Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Examen de la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer (n° 419) (Mme Alma Dufour, rapporteure)              2


Mercredi 20 novembre 2024

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 24

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de Mme Alma Dufour, la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer (n° 419).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’Hexagone et les outre-mer, pour laquelle Mme Alma Dufour a été désignée rapporteure. Je rappelle que ce texte est inscrit en troisième position à l’ordre du jour de la séance publique le jeudi 28 novembre, dans le cadre de la journée réservée au groupe LFI-NFP.

Lors de l’audition, hier, de la ministre Agnès Pannier-Runacher, notre commission a déjà évoqué la question essentielle de l’accès à l’énergie et de la précarité énergétique, qui concerne 12 millions de nos concitoyens. Cette proposition de loi vise à apporter sans plus attendre des garanties concrètes quant au niveau des prix de l’énergie, alors que nombre de nos concitoyens peinent à payer leurs factures pour se chauffer.

Le présent texte fait l’objet de neuf amendements, seuls ceux ayant un lien avec l’objet de ses trois articles ayant été déclarés recevables au titre de l’article 45 de la Constitution.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Cette proposition de loi ne vise ni à sortir du marché européen de l’électricité, ni à arrêter les échanges d’électricité avec les pays voisins, ni à déterminer notre mix énergétique en 2030 ou 2050, ni à ruiner EDF, ni à provoquer le départ de TotalEnergies avec ses pompes à essence sous le bras.

Ces inquiétudes levées, j’espère que nous pourrons débattre en profondeur d’un sujet technique mais crucial pour le pouvoir d’achat des Français, la survie des entreprises et la transition écologique.

L’article 1er du texte vise à bloquer temporairement – pendant douze mois – les prix de l’électricité, du gaz, et du pétrole à leurs niveaux de référence d’avant la crise du covid. Quant aux outre-mer, ils bénéficient déjà d’un encadrement des prix. Toutefois, puisque le revenu médian y est fortement inférieur à celui de l’Hexagone, le texte précise que les prix de l’énergie y seront bloqués à un niveau inférieur à celui de l’Hexagone.

L’article 2, de nature plus structurelle, vise à régler le problème des prix de l’énergie sur le plus long terme. Nous proposons de rétablir le tarif réglementé de vente de gaz (TRVg), que nous n’aurions jamais dû abandonner, afin de mieux encadrer le prix final payé par le consommateur et les marges parfois abusives que réalisent les fournisseurs, qui pèsent sur les ménages et les petites entreprises.

Comme la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et contrairement à l’Autorité de la concurrence, dont nous n’avons pas compris la position – peut-être ne la comprend-elle pas elle-même –, nous demandons par ailleurs le maintien du tarif réglementé de l’électricité (TRVe). Nous demandons aussi son extension à tous les consommateurs, comme auparavant.

Puisque la France est le premier exportateur net d’électricité d’Europe, que 80 % de cette électricité est produite par EDF et qu’EDF est détenue à 100 % par l’État, il n’y a aucune raison que la puissance publique ne décide pas elle-même des prix payés par les consommateurs français. Nous proposons donc de fixer le TRVe au plus proche des coûts de production nationaux, sans compensation des fournisseurs alternatifs, et de maintenir les échanges d’électricité avec nos voisins au prix de marché européen. Les échanges d’électricité entre les États membres préexistaient à la création du prix de marché européen.

Rappelons que lorsque les interconnexions physiques sont saturées, les prix de marché diffèrent selon les États membres. C’était le cas hier, à neuf heures. Sur le marché spot, le mégawattheure coûtait ainsi 112 euros en France, 157 euros en Allemagne et 160 euros en Italie. Ce matin, alors que les limites de l’interconnexion ne sont pas atteintes, le prix de marché européen s’aligne dans ces trois pays, autour de 100 euros le mégawattheure.

Notre proposition permettrait de diviser par deux la facture d’électricité des Français, des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) et des collectivités locales.

L’article 3 vise à encadrer les marges des raffineurs de carburant, alors que nos concitoyens souffrent de la moindre variation des prix à la pompe.

