Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Examen, à huis clos, du rapport présenté en conclusion des travaux, sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958) (Mme Violette Spillebout et M. Paul Vannier, rapporteurs)              2

– Présences en réunion..............................29

 

 

 

 

 


Mercredi
25 juin 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 90

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission procède à l’examen, à huis clos, du rapport présenté en conclusion des travaux, sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958) (Mme Violette Spillebout et M. Paul Vannier, rapporteurs).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En application de l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, notre commission dispose depuis le 21 février dernier et pour une durée de six mois des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour travailler sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires. Le 5 mars dernier, nous avons désigné Mme Violette Spillebout et M. Paul Vannier rapporteurs de ces travaux.

Depuis, nous avons entendu 140 personnes, dans le cadre de quarante auditions et tables rondes. Les rapporteurs ont effectué plusieurs contrôles sur pièces et sur place et se sont fait communiquer de nombreux documents. Enfin, nous avons été destinataires de plusieurs dizaines de courriers de victimes.

Je tiens à remercier ceux d’entre vous qui ont régulièrement pris part à ces travaux. Nous allons procéder aujourd’hui à l’examen du rapport qui en rend compte. Conformément à la procédure applicable aux commissions d’enquête, le rapport ne vous a pas été envoyé mais était consultable les 23 et 24 juin sous forme papier à l’Assemblée.

Le rapport de notre commission ne peut être rendu public avant le mercredi 2 juillet, un délai de cinq jours francs étant ouvert à partir de la publication de son dépôt au Journal officiel. Pendant ce délai, l’Assemblée nationale pourrait demander sa réunion en comité secret pour se prononcer, le cas échéant, sur sa publication. Vous devrez donc laisser sur les tables ou rendre aux agents les exemplaires qui sont mis à votre disposition pour cette réunion.

Étant donné l’ampleur des travaux d’enquête, il m’a semblé raisonnable d’allonger à quatre minutes le temps de parole des orateurs des groupes. Je donne la parole aux rapporteurs pour qu’ils présentent leurs conclusions.

M. Paul Vannier, rapporteur. Notre commission d’enquête est née du cri des victimes de Bétharram. Un cri amplifié par celui de centaines d’autres victimes à travers le pays. Un cri brisant l’omerta, libérant une parole qu’il nous fallait, nous députés, entendre et comprendre pour contribuer à la rendre salvatrice.

Nous l’avons fait en constituant, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, notre commission permanente en commission d’enquête, nous donnant ainsi les moyens d’agir. Agir par le pouvoir des contrôles sur place et sur pièces. Agir par le pouvoir de convoquer quiconque – victimes, experts, syndicalistes, associatifs, directeurs d’administration, ministres et même premier ministre – devant notre commission pour les entendre sous serment. Agir par le moyen de nos questions, de vos questions. Nous voulons, Fatiha Keloua Hachi, Violette Spillebout et moi-même, remercier les collègues qui se sont impliqués dans ces auditions pour contribuer à la manifestation de la vérité.

Nous avions un but : identifier des défaillances dans les mécanismes de contrôle de l’État et dans la prévention des violences, empêcher d’autres Bétharram, protéger tous les enfants. À l’issue d’un débat fondateur, nous avons en effet élargi le périmètre de nos investigations à l’ensemble des établissements scolaires du pays pour ne laisser aucune situation, aucun élève, aucune victime sans réponse. C’est dans ce cadre que nous avons investigué sans relâche, dans toutes les directions, pendant près de quatre mois, avec la volonté de rendre nos conclusions avant la fin du mois de juin de sorte à préserver nos travaux des conséquences d’une éventuelle dissolution.

Nous avons contrôlé dix institutions, dont un établissement public, le lycée Pierre Bayen à Châlons-en-Champagne, un établissement privé sous contrat, le collège-lycée Le Beau Rameau, anciennement Bétharram, dans le Béarn, une école hors contrat, l’école Riaumont dans le Pas-de-Calais. Nous avons saisi puis analysé 10 000 pages de documents. Nous avons auditionné 140 personnes pendant plus de cinquante-six heures. Ce travail considérable, nous n’aurions pas pu le conduire sans l’appui des remarquables administrateurs de notre assemblée et de nos tout aussi précieux cabinets parlementaires. Nous ne l’aurions pas mené au même terme si nous n’avions pas avancé, Violette Spillebout et moi-même, toujours dans la même direction, avec nos regards et nos convictions, c’est-à-dire avec nos différences, que je crois avoir été utiles à nos travaux et qui n’ont en tout cas jamais constitué d’obstacle à notre travail commun.

Voici donc notre rapport et ses cinquante recommandations partagées, destinées à prévenir et à lutter contre les violences commises par des adultes ayant autorité sur des élèves en milieu scolaire.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je m’associe à ces remerciements pour tous ceux qui ont travaillé pendant trois mois sur cette commission d’enquête – administrateurs, collaborateurs parlementaires, collègues très engagés. Nous avons eu de nombreux échanges. Le caractère sensible, exposé et visible de cette commission d’enquête aurait pu affecter la qualité de notre travail, mais, comme l’a souligné Paul Vannier, nous avons toujours regardé dans la même direction et avec l’obsession de faire honneur aux victimes dont les témoignages continuent à nous parvenir tous les jours.

Nous avons visité trois établissements : un établissement public, un établissement privé sous contrat, un établissement privé hors contrat. Tout le monde parle de la « commission Bétharram » parce que nous sommes partis de cette affaire, mais nos travaux se sont étendus à toute la France car nos contrôles sur pièces et sur place ont mis en lumière une réalité de terrain et des cas édifiants. De nombreuses autres affaires ont émergé tout au long de nos travaux. En annexe du rapport, vous trouverez une carte de France indiquant les procédures que nous avons lancées au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, pour quatre-vingts endroits qui se situent dans cinquante départements différents. Qui peut dire à présent qu’il s’agit d’un « rapport Bétharram » ? Ce rapport concerne des violences systémiques qui ont été commises des années 1960 à nos jours dans des établissements scolaires et qui ne doivent plus jamais se reproduire. Préparés par nos collaborateurs, ces signalements aux procureurs et aux recteurs sont signés de Paul Vannier, Fatiha Keloua Hachi et moi-même, ce qui montre l’unité de ce travail.

La première partie du rapport revient sur la question du silence et de la libération de la parole. Si certains enfants se sont tus, beaucoup d’entre eux ont parlé depuis 1960. Mais ils étaient nombreux aussi à ne pas savoir que la violence était interdite par la loi ou à penser qu’ils ne seraient jamais crus. Nous l’avons constaté à Bétharram, à Riaumont et à Châlons-en-Champagne comme partout ailleurs, dans des établissements publics ou privés. C’était plus fort dans l’enseignement catholique, mais beaucoup d’enfants ignorent encore de nos jours qu’il est interdit de toucher à leur corps ou de leur faire subir une humiliation.

Pour toutes ces raisons, et parce que nombre des faits les plus graves se sont produits il y a quarante ou cinquante ans, les victimes nous implorent de revenir sur l’imprescriptibilité des délits sur mineurs. C’est ce qui explique la recommandation n° 1 : demander à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale de constituer une mission transpartisane pour travailler à la faisabilité juridique d’une telle imprescriptibilité. Des travaux ont déjà été conduits sous l’impulsion d’autres parlementaires, qu’il faut désormais concrétiser.

Cette violence était souvent banalisée, voire institutionnalisée. Elle était accentuée dans les internats, en particulier dans ceux d’établissements scolaires isolés géographiquement, éloignés des familles, des parents, de certains recours adultes. Nous évoquons dans le rapport l’évolution des châtiments corporels, depuis le temps où ils étaient banalisés jusqu’à notre époque. Vous découvrirez que, s’ils ont été proscrits au fil des évolutions juridiques, leur interdiction n’est toujours pas inscrite dans le code de l’éducation. D’où notre recommandation n° 3 : inscrire dans le code de l’éducation et le code de l’action sociale et des familles l’interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l’égard des enfants.

Les cas que nous avons étudiés montrent que les violences sexuelles étaient souvent cachées derrière des violences physiques. Les institutions et les parents étaient parfois au courant, mais ils silenciaient les victimes. Les parents payaient pour ça, pour que les enfants soient élevés à la dure ! Si un gamin se plaignait d’un châtiment corporel en rentrant à la maison, il pouvait s’entendre dire qu’il l’avait bien mérité ; vous trouverez ce genre de citations dans le rapport. Personne ne croyait que derrière ces violences physiques, il y avait parfois et même souvent des violences sexuelles. La réputation des établissements était en jeu, et bien souvent les adultes n’ont pas cru ce que les enfants ou certains personnels dénonçaient.

Nous revenons aussi sur le rôle des personnels de l’enseignement, parfois complices d’un système organisé de violences psychologiques, physiques et sexuelles, parfois réduits au silence. Dans la plupart des cas, anciens ou récents, les lanceurs d’alerte sont des femmes – hasard de la vie ou sensibilité particulière par rapport aux enfants. En plus de ne pas être crus, ces lanceurs et lanceuses d’alerte ont souvent été écartés et déplacés, ont vu leur carrière abîmée parce qu’ils avaient eu le courage de dénoncer des violences commises au sein des institutions.

Nous avons souligné le rôle ambigu, dans les établissements privés sous contrat, des organismes de gestion de l’enseignement catholique (Ogec) et de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel), et les possibles conflits d’intérêts existants. D’un côté, l’omerta a pu être entretenue par certains notables dans des régions où des établissements avaient une réputation à protéger. De l’autre, il y a eu une défaillance des pouvoirs publics et une absence de contrôle sur laquelle Paul Vannier reviendra.

En conclusion de cette partie sur les constats, on ne peut pas passer sous silence le travail extraordinaire effectué en 2021 par Jean-Marc Sauvé et la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), avec la mise en place de la Commission reconnaissance et réparation et de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation. On ne peut pas passer sous silence le travail mené depuis 2023 par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a émis de nombreuses recommandations. Pour notre part, nous émettons cette recommandation n° 2 : reconnaître la responsabilité de l’État pour les carences ayant permis la perpétuation de violences dans des établissements scolaires et créer en conséquence un fonds d’indemnisation.

Enfin, face au manque de statistiques, nous formulons aussi une recommandation n° 4 visant à collecter dans tous les établissements les données concernant les violences, à consolider les chiffres et à les publier.

M. Paul Vannier, rapporteur. Les violences en milieu scolaire ne relèvent pas uniquement d’un passé lointain, elles sont aussi des enjeux de notre présent. Cette persistance des violences à l’école s’explique d’abord par la défaillance de l’État, en particulier en matière de contrôle.

Dans les établissements publics relevant directement de la tutelle de l’État, le contrôle est assuré, même si ses règles gagneraient à être clarifiées, comme nous en faisons d’ailleurs la recommandation. En revanche, ce contrôle est quasi inexistant, bien que prévu par la loi, dans les 7 500 établissements privés sous contrat de notre pays. C’est ainsi que 2 millions d’élèves sont placés dans une situation de potentielle vulnérabilité que nous ne pouvons pas accepter. À titre d’exemple, dans l’académie de Nantes, où la proportion d’établissements privés sous contrat approche les 50 %, un contrôle administratif a été réalisé pour 1 139 établissements entre 2017 et 2023. C’est pourtant ce type de contrôle, dont nous recommandons de systématiser le caractère inopiné, qui est le plus à même de détecter les violences.

