Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition de Mme Ségolène Royal, ancienne ministre déléguée à l’enseignement scolaire              2

– Présences en réunion..............................18


Mardi
20 mai 2025

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 79

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 

 

 

 


  1 

La séance est ouverte à quatorze heures.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission auditionne, dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958), Mme Ségolène Royal, ancienne ministre déléguée à l’enseignement scolaire.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Dans le cadre de nos travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, il nous a semblé indispensable de vous entendre, Madame Royal, pour au moins deux raisons.

D’une part, lorsque vous étiez ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire, entre 1997 et 2000, vous vous étiez saisie de la question des violences sexuelles en milieu scolaire. En témoigne la circulaire du 26 août 1997, publiée sous votre autorité et portant instruction concernant ce type spécifique de violences.

D’autre part, le 18 février dernier, en réponse à une question de notre collègue Colette Capdevielle le premier ministre François Bayrou a déclaré qu’il ne savait rien de l’affaire Bétharram, mais que d’autres savaient. Il a évoqué certains ministres du gouvernement alors dirigé par Lionel Jospin, dont vous-même, jugeant inimaginable qu’ils aient pu ne pas tenir compte des signalements effectués par le procureur général de Pau en 1998.

Votre témoignage nous sera précieux pour, entre autres, analyser la manière dont a évolué la prise en charge des violences sexuelles en milieu scolaire au cours du temps. Vous apporterez aussi votre éclairage sur le cas particulier que je viens de mentionner.

Auparavant, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Ségolène Royal prête serment.)

Dans quel contexte et pour quelles raisons avez-vous décidé d’élaborer la circulaire du 26 août 1997 portant instruction concernant les violences sexuelles ? Pouvez-vous en rappeler les grandes lignes et préciser quelles pratiques elle visait à clarifier ou à modifier ?

Mme Ségolène Royal, ancienne ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire. Je vous remercie de m’auditionner à l’occasion des importants travaux que vous conduisez concernant la lutte contre les violences faites aux enfants, en particulier les violences sexuelles.

J’ai été nommée ministre le 4 juin 1997 et la circulaire est sortie le 26 août de la même année – c’est extrêmement rapide. Si j’ai fait cette circulaire, c’est par devoir moral, par conscience, parce que j’avais été confrontée dans ma circonscription, en tant que députée des Deux-Sèvres, à un cas terrible de violences sexuelles commises sur des enfants – dans la commune de Sauzé-Vaussais.

Un jour, lors d’une permanence dans cette commune très rurale, une maman vient me voir pour me dire que son petit garçon ne veut plus aller à l’école, saute régulièrement par la fenêtre, se met en danger et va finir par se tuer, et qu’elle ne sait pas comment faire. Au lieu de transmettre le dossier à un assistant parlementaire ou de juger la situation trop compliquée – « Courage, fuyons ! » –, je lui dis : « Madame, je vous crois. » Cette maman m’a alors regardée, estomaquée, en m’indiquant que c’était la première fois qu’on la croyait. J’ai donc suivi cette affaire, qui m’émeut encore aujourd’hui.

Il s’agissait d’un instituteur bien sous tous rapports, un notable local, associé au conseil municipal, ayant des responsabilités dans le monde syndical, intégré dans les associations locales, qui procédait à des abus sexuels sur les enfants – les enfants fragiles, qui n’étaient pas les plus brillants de la classe. Il les emmenait au fond de la classe et leur faisait des attouchements sexuels, la main dans le pantalon. Il demandait aux autres élèves de travailler tandis qu’il annonçait prendre ceux qui savaient le moins bien travailler pour leur fournir un appui scolaire, au fond de la classe.

Il y avait deux classes contiguës. J’ai rapporté les propos qu’on m’avait tenus à l’institutrice de l’autre classe, que je connaissais. Je connaissais d’ailleurs les deux enseignants, raison pour laquelle j’étais estomaquée. Cette institutrice m’a dit qu’elle n’avait pas osé en parler jusqu’ici, mais que les enfants qui étaient régulièrement abusés sexuellement venaient à l’école en portant des ceintures très serrées autour de leur ventre, sans que les mamans et les instituteurs comprennent pourquoi. En fait, ils essayaient de s’autoprotéger. Malgré tout, l’instituteur enlevait leur ceinture et leur mettait la main dans le pantalon.

Ensuite, le procès a eu lieu et je l’ai suivi. Je n’ai pas lâché les familles. J’ai vu tous les mécanismes d’autoprotection, d’autodéfense, de transformation du coupable en victime et d’influence sur la juge d’instruction, qui était dans un état de sidération. L’auteur des faits se présentait devant elle en se mettant à pleurnicher et à affirmer qu’il était la victime. Tous les mécanismes que l’on connaît dans toutes les affaires, je les ai décryptés à ce moment-là et j’ai vu comment ils fonctionnaient.

Je suis même allée au procès, dans la salle d’audience, aux côtés des familles, parce que j’avais vu que l’éducation nationale avait tellement peur et ne savait tellement pas comment procéder qu’elle les laissait seules. En outre, la protection juridique était accordée au pédocriminel, et pas aux familles et aux enfants, qui étaient seuls, isolés dans la salle d’audience. Il n’y avait même pas une association qui leur aurait permis d’échanger les uns avec les autres. Je suis donc allée au tribunal à leurs côtés. La condamnation a été prononcée – ces abus sexuels avaient quand même duré plusieurs années. L’auteur s’est suicidé – toujours le même mécanisme –, puis un enfant, que je connaissais, s’est suicidé. Cette histoire m’a tellement marquée que je me suis dit que si un jour, j’avais le pouvoir de faire quelque chose, je le ferais.

Une autre affaire a eu lieu, toujours dans ma circonscription. Un enfant de l’option sport-études de Poitiers se faisait violer tous les soirs à l’internat. Un jour, je le rencontre. Il me dit qu’il a vu que j’ai agi pour les enfants de Sauzé-Vaussais, et ajoute que cela lui est aussi arrivé. Je l’ai accompagné. Il était devenu adulte et me relatait avoir beaucoup de mal avec ses enfants. Je l’ai donc accompagné, et je lui ai donné des conseils de psychologie.

Ces affaires m’avaient même conduite à recruter une psychologue dans mon bureau de députée, à Melle, parce que je ne pouvais pas gérer toutes les demandes. Je sentais que les personnes qui avaient des problèmes de ce type étaient tellement isolées que j’avais organisé la permanence, une fois par semaine, d’une psychologue spécialisée dans l’écoute des enfants. J’avais dit aux parents que s’ils avaient besoin de conseils, ils pouvaient venir de telle heure à telle heure, car une psychologue serait mise gratuitement à leur disposition – je la rémunérais – pour les écouter. Un jour, j’arrive et je vois une centaine de personnes attendre ! Des gens étaient venus y compris des départements voisins, juste parce qu’il y avait ce lieu d’accueil et d’écoute. Là encore, je me suis dit que si un jour j’avais des responsabilités me permettant de faire quelque chose, je le ferais. C’est ce que j’ai fait en arrivant au ministère de l’enseignement scolaire.

