Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Audition de M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie 2
Mercredi 6 novembre 2024
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 19
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission des affaires économiques a auditionné M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Mes chers collègues, nous accueillons cet après‑midi Monsieur Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de prendre le temps d’échanger avec la commission des affaires économiques, que vous connaissez par ailleurs très bien… (Sourires.) Votre audition présente d’autant plus d’intérêt que notre assemblée débat encore de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et que notre commission vient d’achever l’examen de dix avis sur les crédits qui la concernent dans la seconde partie de ce PLF. Au-delà des débats budgétaires et des choix du Gouvernement pour nos finances publiques, nous souhaitons que cette première audition soit l’occasion d’aborder votre feuille de route des prochains mois, sachant que votre portefeuille ministériel est très vaste.
Notre commission est attentive et attachée au développement des capacités productives de la France, à la préservation de notre souveraineté industrielle et agricole, au maintien d’emplois de qualité et à la transition écologique des outils productifs. C’est pourquoi elle a entendu, au cours des dernières semaines, les dirigeants des groupes Michelin, Sanofi France ou encore Stellantis, ce matin.
Nous savons désormais que les scénarios budgétaires de Bercy sont faillibles. N’y a‑t‑il pas un fort risque récessif avec le projet de loi de finances pour 2025 tel qu’il est proposé par le Gouvernement ? Dans les conditions économiques défavorables qui se dessinent, l’action de l’État ne devrait-elle pas plutôt s’accroître en matière de soutien à l’économie ? N’est-il pas nécessaire de protéger davantage notre tissu productif, a fortiori à l’aune des résultats des élections américaines, qui bouleversent évidemment la donne économique ?
Concernant le travail et l’emploi, ces derniers jours, vous avez à plusieurs reprises appelé à ce que les actifs puissent travailler davantage pour assurer le financement de la protection sociale. Toutefois, les statistiques montrent que la catégorie A, celle des demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, compte plus de trois millions de chômeurs et ne cesse d’augmenter. Ne vaudrait-il pas mieux réfléchir à de nouvelles manières de résorber le chômage, plutôt que d’augmenter le nombre d’heures travaillées par actif ? Qu’envisagez-vous pour les salaires réels, qui ont diminué ces trois dernières années ?
Depuis 2017, vous êtes attaché aux dispositifs de participation et d’intéressement, mais ils n’ont pas permis de hausse globale significative du pouvoir d’achat des salariés. Quel bilan tirez-vous sur ce plan ?
Que proposez-vous pour dynamiser les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), qui constituent souvent le fondement de la valeur produite dans notre pays ? Au-delà d’événements comme « Choose France » à fort retentissement médiatique, où en est le processus de planification et de réindustrialisation voulu par les pouvoirs publics ? Y en a-t-il même un ? Quel bilan peut-on dresser du programme « France 2030 » et quelles seront ses suites ?
Pour ce qui est de l’industrie, la commission des affaires économiques a auditionné le groupe Sanofi. Le Gouvernement n’a pas recouru au dispositif de contrôle des investissements étrangers concernant le rachat d’Opella par le fonds d’investissement américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R) : pourquoi ? Quelles sont les perspectives ?
Voilà quelques questions que mes collègues auront sans doute à cœur de compléter, notamment au regard d’une actualité qui comporte la perspective de licenciements massifs touchant l’ensemble de nos circonscriptions.
M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous remercie, Madame la présidente. Je suis très heureux de me retrouver parmi vous, mesdames et messieurs les commissaires, pour les raisons que vous connaissez et l’attachement que j’ai et aurai toujours pour cette commission. J’aborderai d’abord l’actualité politique américaine, comme vous m’y invitez, puisque c’est une clé d’entrée extrêmement importante.
La croissance de l’Union européenne dans la zone euro est d’environ 1 %, contre 3 % pour les États-Unis et 5 % pour la Chine et l’Asie. Outre le décrochage en cours par rapport à ces zones, il y a là un risque pour le financement de notre modèle social, auquel nous sommes tous attachés malgré nos divergences, de même qu’un risque à long terme pour la stabilité de nos modèles politiques et démocratiques. Il s’agit là d’une question fondamentale, à laquelle le ministère de l’économie doit contribuer à apporter des réponses.
La première réponse, qui est aussi la principale et que je porte au nom du Premier ministre, est un agenda européen de croissance et de défense : si nous ne renforçons pas la croissance au niveau européen, nous n’aurons pas les armes pour nous défendre face à des puissances aux comportements commerciaux et industriels extrêmement agressifs. De ce point de vue, la décision de la Commission européenne qui a conduit, après des enquêtes approfondies, à appliquer des droits de douane de 35 % à des véhicules venant de pays aux pratiques manifestement anticoncurrentielles et déloyales est une première réponse. Elle doit constituer l’un des éléments d’une stratégie qui amènera l’Union européenne à sortir de sa naïveté en matière de défense et de souveraineté industrielles.
La deuxième réponse est l’investissement européen. Cet investissement doit être public pour de nombreuses technologies pas encore matures et pour lesquelles un gigantesque saut qualitatif et quantitatif est nécessaire : je pense bien sûr à l’intelligence artificielle et aux nanotechnologies, mais aussi aux leviers et technologies de décarbonation comme l’hydrogène et d’autres formes d’énergies renouvelables thermiques ou électriques. Nous avons aussi beaucoup besoin d’investissements privés, compte tenu de la masse d’investissements nécessaires : je rappelle que le rapport de M. Mario Draghi (The Future of European Competitiveness, 2024) – j’aurais pu également citer celui de M. Enrico Letta (Much more than a Market, 2024) – chiffre le besoin d’investissement à 800 milliards d’euros (Md€) à l’échelle européenne, alors que l’on ne peut pas qualifier Mario Draghi d’homme qui dépense sans compter. Face à ces besoins d’investissements public et privé, il faudra mobiliser l’épargne européenne, faire levier sur les investissements privés et orienter le secteur financier vers le financement de l’économie – autant d’aspects de l’agenda européen qui conditionnent notre action.
Pour que le ministre français de l’économie et des finances puisse défendre ce type de convictions et d’agenda avec un leadership et une crédibilité, il faut évidemment se pencher sur nos finances publiques. Je crois qu’il n’y a aucune raison d’opposer consolidation des finances publiques et soutien à la croissance. D’une part, si nous voulons conserver, voire augmenter, nos marges d’investissement public dans la transition écologique, la digitalisation et l’intelligence artificielle, nous avons besoin que les déficits ne dépassent pas 6 % du PIB hors période de crise et que notre dette ne soit pas la troisième plus élevée de l’Union européenne. D’autre part, si nous voulons rester un pays attractif – un objectif que nous partageons collectivement –, nous avons besoin de finances publiques saines et qui inspirent confiance. De fait, le coût de financement de l’État est aussi celui des entreprises.
Voilà ce qui guide l’ambition du projet de loi de finances et la trajectoire visant à revenir à des déficits inférieurs à 3 % du PIB sans tuer la croissance et l’emploi, qui sont des acquis des trois dernières années. Vous avez parlé du chômage : le taux de 7,3 % est le plus bas depuis quarante ans. Vous avez parlé d’emploi : son taux est le plus élevé depuis que l’Insee l’enregistre. Nous pouvons nous accorder à reconnaître ces acquis, indépendamment des sensibilités politiques.
Comment y parvenir ? Il faut d’abord redresser les finances publiques, avec une première ancre à 5 % en 2025, en actionnant au moins trois leviers : l’emploi, la défense de l’industrie et de l’innovation et la simplification.
L’emploi, d’abord. Nous avons de bons résultats, mais nous sommes au-devant de difficultés dans ce domaine et celui de l’industrie. Certains diront que c’est lié à la politique que nous menons. Je suis ouvert au débat sur ce point, mais je ne connais pas de pays qui ait mené autre chose qu’une politique de l’offre et qui ait eu des résultats en matière d’emploi et d’industrie : si d’anciens collègues députés veulent me présenter des pays dans lesquels on augmente les impôts, on interdit les licenciements, on conditionne et on abaisse les aides publiques, on réduit la confiance des entreprises dans les marchés… et où cela produit de l’emploi, de la croissance et de l’activité, je serai ravi d’y organiser un voyage d’études pour l’ensemble de mon ministère – je ne doute pas que j’y serai en bonne compagnie ! Je crois qu’il existe des acquis sur lesquels nous pouvons nous retrouver.
Lorsque je parle du bilan économique de la précédente majorité, cela attire des commentaires et c’est totalement logique. Mais je constate que les commentaires sont moins nombreux quand les mêmes constats sont dressés par des instituts indépendants qui demandent à la France de continuer à mener des réformes sur l’emploi, la productivité et l’innovation, à l’instar de celles qui l’ont été ces sept dernières années.
Bien sûr, la question de la quantité des emplois se pose. Mais il faut distinguer deux sujets. Le premier est celui du taux d’emploi. Même s’il a progressé, le taux d’emploi se situe à 69 % et reste moins élevé que dans de nombreux pays européens : celui des Pays-Bas, par exemple, est de 82 % ; si nous avions le même taux, nous aurions probablement deux à trois millions d’emplois supplémentaires. Or l’emploi, c’est de l’émancipation par le travail, de la richesse nationale et des cotisations qui financent notre modèle social. Nous devons donc poursuivre les mesures et les réformes en faveur de l’emploi. Les partenaires sociaux discutent en ce moment de l’assurance chômage, de la retraite progressive et de l’emploi des seniors. Le travail des plus jeunes et leur insertion économique, ainsi que le travail des plus âgés et leur perpétuation dans l’emploi, sont deux segments indispensables pour réussir.
Le second volet, sur lequel je vous livre des constats qui ne préjugent pas d’un accord sur les solutions, concerne la durée du travail : en France, elle est d’environ 1 500 heures par an et par actif (salariés et indépendants) contre 1 570 heures dans l’Union européenne et 1 750 heures dans les pays les plus avancés de l’Organisation de coopération et de développement économiques. En dépit de nos différences, nous pouvons converger vers ce constat, qui soulève des questions quant aux congés maladie ou aux durées annuelle et hebdomadaire du travail. Nous ne les trancherons pas en deux jours, seuls au Gouvernement ou à Bercy. Mais ces sujets doivent être débattus, car ils touchent aussi à des enjeux qui intéressent l’agenda de croissance européen et la défense vis-à-vis des pratiques commerciales agressives.
J’en viens au levier de l’industrie. J’ai mentionné les pratiques commerciales agressives et le besoin de sortir de la naïveté européenne, grâce à des pratiques de défense commerciales extrêmement fortes et la sécurisation de nos approvisionnements. Cela passe par la diversification, mais aussi – je sais que cela peut susciter un certain scepticisme – par le commerce international. De nombreux accords commerciaux sont bénéfiques pour les filières agricoles et industrielles de nos pays. À l’inverse, quand des accords ne remplissent pas nos standards agricoles et écologiques – notamment, ceux de l’accord de Paris – comme le Mercosur, la France s’y oppose fermement et d’une seule voix. Je crois qu’il existe, sur ces bancs, une forme d’unanimité à ce sujet.
