Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs) 2
– Présences en réunion..............................13
Mercredi
18 juin 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 89
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente
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La séance est ouverte à neuf heures trente-trois
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs).
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118, Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs).
Chapitre II ‑ Préservation de notre souveraineté audiovisuelle
Article 10 : Événements sportifs d’importance majeure
Amendement AC1472 du gouvernement
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Tous les amendements du gouvernement à partir de celui-ci tendent à supprimer les articles auxquels ils s’appliquent.
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 10 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 11 : Définition des services d’intérêt général et de leur visibilité appropriée
Amendement AC1473 du gouvernement
Mme Rachida Dati, ministre. Il vise à supprimer l’article.
M. Alexis Corbière (EcoS). Madame la ministre, le gouvernement ayant déposé pour chaque article un amendement tendant à sa suppression, peut-être pourriez-vous indiquer à grands traits les raisons de ces suppressions. Cela nous sera utile pour les débats dans l’hémicycle.
Mme Rachida Dati, ministre. Si le chapitre I de la proposition de loi porte exclusivement sur l’audiovisuel public, le chapitre II comporte de nombreuses dispositions relatives à l’audiovisuel en général, notamment l’audiovisuel privé, dont la plupart seront reprises dans le texte sur les états généraux de l’information (EGI), qui est en cours d’élaboration. Au demeurant, plusieurs de vos collègues considèrent qu’elles y ont davantage leur place que dans la présente proposition de loi.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 11 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 11 bis A : Part minimale d’investissement consacrée à l’information
Amendements identiques AC1055 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1474 du gouvernement
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Il s’agit de supprimer l’article. La place de l’information a fait l’objet d’une réflexion nationale engageant de nombreux acteurs dans le cadre des EGI, qui devrait inspirer une initiative législative. La disposition introduite dans l’article 11 bis A du présent texte trouvera plus utilement et plus logiquement sa place dans ce futur véhicule législatif.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 11 bis A est supprimé et l’amendement suivant tombe.
Article 11 bis : Modernisation de la plateforme TNT avec l’expérimentation de l’ultra-haute définition (UHD)
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement AC1475 du gouvernement.
En conséquence, l’article 11 bis est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 11 ter : Exemption des services distribués par contournement de l’obligation de reprise du signal
Amendements identiques AC748 de Mme Soumya Bourouaha et AC1476 du gouvernement
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Il s’agit de supprimer l’article 11 ter, qui prévoit l’exclusion de l’obligation de « must carry » si les services sont distribués par contournement ou par des plateformes de télévision en streaming. Cette modification aura pour effet, non pas de permettre à France Télévisions de maîtriser la reprise de ses programmes par les plateformes, mais au contraire d’affaiblir considérablement leur diffusion. De fait, le « must carry » contribue à la diversité du paysage audiovisuel, offre à tout citoyen la possibilité d’avoir accès à une offre de médias pluraliste et garantit la visibilité de certains contenus qui, en son absence, pourraient disparaître au profit de services plus rémunérateurs pour les distributeurs.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 11 ter est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 12 : Conditions d’autorisation par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) d’un changement dans le contrôle du capital d’une chaîne autorisée par convention à émettre sur la TNT
Amendements identiques AC1024 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1477 du gouvernement.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’article 12, qui soulève des questions importantes mais ne semblant pas devoir être traitées dans la présente proposition de loi.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 12 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 12 bis : Mesures d’audience par des organismes tiers
Amendements identiques AC1023 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1478 du gouvernement
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Les dispositions de l’article ne nous semblent pas de voir figurer dans le présent texte.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 12 bis est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 13 : Exclusion des mandats de commercialisation de la définition de la production audiovisuelle indépendante
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement AC1479 du gouvernement.
En conséquence, l’article 13 est supprimé.
