Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) :
- mission « Économie » :
. Entreprises (M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis)........2
Jeudi 24 octobre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 12
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2025, la commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Xavier Albertini, les crédits de la mission « Économie », en ce qui concerne les entreprises.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous reprenons ce matin l’examen pour avis des crédits de la mission Économie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, avec l’avis « Entreprises » dont notre collègue Xavier Albertini est le rapporteur. Je rappelle que cet avis couvre le programme 134 Développement des entreprises et régulations, qui dispose d’un budget de 2,5 milliards d’euros. Il finance des actions cruciales pour le bon fonctionnement de l’économie et des services de proximité – je pense à l’Autorité de la concurrence, à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), à la mission de développement territorial de La Poste ou encore à l’Institut national de la consommation et au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). Je cite ces organismes car on les oublie souvent et, parfois, la contribution de ces organisations est même décriée alors qu’elle est essentielle à l’action publique.
À l’issue de l’examen de cette mission, nous voterons sur l’ensemble des crédits examinés dans le cadre de la mission Économie, qui sera discutée en séance publique le 5 novembre prochain.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Dans l’ensemble, la programmation budgétaire pour 2025 se caractérise par un recentrage du champ des interventions et une diminution des crédits. En l’occurrence, les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) demandés s’élèvent à un peu plus de 2,457 milliards d’euros, les premières en baisse de 519,37 millions et les seconds de 198,99 millions d’euros par rapport à 2024. Mais il faut replacer ces chiffres dans une perspective et dans un contexte : à périmètre constant, le programme 134 conserve un niveau de financement supérieur et en progression, tant sur le plan des AE (qui augmentent de 6,78 %) que sur celui des CP (qui gagnent 7,84 %). Le plafond d’emplois du programme connaît lui-même un ajustement limité, avec un effectif maximal autorisé de 4 582 équivalents temps plein (ETP), soit une baisse qui se limite à quinze ETP seulement, répartie entre la direction générale des entreprises (DGE), qui en perd dix, et la DGCCRF, qui en perd cinq. La programmation budgétaire pour 2025 comporte ainsi un plafond d’emplois pour la direction générale des entreprises actualisé à 1 222 ETP (contre 1 229 en loi de finances initiale pour 2023). L’évolution du plafond d’emplois peut être considérée comme cohérente avec l’exécution en cours.
Le programme 134 prend ainsi toute sa part – mais rien que sa part – à l’indispensable effort de redressement des finances publiques. Je ne pourrai entrer dans le détail de la programmation, mais je tiens à vous présenter trois conclusions au regard desquelles j’estime qu’elle présente un caractère pertinent.
En premier lieu, la programmation pour 2025 assure le juste financement de la compensation carbone dont bénéficient les industries électro-intensives. Dans le cadre de l’action n° 23 « Industrie et services », les crédits affectés à ce dispositif s’élèvent à 1,051 milliard d’euros, en baisse de 23 millions d’euros. À l’évidence, cette somme apparaît cohérente avec les aléas qui affectent la budgétisation de la dépense, laquelle reste tributaire de la consommation électrique des entreprises et de l’application du droit européen. Par ailleurs – et c’est une nouveauté ! –, la programmation pour 2025 comporte une ligne de financement pour la décarbonation de l’industrie, à hauteur de 50 millions d’euros. Le dispositif aurait vocation à soutenir les investissements d’entreprise susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dès lors, le resserrement ou la suppression de certains financements ne saurait conduire à minorer l’importance de l’aide apportée à nos entreprises dans un contexte exigeant pour les comptes publics. Ainsi que le montre le rapport pour avis, ces dispositifs ont souvent été rattachés au programme 134 pour des motifs circonstanciels et leur objet n’appelle pas nécessairement – au moins dans ce cadre – l’inscription de nouveaux crédits.
En second lieu, la programmation pour 2025 garantit le fonctionnement du service postal universel. En effet, elle maintient le niveau des ressources du dispositif à hauteur de 500 millions d’euros. Elle reconduit le financement des missions d’aménagement du territoire confiées à La Poste à hauteur de 105 millions d’euros.
Pour le reste, les évolutions qui peuvent affecter les concours apportés au financement d’autres opérateurs ou de soutiens publics restent mineures. La dotation de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) retrouve ainsi son niveau de 2023, en conséquence du retrait des moyens que nécessitaient les missions accomplies pour la bonne tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. En revanche, la programmation pour 2025 devrait permettre le franchissement d’une nouvelle étape dans la mise en place d’un futur filtre national de cybersécurité, dit filtre « anti-arnaque ». Je rappelle que le Parlement a posé le principe de la création de cet outil dans la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite loi « Sren ».
En dernier lieu, la programmation pour 2025 maintient globalement la dotation des autorités administratives indépendantes et des services ministériels chargés de la régulation et de la sécurisation des marchés économiques, ainsi que de la protection des consommateurs. En crédits de paiement, elle prévoit ainsi d’allouer 25,36 millions d’euros à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), 25,67 millions d’euros à l’Autorité de la concurrence et 262,76 millions d’euros à la DGCCRF.
Ces crédits couvrent-ils les charges de fonctionnement et l’exercice des missions ? Si j’emploie les termes de « revalorisation modeste », c’est que la question des moyens se pose. Je ne peux que renouveler le constat établi par notre collègue Philippe Bolo en 2023. À des degrés divers, l’Arcep, l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF se trouvent confrontées à un défi : celui de l’adéquation entre, d’une part, l’élargissement progressif de leurs compétences et objectifs, et, d’autre part, le rythme de la progression de leurs crédits et de leurs personnels. J’estime que les pouvoirs publics doivent s’assurer de leur capacité à répondre aux enjeux que soulève l’évolution de leurs domaines de compétence. À cet effet, je défendrai tout à l’heure un amendement demandant au Gouvernement un rapport au sujet de la DGCCRF.