Récemment, des moyens supplémentaires ont été progressivement fléchés pour renforcer les capacités des corps d’inspection. Ces moyens sont cependant insuffisants pour accompagner la montée en puissance du plan de contrôle des établissements privés sous contrat, programmé depuis 2024. Pour atteindre les objectifs fixés, nous recommandons de revaloriser le corps des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et d’en faciliter l’accès en assouplissant les conditions de participation au concours et en créant davantage de passerelles entre les corps d’enseignants, d’inspection et de direction.

Autre enjeu : la clarification du périmètre des contrôles, alors que certains établissements privés opposent le « caractère propre » aux inspecteurs de l’éducation nationale pour se soustraire à des investigations. Nous recommandons de conforter dans la loi la possibilité pour les inspecteurs de contrôler la vie scolaire et de garantir un contrôle annuel des internats dans le premier degré et au maximum tous les trois ans dans le second degré.

Nous recommandons également de doter l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) d’un pouvoir d’autosaisine afin de mieux garantir une indépendance dont nous avons pu constater à l’occasion de certaines auditions qu’elle pouvait être mise à mal.

L’écrasante majorité des établissements privés sous contrat, en particulier ceux relevant du réseau de l’enseignement catholique, qui rassemble 96 % d’entre eux, sont laissés hors du champ du contrôle. En revanche, certains établissements privés sous contrat membres du réseau musulman sont ciblés systématiquement par une multitude de contrôles conduits par de nombreux services de l’État – IGESR, direction départementale des finances publiques, chambre régionale des comptes. Ces contrôles conduisent à la consultation, par ailleurs très rare, des commissions de concertation qui statuent sur la résiliation du contrat d’association. Ces commissions nous paraissent devoir être plus fréquemment réunies sous l’autorité des recteurs, notamment lorsque des mises en demeure pour faits de violence n’auraient pas été suivies d’effet. Nous recommandons d’en harmoniser les critères et les modalités de déclenchement, d’organisation de délibérations et de votes. Ce sont des instances décisives en matière de contrôle.

Les établissements privés hors contrat, en dépit d’obligations plus limitées et de financements publics quasiment nuls, sont paradoxalement bien davantage contrôlés que les établissements privés sous contrat. Quelque 600 contrôles ont ainsi été effectués pour les presque 2 000 établissements hors contrat de notre pays en 2022-2023, un chiffre à mettre en regard des 12 contrôles réalisés au cours la période 2017-2023 pour les 7 500 établissements privés sous contrat. Pour améliorer et harmoniser cette politique de contrôle défaillante et à géométrie variable, nous recommandons d’en unifier le pilotage en confiant à la direction générale de l’enseignement scolaire les mêmes missions pour les établissements privés sous contrat que pour les établissements et les écoles publiques, et en recentrant la direction des affaires financières sur les seuls domaines financiers.

Si la politique de contrôle doit être ainsi clarifiée, étendue et renforcée, il convient aussi de corriger l’insuffisance de la prévention des violences. La généralisation et le renforcement du contrôle de l’honorabilité des personnels paraissent indispensables. Prévu par le code de l’éducation, ce contrôle s’applique aux agents publics exerçant dans un établissement public ou privé sous contrat. Leurs antécédents judiciaires sont contrôlés lors du recrutement. Pour les personnels en contact avec des mineurs, une recherche dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) est également réalisée. Mais ces modalités ne sont pas assurées pour les personnels de droit privé, en particulier dans les établissements sous contrat. Nous recommandons de permettre aux dirigeants des Ogec de faire procéder à tout moment, sur simple demande, au contrôle du casier judiciaire et à la vérification du Fijais pour les personnels et bénévoles exerçant dans leurs établissements.

Pour lutter contre les violences commises par des adultes ayant autorité, il est aussi indispensable que les enfants apprennent à reconnaître ces violences et connaissent leurs droits. Le contrôle de la bonne mise en œuvre de l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Evars) est absolument nécessaire. De même, la participation d’associations spécialisées dans la protection de l’enfance à des séances d’information et de sensibilisation des élèves est cruciale. Or elle est actuellement limitée. Pour développer ces interventions, nous recommandons de rendre publics les critères de délivrance des agréments nationaux et académiques et de donner à ces associations une visibilité sur leur financement par la signature systématique de conventions pluriannuelles d’objectifs.

Enfin, nous recommandons l’élaboration d’un plan pluriannuel de formation dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants et le recrutement des personnels médico-sociaux indispensables au repérage systématique des faits de violence, en portant une attention particulière au premier degré, où les interventions du service social en faveur des élèves demeurent trop rares.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Après la prévention, passons aux procédures de signalement par les enseignants, les parents et les personnes de l’entourage des enfants victimes de violences. Ces procédures sont confuses, inefficaces et souvent mal maîtrisées. Faut-il saisir le procureur au titre de l’article 40 du code de procédure pénale ? Faut‑il faire un signalement à son supérieur hiérarchique dans l’établissement ? Faut-il faire état d’une information préoccupante auprès de la Crip (cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes) ? Nous formulons des recommandations très précises à cet égard.

L’une d’elles consiste à responsabiliser chacun des personnels qui sont impliqués et qui ont connaissance d’un fait délictueux envers un enfant et à allonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation de violences physiques volontaires, comme c’est déjà le cas pour les violences sexuelles et les viols.

Nous avons aussi travaillé sur le secret médical et celui de la confession qui peuvent être reconnus à des professionnels de santé et à des prêtres. Il s’agit pour nous d’obstacles à lever, sachant qu’un enfant peut confier avoir été victime d’une violence grave à ces personnes au statut particulier. S’agissant du secret médical, la loi a déjà prévu des dispositions qui permettent de saisir le procureur, mais elles mériteraient d’être clarifiées. Quant au secret de la confession, nous estimons qu’il faut pouvoir le lever lorsqu’il concerne des faits de violence commis au préjudice de mineurs de moins de 15 ans. Un travail engagé en ce sens a donné lieu à des échanges avec le président de la Conférence des évêques de France et le ministre de la justice, dont nous faisons état dans le rapport.

La culture du silence l’emporte encore trop souvent sur la culture du signalement. Constatant à quel point les obligations des parents, des chefs d’établissement et des enseignants du public et du privé sont floues, nous considérons qu’il est nécessaire d’instituer une nouvelle procédure de signalement. Dans le rapport, vous trouverez un schéma qui résume le fonctionnement de Signal Éduc, une cellule de signalement nationale qui serait une alternative ou un complément à la voie hiérarchique, inspirée de la cellule Thémis en place dans l’armée ou de la plateforme Signal sports pour les associations sportives.

Elle permettrait aux personnels et représentants de parents d’élèves de faire un signalement au niveau national en évitant de passer par la voie hiérarchique. Elle renforcerait le lien avec le 119, numéro d’appel pour la protection de l’enfance. Elle rassemblerait le traitement, le suivi, le conseil et les statistiques de ces signalements. Composée d’inspecteurs, de magistrats et de représentants d’associations de protection de l’enfance, elle ferait aussi une grande place aux membres de collectifs de victimes. En cohérence, nous proposons dans la recommandation n° 37 de conforter les moyens du 119 et de renforcer ses liens avec l’éducation nationale.

Les lanceurs d’alerte, quant à eux, sont mal informés de leurs droits et de la protection qu’ils peuvent obtenir de l’État tout au long de leur carrière. Nous recommandons de renforcer le retour d’information vers celui qui a lancé l’alerte, qu’il s’agisse d’un enseignant ou d’un parent d’élève, et qu’il ait effectué le signalement auprès de la justice ou de l’éducation nationale. Nous recommandons aussi d’afficher la procédure de protection des lanceurs d’alerte partout dans les établissements.

En ce qui concerne le lien entre l’éducation nationale et la justice, il existe un cadre juridique précis depuis 2016. Il a fallu beaucoup travailler pour parvenir à un équilibre entre la protection de la présomption d’innocence des agresseurs présumés et le devoir de signalement des lanceurs d’alerte. Il faut encore améliorer la communication et le partage d’informations entre ces deux ministères, un point sur lequel nous insistons fortement dans le rapport.

Venons-en au suivi des agresseurs potentiels, membres de l’éducation nationale ou salariés de l’enseignement privé sous contrat ou hors contrat. Il faut améliorer à la fois la connaissance des échelles de sanction de l’éducation nationale et l’application réelle de ce barème, au lieu de se reposer uniquement sur la justice, ce qui a souvent été le cas. Il faut aussi que la trace des condamnations pour des faits de violences à l’égard d’élèves reste dans les dossiers administratifs. À cet égard, nous avons émis trois recommandations. Dans l’enseignement public, nous préconisons que les sanctions, quel que soit le groupe auquel elles se rattachent, restent inscrites dans le dossier. Nous recommandons de veiller à ce que le nouveau système d’information des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale permette le suivi d’un dossier individuel, y compris en cas de mobilité interacadémique. Dans l’enseignement privé, nous recommandons la création d’un dossier unique pour les personnels de droit privé dépendant des organismes de gestion, qui permette de les suivre d’établissement en établissement et d’une académie à l’autre.

Pour élaborer ce rapport, nous avons dépassé nos différences et souvent fait des compromis au-delà de ce que semblaient nous permettre nos étiquettes politiques. Il nous a fallu relire phrase après phrase et parvenir à cinquante recommandations efficaces et organisées autour de cinq axes clairs. Nous nous engageons à en suivre l’application, en lien avec la délégation aux droits des enfants et la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Jour après jour, nous avons reçu des témoignages bouleversants, des messages et des appels parfois choquants, qui nous empêchent de dormir. Je salue à nouveau nos équipes parlementaires, des jeunes hommes et femmes qui ont lu et écouté ces témoignages. Nous sommes toujours porteurs de l’attente des victimes à travers le rapport et les recommandations que nous faisons. Ces travaux sont forts et utiles. Ils ont déjà fait bouger les lignes, avec le déploiement annoncé de l’application Faits établissement dans les établissements privés sous contrat, le plan Brisons le silence, agissons ensemble de l’éducation nationale, le lancement de questionnaires, l’engagement du Secrétariat général de l’enseignement catholique concernant la vie scolaire, les inspections et la mise en place de l’Evars, ou encore les campagnes de contrôle interne.

Nos travaux pourront être encore plus utiles si ce rapport est adopté. Il n’est pas parfait. Il pourrait comporter d’autres recommandations. Nous avons achevé nos travaux en trois mois et demi, l’idée étant de terminer avant les vacances d’été pour ne pas courir le risque de devoir nous arrêter pour cause de dissolution de l’Assemblée nationale. Nous avons voulu faire un travail efficace et conjoint. L’adoption de ce rapport, ce mercredi 25 juin, est attendue par des milliers de victimes mais aussi par des millions de personnes qui ont subi les conséquences de ces souffrances dans leurs familles, parfois sur des générations. Nous avons maintenant le choix d’ouvrir ou de refermer le couvercle sur l’omerta dénoncée par tant de victimes.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Roger Chudeau (RN). Je m’efforcerai de répondre à trois questions. La commission a-t-elle rempli son rôle et respecté son cahier des charges ? Les rapporteurs avaient-ils d’autres objectifs, un sous-texte ? Que penser des recommandations du rapport ?