Article 13 bis : Autorisation d’une troisième coupure publicitaire pour la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles de longue durée et la diffusion de bandes annonces pour les programmes
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte les amendements identiques AC759 de M. Frédéric Maillot et AC1480 du gouvernement.
En conséquence, l’article 13 bis est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 14 : Développement des services interactifs sur la TNT
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement AC1481 du gouvernement.
En conséquence, l’article 14 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 14 bis : Développement de l’ultra haute définition
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement AC1482 du gouvernement.
En conséquence, l’article 14 bis est supprimé et les autres tombent.
Article 15 : Développement de la radio numérique terrestre
Amendements identiques AC763 de M. Salvatore Castiglione et AC1483 du gouvernement
M. Salvatore Castiglione (LIOT). Il s’agit de supprimer l’article afin de garantir l’accès de tous à la radio.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis favorable. Le déploiement du DAB + est un vrai sujet qui devra être traité dans d’autres véhicules législatifs.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, nous prenons acte de votre souhait de limiter cette proposition de loi, initialement conçue dans une forme d’équilibre entre audiovisuel privé et audiovisuel public. Nous prenons acte du fait que Mme la ministre s’engage une nouvelle fois à faire en sorte qu’un texte issu des réflexions des EGI nous soit présenté rapidement, cette fois de façon plus claire, sous la forme d’un projet de loi. Nous l’attendons avec impatience.
Nous souhaitons avoir connaissance des premiers travaux qui ont été menés, dont nous avons entendu parler sans y être associés. Nous souhaitons que, à cette occasion, de nombreuses questions soient traitées afin de renforcer la démocratie, notamment la lutte contre la concentration dans les médias et tout particulièrement la prohibition de toute spéculation sur des chaînes de télévision ayant fait l’objet d’un agrément récent de l’Arcom.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’article 15 est le seul du chapitre II qui aurait mérité d’être maintenu, dans la mesure où le déploiement du DAB+ soulève des questions importantes. Il me semble très dommage que nous ne saisissions pas l’occasion de le traiter au niveau législatif. Je ne voudrais pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais, si le texte issu des EGI met autant de temps à aboutir que celui-ci, nous en reparlerons dans sept ans. Je me fonde sur cette observation pour dire que l’article 15 mérite que nous nous interrogions à nouveau sur son sens en séance publique.
Mme Rachida Dati, ministre. Je prends note de ces observations. Nous sommes prêts à en discuter à nouveau dans le cadre de la poursuite de l’examen de ce texte. Nous sommes tenus par un impératif lié à l’audiovisuel public et à la réforme du mode de gouvernance, mais nous pourrons rétablir l’article 15 en séance publique sans difficulté.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Virginie Duby-Muller et moi-même partageons cet avis.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 15 est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 15 :
Amendement AC1062 de M. Jérémie Patrier-Leitus
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. À l’orée de l’examen de plusieurs amendements prévoyant la remise de rapports, Virginie Duby-Muller et moi-même vous proposons d’adopter l’amendement AC1062. Sur la forme, il s’agit de ne pas multiplier les demandes de rapport. Sur le fond, notre rapport prévoit la possibilité, pour le gouvernement, d’étudier le moment venu l’opportunité d’intégrer France Médias Monde à la société holding France Médias. Si elle en est initialement exclue, nous pensons qu’il faudra, à l’avenir, prendre la mesure des effets de la holding sur France Médias Monde et explorer les opportunités, pour cette entreprise publique, de la rejoindre si cela lui est utile.
Le rapport que nous prévoyons dressera un bilan des coopérations entre les filiales de la holding et France Médias Monde et évaluera les coûts de création des filiales, ce qui a souvent été demandé par nos collègues de gauche, qui souhaitent pouvoir mesurer précisément le coût de la holding. Nous proposons, dans ce rapport, de mesurer l’impact de la holding sur le climat social et les conditions de travail des salariés.