Sous cette réserve, j’appelle à l’adoption des crédits du programme 134. J’estime en effet que la programmation pour 2025 mobilise à bon escient des ressources et des dispositifs utiles à notre économie sans sacrifier l’avenir et en faisant bon usage des deniers publics.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon avis à l’examen du devenir des pôles de compétitivité à l’heure de la régionalisation. Le dispositif fêtera, vous le savez, ses vingt ans d’existence en janvier 2025, à un moment où le renforcement du poids des régions en matière de développement économique le place à la croisée des chemins. Les réponses ne vont pas de soi, mais des travaux que j’ai pu mener se dégagent plusieurs enseignements.
Le premier enseignement est que le dispositif possède désormais une grande maturité et contribue à la structuration des écosystèmes. D’une part, la gouvernance des pôles de compétitivité, fondée sur un statut associatif, favorise une participation large et relativement équilibrée de l’ensemble des acteurs. D’autre part, leur sociologie favorise une bonne intégration au tissu économique. Ils rassemblent actuellement 18 500 entreprises et plus de deux mille laboratoires et établissements d’enseignement supérieur. Si la représentation de chacune des catégories d’adhérents dans les pôles varie assez sensiblement, le nombre des adhérents durables ou occasionnels continue néanmoins de croître et le renouvellement des effectifs marque une certaine fidélisation des adhérents. Au-delà, le maillage du territoire présente une certaine rationalité. Les cinquante-cinq pôles de compétitivité se déploient à l’échelle de l’Hexagone. Il existe en outre des implantations en Guadeloupe et à La Réunion. Les pôles constituent une émanation de tissus productifs et d’écosystèmes qui, sans nécessairement être organisés, préexistaient. De surcroît, leur géographie actuelle traduit la sélection opérée au fil des cinq phases de programmation, sur la base d’une évaluation fondée sur des priorités définies.
Par ailleurs, rien ne permet d’identifier des lacunes dans leur déploiement à l’échelle du territoire ou l’absence de certains domaines d’activité parmi les secteurs qu’ils couvrent. Dès lors, j’estime que la question de leur nombre à l’échelle du territoire national relève, à bien des égards, d’un faux débat. Ceci ne retire rien à l’exigence de mener à bien, en 2025, l’évaluation à mi-parcours des pôles de compétitivité et de se prononcer sur le maintien du label accordé aux structures existantes. Telle est ma première recommandation.
Deuxième enseignement : les pôles apportent un soutien important à l’effort d’innovation des entreprises et des écosystèmes locaux. Sur ce plan, les études confirment désormais l’existence d’un effet multiplicateur en matière de recherche et développement (R&D). Selon l’effet de levier mesuré par la DGE, 1 euro de dépense publique donne lieu en moyenne à 2,80 euros de dépenses en R&D. Ce coefficient peut varier selon le guichet de financement et l’appel à projets. En outre, les investissements dont la réalisation peut raisonnablement leur être attribuée atteignent un volume important. On peut estimer à 55 milliards d’euros le montant des fonds mobilisés pour des projets labellisés.
Par ailleurs, l’adhésion aux pôles de compétitivité paraît produire des effets plus diffus sur le plan macroéconomique. Je pense ici à l’accroissement des chiffres d’affaires et à l’augmentation des recrutements ou des exportations des PME.
Au-delà, les pôles de compétitivité fournissent un cadre propice au travail collaboratif, comme le montre le nombre important de projets labellisés – plus de mille par an – dans le cadre notamment de « France 2030 ». L’accompagnement fourni par les pôles permet d’améliorer le taux de sélection dans le cadre des appels à projets : il atteint 35 %, contre 27 % pour les entreprises non adhérentes. Il reste sans doute à conforter la valeur du label auprès de certains acteurs tels que Bpifrance. C’est la raison pour laquelle je recommande de mieux motiver et de rendre plus précis les documents attestant d’une labellisation par les pôles.
Enfin, l’offre de services fournie par les pôles de compétitivité satisfait les adhérents. Cependant, on peut s’interroger sur le positionnement de certains acteurs qui proposent des prestations d’ingénierie aux entreprises. Objectivement, le risque de services redondants n’existe que pour la fourniture de services n’ayant pas pour seule finalité le soutien à l’effort de R&D. La question se pose en particulier s’agissant des prestations généralistes des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou de certains instruments déployés par Bpifrance. Aussi, je recommande de veiller à la cohérence des champs d’intervention.
Troisième enseignement : il conviendrait de redéfinir les termes du copilotage des pôles de compétitivité par les régions et l’État. C’est là – ainsi que dans les modalités de financement – que réside l’enjeu pour l’avenir : il s’agit moins de trancher l’ambiguïté ancienne qui entoure le statut des pôles que de poser un cadre de régulation adapté à la poursuite de leur développement.
La régionalisation des pôles de compétitivité se matérialise, en premier lieu, par une réduction de la place et des interventions de l’État dans le fonctionnement des structures labellisées depuis 2019. Cette mise en retrait participe des arbitrages rendus pour la mise en application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « Notre ». Elle se traduit par l’organisation d’un travail ministériel plus centralisé sous l’égide de la DGE, tandis que les services déconcentrés de l’État jouent un rôle plus restreint et disparate. Ceux-ci appréhendent désormais l’activité des pôles de compétitivité dans l’exercice de leurs compétences relatives au suivi des filières stratégiques et aux politiques d’innovation.
En second lieu, la régionalisation conduit à un renforcement très notable du poids et de la place des conseils régionaux. Cela va dans le sens de l’histoire, mais il peut arriver que des positionnements locaux exposent les pôles à des injonctions contradictoires. La première difficulté réside dans les divergences possibles entre certains agendas régionaux et les objectifs généraux de la politique nationale d’innovation. De surcroît, certaines collectivités tendent à réduire les pôles de compétitivité à des dispositifs exclusivement territoriaux, dont le développement ne devrait servir que le seul intérêt régional. Or le développement et la structuration de leurs activités s’affranchissent des limites administratives. Par ailleurs, de tels positionnements peuvent mettre en cause le fonctionnement des pôles interrégionaux.
