Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Poursuite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs)              2

 Information relative à la commission....................29

– Présences en réunion..............................30

 

 

 

 

 


Mardi
17 juin 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 87

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique des lundi 30 juin et mardi 1er juillet. Il reste 863 amendements à discuter.

Nous avions dû interrompre nos travaux le 8 avril dernier à minuit, après avoir examiné 178 amendements, car le texte devait être débattu en séance à la fin de la semaine. Il avait finalement été retiré de l’ordre du jour. Nous reprenons donc où nous nous étions arrêtés, soit à l’amendement AC786 de Mme Taillé-Polian sur l’article 2.

Article 2 (suite) : Détention par l’État de l’intégralité du capital de la société holding France Médias

Amendement AC786 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Alexis Corbière (EcoS). Cet amendement de repli vise à exclure l’Institut national de l’audiovisuel (INA) du regroupement des entreprises de l’audiovisuel public.

Madame la ministre de la culture, le groupe Écologiste et social continue à être opposé à cette réforme. Disons-le clairement, les arguments que vous avancez – vous avez le mérite de la fidélité et de la constance – ne nous ont pas convaincus. Nous n’en comprenons pas l’intérêt. Les défenseurs de la réforme nous assènent, comme un argument d’autorité, qu’il faut la faire car elle répondra aux évolutions du paysage audiovisuel. Certes, le paysage audiovisuel évolue, mais en quoi cette holding répondra-t-elle aux enjeux de cette évolution ? Quelles sont donc les évolutions auxquelles il est fait référence ?

Votre récente interview dans Le Monde, dont je vous remercie, est assez complète. Vous avez indiqué que tout le monde était convaincu, hormis les députés socialistes. J’ai le cœur brisé de vous le dire : cela n’est pas vrai. Nous ne sommes pas convaincus non plus ; et sans doute ne sommes-nous pas les seuls. Ainsi, et sans parler en leur nom, j’ai cru comprendre que les professionnels, et notamment les organisations syndicales de professionnels, n’étaient pas convaincus non plus. Vous répétez qu’il faut un PDG unique et une stratégie partagée : pourquoi ? Cela n’a pas été démontré, sauf à donner des arguments d’autorité. On nous explique qu’il faut s’adresser à la jeunesse. Certes, mais en quoi ce grand média, dit à 360 degrés, le permettrait-il ?

L’enjeu de l’indépendance des médias est la question majeure. À notre sens, la centralisation dans une holding, avec un PDG unique, fait courir le risque d’un rapprochement extrêmement puissant entre le pouvoir politique et la personne qui occupera cette responsabilité. Il faut faire l’inverse. Il faut garantir l’indépendance du service public de l’information, grâce nomment à l’articulation de plusieurs pôles en son sein. Nous demeurons donc opposés à cette réforme.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Mon propos sera également général et j’y associe ma collègue Virginie Duby-Muller. Certes, le paysage audiovisuel n’a pas évolué depuis notre dernière rencontre, mais entre-temps, nous avons tous pris connaissance du rapport de Mme Laurence Bloch, qui relève quelques chiffres importants. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle. L’usage de la télévision s’effondre chez les jeunes : c’est un fait. La part de la télévision dans la consommation de médias des Français recule, de même que la part des classes populaires dans la consommation de la radio. L’âge des téléspectateurs augmente, ce qui est un défi pour les acteurs de l’audiovisuel public.

Notre conviction – et je comprends que vous ne la partagiez pas – est que la holding sera un outil stratégique pour répondre aux nombreux défis. J’en mentionnerai quatre, rappelés dans le rapport éclairant de Mme Bloch. Sur la concentration des médias, vous évoquez leur indépendance à l’égard du pouvoir politique, mais les grandes plateformes ne menacent-elles pas les acteurs de l’audiovisuel public ? Le chiffre d’affaires de Google atteint 350 milliards de dollars, soit l’équivalent du budget de l’État français, celui d’Amazon s'élève à 658 milliards, quant à celui de Netflix il est de 40 milliards. L’enjeu est donc de regrouper les moyens de l’audiovisuel public pour peser dans la compétition internationale.

On ne peut pas non plus balayer d’un revers de main la question de la méfiance d’une partie de la population vis-à-vis de nos médias traditionnels : une reconquête est nécessaire, pour renforcer notre audiovisuel public. Par ailleurs, la manière de consommer l’information connaît des bouleversements : nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un pays où 60 % de la population s’informe exclusivement sur les réseaux sociaux. Nous en sommes convaincus, le rapprochement des acteurs de l’audiovisuel public permettra de répondre à ce défi. Le dernier est celui des ruptures technologiques : nous avons besoin d’investissements majeurs dans l’intelligence artificielle (IA). Les acteurs de l’audiovisuel public doivent de saisir de ces outils technologiques. S’ils ne rassemblent pas leurs forces pour investir de manière significative dans ce domaine, ils seront dépassés.

Avis défavorable sur l’amendement.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je vous remercie, monsieur le député, pour nos échanges très respectueux, malgré nos désaccords. J’entends les inquiétudes car elles sont légitimes dès lors qu’il y a une réforme. Elles étaient les mêmes lors de la réforme de 2009, à laquelle j’ai assisté. Pourtant, il ne viendrait à l’idée de personne de revenir aujourd’hui sur le rapprochement alors opéré au niveau de France Télévisions. Depuis, la concurrence s’est exacerbée, celle, non pas des médias traditionnels – M6 ou TF1 –, mais des plateformes. Le rapporteur a très bien évoqué la force de ces plateformes et de leurs contenus.

Comme vous, je suis très favorable à l’indépendance des médias et la liberté de la presse : elles sont capitales. Certes, on peut critiquer certains contenus, mais l’un ne va pas sans l’autre dans une démocratie. Le processus de nomination est une garantie d’indépendance : il sera le même qu’aujourd’hui. Qui peut douter de l’indépendance de Mme Ernotte ou de Mme Veil ? Personne. L’objectif de la holding sera de rassembler les moyens et d’avoir une stratégie cohérente et coordonnée. Sur l’absence d’intérêt des jeunes, je considère qu’il faut aller chercher l’auditeur ou le spectateur partout sur le territoire. Puisque les Français consentent au financement de l’audiovisuel public, il est normal que celui-ci s’adresse à tous, partout sur le territoire. La démocratie consiste aussi à accéder à une information fiable et de qualité, y compris sur d’autres types de contenus.

M. le rapporteur l’a indiqué, les usages ont évolué : 62 % des Français s’informent sur les réseaux sociaux, dont beaucoup d’adolescents. Faut-il les laisser de côté ? Nous ne pouvons nous y résoudre. L’audiovisuel public doit continuer à s’adresser à tous, à la jeunesse comme aux classes plus populaires, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Laurence Bloch le démontre dans son rapport et en conclut que le statu quo n’est plus une option. Cette réforme est donc nécessaire. Il faut une stratégie coordonnée de distribution des contenus.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous avez très bien identifié les défis et les enjeux, que tous les observateurs sont susceptibles de partager. Cependant, force est de constater qu’une réforme de structure ne sera pas de nature à apporter une réponse, sauf à imaginer que vous avez déjà un plan, que vous voudriez voir appliqué par la future direction de la holding. Or, la loi ne vous le permettra pas, puisque la direction de cette holding devra être indépendante. Je ne suis donc pas du tout convaincu par votre argumentation.

En quoi une réforme de structure, qui aura pour principal effet de réduire les moyens de celles et ceux qui sont déjà à pied d’œuvre, répondra-t-elle aux questions relatives aux publics ? Je ne partage pas l’appréciation générale selon laquelle le service public ne toucherait pas les classes populaires – peut-être ne les touche-t-il pas assez. En tout état de cause, je ne perçois pas le lien entre la réforme de structure et la transformation des usages.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes toujours fermement opposés à cette réforme. Tout d’abord, l’argument du rassemblement des forces face à des plateformes gigantesques est totalement inopérant. En effet, avec moins de 4 milliards d’euros – nous avons franchi ce seuil à la baisse en raison des coupes budgétaires – de financement public de l’audiovisuel, nous ne sommes pas du tout au niveau de ces plateformes.

Vous considérez, madame la ministre, que le bilan du rapprochement de France Télévisions a été très positif. Or à la suite de la fusion de toutes les antennes de France Télévisions, la rédaction nationale de France 3 a été purement et simplement supprimée. Nous avons perdu une rédaction nationale. Cet exemple concret montre que ce type de rapprochement conduit, par la mutualisation, à un appauvrissement, surtout en période de disette budgétaire. L’État n’a jamais pris d’engagement fort, par exemple avec une loi de programmation, pour garantir un financement du service public de l’audiovisuel à la hauteur des enjeux.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Il s’est passé beaucoup de choses depuis notre dernière discussion. Je commencerai par rappeler, madame la ministre, vos expressions très insultantes à l’endroit des journalistes du service public de l’audiovisuel, dont vous avez la tutelle et dont vous devez garantir l’indépendance rédactionnelle absolue. Par ailleurs, vous dites des choses fausses dans votre longue interview publiée dans le journal Le Monde, dont certaines en totale dissonance avec le rapport Bloch, dont vous vous prévalez. Je ne reviens pas sur le fait que ce rapport ne répond absolument pas à la demande d’étude d’impact de la représentation nationale. Au regard des rares chiffres qui sont avancés, il est en tout cas en contradiction avec le principe d’une réforme à somme nulle, que vous affirmez. Le rapport Bloch indique en effet l’inverse, y compris sur des chiffres datant de 2016 – ils ne me semblent pas opportuns en raison de leur absence d’actualisation.