Pourquoi cette proposition de loi, puisque les prix de marché du gaz et de l’électricité ont diminué ? Parce que les Français n’en ont pas bénéficié. Un Français sur deux peine à régler ses factures d’énergies. C’est devenu le principal problème de pouvoir d’achat. Près d’un million de procédures pour impayés d’énergie ont été lancées en 2023, soit une hausse de 49 % par rapport à l’avant-covid. Selon le Médiateur national de l’énergie, 30 % des Français auront froid cet hiver.

Écoutez ce témoignage : « L’hiver dernier, la température dans notre domicile était de 10 degrés, car nous n’avions pas les moyens de nous chauffer. Cet hiver, ce sera la même chose. Nous avons anticipé et isolé les fenêtres avec du papier journal et des cartons. » Celui-ci : « J’habite dans le Limousin. Malgré un pull et un sac de couchage, je dors mal car j’ai froid. Je ne peux pas payer l’électricité. L’année dernière, parce que j’ai utilisé les plaques de cuisson et que j’ai chauffé ma chambre à 15 degrés, EDF m’a adressé une facture de régularisation de 700 euros. J’ai dû demander de l’argent à ma famille. » Ou encore celui-ci : « Nous avons reçu une facture de régularisation de 1 900 euros pour sept personnes. C’est l’équivalent d’un salaire ; nous avons dû souscrire à un crédit à la consommation pour la régler. » Et celui-là : « En 2023, EDF m’a réclamé 700 euros pour ma consommation pourtant économe de 2022. Depuis, c’est simple, je ne me chauffe plus. » Le montant des factures d’électricité des Français a augmenté de 45 % en trois ans ; de 60 % depuis 2019. Le Gouvernement veut rembourser le coût du bouclier tarifaire en augmentant la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). C’est un abus de faiblesse.

Pourquoi cette proposition de loi ? Parce que les faillites d’entreprises ont atteint un niveau sans précédent depuis douze ans. Quand nous avons alerté sur les conséquences de la crise de l’énergie pour les boulangeries, les PME industrielles et les 110 000 emplois menacés à court terme dans l’industrie, le Gouvernement nous a accusé d’exagérer. Ses membres affirment désormais, la mine grave, que les faillites sont dues au prix de l’énergie. Nous devons réagir rapidement.

Rien ne garantit que les prix de l’énergie ne remonteront pas en flèche dans les prochains mois. Aucun des acteurs auditionnés, de la CRE à EDF, n’est capable de donner le prix de marché de l’électricité dans un an. L’élection de Trump ne présage rien de bon, au vu de notre dépendance accrue au gaz naturel liquéfié américain. La Banque mondiale alerte depuis un an sur le risque de survenue d’une crise énergétique sans précédent si la déstabilisation du Proche-Orient se poursuit.

Sans même attendre ces bouleversements géopolitiques, le prix de l’électricité en Allemagne dévisse déjà : un pic de 800 euros le mégawattheure a été atteint le 16 novembre. Le marché européen est ainsi fait que les consommateurs français paient en partie les prix hauts en Allemagne. Lorsque nous avons commencé la rédaction de cette proposition de loi, au début du mois d’octobre, les prix sur le marché spot s’établissaient régulièrement autour de 50 euros pour la France. Ils ont doublé depuis.

Les prix de l’énergie sont au cœur d’une compétition industrielle féroce avec les États-Unis, la Chine mais aussi nos voisins allemands. Lorsque les interconnexions sont saturées, les prix allemands peuvent atteindre le double des nôtres. L’intérêt de l’Allemagne est donc de niveler les prix au niveau européen. Les propos du ministre de l’économie allemand Robert Habeck sont limpides : pour lui, le problème n’est pas que la production d’EDF s’appuie sur le nucléaire, mais que ce groupe propose des prix inférieurs à ceux du marché européen.

L’Allemagne, après avoir envisagé de subventionner l’électricité, a finalement réduit les taxes. Or ce n’est pas envisageable en France, car notre pays est soumis à une procédure de déficit excessif.

En outre, le système actuel prive la France de son seul avantage compétitif au niveau européen. Nous ne proposons pas d’arrêter les exportations d’électricité à nos voisins, mais que les entreprises et ménages français paient l’électricité à son coût de production en France.