J’aborderai trois éléments concernant l’industrie. Le premier concerne l’innovation. Les secteurs les plus innovants de notre économie affichent des taux de croissance élevés ; des dizaines de milliers d’emplois ont été créés dans des start-ups de la deep tech, de la santé, des énergies renouvelables, du nucléaire ou des technologies de l’information et de la communication. Nous devons continuer, car ce sont les secteurs qui ont la plus forte croissance. Mais les États-Unis et la Chine ont des taux de croissance à deux chiffres dans ces mêmes secteurs… Cela appelle nécessairement davantage d’investissements privé et public. Pour cela, deux leviers doivent être actionnés.
Le premier levier est celui du financement de l’économie. Le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un « Livret industrie ». J’espère que nous pourrons vous le présenter au tout début de l’année 2025. Ce projet part de deux constats : premièrement, il existe une épargne européenne très abondante, mais elle n’est pas suffisamment mobilisée pour des projets industriels importants ; deuxièmement, nos compatriotes souhaiteraient participer davantage à la croissance des entreprises, élément important de la souveraineté et du renforcement industriels. Nous avons besoin d’entreprises d’une certaine taille pour qu’elles soient robustes et compétitives à l’échelle internationale.
Le second levier est celui de l’État actionnaire ou de l’« État stratège », de manière générale, si, au-delà de l’Agence des participations de l’État, on inclut par exemple Bpifrance.
Nous avons eu des débats sur le cas du Doliprane et de l’entreprise Opella. Nous en aurons d’autres, au sujet d’autres dossiers, et certains me demanderont pourquoi nous ne sommes pas allés plus loin ou pourquoi nous n’avons pas stoppé la vente et interdit les licenciements. Je le répète : je suis preneur d’exemples de pays qui interdisent les licenciements, conditionnent les aides publiques, interdisent les opérations de marché et, à la fin, ont plus d’emplois ; je ne pense pas que cela puisse être la solution. Néanmoins, ne nous laissons pas enfermer non plus dans la fiction d’un monde de concurrence libre, pure et parfaite, où rien ne serait faussé : certains pays d’Asie ou les États-Unis, parfois qualifiés de « très libéraux », ont des pratiques extrêmement dures en matière de commerce, d’extraterritorialité, de défense de leurs outils industriels et de mesures de rétorsion. La fin de la naïveté européenne, ça vaut aussi pour la France ! Quand on a des partenariats exigeants avec les entreprises et quand celles-ci bénéficient de dispositifs publics importants, il est logique, légitime et naturel de procéder à une revue de ces aides. Tout comme il est légitime qu’il y ait un investissement de l’État actionnaire – direct par l’Agence des participations de l’État ou indirect par le biais de Bpifrance, sur laquelle mon ministère exerce une tutelle – dans les secteurs les plus stratégiques : ce peuvent être des infrastructures critiques ou vitales comme les fibres optiques – avec l’investissement réalisé hier par l’Agence des participations de l’État dans Alcatel Submarine Networks (ASN), à Calais – mais aussi des technologies ou infrastructures apparemment moins stratégiques, mais dont les marchés pénètrent de nombreux pays et dont le caractère transversal ou la résilience en matière sanitaire, industrielle ou de transport sont élevés – ce qui justifie que l’État intervienne.
Deuxième élément concernant l’industrie : la simplification. Quand vous êtes un pays avec 3 300 Md€ de dette, plus de 6 % du PIB de déficit et des millions de mots supplémentaires dans le Journal officiel depuis une vingtaine d’années et que vous ne vous posez pas la question de la simplification, vous vous privez d’un élément de soutien à la croissance et d’intervention dans la vie économique réelle. Je le dis avec beaucoup d’humilité : je n’ai pas de baguette magique et personne n’a de recette miracle pour réduire les normes. Cela commence par le fait de se mettre davantage à la place des entreprises : aussi, le projet de loi de simplification qui avait été préparé par le précédent gouvernement sera repris et coordonné par mon collègue Guillaume Kasbarian, avec l’appui de mon ministère. L’objectif est d’améliorer la manière dont les normes sont appréhendées et vécues par les entreprises, en particulier le « test PME » qui doit permettre de mesurer l’impact des normes, existantes ou nouvelles, sur ces entreprises. Je mène aussi un travail de réduction des normes dans mon ministère : pour être efficace et pertinent, supprimons des normes ! Choisissons, avec la représentation nationale des normes, y compris réglementaires, qui ne sont pas indispensables (ou qui freinent la croissance des entreprises) pour les supprimer.
Cette action doit aussi avoir un volet européen, car l’Europe est aujourd’hui la principale source de production normative. Souvent, les normes – et la France y a participé – ont été décidées pour de bonnes raisons. La directive CSRD sur le reporting extrafinancier, par exemple, poursuit un bon objectif, puisqu’il s’agit d’inciter les entreprises à se diriger vers la transition écologique sous le prisme de la décarbonation et de la préservation de la biodiversité – enjeux extrêmement importants, y compris pour la vie économique, qui repose aussi sur le capital naturel : il faut avancer en matière de reporting. Toutefois, quand on constate que les actes délégués de cette directive risquent d’amener jusqu’à 800 indicateurs obligatoires pour des TPE, des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), je pense que nous pouvons mener une réflexion sur le nombre et le type des indicateurs, ainsi que sur les entreprises concernées – sans remettre en cause le principe de publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.
Pour citer un autre exemple, nous avons une stratégie intelligente de sortie du véhicule thermique, car nous sommes engagés dans une course de vitesse avec les autres pays en matière de véhicule électrique. Ne plus viser l’objectif pour 2035 ne serait pas rendre service aux constructeurs français et européens, dans un monde où il faut, de toute façon, engager et accélérer ces investissements. Mais infliger des amendes colossales dès l’année prochaine alors que les équipementiers et les constructeurs sont fragilisés serait faire preuve d’incohérence. Nous devons travailler avec nos partenaires européens et la simplification et l’adaptation des contraintes sont d’ailleurs l’objet de mon déplacement à Berlin, vendredi, auprès de mes homologues.
S’agissant de la rémunération, de la participation et de l’emploi, j’appartiens à une sensibilité politique à laquelle il importe que le coût d’un emploi se rapproche le plus possible du « net » perçu par le salarié – mais je sais que nous avons des divergences en la matière. Pour y parvenir, il faut poursuivre les réformes permettant de réduire les cotisations qui se trouvent entre le « super-brut » et le net après impôt sur le revenu ; le tout, dans un monde où la rémunération des salariés est une préoccupation non seulement sociale, mais aussi économique, car c’est ainsi que l’on incitera les salariés à se former. C’est l’enjeu du rapport de MM. Antoine Bozio et Etienne Wasmer, dont le dispositif n’est d’ailleurs pas repris dans le projet de loi de finances tel qu’il a été proposé. Je crois qu’il s’agit d’un sujet sur lequel nous pouvons et devons avancer, avec l’idée selon laquelle les cotisations sociales doivent être moins désincitatives dans leur mécanisme à partir du Smic et jusqu’à deux ou trois Smic – le but est qu’il n’y ait pas de frein à l’augmentation des rémunérations – sans fragiliser le coût du travail, alors que le redressement industriel est tempéré, compromis, voire attaqué par la conjoncture mondiale – du fait des coûts de l’énergie, de la compétition internationale et de la complexité normative. Nous devons le faire en lien avec la représentation nationale, qu’il s’agisse des cotisations salariales ou de la participation.
Il existe un ministre délégué qui se tient, comme moi, à votre disposition pour développer ces sujets, étant entendu que nous pouvons déjà faire mieux avec l’existant. Les chefs d’entreprise, notamment de TPE-PME, sont plutôt favorables à la participation et souhaitent pouvoir embarquer leurs salariés au travers de l’actionnariat salarié et de l’intéressement salarial, mais l’accessibilité à ces dispositifs est complexe. Je crois que nous pouvons mieux faire !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Alexandre Loubet (RN). Ma première question porte sur les finances publiques. Le déficit de l’État prévu par votre prédécesseur Bruno Le Maire s’élevait à environ 130 Md€ pour 2025 ; il atteint finalement 180 Md€ : M. Bruno Le Maire a-t-il menti aux Français ? Si tel n’est pas le cas, comment expliquez-vous ce décalage de plus de 50 Md€ ? Vous proposez des solutions pour éviter des erreurs d’analyse ; mais quelles sont vos explications ?
Ma deuxième question porte sur notre souveraineté économique. Depuis seulement un mois et demi que vous êtes ministre de l’économie, plusieurs plans sociaux ont été annoncés, notamment par Michelin et Auchan ; la production de Doliprane a été abandonnée à un fonds américain ; Atos a été partiellement racheté par ses créanciers américains ; la plateforme des achats de l’État a été cédée à un groupe canadien. À cela s’ajoute l’explosion des faillites d’entreprises, qui battent un record depuis dix ans. Êtes-vous bien toujours ministre de la souveraineté industrielle ? Le cas échéant, comment justifiez-vous ces ventes de fleurons industriels stratégiques à des intérêts étrangers ?
Ma troisième question porte sur la compétitivité – un thème qui vous tient à cœur, je le sais pour avoir participé à votre côté à une commission d’enquête sur les raisons de la perte de souveraineté en matière énergétique. Michelin justifie la fermeture de deux usines par la flambée du prix de l’énergie. Le prix de l’électricité française, qui est parmi les moins chères à produire d’Europe, est indexé sur le prix européen du gaz. Pourquoi refusez-vous de nous libérer des règles du marché européen de l’énergie, qui empêchent nos entreprises et les Français de bénéficier de factures énergétiques correspondant aux coûts de production ? Pourquoi ne pas généraliser les dérogations que vous accordez aux groupes électro-intensifs et aux énergéticiens aux entreprises et à l’ensemble des Français ?
Enfin, dans le rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, vous évoquez la nécessité de conserver des unités de production électrique pilotables pour sécuriser l’approvisionnement de notre pays en électricité. Je partage votre avis, étant par ailleurs député de la circonscription dans laquelle se trouve la centrale à charbon de Saint-Avold. Sans décision rapide du Gouvernement, ce site risque de fermer, menaçant près de cinq cents emplois et plusieurs projets industriels alentour. Maintenant que vous êtes ministre, votre gouvernement autorisera-t-il la conversion de cette centrale en site de production d’énergies moins émettrices de CO2 pour prolonger sa durée de vie ? Ce serait un moyen d’éviter un énième désastre industriel, de décarboner notre mix électrique et de sécuriser notre approvisionnement électrique.
M. Antoine Armand, ministre. Je reviens sur les écarts de prévision qui ont été constatés : l’Allemagne avait prévu une croissance de + 1,6 %, qui sera finalement de – 0,2 %. Dans le monde troublé et de rémission post-covid que nous connaissons, les variations de prévision sont absolument colossales.
M. Paul Midy (EPR). Merci, Monsieur le ministre, de rappeler l’importance de créer les conditions de la croissance économique et d’atteindre le plein-emploi ! En sept ans, nous avons réussi à sortir la France du chômage de masse, faisant passer le taux de chômage de 10 % à 7 % : il reste à enregistrer deux points de baisse supplémentaires pour atteindre le plein-emploi. Nous pensons que c’est possible, mais cela ne se fera évidemment pas tout seul. Aller au plein-emploi, ce n’est pas seulement remettre 1,5 million de personnes dans l’emploi : c’est faire entrer 25 millions de salariés dans un monde sans crainte du chômage, où le rapport de force entre salariés et employeurs est transformé et où il est plus facile de renégocier son salaire, d’améliorer ses conditions de travail et de progresser dans sa carrière ; c’est un monde dans lequel on vit mieux de son travail et au travail.