La commission a révélé l’ampleur d’un phénomène occulté, la violence exercée par des responsables éducatifs – professeurs, éducateurs, chefs d’établissement – sur les élèves qui leur sont confiés. Des faits inadmissibles, ignobles, ont été mis en lumière : c’est l’un des mérites évidents de ce travail. L’avalanche de témoignages déclenchée par la commission révèle, chez certains éducateurs, une vision pervertie voire perverse de l’exercice de l’autorité. Nous sommes très satisfaits que les victimes aient pu s’exprimer et dénoncer le silence qui a entouré leurs souffrances pendant des années.

Le deuxième phénomène mis en lumière par la commission est l’omerta, le « pas de vagues ». Ce constat est terrible car il témoigne d’un aveuglement de l’institution scolaire, celle-là même qui est chargée de protéger et d’éduquer les enfants. La carence des pouvoirs publics est manifeste et nous sommes satisfaits aussi qu’elle soit mise au jour et clairement dénoncée.

Le rapport a-t-il un sous-texte ? Nous pensons que oui, tant il se focalise, avec une insistance pesante, sur l’enseignement privé diocésain. Vous-mêmes le reconnaissez au détour d’une phrase : vous expliquez qu’il ne peut en être autrement puisque l’enseignement catholique est celui qui compte le plus d’internats. Vous allez jusqu’à jeter l’opprobre sur un établissement qui n’a pas encore vu jour, à Salbris, dans ma circonscription, que la Fondation pour l’école de M. Stérin projette d’ouvrir. Cela n’a pourtant aucun rapport avec le sujet. De même, nous ne voyons pas ce que les lycées Averroès et Al Kindi ont à voir avec les violences faites aux élèves ; cela n’a aucun rapport. Nous nous interrogeons sur le sens de l’audition du 9 avril.

La focale la plus marquée a concerné le premier ministre, François Bayrou. Pendant cinq heures et demie, dans une atmosphère de tribunal populaire, de comité de salut public, vous avez tenté de déstabiliser le chef du gouvernement. Nous y voyons une tentative d’instrumentalisation politique du sujet très douloureux qui nous occupe, à des fins clairement politiciennes – car votre objectif, monsieur le rapporteur Vannier, est évidemment d’avoir la tête du premier ministre. Cela, nous le réprouvons et nous le dénoncerons publiquement. Il y va, selon nous, de la dignité de notre institution parlementaire et de la crédibilité des travaux d’enquête, laquelle n’a pas à être instrumentalisée.

Venons-en à vos principales recommandations. L’une fait sourire, la n° 34 : vous voulez lever le secret de la confession. Vraiment, vous osez tout, c’est presque comique ! Plus sérieusement, la proposition de créer une cellule ministérielle Signal Éduc nous paraît inopérante. Au Rassemblement national, nous pensons que la prévention et la répression des violences commises sur des élèves par des adultes ayant autorité doivent s’effectuer au plus près du terrain et relever directement des recteurs, qui sont les mieux à même d’être informés et de réagir. Nous pensons qu’il faut une obligation réglementaire de signalement auprès du système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire et de la plateforme Faits établissement, ainsi qu’une obligation réglementaire de signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. C’est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote.

Mme Graziella Melchior (EPR). La commission d’enquête a amorcé la libération de la parole de nombreuses personnes ayant été victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles en milieu scolaire au cours des dernières décennies ; en cela, elle fut salutaire. Elle a aussi permis une prise de conscience des ministères concernés, de l’enseignement catholique et de l’ensemble de la population. Je vous remercie pour votre implication : le travail que vous avez mené constitue une première réponse pour ceux dont la vie a été brisée et permet d’œuvrer à ce que ces violences ne se reproduisent plus. Députée du Finistère, où plusieurs établissements scolaires ont été des lieux de violence, j’ai eu à cœur d’entendre les victimes du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon dès leur prise de parole. Si je n’imagine pas que des faits d’une ampleur similaire à ceux qui ont eu cours dans certains établissements il y a des décennies puissent se renouveler, force est de constater que des défaillances graves persistent.

Votre rapport formule cinquante recommandations que je tiens à saluer. Vous préconisez tout d’abord de reconnaître les victimes de violences scolaires mais aussi la responsabilité de l’État, en créant un fonds d’indemnisation et d’accompagnement. Cela répond à une attente forte des collectifs, notamment celui du Finistère.

Vous demandez par ailleurs la création d’une mission transpartisane sur l’imprescriptibilité et préconisez de prolonger le délai de prescription pour le délit de non-dénonciation, comme nous l’avons fait récemment pour les crimes sexuels commis à l’encontre de mineurs. Je partage ces recommandations. Je vous remercie d’avoir travaillé sur la non-dénonciation, qui procède du phénomène d’omerta ayant tant prévalu ces dernières décennies. C’est un sujet qui me préoccupe depuis plusieurs mois. Aujourd’hui encore, cela se traduit par des réactions que je résumerai ainsi : le directeur se dit « pourvu que tel enseignant problématique ne soit pas dans mon école », les parents se disent « pourvu que mon enfant ne soit pas avec tel enseignant » – bref on sait, on évite, mais personne n’intervient. Le « pas de vagues », c’est aussi cela.

Nous devons construire une culture de la protection de tous les enfants. Quelles propositions formulez-vous pour impliquer également les parents et les mettre face à cette responsabilité collective ? Au cours des auditions, et il en est allé de même lors de mes rencontres sur le terrain, nous avons constaté le silence des familles, des personnels de l’éducation, des académies et de l’éducation nationale. J’en veux pour preuve un exemple très récent : une enseignante qui avait été mise à l’écart de deux établissements privés parisiens pour des faits de violence a été accueillie à la rentrée 2024 dans une école privée du Finistère. Quelques semaines plus tard seulement, des parents ont signalé de nouveaux faits de violence. Le protocole d’accompagnement décidé en conséquence n’a pas été suivi d’effet puisque l’enseignante est en arrêt maladie et, de fait, n’est pas sanctionnable. Dans ce dossier, il n’y a eu aucune information interacadémique et l’État porte une pleine responsabilité, me semble-t-il.

Aussi, je salue tout particulièrement les propositions que vous formulez pour renforcer la transparence s’agissant des dossiers des enseignants et de l’honorabilité de l’ensemble des personnels et bénévoles qui travaillent auprès d’enfants. Dans le cas que j’ai cité, il est inadmissible qu’aucune alerte n’ait été transmise à l’établissement et au diocèse. En cas de défaillance de l’État, qui, selon vous, doit porter la responsabilité ? La question de la suspension des fonctions se pose, alors qu’elle ne semble pas évidente pour l’éducation nationale. Comment éviter que les sanctions soient contournées par un arrêt maladie ?

Enfin, l’enjeu fondamental est l’accompagnement des victimes d’aujourd’hui. Avez-vous pensé à un dispositif qui permettrait de suivre leur parcours, depuis le signalement jusqu’au rétablissement psychologique ?

Les collectifs de victimes finistériens demandent la création d’un parquet spécialisé dans les violences faites aux enfants. Pour quelle raison n’avez-vous pas repris cette idée, qui revient régulièrement ?

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cette commission d’enquête a été lancée après que plusieurs victimes ont eu le courage de dénoncer les systèmes de violence physique et sexuelle dont elles ont été victimes enfants, pour certaines des dizaines d’années plus tôt. Les coups qui leur ont été portés, les traumatismes qui leur ont été infligés pour une vie entière l’ont été par des adultes, des figures en principe éducatives et responsables. C’est bien d’un système que l’on parle et non de personnes isolées. Pour le comprendre, il suffit d’écouter les victimes : « Tout le monde est coupable. Même s’il y en avait deux qui donnaient des coups et dix qui ne disaient rien, ils étaient tous coupables car tout le monde savait : la direction, le personnel, les infirmiers, les médecins » – liste à laquelle on peut ajouter, pour Notre-Dame de Bétharram, des voisins, inspecteurs, policiers, recteurs, députés, ministres et bien sûr des enseignants, des parents et des enfants.

Malheureusement, les violences commises à Bétharram ne sont pas isolées. Des collectifs d’enfants victimes s’expriment partout en France. La liste est longue – vous le savez, chers collègues, car vous êtes potentiellement touchés, dans chacune de vos circonscriptions, par les violences physiques et sexuelles sur mineurs. Nous savons que toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle en France. Nous savons qu’il y a eu des centaines de milliers de victimes de violences sexuelles dans l’Église, dont un tiers dans des établissements scolaires privés, d’après le rapport Sauvé. Nous savons que 46 % des élèves, presque un sur deux, déclarent avoir été victimes d’au moins une forme de violence de façon répétée durant l’année scolaire. Nous savons maintenant que le contrôle des établissements a laissé de côté les internats scolaires, pourtant propices aux agressions. Il ne s’agit pas seulement de Bétharram mais de violences de masse, d’un problème de société, de générations traumatisées. La Conférence des évêques de France a affirmé que ces pratiques et violences faisaient honte à l’humanité.

Pourquoi en sommes-nous là ? À cause de la banalisation des violences, de l’inversion de la culpabilité, de la silenciation et de l’inaction, c’est-à-dire d’un processus qui a été mis en lumière tout le long de la commission d’enquête : l’omerta. On demande souvent pourquoi les enfants ne parlent pas. Pour moi, en tant qu’éducatrice spécialisée et en tant que députée, la vraie question est celle des adultes – adultes en famille, adultes en fonction, adultes figures d’autorité publique : pourquoi les adultes ne protègent-ils pas ? L’école est le second lieu de socialisation des enfants, leur premier lieu collectif. Or les enfants sont considérés comme des sous-citoyens dont la parole a moins de légitimité. Ils ont face à eux des adultes de pouvoir qui veulent protéger l’image d’une institution ou d’un groupe social. À Bétharram, c’était saillant. Pour certains enfants, c’était un camp de redressement, pour d’autres, c’était une école élitiste.

Avant de conclure, je veux saluer la force et le courage de ceux et celles qui libèrent la parole, de ceux et celles qui ont cherché à protéger, à lancer l’alerte malgré les insultes et les intimidations. Je veux saluer ces familles et ces personnes qui ont revécu l’insoutenable au moment des révélations suscitées par nos travaux. Je veux aussi saluer le travail des rapporteurs et de la commission, mené dans un cadre transpartisan ; il a permis de rappeler l’importance et la valeur démocratique des commissions d’enquête.

Comme certains d’entre vous, j’ai pris part à la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, qui s’est terminée au moment où la présente commission commençait ses travaux d’enquête. Après des mois d’audition, avant et après la dissolution, nous avons formulé plus de quatre-vingt-dix recommandations pour mieux protéger les enfants. Depuis, rien. Le présent rapport propose simplement de reconnaître les victimes de violences commises en milieu scolaire ; de protéger les élèves ; de soutenir les personnels pour lutter contre les violences et de structurer une culture du signalement ; de lever le tabou des contrôles de l’État sur les établissements privés sous contrat ; de refonder les inspections pour garantir la protection des élèves – le tout grâce à cinquante recommandations clés en main.