Certains de vos propos introductifs sont également faux. Je ne fais pas référence aux éléments d’analyse évoqués par le rapporteur et aux enjeux, qui pourraient sans doute nous réunir tous, tandis que la façon d’y répondre nous éloigne. Le 7 mai dernier, vous avez dit de France Inter « ça devient un club, c’est CSP plus – les catégories socioprofessionnelles supérieures – et plus âgé ». Outre qu’il est très cocasse de l’avoir déclaré en direct – je reconnais là votre courage –, vous critiquez un service public qui a démontré sa capacité à devenir la première radio de France. Il s’agit de la troisième radio des moins de 25 ans. Elle a gagné 400 000 auditeurs de moins de 25 ans. Et il est faux de dire que les classes populaires s’en désintéressent : Radio France est le deuxième groupe de radio pour les catégories socioprofessionnelles inférieures, dites « CSP moins », après radio NRJ.

Je le répète, certes, nous pouvons partager certains de vos éléments de diagnostic sur les enjeux stratégiques, mais vous alignez des mensonges insultants vis-à-vis du service public de l’audiovisuel. Ils montrent que cette réforme de l’audiovisuel public n’a absolument pas pour but de répondre à ces enjeux stratégiques – nous démontrerons que c’est l’inverse. Elle n’a que deux enjeux : faire des économies budgétaires – vous ne l’assumez pas – et exercer un contrôle politique sur la ligne éditoriale de l’audiovisuel public, comme nombre de vos déclarations le confirment. Madame la ministre, les journalistes du service public sont aussi indépendants que les autres, ne vous en déplaise. La holding n’est pas là pour répondre à une injonction politique de contrôle.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous rappelle les règles à observer jusqu’à la fin de la discussion : je vous remercie d’éviter les invectives et les propos qui pourraient être mal pris et je vous invite à vous limiter à un avis pour et un avis contre, pour chaque amendement, de façon à ce que nous puissions travailler sereinement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC931 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez (EPR). Il vise à marquer clairement notre attachement au maintien du service public audiovisuel sous le contrôle exclusif de l’État, en interdisant toute forme de privatisation de la société France Médias et de ses filiales, que cette cession soit partielle ou totale. Nous adressons ainsi un contre-argument à tous ceux qui voient dans cette réforme un affaiblissement de l’audiovisuel public. La détention intégrale du capital par l’État assurera la pérennité du service public dans toutes ses missions.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Votre amendement est superfétatoire, puisque déjà satisfait par le vote de l’amendement AC188 de notre collègue Erwan Balanant, prévoyant l’incessibilité du capital de la société France Médias. Nous vous invitons donc à le retirer.

Mme Céline Calvez (EPR). L’amendement AC188 concerne-t-il également les cessions partielles ?

Mme Rachida Dati, ministre. Oui, le capital n’étant pas cessible, cela vaut pour les cessions totales ou partielles.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AC1154 du gouvernement, AC1034 de Mme Virginie Duby-Muller et AC183 de M. Erwan Balanant.

Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement AC1154 a pour objet de supprimer la possibilité de désignation de commissaires du gouvernement dans les sociétés de l’audiovisuel public, afin de maintenir la composition actuelle des conseils d’administration.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ces amendements visent à supprimer l’alinéa 4 qui prévoit la nomination des commissaires du gouvernement auprès des différentes sociétés. Désormais, l’État ne sera donc représenté qu’au niveau de la holding : nous nous opposons à ce mouvement de centralisation de la décision.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous maintenons les conseils d’administration à l’identique, monsieur le député. Nous ne touchons à rien.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les autres amendements sur l’article tombent.

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 : Nouvelle gouvernance du secteur public de l’audiovisuel

Amendements de suppression AC52 de M. Aurélien Saintoul, AC202 de M. Emmanuel Grégoire et AC787 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). L’amendement AC52 vise à supprimer l’article 3, relatif aux règles de gouvernance de la holding, auxquelles nous sommes opposées, comme au texte dans son ensemble.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’amendement AC202, qui vise à supprimer le projet de holding, me permet d’évoquer l’un des éléments nouveaux apportés par le rapport de Laurence Bloch et certaines incohérences. Madame la ministre, vous avez indiqué, avec constance, qu’il n’y aurait aucun coût. Or Mme Bloch reconnaît l’existence de très nombreux coûts induits par la holding. Ainsi, les synergies à la base, grand enjeu de la réforme, nécessitent précisément beaucoup de moyens. Sans oser demander à nouveau une étude d’impact, j’aimerais que vous nous expliquiez comment la création de la holding n’engendrera aucun coût, alors que le rapport de Mme Bloch – élément central, nous dit-on, qui ne nous a été transmis qu’hier – indique le contraire.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS).  Puisque nous sommes opposés à la création de la holding, nous proposons de supprimer l’article qui régit sa gouvernance. Par ailleurs, la composition du conseil d’administration telle qu’elle est prévue ne nous convient pas du tout. En effet, elle n’accorde ni aux salariés, ni aux représentants et représentantes des auditeurs ou des téléspectateurs, ni à la démocratie sociale telle que nous l’appelons de nos vœux la place qu’ils méritent.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Je rappelle que, comme l’a indiqué le Conseil d’État dans son avis sur les projets d’amendements du gouvernement, l’instauration d’une présidence exécutive ne porte atteinte ni à l’exigence constitutionnelle d’indépendance des sociétés nationales de programme vis-à-vis des pouvoirs publics, ni à l’impératif de pluralisme.

Monsieur Grégoire, la proposition de création de la holding résulte du constat que les coopérations par le bas ne marchaient pas et qu’il fallait adopter une approche top-down.

Il est exact que l’alignement des statuts aura un coût. Le rapport de Mme Bloch se réfère à l’estimation de l’Inspection générale des finances (IGF) et cite un montant de 30 millions d’euros. Cet alignement nécessiterait vingt-sept mois de négociations. En revanche, le rapport de l’IGF estime que les économies d’échelle permettront un gain de 10 millions d’euros par an. Elles seront donc réelles, bien que limitées dans un premier temps.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. M. Grégoire s’est interrogé sur les coûts liés à la création de la holding. Mais on pourrait aussi le faire au sujet du coût de l’échec des coopérations par le bas.

Ainsi, l’échec du rapprochement entre la radio et la télévision s’agissant de France Info coûte de l’argent. Personne ne peut se satisfaire des audiences de la chaîne de télévision franceinfo, alors que la radio est puissante et réalise de bonnes audiences. On peut aussi se référer aux difficultés rencontrées pour rapprocher France Bleu et France 3 afin de couvrir certains événements en commun.

M. Saintoul a déclaré que nous étions d’accord sur les défis auxquels devait faire face l’audiovisuel public, mais pas sur l’outil pour y répondre. Nous sommes pour notre part persuadés que la holding permettra de trouver les voies et moyens pour apporter des réponses fortes et réaliser des économies dans la durée.

Mme Rachida Dati, ministre.  Les coopérations par le bas coûtent de l’argent, mais aussi des efforts aux salariés en raison des dissensions entre les sociétés. Leurs dirigeantes, que j’ai reçues l’an dernier, m’ont demandé de mettre en place un cadre permettant d’impulser les coopérations. Leur mise en place est actuellement trop lente et trop coûteuse. Une stratégie unique les faciliterait.

Je remercie la présidente d’avoir rappelé qu’il était nécessaire de se respecter lors de nos discussions. Ainsi, contrairement à vous, monsieur Grégoire, je ne dis pas que vous êtes un menteur, je ne vous accuse pas de dire des mensonges. Je dis simplement que vous avez mal lu le rapport de Mme Bloch. Ce dernier ne détaille pas en effet les coûts liés à la mise en place de la holding, mais cite un rapport de l’IGF, comme l’a bien expliqué la rapporteure.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Notre groupe s’oppose farouchement à cette réforme de l’audiovisuel public et à la création d’une holding.

Tout d’abord, la méthode est brutale et autoritaire. Ce texte, qui était un peu l’Arlésienne, revient en effet pour la troisième fois devant notre commission.

La brutalité est ensuite et surtout institutionnelle, puisque ni les dirigeants ni les représentants et les acteurs de l’audiovisuel public n’ont été consultés. Les salariés se sont massivement opposés à cette réforme. Aucune urgence politique ou contrainte économique ne la justifie.

Nous maintenons en outre que cette réforme menace l’indépendance éditoriale. Le fait qu’elle soit soutenue fermemement par le Rassemblement national devrait alerter toutes les forces attachées à la démocratie et au pluralisme.

Enfin, nous aurons l’occasion de revenir sur ce qui met en péril le financement de l’audiovisuel public.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). On nous dit que les coopérations par le bas sont des échecs. Mais ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, le projet Lumni est une grande réussite. La mobilisation du groupe France Télévisions pour produire en commun des contenus sur la désinformation en est également une.

Peut-être les projets qui ne marchent pas ne sont-ils pas pertinents. Est-il opportun de vouloir fusionner à toute force le réseau départemental de France Bleu et le réseau régional de France 3, dont les manières de travailler sont extrêmement différentes – à moins qu’on veuille remettre en cause leur existence en les appauvrissant par une mutualisation ? Si cette coopération a tant de mal à aboutir, c’est, non pas la faute des personnels sur le terrain, mais c’est tout simplement parce qu’elle n’a pas été bien pensée.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je pose une nouvelle fois la question de l’impact réel de ce projet mené à marche forcée sur les rédactions locales – notamment dans les Pyrénées-Atlantiques, où l’on trouve une rédaction dans le Béarn et une autre au Pays basque, tant pour la radio que pour la télévision.

On a vu les conséquences de la nouvelle organisation des éditions locales de France 3 pour les équipes et, surtout, pour la qualité des programmes. La durée des journaux locaux, qui font la force de France 3, a ainsi été réduite de plusieurs minutes, ce qui a suscité la colère aussi bien des salariés que des téléspectateurs. Nous avons le même problème s’agissant des émissions en langue régionale.