Pour cela, il faut commencer par ne pas augmenter le coût du travail et les charges sociales, comme le prévoyait le projet de loi initialement présenté par le Gouvernement. Avec Gabriel Attal et mes collègues du groupe Ensemble pour la République, nous menons un combat : celui de revenir totalement sur cette hausse délétère du coût du travail, et pas seulement en partie. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Pour réussir le plein-emploi et tuer le chômage, il faut continuer à soutenir notre premier moteur de création d’emplois : nos start-ups, TPE, PME et ETI innovantes. Nous avons porté et fait voter, en commission et dans l’hémicycle, le maintien du crédit d’impôt recherche (CIR), celui du dispositif « Jeune entreprise innovante » (JEI) – dont la suppression reviendrait à augmenter le coût du travail de 30 % pour les entreprises concernées – ainsi que celui du crédit d’impôt innovation (CII).
Alors que Donald Trump vient d’être élu avec le soutien d’Elon Musk, patron de Tesla et de Space X, l’idée selon laquelle le moment était le bon pour mettre fin au programme JEI et au CII ou pour détricoter le CIR m’apparaît encore plus anachronique et plus idiote – disons les choses comme elles sont. Trump, c’est « America First ! » et ce sont des investissements massifs dans l’innovation, qui creuseront davantage l’écart entre les États-Unis et nous si nous ne faisons rien ! Plus que jamais, il faut que nous, Français et Européens, reprenions notre destin en main et assurions notre autonomie stratégique et notre souveraineté. Cela passe par un soutien massif à nos entreprises innovantes et aux nouvelles technologies. Pouvez-vous, là encore, nous rassurer ?
M. Antoine Armand, ministre. Je répondrai ultérieurement à votre question relative au coût du travail, pour consacrer la minute qu’il me reste à l’innovation, à son financement en direct et à la capacité à agréger des fonds privés pour en financer tous les stades et toutes les séries. La mobilisation de l’épargne doit y contribuer.
Vous nous avez alertés sur l’importance des dispositifs de soutien à l’innovation, qui aident les plus petites entreprises pour les technologies naissantes – autrement dit, là où l’effort public est le plus utile. Nous avons déjà réintroduit, ainsi que je le souhaitais, le dispositif JEI et le CII, notamment pour les jeunes entreprises innovantes. Nous pouvons aller plus loin car il fonctionne et nourrit l’innovation, donc la croissance potentielle de notre pays.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les prévisions de l’OCDE pour 2025 font état de 143 000 destructions d’emploi en France. Derrière les chiffres, ce sont 143 000 femmes et hommes dont la vie peut basculer. Quelle est votre feuille de route, Monsieur le ministre, pour leur garantir un emploi ? Ces emplois sont menacés par les nombreuses fermetures d’usine annoncées : Auchan, Michelin, Casino, Stellantis, Sanofi, General Electric… La CGT a recensé 180 plans de licenciement entre septembre 2023 et septembre 2024. Au lendemain de son élection en 2017, le président Macron avait pourtant annoncé que la réindustrialisation serait la mère de toutes les batailles. Sept ans plus tard, ce n’est pas un franc succès !
La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) relève une augmentation de 15 % des licenciements économiques au premier semestre 2024. Les mesures prises par monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’économie avant vous, n’ont eu aucune efficacité sur l’emploi en France. Que prévoyez-vous, Monsieur le ministre, pour sauvegarder les emplois et la production française ? Prévoyez-vous, vous aussi, des dérégulations du code du travail pour prétendument « inciter les entreprises à produire en France » ? Cela n’a abouti qu’à un recul des droits des salariés et il est désormais plus facile de licencier. En échange, les salariés ont eu droit à deux années de retraite volées et à un durcissement de l’assurance chômage !
Prévoyez-vous encore des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises ou l’augmentation des aides ? Les aides publiques aux entreprises n’ont jamais été aussi élevées. C’est 200 Md€ par an ! Dans un éclair de clairvoyance, le Premier ministre souhaite enfin savoir comment cet argent a été employé. Il était temps, depuis le temps que nous alertons ! Ce sont ces mêmes entreprises qui rémunèrent grassement leurs actionnaires, tout en lançant des plans de licenciement. Auchan a annoncé le licenciement de 2 300 salariés – Auchan qui a pourtant versé plus de 1 Md€ à ses actionnaires ces dernières années. Stellantis a annoncé la suppression de 250 emplois dans son usine de la Janais, à Rennes, mais le groupe a prévu d’augmenter le taux de distribution de dividendes à 30 %. Chez Michelin, 1 200 emplois vont être supprimés après des bénéfices records de 3,6 Md€ en 2023.
Après sept ans qui n’auront pas répondu aux impératifs de réindustrialisation et de conservation de l’emploi en France, resterez-vous, Monsieur le ministre, dans la continuité ou allez-vous enfin agir vis-à-vis de ces entreprises qui se gavent en sacrifiant leurs salariés ?
M. Antoine Armand, ministre. Nous pouvons nous accorder sur un point factuel : chaque année, des emplois sont supprimés et d’autres sont créés. C’est la réalité de notre vie économique ! C’est ce qui explique que l’on recense les créations nettes d’emplois, qui sont de l’ordre de deux millions depuis quelques années.
Entre 1990 et 2016, près de deux millions d’emplois industriels nets ont été supprimés. Depuis 2016, des emplois industriels nets sont créés : vous pouvez considérer que c’est insuffisant ou que les efforts pour parvenir à ce résultat ont été disproportionnés, mais affirmer que cela n’a pas existé ne reflète pas la réalité. Je l’ai dit : ce n’est pas en supprimant davantage les dispositifs publics en faveur des entreprises ou en augmentant de plusieurs dizaines de milliards d’euros – comme vous le proposez – les impôts sur les entreprises de toute taille que nous parviendrons à créer davantage d’emplois. Vous ne souhaitez pas – et c’est votre droit – encourager la vie économique et l’emploi industriel par autre chose que de la régulation économique : sauvegarder l’emploi industriel sans dispositifs d’aide publique, sans simplification drastique des normes et en augmentant les impôts sur les entreprises, ce n’est rien d’autre qu’obliger les entreprises à garder de l’emploi. Or je ne connais pas d’économie qui sauvegarde l’emploi en obligeant les entreprises à garder leurs salariés quand la situation ne le permet pas. Cela n’enlève rien à la détermination du Gouvernement d’être vigilant à l’emploi et au reclassement dès qu’il y a des suppressions de poste au sein des entreprises, quelles que soient la conjoncture et les responsabilités.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Cette audition tombe à pic, avec la réélection de Trump, l’annonce de milliers de postes supprimés dans notre économie, celle de la cession de certaines de nos entreprises stratégiques à des fonds étrangers comme Opella pour le Doliprane, ou encore la menace qui pèse sur nos agriculteurs avec l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Vous êtes ministre de l’économie depuis quelques semaines et votre bilan d’action est encore réduit. Pourtant, vous êtes lourd de l’héritage des sept années de Bruno Le Maire au ministère de l’économie. Êtes-vous son digne héritier ou envisagez-vous d’opérer des ruptures stratégiques dans votre approche de l’économie ?
Face à la nécessité d’affirmer notre souveraineté, française d’abord mais aussi européenne, quels sont les gages du Gouvernement ? Auchan licencie brutalement 2 389 salariés ; selon la CFDT, cette entreprise a pourtant engrangé, entre 2013 et 2019, pas moins de 0,5 Md€ de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Dans un contexte d’effort de réduction de la dépense publique, comment justifier qu’autant d’argent public ait été mis à disposition d’entreprises qui, au final, licencient ? Quelle contrepartie envisagez-vous, dans le dialogue avec ces entreprises, pour les responsabiliser dans leurs choix stratégiques ? Il s’agit d’entreprises françaises, bénéficiaires de crédits publics et qui, malgré tout, font le choix de se désarrimer de leur responsabilité sociale. Quand le Gouvernement imposera-t-il une régulation stricte, afin que les aides de l’État soient véritablement conditionnées ? Le Premier ministre Michel Barnier a lui-même reconnu hier devant le Parlement sa préoccupation à ce sujet.
Je voudrais aussi revenir sur les raisons qui poussent une entreprise comme Michelin, ancrée dans nos territoires depuis de longues décennies, à abandonner nos bassins d’emploi. Ses annonces sont un choc pour la Bretagne, un choc pour les Pays-de-la-Loire, un choc pour le tissu industriel de nos agglomérations. La suppression de 1 254 emplois va fragiliser durablement les dynamiques d’emploi dans ces bassins de vie, qui sont plus difficiles à reconstruire que dans les métropoles. Nous sommes loin de la start-up nation !
D’une part, les coûts de production en Europe sont deux fois plus élevés qu’en Chine et des pays à bas coûts comme la Pologne accentuent encore cette concurrence, principalement en raison de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. D’autre part, les États-Unis soutiennent, eux aussi, massivement leur industrie, avec une ambition écologique, en lui consacrant 369 milliards d’investissements sur dix ans. En parallèle et à votre initiative, à travers la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte et les objectifs de création d’emplois, la France était censée relancer son industrie. Les effets tardent malheureusement à se manifester ! Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il pour améliorer la compétitivité de nos entreprises dans la compétition internationale et pour protéger nos territoires, nos dynamiques industrielles et ce qui fait notre souveraineté économique ?
M. Antoine Armand, ministre. Outre le coût de l’énergie, avec un marché qui reflète davantage les coûts de production, et la lutte contre les pratiques abusives, un troisième levier de défense de l’industrie européenne est celui du coût du travail. Je présidais cette commission quand elle a auditionné le patron de Michelin, qui a parlé de compétitivité en présentant les variations de coût du travail et de cotisations sociales entre l’Europe et les autres continents. La question du coût du travail doit nous rassembler, pas pour opposer les salariés aux chefs d’entreprise, mais parce que c’est un levier d’attractivité et de compétitivité industrielles.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Alors que nous examinons le projet de loi de finances et que la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) s’est arrêtée hier soir, je tiens à saluer le travail accompli. Les députés du groupe de la Droite républicaine sont mobilisés pour adopter des mesures de réduction d’impôts, pour valoriser le travail et pour protéger nos concitoyens et nos entreprises. Nous sommes aussi engagés pour proposer des recettes et réaliser des économies, notamment en optimisant le fonctionnement de l’État et en rationalisant ses opérateurs et ses agences pour alléger la charge administrative. Grâce à plusieurs amendements que nous avons portés, nous avons obtenu la suppression de la réduction des allègements de cotisations patronales, très importante pour nos entreprises, et la préservation des exonérations de cotisations sociales, de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) pour nos apprentis. Le Gouvernement a également répondu à notre appel en maintenant le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (Tode), essentiel au soutien de l’emploi saisonnier agricole et des agriculteurs. Il est crucial, Monsieur le ministre, que ces avancées soient préservées !
Permettez-moi d’attirer votre attention sur plusieurs questions sensibles pour nos territoires ruraux. J’aborderai d’abord la question de la fiscalité hippique. Cette filière fait vivre les territoires ruraux et les éleveurs et finance la vie agricole sur ces territoires. Une hausse serait totalement désastreuse ! Le ministre des comptes publics s’est engagé à la stabiliser à 7 % : garantissez-vous qu’une hausse de cette fiscalité sera définitivement évitée ?