Madame Taillé-Polian, notre rapport intègre les vôtres, relatifs au coût de la réforme, aux conditions de travail, au dialogue social, aux conditions de création de la holding et aux coûts sociaux. Nous suggérerons donc le retrait de vos amendements et émettrons à défaut un avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Certes, le rapport demandé par le présent amendement reprend certains sujets abordés par les miens, qui en réalité auraient dû être versés à la discussion afin de mieux analyser et anticiper les conséquences de la création de la holding, notamment sur l’organisation du travail, de risques en matière de santé et de sécurité pour les agents et de coût de cette structure. Rien de tout cela ne figure dans le document qui nous a été transmis, lequel n’est pas, quoi qu’on en dise, une étude d’impact. Il s’agit également de prendre la mesure, avant la mise en œuvre de la réforme, de ses effets sur la filière audiovisuelle.
Je ne voterai pas le présent amendement, étant donné qu’il souhaite explorer l’intégration de France Médias Monde pour éventuellement mener d’autres réformes, ce qui d’ailleurs nourrit nos pires craintes sur la volonté réelle de pratiquer la politique des petits pas. Nous nous opposons fermement à l’intégration de France Médias Monde dans la holding en raison de sa spécificité à l’international. Nous considérons que cette question ne doit pas être rouverte.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC1058 de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit d’obtenir un rapport visant à évaluer le coût des réorganisations qui seront mises en œuvre. On me dira que cet amendement est satisfait. La commission des finances ne demande pas souvent des rapports au gouvernement. Qu’elle le fasse démontre les lacunes qui ont présidé à l’examen du présent texte de loi.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable. L’évaluation du coût des réformes entreprises par France Médias Monde est prévue dans le rapport que nous demandons. L’amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AC1062.
Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette l’amendement AC55 de M. Aymeric Caron.
Amendement AC850 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit d’obtenir un rapport sur les conséquences de la réforme sur le financement de la production audiovisuelle.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteure. Avis défavorable. La suppression de l’article 13 visant à redéfinir la production audiovisuelle enlève toute pertinence à un rapport sur le financement de celle-ci. Ce sujet important doit être traité dans un autre cadre.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AC847 de Mme Sophie Taillé-Polian est retiré.
Amendement AC849 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit d’obtenir un rapport sur le coût de la holding.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable. L’amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AC1062.
L’amendement est retiré.
Amendement AC852 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit d’obtenir un rapport sur les risques de la réforme s’agissant des garanties d’indépendance de la holding vis-à-vis du pouvoir exécutif, ce qui est un élément majeur de nos inquiétudes.
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement AC848 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit de réaliser un bilan de l’impact social de la réforme. Certains de ses aspects étant pris en compte dans l’amendement AC1062, je retire l’amendement, mais j’en défendrai un en séance publique car la vision des rapporteurs sur ce sujet me semble trop restrictive.
L’amendement est retiré.
Amendement AC851 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le rapport de Mme Bloch nourrit nos craintes de mise en retrait de la radio au profit de l’image, que le numérique favorise nettement au détriment du son. Or celui-ci doit être développé, notamment pour la jeunesse, qui apprend ainsi d’autres manières de se concentrer. Nous considérons qu’il faut lui porter une attention toute particulière. Le développement de Radio France, ses innovations, sa place de leader sur les podcasts démontrent que, si l’on s’intéresse à ces sujets, on peut faire des choses extraordinaires. Mme Bloch indique dans son document qu’il faudra veiller à éviter que la radio ne soit le parent pauvre. Le rapport que je demande vise à surveiller la situation comme le lait sur le feu. Nous considérons qu’il s’agit d’un risque majeur, source de conséquences importantes.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Pour nous, cette réforme renforcera l’audiovisuel public, et notamment Radio France. La radio doit certes être préservée dans le cadre de cette holding, mais voter un rapport sur les risques de disparition de la radio ne me semble pas pertinent. Il est certain que la radio se transformera et que, publique comme privée, elle fait face à des défis majeurs, comme la concurrence d’autres médias et le changement des usages, mais affirmer que cette holding induirait un risque de disparition de la radio ne nous semble pas approprié. Avis défavorable.
