Compte rendu

Commission
des affaires européenne
s

I. Relations entre l’Union européenne et la Chine : examen du rapport d’information (Mme Sophia Chikirou, rapporteure d’information)


 

Mardi
17 juin 2025

16 h 30

Compte rendu n o 35

Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président
 


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 17 juin 2025

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la Commission
 

La séance est ouverte à 16 heures 30.

 

I.                  Relations entre l’Union européenne et la Chine : examen du rapport d’information (Mme Sophia Chikirou, rapporteure d’information)

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Madame la rapporteure, je voudrais vous remercier pour votre travail conséquent, caractérisé par de nombreuses auditions, y compris en Chine. Votre travail défend des points de vue engagés, qui seront débattus tout en s’appuyant sur des analyses fouillées et documentées qui exploitent les nombreuses auditions menées.

Toutefois, votre travail semble aussi dépasser la simple relation entre l’Union européenne et la Chine pour aborder des sujets comme la situation à Gaza, la nécessité d’une monnaie universelle, l’appel à la faveur d’un tribunal international pour la justice climatique et environnementale ou encore la réforme de la gouvernance mondiale. Ces éléments peuvent susciter des interrogations quant à leurs liens directs avec le thème de votre rapport. Ce serait intéressant d’avoir votre point de vue là-dessus.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure d’information. Je suis très heureuse de pouvoir présenter le présent rapport dont l’origine remonte à l’an dernier, avant même la dissolution. Je remercie à ce titre le Bureau de la commission des affaires européennes de m’avoir à nouveau confié ce rapport d’information dans laquelle je me suis pleinement investie.

La relation entre l’Union européenne et la Chine a fortement évolué ces dernières années et s’est malheureusement fortement dégradée. Le prochain sommet Union-Chine, qui se tiendra en Chine à la fin du mois de juillet, se déroulera dans un climat de défiance que nous avons rarement connu, avec ce partenaire qui est à la fois central dans le commerce international mais aussi dans la géopolitique mondiale. C’est pour cette raison que le rapport va au-delà des simples relations commerciales et économiques Union-Chine pour aborder des sujets qui concernent la géopolitique et l’ordre international.

Depuis l’élection de Donald Trump et son entrée en fonction au début de l’année 2025, l’ordre international et le multilatéralisme sont menacés. L’unilatéralisme nord-américain provoque des bouleversements qui ont des conséquences directes au sein de l’Union européenne. D’ailleurs, les premières pages du rapport citent le président américain pour illustrer la façon dont il appréhende l’Europe : « l’Union européenne est à bien des égards plus méchante que la Chine. Oh, ils vont céder beaucoup vous verrez, nous avons toutes les cartes en main. Ils nous traitent très injustement ».

Concernant la Chine, il faut savoir que les relations diplomatiques entre l’Union et la Chine datent de 1975. La Chine a depuis connu une ascension exceptionnelle. En 2001, la Chine fait son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce. Les pays européens et les entreprises européennes souhaitaient disposer d’un accès privilégié au marché chinois, et ils l’ont obtenu. Mais ils ont aussi énormément utilisé la Chine comme lieu de délocalisation, laquelle est en grande partie responsable de la crise industrielle que connaissent l’Union européenne et la France en particulier.

En 2024, la Chine a enregistré un excédent commercial de 993 milliards de dollars. Investisseur majeur dans les pays émergents, elle détient le troisième stock mondial d’investissements à l’étranger.

La Chine est une puissance régionale, mondiale, militaire, nucléaire, diplomatique, qui a énormément investi dans les technologies identifiées comme stratégiques, notamment en matière d’intelligence artificielle générative comme le montre l’arrivée de DeepSeek sur le marché.

Paradoxalement, l’Union européenne pèse difficilement sur les affaires du monde. Traversées par de nombreuses fragilités internes, elle accuse un retard industriel et technologique flagrant, particulièrement dans le domaine du numérique ou celui de l’intelligence artificielle. Les visions et intérêts divergent régulièrement entre les États membres. Cette situation a abouti à une dégradation des relations entre la Chine et l’Union européenne.

Malgré tout, la Chine reste le deuxième partenaire commercial de l’Union européenne après les États-Unis. Les échanges sont clairement déséquilibrés, comme l’illustre la balance commerciale déficitaire de l’Union européenne. Pour autant, certains pays, comme l’Allemagne, ont une balance commerciale excédentaire

La relation entre l’Union européenne et la Chine est caractérisée par une défiance des européens. C’est ce qui ressort clairement des auditions.