C’est en considération de ces constats que je formule plusieurs recommandations qui visent à répondre à trois besoins. D’abord, il faut assurer la présence de l’État auprès des pôles de compétitivité et préserver la capacité des administrations centrales et des services déconcentrés à suivre leur action. Aussi, je recommande d’y maintenir des effectifs suffisants pour l’exercice des missions qui permettent un suivi des pôles de compétitivité. Il s’agit aussi de maintenir une certaine proximité entre les services déconcentrés de l’État et les pôles de compétitivité, raison pour laquelle je recommande de reconnaître aux directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) la faculté de siéger dans les organes de gouvernance des pôles de compétitivité – en qualité d’invités et sans droit de vote – et d’organiser des circuits d’information.
Il faut ensuite concilier les principes et les objectifs de l’action publique. À cet effet, je recommande : d’une part, d’organiser la pleine intégration des orientations et objectifs généraux inscrits dans les documents établis par l’État et les régions ; d’autre part, d’instituer un cadre de discussion entre les collectivités publiques et les autres acteurs du dispositif. Il importe enfin d’organiser une évaluation croisée des pôles de compétitivité. C’est pourquoi je recommande d’harmoniser les critères d’évaluation retenus dans le cadre de l’exécution des contrats d’objectifs et de performance.
Dernier enseignement : il faut consolider les participations publiques et diversifier les ressources. De fait, le soutien budgétaire de l’État revêt depuis 2018 un caractère résiduel. Ce constat vaut particulièrement pour les moyens de fonctionnement. À compter de 2025, vous le savez, la programmation budgétaire ne prévoit plus de crédits d’intervention pour le soutien à la gouvernance des pôles. Or la participation de l’État peut représenter de 10 % à 25 % des ressources de ces structures. Les régions s’imposent depuis plusieurs années comme les collectivités publiques participant le plus au financement des pôles, leur participation pouvant atteindre 37 % des ressources. Elles voient par ailleurs leur rôle conforté par la mission qui leur est confiée de verser les crédits délégués par l’État.
La part prépondérante que les régions ont acquise dans le financement des pôles peut soulever deux questions. La première concerne la contribution des collectivités à l’équilibre du modèle économique des structures. De fait, la participation des régions ne paraît pas pouvoir compenser, à ce stade, les effets du désengagement financier de l’État. Par ailleurs, le bilan dressé par les pôles que j’ai auditionnés souligne le caractère inégal du montant des subventions versées par les régions. La seconde question porte sur l’évolution de l’influence des régions dans la détermination des priorités, avec le risque – de nouveau – d’injonctions contradictoires.
En définitive, la question posée est celle de la capacité des pôles à assurer l’équilibre de leur modèle économique, sachant que le développement de l’autofinancement peut comporter des aléas. Les financements privés représentent déjà 52 % à 55 % des ressources des pôles en fonctionnement. Or il existe une incertitude quant à l’élasticité des ressources supplémentaires que les pôles peuvent obtenir. Par ailleurs, certains acteurs alertent sur les impacts d’une telle politique sur l’équilibre du fonctionnement des pôles, ainsi que sur leur positionnement dans le champ du soutien à l’innovation des entreprises. C’est pourquoi je défendrai un amendement demandant au Gouvernement un rapport sur l’impact de la fin du soutien de l’État à la gouvernance des pôles. Je vous remercie de votre attention.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.
M. Lionel Tivoli (RN). Un principe simple mérite d’être rappelé : en dehors du cas spécifique des emplois publics, ce sont nos entreprises qui créent des emplois dans notre pays. Le rôle de l’État est d’assurer l’existence d’un écosystème global favorable à leur création et à leur développement. La France compte, bien sûr, de nombreux fleurons internationaux dont nous sommes tous fiers, mais l’essentiel de la vitalité de notre tissu économique est assuré par les très petites, les petites et les moyennes entreprises (TPE et PME), qui sont les premiers employeurs de notre pays.
Force est de constater que le soutien de l’État à la compétitivité des entreprises est loin d’être suffisant. Dans le projet de loi de finances pour 2025, et plus spécifiquement dans le programme 134 relatif au développement des entreprises, le montant des autorisations d’engagement est en baisse de 17 %, soit une perte de 520 millions d’euros environ. Quant aux crédits de paiement, ils diminuent de près de 7,5 %, soit quasiment 200 millions d’euros. Une fois de plus, les paroles ne sont pas en conformité avec les actes. Créer une ligne budgétaire pour la décarbonation de l’industrie, c’est bien ; mais soutenir substantiellement nos entreprises face à l’augmentation massive du coût de l’électricité, c’est mieux ! Réduire le déficit public qui menace à terme notre souveraineté, c’est bien – c’est même impératif ; mais cela ne doit pas se faire au détriment de la protection de notre tissu économique !
Il est possible de faire de saines et nombreuses économies, en supprimant notamment de nombreuses agences dont l’efficacité n’est absolument pas démontrée et qui grèvent le budget de l’État. La compétitivité de nos entreprises passe notamment par une meilleure employabilité des salariés, une fiscalité qui ne soit pas pénalisante ainsi que par le fléchage des investissements vers les TPE et PME. Ce sont autant de mesures qui font actuellement défaut dans ce projet de loi de finances. En ces temps difficiles, nos entrepreneurs comptent sur notre soutien réel et efficace. Je crois qu’il est urgent d’agir !
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Je partage l’idée suivant laquelle ce sont les petites et moyennes entreprises qui, pour l’essentiel, constituent le tissu économique français. Je voudrais néanmoins rappeler que le programme 134 n’est pas le seul à défendre l’intérêt des entreprises. Quant à la baisse de 17 % que vous avez évoquée, elle concerne des autorisations d’engagement et leur montant tient compte de ce qui s’est passé en 2023 et 2024, en particulier la consommation des crédits de la compensation carbone. Pour le reste, il n’y a que des évolutions à la marge. S’agissant enfin des organisations qui, selon vous, pourraient être regroupées ou supprimées, je vous invite à vous intéresser à ce que fait l’Autorité de la concurrence pour défendre les entreprises françaises – par exemple, face aux situations de concurrence déloyale ou sur des marchés défavorables aux entreprises françaises. J’en veux notamment pour preuve la récente condamnation d’opérateurs internationaux comme Apple.