De commission d’enquête en commission d’enquête, de rapport en rapport, l’urgence est martelée : il faut protéger les enfants. Le 19 février, nous votions à l’unanimité l’attribution des pouvoirs d’enquête à notre commission, sous l’impulsion de collectifs de victimes et en recueillant une grande reconnaissance populaire. Depuis, chaque audition a été regardée, commentée, bien au-delà des 200 victimes qui ont porté plainte. Ce rapport est très attendu. Pour combattre l’omerta, pour nous engager collectivement et unanimement à protéger les enfants, pour rappeler le devoir républicain qui s’impose à tous – école, institutions, État, adultes –, nous devons le voter. Ne nous contentons pas de jeter une bouteille à la mer, imprégnons la loi de nos travaux. Soyons à la hauteur, pour que les inspections ne se déclenchent pas uniquement lorsque les scandales éclatent.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Cela a été dit, ce travail est né du cri de très nombreuses victimes. Rappelons qu’il est aussi né du consensus que la commission des affaires culturelles et de l’éducation a su trouver lorsque, à l’unanimité, elle a demandé à disposer des prérogatives d’une commission d’enquête. Il faut saluer ces moments rares où, par le dialogue et le débat, nous convergeons vers le consensus.

Le rapport reprend les mots d’Alain Esquerre dans son livre Le Silence de Bétharram : « Bétharram est le fruit d’une omerta. Je ne sais pas comment nous en sortir tous. J’entends trop peu de personnes, sauf peut-être certaines mères, assumer leur part de responsabilité, s’excuser de n’avoir pas prêté attention. Peut-être ont-ils préféré détourner le regard, passer leur chemin, choisi de ne pas savoir, de ne pas voir, de pas entendre, de minimiser. »

Si certains ont mal vécu l’audition du premier ministre, pour ma part, c’est ce constat que j’ai mal vécu. J’attendais un moment de vérité lors duquel un haut responsable de l’époque, toujours aux plus hautes fonctions, admettrait sa part de responsabilité et d’échec, reconnaîtrait qu’il n’avait pas su protéger. Au lieu de cela, il a passé trente minutes à couvrir d’injures la seule enseignante qui, tant bien que mal, avec les moyens de l’époque, avait essayé de lancer l’alarme. Voilà ce qui nous a scandalisés – je le suis encore pour ma part.

Et maintenant, que faire ? Comment nous sortir, tous, de l’omerta ? Vous listez une série de recommandations nécessaires, pour certaines urgentes, mais nous savons que pour briser l’omerta, les lois ne suffisent pas : c’est la culture qu’il faut changer. Il faut changer urgemment notre rapport aux enfants. Ce qui transparaît de Bétharram et des autres affaires, c’est une culture du laxisme, de la lâcheté et du conformisme. On préfère protéger une réputation, celle d’une école, d’une Église, de notables, avant de protéger les enfants.

Cette culture de la protection s’oppose à une culture du redressement encore très vivace, selon laquelle les enfants qui dévient du droit chemin devraient être corrigés. Mais une autorité a-t-elle besoin de violence pour être légitime ? A-t-elle besoin de battre, de mettre des claques pour être respectée ? La réponse est non. Tant que nous ne changerons pas ce rapport à l’enfance, nous verrons des Bétharram se reproduire, ici ou ailleurs, au sein de l’institution comme au sein des familles.

Bétharram est le fruit d’une omerta. Nous avons eu le courage de lancer des travaux d’enquête. Je vous le dis avec gravité, chers collègues, il serait inconcevable que nous n’achevions pas ce travail, que nous posions un couvercle sur ce rapport et que nous entretenions nous-mêmes l’omerta. Il serait inconcevable que le rapport ne soit pas rendu public : il est attendu, urgent et nécessaire. Vous pouvez considérer qu’il n’est pas parfait, mais il doit être publié. J’appelle chacun à sa responsabilité : nous ne pouvons pas trahir des victimes qui attendent énormément de nous.

Comme nous avons su être à la hauteur lorsque nous avons lancé ces travaux d’enquête, soyons-le face au rapport. C’est pourquoi, au groupe socialiste, nous voterons pour sa publication et appelons tous les députés à faire de même.

Mme Frédérique Meunier (DR). Avant toute chose, je souhaite adresser une pensée à toutes les victimes de violences sexuelles et psychologiques que ce rapport met en lumière, ainsi qu’à leurs familles. Ces enfants devenus adultes ont porté en silence des souffrances immenses, souvent dans l’indifférence ou l’oubli. Nous avons entendu de nombreux témoignages de violences et de maltraitances abjectes subies dans des établissements scolaires, là où les enfants devraient au contraire se sentir en sécurité.

Je veux saluer leur courage d’avoir parlé après des décennies, d’avoir brisé le silence pour que d’autres ne subissent jamais ce qu’ils ont enduré. Cette commission leur aura au moins permis de parler ; rien que pour cela, elle était nécessaire. En aucun cas je n’oublie ceux qui n’osent pas encore prendre la parole et qui vivent avec ce poids sur les épaules.

Je salue également le travail de Mme Spillebout, de M. Vannier et de leurs collaborateurs et des administrateurs. Le rapport et les cinquante recommandations dressent un constat lucide et exigeant sur l’état de l’école et les actions nécessaires pour la protéger. Cependant, je déplore l’acharnement médiatique dont certains ont été victimes, notamment François Bayrou. De tant d’heures d’audition et de témoignage, il est regrettable qu’on ne retienne que celles-là. Je regrette également qu’un sujet aussi grave ait fait l’objet d’une instrumentalisation politique et médiatique. Cela aurait dû être évité. Une commission d’enquête n’est pas un tribunal.

Votre rapport ne contourne pas les responsabilités des adultes – parents, associations, corps enseignant, Église, comité de soutien à Bétharram –, à l’exception des institutions de santé qui sont pourtant des témoins directs des maltraitances. Pourquoi cette absence ?

Vous pointez des dysfonctionnements graves dans la manière dont certaines violences ont été tues, dissimulées, voire minimisées au nom de la réputation d’un établissement dont la sévérité était un produit d’appel. Cela nous conduit à nous interroger sur le rôle de l’État, non pas en substitution des établissements mais comme garant de la protection des mineurs, quelle que soit la structure qui les accueille. Mais je veux être claire : il ne saurait être question de jeter l’opprobre sur l’ensemble de l’enseignement privé catholique. Les dérives d’individus, aussi graves soient-elles, ne doivent pas conduire à une condamnation collective ni à une suspicion généralisée.

Je connais bien les établissements privés catholiques de mon territoire ; j’y ai vu des enseignants engagés, des équipes éducatives bienveillantes, des chefs d’établissement attentifs à chaque élève. Ils ne doivent en aucun cas être les victimes d’un amalgame. Il faut condamner les fautes, pas les convictions. Il faut dénoncer les actes, pas l’appartenance religieuse. Il faut rappeler que la loi protège l’enfant partout, toujours, sans distinction. Telle est notre responsabilité politique : bâtir une culture de la transparence, du signalement, du contrôle effectif dans tous les établissements, publics ou privés, sans exception.

Nous devons regagner la confiance des familles ; pour cela, nous leur devons la vérité. Cela doit passer par la prévention, le signalement et la protection. Cela suppose un droit d’enquête renforcé, une collaboration sans réserve des établissements mais aussi un engagement résolu de la hiérarchie, dans le privé comme dans le public.

Les enfants victimes de violences institutionnalisées sous prétexte d’excellence pédagogique n’ont pas été trahis par l’école privée catholique dans son ensemble ; ils ont été trahis par des adultes et des institutions, par l’omerta. C’est ce silence que nous devons briser et c’est cette protection que nous devons assurer, car la mission de l’école, qu’elle soit publique ou privée, laïque ou confessionnelle, reste la même : éduquer, instruire, protéger.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). J’aurai évidemment une pensée durant toute mon intervention pour les victimes.

À l’origine, l’omerta désigne la loi du silence dans la mafia sicilienne. Les travaux de la commission et les révélations de la presse ont montré qu’elle pouvait régner autour des violences commises dans les établissements scolaires. L’affaire Bétharram en est particulièrement révélatrice : lorsqu’on sanctionne une enseignante pour avoir dénoncé des violences ; lorsqu’une partie des élus et des notables de la région, anciens élèves, défendent envers et contre tout l’établissement au détriment des victimes ; lorsqu’on enchaîne les mensonges pour protéger l’établissement et ses agresseurs ; lorsqu’on tente de discréditer tous ceux qui prennent la parole ; lorsqu’on profère des menaces sur la carrière politique d’une parlementaire qui a œuvré à faire connaître la vérité, cela relève de méthodes mafieuses.

Certains ont fait leur Cosa Nostra de la défense d’une méthode d’éducation reposant sur la violence et la toute-puissance de l’adulte. Les travaux d’enquête de la commission étaient donc nécessaires. Je tiens à saluer notre travail collectif, particulièrement celui de la présidente et des rapporteurs Violette Spillebout et Paul Vannier.

Désormais, nous devons œuvrer à abattre ce système qui favorise et protège les violences sur les enfants au sein même des institutions scolaires. Notre pays fait honte en matière de protection des enfants. On ne compte plus les condamnations de la France par les cours internationales ni les alertes des associations. La Défenseure des droits le rappelait lors de son audition : « La gravité de la situation n’est ni mesurée ni prise en compte par les plus hautes sphères de l’État. » On pourrait croire que la lutte contre la violence envers les enfants en milieu scolaire fait l’unanimité parmi nous. Malheureusement, certains défendent encore un modèle qui prône la violence comme outil éducatif. Ils n’ont pas hésité à soutenir le premier ministre lorsqu’il a présenté Bétharram comme un établissement strict et qualifié le fait de frapper un enfant de geste de « père de famille ».

Il est temps de changer de paradigme et de protéger les enfants à l’école, qui doit être un sanctuaire et non un enfer. Il est temps de déployer effectivement le dispositif Evars, avec des heures fléchées, et d’organiser des actions d’éducation et de prévention des violences au sein de l’institution scolaire. Il est temps de donner des moyens humains et financiers aux services d’inspection de l’éducation nationale et de garantir leur autonomie afin que leur hiérarchie ne puisse plus caviarder les rapports.

Il est temps d’en finir avec la permissivité accordée au privé. La République ne reconnaît aucun culte ; elle doit protéger les enfants où qu’ils soient et soumettre l’enseignement privé aux mêmes obligations et aux mêmes contrôles que l’enseignement public. Il est temps de protéger celles et ceux qui témoignent et dénoncent les violences dans les institutions scolaires, de mettre un terme à une époque où des ministres soutiennent des établissements où l’on humilie, où l’on frappe et où l’on viole des enfants.

Les recommandations des rapporteurs vont dans le bon sens. Il est temps que la représentation nationale agisse pour protéger les enfants par la loi, en renforçant les outils de prévention et de contrôle des établissements scolaires. Parce que ce rapport est juste et factuel, parce qu’il est le résultat d’un travail de qualité, notre groupe votera en sa faveur. Je salue le travail des administrateurs et de nos collaborateurs. Pour avoir assisté à la majorité des auditions – ce qui n’est pas le cas de tout le monde –, je connais leur sérieux et je les remercie.