Pourquoi cette proposition de loi ? Parce que les mécanismes instaurés jusqu’à présent ont été des échecs, particulièrement le bouclier tarifaire – un échec retentissant. Selon la Cour des comptes, en 2022 et 2023, son impact sur le budget de l’État s’est élevé à 36 milliards d’euros et la facture pour les clients finals et les contribuables a excédé de 37 milliards la somme des coûts de production nationaux et des importations nettes. Durant ces deux années, les acteurs du marché de gros ont empoché 30 milliards de marges bénéficiaires nettes, ce qui représente un taux de marge de 100 %.

Alors que le Gouvernement organise des coupes budgétaires, réduit les aides à la rénovation des logements et à l’achat de voitures électriques, il est impensable de recommencer les mêmes erreurs. Or, rien n’est prévu concernant le gaz et le pétrole. Enfin, avec la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), le TRVe sera intégralement indexé sur les prix de marché.

Le Gouvernement prévoit certes de taxer la rente nucléaire d’EDF, afin de financer un versement nucléaire universel, mais le seuil de taxation retenu, de 90 % du revenu à partir d’un prix de marché de 110 euros le mégawattheure, est trop haut au vu des coûts de production français. En outre, la taxe ne concernerait que le nucléaire historique d’EDF.

Enfin, le Gouvernement n’a rien prévu pour éviter que les fournisseurs n’augmentent leurs marges à la faveur de l’instauration du versement nucléaire universel. Quand nous avons souligné ce risque, les acteurs auditionnés nous ont simplement objecté qu’il fallait laisser jouer la libre concurrence. Or, celle-ci n’existe pas sur le marché de l’électricité. Elle n’a pas empêché les fournisseurs alternatifs de faire exploser le montant des factures pendant la crise, au point que 1 million de clients sont retournés chez EDF. Nos concitoyens ont été traumatisés ; ils préfèrent le TRVe actuel par crainte des coupures d’électricité, alors qu’il est plus élevé que le prix de marché.

Même si notre assemblée a largement rejeté la hausse de la TICFE prévue dans le projet de loi de finances (PLF), celle-ci pourrait être rétablie dans la version du PLF que le Gouvernement fera adopter par 49.3. Elle ne suffirait pas face à l’ampleur du problème. Le présent texte permettra en revanche de faire face à l’urgence.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexandre Loubet (RN). Le montant des factures d’électricité a crû de 44 % en deux ans et de plus de 137 % depuis 2017. Cette explosion des prix de l’énergie, qui pénalise les ménages, les entreprises et les collectivités, n’est pas une fatalité mais résulte de mauvais choix politiques. Alors que le coût de production de l’électricité en France est parmi les plus bas d’Europe, nous avons choisi d’indexer son prix sur le prix européen du gaz. Pour réduire le montant des factures d’électricité, nous devons donc abandonner les règles absurdes de fixation des prix en vigueur sur le marché européen de l’énergie – mais non quitter ce marché lui-même.

Malheureusement, plutôt que de remettre en cause ses dogmes européistes, la Macronie a préféré dilapider plus de 70 milliards d’euros en quatre ans, à travers des chèques financés par le contribuable.

En octobre 2023, le Rassemblement national a proposé le rétablissement d’un prix français de l’électricité afin d’aider nos compatriotes et de réindustrialiser le pays, mais, au Nouveau Front populaire, vous avez voté contre parce que vous avez préféré vos intérêts partisans à ceux des Français, par sectarisme.

Vous tentez de vous racheter avec cette proposition de loi. Au nom de l’intérêt général, le Rassemblement national la soutiendra, à l’exception de l’article 1er. En effet, le blocage des prix de l’énergie que vous prévoyez serait arbitraire et déconnecté. Il vaudrait mieux rétablir des prix français de l’électricité et du gaz. Ils seraient fondés sur les coûts de production et d’approvisionnement à l’échelle nationale, plutôt que sur les règles absurdes du marché européen de l’énergie.

Nous soutiendrons l’article 2, qui prévoit la généralisation des tarifs réglementés de vente de l’électricité et le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz. Je note qu’il reprend quasiment mot pour mot certaines phrases de la proposition de loi que j’ai défendue en octobre. Nous proposerons toutefois quelques modifications, car nous sommes réservés vis-à-vis de votre projet de plafonner arbitrairement les marges bénéficiaires nettes dans le secteur de l’électricité à 10 %.