M. Alexis Corbière (EcoS). Les rapprochements entre deux médias, comme entre RMC et BFM ou entre RTL et M6, ont souvent fait reculer l’audience des radios. C’est une réalité, contrairement à ce que vous répétez en affirmant sans le démontrer qu’il faut globaliser et intégrer. Des médias que nous connaissons et qui sont des marques de radio très reconnues en ont fait l’expérience, comme RMC, lors de la concentration de sa rédaction avec celle de BFM, qui n’a pas été harmonieuse pour les deux médias et qui s’est traduite par une baisse d’audience. Vous n’apportez pas de réponses à nos questions, qui sont aussi celles des sociétés de journalistes et des organisations syndicales. Nous en discuterons donc dans l’hémicycle.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AC809 de Mme Sophie Taillé-Polian est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AC694, AC667, AC681 et AC707 de Mme Céline Hervieu.
Amendement AC655 de Mme Céline Hervieu
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nos échanges ont été moins longs que la dernière fois, mais nous avons voulu garder le débat principal pour la séance publique. Nous regrettons, je le répète, qu’il ne soit pas apporté de réponses plus précises à certaines questions factuelles, celles non seulement des députés de mon groupe, mais aussi des salariés, des journalistes, des dirigeants de l’audiovisuel public et des spécialistes de l’économie des médias, très dubitatifs quant aux arguments utilisés. Il peut y avoir des points de convergence en matière d’analyse des grands enjeux, mais c’est une erreur stratégique que de considérer l’audiovisuel public comme concurrent des plateformes numériques américaines, car ce n’est ni sa vocation ni le sens de sa mission. Il faudrait que nous puissions, lors du débat en séance publique, éclairer les Français sur ces enjeux : Pour quoi faire ? Combien ça coûte ? Selon quel calendrier ?
Pour ce qui est du calendrier, l’application du dispositif en 2026 ne respecte même pas les conditions du droit du travail pour les contrats engagés, notamment ceux des responsables de l’audiovisuel public. Nous souhaitons donc poursuivre les échanges avec les rapporteurs pour affiner le texte, voir ce qui pourrait y être introduit en séance et, peut-être, le faire évoluer dans le bon sens. En aucun cas, cependant, nos débats n’ont éclairé tous ceux qui s’interrogent, voire s’inquiètent, sur le sens profond de cette réforme qui ne répond qu’à deux évidences : préparer des économies budgétaires plus massives encore que celles qui ont déjà été imposées ces dernières années et, avec la création d’une direction de l’information de la holding, instaurer un contrôle politique de l’information dans le service public de l’audiovisuel.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ces débats, plus sereins et plus apaisés que les précédents, ont permis de mesurer à la fois nos différences et nos convergences. Monsieur Grégoire, l’erreur stratégique serait de nous satisfaire de ce statu quo. L’audiovisuel, public comme privé, fait face à des défis majeurs et à de multiples enjeux. Nous partageons de nombreux constats sur la concurrence des plateformes du numérique, sur le changement des usages et sur les ruptures technologiques. La holding sera, à court ou à moyen terme, un levier stratégique pour renforcer les acteurs de l’audiovisuel public.
Je m’inscris en faux contre vos accusations qui nous prêtent des intentions cachées, comme celle de préparer, avec cette holding, des économies et un contrôle politique de l’audiovisuel public. Notre objectif – qui peut nous réunir – est de renforcer les acteurs de l’audiovisuel public pour leur permettre de travailler ensemble et de nourrir des coopérations, ce qu’ils ont du mal à faire aujourd’hui, et pour continuer, demain, à offrir à nos concitoyens une information de qualité, fiable, pluraliste et indépendante.
Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Titre
Amendement AC858 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Alexis Corbière (EcoS). Il s’agit de rédiger ainsi le titre de ce texte : proposition de loi visant à casser les métiers de l’audiovisuel public. Cet amendement tout en finesse et en subtilité est une belle manière de terminer la discussion. Tout le monde répète comme étant de Camus une phrase que ce dernier n’a jamais prononcée : « Mal nommer les choses, c’est participer aux malheurs du monde. » – mais l’idée est là. Nous avons voulu, au moment de conclure nos travaux, exprimer notre désaccord. Nous le ferons aussi, comme nous l’avons dit, dans l’hémicycle : comptez sur nous pour faire entendre une opposition résolue à ce texte et pour argumenter avec la conviction que nous avons raison sur le fond et que nous sommes aussi la voix des nombreuses organisations syndicales de personnel. Nos débats sont très suivis par la profession, qui nous envoie de nombreux messages car elle est très impliquée et très inquiète.
Vous avez dit, madame la ministre, que vous aviez rencontré les directeurs des différentes structures, mais vous n’ignorez pas qu’il y a, derrière eux, des salariés très inquiets, qui voient cette proposition de loi, que vous qualifiez de réforme, comme un danger pour leur métier. Le titre proposé par l’amendement exprime cette vive préoccupation et notre opposition à ce texte de loi.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable, évidemment, car il s’agit d’une présentation caricaturale du texte et de notre vision. Je souscris à cet égard aux propos de M. Patrier-Leitus.
Au terme de nos débats, je pense tout d’abord à nos collègues Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, dont le rapport très lucide rendu en 2023 nous a conduits à examiner la proposition de loi portée par le sénateur Lafon. Le cheminement a été laborieux, mais la holding est un outil qui permettra de pérenniser et de renforcer notre audiovisuel public dans un contexte géopolitique très particulier, avec des révolutions technologiques, un changement des usages des consommateurs et un vieillissement des utilisateurs. Nous laissons ainsi sur le bord du chemin les CSP –. Pour toutes ces raisons, avis défavorable à cet amendement.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Monsieur Corbière, les salariés de l’audiovisuel public ne se satisfont pas non plus de coopérations par le bas qui n’avancent pas ni d’arbitrages qui ne sont pas rendus. Les difficultés de la création de ce média global de proximité que nous appelons tous de nos vœux, avec le rapprochement entre France Bleu et France 3, pour offrir une information à nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux, illustre le fait que les salariés aussi subissent parfois cette absence d’arbitrages stratégiques et de coopération entre leurs entreprises. Les salariés de France Info Télévision et de France Info Radio ne se satisfont pas non plus de cette absence de coopération et de ces revirements stratégiques permanents. Il ne faut pas croire que le statu quo actuel placerait les salariés de l’audiovisuel public dans une situation confortable et dans d’excellentes conditions de travail.
Il n’y a pas parmi nous ceux qui portent la voix des salariés et ceux qui voudraient les opprimer ou les contraindre. Nous avons tous des convictions, mais nous sommes tous aux côtés des salariés de l’audiovisuel public et heureux qu’ils puissent faire leur travail dans de bonnes conditions.
Mme Rachida Dati, ministre. Comme je l’ai dit hier à Mme Taillé-Polian, il n’y a pas de députés qui valent plus que d’autres, car tous représentent des Français qui attendent ces débats et qui souhaitent que nous répondions à leurs préoccupations. Ne nous pouvons pas nous satisfaire que 62 % des Français s’informent désormais sur les réseaux sociaux, avec toute la désinformation et toutes les ingérences qui s’y produisent. C’est particulièrement le cas en ce moment avec une actualité internationale qui fracture non seulement le monde, mais aussi notre pays, comme on le voit dans l’hémicycle.