M. Erwan Balanant (Dem). Votre rapport prouve qu’il était nécessaire de mener cette commission d’enquête – de cette manière ? c’est une autre question. Nous partageons vos constats. Ils se rapprochent du travail que l’Assemblée a mené sur les violences dans d’autres domaines, ceux du sport et de la culture.

Plusieurs de vos propositions me semblent constituer des pistes extrêmement intéressantes pour mettre fin au scandale que constitue la façon dont nous traitons les enfants.

Tout d’abord, la prévention doit être renforcée, certes auprès des enfants mais aussi dans l’ensemble de la société ; or les adultes en sont peu destinataires.

Ensuite, nous devons développer une culture du signalement qui repose sur des protocoles clairs, communs à toutes les situations dans lesquelles les enfants sont exposés : activités sportives, culturelles ou éducatives. Vous proposez de créer une cellule Signal Éduc, mais nous avons déjà les numéros d’appel 119 et 3018 ainsi que d’autres dispositifs. Il faut créer un système cohérent.

Enfin, l’honorabilité est un sujet crucial. Comme pour les signalements, il faut élaborer un système fiable, robuste et commun à tous les acteurs. Inspirons-nous de l’Australie, où l’honorabilité de toute personne qui travaille avec des enfants est contrôlée.

Au-delà des excellents éléments qui se trouvent dans le rapport, permettez-moi de souligner deux angles morts et d’exprimer un regret.

Vous parlez très peu d’une des violences les plus fortes à l’école, le harcèlement scolaire. C’est dommage, car il est la source de phénomènes de violence de plus grande ampleur. Vous auriez aussi pu explorer les raisons pour lesquelles notre société met une chape de plomb sur la parole des enfants.

Mon regret, c’est que vous ayez passé tant de temps à chercher un coupable – vous l’aviez même désigné dès votre première intervention, monsieur Vannier. S’il faut chercher des responsabilités, allons-y complètement, cherchons toutes les responsabilités sur les trente ans qui viennent de s’écouler ! Nous en trouverons, et nous verrons aussi que des gens ont agi. Vous dites que François Bayou a menti ; je pense qu’il a fait ce qu’il pouvait, mais ce n’est pas le sujet. À vouloir désigner des coupables, nous passerons à côté de la question essentielle : pourquoi les enfants sont si mal traités dans notre société ? Continuons plutôt le travail sur ce point.

Mme Béatrice Piron (HOR). Je tiens à exprimer, au nom du groupe Horizons & Indépendants, toute notre solidarité envers ceux qui ont été victimes de maltraitances ou de violences dans le cadre scolaire, ainsi qu’envers les personnels confrontés à ces situations souvent douloureuses pour eux aussi.

Je remercie l’ensemble des commissaires pour le travail effectué, qui permettra, je l’espère, d’aborder ce sujet avec toute la rigueur qu’il exige, afin de garantir à chaque élève un environnement sûr.

Notre groupe regrette toutefois que certains passages du rapport, notamment ceux spécifiques au rapporteur, semblent poursuivre un objectif avant tout politique. Certains commentaires n’y avaient pas leur place.

Cela ne doit pas faire oublier la solidité du travail de fond, dont nous saluons l’utilité. Ce rapport doit être publié, pour les victimes et pour que les choses changent. Nous continuons toutefois à nous interroger sur la position à adopter pour ce vote. N’ayant pu lire l’intégralité des 300 pages du rapport en raison des conditions de consultation imposées, je me suis concentrée sur l’analyse des recommandations, articulées autour de cinq grands axes.

Dans l’axe 2, consacré à la protection des élèves, j’adhère aux recommandations visant à programmer des séances annuelles d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée dans tous les établissements scolaires et à en contrôler l’effectivité, y compris lors du passage sous contrat d’un établissement privé. Je partage également l’idée d’étendre le périmètre de ces séances aux violences commises par des personnes exerçant une autorité sur les élèves. Ce sont là des mesures concrètes et nécessaires.

J’ai toutefois été étonnée que les recommandations de l’axe 4 relatif au renforcement du contrôle de l’État sur les établissements privés sous contrat ne concernent que ce type d’établissements, alors que la commission d’enquête portait sur les autres aussi. Ainsi, la recommandation visant à conforter dans la loi la possibilité pour les inspecteurs de contrôler la vie scolaire et à adresser une circulaire aux chefs d’établissements pour rappeler le périmètre des inspections et les prérogatives des inspecteurs semble exclure de fait les établissements publics et hors contrat. Or ces derniers devraient également faire l’objet d’un encadrement clair. Je souhaiterais connaître les raisons de cette distinction et savoir s’il serait envisageable d’élargir cette recommandation à tous les établissements scolaires.

La vie scolaire est mentionnée dans la recommandation n° 13, mais je n’ai rien trouvé concernant le climat scolaire et la manière de le mesurer lors des inspections.

Dans l’annexe n° 5 traitant de la refonte des inspections pour garantir la protection des élèves, la proposition de réaliser des contrôles complets dans les établissements dotés d’un internat me paraît très importante, tout comme celle visant à distribuer annuellement à tous les élèves concernés une charte des droits de l’élève interne. Avez-vous envisagé d’élargir la distribution de cette charte aux séjours scolaires avec nuitées, qui, bien que ne relevant pas d’un internat à l’année, constituent également des situations sensibles à encadrer ?

Les recommandations n° 5 et 12, portant respectivement sur la clarification des règles d’inspection et la systématisation de la pluridisciplinarité des missions de contrôle, soulèvent des questions d’ordre organisationnel. J’ai été alertée dans ma circonscription d’un cas de contrôle qui s’est avéré particulièrement gênant, pour les enseignants comme pour les enfants. Dix personnes, inspecteurs et autres adultes, sont intervenues pour réaliser un contrôle dans une petite école d’une soixantaine d’élèves, sur le temps scolaire, de façon inopinée. L’établissement ne disposant pas, à ce moment, de personnel administratif dédié, le contrôle s’est déroulé très majoritairement en salle de classe, devant les enfants ; la directrice s’est vu reprocher de s’absenter pour aller chercher les documents administratifs exigés en laissant ses élèves sans surveillance. Des remarques ou questionnements relatifs à une élève en situation de handicap ont par ailleurs été formulés en classe entière, devant l’élève concernée.

Ce cas n’est pas isolé et des situations similaires m’ont été signalées par plusieurs établissements. Les enseignants concernés ont ressenti cette intervention comme une forme d’intrusion excessive, marquée par un manque de bienveillance vis-à-vis d’eux-mêmes et des enfants. Une réflexion sur l’organisation pratique de ces contrôles ne devrait-elle pas être envisagée ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je tiens à saluer au nom de mon groupe le travail effectué tambour battant par les corapporteurs et par la présidente de la commission.

Cette commission d’enquête a été créée dans un contexte grave, dans lequel un premier ministre en exercice était soupçonné d’avoir couvert et étouffé des actes de violence commis dans un établissement privé où étaient scolarisés plusieurs de ses propres enfants. Elle était nécessaire, pour ne pas dire impérieuse. Elle a permis de mettre en lumière des failles profondes et de dresser un constat accablant : pendant trop longtemps, le contrôle de l’État à l’égard des établissements privés a été inexistant ou presque.

Le cas de l’institution Notre-Dame de Bétharram s’est imposé comme un révélateur de ces dysfonctionnements. Malgré les dénégations du premier ministre, qui continue d’affirmer qu’il n’avait pas connaissance des violences physiques et sexuelles commises par les personnels de cet établissement, le rapport décrypte comment la loi du silence a permis pendant des décennies de préserver la réputation de lieux fréquentés principalement par des enfants de notables. Il met en lumière des violences trop longtemps banalisées, voire justifiées au nom de prétendues méthodes éducatives. On comprend à la lecture de ce rapport qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour en finir avec ces schémas d’un autre âge, écouter enfin la parole des victimes et les reconnaître pleinement.

Nous approuvons à ce titre la recommandation visant à inscrire dans le code de l’éducation et dans le code de l’action sociale et des familles l’interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l’égard des enfants. L’État doit assumer sa responsabilité pleine et entière face aux manquements ayant permis à de telles violences de perdurer dans nos établissements scolaires.

Autre point majeur du rapport, la dénonciation de l’absence de centralisation annuelle des actes de violence commis par des adultes à l’égard des élèves ainsi que des lacunes de l’application Faits établissement, censée centraliser les signalements mais totalement absente du champ des établissements privés, sous contrat comme hors contrat. S’y ajoutent des dispositifs de signalement dispersés, opaques et souvent inadaptés. Je partage donc votre constat : nous devons concevoir et mettre en place de nouveaux outils permettant d’établir chaque année des données chiffrées détaillant par académie et par établissement les actes de violence commis par les adultes à l’égard des élèves, afin d’assurer un contrôle plus rigoureux des établissements privés sous contrat.

Je salue enfin la recommandation visant à généraliser le contrôle de l’honorabilité à l’ensemble des personnels et bénévoles œuvrant au sein des établissements scolaires publics et privés, lors de leur recrutement puis tous les trois ans.

Le rapport met également en évidence un traitement inégal dans le contrôle des établissements privés. Certains font l’objet de vérifications rigoureuses et régulières, tandis que d’autres ont bénéficié d’une indulgence difficilement justifiable. Il est essentiel de mettre fin à ces disparités en instaurant un contrôle rigoureux, impartial et appliqué sans discrimination.

Le rapport souligne l’existence de nombreuses failles dans le contrôle de l’enseignement privé dans notre pays. Ces manquements doivent nous interpeller : au-delà des réformes nécessaires, ils nous invitent à repenser en profondeur notre modèle éducatif et son organisation.

Fruit d’un travail rigoureux, ce rapport a révélé des failles graves et formule des recommandations concrètes. Il nous rappelle qu’aucun établissement ne peut bénéficier de financements publics sans que soit garanti un contrôle clair, équitable et efficace.

Plus jamais un enfant ne doit être en danger à l’école. Il s’agit d’une exigence de justice et de responsabilité, une exigence républicaine. Ce rapport doit être voté et rendu public. Les victimes sont dans l’attente ; nous ne devons pas les décevoir.

M. Maxime Michelet (UDR). Face aux violences commises sur les enfants, la nation doit être intraitable. Tel était le sens de l’unanimité qui a accueilli la transformation de notre commission en commission d’enquête. Il s’agissait d’un devoir vis-à-vis de la souffrance des victimes et de leurs familles : l’effroi des violences subies appelait une réponse du Parlement.

Il est cependant nécessaire de rappeler, comme vous le faites en introduction, que la gravité des cas traités ne doit pas conduire à un amalgame pour les douze millions d’élèves scolarisés dans notre pays – ni entre certains établissements privés, incontestablement défaillants, et l’enseignement privé dans sa globalité. Le rapport ne parvient pas toujours à éviter ce dernier écueil, tout comme le traitement médiatique de cette commission n’a pas su éviter celui d’une regrettable instrumentalisation politique. Cet amalgame doit d’autant moins se produire que les violences commises sur les élèves ont, malheureusement, également lieu dans les établissements publics.