Nous soutiendrons l’article 3, qui vise à réduire le prix des carburants en encadrant les marges brutes de raffinage. Nous aurions préféré appliquer aux carburants un taux réduit de TVA, de 5,5 % ; malheureusement, la Constitution interdit ce type d’initiatives aux parlementaires. Je me réjouis que pour une fois, la gauche se soucie des automobilistes – d’habitude, elle est la première pour les contraindre au nom de l’écologie punitive.

Le Rassemblement national adoptera donc une attitude constructive. J’invite les autres groupes à soutenir le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises sans sectarisme.

Mme Alma Dufour, rapporteure. À l’article 1er, nous n’avons d’autre choix que de confier la fixation des prix au Gouvernement, puisque c’est une disposition d’ordre réglementaire, qui doit passer par décret.

Nous recommanderions au Gouvernement de bloquer les prix de l’électricité et du gaz au niveau du TRVg et du TRVe, tels que l’article 2 prévoit de les calculer – c’est-à-dire 141 euros le mégawattheure pour l’électricité. En ce qui concerne le pétrole, puisque le blocage est temporaire, il ne devrait pas provoquer de pénurie. Nous pouvons viser un retour au prix d’avant-covid de 1,49 euro le litre d’essence sans plomb.

Quant à l’article 3, je le répète, il faut encadrer les marges des raffineurs.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Votre proposition de loi prévoit de bloquer temporairement les prix de l’énergie. Nous sommes contre, car nous croyons dans l’économie de marché ; vous y êtes favorables parce que vous prônez une économie administrée.

Dans l’exposé des motifs, vous prétendez que les tarifs réglementés reflètent les prix du marché, alors que cela n’a jamais été le cas. Vous proposez, à l’article 2, d’indexer les tarifs réglementés de l’électricité sur les coûts de production. Mais je ne vois pas ce que cela changera pour les Français, puisque le niveau actuel des tarifs réglementés est déjà équivalent à ces coûts.

Vous proposez également de rétablir les tarifs réglementés du gaz. Or, en 2018, le Conseil d’État a annulé des décrets concernant de tels tarifs, au motif qu’ils étaient contraires au droit européen. Comment comptez-vous donc faire appliquer cette mesure ?

Vous prévoyez de financer ces mesures par une contribution sur les marges des énergéticiens. Mais comment EDF et ses concurrents pourront-ils investir dans de nouvelles installations et dans l’énergie renouvelable s’ils ne dégagent plus de marges suffisantes ?

Je note une nouvelle fois l’inconséquence du Rassemblement national sur la question énergétique. Monsieur Loubet, vous refusez le blocage des prix prévu à l’article 1er, au motif qu’il serait « arbitraire », mais vous proposez d’en instaurer un autre, à l’article 2. Le blocage des prix lepéniste n’est pas moins arbitraire que le mélenchoniste ! Et comment comptez-vous protéger le secret des affaires d’EDF, crucial pour permettre à ce groupe de faire face à la concurrence, si vous publiez le détail de ses coûts de production au Journal officiel ?

Les articles de cette proposition de loi sont soit démagogiques, soit inopérants. Ils affecteraient lourdement les acteurs économiques et les producteurs d’électricité. Nous voterons contre.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Vous pourrez vérifier auprès de la CRE, la part énergie des TRVe est bien calculée à partir du prix de marché de l’électricité, lissé sur deux ans. C’est d’ailleurs ce qui explique que la part énergie du TRVe en vigueur s’élève à plus de 130 euros le mégawattheure, alors que le mégawattheure coûte actuellement autour de 75 euros dans des contrats CAL (Calendar) 2025.

Il est vrai que la part énergie des TRVe est également définie pour partie par les tarifs de l’Arenh, d’un niveau très bas, voire trop bas par rapport aux coûts de production. Mais l’Arenh sera supprimée dès l’an prochain et le TRVe reflétera alors pleinement les prix du marché, lissés sur deux ans.

Pour notre part, nous proposons de calculer le TRVe à partir des coûts nationaux moyens de production de l’électricité – qu’elle soit issue de centrales nucléaires, hydroélectriques ou à gaz – lissés sur un an, qui s’établissent à 70 euros le mégawattheure.