Je souhaite que la ministre s’engage à préserver les rédactions locales spécifiques, les émissions en langues régionales et la couverture de l’actualité locale dans les territoires où c’est nécessaire.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC1138 du gouvernement

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cet amendement fait l’objet de très nombreuses séries de sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement maintient la composition actuelle des conseils d’administration des sociétés nationales de programme, en reprenant ce modèle qui a fait ses preuves pour la société holding France Médias.

Sous-amendements AC1521 de M. Aymeric Caron, AC1512 et AC1503 de M. Aurélien Saintoul, et AC1507 et AC1515 de M. Aymeric Caron

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous postulez qu’il existe un besoin de coopérations par le bas. Mais, en réalité, il s’agit de rédactions différentes. Il n’y a aucune raison d’imposer à des entreprises qui n’ont pas le même métier de coopérer, pour reprendre votre expression. Cela n’a pas marché parce que cela ne pouvait pas marcher.

Notre groupe retire l’ensemble de ses sous-amendements à cet amendement du gouvernement. Nous avions été assez créatifs, mais le besoin ne se fait plus sentir.

Les sous-amendements sont retirés.

Sous-amendements AC1462 de Mme Soumya Bourouaha, AC1387 de Mme Céline Hervieu, AC1443 de M. Frédéric Maillot, AC1341, AC1306 et AC1384 de Mme Sophie Taillé-Polian, AC1372 de Mme Céline Hervieu, AC1304 de Mme Sophie Taillé-Polian et AC1371 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Nous sommes complétement opposés à la création de la holding France Médias. Ce mauvais projet va fragiliser les spécificités de l’audiovisuel public, et notamment les métiers de la radio.

Des mutualisations ont été organisées dans le passé, mais elles n’ont pas permis d’améliorer la situation d’ensemble de l’audiovisuel public. Les difficultés rencontrées par ce dernier sont liées à des problèmes de financement et aux mauvaises décisions prises ces dernières années.

L’audiovisuel public français marche sur ses deux jambes : la radio et la télévision. Tenter d’additionner leurs forces en faisant fi des spécificités des différents métiers peut in fine être contre-productif. Ce n’est donc pas judicieux.

Nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard, mais le sujet du financement est déterminant. Je rappelle que le budget de l’audiovisuel public français est deux fois moindre que celui de l’audiovisuel public allemand et respectivement inférieur de 40 % et de 30 % par rapport à ceux de ses homologues belge et britannique. La fragilité de notre audiovisuel public ne s’explique pas par le maintien de structures spécifiques pour la radio et la télévision, mais bien à titre principal par l’insuffisance de son budget.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le sous-amendement AC1341 propose de faire passer de quatorze à dix-sept le nombre des membres du conseil d’administration de la holding, pour y faire siéger les directeurs généraux de France Télévisions, de Radio France et de l’INA (Institut national de l’audiovisuel).

En effet, on peut lire dans le rapport de Mme Bloch : « Osons la comparaison de la holding avec un grand loft qui accueillerait différents appartements dont les propriétaires ont leur mot à dire mais aussi des règles de copropriété qui concourent au bien commun et qu’il faut respecter. »

Il est donc extrêmement important que les directeurs généraux des différentes filiales qui composeront la holding puissent siéger dans son conseil d’administration, afin d’éviter de confier un pouvoir trop important au président-directeur général.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures vingt à dix-sept heures quarante.

 

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans le cas où, malgré nos efforts, la holding verrait le jour, le sous-amendement AC1306 propose de renforcer le rôle des salariés au sein du conseil d’administration. La place qui leur est accordée n’est pas assez importante, alors qu’ils sont ceux qui connaissent le mieux les organisations, les entreprises et les différents métiers.

Aussi proposons-nous de porter de deux à quatre le nombre des représentants du personnel. Mais il serait également opportun de s’assurer que des représentants des salariés de chacune des filiales siègent au conseil d’administration. Si chaque filiale doit avoir son mot à dire, il faut – en paraphrasant la conclusion lyrique de Mme Bloch – que les directeurs généraux puissent révéler tous leurs talents au sein du conseil d’administration, mais aussi que l’ensemble des acteurs de chaque structure – et donc les salariés – y soient représentés.

Avec le sous-amendement AC1384, nous proposons que le conseil d’administration comprenne également deux représentants des sociétés de journalistes. Il s’agit ainsi de garantir l’indépendance de l’information et la diversité des voix s’exprimant à travers les médias du service public. Ces sociétés présentent en effet l’intérêt majeur de veiller à la déontologie ; elles pourront faire au conseil d’administration des remarques destinées à améliorer la qualité de l’information. Ce point est très important, car nous sommes très préoccupés par les conséquences éventuelles de ce projet de société holding. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les sociétés de journalistes soient pleinement associées aux décisions qui les concerneront directement.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Le sous-amendement AC1372 propose également d’augmenter le nombre des membres du conseil d’administration de France Médias.

Je profite de cette occasion pour répondre aux propos que vous avez tenus tout à l’heure, madame la ministre. Je ne vous invective pas et je ne vous insulte pas. Quand j’utilise le mot « mensonge », j’explique pourquoi je le fais. Vous avez toute liberté pour me montrer que j’ai tort – et je le reconnaîtrai très volontiers si c’est le cas.

Ce matin, je vous ai entendue sur Europe 1 – je n’écoute pas que le service public – utiliser des mots extrêmement violents à l’endroit d’un certain nombre d’entre nous pour qualifier nos propos ou nos interrogations.

Je rappelle que vous êtes la ministre de tutelle de l’audiovisuel public et qu’à ce titre, vous êtes la garante de son indépendance éditoriale, comme le prévoit la loi. Je persiste et signe en disant que, derrière votre projet de holding, il y a une volonté de contrôle politique de la ligne éditoriale de l’audiovisuel public.

Vous avez porté à la télévision des accusations extrêmement graves contre des journalistes de « Complément d’enquête », en expliquant que vous aviez les preuves qu’ils avaient voulu payer des témoins contre vous. Confirmez-vous ces accusations ? Ou, si vous les infirmez, vous excusez-vous auprès des journalistes ?

Ce point n’est pas du tout annexe. Je le dis solennellement : le sujet de l’indépendance éditoriale des journalistes est central dans ce projet de réforme de l’audiovisuel public.

On ne peut pas s’amuser à tenir des déclarations rocambolesques ou fantaisistes à l’extérieur et se prévaloir ici du sérieux, y compris en accusant de mensonge ses adversaires politiques ou, en tout cas, les opposants à cette réforme.

J’espère, madame la présidente, que vous demanderez à la ministre de nous répondre.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Le conseil d’administration de France Médias doit être capable d’assurer le pilotage stratégique de la nouvelle structure.

Augmenter le nombre de ses membres pour porter l’effectif à vingt-huit voire trente personnes reviendrait en fait à l’empêcher de rendre des arbitrages sur des sujets importants. Or nous sommes convaincus que l’audiovisuel public fait face à des défis majeurs.

S’agissant de la représentation des salariés, nous sommes plusieurs ici à avoir siégé au sein de conseils d’administration de l’audiovisuel public. Leur composition est équilibrée et chacun, à sa place, peut s’y exprimer. Je n’ai pas le sentiment que les représentants des salariés de l’audiovisuel public n’aient pas voix au chapitre.

Par ailleurs, le dialogue social ne se résume pas à ces conseils, madame Taillé-Polian. Il existe des instances à cet effet, et elles ne disparaîtraient pas avec la création de la holding. Dire que la composition des conseils d’administration n’est pas équilibrée constitue un contresens.

M. Saintoul et Mme Taillé-Polian nous ont expliqué que si les projets de coopérations par le bas n’avaient pas été mis en place, c’est parce qu’ils n’avaient pas lieu d’être ou n’étaient pas pertinents. Mais vous êtes les seuls à penser qu’un rapprochement entre France Bleu et France 3 n’est pas essentiel.

Vous critiquez à longueur de journée les médias du groupe Bolloré, tout en constatant que l’alliance de la télévision et de la radio fait leur force. Pourtant, vous refusez à l’audiovisuel public de se renforcer comme l’ont fait des acteurs privés. Considérer que la coopération entre la radio et la chaîne de télévision s’agissant de France Info n’a pas lieu d’être revient à affaiblir l’audiovisuel public.

Mme Rachida Dati, ministre. Ce texte maintient en l’état la composition des conseils d’administration. Les salariés y sont représentés. Rien ne change.

M. Echaniz s’est interrogé sur l’importance accordée aux langues régionales. Elles sont mentionnées par l’article 40 du cahier des charges et leur place n’est absolument pas affectée par la réforme.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’espère bien que les autres instances de dialogue social vont continuer à exister, puisqu’elles sont obligatoires dans des entreprises de cette taille. Il n’empêche que la représentation des salariés dans les conseils d’administration est selon moi trop faible. Par ailleurs, je considère que l’ensemble des filiales qui composeront cette holding doivent pouvoir participer au dialogue. Il convient donc d’augmenter le nombre des membres du conseil d’administration, afin que des représentants du personnel de chaque filiale puissent y siéger.

Vous n’avez pas répondu à la question sur les directeurs des filiales. Auront-ils voix au chapitre ou seront-ils de simples supplétifs du président-directeur général, qui concentrera tous les pouvoirs ?