Ce rapport plaide en faveur d’un changement de stratégie de la part de l’Union européenne. Il faut renoncer à qualifier la Chine de rivale systémique : cette qualification ne fait qu’enfermer la relation sino-européenne dans des logiques d’affrontements et de défiance et ne permet pas la résolution des différends.

Les mesures commerciales prises par l’Union européenne, qu’elles soient justifiées ou non, telles que les droits de douane instaurés sur les véhicules électriques, n’empêcheront pas la Chine de vendre ses produits. Ainsi, la BYD continue sa percée sur le marché européen alors que l’entreprise a fait l’objet de droits de douanes supplémentaires à hauteur de 17.5%.

Je plaide ainsi pour une forme de protectionnisme négocié. Plutôt que de s’engager dans l’adoption de mesures d’hostilité commerciale, qui provoquent de la part de la Chine des réactions délétères pour l’Union, j’encourage la négociation d’un accord global assurant la protection de notre industrie automobile et d’un certain nombre d’autres industries stratégiques. Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés, comme les quotas d’importation : l’Union européenne (UE) l’a déjà prévu dans le cadre de plusieurs accords. Il peut aussi s’agir de l’instauration de prix planchers sur certains biens, notamment les voitures électriques, la mise en place de contreparties technologiques ou la création de coentreprises comme la Chine l’avait auparavant fait à son avantage.

Sur le plan politique, il est temps que l’UE marque son refus de toute vassalisation vis-à-vis des États-Unis et rejette l’atlantisme, qui fait d’elle un acteur secondaire sur le plan politique et géopolitique. Il est temps que l’Europe définisse son propre agenda et sa propre voie, notamment au service de la paix, qui est l’enjeu crucial du moment.

Il faut renoncer à la stratégie indopacifique européenne afin de revenir à une stratégie de coopération régionale incluant la Chine. La stratégie indopacifique, adoptée et définie par les États-Unis, puis par la France et par l’UE en 2021, vise à endiguer le développement de la Chine dans sa zone régionale et l’empêcher d’y développer son influence. Cela ne peut que favoriser les tensions, accentuées avec les exercices de l’OTAN en mer de Chine. Cette situation, insensée, va à l’encontre des intérêts européens. Il faut travailler à la désescalade et inclure cet acteur central et incontournable dans notre stratégie de coopération.

Nous ne pouvons par ailleurs pas envisager la transition écologique et l’adaptation aux changements climatiques sans la Chine, qui en est devenue un acteur absolument incontournable. La Chine demeure partie aux accords de Paris, elle a participé au Sommet sur les océans à Nice et elle prend des engagements certes perfectibles, mais dont les résultats sont parfois spectaculaires.

La France a un rôle diplomatique particulier à jouer. Elle est le premier pays à avoir reconnu la Chine. Elle a également œuvré à la reconnaissance de la République populaire de Chine par l’ONU en sa qualité de seul représentant de la Chine et à son intégration dans le système onusien. La France a par ailleurs toujours pris des positions respectueuses de la souveraineté chinoise. Si ses liens avec la Chine se sont distendus avec l’épisode des frégates de Taïwan à l’époque du président Mitterrand, le président Chirac était ensuite parvenu à définir une relation harmonieuse de coopération, sans s’aligner pour autant sur la Chine. Il ne s’agit en aucun cas de dire que la France doit s’aligner sur la Chine, mais qu’elle a des intérêts nationaux à coopérer avec ce pays.

Pour répondre à votre question, Monsieur le président, il y a des liens étroits entre le sujet des relations entre l’Union et la Chine et d’autres que vous évoquez, comme ceux de Gaza, de la monnaie mondiale et du système financier international. Comme la France, la Chine est très attachée au multilatéralisme. Comme la Chine qui est aux côté des Brics+, la France appelle, au niveau de l’ONU, à rééquilibrer le rapport avec les pays du Sud global. La Chine peut être un partenaire, et jouer un rôle central dans le rééquilibrage de l’ordre international et dans la résistance aux coups portés par l’unilatéralisme de Donald Trump.

Mme Sylvie Josserand (RN). Nous sommes réunis pour examiner un rapport aux failles majeures, qui illustre une bienveillance inquiétante envers la Chine. Ainsi, le rapport élude totalement les pratiques de dumping massif, les subventions publiques, et les transferts forcés de technologie orchestrées par Pékin. Ce comportement a pourtant contribué à la destruction de centaines de milliers d’emplois, en France et en Europe.

En outre, vous recommandez de renforcer la coopération avec la Chine, notamment à travers les joint-ventures, ou encore les accords dans les secteurs stratégiques, comme les batteries ou le numérique. Aucune exigence de garde-fous, aucune garantie ne sont envisagées pour préserver notre souveraineté technologique, ou protéger nos actifs stratégiques. C’est ouvrir grand la porte à une nouvelle dépendance, celle d’échanger notre tutelle envers Washington, au profit d’une autre envers Pékin.