Quant aux coûts futurs de l’électricité, nous laisserons la main au Parlement pour investir et recapitaliser EDF.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Monsieur Vojetta, vous n’avez pas eu un mot sur l’explosion des factures d’énergie ces dernières années, alors qu’elle entraîne les ménages dans la précarité énergétique, oblige les collectivités à fermer des services publics, fragilise les entreprises et explique la multiplication des faillites.

Des mesures structurelles et d’urgence sont nécessaires. Les réponses des différents gouvernements Macron ont été notoirement insuffisantes. Le bouclier tarifaire a conduit à l’enrichissement des énergéticiens par les contribuables et sert à justifier les coupes budgétaires actuelles.

L’Arenh devant prendre fin en décembre 2025, le PLF pour 2025 prévoyait un mécanisme pour lui succéder mais, comme je l’ai montré dans mon rapport pour avis, celui-ci ne réglera aucun problème, ne permettant ni des prix raisonnables, ni des prix prévisibles.

Le Gouvernement prévoit qu’EDF vendrait toute sa production sur le marché européen de l’électricité. Or, RTE (Réseau de transport d’électricité) indique que 75 % du temps, les tarifs de ce marché seront fixés à partir de ceux du gaz, particulièrement volatils.

L’État taxerait également les surprofits d’EDF sur l’énergie d’origine nucléaire pour réduire la facture payée par les consommateurs, mais nous ne savons pas pour quels montants, car, outre que le produit de la taxe dépendra du marché, sa base est incertaine. En effet, les surprofits seront calculés en déduisant à la fois les coûts de la production, du remboursement de la dette de l’opérateur historique, de 55 milliards d’euros, et de l’investissement dans les nouvelles installations nucléaires. Ceux-ci pourraient s’élever à 70 milliards, mais nous ne savons rien du coût des chantiers et des frais financiers. RTE nous indique qu’ils pourraient multiplier par deux ou trois le prix final de l’électricité.

Ainsi, le dispositif prévu par l’État conduirait nécessairement à une hausse du montant des factures. Selon les économistes, elle pourrait être de 10 % pour les ménages et de 40 % pour les entreprises. Le cabinet ministériel a refusé de nous donner des simulations, notamment pour les industries énergo-intensives. J’espère que le dispositif, que nous avons rejeté, ne reviendra pas par la fenêtre.

Il n’est pas tolérable que 30 % des Français souffrent du froid cet hiver. Il faut bloquer les prix de l’énergie pour douze mois et encadrer les marges des raffineurs. Ces mesures sont plébiscitées par 85 % des Français et dans tous les électorats. Évidemment, ce texte est perfectible. J’invite les groupes qui hésitent à le voter à travailler avec nous sur des amendements pour la séance.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je vous remercie d’avoir rappelé le contexte. La technicité des questions ne doit pas nous faire oublier que tous les voyants sont au rouge, tant au plan social, qu’économique et géopolitique.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Depuis trois ans, les groupes parlementaires de gauche et écologistes soulignent l’urgence de maîtriser les prix de l’énergie, afin de protéger les particuliers, les entreprises et les collectivités de la forte inflation induite par la relance des économies après la crise du covid et la guerre en Ukraine. Nous divergeons toutefois sur les modalités pour y parvenir.

Notre groupe avait notamment obtenu dans la loi de finances rectificative pour 2022 la création d’un chèque énergie bois. Dans le cadre de la proposition de loi visant à nationaliser EDF, nous avons également permis d’étendre les tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des TPE, alors que celles de l’artisanat et de l’agriculture en étaient jusqu’à présent exclues. Cette extension est proportionnée, soutenable financièrement et conforme à la réglementation européenne.

Votre article 1er prévoit la fixation par décret d’un prix plafond. Pour notre part, dans le cadre de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgences pour le pouvoir d’achat, nous avions proposé l’instauration d’une TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) flottante. Elle aurait le même impact pour le consommateur final qu’un blocage des prix, mais son mécanisme, très différent, permettrait de prendre en compte la nécessité de la transition écologique et de la prévisibilité des recettes fiscales. C’est d’autant plus important que celles-ci servent pour partie à financer la péréquation tarifaire et le soutien aux zones non interconnectées (ZNI), notamment dans les outre-mer.