Enfin, considérer que la fusion de France 3 et de France Bleu au sein d’une même structure n’est pas pertinente ne signifie pas que nous voulons affaiblir le service public. Arrêtons de caricaturer les propos et faisons preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle ! Construire des services publics de proximité suppose de tenir compte des différences de maillage entre les départements et les régions. Vouloir tout fusionner aboutit bien souvent à des baisses de budgets, ce qui met en danger les rédactions locales. J’ai pu le constater lors d’un déplacement dans la région Centre-Val de Loire, où l’on m’a expliqué que les crédits n’étaient pas à la hauteur, ce qui ne permettait pas de soutenir des initiatives communes et aboutissait à ne plus couvrir certains événements. C’est une réalité.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur estime que faire passer de quatorze à vingt-huit le nombre des membres du conseil d’administration de la holding empêcherait ce dernier de prendre des décisions. Cet argument n’a pas de sens : on peut être nombreux et décider, en se respectant – n’est-ce pas ce que nous faisons au sein des groupes parlementaires ?

Plutôt que de présenter ce texte, vous auriez dû commencer par proposer une transcription législative des recommandations des états généraux de l’information. Cela aurait certainement permis de réunir une majorité beaucoup plus facilement et d’apporter des réponses beaucoup plus pertinentes. On peut donc s’interroger sur votre sens des priorités.

Le rapporteur a ensuite évoqué la réussite des médias du groupe Bolloré. Nous voulons que le service public réussisse, mais nous ne voulons pas qu’il reprenne leur modèle, où les mêmes intervenants disent tout le temps la même chose, à la radio et à la télévision. Nous défendons pour notre part la diversité des sensibilités et des points de vue. Vous vous orientez vers la concentration de la production et la multiplication de la diffusion. C’est précisément ce que nous ne voulons pas. Mme Bloch suggère d’ailleurs dans son rapport de s’orienter vers un seul directeur de l’information. Le service public garantissait l’expression de points de vue différents, ce qui faisait sa richesse et permettait à chacun de se sentir représenté.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC1414 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Ce sous-amendement propose de réduire d’un an la durée du mandat du conseil d’administration de France Médias, en le faisant passer à quatre ans.

Nous estimons qu’il est important de le renouveler assez régulièrement, d’autant qu’il va concentrer de nombreux pouvoirs s’exerçant sur l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable. Il est de tradition de nommer les dirigeants des sociétés nationales de programme pour cinq ans, conformément à l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986. Pourquoi faudrait-il réduire ce mandat à quatre ans ?

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Inaki Echaniz (SOC). Vous m’avez répondu qu’il n’y avait aucun problème s’agissant de la place des langues régionales, madame la ministre.

Je vais pourtant vous lire un message des équipes de France 3 Euskal Herri Pays Basque publié en février 2025, car il est symptomatique ce qui se passe : « Si la direction a accepté de revenir sur la décision initiale concernant la durée de l’édition, elle maintient sa réduction des moyens durant les vacances. Il y aura une équipe en moins chaque jour pour réaliser ce journal – un exercice plus que difficile. La direction annonce également supprimer l’édition locale durant les deux semaines de fêtes de fin d’année. L’équipe de France 3 Euskal Herri Pays basque déplore la réduction des effectifs et estime que la fermeture en fin d’année reste un recul de l’information de proximité sur ce territoire particulièrement riche en actualité et événements, y compris pendant les vacances. L’une des conséquences est qu’il n’y aura aucun sujet en langue basque à l’antenne durant la période de fermeture. Le personnel de France 3 Euskal Herri Pays basque entend défendre au quotidien un service public de qualité et de proximité. »

Nous aussi, madame la ministre.

M. Alexis Corbière (EcoS). Le rapport Bloch, que vous citez à l’envi, est, certes, central, mais il ne faudrait pas qu’il devienne le rapport du bloc central. Mme Bloch préconise, par exemple, un investissement massif dans la stratégie numérique. Or quels moyens les promoteurs de la réforme envisagent-ils d’allouer à cet investissement ? Nous ne le savons pas.

Madame la ministre, vous avez déclaré, dans Le Monde, que la création d’une direction unique s’imposait au motif que certaines informations diffusées à la radio ne le sont pas à la télévision. L’argument est imparable… Pouvez-vous nous dire à quelles informations majeures vous faisiez allusion ? Vous savez, car vous êtes plus intelligente que cela, que ce n’est pas vrai. Tenons-nous-en à des arguments rationnels.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1417 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous proposons que les membres du conseil d’administration de la société France Médias, qui concentrera de nouveaux pouvoirs sur l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public, ne puissent exercer qu’un mandat non renouvelable. Il s’agit de garantir l’indépendance du conseil d’administration en mettant ses membres à l’abri des pressions liées à la perspective d’une reconduction.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable. Il est salutaire d’encourager le renouvellement des membres du conseil d’administration, quels qu’ils soient, mais il serait dommage de leur interdire, par principe, de poursuivre leur engagement au sein de celui-ci.

Mme Rachida Dati, ministre. Vous avez raison, monsieur Corbière, les informations auxquelles je pensais ne sont pas mineures. Il arrive, par exemple, que plusieurs équipes de la même maison couvrent le même événement. Une meilleure coordination leur permettrait donc de traiter davantage d’informations. Par ailleurs, lorsque les journalistes d’une rédaction ont la primeur d’une information ou ont connaissance d’une information sous embargo, ils ne la communiquent pas forcément à leurs collègues des autres rédactions. Ce sont des remarques qui nous ont été remontées du terrain. Même avis que le rapporteur.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1345, AC1343 et AC1342 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Puisque le projet de réforme tend à dessaisir le Parlement des questions relatives au financement, à l’indépendance et à la visibilité de l’audiovisuel public, nous proposons d’augmenter le nombre des députés membres du conseil d’administration de la holding France Médias.

Madame la ministre, les coopérations que vous appelez de vos vœux existent déjà ; le statut de l’entreprise n’y changera rien. Mais le traitement de l’information est différent selon qu’il est assuré par un journaliste de radio ou par un journaliste de télévision. C’est précisément cette complémentarité qui fait la force de notre audiovisuel public et que nous voulons sauvegarder.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Le texte prévoit qu’un député et un sénateur représentent le Parlement au sein du conseil d’administration de France Médias – dont la composition sera identique à celle du conseil d’administration de France Télévisions. Si l’on vous suivait, les parlementaires y seraient plus nombreux que les représentants du personnel ! Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis que la rapporteure.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). D’abord, je m’associe aux questions posées par Emmanuel Grégoire : nous devons être certains que la ministre soutient l’audiovisuel public. Or, dans certaines de ses déclarations, elle s’en est clairement prise à ses salariés, à ses journalistes. Ensuite, qu’en est-il de la présence des directeurs généraux des filiales au conseil d’administration de la holding ? Si elle n’est pas assurée, le président détiendra bien un pouvoir exorbitant. Enfin, plusieurs équipes peuvent couvrir un même événement, mais une équipe de radio ne travaille pas du tout de la même manière qu’une équipe de télévision.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Peut-être trouvez-vous ces sous-amendements problématiques, mais il me paraît très sain, sur le plan démocratique, que plus d’un député siège au conseil d’administration. Il y va de la représentation des différentes forces qui composent le paysage politique et notre assemblée, qui compte onze groupes parlementaires. Rien ne justifie que le président du conseil d’administration soit privé de l’éclairage d’au moins un groupe de l’opposition, lequel doit pouvoir avoir accès aux informations relatives à l’entreprise. La présence d’au moins deux députés garantirait une forme de transparence et la bonne information du Parlement. Ces sous-amendements sont donc utiles et pertinents ; je ne comprends pas qu’on les balaie d’un revers de la main.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendements AC1349, AC1347 et AC1346 de Mme Céline Hervieu

Mme Céline Hervieu (SOC). Il s’agit, cette fois, d’augmenter le nombre des sénateurs siégeant au conseil d’administration, dans le but, là encore, de sauvegarder l’indépendance de l’audiovisuel public face à une direction toute-puissante. Dans la période troublée que nous vivons, où les jeunes s’informent de plus en plus sur les réseaux sociaux, nous avons besoin d’un audiovisuel qui soit suffisamment fort pour lutter contre la diffusion de fake news et suffisamment indépendant pour nous permettre de lutter contre les grands groupes de médias privés. Puisque la direction de la holding sera nommée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), elle-même associée à la présidence de la République, il est nécessaire que le pluralisme soit respecté et que des contre-pouvoirs existent au sein du conseil d’administration.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. M. Grégoire, qui siège au conseil d’administration d’une entité de l’audiovisuel public, pourrait vous dire que le Parlement y est représenté de manière satisfaisante.

Soyons sérieux ! Le conseil d’administration prend des décisions stratégiques. Quant au Parlement, il contrôle l’audiovisuel public dans le cadre de ses prérogatives, notamment lors de l’examen du projet de loi de finances. Des parlementaires siègent au conseil d’administration au même titre que les représentants de l’État ou des salariés ; il n’y a aucune raison qu’ils y soient surreprésentés.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis que le rapporteur. Je précise, à l’intention de M. Echaniz, que France 3 diffuse notamment neuf heures en basque, 255 heures de programmes sous-titrés en basque et que France Bleu Pays basque diffuse, chaque année, 600 heures de programmes en basque.

Quant aux directeurs généraux des filiales, ils assistent à chaque conseil d’administration.

M. Erwan Balanant (Dem). Je m’étonne que le groupe Socialistes, qui semble avoir renoncé à ralentir les débats, persiste à défendre ce type de sous-amendements. Aucun conseil d’administration dont les délégations parlementaires relèvent de notre commission ne compte deux, cinq ou huit députés. En règle générale, il n’y en a qu’un – alternativement un homme et une femme. Restons-en là. Au demeurant, tous les députés membres d’un conseil d’administration n’y siègent pas. Soyons sérieux et évitons de ralentir inutilement les débats.

M. Alexis Corbière (EcoS). La question est fondamentale. Nous nous inquiétons qu’une centralisation du pouvoir similaire à celle qui étouffe le pays soit instaurée au sein de la future holding. C’est pourquoi nous souhaitons que les parlementaires qui siégeront au sein de son conseil d’administration reflètent le paysage politique actuel. Je m’étonne, du reste, que nos collègues du groupe RN ne votent pas pour ces sous-amendements – cela en dit long, peut-être, sur la manière dont ils concevraient les choses s’ils étaient aux responsabilités.