Vous évoquez ainsi le cas du lycée Bayen de Châlons-en-Champagne, que je connais bien pour y avoir été élève de 2007 à 2010. Je me rappelle les vagues rumeurs qui circulaient parmi nous, adolescents incrédules qui ne pouvions comprendre de quoi nous entendions l’écho. Je songe aussi, à vous lire, aux fonctionnaires de l’État, collègues du professeur incriminé, qui ont eu connaissance de ces bruits et de ces rumeurs sans rien faire, au nom du sacro-saint « pas de vagues ». Dans les pages consacrées au contrôle des établissements publics, vous soulignez combien, malgré les contrôles récurrents, cette politique systématique du « pas de vagues » a pu mener à des situations intolérables. C’est là une faute majeure de l’État et des gouvernements successifs.

Concernant l’enseignement privé, vous évoquez à juste titre des modalités de contrôle étendues en théorie, totalement négligées en pratique. Dès lors, il apparaît clairement, comme le soulignait dès 2023 un rapport de la Cour des comptes, que les défaillances du contrôle dans les établissements privés relèvent d’une absence de programmation par l’inspection responsable de leur régularité et de leur qualité. Il s’agit donc d’une défaillance de l’État.

Votre rapport reconnaît enfin que les établissements hors contrat sont soumis à des contrôles importants et réguliers.

Il apparaît donc à sa lecture que la meilleure garantie à offrir aux familles pour la protection de leurs enfants est une inspection qui inspecte et assume ses responsabilités pour mieux ramener aux leurs ceux qui s’en éloigneraient, dans le public comme dans le privé, et ce sans jamais attenter aux libertés pédagogique et scolaire garanties à l’enseignement privé.

On regrettera le passage dans lequel vous dénoncez une inquiétante utilisation des écoles hors contrat comme outil d’embrigadement politique ou religieux, ne citant que des projets dont on s’étonnera que vous les jugiez avant qu’ils soient déployés. S’il existe dans notre système scolaire un problème d’embrigadement politique, nous doutons que ce soit celui-ci. Ce passage nous semble relever davantage du positionnement politique que de l’objectivation.

Il en va de même pour l’affirmation selon laquelle l’enseignement musulman serait l’objet d’un ciblage spécifique. S’il existe, ce ciblage est justifié quand on sait que sur un total de soixante-quatorze établissements confessionnels musulmans présents sur le territoire en septembre 2023, vingt-et-un étaient identifiés comme relevant de la mouvance des Frères musulmans.

J’en viens aux recommandations, dans lesquelles le groupe UDR trouve de nombreuses dispositions de bon sens pour corriger les défaillances de l’État. Si nous doutons de l’efficacité de votre cellule Signal Éduc et pensons que le travail de prévention appartient au personnel médico-social des établissements et non à d’éventuelles associations extérieures, nous appuyons de nombreuses recommandations. Aucune d’entre elles ne justifie d’opposition farouche de notre part, à l’exception notable de la recommandation n° 34 concernant le secret de la confession. Nous souhaitons qu’aucune initiative ne soit prise dans ce domaine sans un dialogue préalable et respectueux avec les autorités ecclésiastiques.

Eu égard aux défaillances graves de l’État mises en lumière par votre rapport et à la nécessité d’y répondre, le groupe UDR votera en faveur de sa publication.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je me réjouis de constater que, malgré les différences exprimées, nous nous retrouvons dans la volonté de reconnaître les victimes, de faire en sorte que ces travaux d’enquête leur soient utiles et que leur sort change. Je suis également heureux que nous nous retrouvions pour l’essentiel dans les cinquante recommandations formulées, qui visent à bouleverser les situations décrites dans ce rapport afin que jamais elles ne se reproduisent.

Je souhaite revenir tout d’abord sur la question du secret de la confession. Non, monsieur Chudeau, nous n’avons pas abordé ce point sous un angle « comique ». Nous l’avons fait avec le sérieux qui s’impose, dans un dialogue de fond avec le président de la Conférence des évêques de France et le garde des sceaux Gérald Darmanin, mais en affirmant qu’aucune loi de la République n’est inférieure à quelque sacrement que ce soit, y compris au secret de la confession. Il y a là une clarification à apporter, que M. de Moulins-Beaufort semblait appeler de ses vœux. Une discussion en ce sens est d’ailleurs engagée depuis plusieurs années entre les ministres des cultes successifs et les représentants des évêques de France. Il faut que des prêtres recevant en confession le témoignage d’une violence, notamment commise dans un établissement scolaire, sachent qu’ils doivent en alerter la justice afin que les enfants soient protégés. Je le répète : aucune loi de la République ne doit être placée en dessous d’un sacrement, qu’il s’agisse de celui-ci ou d’un autre.

Vous avez par ailleurs, monsieur Chudeau, évoqué des passages de ce rapport consacrés au lycée Averroès et à la cité scolaire Al Kindi, renvoyant au sujet plus large des établissements privés musulmans. Il nous a paru nécessaire d’aborder cette question pour deux raisons. La première est que ces travaux d’enquête portent sur les violences, y compris les atteintes supposées à la liberté de conscience, d’expression, d’opinion et de culte des enfants, qui doivent être traitées et combattues. C’est dans cette perspective que nous avons abordé la situation de ces établissements, contre lesquels des accusations ont été portées en la matière.

Nous avons en outre démontré que le contrôle se concentrait dans ces établissements, sans comparaison possible avec la situation rencontrée dans de nombreux établissements privés sous contrat, où il est inexistant – c’est un fait. Cela montre que l’État a les moyens de contrôler. Lorsqu’il veut mobiliser des moyens sur un établissement, il peut le faire, de façon transversale et complète. Il peut prendre des décisions extrêmement fortes, puisqu’en la matière des ruptures de contrat d’association ont été assumées. Concentré sur certains lieux, le contrôle est défaillant ailleurs : nous ne pouvons donc qu’appeler à sa généralisation, afin de garantir la protection de tous les élèves.

Il n’y a dans ce rapport, madame Piron, aucun acharnement contre un type d’établissements scolaires en particulier. Nous constatons simplement que les deux millions d’élèves scolarisés dans les établissements privés sous contrat ne sont pas protégés comme le sont les enfants scolarisés dans les établissements privés hors contrat, qui sont contrôlés, et dans les établissements publics, qui le sont également. Cette défaillance majeure doit être corrigée. Cela explique qu’une attention particulière soit portée à la situation spécifique des établissements privés sous contrat, à laquelle est consacré l’axe 4 des recommandations.

Vous évoquez, madame Melchior, la question des parents d’élèves. Nous avons eu le souci de leur donner une place plus grande, en permettant que les représentants élus de parents d’élèves, qui participent à la vie des établissements, puissent saisir la cellule Signal Éduc dont nous proposons la création. Nous avons aussi voulu veiller à une plus grande implication des parents d’élèves, avec davantage de pluralisme, notamment dans les établissements privés sous contrat où ils ne sont représentés que par une seule fédération, l’Apel. Cette unicité peut en effet conduire à renforcer des climats d’omerta qui nuisent à la dénonciation des violences et à la lutte contre ces dernières.

Madame Meunier, vous avez fait part du regret, pour ne pas dire de la frustration, que nos travaux d’enquête n’aient pas englobé les enjeux liés aux services de santé. De la même façon, M. Balanant avait déploré que la question du harcèlement n’ait pas été traitée. Je partage cette frustration. Nous avons souvent vu, à la limite du périmètre de nos investigations, d’autres questions qui se posaient, tout aussi décisives, dont celles des violences entre élèves, du harcèlement ou de l’intervention d’autres administrations dans la détection et le traitement des violences. Nous avons toutefois dû respecter le délai imparti et le périmètre que nous avions défini ensemble. Conscients de cette limite, nous préconisons que les services d’inspection, notamment l’Inspection générale, puissent s’autosaisir et s’appuyer sur d’autres corps d’inspection spécialisés pour conduire des investigations dans le cas où elles constateraient un risque de violence ou des violences avérées, dans le domaine périscolaire par exemple.

Je me reconnais parfaitement, madame Meunier, dans votre formule « dénoncer les actes, pas l’appartenance religieuse ». D’une façon générale, ce rapport appelle à l’égalité de traitement de toutes et tous devant la loi, qu’il s’agisse des établissements, des élèves, de leurs familles ou des personnels. Nous invitons ainsi, monsieur Balanant, à une uniformisation des règles en matière de contrôle d’honorabilité, avec une attention portée bien sûr au flux des entrants, au moment du recrutement, mais aussi au stock, avec une vérification tous les trois ans de l’honorabilité des personnels déjà dans la carrière, pour s’assurer que d’éventuels crimes et délits commis dans l’intervalle soient connus des services de l’État et des directions d’établissement.

Concernant la recommandation de renforcer dans la loi le contrôle de la vie scolaire, avec une attention particulière portée aux établissements privés sous contrat, sachez, madame Piron, que cela s’explique par le fait que les directeurs de certains de ces établissements font état d’un caractère propre, reconnu par la loi Debré, pour s’opposer aux contrôles en matière de vie scolaire. Nous nous félicitons par conséquent des engagements pris notamment par le secrétaire général de l’enseignement catholique, qui a convenu en audition de la nécessité de permettre un contrôle complet de la vie scolaire, notamment des internats. Une demande similaire émane par ailleurs des syndicats d’inspecteurs de l’éducation nationale, qui souhaiteraient être plus clairement mandatés pour pouvoir, lorsqu’ils se présentent dans un établissement, faire valoir leurs prérogatives sans contestations.

Vous avez, madame Piron, décrit un contexte de tension à l’occasion d’un contrôle effectué dans une école de votre circonscription. Nous recommandons dans le rapport l’établissement d’un vade-mecum des enquêtes administratives confiées aux services d’inspection académiques pour préciser les conditions de ce type de contrôles, dont nous appelons à la généralisation car ils sont indispensables pour lutter contre les violences.

J’ai enfin été interpellé directement à plusieurs reprises à propos d’une audition particulière, parmi les quarante que nous avons effectuées – audition dont la durée n’est pas nécessairement le fait des rapporteurs et de la présidente, mais sans doute plutôt de celui qui répondait à nos questions. François Bayrou n’occupe qu’une part relative de ce rapport, tout comme il n’a occupé qu’une part relative de nos travaux. Nous avons, monsieur Balanant, cherché à identifier toutes les responsabilités ; les siennes devaient donc nécessairement être questionnées. Notre analyse de son audition est précisée et assumée dans ce rapport. Il ne s’est jamais agi d’organiser un tribunal, qu’il soit populaire ou politique, mais d’assumer notre responsabilité de parlementaires et de rapporteurs de travaux d’enquête en conduisant cette audition comme toutes les autres, sur la base des documents que nous avions saisis et des auditions précédentes, en toute rigueur et avec la volonté d’identifier des défaillances. Je regrette que cette audition ne nous ait pas permis d’aller au fond du sujet et d’identifier clairement ces défaillances afin de pouvoir les corriger et d’empêcher d’autres Bétharram. Je ne développerai pas ici mon analyse des raisons de cet échec relatif : à chacun, selon ses convictions, d’apporter une réponse à cette question.