M. Stéphane Buchou (EPR). Je tiens d’abord à saluer la qualité de votre travail et vous remercier au nom de mon groupe. La mission Économie constitue le support de la politique de soutien public au développement de l’économie et de ses acteurs. Ses objectifs sont le développement de la compétitivité des entreprises, propice à l’emploi et à la croissance, la régulation et la sécurisation des marchés économiques, ainsi que la protection des consommateurs.
Le programme 134 comprend trois types d’actions. Certaines visent à soutenir le développement des entreprises aux échelles nationale et internationale ; d’autres sont destinées à porter les moyens des autorités administratives et des services ministériels chargés de missions de régulation ; d’autres enfin concernent le développement des postes, des télécoms et du numérique.
Ce programme inclut pour 2025 une action intitulée Mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire, pour un montant total de 5 millions d’euros. Vous l’avez rappelé, le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’établit à 2,457 milliards d’euros, soit une baisse de 7,49 % en crédits de paiement et de 17 % en autorisations d’engagement.
Même si nous sommes dans un contexte contraint de maîtrise de la dépense publique, je m’interroge sur les réductions proposées, tant du point de vue des montants que des dispositifs ou organismes concernés.
Vous indiquez dans votre rapport que « les crédits budgétaires tels que présentés permettent de contribuer au financement des dispositifs et des mesures nécessaires à la compétitivité des entreprises et à leur croissance tout en préservant les consommateurs ». En consultant la partie du rapport consacrée à la réduction du déficit public, on note néanmoins la baisse de la subvention à Atout France, la réduction du financement des études et statistiques, l’extinction d’actions de développement des PME, mais aussi la non-reconduction du dispositif « Quartiers 2030 », du fonds territorial d’accessibilité, des actions de soutien à la gouvernance des pôles de compétitivité, de la subvention versée à l’Association française de normalisation (Afnor), des soutiens au tourisme – en dehors d’Atout France –, aux métiers d’art et aux centres techniques industriels et assimilés et de la contribution aux organismes internationaux dans le domaine de l’industrie. Nous aimerions que vous nous rassuriez : les objectifs initiaux seront-ils bien atteints ? Quant à La Poste – qui exerce des missions de service public auxquelles nous sommes tous très attachés dans cette commission, en particulier dans les territoires ruraux – et pour avoir rencontré plusieurs fois ses représentants dans mon département, je souhaiterais savoir si elle a bien les moyens de ses objectifs.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Nous avons été particulièrement vigilants à l’égard de ces évolutions lors de l’élaboration du rapport. Certains budgets ont été réduits en raison du caractère ponctuel d’investissements liés, par exemple, aux Jeux olympiques et paralympiques. Certaines actions se sont éteintes, tandis que d’autres pourront être poursuivies. Nous en discuterons lors des débats en séance publique.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Aveuglés par le dogme de la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée » depuis 2017, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron n’ont qu’une obsession : libérer les forces du marché et développer la compétitivité des entreprises, celle-ci devenant ensuite le prétexte pour imposer des régressions sociales. Il ne se dégage aucune stratégie de long terme pour nos entreprises et le gouvernement dirigé par Michel Barnier ne fait pas exception.
Le Gouvernement et vous, ses soutiens, vantez en séance des résultats économiques mirobolants. Mais vous oubliez de dire qu’ils ne sont pas dus aux grands groupes, qui ont détruit 249 000 emplois en dix ans, mais bien aux TPE et PME, seules à créer des emplois en France. Et que faites-vous pour les protéger des grands groupes qui mettent des mois à les payer, alors qu’elles sont en grande difficulté ? Rien ! C’est même pire : alors que la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence sont les seuls garde-fous, le Gouvernement veut diminuer leurs budgets et y supprimer des postes. Vous avez rendu l’État impuissant, le privant petit à petit des moyens d’intervenir dans la vie économique.
Monsieur le rapporteur, vous indiquez dans votre rapport que l’évolution des ressources attribuées aux autorités et services chargés de la régulation pose question. Les crédits alloués à la DGCCRF diminuent de 3 %, tandis que ses effectifs seront passés de 3 723 ETP en 2017 à 2 840 ETP en 2025. En près d’une décennie, elle aura ainsi perdu près de neuf cents agents, soit un quart de ses effectifs.
Pourtant vous, les macronistes, annoncez sans cesse sur les plateaux de télévision et de radio le renforcement des contrôles visant à pénaliser les entreprises qui ne jouent pas le jeu. La loi Egalim n’est pas respectée ? L’hiver dernier, afin de répondre aux manifestations agricoles, le ministre de l’économie de l’époque annonce doubler les contrôles des entreprises agroalimentaires et de la grande distribution. Mais derrière le coup de com’, la réalité est toute autre : on demande à la DGCCRF de faire davantage de contrôles avec moins d’agents, alors que c’est impossible. L’entreprise Wish a pu vendre pendant des années des produits à faible coût, en fraudant à la TVA et en contribuant à la destruction de 85 000 emplois en dix ans. Sans la DGCCRF, qui l’a mise en cause pour des manquements graves à la sécurité des produits, elle aurait pu continuer ses pratiques déloyales sans être inquiétée. La DGCCRF est aussi l’administration qui a analysé la qualité des gels hydro-alcooliques pendant la pandémie de covid-19, qui a détecté la contamination d’œufs au fipronil en 2017 et qui est intervenue dans le scandale du lait infantile contaminé par Lactalis en 2018 et 2019. Si vous continuez à la déshabiller, qui garantira l’impartialité et l’objectivité ? Personne… et nous le savons tous ! La logique comptable de réduction des moyens et des personnels alloués au développement économique est mortifère ! Nous avons besoin de tous ces agents pour transformer notre économie et affronter les enjeux de demain.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Je regrette que vous n’ayez pas assisté aux échanges que nous avons eus avec la DGCCRF : votre position aurait sans doute été quelque peu différente et, en tous cas, un peu moins dogmatique. Vous évoquez des baisses, mais j’observe une hausse des autorisations d’engagement de 4,68 % et des crédits de paiement de 1,98 %.