Les chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont indispensables pour accompagner et aider les petites entreprises, notamment en milieu rural. Alors que le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une réduction de 40 M€ de leurs ressources, nous vous alertons sur les conséquences que cela aurait pour leur capacité à accompagner nos entreprises locales : vous engagez-vous à renoncer à cette réduction et ainsi à maintenir le soutien dont les CCI ont tant besoin ?
M. Antoine Armand, ministre. Dans le temps limité qui m’est imparti, je propose de parler du Tode et des allègements de cotisations, pour redire que nous allons, d’une part
– comme le gouvernement précédent s’y était engagé lors de la mobilisation agricole –, pérenniser le dispositif applicable pour l’emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d’emplois et, d’autre part, relever le plafond de rémunération donnant lieu à exonération totale de 1,2 à 1,25 Smic. Nous avons la même expérience de territoires où ce type d’emploi est indispensable localement, en ruralité et en montagne – mais pas seulement.
Je suis sensible à la question de l’accompagnement des entreprises. Je sais le travail qu’effectuent les chambres consulaires et le besoin de le préserver. Nous travaillons à améliorer la copie initiale du projet de loi de finances, mais toujours – je sais que votre groupe y a contribué – à coût constant, car l’objectif de réduction du déficit doit être maintenu. À chaque fois que des propositions seront faites pour remplacer 1 euro de fiscalité par 1 euro d’économie en dépense, nous les instruirons et nous les retiendrons quand ce sera possible. L’effort que nous avons à consentir concerne, certes, l’année prochaine. Mais si nous voulons durablement rétablir les comptes publics et revenir sous les 3 % du PIB de déficit, des efforts structurants seront indispensables durant de nombreuses années, dans des domaines pertinents qui concernent les missions de l’État ou les emplois publics et où nous devons progresser. Vous avez mentionné les opérateurs. Le Gouvernement aura l’occasion de mener ce travail collectivement et je ne doute pas de l’implication de votre groupe en la matière.
M. Boris Tavernier (EcoS). Monsieur le ministre, depuis quelques jours, vous parcourez les médias en claironnant le même discours : les Français ne travaillent pas assez, ce qui empêche de financer notre modèle de protection sociale. Votre proposition pour y remédier est que l’on travaille plus, mesure que vous déclinez à toutes les sauces : il faut travailler plus vieux, avec la réforme des retraites, mais aussi à d’autres moments – pourquoi pas les jours fériés ? Non, Monsieur le ministre, les Français ne demandent pas à travailler plus ! Mais ils demandent à pouvoir tous travailler, que leur travail paie et soit reconnu et que le travail ne détruise pas la santé. Nombre de Français ne demandent que cela, travailler ! Mais ils sont 2,3 millions à être privés d’emploi : être sans emploi, ce n’est pas un choix, c’est une injustice ! Là où nous voulons lutter contre le chômage, vous luttez contre les chômeurs. Vos chiffres du chômage cachent en réalité toujours plus de précarité, d’intérim, d’ubérisation. Les Français veulent travailler, mais vous ne leur en donnez pas les moyens – en témoigne le manque criant d’ambition budgétaire pour l’insertion par le travail.
Des emplois, pourtant, on pourrait en créer en quantité et avec du sens : des emplois dans la fonction publique – celle qui protège, qui répare, qui soigne, qui éduque et qui accompagne ; des emplois dans la reconstruction écologique. Une industrie et une agriculture protégées, relocalisées, décarbonées et respectueuses de l’environnement sont riches en travail. Pourtant, tout cela n’émergera jamais avec le budget d’austérité proposé.
Les Français demandent que le travail paie. Nous comptons 1 million de travailleurs pauvres dans ce pays. Le travail ne paie plus suffisamment. La France se smicardise et l’inflation est venue rogner les salaires.
Les Français demandent aussi à ne pas s’abîmer au travail : 17 % des salariés déclarent avoir vécu un burn-out. Au-delà des accidents et des morts au travail ou de maladie professionnelle, combien de vies et de familles bouleversées par le cumul de petits boulots, par la précarité et par l’amoindrissement des couvertures sociales ?
Notre protection sociale, Monsieur le ministre, n’est pas menacée par la fainéantise des Français : elle est menacée par les exonérations massives organisées par les gouvernements successifs et sur lesquelles, par sérieux, nous proposons de revenir en partie. Ce ne sont pas les Français qui ne travaillent pas assez, mais le capital qui coûte trop cher : les dividendes sont à un niveau record. Cette rémunération du capital se fait au détriment de celle du travail : ferez-vous contribuer le capital pour que le travail paie davantage ?
Monsieur le ministre, ce ne sont pas les Français qui ne travaillent pas assez mais les multipropriétaires. À Lyon, plus de la moitié des logements mis en location appartiennent à des ménages qui en possèdent cinq ou plus. Dans le même temps, les locataires les plus pauvres doivent travailler la moitié du mois rien que pour payer leur loyer à de riches propriétaires. Allez-vous agir sur cette injustice ?
Ce ne sont pas les Français qui ne travaillent pas assez, mais les députés de votre majorité : moins de 20 % de présence dans vos rangs au vote sur les textes budgétaires ! Oui, il y a comme un problème avec votre budget.
Alors, Monsieur le ministre, je vous le demande : quelle est votre ambition pour les travailleurs qui tiennent ce pays debout ?
M. Antoine Armand, ministre. Vous parlez de budget d’austérité. La dépense publique augmentera de 0,4 % en volume, hors inflation ; les dépenses couvertes par l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) vont augmenter de 2,7 % : vous ne pouvez pas parler d’un budget d’austérité quand la dépense publique augmente ! Je préférerais même qu’on trouve un consensus pour qu’elle augmente encore moins, pendant les débats parlementaires. Nous faisons ce budget précisément pour éviter l’austérité, la vraie : celle dont ni vous ni moi ne voulons, celle qui a eu lieu dans d’autres pays européens qui ont été contraints de l’appliquer. Cette austérité, imposée par des institutions, ce sont des coupes dans les salaires des fonctionnaires et des baisses de 20 % ou de 25 % dans les retraites. Nous voulons faire exactement le contraire, pour éviter d’en arriver là.
Par ailleurs, vous avez fait beaucoup de propositions concernant l’emploi. Mais ce gouvernement veut créer de l’emploi, pas créer davantage de postes d’agent public. Nous sommes le pays avec le plus d’emplois publics au monde, en proportion – et votre solution serait d’en créer davantage ? Pardon, mais si c’était un indicateur de performance économique, nous aurions 15 % de croissance !
Mme Louise Morel (Dem). Monsieur le ministre, au nom du groupe Démocrate, je vous remercie pour la clarté de votre propos sur votre feuille de route. Dans ce contexte compliqué, nous vous souhaitons de réussir vos missions, dans l’intérêt de tous.
À la suite de l’entretien que vous avez accordé au journal Les Échos, je voudrais vous interpeller à mon tour sur la durée du travail. Bien entendu, le coût du travail, le montant du salaire perçu et la durée du travail soulèvent des questions, mais la manière dont on les aborde peut créer beaucoup d’inquiétudes et de frustrations. D’après une étude de la Dares, les salariés à temps complet travaillent en moyenne 38,9 heures par semaine et les indépendants 47,8 heures. Les Français travaillent ! Le fort taux d’emploi est lié aux réformes de ces dernières années. Pour autant, le temps de travail ne doit plus être envisagé de la même manière dans toutes les situations. Les jeunes générations, par exemple, n’entendent pas travailler de la même façon toute leur vie et attendent un équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle, avec une forme de flexibilité. À certains moments de la vie, on peut aussi souhaiter travailler davantage. Travaillez-vous à un véhicule législatif en la matière, afin que les parlementaires s’intéressent au sujet ?
Par ailleurs, je ne peux pas ne pas réagir aux propos tenus par notre collègue du groupe Écologiste et social. Nous sommes une trentaine de parlementaires présents en commission, ce qui explique nos sièges vides dans l’hémicycle. Il faut le dire, sinon nous courons le risque d’alimenter une forme d’antiparlementarisme et une méfiance des Français à l’égard des institutions – ce qui serait vraiment catastrophique !
M. Antoine Armand, ministre. Je connais votre engagement en matière de compétitivité du pays et de commerce extérieur. Je parle volontairement de quantité d’heures travaillées, car cela permet d’aborder la question du taux d’emploi. En France, moins de personnes en âge de travailler sont en situation d’emploi que dans d’autres pays. Cela a été dit sur d’autres bancs et je partage le constat : le but est que plus de personnes trouvent un emploi. Vous avez dit, Monsieur le député, que ne pas être en emploi est rarement un choix : je partage ces propos ! Nous devons continuer à améliorer la formation pour les demandeurs d’emploi et à inciter les personnes qui perçoivent le RSA à reprendre un emploi et à se former. C’est d’abord une question de compétitivité.
Mais c’est aussi une question de financement du modèle social. Même si nous avons des divergences, je pense que nous partageons l’idée selon laquelle le modèle social – c’est-à-dire les dépenses d’assurance maladie, qui sont largement couvertes, l’assurance chômage, qui doit être une assurance et pas un guichet, et les dépenses de notre régime de retraite par répartition – doit être financé. Or la quantité de cotisations sociales, c’est-à-dire le travail censé financer ces dépenses, n’est pas à la hauteur. On peut considérer qu’il faut de nouveaux impôts, mais on sort alors de la logique consistant à faire financer par le travail les dépenses afférentes au travail. C’est une bonne philosophie, qui préside de longue date aux destinées de la France et que nous devons conserver. Nous devons donc ouvrir toutes les pistes en matière de durée de travail, en lien avec la représentation nationale et même si cela n’implique pas de véhicule législatif.
M. Thomas Lam (HOR). Dans l’ombre des grands groupes et de leurs plans sociaux, j’appelle votre attention sur un autre désastre économique : celui de nos petites entreprises, de nos artisans et de nos commerçants. En un an, 66 000 d’entre eux ont déposé le bilan. Rien qu’en septembre, les faillites ont bondi de 20 %, frappant principalement les micro-entreprises. Le Conseil d’analyse économique pointe trois causes, qui aggravent leur fragilité : le ralentissement de la croissance, la flambée des coûts de production et le durcissement des conditions de financement. Pour celles et ceux qui ont souscrit un prêt garanti par l’État, la situation est plus critique encore, puisque 7,5 % peinent à le rembourser, mettant en péril leur avenir. Je parle ici d’une situation vécue ! Derrière chaque petite entreprise qui tombe, il y a des drames humains pour des femmes et des hommes, parfois des familles entières, qui ont investi temps et argent et se retrouvent ruinés, financièrement et psychologiquement, et sans aucun filet de sécurité. Ces entrepreneurs représentent pourtant la colonne vertébrale de l’emploi en France. Cette hémorragie silencieuse exige des actes forts !
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour alléger les charges, simplifier les normes, soutenir ces entrepreneurs et accompagner ceux qui se trouvent en difficulté ?