J’ai eu la chance de recruter le juge Jean-Michel Hayat à mon cabinet. J’emploierai d’ailleurs « nous », au cours de cette audition. C’était un juge extraordinaire, rigoureux, engagé, ne lâchant rien, tout le temps à mes côtés – car je n’avais pas ce seul dossier, en tant que ministre de l’enseignement scolaire. J’étais aussi chargée de beaucoup d’autres dossiers, comme la réforme des collègues, les zones d’éducation prioritaire, les écoles rurales ou l’intégration des enfants handicapés à l’école. Jean-Michel Hayat, qui a ensuite fait une carrière brillante dans la justice, puisqu’il est devenu président de la Cour d’appel de Paris, a été là tout le temps – tout le temps. Cela n’a pas été facile, il y a eu des levées de boucliers et nous avons reçu des menaces de plaintes.

J’ai annoncé le projet de circulaire pour la première fois à la réunion des recteurs, et je leur ai demandé de me faire remonter toutes les informations utiles quant aux difficultés qu’ils avaient rencontrées dans la gestion de tels dossiers. Les recteurs ont travaillé rapidement. Ils étaient soulagés, car personne ne leur avait jamais demandé cela et, quand ils avaient des affaires, ils ne savaient pas comment les gérer – sans compter que les auteurs de crimes et délits menacent toujours de porter plainte en diffamation. C’est toujours le même rapport de force.

Il faut que vous sachiez, en plus, que dans l’éducation nationale, il y a encore cette vieille rengaine du film avec Jacques Brel, Les Risques du métier, dans lequel une adolescente accuse un enseignant de faits inexacts. À chaque fois que je regardais des procédures, je constatais systématiquement la même ligne de défense : « C’est faux », « Souvenez-vous des Risques du métier ! » C’est aussi vrai dans toutes les affaires d’abus sexuels contre les femmes. Les coupables se mettent à pleurer et à affirmer qu’ils sont victimes. Si vous regardez les procédures, vous observerez systématiquement qu’au bout du compte, quand les personnes prises sont jugées au pénal et ont épuisé tous les arguments que l’on connaît par cœur maintenant, elles avancent qu’elles aussi ont été victimes d’abus sexuels dans leur enfance et qu’il n’est donc pas totalement anormal qu’à leur tour, elles en fassent subir aux enfants. Et ça, ça a de l’influence sur les jurés, en cour d’assises. Et ça, ça a de l’influence sur les magistrats. Et ça, ça ne devrait plus pouvoir être utilisé sans apporter des preuves. Or, quand on regarde les procès, qu’est-ce qu’on voit ? Pour que leurs accusations ne soient pas vérifiables, elles accusent toujours quelqu’un qui est mort – c’est l’arrière-grand-père, c’est le grand-oncle, c’est ceci, c’est cela, toujours invérifiable. Je vous le signale, parce que c’est souvent un élément clé qui fait que les auteurs parviennent à atténuer leur responsabilité.

Pour en revenir à ma circulaire, ou plutôt à notre circulaire, car je vais intégrer le juge Hayat dans mes travaux, c’était la première fois que l’on disait ce qu’était un viol, ce qu’était une atteinte sexuelle et ce qu’était une agression sexuelle, en rappelant le contenu du code pénal. Il est vrai que les ministères sont assez cloisonnés et que les enseignants et les cadres administratifs ne reçoivent pas toujours une formation au droit pénal. Il était donc important de redire ce que sont le viol, les atteintes sexuelles, la corruption de mineurs et l’exploitation des images à caractère pornographique. Déjà, à l’époque, on s’est soucié de l’utilisation de ces images, qui existaient déjà.

Arrive ensuite un chapitre sur les accusations sans fondement, un peu contre mon gré, mais cela a fait partie de la négociation. Il y avait eu une levée de boucliers, au motif que tout le monde allait dénoncer dans tous les sens et qu’il ne fallait pas faire de circulaire, mais seulement donner des instructions orales. J’avais eu la volonté de dire non, et j’avais fait une déclaration à la télévision pour affirmer qu’un enfant ne ment pas. Un enfant qui parle d’un abus sexuel ne ment pas. C’est déjà tellement dur de parler que, quand il commence à parler, il faut lui dire cinq éléments – nous y reviendrons. J’avais alors été attaquée, y compris par mon ministre de tutelle Claude Allègre. Cela n’avait pas été facile. Il affirmait que je disais n’importe quoi en déclarant qu’un enfant ne ment pas, et il avait fait référence aux Risques du métier. Nous avions tenu bon, avec Jean-Michel Hayat. Toutefois, pour rassurer les organisations professionnelles d’enseignants, le chapitre II de la circulaire ne porte pas sur ce qu’il faut faire en cas de signalement, mais sur les accusations sans fondement – avec la plainte en diffamation et l’action en référé pour atteinte à la présomption d’innocence. Pour montrer qu’on avait été soucieux de l’équilibre entre la présomption d’innocence et – même si c’était disproportionné, vous l’aurez compris – la prise en compte de la parole de l’enfant, après la définition des infractions prévues au code pénal nous avons cité la présomption d’innocence et indiqué ce que peut faire quelqu’un qui est injustement accusé.

Enfin, au troisième chapitre, nous mentionnions les obligations de parler et d’agir prévues par la loi, parce que c’était un désert. Les gens ne savaient pas ce qu’ils pouvaient dire et faire – fallait-il aller au commissariat, prévenir les parents, croire l’enfant, interroger un médecin scolaire ? Ils ne savaient pas. C’était très compliqué.

J’avais directement vu la difficulté de gestion des proches et des collègues de cet instituteur pédophile, qui ne savaient pas comment faire. Les élus disaient que ce n’était pas possible, qu’ils le connaissaient et que c’était absolument impossible. Pourtant si, plusieurs enfants et plusieurs parents ont témoigné.

Il y avait donc un protocole très précis, rappelé dans ce chapitre de la circulaire relatif aux obligations de parler et d’agir prévues par la loi – les obligations légales s’imposant à tous, et les obligations légales s’imposant spécifiquement aux fonctionnaires au travers de l’article 40 du code de procédure pénale.

Le chapitre suivant portait sur le signalement des faits – la connaissance directe des faits, la connaissance par ouï-dire ou par rumeur, le soupçon fondé sur des signes de souffrance, la rumeur ou les témoignages indirects, ainsi que la procédure à suivre pour gérer une rumeur. Il était rappelé que ce n’était pas aux acteurs scolaires de faire l’enquête, et qu’ils devaient uniquement signaler un problème et approfondir la question. Ce n’est pas à eux de faire l’enquête. En effet, il fallait tenir compte du fait que les enfants étaient interrogés jusqu’à dix ou quinze fois – par les parents, par les instituteurs, par les copains à l’école – et qu’à la fin, ils se rétractaient. La prise en compte de la première parole et la façon dont celle-ci est gérée est cruciale pour que l’enfant continue à parler.