Je suis néanmoins sensible à quelques-unes de vos remarques. Je demande au Gouvernement un rapport sur l’évolution des missions et du personnel de la DGCCRF. Si la DGCCRF a relevé plusieurs infractions, c’est bien la preuve qu’elle fonctionne correctement. Il faut donc se préoccuper de l’évolution de ses missions et de leur efficience, davantage que du nombre d’ETP…
Mme Valérie Rossi (SOC). L’examen du rapport sur le programme Développement des entreprises et régulations est toujours un exercice insatisfaisant, tant les crédits budgétaires représentent une fraction minime des moyens budgétaires dévolus aux entreprises, principalement constitués de dépenses fiscales et d’aides diverses.
Je regrette d’ailleurs que nos propositions pour une plus forte conditionnalité des aides à des critères environnementaux et sociaux aient été rejetées à ce stade, au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. On le voit bien avec l’exemple de Sanofi et l’utilisation du crédit d’impôt recherche : nous ne pouvons continuer de mobiliser de tels moyens pour des multinationales qui décident d’arrêter de produire en France et ne contribuent pas suffisamment, en contrepartie, à notre souveraineté industrielle.
Mon groupe a eu l’occasion, il y a quelques jours, de regretter également le recul des moyens dévolus à Business France et à Atout France, opérateurs chargés d’accompagner la promotion de notre pays à l’international et d’attirer à nous les touristes et les investisseurs, qui subissent des coupes arbitraires et délétères. Même les chambres consulaires, qui apportent un vrai service de proximité et un soutien à nos entrepreneurs, à nos artisans et à nos agriculteurs, voient leurs moyens fondre au soleil au point de remettre en cause leur capacité de fonctionnement et les services qu’elles proposent.
J’appelle enfin votre attention sur la fragilité des missions confiées au groupe La Poste. Dans ma circonscription des Hautes-Alpes, particulièrement dans la commune de L’Argentière-La-Bessée, les fermetures de bureau de poste et les vacances de poste se multiplient, privant les habitants d’un service public indispensable. Comment garantir alors le maintien des missions de service public de La Poste avec une telle trajectoire budgétaire ?
Que nous reste-t-il, alors, dans ce rapport ? La principale dépense du programme correspond au mécanisme de compensation carbone des électro-intensifs – auquel nous sommes tous attachés – mais dont l’évolution est essentiellement le fait des prix de l’énergie. Son montant a été multiplié par dix entre 2020 et 2023 et il connaît désormais une relative stabilisation.
En revanche, deux disparitions nous semblent tout à fait regrettables. La première est celle du fonds territorial d’accessibilité, doté de 50 millions d’euros en 2024, qui avait vocation à cofinancer les travaux de mise en accessibilité de petits commerces et d’établissements du quotidien, notamment en vue de l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. C’était surtout une nécessité pour de nombreux citoyens. Alors que 300 millions d’euros étaient prévus pour abonder le fonds sur la période 2023-2028, sa disparition accentue à nouveau la fracture de notre société. Plus grave, nous avons découvert la disparition de la subvention dévolue à l’Association française de normalisation. Lors de la visite des députés socialistes et apparentés au salon Global Industrie en début d’année, de nombreux acteurs nous ont signalé à quel point la bataille de la normalisation était stratégique au niveau international pour favoriser les solutions technologiques et techniques propres à chaque pays. La France doit pouvoir déployer toute sa force de négociation dans ces instances pour promouvoir les intérêts de nos acteurs économiques, en particulier industriels. Au pays champion des normes, la suppression de cette subvention constitue une erreur majeure.
À moins que ces réductions ne soient corrigées et étant donné notre avis sur les programmes Commerce extérieur et Tourisme, nous voterons contre les crédits de la mission Économie.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Je partage votre souhait de refondre la présentation du programme 134, car il est vrai que la maquette en est un peu confuse. Cela permettrait une plus grande lisibilité. Le financement des chambres de commerce et d’industrie fait l’objet d’un amendement qui sera examiné plus tard. Toutefois, il faut être précis : leur financement repose sur une taxe affectée qui ne relève pas du programme 134. Quant au fonds territorial d’accessibilité, nous avons sollicité un certain nombre d’informations. Le dispositif connaît un démarrage relativement lent, avec 464 dossiers financés pour un million d’euros. Il y aura donc un glissement dans les dépenses et les crédits devraient couvrir les dépenses l’année prochaine.
M. Jérôme Nury (DR). Je vous remercie tout d’abord, monsieur le rapporteur, pour les développements denses et fournis que votre rapport consacre aux pôles de compétitivité. Pour le reste, la partie consacrée aux moyens budgétaires recoupe le rapport que j’ai moi-même remis la semaine dernière sur les télécommunications électroniques. Je suis heureux de constater que nous parvenons aux mêmes conclusions s’agissant de La Poste – pour laquelle la commission a voté un surplus de 130 millions d’euros au titre de l’aménagement du territoire –, de l’ANFR et des crédits numériques. Nous avons un seul désaccord, mineur, sur les moyens dévolus à l’Arcep que je pense, pour ma part, largement suffisants dans le contexte budgétaire actuel et au regard du fonctionnement très conséquent de cette autorité.
Je m’étonne de la faible contribution consentie par les services de Bercy à l’effort budgétaire. Dans le périmètre du programme, le plafond d’emplois passe de 4 596 à 4 587 ETP, soit une baisse ridicule de seulement neuf emplois. N’y aurait-il pas lieu de diminuer plus drastiquement les effectifs des services centraux de Bercy, afin de réduire le déficit colossal du budget pour 2025 ?
Enfin, ne pensez-vous pas que les pôles de compétitivité ont surtout profité aux grands centres urbains et aux métropoles, déjà très avantagés et aidés ? D’ailleurs, la carte figurant dans le rapport indique qu’ils sont centrés sur les plus grandes villes de France. Il ne me semble pas que les TPE, les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de nos territoires aient bénéficié d’un quelconque « ruissellement ».
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Il n’y a pas de plagiat ! La complémentarité de nos travaux prouve que, même à l’aveugle – et c’est rassurant ! –, on peut arriver à une convergence de vues.
