures !
Enfin, en instrumentalisant le cas de Boualem Sansal pour entretenir l’escalade entre la France et l’Algérie, vous mettez en péril sa libération. Cela montre bien que vous n’en avez en réalité rien à faire.
La compétition à laquelle se livre le Rassemblement national et M. Retailleau – dont nous attendons d’ailleurs toujours la démission – n’a que trop duré.
Mme Manon Bouquin, rapporteure. Votre collègue Rima Hassan ayant voté contre une proposition de résolution appelant à la libération de Boualem Sansal au Parlement européen, je comprends que le sujet vous mette mal à l’aise.
Le respect des droits de l’homme est en effet crucial, et en particulier lorsque nos propres compatriotes sont concernés, comme l’est aujourd’hui M. Sansal. Mais l’Algérie doit également respecter pleinement les règles commerciales et ses engagements en termes de réadmission de ses ressortissants. Ces trois volets de l’accord d’association revêtent la même importance à nos yeux.
Je constate qu’il y a une certaine unanimité contre la proposition de résolution. J’en suis déçue, mais peu surprise : c’est de la politique politicienne. Si j’avais appartenu au socle commun, le texte aurait été voté. À la suite des auditions, j’ai moi-même souhaité le réécrire, dans un esprit constructif, en retirant les dispositions qui pouvaient prêter à polémique. Cette séquence aura au moins le mérite de révéler à nos concitoyens votre sectarisme politique.
La commission adopte l’amendement de suppression de l’article unique de la proposition de résolution européenne.
La proposition de résolution européenne est par conséquent rejetée.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. En application de l’article 151-5 du règlement, la commission permanente saisie au fond se prononcera sur la proposition de résolution européenne dans sa version initiale.
Sur proposition de M. le président Pieyre-Alexandre Anglade, la commission a nommé :
– Mme Caroline Yadan, rapporteure sur la proposition de résolution européenne visant à condamner la politique de ségrégation imposée aux femmes afghanes par le régime des Talibans et à prendre des mesures appropriées pour mettre un terme aux atteintes à leurs droits fondamentaux (n° 1150) ;
– M. Gabriel Amard, rapporteur sur la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance d'un droit fondamental à l'eau et à l'assainissement de qualité au sein de l'Union européenne (n° 467) ;
– M. Philippe Bolo, Marie-Noëlle Battistel, co-rapporteurs sur la proposition de résolution européenne visant à préserver les concessions hydroélectriques françaises d'une mise en concurrence (n° 1019) ;
– Mme Marietta Karamanli, rapporteure sur la proposition de résolution européenne visant à soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’Union européenne (n° 1111) ;
– M. Vincent Caure et M. Damien Girard, co-rapporteurs sur la proposition de résolution européenne visant à soutenir le Danemark et le Groenland et œuvrer en faveur d’une plus grande coopération en matière de défense (n° 1170) ;
– M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur sur la proposition de résolution européenne visant à soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo et condamner le soutien du Rwanda au Mouvement du 23 mars (n° 1195).
La séance est levée à 15 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Guillaume Bigot, M. Benoît Biteau, Mme Manon Bouquin, Mme Céline Calvez, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Jocelyn Dessigny, M. Nicolas Dragon, M. Damien Girard, Mme Pascale Got, M. Stéphane Hablot, M. Michel Herbillon, M. Sébastien Huyghe, M. Bastien Lachaud, Mme Constance Le Grip, M. Laurent Mazaury, M. Maxime Michelet, Mme Nathalie Oziol, M. Alexandre Sabatou, Mme Sabrina Sebaihi, M. Thierry Sother, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye, Mme Caroline Yadan
Excusés. - Mme Sylvie Josserand, Mme Marietta Karamanli, M. Matthieu Marchio, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Estelle Youssouffa
Assistait également à la réunion. - M. Belkhir Belhaddad