En dix ans de rapports parlementaires, tous, toutes tendances politiques confondues, concluent à la nécessité de réformer l’audiovisuel public si nous voulons qu’il soit préservé. C’est un choix politique que nous faisons : nous voulons garder un audiovisuel public fort. Arrêtez de dire qu’il n’y a que vous qui voyez les salariés, les représentants de syndicats et les organisations professionnelles de journalistes ! Cette tendance à opposer les Français les uns aux autres tue la gauche. Tout le monde est dans l’attente d’une réforme mais évidemment, et c’est légitime, les réformes déstabilisent et inquiètent. Nous devons accompagner celle-ci ensemble.
Nous ne devons pas nous contenter d’observer la désaffection des jeunes pour l’audiovisuel public – ce n’est d’ailleurs pas une désaffection : ils ne savent même plus comment y accéder, en particulier dans les catégories populaires. Il faut un financement public sanctuarisé ; le montant des crédits doit être intégralement consacré, sans aucune régulation, à l’audiovisuel public – c’est ce que nous avons obtenu l’année dernière. Il faut donc être fiers non seulement de réformer la gouvernance, mais aussi d’avoir pu sauver ce financement. Comme vous le savez, en effet, il ne devait plus y avoir, au 1er janvier 2025, de financement sanctuarisé et circonscrit à l’audiovisuel public.
Tout le monde s’accorde à dire que l’audiovisuel public a des contenus de qualité et que le pluralisme y est nécessaire. Tout cela doit en effet être accessible à tous les Français, partout sur le territoire. C’est à l’audiovisuel public d’aller chercher les Français là où ils sont. On ne saurait se contenter d’être peu nombreux et entre nous. Les Français, qui consentent au financement de l’audiovisuel public, doivent pouvoir tous en bénéficier. Tel est l’objet de cette réforme.
Quant à l’amendement, avis évidemment défavorable.
Mme Anne Genetet (EPR). Nous sommes tout à fait défavorables à cet amendement. Je souhaite toutefois souligner la chance que nous avons d’avoir un audiovisuel public de qualité. Pour avoir beaucoup voyagé, je peux dire que c’est le cas dans peu de pays et que nous devons absolument le préserver. Cependant, comme le disait à l’instant Mme la ministre, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un audiovisuel essentiellement tourné vers une forme d’élite de la nation et qui n’est donc pas accessible à tous, pour de nombreuses raisons, liées par exemple à de nouvelles manières de consommer.
Notre choix politique est de chercher les moyens de rendre cet audiovisuel public accessible à tous. C’est ce que permettra cette holding. La coopération pour chercher à produire des contenus existe déjà, mais nous devrons pouvoir les déployer plus largement et plus massivement pour rendre l’audiovisuel public accessible à tous. Je suis certaine que les Français comprendront cet objectif et je me réjouis de penser qu’au bout du compte, nous aurons un audiovisuel qui permettra à chacun, sur l’ensemble du territoire national, d’y avoir accès. Je suis par ailleurs favorable à ce que France Médias Monde puisse intégrer la holding – ce serait un élément fort de ce texte.
M. Laurent Croizier (Dem). Je veux rendre hommage aux salariés de l’audiovisuel public pour la qualité de leur travail, mais personne, de quelque organisation qu’il s’agisse, ne peut accaparer leur parole.