M. Antoine Armand, ministre. Il faut prendre en considération un élément de contexte qui n’enlève rien à la gravité de la situation : pendant les trois années de la crise provoquée par la covid, les défaillances d’entreprise ont connu un point bas historique : statistiquement, des dizaines de milliers d’entreprises auraient pu disparaître, mais elles ont survécu. L’une des raisons du record de défaillances que vous pointez est qu’il existe un « effet de rattrapage ». Le rapport entre les entreprises qui auraient pu disparaître pendant la covid et le surplus de celles qui connaissent des défaillances est de 1 à 5 : le rattrapage est donc très inférieur à ce que l’on aurait pu connaître ! Cela ne nous dédouane évidemment pas d’effectuer un suivi renforcé, notamment sectoriel, dont j’ai chargé le ministère et la direction générale des entreprises. Certains secteurs connaissent des points bas extrêmement forts pour des questions de normes, de coût de l’énergie et de crise du logement. Nous devons, avec les ministères concernés, mener une action forte en utilisant au moins deux leviers : le financement de l’économie, y compris bancaire, et la simplification. S’agissant du premier, nous devons préserver l’accompagnement des entreprises en difficulté – cela fait le lien avec la question sur les chambres consulaires : nous réunirons les banques pour faire le point sur le financement des TPE et des PME. S’agissant de la simplification, le projet de loi, que je souhaite voir enrichi après son vote au Sénat, doit être l’occasion de simplifier drastiquement et de prendre de bonnes habitudes, c’est-à-dire de limiter le flux des normes entrantes applicables aux TPE et aux PME.
M. Christophe Naegelen (LIOT). Je suis assez stupéfait devant l’absence de prise en considération de la consommation dans la politique actuelle. Même s’il existe un ministère délégué, le commerce et l’artisanat n’ont jamais été aussi amorphes, alors que l’épargne n’a jamais été aussi élevée. Il existe pourtant de nombreux leviers pour libérer cette épargne et relancer la consommation, donc l’activité de nos artisans et de nos commerçants, alors que, depuis un ou deux ans, le délai d’attente pour recevoir des devis et faire effectuer des travaux s’est fortement raccourci. Mais aucune annonce concrète n’a été faite dans ce domaine.
Vous avez aussi évoqué – et cela figurait dans la déclaration du Premier ministre – la nécessité d’avoir moins de dépenses publiques. Mais les options qui ont été prises et le manque d’efforts demandés à pléthore d’agences d’État, administratives indépendantes et autres commissions consultatives – toutes ces structures qui coûtent un bras et ne servent pas à grand-chose – sont aberrants : au ministère de l’éducation nationale, par exemple, on compte huit cent mille enseignants pour quatre cent mille administratifs, mais vous voulez supprimer des postes d’enseignant plutôt que des postes administratifs, alors qu’on en a besoin ; c’est également vrai pour Bercy. Les économies doivent être faites dans les administrations centrales, pas sur le terrain et au plus près des artisans, des commerçants, des entreprises et des particuliers ! Quelle est votre vision des choses ? Que comptez-vous proposer ?
M. Antoine Armand, ministre. Je partage la seconde partie de votre propos. Le Premier ministre aussi, puisqu’il a annoncé dans son discours de politique générale une revue des agences et des opérateurs, pour les réduire en nombre et dans leurs fonctions administratives, qui ne sont pas directement des services de proximité. Pour autant, il ne suffit pas de réduire les fonctions transverses : en général, les personnes au contact des citoyens sont à même de rendre un service public grâce au travail effectué par des personnes dans des bureaux, qui ne sont pas considérés comme des services de premier rang.
Je suis totalement d’accord avec vos propos sur les agences. Nous allons ainsi engager la réorganisation et la fusion de Business France et d’Atout France, pour ne citer que cet exemple. J’appelle toutefois votre attention sur un point : c’est indispensable pour l’efficacité de l’action publique et pour la simplicité… mais il ne faut pas croire que cela permettra d’économiser des milliards d’euros demain, d’autant que ces agents publics réintégreront leur administration d’origine. Cela prendra plus de temps qu’un exercice budgétaire !
Concernant la consommation : l’excès d’épargne, y compris dans des produits peu liquides de long terme, est d’abord une question de confiance. Nos concitoyens ont besoin de plus de confiance dans l’économie et dans nos finances publiques pour retrouver le chemin de la consommation. Cela passera aussi par la mobilisation de l’épargne avec le livret industrie et des efforts en matière de soutien au commerce et à l’artisanat local.
M. André Chassaigne (GDR). Monsieur le ministre, je vous félicite d’abord pour l’usage opportun de « cotisations » plutôt que « charges » : c’est rare dans la bouche d’un libéral affirmé !
J’ai interrogé le Premier ministre au sujet de l’annonce, par Michelin, de la fermeture des usines de Cholet et de Vannes. Dans sa réponse, celui-ci a indiqué vouloir savoir ce que les grands groupes industriels font de l’argent public qui leur est distribué. Chiche !
Le cas de Michelin tient de la parabole biblique : il est riche d’enseignements. Le groupe a reçu des dizaines de millions d’euros d’aides publiques, dont 55 millions d’euros (M€) au titre du crédit d’impôt recherche, sans obligation de choix liés à une stratégie industrielle ou à des trajectoires d’innovation. Michelin affirme que ces crédits ont permis de financer le rapatriement de ses activités de recherche et développement, sous-entendant donc que cette relocalisation était bénéfique au développement d’innovations industrielles et favoriserait une créativité des chercheurs et des ingénieurs – puis-je en douter ? Il reste que les investissements de modernisation du groupe sont entièrement dirigés vers les sites industriels des zones à moindre coût salarial, en Pologne et en Chine. À l’opposé, le groupe organise la baisse des volumes produits en France, alors même que la vente de pneus Michelin y a augmenté de 6 % cette année. Votre priorité est que les usines françaises soient suffisamment rentables : or le groupe Michelin engrangera 3,4 Md€ de bénéfice et a restitué l’an dernier aux actionnaires un montant record de plus de 1,4 Md€.
Votre intervention confirme votre volonté d’accompagner la course à la baisse des coûts en misant sur un illusoire « ruissellement » des aides publiques vers le tissu industriel. Je ne sais pas si vous êtes, en haut-savoyard, chasseur de gibier ; mais vous nous prenez pour des perdreaux de l’année en renversant la charge de la preuve sur vos choix économiques ! C’est à vous de faire la démonstration de la réussite de vos choix politiques, sans nous transformer en druides à la recherche de la potion magique. Nous sommes devant l’évidence de la faillite de cette pratique.
Ma question sera très simple : de quels outils entendez-vous vous doter pour contrôler enfin le bon usage des aides publiques, voulu par le Premier ministre, et vous assurer qu’elles bénéficient réellement aux salariés et à nos territoires ?
M. Antoine Armand, ministre. Soyez rassuré : je ne vous prends ni pour des oiseaux, ni pour des druides. (Sourires.) De même que vous considérez qu’il est étonnant d’entendre parler de « cotisations sociales » dans la bouche d’un libéral, il est étonnant d’entendre parler de « parabole biblique » dans celle d’un membre du groupe GDR – mais nous partageons cette particularité de sortir des sentiers battus et connus des druides…
Rappelez-vous ce qu’a dit à cette commission le patron du groupe Michelin quant à la compétitivité du « site européen » et du « site France ». Vous pouvez être en total désaccord avec la politique qui guide ces entreprises, qui consiste à rester là où elles peuvent avoir de la rentabilité et à partir quand elles ne peuvent plus en avoir. La philosophie de politique économique que vous défendez n’est pas la mienne. Je considère que ce n’est pas rendre service aux salariés que d’encourager des politiques qui vont alourdir le coût du travail et de la production sur le sol européen, car, à la fin, cela créera moins d’emplois et moins d’investissement. Or c’est de l’investissement des entreprises dont nous avons besoin pour moderniser l’outil de production, seule garantie de compétitivité de moyen terme ! La compétitivité-prix n’est pas une religion, Monsieur le président ; je ne pense d’ailleurs pas que celle-ci fasse tout : la compétitivité hors prix, la qualité des produits et la vision de long terme jouent aussi. Nous devons offrir ces conditions à Michelin.
Les aides publiques ne sont pas non plus une religion. Le Premier ministre l’a dit, nous devons être très vigilants.
M. Charles Alloncle (UDR). Monsieur le ministre, il n’y a pas si longtemps, vous étiez président de cette commission. C’était le temps où nous pouvions visiter ensemble « France Digitale » ; c’était le temps où il vous semblait utile que nous travaillions ensemble, tous groupes confondus ; le temps où vous valiez mieux que la rhétorique sectaire de « l’extrême gauche », de « l’arc », du « front » et du « barrage », que les Français ne supportent plus. Mais il semblerait que les mauvais réflexes politiques vous aient rattrapé.
Au-delà d’être le seul citoyen de ce pays à avoir eu l’idée de féliciter Bruno Le Maire pour son bilan, vous avez dessiné un budget qui fait la part belle aux impôts et aux taxes. Ce premier marqueur montre que vous n’êtes pas l’ami de nos entreprises ! Quand vous annoncez vouloir baisser nos impôts de production, vous n’osez pas supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Hier, j’ai proposé un amendement pour exonérer de la C3S les entreprises qui investissent dans nos campagnes ; le groupe macroniste, dans l’hémicycle, a voté contre… contre nos entreprises et nos campagnes !
Vous n’êtes pas l’ami de nos entreprises, car lorsque, le lundi, vous annoncez réduire le coût du travail, le mardi vous augmentez de 5 Md€ les cotisations sur les bas salaires. On a l’impression que le rapport Bozio-Wasmer vous a été imprimé à l’envers ! Face au tollé, vous envisagez d’atténuer la hausse des cotisations ; mais la réduction d’une hausse, Monsieur le ministre, cela reste toujours une hausse ! Et, à la fin, ce sont les Français les plus modestes qui la subiront.
Tout cela, ce sont des mots, toujours des mots, encore des mots. Plutôt que d’aligner les vœux pieux en prétendant porter une parole performative, dont nous attendons les effets depuis sept ans, préférez enfin les actes, Monsieur le ministre : l’heure est à l’urgence ! Le taux de faillite de nos TPE et PME est au plus haut depuis quinze ans. Comment comptez-vous concrètement réinstaller la confiance auprès de nos chefs d’entreprise ?
M. Antoine Armand, ministre. Je cherche, dans l’enchevêtrement des formules faciles, la question à laquelle je dois répondre prioritairement.
Le président de votre groupe a menacé la précédente majorité d’une motion de censure quand elle a proposé une loi de finances rectificative pour rééquilibrer le budget. Oui, nous avons des convictions ; oui, dans notre groupe, elles ne varient pas… et ce n’est pas une honte !
Concernant les impôts, nous serons les premiers à instruire et à retenir à chaque fois que c’est possible les propositions d’économies visant à remplacer les prélèvements supplémentaires qui doivent être exceptionnels, ciblés et temporaires. Mais je constate que, dans l’hémicycle comme sur de nombreux bancs, il est plus facile de faire une proposition d’impôt supplémentaire qu’une proposition d’économie réelle, durable et étayée… Je le dis sans aucun sectarisme : à ceux qui sont capables de faire des propositions d’économies autres que « Nous allons supprimer cinq cents agences et cela rapportera 10 Md€ ! » – ce que les chiffres de mon ministère ne montrent pas –, la porte est ouverte et nous pouvons discuter ; cela vaut pour tous les groupes présents au Parlement.