Dans la partie consacrée au soupçon fondé sur des signes de souffrance, la rumeur ou les témoignages indirects, la circulaire précise la procédure pour gérer une rumeur et des témoignages indirects : alerter l’inspection académique, protéger l’enfant, protéger la communauté scolaire, etc. L’inspecteur d’académie peut désigner dans l’urgence un inspecteur de l’éducation nationale, faire un rapport objectif et alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives.

Concernant le fonctionnaire mis en cause, la circulaire est très claire : il est suspendu. Ce point avait créé un malentendu, d’aucuns considérant que suspendre un fonctionnaire revenait à le considérer coupable avant même qu’il soit jugé. C’est pour cela que l’éducation nationale ou toutes les institutions dans lesquelles cela se passe – c’est pareil dans le sport, dans les activités périphériques de l’école et dans tous les lieux qui accueillent des enfants – ne bougent pas. Elles attendent la condamnation pénale. Mais c’est très long. Il faut donc procéder à la suspension immédiate, surtout quand les faits sont avérés, avec la délicate explication selon laquelle la suspension existe aussi pour protéger le fonctionnaire concerné. S’il n’y a pas de condamnation au terme de l’instruction pénale, une suite est donnée. S’il y a une condamnation, une procédure disciplinaire est engagée. Il faut bien distinguer la suspension, à titre provisoire et à titre de protection du mis en cause, de la procédure disciplinaire qui intervient après la condamnation pénale.

La circulaire rappelle ensuite les sanctions disciplinaires.

J’avais également tenu, je m’en souviens, à ce qu’elle aborde le sujet de l’assistance morale et matérielle de l’enfant et de la famille. J’avais tellement vu le désespoir, le désarroi et l’abandon des familles, qu’il fallait prévoir ce volet – mais, je pense que ce n’est toujours pas appliqué. Je rappelais qu’il y avait l’accès à l’aide juridictionnelle et la possibilité de mobiliser les services sociaux du conseil général, et que « cette mission essentielle de protection morale et physique des mineurs est assurée par le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en liaison éventuellement avec le service départemental de la protection maternelle infantile (PMI) et le service département d’action sociale. En outre, il est important de noter que le président du conseil général doit aviser sans délai l’autorité judiciaire lorsqu’un mineur semble victime de mauvais traitements, qu’il est impossible d’évaluer la situation et que la famille refuse manifestement d’accepter l’intervention du service d’aide sociale à l’enfance » – parce qu’elle ne sait pas encore de quoi il retourne.

On avait donc eu le souci d’associer les services de protection de l’enfance dans l’assistance morale et matérielle de l’enfant et de la famille. Quand l’éducation nationale prend l’initiative, il faut que les services du conseil général apportent cette assistance.

Un chapitre était également consacré à l’assistance psychologique à la communauté scolaire.

Le chapitre IX était relatif à la nécessaire coordination entre l’éducation nationale et la justice. Cette coordination était difficile. La justice considérait que l’éducation nationale ne devait pas s’en mêler, l’éducation nationale renvoyait vers la justice, c’était compliqué. Il avait fallu rappeler les conditions d’une bonne coordination entre l’éducation nationale et la justice.

Enfin, la circulaire traitait de l’application de l’instruction à l’enseignement privé, y compris aux établissements d’enseignement privé sous contrat. Cela avait donné lieu à débat. Il n’était pas indispensable de mentionner l’enseignement privé, dans la mesure où la circulaire s’adressait à tous les établissements scolaires. Mais je me souviens que Jean-Michel Hayat avait considéré, après avoir regardé tous les dossiers, et alors que les recteurs avaient posé la question, qu’il fallait prévoir un chapitre spécifique, même si les obligations et la procédure étaient exactement les mêmes. Cela explique qu’il y ait deux paragraphes – assez courts, puisque c’est la même procédure – faisant apparaître « établissements d’enseignement privé » et « établissements d’enseignement privé sous contrat ». Les recteurs avaient demandé si tous les établissements d’enseignement privé étaient concernés, ou seulement ceux sous contrat. C’est donc aussi à leur demande que nous avions clarifié ce dispositif.

Voilà, brièvement résumé, ce document assez long qui, je l’espère, a permis de lever la loi du silence dans beaucoup d’endroits.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous allons nous attarder sur cette circulaire qui date d’il y a vingt-cinq ans. Quand on la relit dans le détail, on constate combien elle reste d’actualité. C’est assez glaçant, d’ailleurs, compte tenu de ce qui s’est passé depuis. En revenant sur certains paragraphes, nous analyserons les raisons pour lesquelles une partie des mesures prévues ne sont pas restées efficaces au fil du temps.

Vous avez insisté sur la nécessaire prise en compte de la parole de l’enfant, notamment dans le cadre d’un soupçon fondé sur des signes de souffrance, la rumeur ou des témoignages indirects – une situation délicate. Dans la circulaire, vous expliquez que pour éclairer la triple préoccupation de protéger l’enfant, la communauté scolaire, mais aussi l’honneur et la considération de la personne indirectement mise en cause, les autorités peuvent confier une mission à un inspecteur, mais « il n’appartient à personne, au sein de la communauté scolaire, de valider d’une quelconque manière la parole de l’enfant ».

Dans un article du Monde de juillet 1997 consacré à la préparation de cette circulaire, il est indiqué qu’une circulaire Bayrou précisait qu’en cas de présomption de maltraitance, le président du conseil général devait être saisi et que l’inspecteur d’académie devait être informé de cette saisine. Parvenez-vous à vous souvenir du pas franchi, dans la circulaire que vous avez publiée en août 1997, concernant la prise en compte de la parole de l’enfant ? Quelle différence y avait-il entre ces deux instructions ?

Mme Ségolène Royal. Je pense que l’instruction de 1997 était plus claire, parce qu’elle s’intégrait dans un dispositif global de respect de la parole de l’enfant. Cette circulaire n’a pas été juste une circulaire, elle s’est accompagnée d’un travail opérationnel, dans les écoles, sur la prise en considération de la parole de l’enfant.

Je savais ce qui avait été fait au Canada, qui était le pays le plus en avance à ce moment-là. Avec toute une équipe, on avait structuré et distribué dans toutes les écoles un document, qui avait été longuement élaboré, intitulé Mon corps c’est mon corps, j’ai le droit de dire non.