De même, l’article 2, qui prévoit une refonte des TRVe et le rétablissement des TRVg, aurait pour effet mécanique, à terme, la disparition des fournisseurs alternatifs, alors que ceux‑ci jouent un rôle majeur dans le développement des énergies renouvelables, aux côtés d’EDF. Je pense par exemple au parc éolien en mer exploité par l’entreprise espagnole Iberdrola.

Vous ne prévoyez pas de compenser les pertes de recettes liées à ces mesures pour EDF, au risque de fragiliser l’opérateur national, alors qu’il doit faire face à un mur d’investissements. Souvenons-nous que le relèvement du plafond de l’Arenh lui a déjà coûté 8 milliards d’euros.

Quant aux tarifs du gaz, pour accélérer la sortie des énergies fossiles, il faut conserver un signal-prix, tout en accompagnant évidemment les ménages les plus précaires. Nous regrettons d’ailleurs que ce texte ne prévoie pas de mesure spécifique de soutien aux ménages modestes, alors qu’un blocage général des prix profite d’abord aux plus gros consommateurs, les ménages les plus aisés. Même si nous partageons votre objectif, nous ne pouvons adhérer aux solutions que vous proposez. Nous ne voterons pas ce texte.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Nous avons soutenu la proposition de loi visant à nationaliser EDF. Toutefois, elle ne résout pas le problème des TRVe. Quand l’Arenh disparaîtra, ils atteindront des niveaux trop élevés, car ils seront intégralement indexés sur les prix du marché.

Par ailleurs, nous ne prévoyons pas de remettre en cause les contrats sur la différence (CFD), qui permettent aux producteurs d’énergies renouvelables de bénéficier d’une prime et de prix planchers et plafonds.

Le blocage des prix proposé permettrait à EDF de bénéficier d’une rémunération normale pour la production d’électricité et d’une marge d’investissement. Quant au financement du grand carénage et des nouveaux réacteurs de type EPR, nous préférons qu’il reste à la main du Parlement, à travers des crédits supplémentaires – le groupe Droite républicaine a d’ailleurs défendu la même position lors du PLF.

Enfin, puisque EDF est désormais intégralement détenue par l’État, elle ne doit plus se comporter de manière opaque. Il ne saurait être question de secret des affaires alors que cette entreprise a été rachetée pour 12 milliards d’euros il y a deux ans.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). La précarité énergétique est une réalité alarmante pour nos concitoyens. En 2023, 12 millions de Français en étaient victimes ; la situation est critique en outre-mer.

Or, la présente proposition de loi apporte des solutions inadaptées et souvent inapplicables au problème. Le prix de l’énergie s’explique avant tout par les taxes, qui pèsent lourdement sur les ménages depuis 2012, et par l’absence de souveraineté énergétique.

Un blocage artificiel des prix de l’énergie serait coûteux, juridiquement fragile et risquerait de créer des pénuries. La proposition d’étendre les tarifs réglementés à tous les consommateurs est irréaliste. Elle nuirait à la compétitivité des fournisseurs français, alors que la France est redevenue en 2024 le premier exportateur d’électricité en Europe.

Par ailleurs, nous ne croyons pas à l’économie administrée, où la loi fixe la marge des entreprises. En encadrant la marge d’une entreprise telle qu’EDF, nous empêcherions les 25 milliards d’euros d’investissements annuels nécessaires, notamment pour l’électricité d’origine nucléaire. Enfin, l’encadrement des marges des raffineurs risquerait d’augmenter les coûts et de perturber l’économie.

Notre groupe a toujours défendu des solutions pragmatiques pour nos concitoyens et notre souveraineté énergétique : réduire les taxes sur l’énergie en modulant la fiscalité en fonction des prix de marché ; renforcer notre souveraineté énergétique en consolidant le nucléaire et garantir la stabilité des prix sur le nouveau marché européen.

Nous avons obtenu du Premier ministre une « clause de rendez-vous » en début d’année prochaine, pour paramétrer l’évolution de la taxe sur l’électricité en fonction du marché de l’énergie, afin de garantir à nos concitoyens une baisse des prix de l’énergie dès l’an prochain. C’est une approche réaliste, qui protège les consommateurs, sans déstabiliser le secteur énergétique. Nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Les taxes ne représentent que 30 % du coût de l’électricité pour le consommateur final. Il est faux de prétendre que ce sont elles qui posent problème, alors que ce sont les prix de marché de l’énergie qui expliquent l’essentiel de ce coût – le TRVe en vigueur s’élève ainsi à 140 euros le mégawattheure.