Comptez sur ma détermination à toujours choisir la baisse de la dépense plutôt que l’augmentation des impôts : ce qui vaut pour cette année est valable plus encore pour les suivantes, car la baisse intelligente de la dépense prend du temps. Cela concerne l’emploi public, les régimes généraux de sécurité sociale et notre capacité à réduire le nombre des missions de l’État. Si nous voulons éviter le rabot, nous devons choisir les missions dont nous considérons que l’État n’est plus en mesure de les exercer, avec 3 300 Md€ de dette et 6 % du PIB de déficit. Je ferai des propositions et toutes les propositions seront les bienvenues.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres orateurs.
M. Julien Gabarron (RN). L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis est un événement politique majeur, qui impactera largement les équilibres économiques internationaux et, par conséquent, vos prérogatives ministérielles. La ligne directrice de la première économie du monde sera celle d’un protectionnisme accru et d’un rapport de force assumé avec ses partenaires européens, celle d’une guerre économique et d’influence. Face à cette nouvelle donne et dans une Union européenne qui ne semble pas prête à s’émanciper de la tutelle des États-Unis, quelles seront vos marges de manœuvre pour assurer la souveraineté économique de la France, en particulier dans les secteurs stratégiques du numérique, de l’industrie et de l’énergie ?
M. Antoine Armand, ministre. Votre constat sur le protectionnisme américain se révélera cruellement et rapidement juste. Nous aurons besoin de prendre des mesures très fortes, dans un pas de temps qui n’est pas habituel pour l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont appelé à un sursaut et à un réveil de la solidarité européenne. Pourquoi européenne ? Pas par choix d’un abandon de souveraineté ou parce que nous n’aimerions pas la France, mais parce que, compte tenu de la taille des marchés et des pays, c’est le bon échelon pour se défendre ! La réaction des pays asiatiques aux droits de douane de 35 % sur les véhicules a été extrêmement forte et dure, précisément parce que cette mesure était efficace. Dès qu’il y a une attaque ou une pratique offensive de l’extérieur vers les pays de l’Union européenne, nous devons répliquer avec d’autres mesures : nous ne devons pas être les seuls à nous demander si nous respectons la lettre et l’esprit des conventions et des règles commerciales, alors que la plupart des plaques continentales se posent un peu moins de questions.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Vous vous êtes rendu à Calais pour signer l’acquisition par l’État de 80 % d’Alcatel Submarine Networks (ASN), leader des câbles sous-marins. Cette opération, d’un montant d’environ 100 M€, s’inscrit dans une démarche de souveraineté numérique et industrielle face aux enjeux de sécurité nationale et de croissance économique. Avec cette prise de contrôle, nous assurons l’indépendance technologique de la nation et nous répondons aux nouveaux défis, notamment de cybersécurité, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques. Comme pour votre proposition d’entrer au capital de Sanofi, cette signature est‑elle conditionnée au maintien des deux mille emplois de cette entreprise, dont les deux tiers sont basés en France ? Du point de vue de notre groupe, il s’agit d’un sujet crucial, car nous devons préserver notre expertise et notre savoir-faire industriels, dans un domaine essentiel pour notre indépendance technologique.
M. Antoine Armand, ministre. Je connais votre engagement dans votre territoire, qui est industriel et participe largement à la souveraineté nationale. Si l’État se porte acquéreur de 80 % du capital d’ASN, ce n’est pas avec l’idée de ne pas être un employeur exemplaire et responsable à tous les titres ! C’est un investissement stratégique, puisqu’il s’agit du transport de fibres optiques et de câbles posés au fond de nos océans et qui sont des infrastructures critiques, mais c’est aussi un investissement pertinent et rentable, dans un marché en croissance dans lequel ASN détient un tiers des parts mondiales. Ce n’est pas parce que c’est l’État qui investit que nous serons moins ambitieux en matière de développement industriel et d’emploi, notamment en France : notre ambition est bien de développer l’emploi, au-delà de le préserver.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Près de 200 Md€ par an : tel est le montant des aides publiques versées aux grandes entreprises sans contrepartie. Le résultat est une chute de notre industrie et une destruction massive des emplois.
En Isère, dans ma circonscription, entre Valeo, Team Tex, Photowatt et Bancorex, ce sont plus de 6 500 emplois directs et indirects qui sont menacés. Vous devez d’ailleurs informer Bancorex, un pilier de la chimie fondé en 1916 à Pont-de-Claix, de la suite qui lui est réservée, comme l’énonce une lettre signée de M. Michel Barnier : je porte là les revendications des salariés en grève pour sauver leur emploi.
Quand allez-vous enfin conditionner les aides aux entreprises à de véritables plans de maintien des emplois, qui sont la garantie de la vitalité de nos territoires ? Quand allez-vous vous montrer à la hauteur des enjeux de souveraineté industrielle et vous impliquer dans la structuration de ces sites afin de garantir leur pérennité ? L’avenir de nos territoires en dépend, Monsieur le ministre !
M. Antoine Armand, ministre. Vous avez utilisé le terme de « contrepartie » : pardon d’enfoncer une porte ouverte, mais toutes les aides en ont et toutes les aides sont conditionnées. Par exemple, le crédit d’impôt recherche (CIR) est conditionné à l’engagement de dépenses de recherche par des personnels – souvent, des chercheurs de métier – directement dans l’entreprise, avec des contrôles précis. On ne donne pas d’argent en espérant seulement que les entreprises investissent dans la recherche ; le CIR coûte d’ailleurs de plus en plus d’argent, parce qu’un nombre croissant de chercheurs et d’entreprises ont recours à ces dépenses de recherche. La question se pose de savoir si la recherche est suffisamment de pointe ou s’il faudrait la recentrer, au risque toutefois d’affaiblir d’autres dépenses de recherche.
Par construction, la contrepartie existe pour chaque dispositif public.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le ministre, je tiens à vous alerter sur la situation de la chimie en France, qui est confrontée à la concurrence chinoise et au coût élevé de l’énergie. L’entreprise Bancorex, sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix, dans la région grenobloise, est menacée de fermeture. Cette entreprise est le gestionnaire de toute la plateforme, qui repose sur l’intégration et la complémentarité des industriels leaders comme Air Liquide, Solvay, Isochem ou Novacid. Bancorex a également un lien fort avec la plateforme de Jarrie, à quelques kilomètres de là, pour l’approvisionnement de sels chez Arkema – entreprise dans laquelle l’État a des participations. Du fait de ces particularités, l’effet domino serait dévastateur et les quatre cents emplois de Bancorex deviendraient cinq mille emplois sur les deux plateformes. Comment comptez-vous agir auprès des autres entreprises, qui devraient être solidaires de ce site pour assurer leur fonctionnement ?
M. Antoine Armand, ministre. Vous m’avez alerté dès les premiers jours de mon mandat sur la situation de l’entreprise. Mes services et mon cabinet suivent de très près ce dossier complexe, qui présente un risque d’effet domino pour toute une filière. Au-delà de la concurrence internationale et du ralentissement conjoncturel, nous devons être beaucoup plus efficaces en matière de compétitivité énergétique. C’est ma responsabilité !
Il y a un an environ, un accord a été signé entre EDF et l’État sur la compétitivité industrielle et énergétique et sur les prix qui peuvent être proposés aux industriels. J’aurais l’occasion de vous le présenter si vous le souhaitez, Madame la présidente. Nous devons regarder si cet accord porte ses fruits et si les secteurs les plus énergivores profitent de prix avantageux, qui reflètent davantage les coûts de production de l’électricité en France et qui soient compétitifs au niveau mondial.
Nous sommes évidemment mobilisés, au niveau des services d’État déconcentrés, en particulier pour la continuité de l’activité « Sels » qui est extrêmement importante à Jarrie.
M. Vincent Rolland (DR). Je vous remercie, Monsieur le ministre, ainsi que monsieur Marc Ferracci, pour votre implication personnelle dans le sauvetage de l’entreprise NFA à La Bâthie. Sans vos interventions respectives, cette usine qui produit du corindon blanc aurait sans doute fermé. Toutefois, j’évoquerai trois points de vigilance.
Qu’en est-il de la procédure antidumping introduite par Imerys auprès de la Commission européenne pour faire face à la concurrence asiatique ? S’agissant des coûts de l’énergie, il semble que les contrats de ce groupe hyperélectro-intensif ne soient pas tout à fait satisfaisants. Enfin, sur les 180 salariés, une cinquantaine ne sera pas reprise : il faudra un accompagnement vigilant de ceux qui seront malheureusement licenciés.
M. Antoine Armand, ministre. Merci pour vos mots et pour l’engagement des élus locaux et nationaux au côté de NFA ! Nous n’avons pas mis autant d’énergie à trouver une solution pour laisser s’installer une forme de déliquescence. Au contraire, nous devons travailler sur les questions de compétitivité structurelle – les coûts de l’énergie pour les électro-intensifs dans l’accord signé entre EDF et l’État, mais aussi la déclinaison des contrats. J’ai missionné les services de l’État pour prolonger les échanges au sujet de la procédure antidumping d’Imerys, de la compétitivité-prix, des contrats, mais aussi du reclassement des dizaines de salariés qui ne sont pas repris. Comptez sur notre détermination.
M. Benoît Biteau (EcoS). Construire un budget, c’est faire des choix Or, je constate que la grande oubliée est l’écologie, comme si l’écologie était l’ennemie de l’économie ! Ces orientations nous conduisent à prévoir des politiques curatives : on le voit en Espagne, pour pallier des catastrophes qui ne sont plus naturelles, mais anthropiques ; on le voit avec la souveraineté alimentaire, menacée par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, et avec le revenu des agriculteurs, qu’on pallie aussi avec des politiques curatives. Mais ces dernières ne sont que des pansements sur des jambes de bois ! Je n’oublie pas la santé, au sujet de laquelle on n’anticipe pas suffisamment et pour laquelle les politiques curatives engloutissent beaucoup d’argent pour réparer tous les désastres que l’on n’avait pas prévus.
Quand construira-t-on enfin un budget avec des politiques préventives et d’anticipation, pour prendre à bras-le-corps ces sujets pour lesquels nous avons rendez-vous avec l’Histoire ?
M. Antoine Armand, ministre. Je partage avec vous les notions d’urgence climatique et de double lutte contre le dérèglement climatique – l’adaptation et, d’abord et autant que possible, l’atténuation. Le plan national d’adaptation comporte un volet préventif, avec le fonds « Barnier » qui sera renforcé.
Le budget de la transition écologique est en hausse en valeur – insuffisamment certes, mais nous sommes dans un contexte de contrainte budgétaire. Il faut aussi travailler sur la composition du budget car certaines parties financent encore, directement ou indirectement, des « niches brunes », c’est-à-dire des domaines dans lesquels la dépense publique est contre‑incitative au climat et à l’écologie.
M. Harold Huwart (LIOT). L’accompagnement des entreprises dans les territoires, dans un contexte de ralentissement économique, est indispensable pour atteindre nos objectifs dans des domaines prioritaires. En matière de transition écologique, de transition numérique, d’export ou d’innovation, nous avons besoin de troupes au sol. Or le projet de budget prévoit une baisse de 50 M€ des ressources du réseau des chambres de commerce et d’industrie ; Business France est amputé d’une dizaine de millions d’euros ; Bpifrance, notamment son activité de garantie (action 23 du programme 134) subit 98 M€ de baisse de ressources, dans un moment où cette activité est absolument indispensable pour les entreprises en difficulté ; les crédits du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) baissent de 20 M€, sans parler des régions qui adoptent en ce moment leurs budgets. Comment allons-nous mettre en cohérence toutes ces réductions de dépenses, peut-être nécessaires, et nous assurer que nos entreprises continuent à être accompagnées dans leurs projets ?