Vous portez une appréciation personnelle sur le nombre d’emplois de certaines agences. Objectivement, il faut sérier les sujets ! La DGE a déjà réalisé un travail de fond afin d’optimiser son organisation financière et humaine. Il serait utile de mener une réflexion plus globale sur la programmation pluriannuelle de l’emploi, dans la mesure où la logique annuelle et calendaire pose des problèmes de projection et de gestion. En outre, on constate une importante évolution des missions, qui génère des besoins en personnel qui méritent d’être rationalisés.
Sur les pôles de compétitivité, je vous rejoins sur un certain nombre de points. La concentration des structures reflète la concentration géographique des entreprises et des ressources. C’est pourquoi j’appelle de mes vœux un travail d’harmonisation reposant sur une organisation État-régions territorialisée et sur des logiques stratégiques, bien qu’il soit difficile d’implanter un pôle de compétitivité dans une région où la ressource en emplois n’est pas importante et où l’absence de certains facteurs, comme les moyens de déplacement, empêche les entreprises de s’installer.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous l’avez dit : ce programme ne rassemble pas tous les moyens consacrés aux entreprises, mais, comme d’autres, il subit des coupes budgétaires qui semblent aléatoires. On ne sait pas quelle est la ligne. Vous n’avez pas donné votre avis sur plusieurs programmes qui arrivent à extinction, comme le plan « Quartiers 2030 » : n’est-il donc plus nécessaire de soutenir les initiatives économiques dans les quartiers ? De même, ce n’est pas parce que le plan territorial d’accessibilité démarre lentement qu’il ne faut pas lui donner les moyens de fonctionner. Quant au retrait de l’État de la gouvernance des pôles de compétitivité, il risque de pousser les régions à les orienter au service d’enjeux territoriaux, au détriment de l’intérêt de la Nation. On pourrait également citer la fin du soutien au tourisme ou encore de l’aide versée par Bpifrance pour faciliter la transformation des PME en ETI. C’est bien le problème de ce programme : on ne voit pas les orientations qui sont données ; pourtant, il est vital d’accompagner les entreprises, notamment dans leur bifurcation écologique et sociale.
Permettez-moi de ne pas me réjouir de l’importance des crédits alloués à la compensation carbone : leur conditionnalité est relativement faible et ils risquent de financer le greenwashing. Compenser les émissions de gaz à effet de serre, c’est bien ; les réduire, c’est mieux ! D’autres crédits sont prévus pour soutenir la décarbonation : très bien ! Mais il faudra regarder comment ils vont être utilisés. La programmation prévoit un crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV), qui me paraît nécessaire. Dans les deux cas, il faut mesurer leur efficacité. Pour réindustrialiser le pays, nous avons besoin de ces soutiens !
Enfin, j’observe un écart important entre les aides aux PME-PMI, qui supportent l’essentiel des coupes budgétaires, par comparaison aux aides aux grandes entreprises : 40 % du mécanisme de compensation carbone est ainsi orienté vers les entreprises électro-intensives, c’est-à-dire les très grandes entreprises. Il faudrait qu’une annexe budgétaire donne une vision claire non seulement des soutiens apportés par l’État et des aides versées aux PME-PMI, mais aussi aux très grandes entreprises.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Les crédits du plan territorial d’accessibilité qui n’ont pas été consommés cette année le seront lors des exercices futurs : il n’était donc pas nécessaire d’en ouvrir de nouveaux. C’est pour cela que j’évoquais les 494 dossiers déposés en 2024, qui n’ont donné lieu jusqu’à présent qu’à l’engagement d’un million d’euros. Les crédits consacrés au tourisme connaissent peut-être une décroissance, mais cette évolution relève en partie un transfert de compétences aux régions. Enfin, la baisse des crédits alloués à la compensation carbone s’accompagne d’une nouvelle ligne budgétaire de 50 millions d’euros pour la décarbonation de l’industrie. Les entreprises électro-intensives ont un besoin d’accompagnement proportionnel à leurs investissements.
Je partage votre point de vue en matière stratégique : un budget doit s’inscrire dans une perspective pluriannuelle. Hélas, ce projet de loi de finances a été élaboré dans des délais contraints. J’espère que les exercices futurs nous permettront d’envisager un accompagnement sur des durées plus longues afin de garantir l’effectivité de la consommation des crédits et l’efficacité de l’argent public.
M. Thomas Lam (HOR). Dans une situation budgétaire complexe et en raison de l’année exceptionnelle due aux Jeux olympiques, le groupe Horizons comprend qu’il fallait réévaluer les crédits alloués aux entreprises pour s’assurer de l’efficience des structures et de leurs compétences. Toutefois, il nous semble très important de maintenir au maximum les aides à l’export, notamment pour les PME, car elles permettent d’aller chercher des relais de croissance à l’extérieur et de ramener en France de l’argent et de l’emploi.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Je partage votre philosophie concernant la nécessité d’améliorer les organisations.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions individuelles.
M. Guillaume Lepers (DR). Je partage la même réflexion que mon collègue. Venant d’un territoire rural du Lot-et-Garonne, je constate moi aussi l’absence de ruissellement des pôles de compétitivité. Je regrette que l’État et les régions, sans doute pour des raisons pratiques, se focalisent d’emblée sur les grandes métropoles en affirmant aux zones rurales qu’elles profiteront du ruissellement. Nos territoires ont pourtant des atouts pour le développement des pôles de compétitivité : une main-d’œuvre disponible – le taux de chômage est parfois supérieur de trois à quatre points à la moyenne nationale – et un foncier accessible et peu cher, si l’on met de côté le problème du zéro artificialisation nette (ZAN). Reste la question de la formation.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Les créations de pôle de compétitivité procèdent d’une relation contractualisée entre les régions et l’État sur des sujets précis. Ils ne s’inscrivent pas dans une logique spontanée de « ruissellement », qu’il serait du reste difficile de mesurer. Le rapport avance un chiffrage raisonnable, soit 2,80 euros de retombées pour un euro investi… mais il est difficile d’évaluer les retombées précises dans les territoires. Je ne suis pas sûr que tel soit l’esprit des pôles de compétitivité. J’ai toutefois souligné un risque d’enfermement – ou, en tout cas, de limitation du rayonnement – des pôles de compétitivité en fonction de politiques régionales centrées qui ne permettent pas l’évolution que vous espérez. Il faut être sensible à cette question. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement demandant une évaluation croisée des pôles de compétitivité, conformément à l’une de mes recommandations.