L’élément clé consiste à dire cinq choses à un enfant quand il parle : qu’on le croit, que ce n’est pas sa faute, qu’il a bien fait de parler parce qu’il va protéger d’autres enfants, que maintenant on va le protéger, et que cela ne lui arrivera plus. On aurait encore besoin de répéter ces éléments aujourd’hui, ce qui est aberrant, au bout de vingt-cinq ans. On a besoin de les répéter parce que, souvent, on parle aux enfants de travers. On leur dit cette fameuse phrase : « Tu crois que c’est vrai ? » Elle vous rappelle quelque chose, cette fameuse phrase ? « Tu crois que c’est vrai ? » Les mots qui empêchent un enfant de parler sont ceux-là : « Tu es sûr ? », « C’est quand même quelqu’un de très bien, comment ça se fait ? », « Tu es vraiment sûr, tu crois que c’est vrai ? »

Si vous demandez à l’enfant « Tu crois que c’est vrai ? » au lieu de lui répondre « je te crois », l’enfant se dit qu’il a non seulement eu du mal à parler, mais que sa parole est mise en doute et qu’il lui faudra parvenir à convaincre la personne qui est censée le protéger et qui ne le croit pas – sans compter qu’il a été confronté aux mécanismes d’autoprotection du violeur ou de l’abuseur sexuel. Il est assez simple d’écraser un enfant. On lui dit que s’il parle, personne ne le croira. On lui dit que s’il parle et si personne ne l’a cru, on lui fera encore pire, que s’il parle et si personne ne le croit, il va faire de la peine à ses parents et que, de toute façon, c’est lui qui a commencé. L’enfant va alors s’enfermer.

Souvent, l’enfant s’exprimera par bribes. Il dit un petit truc, pas grand-chose. Il faut aussi savoir entendre un enfant qui commence à parler. Si l’adulte ne lui dit pas les éléments clés, en particulier « je te crois, tu as bien fait de parler et ce n’est pas ta faute », l’enfant va s’enfermer.

La circulaire était accompagnée de cet outil pédagogique, qui avait été distribué dans les écoles et qu’il n’aurait jamais fallu arrêter de diffuser. Honnêtement, vous ne croyez pas qu’on aurait éradiqué le problème, au bout de vingt-cinq ans, si la distribution de ce document avait été maintenue dans les écoles ?

Quand les ministres changent, quand ils ne font pas attention au travail qui a été effectué avant eux – pas mon travail, en l’occurrence, mais celui des recteurs, des gens de terrain, des magistrats, etc. – et quand ils chamboulent les choses, souvent pas par mauvaise intention mais par désinvolture ou parce qu’ils n’en ont pas compris l’intérêt, il devrait y avoir un suivi. Avant de détruire quelque chose, il faudrait une évaluation, même parlementaire. Il faudrait demander pourquoi on détruit, quels sont les avantages, les inconvénients et les risques.

Aujourd’hui encore, on est obligé de répéter les mêmes choses qu’il y a vingt-cinq ans, alors que des générations d’enfants ont subi des sévices. C’est désolant.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Votre circulaire proposait aussi la création, dans chaque académie, d’un centre de ressources composé de représentants de l’administration, de personnels médicaux et sociaux et de psychologues scolaires qui devaient avoir pour tâche, sous la responsabilité du recteur, de gérer les situations de crise avant que la justice ne soit saisie. Ces centres de ressources ont-ils vu le jour ? Comment en avez-vous effectué le suivi, dans votre ministère ? Avez-vous connaissance d’un suivi ultérieur ?

Mme Ségolène Royal. S’agissant du suivi ultérieur, non. S’agissant du suivi me concernant, oui, je pense que Jean-Michel Hayat était là. C’était vraiment le pilier de cette action, dont j’ai pu évaluer l’efficacité et le suivi parce que nous réunissions les recteurs toutes les semaines et j’inscrivais systématiquement la lutte contre les violences faites aux enfants à l’ordre du jour. Il y a eu d’autres sujets relatifs aux violences faites aux enfants – j’ai fait voter une loi contre le bizutage, il y a eu des actions contre le racket, j’ai mis en place les conseils locaux de sécurité –, mais ce point était systématiquement à l’ordre du jour. Il était réconfortant de voir que les recteurs étaient soulagés d’avoir des instructions. Rien n’est pire que de ne pas savoir et de sentir que l’autorité qui vous donne des instructions flotte, ou vous dit quelque chose mais s’en désintéresse. Là, les recteurs avaient compris que, d’une part, ils avaient un interlocuteur dans mon cabinet, le juge Hayat. C’était quelque chose de très solide et de très sécurisant par rapport à l’administration de l’éducation nationale, d’une part. D’autre part, ils savaient qu’il y avait un suivi.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Votre réponse m’étonne quelque peu. Vous avez, avec une grande émotion, évoqué les souvenirs très précis des signalements et des faits de violences sexuelles sur des enfants qui vous ont conduite, quand vous avez pris des responsabilités, à organiser l’application de cette circulaire et son suivi, avec des ressources spécifiques. Mais vous indiquez que vous ne savez pas quel suivi en a été fait par la suite.

Mme Ségolène Royal. Je ne sais pas quel suivi a été fait après mon départ du ministère.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Pouvez-vous revenir sur ce point, qui peut surprendre compte tenu de votre engagement politique ? J’imagine que vous ne vous êtes pas désintéressée de ces questions.

Cette question est peut-être faussement naïve, mais elle vise à éclairer ceux qui nous écoutent sur la façon dont l’action publique perdure et est efficace dans le temps. Lorsque le nouveau ministre est arrivé, avez-vous eu un entretien avec lui ? Avez-vous souhaité lui signaler des sujets qui vous semblaient prioritaires ? Avez-vous continué à poser des questions au sujet des violences sexuelles qui vous ont tant heurtée ? On pourrait considérer que ce n’est pas parce que vous n’êtes plus ministre que vous ne vous sentez plus concernée.

Mme Ségolène Royal. En effet. Ma réponse portait sur le fonctionnement administratif du suivi des centres de ressources dans les rectorats.

J’ai non seulement continué à suivre ces sujets, mais je suis devenue ministre de l’enfance. Je passe du ministère de l’enseignement scolaire à celui de l’enfance, où je continue à être vigilante et où je fais voter un certain nombre de textes, en particulier sur la prostitution des mineurs, que j’interdis, et la loi sur l’autorité parentale – qui accorde une grande place à la lutte contre les violences faites aux enfants.

Quand j’étais au ministère de l’éducation, j’avais créé l’association des parents à l’école et instauré une Semaine des parents à l’école, pour bien articuler la responsabilité éducative des parents et celle des enseignants. Puis, en basculant du côté du ministère de la famille et de l’enfance, j’avais veillé à la continuité de ces actions.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Est-ce à dire que lorsque vous étiez ministre de l’enfance, vous vous étiez assurée que le guide Mon corps c’est mon corps, j’ai le droit de dire non continuait à être distribué par le ministère de l’éducation nationale aux établissements d’enseignement public et privé ?

Mme Ségolène Royal. Oui. En tout cas, je l’ai transmis à mon successeur et je pense que cela a été fait. À un moment, cela s’est arrêté ou étiolé, et je ne sais pas pourquoi. Il serait intéressant que votre commission puisse savoir à quel moment cela s’est interrompu.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous regarderons ce point. C’est un exemple, parmi d’autres, de la façon dont l’État contrôle et accompagne la prévention des violences. On parle quand même de vingt-cinq ans, ce qui est choquant compte tenu des nombreuses victimes.