M. Antoine Armand, ministre. Le ralentissement conjoncturel mondial risque de rendre encore plus utile et pertinent l’accompagnement personnalisé des entreprises par ceux qui les connaissent le mieux, c’est-à-dire les opérateurs, les services, les « troupes au sol » pour reprendre votre expression. Concernant les chambres de commerce et d’industrie, le Gouvernement reviendra sur la réduction du plafond de la taxe affectée, de 42 à 40 M€. Ainsi que nous sommes en train d’en discuter avec elles, cela devrait passer par un prélèvement sur trésorerie, pour leur donner du souffle et de l’énergie humaine pour accompagner les entreprises.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Il y a un peu plus d’un mois, nous avons interrogé avec bienveillance le PDG de Michelin au sujet du salaire décent. Je lui ai demandé s’il connaissait le coût du travail dans son groupe et s’il pouvait le comparer à celui de ses concurrents : il nous a indiqué qu’il n’avait aucune idée du coût du travail chez ceux-ci. Cette semaine, nous apprenons les fermetures des sites de Cholet et de Vannes, qui comptent 1 254 salariés, avec leurs lots de salaires décents en moins. Aviez-vous alors connaissance des projets de Michelin, qui ne datent vraisemblablement pas de deux mois ? Surtout, le coût salarial relatif étant certainement l’un des nombreux éléments pris en compte dans cette décision de fermeture, devons-nous comprendre que le PDG de Michelin a menti à la représentation nationale et, du même coup, à l’actuel ministre de l’économie ?
M. Antoine Armand, ministre. Je crains de ne pas saisir le sens de votre question, puisque, lorsque nous avons auditionné le président de Michelin, j’étais à la place de la présidente. Je n’avais pas les outils de surveillance dont je dispose au ministère et nous n’avons pas abordé les plans en question, mais le sujet des différences de compétitivité entre pays liées au coût du travail. Je ne crois pas que la sincérité et la probité du PDG de Michelin soient en jeu.
M. Antoine Golliot (RN). Auchan, l’un des plus grands employeurs français dans le secteur de la grande distribution, va supprimer près de 2 400 emplois. L’enseigne, qui vient de reprendre 98 points de vente à Casino, dont certains en situation très instable, risque d’être rapidement amenée à engager un nouveau plan de licenciements. Ces restructurations à répétition mettent en péril des milliers de foyers français. Les salariés d’Auchan sont inquiets. Je pense notamment à ceux de l’hypermarché de Saint-Martin-Boulogne, dans ma circonscription du Pas-de-Calais. De nombreuses questions se posent quant à l’avenir de l’emploi dans la grande distribution, secteur essentiel pour notre économie et l’approvisionnement des Français. Face à ce nouveau plan social, le plus important dans l’histoire d’Auchan, comment le Gouvernement entend-il soutenir concrètement les salariés affectés ? Quelles actions pourraient être envisagées pour limiter à l’échelle nationale ces suppressions d’emplois dans un secteur déjà fragilisé ?
M. Antoine Armand, ministre. Les annonces d’Auchan nous préoccupent au premier chef, avec la ministre chargée de la consommation. Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé de manière soudaine, avec une quantité d’emplois en jeu colossale et inédite dans l’histoire du groupe, a un lien avec la compétitivité globale du secteur et avec les difficultés que traverse la grande distribution – je le dis à une commission qui se préoccupe légitimement des questions de prix et de marges et de l’équilibre, extrêmement difficile à trouver, entre la juste rémunération de tous les producteurs, la volonté d’avoir les prix les plus bas possible pour les consommateurs et la possibilité que cette grande distribution soit rentable.
Chaque salarié concerné par le PSE devra être suivi personnellement. C’est l’un des engagements qui seront demandés à Auchan, avec qui les services de l’État resteront en lien tout au long de la procédure. Une réunion se tiendra à ce sujet dans les prochains jours.
M. Stéphane Travert (EPR). Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation du secteur hippique. Lundi, une proposition de hausse de la taxe sur les paris hippiques a été rejetée en séance, mais les professionnels sont malgré tout plongés dans une forme d’incertitude. Or ils ont besoin de visibilité pour assurer leur activité. Cette inquiétude se traduira par une manifestation demain à Paris, avec une « journée morte » et l’annulation de toutes les courses en France. Ce mouvement est susceptible de coûter 2 M€ de recettes à l’État. Il témoigne de la gravité de la situation et de la détermination des acteurs de la filière, pour lesquels n’existent ni horaires fixes, ni dimanches, ni jours fériés. Un message de soutien et de considération doit leur être adressé.
La filière hippique est un pilier économique et culturel, avec soixante-cinq mille emplois, dont vingt-neuf mille dans la course. Dans mon département de la Manche, terre historique du Trotteur français, ce sont six mille emplois, 1 200 éleveurs, cent cinquante entraîneurs et dix-sept hippodromes. Contrairement aux jeux d’argent, le pari hippique soutient directement la filière en finançant notre monde agricole. Augmenter cette taxe mettrait en péril les hippodromes, les centres d’entraînement et les territoires ruraux. En protégeant cette filière, nous protégeons aussi des emplois : aussi, nous attendons un soutien à la vitalité de nos territoires à travers cette filière emblématique.
M. Antoine Armand, ministre. Votre engagement pour la filière hippique – et plus généralement pour l’élevage – est bien connu. Je partage votre sentiment. Vous avez rappelé le contexte. C’est pour harmoniser la fiscalité des jeux dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que la taxe a été relevée jusqu’à 15 %. Je souligne à mon tour l’impact extrêmement positif et très nourri de la filière hippique partout dans la ruralité. Vous avez évoqué l’élevage et le monde agricole. Ces filières sont croisées et ont un impact les unes sur les autres. C’est pourquoi je suis favorable, comme le Gouvernement, à limiter à 7 % la hausse, ainsi que l’ont proposé les députés et que l’a adopté l’hémicycle. Vous pouvez compter sur mon engagement.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le ministre, vous avez déclaré : « Je crois qu’il n’y aura pas d’industrie française forte sans transition écologique aboutie. » La souveraineté énergétique passe aussi par notre souveraineté industrielle, notamment au travers de nos filières en énergie renouvelable. En Loire-Atlantique, dans ma circonscription, se trouve l’une des dernières centrales à charbon, qu’Emmanuel Macron avait promis de convertir à la biomasse, ainsi que General Electric (GE), ex-Alstom, qui fabrique nos éoliennes maritimes. Récemment, EDF a décidé de fermer sèchement sa centrale, qui compte 340 emplois. Quant à GE Vernova, qui vient d’entrer en bourse et subit la pression supplémentaire de la rentabilité actionnariale, il a décidé de supprimer 360 emplois, soit la moitié des effectifs de l’éolien maritime.
La logique financière ne peut répondre aux enjeux écologiques. Comment atteindre nos objectifs, si les industries productives d’énergie renouvelable ont disparu ? Que compte faire l’État pour empêcher les suppressions d’emplois, cette casse industrielle, et garantir l’avenir de cette filière dans l’intérêt général du pays et de sa souveraineté ?
M. Antoine Armand, ministre. Merci, Madame la députée, d’appeler notre attention sur cette question extrêmement difficile de la conversion et de la transition énergétiques. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous ne pourrons la mener à bien sans grande difficulté si l’on ne conserve pas les emplois et les compétences qui existent depuis longtemps. Vous avez rappelé les propos du Président de la République. La ministre de la transition écologique s’exprimera prochainement sur ce sujet. J’insiste, d’abord, sur la nécessité de la reconversion des salariés, en fonction de la décision prise par EDF. Ensuite, si nous pouvons faire cette transition, c’est parce qu’il existe une filière nucléaire qui garantit notre souveraineté industrielle et électrique. C’est un sujet autour duquel nous pourrons nous entendre, dans le futur.
Mme Valérie Rossi (SOC). Alors que nous entrons dans une période d’austérité nécessaire, qui impose des coupes budgétaires, votre gouvernement a fait le choix de signer la garantie financière de l’État pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver 2030, qui se dérouleront dans nos Alpes. Selon un rapport de l’inspection générale des finances, leur budget global devrait dépasser 2 Md€ – s’il échappe aux dérives financières habituelles.
Monsieur le ministre, ma question n’est pas polémique et appelle une réponse claire, que j’espère rassurante. Le département des Hautes-Alpes, qui n’est malheureusement pas le seul dans cette situation, panse encore les dégâts des inondations de l’hiver 2023 et de cet automne. Il attend que l’État tienne parole et verse les millions d’euros de reste à charge que votre gouvernement a promis aux collectivités locales sinistrées. Comment expliquer à mes administrés que là où l’État ne trouve pas les millions d’euros nécessaires pour réparer et reconstruire, il s’engage à garantir plus de 2 Md€ ? Est-ce une question de timing ?
M. Antoine Armand, ministre. Madame la députée, comme vous connaissez bien ce sujet, je suis sûr que vous ne confondez pas l’aide apportée en fonds propres par l’État dans le cadre d’une réassurance à la suite d’une catastrophe naturelle, et une garantie financière qui n’a à s’exercer qu’en cas de sinistralité – très faible, s’agissant de jeux olympiques et paralympiques d’hiver. Dans le premier cas, nous travaillons à verser plus vite l’argent, en lien avec les assureurs ; mes services pourront vous donner de plus amples détails sur la situation dans votre territoire. Quant aux Jeux d’hiver, le Président de la République a indiqué qu’ils devaient être sobres et durables : ils doivent être sobres écologiquement, avec l’utilisation d’équipements existants, et durables, en contribuant à créer des infrastructures décarbonées de transport, utiles pour les territoires et pas seulement pour un événement éphémère – si formidable soit-il.
M. Guillaume Lepers (DR). Depuis la réforme des retraites, la question du temps de travail reste au cœur de nos débats. Dans un entretien donné à CNews, vous avez estimé que la quantité d’heures travaillées ne suffit plus aujourd’hui à financer notre modèle social : c’est un constat partagé, mais pouvez-vous nous expliquer votre vision de la nécessaire évolution du temps de travail ? Notre modèle social n’est pas seul en jeu, puisque les chefs d’entreprise que nous auditionnons dans cette commission font tous état du grand écart entre le « super-brut », c’est-à-dire le coût total d’un salarié pour l’entreprise, et le salaire qui lui est réellement versé. La modulation du temps de travail permettrait aussi d’augmenter le revenu par le travail et d’assurer la compétitivité de notre économie face à la concurrence mondiale. Envisagez-vous une réforme du temps de travail qui permettrait de pérenniser notre modèle social, mais aussi de redonner de la valeur au travail en le rendant plus rémunérateur que l’inactivité ?
M. Antoine Armand, ministre. Vous avez raison de lier les deux sujets, car la question est de savoir dans quelle mesure le travail produit et la quantité d’heures travaillées permettent de financer notre modèle social et de garantir la compétitivité nationale et à l’export de nos entreprises. En la matière, il y a deux éléments : la durée du travail – hebdomadaire, annuelle et tout au long de la vie – et surtout le taux d’emploi – qui est une question que nous devrions tous garder à l’esprit – dans un monde où l’insertion économique des jeunes est encore faible et où les jeunes ni en emploi, ni en formation, ni en activité (Not in Education, Employment or Training, Neet), sont nombreux. C’est une perte d’opportunité pour eux, d’abord, et pour le tissu économique, en général.