Par ailleurs, certaines propositions relèvent de l’utopie. Vous préconisez de « sauver les biens publics mondiaux avec la Chine » ou « de créer un tribunal international pour la justice climatique », alors même que Pékin refuse toute contrainte juridique internationale. Il s'agit là d’une insigne naïveté. Enfin, le rapport passe sous silence les ingérences chinoises en Nouvelle-Calédonie : pas un mot sur le soutien de Pékin au mouvement indépendantiste, aucune mesure concrète pour défendre nos intérêts dans le Pacifique.

Or, un rapport de l’Irsem publié en avril 2025 par Anne-Marie Brady souligne que depuis plusieurs années, des agents et relais du parti communiste chinois cherchent à influencer les décideurs locaux, notamment au sein du FLNKS. Des membres du mouvement indépendantiste kanak ont en effet reçu des fonds et des formations prodiguées par Pékin, dès les années 1980, ce qui contribue à entretenir les troubles dramatiques que nous connaissons actuellement en Nouvelle-Calédonie.

Madame la rapporteure, comment justifiez-vous l’absence totale de mention d’ingérence chinoise en Nouvelle-Calédonie, alors qu’elles sont documentées ? Comment expliquez-vous que tout en mentionnant la vassalisation de Washington, vous restez silencieuse sur le danger d’une vassalisation vis-à-vis de Pékin ? Changer de maître n’est pas gagner sa liberté.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure d’information. Vous procédez à une lecture bien légère du rapport ! Ce dernier n’indique pas qu’il faut ignorer les stratégies de conquêtes commerciales de la Chine en Europe. Il ne passe pas sous silence la façon dont la Chine organise et profite du marché ouvert européen. Il explique en revanche que les mesures prises par l’Union européenne visant à instaurer des droits de douane ou à lancer des enquêtes sur les subventions publiques de la Chine aux entreprises ne permettront pas de protéger notre industrie.

Le rapport examine les effets délétères provoqués par de telles mesures. Le cas du cognac et du brandy en est un exemple : la Chine a pris des mesures de rétorsion qui, en moins de trois mois, ont provoqué une baisse des exportations françaises et une menace sur les emplois. La Commission européenne indique ne pas être en mesure de mesurer les conséquences des droits de douane instaurés sur les voitures électriques chinoises.

Ce rapport propose une stratégie de négociation point par point. Déjà, la Commission européenne a prévu de contrôler le contournement des règles commerciales avec la revente de biens chinois dans d’autres pays comme la Turquie. Toutefois, ces mesures ne seront pas suffisantes. Il vaut mieux discuter, notamment sur le transfert de technologie. L’enjeu est de réussir à accéder à certaines technologies que les Chinois maîtrisent mieux que nous. Il convient également de créer un cadre de travail sur la question du transfert de technologies et la protection de la propriété intellectuelle.

Le rapport ne mentionne effectivement pas les ingérences en Nouvelle-Calédonie, ce sujet n’ayant pas été évoqué par les personnes auditionnées. Si vous parlez du soft power de la Chine, il existe bel et bien : les routes de la soie sont un moyen pour la Chine d’établir une influence, mais tous les pays font la même chose.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). La Chine est un grand et un vieux pays qu’il nous faut connaître, et un acteur international majeur qui va s’affirmer encore au XXIe siècle. La liste des auditionnés témoigne de votre implication. Je note malgré tout que seul Jean-Luc Mélenchon a été auditionné en tant que personnalité politique. Il aurait pu être utile d’entendre des anciens présidents de la République et responsables politiques, tels que François Hollande, Nicolas Sarkozy, Jean-Yves Le Drian, Dominique de Villepin ou Laurent Fabius.

J’estime qu’il faut dialoguer et commercer avec la Chine sans naïveté et sans complaisance. La Chine a un agenda et elle ne nous fera pas de cadeaux. Elle n’est pas une démocratie et ne partage pas nos valeurs de liberté et de dignité humaine.

Sur le plan économique, elle fait du pillage technologique. Elle est proche de la Russie et de l’Iran. Il ne faut pas idéaliser ce pays qui ne représente pas une puissance de stabilisation de l’ordre international construit après 1945. Au contraire, elle a pour ambition de changer cet ordre.