La circulaire porte aussi sur les mesures applicables aux fonctionnaires mis en cause. Vous avez évoqué la différence entre la période de suspension administrative de la personne mise en cause et le temps judiciaire extrêmement long, qui peut aller de plusieurs mois à plusieurs années. Les auditions que nous avons effectuées ont mis en lumière une difficulté, qui reste sans solution : les délais d’instruction judiciaire excèdent largement la durée maximale de suspension, qui est de trois ou quatre mois dans l’éducation nationale. Avez-vous réfléchi, à l’époque ou depuis, à des solutions de coordination entre suspension administrative, protection de l’enfance et mesures judiciaires ?

Mme Ségolène Royal. D’abord, je voudrais redire, car c’est vrai pour ce sujet comme pour d’autres, que si le temps judiciaire est long, c’est parce que la justice n’a pas assez de moyens. Je le répète systématiquement, car dans l’opinion publique, on considère que la justice est longue parce que les juges sont lents – non, c’est parce qu’elle n’a pas assez de moyens. S’il y avait davantage de magistrats, la justice serait plus rapide.

Ensuite, ce sujet relevait du ministère de la justice. Mais il est vrai que je m’étais demandé, à l’époque, ce qui se passait une fois que la suspension s’arrêtait. C’est une question qu’il faut résoudre.

Parfois, quand on ne veut pas que les personnes reviennent parce qu’on sait pertinemment qu’elles ont commis des faits délictueux ou criminels, il y a des congés maladie ou autres. Je pense que l’administration trouve des solutions de cette façon.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous sommes au cœur de la question du contrôle, sur laquelle portent nos travaux d’enquête.

Une autre méthode est celle des mutations. Dans votre circulaire, vous évoquez l’interdiction des « mutations destinées à étouffer les affaires ou à faire taire les familles ». Cette instruction est directe et précise, ce qui est surprenant pour une circulaire administrative. Cette pratique était-elle répandue auparavant, à votre connaissance ? Disposiez-vous de données chiffrées à ce sujet, ou était-ce votre ressenti ? À qui revenaient ces décisions de mutation ? Surtout, cette instruction a-t-elle été efficace ?

Mme Ségolène Royal. Je disposais des remontées des recteurs, qui avaient eu l’honnêteté de le dire quand on leur avait demandé comment ils réglaient ces problèmes. On a vu les mêmes mécanismes de mutation dans l’Église. Les fonctionnaires mis en cause étaient mutés.

Avec Jean-Michel Hayat, on avait demandé aux recteurs si des personnes étaient arrivées dans leur académie sans qu’ils sachent pourquoi elles avaient été mutées. S’était alors posé le problème de l’inscription au casier judiciaire. En l’occurrence, puisqu’on les mutait avant qu’elles ne soient condamnées, ce n’était pas inscrit à leur casier judiciaire. Dans le débat, il avait été considéré qu’en cas de mutation d’un agent, l’éducation nationale devait en préciser la raison, à titre préventif. Sinon, c’était « pas vu, pas pris », on mutait l’auteur de faits délictueux ou criminels pour ne pas avoir à régler le problème et s’en débarrasser.

C’était remonté, avec beaucoup de franchise, par les recteurs. Le juge Hayat avait pensé utile de l’inscrire dans la circulaire. Il avait eu raison, et je l’avais suivi.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je voudrais revenir sur le périmètre d’application de la circulaire. Il était naturel, dites-vous, qu’elle s’étende aux établissements d’enseignement privé sous contrat, qui relèvent du ministère de l’éducation nationale, mais cela avait fait débat. Pouvez-vous y revenir ? Ces débats mobilisaient-ils directement les représentants de l’enseignement catholique ? Nous avons découvert que le secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec) et l’éducation nationale entretiennent de longue date des relations régulières et approfondies. Avez-vous eu des échanges avec le Sgec, à l’époque, à propos de cette circulaire et de son périmètre d’application ?

Mme Ségolène Royal. Non. Je n’ai pas eu de relations avec le Sgec. Ce n’était pas un interlocuteur du ministère. J’imagine qu’il avait des correspondants dans les services, et peut-être même à mon cabinet, c’est possible. En tout cas, je ne me souviens pas du tout d’avoir négocié le fait d’inclure ou pas les établissements privés dans le champ d’application de la circulaire.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez indiqué que le juge Hayat insistait pour que les établissements d’enseignement privé sous contrat soient concernés par le champ de la circulaire. Il avait regardé tous les dossiers, avez-vous également dit. Ce souvenir doit-il nous faire comprendre que, parmi les dossiers qui remontaient, beaucoup concernaient des établissements privés sous contrat ? Avez-vous une idée de l’ordre de grandeur des faits de violences sexuelles concernant des établissements privés sous contrat, voire hors contrat ?

Mme Ségolène Royal. Je ne peux pas vous donner les éléments chiffrés clés, car je faisais confiance. Vous pouvez auditionner le juge Hayat, si vous le souhaitez. Il était extrêmement vigilant et avait regardé très attentivement l’ensemble des dossiers. C’était quelqu’un qui travaillait énormément et qui regardait les choses. C’est d’ailleurs aussi avec lui que j’ai fait la loi contre le bizutage, qui a également été une épreuve assez terrible, parce qu’elle a bousculé beaucoup de pouvoirs en place et d’habitudes acquises.

Je pourrai lui poser la question et vous répondre par écrit, si vous le voulez.

M. Paul Vannier, rapporteur. Volontiers.

Votre circulaire visait à diffuser une culture de l’écoute et du recueil de la parole des enfants. Votre préoccupation portait-elle aussi sur certains adultes, que l’on appelle aujourd’hui lanceurs d’alerte et qui peuvent dénoncer des faits de violence dont ils sont témoins ? Nous avons, à plusieurs occasions, compris combien cette position est difficile compte tenu des potentielles conséquences pour la carrière de celles et ceux – souvent des femmes – qui osent alerter.

Mme Ségolène Royal. Bien sûr. D’ailleurs, dans l’exemple que j’ai vécu personnellement, les collègues de l’instituteur n’osaient pas parler, car cela aurait été considéré comme une dénonciation et une délation.

Dans la circulaire, j’explique que le signalement et la délation ne sont pas la même chose. C’est très important. La délation, c’est dénoncer quelqu’un sans avoir de preuve. Le signalement, c’est juste le constat qu’un enfant est victime de violences et qu’il faut signaler ce fait.

La confusion entre la délation et le signalement permettait aux prédateurs sexuels de se protéger, en évoquant la délation. C’était très difficile. L’institution s’est aussi protégée, d’une certaine façon. Ces affaires d’abus sexuels sont tellement compliquées à gérer – même dans les familles, c’est la même chose. Pourquoi est-ce si difficile à gérer ? Parce que vous avez la parole d’un enfant, une parole fragile, et celle d’un adulte – qui est soit un électeur, soit un responsable administratif, soit un grand-père, soit quiconque avec qui vous continuerez à avoir du relationnel. En revanche, une fois que vous faites taire un enfant, le problème est réglé. C’est cela, le rapport de force.