M. Charles Fournier (EcoS). Un rapport sur les pôles de compétitivité n’est pas suffisant. Il faudrait maintenir les crédits de l’État ! Vous l’avez fait remarquer : sans cela, les régions en feront un instrument à leur service, pas un instrument qui pourrait avoir un intérêt au-delà, pour les territoires ruraux ou d’autres territoires de notre pays.
J’ajoute que les crédits pour la transmission des entreprises stagnent, alors que trente mille entreprises disparaissent chaque année. Vous expliquez les autres baisses de crédits par une absence de dynamique, mais celle-ci est en hausse. Nous prenons là un risque.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. La transmission des entreprises ne relève pas du programme 134.
Je précise que le financement de l’État va aux associations qui accompagnent les pôles de compétitivité, pas aux projets eux-mêmes. Nous nous heurtons à une difficulté technique concernant la quote-part d’abondement de l’État à ces structures associatives, car nous n’avons pas trouvé l’accompagnement idoine pour envisager une substitution. Comment abonder les besoins résiduels de fonctionnement, qui représentent 10 à 15 % du budget, étant donné que l’État se désengage en 2025 ? Faut-il confier une part prépondérante de ce financement aux régions, qui financent déjà 30 % à 35 % des pôles de compétitivité ? Qui d’autre peut intervenir ? Il faut trouver des éléments complémentaires pour ce financement résiduel. C’est pourquoi je préconise un maintien des représentants de l’État au sein des structures associatives, plutôt que d’aborder le sujet sous le seul angle du financement.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE26 de M. Alexandre Loubet
M. Alexandre Loubet (RN). Nous en convenons tous, la France manque cruellement de capitaux pour soutenir son économie et l’innovation. Le plan « France 2030 », doté de 54 milliards d’euros sur une durée de cinq ans seulement, reste largement insuffisant. En témoignent la reprise de la désindustrialisation, de même que les difficultés rencontrées par de très nombreux secteurs comme celui de l’automobile. Pour résorber ce déficit chronique de capitaux, le Rassemblement national propose la création d’un fonds souverain français, comme il en existe dans de nombreux autres pays, pour orienter l’épargne des Français vers l’économie réelle. La mobilisation de cette épargne se ferait – c’est important ! – sur la base du volontariat des épargnants.
Ce véhicule d’investissement, au rendement et au capital garantis par l’État, permettrait aux ménages qui le souhaitent d’investir directement dans l’économie française. Il contribuerait à préserver l’existant, par exemple en soutenant les TPE-PME et les grandes entreprises, en développant les grandes infrastructures – de plus en plus dégradées – et en sauvant des fleurons nationaux stratégiques pour éviter leur rachat par des fonds étrangers, souvent synonymes de délocalisation et de pillage technologique.
Ce fonds permettrait aussi d’accompagner la transition écologique en aidant les ménages à rénover leur logement au lieu d’imposer des normes excessives comme le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui, d’ici quatre ans, devrait priver le parc locatif français de près de 18 % de ses logements.
Il permettrait enfin de préparer l’avenir en soutenant l’innovation et la recherche afin de favoriser le développement de l’intelligence artificielle, domaine dans lequel notre politique se résume à réguler en imposant toujours plus de normes, et celui des énergies indispensables pour l’avenir, comme le nucléaire et l’hydrogène.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le fonds que vous proposez de créer est une sorte de « déjeuner de soleil » qui « tape » tous azimuts, ce qui ne contribue pas à l’efficacité de l’action publique – objectif que nous devons chercher dans la situation budgétaire d’aujourd’hui. Par ailleurs, ses modalités de financement priveraient le programme 134, qui participe déjà à l’effort de réduction des déficits, d’un million d’euros de ressources utiles.
M. Jérôme Nury (DR). Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le rapporteur. La vraie question est la suivante : comment mobiliser l’épargne des Français pour préserver notre souveraineté dans des domaines qui nous échappent au profit de fonds d’investissement étrangers, souvent américains ou chinois ? Nous avons du mal à garder la main sur nos entreprises. La création d’un grand fonds français me paraît donc plus qu’urgente. Je ne sais pas si c’est la bonne ligne budgétaire ni si le fonds nécessite un amorçage d’un million d’euros, mais la proposition mérite d’être creusée.
M. Charles Fournier (EcoS). Je déplore que cette proposition, comme le plan « France 2030 », privilégie l’échelle nationale au détriment d’une logique européenne. Je remarque également que vous voulez distribuer beaucoup d’argent public sans règles, ce qui n’est jamais une bonne idée. Il faut les deux : des moyens importants et des règles pour savoir vers quelle transformation nous allons. Il ne faut pas rejeter toutes les normes, même si certaines doivent être améliorées ou revisitées.
M. Hervé de Lépinau (RN). Je partage les propos de notre collègue Jérôme Nury : la création d’un fonds français est indispensable. Je rappelle que des fleurons de l’aéronautique civile et militaire, c’est-à-dire des entreprises directement liées à notre souveraineté en matière de défense, nous ont échappé, car Bpirance n’était pas équipée pour procéder au rachat de ces sociétés.
Ajoutons que, pour attirer les fonds, il faut être attrayant. De ce point de vue, certains amendements défendus hier en séance publique par LFI ne nous rassurent pas. Si nous continuons à cogner comme des sourds sur les porteurs de parts, vous pouvez être certains que l’attrait pour l’actionnariat populaire sera insuffisant pour abonder un fonds souverain qu’il est urgent de créer.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Les PME et ETI françaises ne pâtissent pas de difficultés d’accès à la dette, mais d’un manque d’accès aux capitaux. Les dispositifs actuels proposés par le Gouvernement, directement ou par l’intermédiaire de Bpifrance, sont essentiellement des dispositifs qui affaiblissent le bilan des entreprises en alourdissant leur dette. Il existe un fort besoin d’investissement en capitaux dans les PME et les ETI innovantes, qui ont besoin d’être soutenues dans leur prise de risque, et dans celles pour lesquelles il existe un enjeu de transmission. Il me semblerait donc extrêmement bien venu de créer un fonds français qui prendrait ses responsabilités, voire interviendrait en complément de fonds spécialisés. On peut favoriser un apport de capitaux en plus de mécanismes de garantie, y compris avec des fonds européens qui existent déjà. Il y a là un besoin.