Si Emmanuel Grégoire siège au conseil d’administration de France Télévisions, c’est parce qu’actuellement, aucun groupe parlementaire n’est majoritaire. S’il en est autrement demain, les membres du collège de l’Arcom seront nommés par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le président de la République, et c’est un député de la majorité présidentielle qui siégera au CA de la holding. Avouez que c’est inquiétant !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous ne voterons pas pour ces sous-amendements dès lors que ceux qui visaient à augmenter le nombre des députés membres du conseil d’administration ont été rejetés.

Monsieur Balanant, si des députés membres d’un conseil d’administration n’y siègent pas, c’est regrettable. La question qui se pose est celle de savoir si le pluralisme doit être respecté au sein de ces instances. Nous, nous estimons que, parce que des décisions stratégiques y sont prises, la diversité de nos assemblées doit y être représentée, même partiellement. Du reste, pour chaque mission d’information, deux rapporteurs sont désignés : l’un appartient à la majorité, l’autre à l’opposition. Pourquoi devrait-on tenir un raisonnement différent à propos de la représentation du Parlement au sein de conseils d’administration ?

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le rôle d’un député n’est pas de siéger dans un conseil d’administration ; il est de contrôler l’action du gouvernement. C’est pourquoi j’ai défendu, en commission des finances, un amendement à l’article 5 qui visait précisément à renforcer le contrôle du Parlement sur les futures conventions stratégiques pluriannuelles (CSP). Or vous avez voté contre, main dans la main avec le Rassemblement national !

La commission rejette successivement les amendements.

Sous-amendement AC1354 de Mme Céline Hervieu

Mme Céline Hervieu (SOC). Il s’agit de garantir le respect de la parité au sein du conseil d’administration de la future holding.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Le sous-amendement est satisfait par l’article 2 de la loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination. La parité est déjà assurée au sein des conseils d’administration de l’audiovisuel public. Avis défavorable.

Le sous-amendement est retiré.

Sous-amendements AC1353 et AC1370 de Mme Céline Hervieu, sous-amendements identiques AC1369 de Mme Céline Hervieu et AC1420 de Mme Soumya Bourouaha et sous-amendement AC1352 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Nous proposons de réduire la présence de l’État au sein du conseil d’administration en diminuant le nombre de ses représentants, actuellement fixé à cinq. Il s’agit de préserver cette structure d’une centralisation étatique et de garantir son indépendance, laquelle sera mise à mal par la fusion puisque la multiplicité des structures garantit la pluralité, qui protège elle-même l’indépendance.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Notre sous-amendement vise à abaisser de cinq à trois le nombre des représentants de l’État au sein du conseil d’administration afin de renforcer l’indépendance éditoriale de l’audiovisuel public. Nous cherchons en effet à garantir, par une plus grande neutralité, la liberté d’expression dans le traitement de l’information. Or les nominations dans l’audiovisuel public sont souvent perçues comme politiques.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je souhaiterais que M. Grégoire éclaire ses collègues du Nouveau front populaire sur le rôle de l’État dans ces conseils d’administration. On semble dire que les hauts fonctionnaires chargés de représenter leurs ministères au sein des conseils d’administration, en l’espèce ceux de la culture et de l’économie, y porteraient une parole politique. Si c’était le cas, cela se saurait ! Il est tout de même important qu’un ministère soit représenté au sein du conseil d’administration d’une entité dont il exerce la tutelle. On ne peut pas affirmer que l’indépendance de l’audiovisuel public est remise en cause par la présence de représentants de l’État au sein du conseil d’administration.

M. Alexis Corbière (EcoS). Ils sont tout de même là pour défendre la politique de leur ministre !

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il est question de l’indépendance éditoriale des médias, non de la stratégie de l’entreprise publique. Encore une fois, je n’ai jamais vu un représentant de l’État porter une parole politique ou remettre en cause l’indépendance des rédactions de l’audiovisuel public dans un conseil d’administration. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Je souscris entièrement aux propos du rapporteur. Avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, d’abord, le texte prévoit que cinq représentants de l’État siègent au conseil d’administration de la future holding. Or la tutelle de l’entreprise ne sera pas exercée par cinq ministères différents. Ensuite, vous nous avez répondu tout à l’heure qu’il n’y avait pas lieu d’augmenter de façon pléthorique le nombre des représentants de la nation au sein du conseil d’administration. Pourquoi en irait-il différemment des représentants de l’État ?

Par ailleurs, vous nous dites que ces derniers ne sont pas des représentants du ministre. Il est pourtant déjà arrivé que des personnalités politiques soient reclassées en représentants de l’État. Ainsi, un ancien directeur de cabinet du ministre de l’intérieur a été récemment nommé préfet des Hauts-de-Seine, alors qu’il n’appartenait pas à ce corps auparavant, et il a manifestement décidé de faire de la politique.

Enfin, j’ouvre une parenthèse concernant les langues régionales : la radio Ici Breizh Izel a annoncé qu’elle cesserait de diffuser les journaux d’information en langue bretonne.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous touchons là un des points centraux de notre discussion, à savoir notre crainte, largement partagée, de voir centralisé entre les mains d’une seule personne un pouvoir très important sur le travail des salariés de l’audiovisuel public. Nous considérons donc que le conseil d’administration doit être un garde-fou en cas de pressions politiques sur le dirigeant. Il jouera d’autant plus efficacement ce rôle que la pluralité politique y sera respectée, que la représentation des salariés, notamment des sociétés de journalistes, y sera forte et que les directeurs généraux y auront un droit de vote. C’est fondamental !

La commission rejette successivement les sous-amendements.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures trente.

 

Sous-amendement AC1444 de M. Frédéric Maillot

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il s’agit de préciser que l’intérêt pour l’audiovisuel des représentants de l’État désignés pour siéger au conseil d’administration devra avoir été prouvé. Mais le fait que ces représentants soient nommés au titre de leurs fonctions suffit à démontrer leur expertise. Ainsi, on peut présumer que la directrice générale des médias et des industries culturelles connaît l’audiovisuel public.

J’ajoute que tous ceux qui ont siégé au sein d’un conseil d’administration savent que l’on y évoque les questions budgétaires ou immobilières, les marchés publics, jamais la stratégie éditoriale. Par ailleurs, augmenter à l’infini le nombre des représentants au sein du conseil d’administration les priverait de toute fonction stratégique et empêcherait la prise de décisions.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis que le rapporteur.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). En dépit de quelques inquiétudes, les entreprises du service public de l’audiovisuel sont aujourd’hui protégées des influences politiques sur leur ligne éditoriale. Mais qui vous dit qu’il en ira de même à l’avenir ? Les instances que nous instaurons doivent résister aux crises. Or dans tous les pays dans lesquels l’extrême droite arrive au pouvoir, on observe une mise sous tutelle et une fragilisation du service public de l’audiovisuel : un conseil d’administration plus robuste et plus diversifié peut constituer une protection en cas d’évolution vers une démocratie illibérale – qui, de fait, n’en est pas une. Ne faites pas comme si notre pays n’était pas confronté à ce danger.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1359, AC1356, AC1355 de Mme Céline Hervieu et AC1419 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Nous proposons de porter à dix le nombre de personnalités indépendantes au sein du conseil d’administration. C’est un fait : la holding, première étape vers une potentielle fusion, ouvre la porte à une ingérence politique grandissante. Le fait que le Rassemblement national plaide pour une privatisation de l’audiovisuel public et pour son détricotage, auquel ce projet de réforme va contribuer, devrait nous interroger.

L’exemple de la Hongrie est frappant. Dès son arrivée au pouvoir, Viktor Orbán n’a cessé de dénigrer l’audiovisuel public, qu’il transforme petit à petit en organe de propagande. Pour éviter que cela ne se produise en France, nous avons besoin de garantir la pluralité et l’indépendance des membres du conseil d’administration.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Nous émettons évidemment un avis défavorable à ces sous-amendements d’obstruction.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Alexis Corbière (EcoS). Ce ne sont pas des sous-amendements dilatoires ; ils portent sur un sujet de fond. J’ai siégé pendant six ans au conseil d’administration de LCP-AN. Nous avons changé de présidence, discuté de la ligne éditoriale et fait des choix stratégiques. Les parlementaires y ont du pouvoir, heureusement – ils choisissent même le président !

Vous nous répétez que le statu quo n’est pas possible face aux défis, mais c’est parce que nous sommes inquiets que nous discutons en détail de la composition de la nouvelle instance. Demander une plus grande pluralité de la représentation parlementaire et la présence des directions générales des chaînes, ce n’est pas une perte de temps. Nous craignons que le conseil d’administration soit une caisse d’enregistrement centralisée autour de la présidence qui aura été choisie par l’Arcom – sachant que la capacité de celle-ci à choisir des personnalités totalement indépendantes du pouvoir politique est très perfectible ! Quant aux représentants du ministère de la culture, madame la ministre, j’imagine qu’ils sont plutôt d’accord avec les politiques publiques que vous mettez en place ! Parlons-nous honnêtement.

Nous plaidons donc simplement pour éviter une concentration extrême du pouvoir au sein du conseil d’administration.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC1550 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard (RN). Il serait utile d’ajouter que la personnalité indépendante qui siégera au conseil d’administration n’a « jamais travaillé dans un média d’opinion, eu de mandat électif politique et syndical ou de lien avec des organisations liées à des pays étrangers. »

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je comprends votre intention mais le terme « média d’opinion » est trop imprécis pour être opérant. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

S’agissant des risques évoqués par Mmes Taillé-Polian et Hervieu, je crois qu’il faut arrêter de jouer sur les peurs. Madame Hervieu, on ne peut pas parler d’« ingérence politique grandissante » dans les médias de l’audiovisuel public lorsque France Télévisions réalise des enquêtes sur des ministres en fonction et même sur sa ministre de tutelle ! Vous avez le droit d’avoir des préoccupations, mais il me semble dangereux de tenir de tels propos.