Il faut être aux côtés de l’enfant pour rééquilibrer et renverser ce rapport de force, même en prenant des risques. Il fallait expliquer, et je l’ai fait, qu’il valait mieux signaler et prendre un risque, et que les personnes qui prenaient ce risque de signalement seraient protégées. Mais cela suppose que tout le monde soit au carré quant à cette façon de faire, pour ne pas que, dans certaines académies ou dans certaines institutions, la prise de risque soit à charge. Il faut que les règles soient extrêmement claires.

Même moi, combien de fois ai-je entendu dire, à ce sujet ou concernant l’action contre le bizutage : « Mais de quoi tu t’occupes ? Qu’est-ce que ça va te rapporter ? » On me disait qu’on ne connaissait pas ces enfants et qu’ils n’allaient pas me remercier. Lorsque des étudiants appelaient de façon anonyme pour signaler des viols ou des atteintes sexuelles lors d’un bizutage, on intervenait. J’envoyais tout de suite quelqu’un et on me disait : « Mais de quoi tu t’occupes ? Mais à quoi ça sert ? On va se mettre à dos toute l’administration ! Qui va te dire merci ? Et si ce n’est pas vrai ? »

Si vous ne tenez pas bon et si vous ne prenez pas le risque d’entendre ces enfants, où est votre conscience ? Où est la morale ? On prend le risque. Parfois, c’est difficile. J’ai été menacée de plaintes en diffamation, accusée de voir des pédophiles partout et d’être dingue.

Au sujet du bizutage, c’était pareil. On m’accusait de remettre en cause l’institution. Mais quand je vois qu’il y a encore eu un mort à l’école militaire de Saint-Cyr Coëtquidan en 2014 et que ça n’a été jugé qu’en 2021, je comprends que toute l’administration, toute la structure a dû se protéger – un mort en 2014, alors que j’ai fait voter une loi contre le bizutage en 1998 ! C’est inadmissible. C’est insupportable.

M. Paul Vannier, rapporteur. Il y a cette parole fragile de l’enfant, et ces enseignants qui peuvent hésiter à dénoncer. Il y a aussi la question du contrôle, prévu dans le code de l’éducation, y compris dans les établissements d’enseignement privé sous contrat. Ce contrôle peut permettre d’identifier des situations – dans les internats, par exemple – et des fonctionnements qui peuvent constituer le terreau de violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises contre des enfants. Quel est l’état du contrôle des établissements privés sous contrat au moment où vous occupez des responsabilités ? Vous préoccupez-vous particulièrement de garantir qu’il soit conduit dans les mêmes conditions et aussi fréquemment dans ces établissements que dans tous ceux qui relèvent de votre champ de compétences ?

Mme Ségolène Royal. Après la publication de la circulaire, et dans la mesure où les recteurs avaient eux-mêmes demandé des instructions concernant ce contrôle, j’avais demandé que tous les établissements soient traités de la même façon. Mais il faut bien voir que lors d’une visite de contrôle, tout se passe bien – comme lorsqu’on nettoie un trottoir avant une visite officielle. Ce n’est pas un contrôle qui va mettre à jour les violences, mais la rencontre entre le contrôle et la libération de la parole des enfants.

C’est la raison pour laquelle la diffusion dans les écoles de Mon corps c’est mon corps, j’ai le droit de dire non, qui explique comment et pourquoi dire non, et à qui le dire, est absolument cruciale. Dès qu’un enfant parle, le contrôle est utile s’il prend tout de suite la forme de l’audition des autres enfants. Mais c’est rarement fait.

Concernant Bétharram, il faut dire les choses. C’est le directeur qui était mis en cause. J’attends votre question, mais je peux en parler tout de suite.

M. Paul Vannier, rapporteur. Nous allons y venir, car c’est lié.

Mme Ségolène Royal. C’est lié. L’instruction n’a de sens que si vous mettez en place une cellule d’audition de tous les enfants, pour savoir ce qui s’est passé. C’est très simple. C’est très efficace. Mais si cette cellule n’est pas mise en place, les enfants ne vont pas parler. Ils vont avoir peur.

M. Paul Vannier, rapporteur. J’entends, mais j’en reviens à la question du contrôle. Celui-ci a ses limites, mais il peut permettre de s’assurer de la diffusion de la brochure Mon corps c’est mon corps, j’ai le droit de dire non. Portiez-vous une attention particulière au contrôle des établissements privés sous contrat, lorsque vous aviez la charge de l’enseignement scolaire ? Tout indique que les contrôles étaient inexistants, y compris à cette période. Cette donnée vous a-t-elle été communiquée quand vous avez pris vos fonctions ? Avez-vous essayé d’engager une politique particulière vis-à-vis de ces établissements ?

Mme Ségolène Royal. Je vous ferai une réponse pragmatique. Avec Jean-Michel Hayat, nous avons osé demander aux recteurs de repérer les écoles ou les classes dans lesquelles le guide Mon corps c’est mon corps, j’ai le droit de dire non n’était pas distribué et de faire remonter l’information, car ce serait déjà l’indice qu’on n’avait pas envie que les enfants parlent. Ensuite, j’imagine que les choses sont remontées et qu’on a dû regarder ce qui s’est passé dans ces cas-là. Mais nous avions déjà l’intuition que c’était un critère intéressant, pour savoir où régnait la loi du silence et où elle ne régnait pas.

M. Paul Vannier, rapporteur. Nous pourrions retrouver ces remontées, qui doivent dater de 1997-1998 et qui nous permettraient de mesurer la distribution du guide ou d’identifier, à l’inverse, les établissements dans lesquels il n’était pas disponible.

Mme Ségolène Royal. Je le pense. Je voudrais préciser que le guide visait aussi à détecter les maltraitances sexuelles dans la famille, où elles se produisent dans neuf cas sur dix. C’était aussi un accompagnement très important vers la libération de la parole de l’enfant. Je ne voulais pas laisser croire que je voyais des pédophiles partout, puisque c’est ce qui était avancé pour m’empêcher d’agir. Au contraire, il s’agissait de signaler des faits délictueux ou criminels non seulement à l’intérieur de l’école, des centres aérés ou des centres de sports, mais surtout à l’intérieur des familles.

M. Paul Vannier, rapporteur. J’en viens plus directement à l’affaire Bétharram. En 1998, l’ancien directeur de l’établissement, M. Carricart, est mis en examen pour viol et agression sexuelle sur mineur de 15 ans. En tant que ministre déléguée à l’enseignement scolaire, aviez-vous été informée de ces faits qui avaient déjà eu, à l’époque, un fort retentissement médiatique ?

Mme Ségolène Royal. Non, je n’ai pas été informée. Je pense que Bétharram est un nom dont on se souviendrait.

Surtout, si j’avais été informée, j’aurais fermé Bétharram pour au moins huit jours, afin de faire l’enquête auprès des élèves. Pourquoi ? Parce que c’est le directeur qui est mis en examen pour viol. Or le poisson pourrit par la tête : si un directeur fait cela, c’est forcément qu’il y a un système, c’est forcément qu’il y a une équipe. En plus, c’était un internat. Par conséquent, si j’avais su cela, j’aurais fermé Bétharram et j’aurais demandé qu’il soit procédé à une audition de tous les enfants. C’est d’ailleurs ce qu’aurait dû faire le conseil général, chargé de la protection de l’enfance.