M. Stéphane Buchou (EPR). Je constate régulièrement que beaucoup d’entreprises – je pense notamment à des PME de taille intermédiaire – pourraient augmenter la rémunération de leurs salariés. Pourtant, elles ne le font pas et la raison souvent invoquée est le niveau trop élevé des cotisations – lesquelles financent un modèle social auquel nous sommes attachés. Paradoxalement, c’est un frein au développement des entreprises, y compris dans des territoires comme le mien qui sont proches du plein-emploi. Il ne revient évidemment pas à l’État de déterminer ou de fixer les salaires dans les entreprises, car nous ne sommes pas dans une économie administrée. Quels leviers actionner pour faire mieux et répondre à la problématique du pouvoir d’achat, qui est la première préoccupation de nos concitoyens ?
M. Antoine Armand, ministre. Nous pouvons tous nous accorder sur un constat : il y a un peu moins de dix ans, 10 % de la population active étaient au Smic, contre 17 % à 18 % aujourd’hui – pour des raisons de productivité, de formation, mais aussi d’échelle salariale, puisque certaines conventions collectives prévoient encore des salaires en dessous du Smic. Je ne prétends pas que le ministre des finances puisse seul apporter une réponse à la question des salaires, mais trois types de leviers au moins peuvent être mobilisés. Le premier, qui dépend de nous et que nous actionnons dans le projet de loi de finances – même si nous devons l’adapter en période de ralentissement – est celui du caractère incitatif des cotisations sociales : quand vous voulez augmenter de 100 euros un salarié au Smic, il vous en coûte 435 euros de plus… Cela signifie qu’en procédant à des allègements de cotisations au niveau du Smic, on a créé une situation de quasi-trappe à bas salaires. Les deux autres leviers sont la négociation des conventions collectives et notre capacité à améliorer la formation continue tout au long de la vie.
Mme Nicole Le Peih (EPR). Les agriculteurs subissent une pression accrue avec des coûts de production liés aux enjeux climatiques. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une réduction notable du budget alloué à la mission Agriculture, qui passe de 5,3 Md€ à 4,6 Md€. Comment envisagez-vous de compenser cette baisse budgétaire tout en assurant la compétitivité, donc la durabilité, de notre agriculture, pour accompagner les transitions vers des pratiques plus résilientes ?
M. Antoine Armand, ministre. J’étais sur ces bancs quand nous avons examiné la loi d’orientation et d’avenir agricoles, sous la présidence de Stéphane Travert. Cet examen a donné lieu à de nombreux débats, qu’il est difficile de résumer en peu de temps. Je mentionnerai trois points : la nécessaire reprise du chantier de ce projet de loi ; la transmission des exploitations, qui fait déjà l’objet d’exonérations dans le projet de loi de finances pour les agriculteurs qui s’installent hors cadre ; les prêts et garanties que nous pourrons apporter dans le cadre des futurs guichets d’accompagnement à l’installation et au développement des entreprises, pour les transitions qui seront indispensables à effectuer.
M. Karim Benbrahim (SOC). À Nantes, Saunier Duval lance un plan de suppression de 225 postes dans la fabrication de pompes à chaleur. En Loire-Atlantique, General Electric fait le choix de délocaliser sa production d’éoliennes en mer aux États-Unis. La production européenne de panneaux photovoltaïques représente 1 % de la production mondiale : il s’agit pourtant d’industries clés de la transition écologique.
La France fait face à une concurrence déloyale de la part de la Chine et nous ne nous alignerons pas sur ses coûts de production. Les coûts de production américains sont davantage comparables aux nôtres, mais les États-Unis gagnent des parts de marché sous l’effet de leurs pratiques protectionnistes. « Il faut sortir de la naïveté », disiez-vous. Les chefs d’industrie pointent l’accès au marché comme un facteur de choix dans l’implantation des usines. « Nous devons favoriser l’investissement européen », disiez-vous. Mais à quoi bon, si nos sites industriels n’ont pas accès à des marchés ?
Monsieur le ministre, les emplois, les compétences et les outils industriels dans les industries clés de la transition écologique doivent être sauvés pour répondre à un triple enjeu écologique, économique et de souveraineté nationale. Quelles mesures de protection de nos industries envisagez-vous ?
M. Antoine Armand, ministre. Je partage votre constat de la situation de certaines infrastructures d’énergie – panneaux solaires, pompes à chaleur –, qui reflète aussi une demande insuffisante par rapport à ce dont nous avons besoin pour mener la transition énergétique dans notre pays.
Vous avez également évoqué l’accès aux marchés. Je suis plutôt d’accord avec vous, mais l’accès aux marchés internationaux ne peut se faire avec les politiques restrictives ou de défense commerciale que vous appelez de vos vœux. L’équilibre à trouver est extrêmement délicat, je le concède bien volontiers. Continuer à accéder à des marchés aux débouchés intéressants passe par la capacité à transformer la commande publique européenne. Il faut aussi faire comprendre à nos partenaires européens que soit nous arrivons à transformer les règles de la commande publique européenne pour favoriser les entreprises européennes, notamment énergétiques, soit elles s’affaibliront. C’est l’un de mes combats à Bruxelles.
M. Patrice Martin (RN). Lors de votre entretien sur CNews et Europe 1, lundi matin, vous avez fait part de votre préoccupation quant à la situation des finances publiques. On ne peut que vous rejoindre face à l’ampleur du désastre budgétaire que la Macronie fait subir aux Français depuis sept ans. Pour vous, la quantité d’heures travaillées en France ne suffit plus à financer notre modèle social. Et, je vous cite, « si on veut le conserver, il faudra travailler davantage. C’est un constat et une conviction politique. » Monsieur le ministre, de quels Français parlez-vous ? De l’artisan, qui travaille dix heures par jour et subit la flambée des prix de l’énergie ? De l’agriculteur, qui n’arrive pas à se verser un salaire et travaille à perte, face à une absence de politique responsable pour sortir de la crise agricole ? Du commerçant, qui voit le coût du travail augmenter et se réduire sa capacité d’investissement ? Du soignant, qui subit la surcharge des services d’urgence, la pression de l’accueil et de la prise en charge sans considération hiérarchique ? De l’enseignant, qui voit ses conditions de travail dégradées face à la violence ?
M. Antoine Armand, ministre. Il n’est pas besoin d’opposer les Français les uns aux autres. Je n’ai jamais dit que les agriculteurs travaillent trop peu ou que les soignants, qui ont des conditions de travail extrêmement difficiles, travaillent trop peu : c’est une évidence ! Mais nous pouvons nous accorder sur ce constat : les heures travaillées sont moins nombreuses en France qu’ailleurs. Cela permet d’ouvrir le débat tant dans le secteur public – vous avez vu les mesures prises par le Gouvernement concernant les jours de carence dans la fonction publique et la durée du travail dans les collectivités locales : il existe une loi et elle doit être respectée, quelle que soit la taille des collectivités – que dans le secteur privé. Nous devons faire mieux en matière d’heures travaillées si nous voulons garder le modèle social au niveau auquel il existe, à moins de décider qu’il doit désormais être financé par de l’impôt supplémentaire, ce que nous ne pouvons pas nous permettre dans un pays qui a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’article 4 du projet de loi de finances concerne le mécanisme imaginé pour prendre la suite de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ; vous avez hérité de ce dispositif imaginé par M. Bruno Le Maire. En tant que rapporteur pour avis, j’ai pu l’expertiser longuement et je soutiens qu’il n’apporte aucune visibilité, mais une augmentation à peu près certaine, des factures en 2026, pour les ménages comme pour les entreprises. Cela mérite un projet de loi spécifique, puisqu’il en va de l’accès à un bien de première nécessité, de la capacité de nos entreprises à faire la décarbonation et de l’avenir d’EDF – donc, de notre politique de transition énergétique.
Cet article a été largement rejeté dans l’hémicycle. Garantissez-vous qu’il n’y aura pas de retour et de passage en force à l’occasion d’un 49.3 ou de quelque chose qui y ressemblerait ?
M. Antoine Armand, ministre. On débat de ce sujet depuis quelques années. Vous partagez avec moi la question de l’urgence de cette nouvelle régulation, quelle qu’elle soit, compte tenu de la fin programmée de l’Arenh. Il est important que nous puissions en débattre dès maintenant. Si le débat au Sénat conduisait également à supprimer cette mesure, nous en discuterions dans les prochaines semaines. J’entends vos propos et je les partage de longue date, je ne vais pas changer d’avis du jour au lendemain. Nous devons débattre de ce que ce mécanisme permet vraiment et de ce qui dépend des nouvelles règles du marché européen – qui permettent de faire à peu près ce qu’il est utile de faire pour que les coûts de production soient reflétés dans les prix de vente.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Vous dites qu’il ne faut pas s’inquiéter, car s’il y a une suppression massive d’emplois, d’autres sont créés. Mais les salariés de Michelin et d’Auchan ne retrouveront pas tous un emploi. Ils seront parfois reclassés loin de chez eux, ce qui engendrera des frais, car il leur faudra prendre la voiture. D’autres encore verront leur salaire diminuer, par exemple parce que leur ancienneté ne sera pas prise en compte. Quelles actions mènerez-vous auprès des entreprises pour éviter ce drame social ? Les contreparties que vous mentionniez ne suffisent visiblement pas, puisque 143 000 emplois vont être supprimés en 2025.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Pouvez-vous répondre de façon précise sur les conditions de licenciement, compte tenu de tous les plans en cours ?
M. Antoine Armand, ministre. Cette question nous préoccupe autant que vous et, au premier chef, les salariés.
Premier point : j’ai demandé aux services déconcentrés de l’État – et les ministres le seront également – d’être attentifs à la question de la mobilité professionnelle que vous avez soulevée : un éloignement d’une heure ou une heure et demie peut impliquer un changement de vie. L’État doit être partie prenante des offres qui seront proposées, pour observer si les règles du jeu que nous posons pour que les salariés reçoivent des offres sérieuses et personnalisées sont bien appliquées.
Deuxième point : un repreneur est recherché pour Michelin et la question de la continuité territoriale de l’emploi est posée pour Auchan. Nous avons des demandes pour la création de sites industriels. Il conviendrait qu’elles soient fléchées vers les lieux où il y aura des recrutements importants.
Enfin, pour ceux qui ne seront pas reclassés parce qu’ils ne le souhaitent ou ne le peuvent pas, un effort spécifique de formation professionnelle doit être engagé rapidement – pas dans six mois ou dans un an. En effet, certaines personnes sont depuis longtemps dans l’entreprise, où elles occupent des postes spécifiques : leur reconversion n’est donc pas évidente.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous remercie, Monsieur le ministre, d’avoir répondu à nos questions. Je ne doute pas que nous aurons d’autres occasions de dialoguer ensemble.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 15 heures
Présents. – M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Éric Bothorel, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Olivia Grégoire, Mme Mathilde Hignet, M. Harold Huwart, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Pascal Lecamp, M. Alexandre Loubet, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber
Excusés. – Mme Delphine Batho, M. Philippe Bolo, M. Inaki Echaniz, Mme Julie Laernoes, Mme Sandra Marsaud, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, M. Philippe Naillet, M. Stéphane Peu, M. Dominique Potier