Il est important pour moi de vous rappeler qu’en tant que députés nous sommes aussi chargés du contrôle de l’action de l’exécutif. Cette commission d’enquête y a concouru.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Monsieur Chudeau, vous avez utilisé des mots extrêmement forts, en parlant par exemple d’une « vision perverse de l’exercice de l’autorité ». Nous sommes là au cœur des violences systémiques que nous avons étudiées et que nous souhaitons combattre. Nous savons qu’il ne suffira pas d’appliquer brutalement telle ou telle recommandation pour y remédier et qu’un travail est à mener pour que cette culture change. Nos débats y participent.

Vous vous êtes à plusieurs reprises adressé personnellement à mon corapporteur, notamment sur le sujet de la recommandation 34, dont j’entends qu’elle peut heurter certaines sensibilités. Mais je m’associe pleinement à cette recommandation et j’assume l’entièreté de ce rapport. Bien que Paul Vannier soit membre de La France insoumise et moi de Renaissance, nous avons travaillé ensemble et je ne regrette aucun des mots figurant dans ce document. Il n’existe qu’un paragraphe dont nous avons convenu qu’il ne serait signé que par lui. Je suis en revanche comptable du reste autant que lui. La rédaction du rapport a suscité beaucoup d’échanges, sur des phrases dont nous avons pesé chacune des conséquences.

Concernant le secret de la confession, je ferai écho aux propos de M. Michelet, qui a souligné la nécessité d’un « dialogue préalable et respectueux ». Nous avons entamé ce chemin, avec les auditions du président de la Conférence des évêques de France et du garde des sceaux, et une analyse des différentes déclarations faites au sein de l’Église. Rien n’est acté, le sujet n’est pas clos. Nous exprimons une recommandation, qui sera étudiée, et la responsabilité sera partagée entre le Parlement et l’Église. En tout état de cause, j’assume l’ensemble des propositions formulées dans ce rapport.

Merci, madame Melchior, pour la contribution que vous avez versée à notre rapport. Elle y est annexée intégralement eu égard au respect que nous devons aux victimes qui se sont rapprochées de vous. Vous avez soulevé la question de l’association des parents, sur laquelle Paul Vannier est revenu. J’ajoute que les parents devraient obligatoirement être associés à une grande partie de la séance de sensibilisation à la protection de l’enfance qui doit être menée dans les établissements, mais que ce n’est pas le cas : il faut un rappel à l’application de la loi sur ce thème.

Vous avez aussi soulevé au nom des victimes la question du parquet centralisé pour les mineurs : c’est un grand débat, dans lequel nous ne sommes pas allés plus avant. Lors de son audition, l’Ofmin (Office mineurs), qui mène des enquêtes sur la pédocriminalité organisée et est parfois intervenu dans des établissements comme celui de Riaumont, qui cumulait consultation d’images pédopornographiques et violences physiques et sexuelles, nous a expliqué être en train de déployer des correspondants dans chacun des parquets français, avec des moyens décentralisés. Cette initiative, lancée avec Gérald Darmanin, ministre de la justice, doit être concrétisée. Nous allons suivre ce dossier de près, car nous nous sommes aperçus en interrogeant les procureurs que ce n’était pas encore le cas et que les compétences et le champ d’action de l’Ofmin étaient très insuffisamment connus. Mais, si le travail doit se poursuivre, il est important de savoir qu’il existe déjà une structure nationale capable d’effectuer cette tâche, avec des moyens déconcentrés.

Je remercie Mme Mesmeur pour son suivi attentif de nombreuses auditions et pour son engagement en faveur de la protection des enfants. Juste avant notre rapport et ses cinquante recommandations, un autre rapport extrêmement précis, assorti de nombreuses propositions, avait été publié, concernant les carences de la protection de l’enfance dans notre pays. Quels que soient nos bords politiques, nous, parlementaires, avons toujours peur que nos travaux restent lettre morte. La question est donc de savoir comment se doter des moyens nécessaires pour que nos propositions se traduisent dans la loi lorsqu’elles relèvent du domaine législatif et pour faire pression, dans le bon sens du terme, sur les gouvernements successifs afin que nos recommandations soient suivies d’effets. Cela nécessite de déployer une immense énergie, qui dépasse les travaux d’enquête. Je compte sur notre commission des affaires culturelles, madame la présidente, pour trouver les moyens de vérifier régulièrement l’avancée de nos propositions. Sachez que nous présenterons ce rapport et débattrons avec les membres de la délégation aux droits des enfants, présidée par Perrine Goulet, le 9 juillet, pour essayer de faire en sorte que l’Assemblée reste mobilisée sur ces rapports.

Je remercie Mme Hadizadeh de sa participation extrêmement active aux travaux de cette commission. Je retiens tout particulièrement sa phrase selon laquelle « pour briser l’omerta, les lois ne suffisent pas : c’est la culture qu’il faut changer ». Elle nous rappelle qu’au-delà de nos prérogatives en matière de changement de la loi, nous devrons aussi être actifs sur ces sujets dans nos circonscriptions.

Madame Meunier, vous avez mis l’accent sur le rôle du ministère de la santé à travers la question de la responsabilité des médecins qui reçoivent aux urgences des enfants qui fuguent d’un internat ou qui ont été blessés au sein d’un établissement scolaire, comme cela a été le cas à Bétharram et Riaumont. À Riaumont, nous avons obtenu un extrait des rapports des urgences pour les années couvertes par les témoignages. Un tableau archivé, que nous n’avons pu pleinement exploiter dans le temps qui nous était imparti, révèle d’assez nombreuses prises en charge pour des fractures. Cela met en lumière la nécessité d’une transversalité des contrôles. Interviennent déjà l’inspection de l’éducation nationale, la direction générale des finances publiques, les chambres régionales des comptes, les services de sécurité incendie : il faut aussi que les agences régionales de santé et les services spécialisés dans l’hygiène et la santé des enfants soient mobilisés lorsqu’il y a une suspicion de violences. En pareilles circonstances, le contrôle de l’État doit se déployer à 360 degrés.

Monsieur Bonnet, en une formule frappante, vous avez rappelé une évidence : l’école doit être un sanctuaire et non un enfer. Or l’enfer a été largement décrit dans les nombreux témoignages que nous avons recueillis.

Cela me permet de rebondir, monsieur Balanant, sur votre remarque relative aux cinquante-cinq pages consacrées à Bétharram. Ces cinquante-cinq pages ne portent pas sur M. Bayrou, mais sur un établissement qui a été un cas d’école, à l’origine du lancement de ces travaux d’enquête. À Bétharram, oui, 250 plaintes ont été déposées et des enfants ont vécu leur scolarité comme un enfer. Alors oui, nous avons approfondi nos investigations sur cet établissement, mais nous aurions pu le faire de la même manière sur le collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, cité par Mme Melchior, où les enfants ont aussi vécu un enfer, ou encore sur Riaumont, ou sur d’autres établissements parmi les quatre-vingts sur lesquels nous avons des signalements.

Vous avez insisté à raison sur le harcèlement scolaire. C’est un type de violence pour lequel nous avons reçu au cours de nos travaux de nouveaux témoignages, de la part de parents démunis. Malgré la mise en œuvre du programme Phare (programme de lutte contre le harcèlement à l'école) dans l’enseignement public ou du programme 3PF (programme de protection des publics fragiles) dans l’enseignement catholique, il reste des cas où les enfants ne se sentent pas protégés et les parents pas entendus. Nous n’avons pas intégré ces témoignages dans notre rapport car, par un vote à l’unanimité, les membres de cette commission avaient décidé de se concentrer sur les violences commises par les adultes. Mais ils existent et le terme de « harcèlement » apparaît une vingtaine de fois dans le rapport, même si ce n’est pas suffisant.

Madame Piron, je vous remercie pour vos remarques sur les différents axes que nous avons définis. L’axe 4 entend répondre à une carence constatée dans les établissements privés sous contrat, grâce à une plus grande régularité des contrôles ou encore à la mise en œuvre des séances d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée. Mais le rapport s’attache aussi à améliorer la situation en matière de prévention dans les établissements publics, par exemple en proposant des solutions pour y garantir la bonne mise en œuvre de ces séances. Nous proposons également que celles-ci s’appliquent aux établissements privés hors contrat, et que cela soit une condition de leur passage au statut d’établissement sous contrat.

Madame Bourouaha, vous avez parlé d’un long chemin à parcourir – c’est la question du nécessaire changement de culture à obtenir et du travail que nous mènerons après ce rapport. Ce travail sera suivi avec une extrême attention par les victimes, qui nous ont dit qu’elles en avaient marre d’attendre : il y aura eu le rapport de la Ciivise, puis celui de la Ciase, puis celui de notre commission … Et après ? Cet « après », nous en sommes tous responsables.

Monsieur Michelet, vous avez évoqué les amalgames qui seraient faits sur les établissements privés ainsi que l’instrumentalisation politique de cette commission, notamment autour de M. Bayrou. Lorsque je me suis portée candidate pour être corapporteure avec M. Vannier, je connaissais la volonté qu’il revendique, avec son groupe, de se concentrer sur les établissements privés, mais je crois que nous avons réussi dans ce rapport à rester fidèles à l’objet initial de la commission en prenant en compte tous les établissements scolaires. Dans ma circonscription, la neuvième du Nord, beaucoup m’ont fait part de cette suspicion dont vous vous faites l’écho. Le 12 juin dernier, j’ai organisé une réunion dans un établissement privé à destination des professionnels de l’enseignement privé et public pour expliquer la façon dont nous avions mené nos travaux : y ont participé 160 personnes – chefs d’établissement, enseignants, éducateurs, médecins scolaires – appartenant à 80 % au privé et à 20 % au public. J’ai répondu à toutes les questions et une large satisfaction a fini par s’exprimer, que la lumière ait été faite et que les travaux aillent dans le bon sens. Nous avons eu la garantie que les établissements privés catholiques souhaitaient être des partenaires des actions qu’il faudra mener.

Nous avons aussi reçu des alertes sur le fait que les inspections de l’éducation nationale dans les établissements privés, dans le contexte des travaux de notre commission d’enquête, peuvent parfois être menées de façon brutale. Cela a été le cas récemment à Marcq Institution : après des signalements pour violences, douze inspecteurs sont arrivés de façon inopinée, en manifestant un manque de respect à l’égard du chef d’établissement. Or nous sommes favorables aux contrôles inopinés mais pas au manque de respect. Il faut veiller à ce que les inspections et les questionnaires soient menés dans le respect du travail assuré par les enseignants des établissements privés catholiques, dont Mme Meunier a rappelé la contribution, mais aussi des établissements publics ou des établissements hors contrat. Chacun fait preuve de beaucoup d’abnégation dans l’exercice d’un métier difficile. Nous devrons être capables de garder un esprit critique sur tout ce qui va se passer.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour le travail d’enquête qu’ils ont conduit ces derniers mois. Cette commission a permis une libération de la parole d’une grande ampleur, comme l’illustre la carte qui figure en annexe du rapport.

Ma question porte sur la prescription des agressions sexuelles. Trop souvent, des victimes n’ayant pu s’exprimer qu’après de longues années de silence en raison du traumatisme psychologique qu’elles ont subi voient leur parole devenir juridiquement inutile, ce qui peut aggraver leurs souffrances. Ce constat trouve une résonance particulière dans l’affaire dite Bétharram. De nombreuses victimes ont demandé la levée de la prescription mais, sur un total de 200 plaintes, seules deux ont été retenues par la justice, selon l’avocat Jean-François Blanco. Le délai actuel de prescription est de vingt ans pour les agressions sexuelles sur mineurs contre dix ans pour les majeurs, et il est de trente ans pour les viols sur mineurs.