Par ailleurs, des amendements tels que celui que nous examinons ne grandissent pas notre institution.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ce débat est un peu dystopique. L’audiovisuel public a des défis à relever ? Il faut créer une holding. La banquise fond ? Il faut créer une holding. Or à aucun moment il ne nous a été démontré que la holding permettait de relever les défis que nous avons évoqués. Le fait que les jeunes s’informent sur les réseaux sociaux – ce qui n’est du reste pas mal en soi, la question étant celle des contenus – pourrait nous conduire à nous interroger sur l’accès à la presse écrite et cela pourrait être un débat intéressant, mais on le traite par la création d’une holding. Nous reparlerons de tout cela en séance publique. Permettez-moi de citer, non pas Albert Camus, mais le Syndicat national des journalistes de Radio France, pour illustrer la monstruosité démocratique que nous sommes en train de créer : « Une seule et même personne pour résister aux pressions, pour valider des projets d’investigation sensible, pour décider de couvrir telle ou telle actualité lointaine et risquée : c’est le temps de l’ORTF. Rien que de donner corps à cette idée en l’écrivant représente un cadeau immense… »
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci, Monsieur Grégoire. Vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Erwan Balanant (Dem). Je souscris aux propos de M. Croizier. Quels que soient nos différends et nos différences de perception sur le sujet, j’ai tout de même l’impression que la grande majorité des familles politiques démocratiques et républicaines sont favorables à un audiovisuel public fort et puissant. Il est donc inutile de faire des procès d’intention avec de tels amendements.
Chers collègues écologistes, vous n’avez pas le monopole de l’audiovisuel public. Madame Taillé-Prolian, je vous ai écoutée avec respect présenter tous les amendements que nous avons subis dans la première partie de l’examen du texte pour ralentir les débats. J’ai noté que vous n’avez pas fait ce choix dans cette deuxième séquence, et c’est tant mieux. Tout le monde ici souhaite que, dans ces temps troublés, l’audiovisuel public soit un outil de notre souveraineté informationnelle et intellectuelle. Ne nous faisons donc pas de procès d’intention. Avec des visions différentes, tout le monde ici veut que l’audiovisuel public soit puissant et réponde à ses enjeux.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Le titre proposé par l’amendement me convient tout à fait, car la réforme proposée casse véritablement le service public, auquel nous sommes tous très attachés. Sous couvert d’amélioration, vous affaiblissez l’audiovisuel et menacez son indépendance et son financement.
Qui plus est, il n’est pas acceptable que plusieurs amendements relatifs aux outre-mer soient passés à la trappe.
Ce projet de holding procède d’une logique managériale qui se révélera contre-productive.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’audiovisuel public a besoin de poursuivre son évolution et nous voulons l’aider à continuer à mener à bien les transformations importantes impulsées par les directions et mises en œuvre par les salariés, qui ont fait, ces dernières années, constamment progresser ses audiences. France Inter est ainsi devenue la première radio de France et Radio France la deuxième chez les jeunes, après le groupe NRJ. Nous voulons donc aider le service public de l’audiovisuel à poursuivre son évolution dans un monde numérique qui se transforme, car c’est essentiel face à la guerre informationnelle.
Or, depuis 2017, vous n’avez cessé de l’affaiblir, en réduisant ses moyens de 776 millions d’euros. Dans le budget 2025, leur montant est repassé sous la barre des 4 milliards. Vous n’avez fourni aucun élément garantissant le financement de l’audiovisuel public. Vous avez supprimé la redevance et fragilisé son financement. Il faut soutenir les projets qui vont dans le bon sens et non pas faire des réformes de structure.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
La séance est levée à dix heures trente
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Présences en réunion
Présents. – Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, Mme Géraldine Bannier, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, Mme Sylvie Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, M. Aymeric Caron, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Olivier Fayssat, Mme Anne Genetet, M. José Gonzalez, M. Emmanuel Grégoire, M. Frantz Gumbs, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Céline Hervieu, M. Sacha Houlié, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, M. Guillaume Lepers, Mme Pauline Levasseur, M. Eric Liégeon, Mme Hanane Mansouri, M. Christophe Marion, M. Sébastien Martin, M. Denis Masséglia, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, M. Julien Odoul, Mme Caroline Parmentier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, M. Jean-Claude Raux, Mme Claudia Rouaux, M. Aurélien Saintoul, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Jean-Pierre Taite
Excusés. – M. Arnaud Bonnet, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Steevy Gustave, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Béatrice Piron, Mme Isabelle Rauch, Mme Nicole Sanquer
Assistait également à la réunion. – M. Fabrice Brun