Autrement dit, si nous devons avoir des relations politiques et économiques avec la Chine, ce pays ne partage pas nos valeurs. Cela aurait pu figurer de façon plus évidente dans votre rapport. L’Union européenne est un ensemble démocratique et il est important que nous marquions les lignes rouges dans nos relations avec Pékin.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure d’information. Pour répondre à votre première question, nous avons sollicité des personnalités politiques qui n’étaient pas disponibles. Par ailleurs, lorsque la Chine décide de participer au Sommet sur l’intelligence artificielle organisé à Paris et qu’elle est signataire de la Déclaration, il s’agit là d’un engagement que d’autres pays ne prennent pas et qui constitue un signal important pour la gouvernance mondiale du numérique. Le même constat peut être dressé pour la conférence de l’ONU sur les océans.

Il ne s’agit pas d’être naïf ou complaisant et de traiter la Chine comme une formidable démocratie. Toutefois, il y a des incohérences sur l’application de nos principes et de nos valeurs : l’Union européenne a conclu des accords avec des pays comme l’Egypte, la Tunisie, la Syrie ou avec la Turquie alors qu’il est clair que les droits de l’Homme n’y sont pas respectés. L’Union européenne s’apprête à signer un accord avec l’Inde qui a bombardé le Pakistan, développe une politique islamophobe, dénoncée par les organisations non gouvernementales et a créé des camps de rétention pour les personnes déchues de leur citoyenneté.

Par ailleurs, la Chine ne nous demande pas de renoncer à nos valeurs ; elle ne veut pas subir d’ingérences et d’implications de l’Union européenne dans ses affaires internes. Au sujet de Taïwan, le droit international existe : ne participons pas à l’instrumentalisation de cette question par les États-Unis ! Cela n’a jamais correspondu à la position française ; pourquoi cela devrait-il l’être aujourd’hui ?

Enfin, si la Chine bouleverse l’ordre international, c’est aussi le cas d’autres pays comme l’Inde, le Brésil, le Mexique ou l’Afrique du Sud. La question est celle de savoir si nous acceptons de faire une place, comme ils le réclament, aux pays du Sud Global. La France y est plutôt favorable, y compris au niveau des institutions monétaires. La France n’est pas dans une position de rejet du poids de la Chine.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Contrairement à ce qui a pu être avancé, je trouve ce rapport extrêmement réaliste. Il procède à des rappels essentiels, comme le poids de la Chine dans l’économie mondiale actuelle. Je rappelle, à ceux qui le déplorent, notamment aux libéraux, que ce sont les Occidentaux qui ont massivement délocalisé leur production vers la Chine dans les années 1980-1990 pour maximiser les rendements du capital.

Beaucoup ont sous-estimé ce grand pays historique, qui dispose de grandes capacités de planification. Certains ont cru qu’il fabriquerait éternellement des biens de très mauvaise qualité. Aujourd’hui, la Chine couvre tout le spectre, y compris les fusées spatiales.

Ce rapport évite deux écueils. Tout d’abord, celui de la naïveté libérale, qui consiste à croire qu’avec le doux commerce, nous conserverons notre domination sur le monde, si tant est que cela soit l’objectif. Le second écueil serait de croire que le problème peut être réglé en menant une guerre commerciale et en s’alignant sur les États-Unis. Une telle guerre commerciale est ingagnable. Les chaînes de valeur et de production sont trop interdépendantes. Une guerre commerciale court le risque de dégénérer en conflit tout court. Sur ce sujet, la France doit être non alignée.

La rapporteure a raison d’insister sur les enjeux géopolitiques du commerce. Nous assistons en effet à une « arsenalisation » du commerce international.

Je ne suis pas certain que la Chine veuille remettre en cause les règles internationales mises en place après la Seconde Guerre mondiale. Elle veut plutôt devenir la première puissance mondiale tout en restant dans ce cadre. Ce sont plutôt les États-Unis qui veulent modifier certaines règles constituant cet ordre international. C’est le sens du discours de Joe Biden, qui affirmait qu’« il nous faut un monde avec des règles », mais on ne sait pas exactement lesquelles, ni ce qu’il advient du droit international.

Le rapport propose de trouver une troisième voie, qui pourrait s’apparenter à une forme de protectionnisme solidaire. Ce n’est ni la guerre commerciale, ni le libre-échange généralisé et l’ouverture totale. Il s’agirait d’une négociation secteur par secteur, en veillant à protéger nos intérêts tout en adoptant une démarche de coopération.

J’aimerais que vous précisiez les recommandations sur lesquelles vous souhaitez particulièrement insister.