En mars 2024, à la suite d’une recommandation de la Ciivise, j’ai déposé une proposition de loi visant à rendre imprescriptibles les crimes et les délits sexuels commis contre les mineurs, que je remercie Mme Spillebout d’avoir cosignée. Mardi 17 juin, les eurodéputés ont voté en faveur de la suppression des délais de prescription dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs. Dans votre rapport, vous suggérez la création d’une mission transpartisane visant à étudier la possibilité de rendre imprescriptibles certaines infractions commises sur des mineurs. Je tiens à vous assurer de mon soutien dans cette démarche.

M. Alexis Corbière (EcoS). Merci aux rapporteurs et à la présidente pour ce rapport accablant qui fait écho aux discussions que nous avons eues sur le séparatisme scolaire, fait d’établissements publics mais aussi privés. Les études menées à partir des indices de position sociale montrent une tendance de plus en plus marquée à la concentration des enfants des Français les plus favorisés dans certains établissements, parmi lesquels on note un fonctionnement particulier.

Le seul acharnement auquel nous ayons assisté pendant les travaux de la commission, c’est celui dont le premier ministre a fait preuve. Au lieu de dire qu’il avait failli, il a cherché à se présenter comme une victime, ce qui est assez cocasse. Il a affirmé que le fait que certains élèves n’aient pas été entendus le hantait, alors qu’il était au courant. Il a même pris la responsabilité de vous répondre, monsieur Vannier, alors que vous n’êtes pas président de groupe, qu’il ne savait pas. Il n’était pas obligé de le faire.

Ma question est simple : quel chemin envisagez-vous pour donner prochainement une traduction législative aux préconisations du rapport ?

M. Laurent Croizier (Dem). Cette commission d’enquête me laisse un sentiment ambivalent. D’un côté, il y a la satisfaction d’avoir permis aux victimes, longtemps réduites au silence, de s’exprimer, d’avoir analysé les mécanismes ayant conduit à cette omerta et d’avoir mis en lumière les failles dans les dispositifs de contrôle – et je partage une majorité des préconisations formulées dans le rapport. De l’autre, il y a un ressenti plus amer face à une présence médiatique peu propice à la sérénité de notre travail, témoignant d’une instrumentalisation politique déplacée, avec un ton et des attitudes dignes d’un tribunal populaire lors de l’audition du premier ministre. Ce jour-là, la décence ainsi que le respect de la souffrance des victimes et de la dignité étaient absents.

Il y a des moments où la République demande à ses représentants de se hisser à la hauteur de la mission qu’elle leur confie. La faiblesse de notre humanité est qu’il est des hommes ou des femmes qui, croyant servir une cause, la desservent. L’arrogance n’a jamais protégé un seul enfant de la violence de notre société mais le climat qu’elle instaure peut, en revanche, l’alimenter. Plus jamais, dans aucune école de la République, la violence et la règle du silence ne doivent pouvoir s’installer.

M. Xavier Breton (DR). Je salue le travail réalisé par cette commission d’enquête. La publication de son rapport est attendue, notamment par les victimes qui ont souffert de ces violences et de la loi du silence qui les entourent depuis des décennies. Il faut préciser la portée de notre vote : nous allons nous prononcer sur la publication du rapport. Il ne s’agit pas de valider les recommandations qu’il émet : certaines vont dans le bon sens ; d’autres relèvent manifestement d’a priori.

J’exprimerai deux regrets : le ton inquisitorial employé lors de certaines auditions, qui a mis mal à l’aise certains membres de la commission comme les personnes qu’elle auditionnait ; et la surmédiatisation qui a pu entacher la crédibilité des travaux de la commission et donner l’impression à ses membres d’être mis de côté. Cela renvoie à une réflexion plus large que nous devrons mener sur ce qu’est en train de devenir le dispositif des commissions d’enquête dans le fonctionnement de notre Assemblée.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Madame Duby-Muller, merci pour votre soutien. La levée de la prescriptibilité a en effet déjà fait l’objet de plusieurs travaux parlementaires. Si nous proposons que soit demandé à la présidente de l’Assemblée nationale et au bureau de constituer une mission transpartisane au sein de notre assemblée au lieu de préconiser la création d’une structure extérieure indépendante, c’est parce que nous pensons que c’est le meilleur moyen d’avancer vite sur le travail juridique à mener, maintenant que le sujet est mûr parmi de nombreux groupes parlementaires.

Monsieur Corbière, nous allons bien sûr poursuivre sur notre lancée. Avec M. Vannier, nous avons solidifié des convictions communes qui se traduiront dans une proposition de loi à l’élaboration de laquelle participeront les groupes qui le souhaiteront. Il s’agit de rassembler en un texte la majorité des actions qui relèvent de dispositions d’ordre législatif. Quant aux mesures réglementaires, nous aurons la responsabilité de leur suivi.

Monsieur Croizier, monsieur Breton, vous avez tous les deux déploré l’hypermédiatisation de cette commission d’enquête. Sans même parler de leur tonalité, la quantité de nos prises de parole devant les médias, à mon corapporteur et à moi-même, nous a parfois été reprochée. Si j’en juge par les retours que nous ont faits les victimes et le nombre de signalements que nous avons reçus au cours de nos travaux, je crois que cette hypermédiatisation – je ne parle pas de certains articles à charge – a été très bénéfique pour la libération de la parole. Les journalistes qui travaillaient depuis longtemps sur ces questions, notamment au sein des services spécialisés dans l’éducation et l’enseignement scolaire ou dans la presse quotidienne régionale – certains s’étaient beaucoup impliqués dans le dossier du lycée de Châlons-en-Champagne, par exemple – nous ont apporté des éléments qui ont contribué à donner plus de force et d’acuité à notre travail.

Certes, cette hypermédiatisation a pu nuire à l’image de ces travaux d’enquête, notamment au moment de l’audition de M. Bayrou, mais ce fut un prix à payer pour avoir permis à des victimes d’oser prendre la parole – parce qu’elles en avaient entendu d’autres, ou parce que nous avons été leur porte-voix.

M. Paul Vannier, rapporteur. Madame Duby-Muller, les interrogations sur la prescription traversent tous les groupes politiques de notre assemblée. Je dois dire que ces travaux d’enquête ont transformé mon analyse sur ces enjeux. J’estime donc que le travail transpartisan doit être approfondi pour permettre à chacun de se prononcer un jour sur un éventuel allongement des délais ou sur l’imprescriptibilité, avec toutes les précautions qui s’imposent compte tenu des risques de surenchère pénale.

Ma corapporteure, monsieur Corbière, vous a répondu sur les suites que nous entendons donner à nos travaux. Nous allons nous y consacrer avec toutes celles et tous ceux qui souhaiteront s’y associer.

Un dernier mot, monsieur Croizier, monsieur Breton, sur la présence médiatique. Nous l’avons assumée, dans un souci de transparence à l’égard des Françaises et des Français, que nous savions attentifs. Nous avons constaté que se manifestait une volonté de suivre étape par étape nos travaux et le fait de nous exprimer devant la presse y a répondu.

À titre personnel, cette expérience m’a fait toucher, peut-être pour la première fois, ce que peut vouloir dire être un représentant du peuple français, notamment un représentant des victimes. J’ai été bouleversé d’entendre des victimes dire que c’est après nous avoir entendus assumer de poser ces questions si difficiles des violences sexuelles commises sur des enfants à l’Assemblée nationale ou sur des plateaux télévisés qu’elles se sont senties en mesure de déposer plainte, de prendre la parole et de contribuer à ce mouvement de libération que nous avons tous constaté et salué et que nous souhaitons tous, je crois, encourager. C’est l’une des dimensions de la fonction qui est la nôtre : incarner certains combats, y compris dans l’espace médiatique, la surmédiatisation ensuite échappant largement aux acteurs politiques que nous sommes.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Ceux d’entre vous qui souhaiteraient prendre la parole peuvent le faire brièvement.

M. Erwan Balanant (Dem). J’aimerais avoir confirmation, madame la présidente, de la date limite pour le dépôt des contributions écrites. Par ailleurs, nous souhaiterions, si c’est possible, disposer de votre avant-propos avant de prendre position sur le rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il y aura un avant-propos, mais il ne fait pas partie du rapport sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer. S’agissant de la date limite, je vous répondrai après le vote.

M. Roger Chudeau (RN). Nous sommes bien d’accord que le vote porte sur la publication du rapport ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Le vote porte sur le rapport.

M. Roger Chudeau (RN). Je précise que le groupe Rassemblement national se prononcera en faveur de sa publication. Les réserves que nous avons exprimées, et que je maintiens, portaient sur le fond.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les membres d’une commission ayant mené des travaux d’enquête doivent voter sur le rapport : si le vote est défavorable, le rapport ne sera pas publié ; s’il est favorable, il pourra l’être.

M. Erwan Balanant (Dem). Il y a une deuxième étape, madame la présidente !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je l’ai clairement expliqué au début de cette réunion, monsieur Balanant : le règlement prévoit un délai de cinq jours francs après le dépôt du rapport pendant lequel l’Assemblée nationale pourrait demander sa réunion en comité secret pour se prononcer sur cette publication.

M. Xavier Breton (DR). Il faut que les choses soient claires. L’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit à son article 6 que l’assemblée intéressée, en l’occurrence la commission d’enquête, « peut décider, par un vote spécial et après s'être constituée en comité secret de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport d'une commission d'enquête ». Notre vote ne porte donc que sur la publication du rapport, il n’y a pas de vote sur le rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’assemblée intéressée à laquelle fait référence l’ordonnance est l’une des deux assemblées parlementaires, en l’occurrence l’Assemblée nationale, et non pas la commission d’enquête.

Notre vote d’aujourd’hui, dans le cadre de travaux d’enquête, porte donc sur le rapport. M. Balanant se rappelle sans doute qu’il en est allé de même à la fin des travaux de la commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité dont il était rapporteur.

Je mets donc à présent aux voix le rapport.

La commission adopte le rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous rappelle que vous pouvez, à titre individuel ou au nom d’un groupe, apporter des contributions écrites n’excédant pas 15 000 signes qui figureront en annexe du rapport. Elles doivent être adressées au secrétariat avant demain jeudi 26 juin, dix-sept heures.

 

La séance est levée à onze heures trente.

 


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Présences en réunion

Présents.  Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, M. José Beaurain, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Xavier Breton, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. José Gonzalez, M. Emmanuel Grégoire, M. Frantz Gumbs, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Mathilde Hignet, M. Sacha Houlié, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, Mme Sarah Legrain, M. Eric Liégeon, M. Frédéric Maillot, M. Emmanuel Mandon, M. Christophe Marion, M. Sébastien Martin, Mme Graziella Melchior, Mme Estelle Mercier, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, M. Hubert Ott, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, M. Jean-Claude Raux, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Prisca Thevenot, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Steevy Gustave, Mme Tiffany Joncour, Mme Nicole Sanquer