Depuis tout à l’heure, vous défendez des amendements visant à anticiper le cas où le RN arriverait au pouvoir. Mais s’il arrive au pouvoir, ce n’est pas dans les conseils d’administration qu’il mettra en œuvre ses décisions : la privation de l’audiovisuel public nécessiterait une loi ! Vous aurez beau avoir trituré ce texte, cela ne servira rien.

Mme Rachida Dati, ministre. Jusqu’à maintenant, les ingérences évoquées n’ont jamais eu de matérialité. Ce n’est même pas jouer à se faire peur, c’est chercher à nous intimider. Vous considérez que ceux qui ne partagent pas votre couleur politique ou votre idéologie ne sont pas des gens bien. Il faudrait que nous nous laissions marcher dessus. Eh bien non ! Nous ne sommes pas les serpillières des gens de gauche. Le passé et l’actualité démontrent qu’être de gauche, ce n’est pas forcément être quelqu’un de bien.

Vous vous gargarisez de mots ! Nous n’allons pas nous excuser : nous avons le droit de défendre un audiovisuel public fort, pour tous les Français. Ce n’est pas à vous de décider qui peut y avoir accès ou pas. Tous les Français le financent, donc ils y ont droit !

S’agissant de la personnalité indépendante évoquée par M. Ballard, elle ne pourra, de fait, avoir assuré un mandat électif politique ou syndical dans un passé récent. De surcroît, il n’existe pas de définition en France d’un « média d’opinion ». C’est la raison pour laquelle cet amendement pose difficulté.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Depuis l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), il y a toujours eu des risques, des velléités voire des actes d’ingérence politiques dans les médias publics. Nous devons avoir pour principe fondamental de nous en garder.

Dans les pays où les amis du Rassemblement national sont au pouvoir, il y a effectivement des tentatives musclées d’ingérence mais chaque outil de protection peut jouer son rôle ; chaque détail peut compter. Peut-être le RN trouve-t-il cette réforme à son goût, d’ailleurs, puisqu’il a voté l’article 2 !

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1368 et AC1366 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). L’amendement AC1368 vise à porter à quatre le nombre de personnalités indépendantes chargées de veiller à l’impartialité de l’information.

Je n’ai pas spécifiquement dénoncé l’existence d’une ingérence politique : j’ai expliqué que le projet de holding et de fusion était potentiellement une porte ouverte à de l’ingérence politique, par une forme de centralisation, en soulignant que la multiplicité des structures permettait de garantir la pluralité et donc l’indépendance.

Quoi qu’il en soit, il y a bien eu récemment une ingérence politique assez grave, qui mérite d’être dénoncée.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendements AC2033 de Mme Céline Calvez et AC2052 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Céline Calvez (EPR). Je propose que la personnalité indépendante désignée par l’Arcom et chargée de veiller à l’impartialité de l’information soit également chargée de veiller à son honnêteté, à son indépendance et à son pluralisme.

La décision du Conseil d’État de février 2024 a en effet souligné l’importance du pluralisme de l’information, dont le respect est aussi visé par la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias dite Bloche, tout comme l’honnêteté et l’indépendance.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans le même esprit, mon amendement propose d’ajouter les termes « indépendance » et « pluralisme », qui sont fondamentaux pour la déontologie journalistique.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. L’amendement AC2033 complète les missions de l’administrateur indépendant de France Médias. La précision qu’il apporte, reprenant les principes édictés par la loi Bloche, nous apparaît utile : nous y émettons un avis favorable.

Nous invitons Mme Taillé-Polian à retirer son amendement au bénéfice de celui de Mme Calvez, plus complet.

Le sous-amendement AC2052 est retiré.

La commission adopte le sous-amendement AC2033.

Sous-amendement AC2053 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans son rapport, Mme Laurence Bloch soulève une inquiétude que nous avons déjà formulée – sans obtenir de réponse – au sujet de l’avenir de la radio. Elle souligne que la tutelle et le Parlement devront être particulièrement attentifs à ce que l’audio ne soit pas traité comme le parent pauvre de la holding : l’audio pourrait en effet être moins bien moins financé et pourrait dépérir, au profit des contenus vidéo.

Nous souhaitons donc que l’une des personnalités nommées par l’Arcom au conseil d’administration bénéficie d’une expérience reconnue dans le domaine radiophonique. Ce serait un très léger garde-fou, sur un sujet fondamental.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Votre intention est louable et nous partageons vos préoccupations. Les résultats d’audience remarquables et la qualité des programmes de Radio France ont été rappelés ; il est important que la holding ne fragilise pas les radios.

Nous considérons néanmoins que les membres du conseil d’administration de France Médias doivent avoir une expérience transversale – nous défendrons d’ailleurs tout à l’heure un sous-amendement à ce sujet. Veillons à ne pas trop spécialiser les administrateurs, au risque qu’ils ne représentent plus qu’un seul intérêt. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. L’Arcom désignera les personnalités indépendantes « à raison de leur compétence » : l’amendement est donc satisfait. Avis défavorable, à moins de son retrait.

M. Alexis Corbière (EcoS). La question de l’expérience en télévision ou en radio me semble pertinente. Vous m’avez répondu tout à l’heure, madame la ministre, qu’il arrivait que des équipes s’aperçoivent, sur le terrain, qu’elles se marchent sur les pieds.

Mme Rachida Dati, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Alexis Corbière (EcoS). Une équipe de télévision et une équipe de radio ne font pas le même métier et traitent différemment un même événement. Radio France est leader dans le domaine de la radio, grâce à son excellence, mais elle n’exerce pas le même métier que France Télévisions. Nous craignons que l’optimisation visée ne conduise à une concentration des rédactions et à une baisse de la qualité de l’information.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC2054 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous souhaitons que l’une des personnalités nommées par l’Arcom bénéficie d’une expérience reconnue à l’international.

Je considère qu’il est de bon aloi de fixer les compétences requises pour siéger au conseil d’administration, tout en laissant à l’Arcom le choix des personnes. Je ne suis donc pas convaincue par votre argument, madame la ministre : nous espérons effectivement que l’Autorité ne nommera pas une personne sans aucune expérience des médias ! M. le rapporteur soutient d’ailleurs le même principe que nous – j’espère que son sous-amendement à venir ne tombera pas en cas d’adoption de l’amendement de réécriture globale de l’article 3.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable. Lorsque notre collègue Jean-Raymond Hugonet, rapporteur au Sénat, avait proposé une rédaction similaire, France Médias Monde devait faire partie de la holding. Dans la mesure où elle est désormais exclue du périmètre, il ne nous apparaît pas nécessaire de reprendre cette proposition. C’est à l’Arcom qu’il reviendra de choisir des profils diversifiés dont les compétences pourront bénéficier au conseil d’administration.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. La radio n’est effectivement pas la télévision, cher collègue Corbière, mais admettez avec moi qu’il est important que l’audiovisuel public crée un média global de proximité. La mission de cet acteur doit consister à fabriquer de l’information, pour la radio ou la télévision, à destination des Français vivant par exemple dans les territoires ruraux.

L’ensemble des professionnels estiment – comme Laurence Bloch dans son rapport – que le projet de coopération entre France 3 et France Bleu, lancé en 2018, ne fonctionne toujours pas ! Figurez-vous que le site internet du réseau Ici n’inclut pas les textes de la rédaction de France 3, et que France Télévisions bâtit une stratégie d’éducation aux médias à laquelle elle n’associe pas Radio France. Peut-on l’accepter ?

Ce n’est pas les salariés qui sont en cause, c’est l’absence d’arbitrage sur des décisions essentielles. En dépit des financements importants alloués à l’audiovisuel public, il n’existe pas aujourd’hui de média public de proximité qui soit fort. Vous dites qu’il y aurait d’autres manières de faire et que les coopérations pourraient mieux fonctionner. Notre conviction, c’est qu’en l’absence de holding, les décisions stratégiques essentielles ne pourront pas être prises.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable également.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’argument principal en faveur de la holding tient au fait que les synergies de base n’auraient pas fonctionné. Or le rapport de l’IGF a bien montré que des synergies pouvaient venir du terrain sans nécessité d’une holding et que celle-ci, à l’inverse, n’en générait pas forcément.

D’une certaine manière, vous blâmez les effets dont vous êtes la cause : tous les programmes de rapprochement par la base étaient financés par les crédits de transformation – ceux, précisément, que le gouvernement a supprimés dans le cadre de la régulation infra-annuelle sur l’exercice budgétaire 2024 !

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1301 de M. Max Mathiasin

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Ce sous-amendement tend à préciser que l’une des personnalités indépendantes mentionnées au 3° bénéficie d’une expérience reconnue dans un territoire d’outre-mer.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il est essentiel de s’assurer que la question des outre-mer sera prise en considération dans les décisions stratégiques du conseil d’administration, mais gardons-nous d’y nommer des personnalités trop spécialisées. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

 

La réunion est suspendue de dix-neuf heures cinq à dix-neuf heures vingt.

 

Sous-amendements AC2049 et AC1382 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Le sous-amendement AC2049 est défendu.