La commission adopte l’amendement CE26.
Après l’article 60
Amendement II-CE215 de M. Xavier Albertini
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Comme annoncé par le Gouvernement, la programmation budgétaire pour 2025 ne comporte plus de soutien à la gouvernance des pôles de compétitivité. Cela marque l’aboutissement d’une trajectoire engagée depuis 2019 et qui a conduit à la suppression progressive des crédits de l’action n° 23 du programme 134. Si cette mesure s’inscrit dans le mouvement de régionalisation du dispositif, notamment en conséquence des dispositions de la loi Notre, il importe que les pouvoirs publics puissent veiller au bon fonctionnement de ces structures et à la préservation d’un modèle économique qui apporte une contribution importante à la politique de soutien à l’innovation et à la compétitivité des entreprises. Mon amendement propose de demander au Gouvernement un rapport d’évaluation afin de tirer des conséquences utiles pour le bon fonctionnement du dispositif.
M. Jérôme Nury (DR). Je comprends ce besoin d’évaluation… mais la demande d’un rapport, dont l’élaboration mobilise des fonctionnaires, n’est-elle pas contradictoire avec l’urgence budgétaire qui implique de réduire les effectifs dans la fonction publique ? On passe notre vie, ici, à demander des rapports !
M. Charles Fournier (EcoS). Demander un rapport à des fonctionnaires sur la suppression des moyens dont ils disposent pour agir… Voilà une curieuse proposition !
Je préférerais une mesure plus directe. J’aurais dû déposer des amendements pour maintenir ces crédits et la présence de l’État au tour de table, car, souvent, quand l’État cesse de soutenir un dispositif qu’il a lui-même créé, c’est aux collectivités de prendre le relais. Cela se rajoute à tout ce qu’elles vont devoir prendre en charge en conséquence du budget.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. L’évaluation est toujours utile quand elle est faite avec intelligence et respect. J’ajoute qu’on ne peut pas conclure de l’inutilité d’un rapport avant d’en connaître la teneur. Si on juge que tout rapport est inutile, on peut alors s’interroger sur les raisons de notre présence dans cette salle ce matin ! Enfin, plutôt que de chercher à tout prix à réduire le nombre de fonctionnaires, je pense qu’il est préférable de viser la rationalisation de leur travail.
Ce rapport me semble utile, car nous n’avons pas trouvé de solution idoine ménageant à la fois la nécessité de réduire les charges budgétaires et celle de garantir l’efficacité des pôles de compétitivité.
La commission adopte l’amendement CE215.
Amendement II-CE216 de M. Xavier Albertini
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à assurer la pertinence de la dotation budgétaire allouée à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au-delà de l’exercice 2025. Ainsi que le démontrent les travaux de notre commission des affaires économiques, la DGCCRF voit s’élargir, depuis plusieurs années, le champ des missions, priorités et objectifs que lui assignent les pouvoirs publics. Alors que la DGCCRF s’apprête à formaliser la « feuille de route » qui structurera ses actions pour la période 2024-2027, il importe de garantir sa capacité à répondre aux grands enjeux que recèlent, pour la vie quotidienne de nos compatriotes, la protection et l’accompagnement des consommateurs, le respect du jeu de la concurrence et la loyauté des transactions. La demande d’un rapport au Gouvernement doit permettre d’éclairer les choix du Parlement quant à l’évolution des crédits consacrés au fonctionnement et aux activités de la direction.
M. Jérôme Nury (DR). Encore une demande de rapport ! J’ai l’impression qu’elle est dictée par Bercy pour justifier une éventuelle baisse des effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes… Je ne pense pas que nous ayons besoin de cela.
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. Je comprends la rhétorique et la constance de notre collègue sur le sujet… mais nous sommes des parlementaires libres, et la plume qui écrit mon rapport n’est pas celle de Bercy !
Le rapport demandé par l’amendement nous permettra d’évaluer l’adéquation des crédits à l’évolution des missions de la DGCCRF. Plutôt que d’ajouter des crédits aux crédits au fil des exercices, il me paraît plus pertinent de s’interroger sur les orientations suivies.
M. Hervé de Lépinau (RN). La DGCCRF a besoin d’effectifs suffisants pour mener à bien ses missions de contrôle. Ce besoin existe également pour le contrôle de l’application de certaines dispositions des lois Egalim, notamment l’application des contrats. Que pensez-vous de l’idée de transférer des fonctionnaires du ministère de l’agriculture vers Bercy pour renforcer les équipes de contrôle ?
M. Xavier Albertini, rapporteur pour avis. C’est une bonne idée ! Elle s’inscrit dans le cadre de l’orientation des politiques pluriannuelles de recrutement de fonctionnaires. On fait trop souvent du « coup par coup » et, lorsque le recrutement n’est pas réalisé, les crédits alloués tombent, alors que la mission est toujours valide. Il arrive également de voir des missions s’ajouter à des missions antérieures, alors que ces dernières auraient dû être annulées. Il nous faut réfléchir à l’efficience et à l’efficacité du recrutement des fonctionnaires.
La commission adopte l’amendement CE216.
Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du jeudi 24 octobre 2024 à 9 heures
Présents. – M. Xavier Albertini, M. Alexandre Allegret-Pilot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Stéphane Buchou, M. Charles Fournier, M. Julien Gabarron, Mme Mathilde Hignet, M. Thomas Lam, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, M. Jérôme Nury, M. René Pilato, Mme Valérie Rossi, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Stéphane Vojetta, M. Frédéric Weber
Excusés. – Mme Delphine Batho, M. Philippe Bolo, Mme Christine Engrand, M. Harold Huwart, Mme Hélène Laporte, M. Laurent Lhardit, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Matthias Tavel