J’observe que la mise en examen intervient en 1998. Ma circulaire date de 1997. Peut-être – je l’espère – a-t-elle accéléré les choses et conforté le système judiciaire quant à la marche à suivre. Mais surtout, cette circulaire était prémonitoire. J’ai lu, tout à l’heure, le passage dans lequel il est mentionné que c’est le président du conseil général qui doit accompagner les familles. Puisqu’il y a eu un viol par un directeur d’établissement, il fallait se demander si d’autres enfants étaient aussi victimes. La moindre des choses aurait été d’auditionner tous les enfants, pour savoir s’il y avait d’autres auteurs de crimes – non seulement l’année de la mise en examen, mais aussi les années précédentes. Il aurait dû y avoir un appel à témoins, au fond. C’est cela qui aurait été une bonne gestion de ce dossier.

M. Paul Vannier, rapporteur. J’entends, mais vous occupiez tout de même des responsabilités, à cette époque. Vous dites que vous n’avez pas été informée. Comment expliquer que la ministre déléguée à l’enseignement scolaire ne reçoive pas d’alerte concernant une situation aussi grave ? Vous avez parfaitement décrit les mesures que vous auriez pu prendre et qui, si elles avaient été appliquées, auraient peut-être protégé la vie de dizaines d’enfants dans les années qui ont suivi.

Mme Ségolène Royal. Vous me demandez si j’étais au courant de l’affaire Bétharram. La réponse est non. Je m’en souviendrais. En revanche, ce qui est clair c’est qu’il y avait plusieurs faits. Le début de ma circulaire indique d’ailleurs que « l’actualité récente a mis en lumière de nombreux faits de pédophilie commis au sein de l’institution scolaire ou à l’occasion d’activités extérieures organisées par des établissements ». C’est sans doute une remontée de faits à travers toute la France et relatés par la presse qui a conduit à cette circulaire. Peut-être que Bétharram en faisait partie. À mon avis, c’était quand même remonté dans les revues de presse. Contrairement à tous ceux qui disent qu’ils ne lisaient pas la presse, je ne dirai pas cela s’agissant du ministère, car il y avait des revues de presse – comme dans les conseils généraux, si je puis me permettre.

Cela peut avoir fait partie de toutes les remontées, mais le cas spécifique de Bétharram, je m’en souviendrais. Ce nom, on s’en souvient.

M. Paul Vannier, rapporteur. En 1998, en votre qualité de ministre, vous n’êtes alertée de cette mise en examen pour viol et agression sexuelle ni par l’inspecteur d’académie, ni par le rectorat de Bordeaux, ni par la Chancellerie ?

Mme Ségolène Royal. Pas du tout, non. Je ne suis absolument pas saisie de cette affaire.

M. Paul Vannier, rapporteur. Comment expliquez-vous cette absence d’alerte ? Elle interroge, eu égard à la gravité des faits et plus encore quand on sait que dès 1995 et 1996, des faits de violences physiques sont déjà documentés. Il y a déjà eu des plaintes et des condamnations. Comment expliquez-vous que cette alerte ne vous parvienne pas ?

Mme Ségolène Royal. Elle ne me parvient pas parce qu’elle ne remonte pas. Pourquoi ne remonte-t-elle pas ? Je ne le sais pas.

M. Paul Vannier, rapporteur. En 1996, on le sait désormais, l’inspection académique envoie un inspecteur à Bétharram. Il y passera une journée – nous avons déjà beaucoup discuté des conditions dans lesquelles son rapport est élaboré. Toujours est-il qu’il contient une série de recommandations, mais que nous ne disposons d’aucun document de suivi. Nous disposons d’une lettre du directeur de l’établissement, qui affirme avoir appliqué certaines des recommandations et prend des engagements auprès des autorités académiques, mais nous n’avons aucun document émanant de l’éducation nationale et permettant de le vérifier avec un regard extérieur.

Comment sont suivis, à l’époque où vous êtes ministre, ces rapports d’inspection et le traitement des recommandations émises à l’occasion des contrôles ?

Mme Ségolène Royal. Il existe deux niveaux de suivi des rapports d’inspection. Le premier est celui des rectorats, qui sont les mieux à même, dans la proximité de l’action et dans la connaissance des interlocuteurs locaux, de suivre ces rapports et de remonter, lors des réunions hebdomadaires, les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, les oppositions qu’ils peuvent ressentir ou les menaces qu’ils peuvent comprendre, pour ne pas donner suite à telle ou telle recommandation. Il y a aussi l’Inspection générale de l’éducation nationale qui, au niveau du ministère, a la charge non seulement d’élaborer les rapports, mais aussi d’assurer leur suivi. Normalement, le ministre reçoit toutes les semaines le secrétaire général du corps d’inspection pour évaluer les difficultés rencontrées.

M. Paul Vannier, rapporteur. Dois-je comprendre que vous n’avez pas eu communication d’un éventuel suivi des recommandations émises, puisque ce rapport d’inspection avait été mené à l’échelle rectorale ?

Mme Ségolène Royal. Non, je n’ai pas eu de suivi des recommandations. Mais j’ai découvert, en suivant attentivement vos travaux, que ce rapport contenait une instruction pour faire une circulaire.

M. Paul Vannier, rapporteur. C’était dans un autre rapport.

Mme Ségolène Royal. Dans l’un des rapports, il y avait cette recommandation. J’imagine que c’était aussi l’une des motivations de la circulaire que nous avions faite avec Jean-Michel Hayat. En constatant plusieurs cas et à la suite des remontées que faisaient les recteurs quant à leurs difficultés à gérer ce type d’action, nous avons compris la nécessité, pour la première fois dans l’éducation nationale, de mettre du vocabulaire sur des faits. Parler de viol et d’agression sexuelle ne s’était jamais fait. Je crois que mettre des mots du code pénal dans le circuit de l’éducation nationale, pour que tout le monde soit bien au clair sur ce qu’il convenait de faire, répondait à une nécessité et à une attente des interlocuteurs locaux, pour savoir comment faire, comment se protéger et ne pas faire d’erreur dans les différentes procédures qu’ils pouvaient engager.

M. Paul Vannier, rapporteur. Il me semble que le rapport que vous évoquez émanait de l’Inspection générale. Il avait été commandé après l’affaire de Bergerac et rendu en janvier 1994 au ministre de l’époque, François Bayrou, l’invitant à produire une circulaire sur le traitement par l’éducation nationale des faits de violence sexuelle sur enfants. Dans cette affaire, un enseignant avait violé deux élèves. Peut-être que votre circulaire répondait à cette demande qui, manifestement, n’avait pas été satisfaite par le ministre qui vous avait précédée rue de Grenelle.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Un poisson pourrit par la tête, dites-vous : quand un directeur est mis en cause pour un viol, comme le père Carricart, il faut pour vous fermer l’établissement et auditionner tous les élèves. Vous faites allusion à un cas extrêmement grave et à une réaction de ministre face à son devoir de protéger les enfants.