Le sous-amendement AC1382 tend à renforcer la place des salariés dans le conseil d’administration des entreprises de l’audiovisuel. Alors que la réforme va bouleverser leur organisation, leurs conditions d’exercice, leurs missions et les équilibres internes, ceux qui font vivre le service au quotidien sont malheureusement tenus à l’écart des décisions. Leur voix est essentielle.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. La composition des conseils d’administration nous paraît équilibrée – d’ailleurs, aucun syndicat ne nous a demandé de la modifier. En outre, si la holding est effectivement créée, les filiales – Radio France et France Télévisions – garderont leur conseil d’administration, au sein duquel siègent les représentants des salariés. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il est normal que des représentants des salariés siègent dans les CA des filiales. Mais les arbitrages financiers et les grandes orientations se décideront au niveau de la holding : son président et son conseil d’administration disposeront ainsi d’un fort pouvoir d’influence sur les choix des filiales. Il est donc à la fois logique et très important qu’y siègent davantage de représentants des organisations syndicales des filiales.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC2080 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Dans un souci d’indépendance, nous souhaitons que l’un au moins des deux représentants des salariés siégeant au conseil d’administration de France Médias soit un journaliste professionnel – d’où ce sous-amendement. L’information étant au cœur des médias de l’audiovisuel public, il nous paraît difficilement compréhensible qu’aucun journaliste n’y siège.

Mme Rachida Dati, ministre. Pour l’INA (Institut national de l’audiovisuel), cela n’aurait pas de sens car il n’y a pas de journalistes.

Par ailleurs, votre proposition réduirait d’un siège la représentation des salariés : cela me gêne. Je ne veux pas contraindre les élections professionnelles. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je partage la volonté du rapporteur, mais il me semble délicat de demander à une même personne de représenter à la fois l’ensemble des salariés – un mandat souvent confié par une organisation syndicale – et ceux d’un métier en particulier, dans une logique plus corporatiste. C’est la raison pour laquelle nous avions proposé d’ajouter un représentant des sociétés de journaliste dans la composition du CA. Ce serait plus équilibré.

Madame la ministre, même si l’INA est un média patrimonial, il y a bien une rédaction, qui travaille sur la base des archives dans une démarche éditoriale. Et ses journalistes font d’ailleurs un travail remarquable.

La commission adopte le sous-amendement.

Sous-amendements AC1442 de M. Frédéric Maillot et AC1464 de M. Steevy Gustave (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Pour que nos médias soient à l’image de la France, ce sous-amendement de mon collègue Frédéric Maillot, député de La Réunion, vise à garantir la présence d’un représentant des organisations syndicales outre-mer compétent et légitime dans les instances décisionnelles de l’audiovisuel.

Selon le dernier rapport annuel de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) sur le sujet, la diversité dans les médias progresse peu, voire pas du tout. Depuis 2013, les personnes perçues comme non blanches ne représentent que 15 % des personnes à l’écran, un chiffre qui descend à tout juste 9 % en 2023 dans les programmes d’information. Cette sous-représentation est particulièrement criante dans les sujets politiques ou d’actualité. Pire encore : ces personnes sont quatre fois plus souvent associées à une image négative qu’à une image neutre. D’où ce sous-amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS).  Le dernier rapport de l’Arcom sur la représentation de la diversité de la société française dans les médias de 2013 à 2023 est sans appel : depuis 2013, les personnes perçues comme non blanches sont représentées en moyenne à hauteur de 15 %, et cette part est plus faible encore dans les programmes d’information. Les personnes non blanches sont sous-représentées dans les sujets liés à la politique française – seulement 8 % en 2023 – et sur-représentées négativement dans l’information en continu.

Le rapport alerte sur le renforcement de cette représentation négative. Malgré la politique menée depuis plus de dix ans par les sociétés d’audiovisuel public, comme France Télévisions, avec le pacte pour la visibilité des outre-mer, on ne constate aucune évolution majeure en la matière. Déjà en 2015, Delphine Ernotte, constatant une faible diversité sociale et ethnique, souhaitait que France Télévisions soit le reflet de la France. Or la suppression de France Ô, seule chaîne dédiée à l’outre-mer, a favorisé l’invisibilisation de l’actualité ultramarine. Le « réflexe outre-mer » n’existe pas, a fortiori lorsque son actualité est reléguée au rang d’information secondaire.

Pour pallier ce manque de représentativité, le sous-amendement AC1464 tend à assurer la présence de deux référents disposant d’une compétence avérée et reconnue dans le domaine de l’audiovisuel public de l’outre-mer à des postes clés.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable. L’idée peut paraître séduisante sur le papier, mais il ne nous semble pas pertinent de spécialiser à outrance les personnalités qui siégeront au sein du conseil d’administration.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis. Je précise que j’ai déjà répondu à Steevy Gustave, qui m’avait sollicitée sur ce sujet.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC1302 de M. Joël Bruneau

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Ce sous-amendement prévoit que les directeurs généraux des filiales sont représentés au conseil d’administration de France Médias, avec voix consultative. Mais j’ai cru comprendre tout à l’heure que cette demande était déjà satisfaite.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il n’y aura dans les filiales que des directeurs généraux délégués, et non des directeurs généraux. Compte tenu de cette erreur de forme, je vous demande de bien vouloir retirer ce sous-amendement.

Le sous-amendement est retiré.

Sous-amendement AC2055 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ce sous-amendement prévoit que les élus du personnel de chaque société sont présents aux séances du conseil d’administration de la holding lorsque celles-ci abordent des questions sociales relatives à leur société. Cette disposition renforcera les synergies qui, pour être efficaces, devront aussi être ascendantes. Nous avons demandé sans succès qu’il y ait plus de représentants des personnels, ne serait-ce que pour mieux refléter leur diversité. Il s’agit là d’une proposition de repli.

Par ailleurs, compte tenu du faible nombre de représentants syndicaux dans les CA, j’insiste sur le fait qu’il n’est vraiment pas de bonne politique de demander aux organisations syndicales de représenter aussi les métiers sur leur quota, ainsi que le prévoit le sous-amendement du rapporteur qui vient d’être adopté. Il faut retravailler ce sujet.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable. Vous mélangez les enjeux du conseil d’administration avec le dialogue social – nécessaire et légitime – au sein des sociétés de l’audiovisuel public. Votre proposition reviendrait à modifier la composition du conseil d’administration en fonction de l’objet des réunions : sauf votre respect, ce serait une usine à gaz.

Mme Rachida Dati, ministre. La composition d’un CA ne change pas en fonction des thèmes : une fois qu’il est installé, il traite de tous les sujets, y compris des questions sociales.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). La démocratie n’est jamais une usine à gaz, monsieur le rapporteur.

Madame la ministre, en fonction de l’ordre du jour, certains intervenants sont parfois invités au conseil d’administration. En outre, contrairement à ce qu’a affirmé M. le rapporteur, les CA ne font pas que voter le budget ou définir des grandes orientations : dans de nombreuses institutions publiques, ils votent aussi des motions. Il me semble donc intéressant et pertinent que les élus du personnel soient invités à participer aux séances qui les concernent, à titre consultatif.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. C’est possible !

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC2056 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans le même esprit que le précédent, ce sous-amendement prévoit que les élus des sociétés de journalistes sont invités aux séances du conseil d’administration traitant de sujets relatifs à l’information dans une ou plusieurs des sociétés.

L’objectif n’est pas de moduler la composition du conseil d’administration en fonction des thèmes abordés, simplement d’inviter certains représentants à y participer à titre consultatif. C’est effectivement déjà possible, mais pas obligatoire. Nous voulons être sûrs que si la holding venait à être créée, le dialogue social, l’honnêteté journalistique et la transparence seront garantis. C’est l’objet de cette série d’amendements très complémentaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC2051 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ce sous-amendement vise à supprimer l’alinéa 8 de l’amendement du gouvernement, qui aboutirait à supprimer les fonctions des directeurs généraux des entreprises regroupées au sein de la holding au profit d’un président-directeur général unique qui concentrerait le pouvoir, ce qui nuirait à l’indépendance des filiales. C’est l’essence même de la holding exécutive, que nous refusons.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC2057 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes attachés au rôle qu’auront les directeurs généraux délégués de chacune des filiales. Ce sous-amendement de repli tend donc à leur conférer une identité et un pouvoir propres afin de pallier les risques d’appauvrissement et de perte d’indépendance.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1303 de Mme Sophie Taillé-Polian, AC1438, AC1439, AC1440 et AC1441 de Mme Soumya Bourouaha, et AC2034 de Mme Céline Calvez (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous réaffirmons notre opposition à la création de la holding. Nous refusons également que son président-directeur général cumule ce rôle avec les fonctions de président-directeur général des filiales France Télévisions, Radio France et INA, car une telle concentration du pouvoir est de nature à mettre en péril l’équilibre, la diversité et l’indépendance de l’audiovisuel. C’est l’objet du sous-amendement AC1438. Les sous-amendements AC1439, AC1440 et AC1441 sont de repli.

Mme Céline Calvez (EPR). Les fonctions de président-directeur général de la société France Médias ne sont pas incompatibles avec celles de président-directeur général de chaque filiale. Le sous-amendement AC2034 vise simplement à préciser que le président-directeur général « peut déléguer une partie de ses pouvoirs exécutifs aux directeurs généraux de ces sociétés, notamment à des fins de représentation légale ou de relations sociales », ne serait-ce que pour alléger l’emploi du temps du PDG, appelé à siéger dans divers comités.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Madame Calvez, l’article L. 225-56 du code de commerce dispose : « En accord avec le directeur général, le conseil d’administration détermine l’étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués. Les directeurs généraux délégués disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général. » Votre précision n’est donc pas utile.

Surtout, comme nous l’avons déjà expliqué, nous sommes favorables à une présidence exécutive, c’est-à-dire à ce que le PDG de France Médias soit également le PDG des filiales. Sous cet angle, votre sous-amendement devient sans objet.