M. Aurelien Taché (LFI-NFP). Une question me semble particulièrement intéressante : la manière dont la « troisième voie » pourrait se décliner dans le domaine de la transition écologique. La Chine est aujourd’hui le premier producteur de batteries, de panneaux solaires et de nombreuses technologies vertes. Lorsque l’Union européenne évoque la réduction des dépendances face à la Chine, nous avons l’impression qu’il s’agit en réalité d’une logique de confrontation assez proche de celle des États-Unis, sans toutefois l’assumer pleinement.

Dans ce contexte, quel rôle la France peut-elle jouer pour porter cette stratégie de troisième voie vis-à-vis de la Chine ? Nous avons avec ce pays une relation particulière. Le général de Gaulle a été le premier chef d’État occidental à reconnaître la République populaire de Chine comme État souverain. Alors que nous avons célébré l’an dernier, dans une certaine discrétion, les 60 ans des relations franco-chinoises, comment la France pourrait-elle reprendre l’initiative pour impulser une orientation européenne plus autonome, fidèle à cette troisième voie que vous évoquez ?

Mme Constance Le Grip (EPR). Votre rapport d’information concerne l’ensemble des relations entre l’Union européenne et la Chine. À ce titre, plusieurs thématiques que vous avez évoquées auraient pu faire l’objet d’un traitement plus approfondi, au-delà d’un simple encadré ou d’une mention rapide.

Je pense notamment au sujet des ingérences chinoises, de toute nature, qui sont extrêmement documentées, précises, et agressives, tant dans notre pays qu’au sein de nombreux autres États membres de l’Union européenne. Nous ne sommes pas ici dans une logique de soft power ou dans une politique de promotion des bienfaits du régime chinois, mais bien face à des stratégies offensives, systémiques, d’attaque contre nos valeurs.

De nombreux travaux en attestent. Je pense notamment à l’ouvrage de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Paul Charon, qui fait autorité et qui fait référence aux opérations d’influence chinoises, dans une logique qualifiée de « machiavélienne ». On peut également mentionner les travaux d’Antoine Bondaz, ainsi que d’excellents rapports parlementaires, dont celui de notre collègue sénateur André Gattolin, consacré aux ingérences chinoises particulièrement agressives, notamment dans les milieux universitaires, académiques et de la recherche. Tout cela aurait pu nourrir un rapport d’information plus complet.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure d’information. Pour répondre à l’intervention de M. Arnaud Le Gall, ce rapport s’interroge sur les moyens pour l’Union européenne de valoriser son rôle dans la perspective du prochain sommet UE-Chine. Il comporte un certain nombre de recommandations comme la nécessité de rediscuter de l’accord global sur l’investissement, signé en l’UE et la Chine en 2021 puis suspendu. Il ne faut pas le reprendre tel quel, mais intégrer certaines mesures nouvelles comme l’instauration de prix planchers, de quotas d’importation ou des co-entreprises.

 La France devrait abandonner toute logique de confrontation avec la Chine, comme le fait l’Allemagne qui ne considère pas la Chine comme un rival systémique. Contrairement à la logique agressive portée par la Commission européenne, l’Allemagne réalise des co-entreprises avec la Chine, et passe outre les règles de la Commission européenne dans ses rapports diplomatiques. La France partage avec la Chine une vision du partage de l’ordre mondial et de l’écologie. Le multilatéralisme est un vrai point commun, comme en témoigne la volonté partagée de créer une agence mondiale du développement pour pallier aux coupes budgétaires majeures de l’US aid. Cela ne veut pas dire que les deux pays sont alignés sur tout, comme le démontre l’exemple de la création d’un tribunal international climatique, que la France promeut et que la Chine refuse.

De plus, l’investissement scientifique dans l'aérospatial est un véritable sujet de coopération. Les échanges universitaires représentent un sujet qui mériterait également d’être approfondi.

Concernant les ingérences chinoises, ce n’est pas un sujet qui a été évoqué par les interlocuteurs français et chinois. Nous avons parlé des Ouïghours, de Taiwan, mais pas de ces sujets. Peut-être que les fonctionnaires français et européens n’y sont pas sensibilisés.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Le sujet est documenté, nous possédons des services qui font un travail de bonne qualité. Il est important de rappeler que l’ingérence est généralisée, massive, de la part de la Chine comme des États-Unis qui s’ingèrent dans les campagnes électorales, et nous volent des données stratégiques.

 

La commission a autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à 17 heures 15.


Membres présents ou excusés

 

 

Présents. - M. Gabriel Amard, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophia Chikirou, Mme Sylvie Josserand, Mme Constance Le Grip, M. Charles Sitzenstuhl

 

Excusés. - M. Laurent Mazaury, Mme Isabelle Rauch, Mme Liliana Tanguy

 

Assistaient également à la réunion. - M. Arnaud Le Gall, M. Aurélien Taché

 

 

 

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