Vous avez été ministre de l’éducation nationale puis de l’enfance et de la famille durant cinq ans. Vous est-il arrivé, au titre de l’une ou l’autre de ces fonctions, de fermer un établissement quelques jours et d’auditionner tous les enfants ? Vos propos pourraient, indirectement, être un reproche adressé à M. Bayrou. Avez-vous le souvenir d’une affaire grave qui aurait justifié la fermeture d’un établissement et l’audition systématique des enfants, ce qui semble être une idée intéressante ? Je n’ai pas le souvenir, dans les cas qu’on nous a décrits, d’avoir vu une telle action engagée par un ministre.

Mme Ségolène Royal. Non. On pourrait retrouver des cas d’audition systématique de tous les enfants d’une classe. Je peux en retrouver. Mais là, ce qui est spécifique, c’est que dans le système scolaire, il est très rare que le mis en cause soit le directeur de l’école. Car normalement, le directeur n’est pas en contact avec les élèves. Il a une fonction administrative. Je n’ai jamais vu de cas dans lequel le proviseur d’un lycée, le directeur d’une école primaire ou le principal d’un collège se livre à des abus sexuels. S’il le fait, c’est vraiment qu’il y a une complicité des enseignants, c’est-à-dire des personnes qui sont en contact avec les élèves.

Hier, d’ailleurs, les victimes de Bétharram ont mis à jour le fait que non seulement le surveillant n’avait pas été licencié, mais en plus, il avait été promu. C’est bien le signe que la direction était solidaire. Si un directeur fait cela, il a forcément des complicités avec les gens qui sont en contact régulier avec des élèves. C’est cela qui est terrible.

M. Paul Vannier, rapporteur. Le 11 février dernier, à l’Assemblée nationale, le premier ministre François Bayrou a nié avoir une quelconque connaissance des faits de violences physiques ou sexuelles commis à Bétharram. Il est partiellement revenu sur cette affirmation le 14 mai, en étant entendu devant notre commission. En revanche, il a indiqué, à l’occasion d’une réponse à l’une de nos collègues lors des questions au gouvernement, que « d’autres savaient » – en vous visant expressément, ainsi que Mme Guigou.

Vous avez indiqué publiquement que, selon vous, le premier ministre mentait en affirmant n’avoir jamais été au courant. Pouvez-vous étayer cette affirmation ?

Mme Ségolène Royal. Bien sûr. Il y a des choses toutes simples, vous savez. D’abord, on observe que c’est le même mécanisme : quelqu’un a quelque chose à se reprocher, mais il en accuse d’autres et se positionne en victime. François Bayrou utilise ce même mécanisme. C’est insupportable.

Ensuite, il dit qu’il ne lisait pas la presse locale. Il faut être sérieux ! On parle quand même de viols relatés dans la presse régionale. Un président de conseil général a la revue de presse tous les jours. Qui plus est, c’est passé à la télévision. Il était donc forcément au courant.

Il est aussi revenu sur son mensonge selon lequel il n’avait pas vu le juge, en admettant l’avoir vu durant deux heures à son domicile.

Enfin, il dit que c’est une opération politique. Laissez-moi vous dire ce qu’est la politique. C’est le fait que, quand on monte en responsabilité, on est plus exigeant. Quelqu’un qui devient premier ministre s’étonne qu’on lui demande des comptes sur la vérité de sa parole : ce n’est pas parce qu’on fait de la politique contre lui, mais parce qu’il est premier ministre et que les citoyens sont exigeants à l’égard de ceux qui ont la chance d’exercer des responsabilités.

Si ceux qui exercent des responsabilités ne savent plus distinguer le bien du mal, le vrai du faux, leur responsabilité de leur irresponsabilité, la parole des victimes de la parole des criminels, quelle confiance les citoyens auront-ils en eux ? Quelle confiance auront-ils dans ceux qui sont censés les représenter et qui sont aussi censés les défendre un jour ou l’autre ? Aucune ! C’est pour cela qu’un premier ministre a une responsabilité majeure et cruciale.

Je vais terminer en revenant sur l’histoire de la claque. J’ai été très choquée par ce qu’a dit François Bayrou au sujet de la claque. Moi, je n’ai jamais frappé mes enfants.

Premièrement, ce n’est pas un geste de père de famille de frapper un enfant au visage, parce que vous pouvez lui éclater le tympan, vous pouvez lui mettre le doigt dans l’œil et vous pouvez lui désosser les vertèbres cervicales. On ne frappe donc pas un enfant sur la tête.

Deuxièmement, ce n’est pas une claque qu’il donne à cet enfant. Il le frappe. Il le frappe dans une banlieue. Aurait-il frappé un enfant dans un centre-ville, au sortir d’une réunion de notables ?

Troisièmement, il dit qu’il a frappé l’enfant parce qu’il lui avait fait les poches. On ne le sait pas. J’ai revisionné ce qui a été filmé : on ne sait pas si l’enfant lui fait les poches ou si c’est une bousculade.

Et après – le pire ! –, comme cela lui donne une notoriété, il utilise cet incident pour se faire de la publicité politique. Il va à un meeting et il suppose que tout le monde aurait fait comme lui et sanctionné un voleur – il traite l’enfant de voleur, mais l’enfant n’a jamais volé. Il continue à le stigmatiser sans, à aucun moment, se préoccuper de ce qu’est devenu cet enfant. Si n’importe lequel d’entre vous, au-delà des clivages politiques, frappe un enfant – à la limite, mettons qu’il commette une erreur –, il reconnaît avoir fait une erreur, il demande que l’on suive l’enfant, que l’on appelle ses parents, que l’on regarde ce qu’il devient, et il se préoccupe du fait que son nom soit diffusé dans la presse.

Car, qu’apprend-on après ? L’enfant a été harcelé durant toute sa scolarité. Je ne sais pas si vous avez vu, un journaliste a fait une enquête. L’enfant s’est trouvé en échec scolaire. L’enfant est devenu délinquant. L’enfant a fait de la prison. Il a été traité de voleur publiquement par François Bayrou qui, à aucun moment, ne s’est préoccupé de savoir ce qu’il allait devenir. Il aurait dû l’appeler, pour lui présenter ses excuses ainsi qu’à ses parents. Il aurait dû proposer de lui faire visiter le ministère, de le remettre debout, de compenser ce geste. Il aurait dû lui dire qu’il allait réussir à l’école, travailler, devenir quelqu’un de bien, et lui affirmer qu’il allait l’accompagner et l’aider. Cela aurait été la juste compensation et la marque de l’attention que l’on porte à un enfant que l’on a si cruellement stigmatisé.

La cruauté n’a pas sa place, ni dans l’éducation nationale ni dans la politique, a fortiori à l’encontre des enfants.

 

 

La séance est levée à quinze heures cinq.

 


Présences en réunion

Présents.  Mme Julie Delpech, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer, M. Mikaele Seo