Mme Rachida Dati, ministre. Le code de commerce prévoit explicitement que dès lors que le président-directeur général est mandataire social, les directeurs généraux exécutifs le sont aussi et disposent de pouvoirs étendus. Il est inutile d’alourdir la loi.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Au-delà du risque pointé par Mme Calvez – le président-directeur général aura nécessairement beaucoup de rendez-vous, de contraintes, de réunions –, l’existence d’un directeur de l’information unique représente, selon les syndicats, une menace sérieuse pour l’indépendance de l’information et du journalisme en France.

Mme Céline Calvez (EPR). Si j’ai bien compris, le directeur de chaque filiale sera mandataire social. Mais imaginons que plusieurs instances où se décideront des choses pour différentes filiales se réunissent en même temps : le PDG ne pourra pas être partout. Sera-t-il autorisé à déléguer son mandat à l’un de ses directeurs ? J’ai l’impression que la disposition du code du commerce ne concerne que les conseils d’administration.

Mme Rachida Dati, ministre. Le PDG de la holding exécutive est, par définition, membre de tous les CA. À ce titre, il peut déléguer son pouvoir à un autre membre du CA, notamment aux directeurs généraux délégués – par exemple pour pallier un éventuel manque de temps. J’ai peur qu’ajouter cette précision n’affaiblisse la portée du droit existant. Je préfère qu’on s’en tienne à la rédaction la plus large possible.

Le sous-amendement AC2034 est retiré.

La commission rejette successivement les autres sous-amendements.

Sous-amendement AC1308 de M. Emmanuel Grégoire

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Mon objectif était d’instaurer une parité réelle au sein des conseils d’administration en n’autorisant qu’une unité de différence entre les effectifs des deux sexes. Une lecture plus attentive du texte ayant montré qu’il est satisfait, je retire ce sous-amendement.

Le sous-amendement est retiré.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je regrette qu’aucune de nos propositions visant à améliorer le dispositif et à lever partiellement nos inquiétudes quant à la question centrale de l’indépendance n’ait été prise en compte : tous les sous-amendements visant à ouvrir le conseil d’administration, que ce soit à des journalistes, à davantage de salariés ou aux directeurs généraux des entreprises, ont été rejetés. Cette instance aurait pourtant pu constituer un contre-pouvoir, un garde-fou face au futur président-directeur général, qui occupera une place centrale.

Je tiens également à exprimer à mon tour notre plus vive préoccupation quant à la proposition de Mme Bloch de créer un directeur de l’information unique, placé sous l’autorité du président-directeur général. La lecture de son rapport renforce l’inquiétude quant à une possible concentration des pouvoirs entre quelques mains.

Nous nous opposerons donc à cet amendement de réécriture.

La commission adopte l’amendement AC1138 sous-amendé et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Après l’article 3

Amendement AC1162 du gouvernement et sous-amendements AS1569, AC1596, AC1594, AC1591, AC1604, AC1602, AC1600, AC1598, AC1609 et AC1608 de M. Inaki Echaniz

Mme Rachida Dati, ministre. Il s’agit de maintenir la composition actuelle du conseil d’administration de l’INA, en abaissant simplement le nombre de représentants de l’État de quatre à trois pour tenir compte de la création de la holding exécutive – le président de l’INA, qui siège actuellement parmi les représentants de l’État, ayant vocation à être remplacé par le PDG de France Médias.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. L’amendement se borne à tirer les conséquences de la création de la holding exécutive. Il améliore aussi la lisibilité de la loi du 30 septembre 1986, dite loi Léotard, en plaçant les dispositions relatives au conseil d’administration de l’INA après celles qui régissent les conseils d’administration de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde.

Avis favorable.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nous retirons l’ensemble des sous-amendements relatifs à cet amendement.

Les sous-amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC1165 du gouvernement

Mme Rachida Dati, ministre. Nous proposons d’appliquer au futur PDG de France Médias les modalités de nomination actuelles.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Cet amendement offre d’importantes garanties d’indépendance à l’audiovisuel public. La procédure de nomination sera transparente, ouverte, non discriminatoire et tiendra compte du règlement européen sur la liberté des médias. Avis favorable.

Sous-amendement AC1484 de M. Inaki Echaniz

M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’amendement du gouvernement est plutôt intéressant, mais il ne faudrait pas qu’il soit contredit par les faits.

Madame la ministre, la presse a fait état d’ingérences dans les nominations aux présidences de l’audiovisuel public. Vous auriez notamment demandé le « scalp » de la présidente de France Télévisions. Alors que vous présentez un amendement visant à assurer l’autonomie de l’Arcom en la matière, je voudrais m’assurer qu’il n’en est rien.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Je ne réponds pas aux rumeurs et aux ragots, dont chacun et chacune d’entre nous pouvons faire l’objet, vous y compris. Il est insupportable qu’on me prête ainsi des actions ou des propos ; à l’évidence, certains aimeraient me ramener à une condition qui n’est pas la mienne. J’ai très clairement répondu au journal Le Monde et France Télévisions a également démenti. Si vous pouviez éviter de colporter des ragots et des rumeurs – ce que vous adorez visiblement faire –, ce serait mieux.

Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC2037 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez (EPR). Le dernier alinéa de l’amendement dispose que le Parlement peut inviter le candidat retenu à être auditionné. Je souhaite aller plus loin pour rééquilibrer les pouvoirs, en prévoyant que le président-directeur général de France Médias est nommé « après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles des deux assemblées parlementaires rendues à la majorité des suffrages exprimés ». Cela compléterait le dispositif proposé par le gouvernement.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Nous sommes favorables au maintien des prérogatives de l’Arcom. Les modalités de nomination proposées nous semblent présenter les meilleures garanties d’indépendance. Nous souhaitons également que la procédure soit transparente, pour garantir une équité complète entre les candidats, ce qui suppose que l’Arcom puisse garder les candidatures secrètes afin de permettre à des personnalités issues du secteur audiovisuel privé de se présenter sereinement.

En revanche, nous ne sommes pas favorables à ce que les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat rendent un avis conforme. Notre commission pourra bien auditionner le PDG de France Médias dans un délai de deux mois suivant sa nomination, sur la base du rapport stratégique qu’il aura rédigé. Nous préférons que l’avis sur la CSP (convention stratégique pluriannuelle) de France Médias soit rendu contraignant.

Mme Rachida Dati, ministre. Un avis conforme du Parlement rendu à la majorité des trois cinquièmes comporterait un risque d’inconstitutionnalité, car il porterait atteinte à la séparation des pouvoirs. En outre, le PDG serait nommé par l’Arcom, une autorité administrative indépendante dont le pouvoir de nomination ne peut pas être soumis à un droit de regard des assemblées.

Je demande donc le retrait du sous-amendement.

Mme Céline Calvez (EPR). Nous n’allions pas jusqu’à demander un vote à la majorité des trois cinquièmes : sur ce point, notre sous-amendement est un peu moins-disant et ne pose donc aucun risque d’inconstitutionnalité.

Quant au fait que le Parlement puisse rendre un avis sur une nomination relevant d’une autorité administrative indépendante, je ne vois pas ce qui l’interdit, même si cela n’a peut-être jamais été fait : nous pouvons innover démocratiquement. Cela me paraîtrait même essentiel, car il semblerait délicat que nous nous contentions d’auditionner quelqu’un qui vient d’être désigné sans pouvoir nous prononcer d’aucune façon sur cette nomination.

En revanche, je rejoins Mme la rapporteure sur un point : nous devrons avoir un regard beaucoup plus contraignant sur les conventions stratégiques pluriannuelles, qui ont vocation à remplacer les contrats d’objectifs et de moyens, sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir – la preuve en est que ceux qui devaient couvrir la période 2024-2028 ne sont toujours pas signés.

Il me semble toutefois que nous pouvons très bien nous prononcer à la fois sur la nomination et sur les conventions.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je ne comprends pas d’où viendrait le risque d’atteinte à la séparation des pouvoirs ou d’inconstitutionnalité. Nous avons récemment reçu les candidats à la présidence de l’Arcom ou du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – j’étais moi-même rapporteure pour cette dernière audition. Nous avons pu les questionner sur leur projet et leur vision. Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire pour le dirigeant de la holding que vous souhaitez créer ? Chacun des membres de cette commission est attaché non seulement à ses missions de parlementaire et à la souveraineté qu’il doit exercer en tant qu’élu du peuple, mais aussi à la direction que prendront nos institutions culturelles à court, moyen et long termes.

Je soutiens donc ce sous-amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’y suis pour ma part opposée. Il faudrait au contraire séparer de façon plus étanche encore le pouvoir politique et la direction opérationnelle des médias. Je vous rejoins sur un point : l’Arcom pourrait être plus autonome vis-à-vis du pouvoir politique et garantir une meilleure transparence des procédures de nomination. Seulement, cela ne passera certainement pas par une implication plus forte de notre part dans le choix des candidats, qui nuirait à leur nécessaire indépendance.

La commission adopte le sous-amendement.

 

La séance est levée à vingt heures cinq.

 


  1 

Information relative à la commission

 

La commission a désigné M. Bertrand Sorre, rapporteur de la proposition de loi adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relative à la restitution d’un bien culturel à la République de Côte d’Ivoire (n° 1350).


Présences en réunion

Présents.  M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Sylvie Bonnet, Mme Soumya Bourouaha, M. Xavier Breton, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, Mme Anne Genetet, M. Emmanuel Grégoire, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Céline Hervieu, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, Mme Sarah Legrain, Mme Pauline Levasseur, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Christophe Marion, M. Sébastien Martin, M. Denis Masséglia, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Sophie Mette, M. Julien Odoul, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, M. Jean-Claude Raux, M. Nicolas Ray, Mme Claudia Rouaux, M. Aurélien Saintoul, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. Arnaud Bonnet, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Isabelle Rauch, Mme Nicole Sanquer