En outre, nous n’avons aucune garantie que les prix de marché n’augmenteront pas. Il est facile de constater la volatilité de ceux du marché spot. Depuis un mois, ils ont doublé, le mégawattheure passant de 50 ou 70 euros, selon les heures, à 100 euros.

Votre proposition conduirait simplement à affaiblir les finances publiques, alors que je vous sais très attaché à la maîtrise des comptes.

M. Benoît Biteau (EcoS). J’associe à mon intervention Julie Laernoes, qui a travaillé avec la rapporteure sur ce fléau majeur qu’est la précarité énergétique. L’hiver dernier, 79 % des Français ont limité leur chauffage pour éviter des factures trop élevées. Le coût de l’énergie place également 15 millions de Français en situation de précarité pour la mobilité.

Cette situation indigne est négligée par les pouvoirs publics, alors qu’elle a des conséquences sur la santé. Même si les prix de l’énergie restent élevés et risquent d’augmenter encore, le Gouvernement se désengage totalement. Il remet en cause l’automaticité du chèque énergie, ce qui conduira à l’explosion du non-recours et donc de la précarité énergétique, et prévoit en outre un coup de rabot de 2,5 milliards d’euros en un an sur les aides à la rénovation.

A fortiori, alors que de nombreux Français ont des difficultés d’accès à l’énergie, la consommation globale – notamment d’énergies fossiles – est encore trop élevée en raison de l’absence de politiques structurantes en faveur de l’efficacité énergétique, mais aussi d’une consommation disproportionnée chez les plus aisés. Cette situation est à la fois un symptôme des inégalités sociales et l’une des causes du réchauffement climatique, ce qui fait de la lutte contre la précarité énergétique un sujet sociétal et environnemental à part entière. Si nous partageons l’objectif de permettre à tous un accès à l’énergie de base, nous considérons que la proposition de loi omet l’enjeu de la justice sociale et climatique en protégeant de la même manière ceux qui ont les moyens de consommer de manière disproportionnée de l’énergie fossile et ceux qui n’ont pas de quoi de se chauffer ou se déplacer. Nous craignons qu’une telle mesure s’apparente au bouclier tarifaire indifférencié que le Gouvernement a adopté dans l’urgence en 2022 et que nous dénoncions déjà à l’époque.

Parallèlement à l’augmentation des aides ciblées, nous plaidons pour une tarification progressive de l’énergie : un tarif abordable pour les premières unités de consommation répondant aux besoins essentiels et des prix progressifs pour les unités suivantes, afin de désinciter les usages superflus qui sont souvent l’apanage des plus riches et d’inciter à des comportements plus sobres.

C’est pourquoi nous nous abstiendrons. Nous proposons de travailler ensemble, avant la séance publique, pour trouver le moyen d’instaurer un blocage des prix progressif sur les premières unités de consommation, qui nous semble plus juste et plus durable.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je comprends mal le choix de l’abstention à ce stade. Nous avions donné notre accord au principe de la tarification progressive et nous avons proposé à Mme Laernoes de rédiger nous-mêmes des amendements à examiner en commission. La difficulté est la suivante : jusqu’à quel point peut-on raisonner en termes de quantité dès lors qu’il faudrait pouvoir déterminer si les gros rouleurs sont des ménages modestes ou contraints par le trajet domicile-travail ? C’est une question sérieuse sur laquelle nous devons nous pencher avec sérieux, mais nous n’avons pas eu le temps de réaliser ce travail.

Nous avions proposé d’augmenter progressivement le tarif de l’accise sur le gaz ; elle est actuellement inférieure à celle sur l’électricité, ce qui est un non-sens écologique et budgétaire. Cela enverrait un signal-prix soutenable pour les ménages.

Mme Louise Morel (Dem). Pour lutter contre la précarité énergétique, vous proposez deux solutions : bloquer les prix de l’énergie et encadrer les marges des énergéticiens. L’intention est louable, mais nous nous interrogeons sur les conséquences économiques, l’applicabilité pratique et les implications juridiques de la proposition de loi dans sa rédaction actuelle. Le groupe Démocrate s’opposera à son adoption.

Le blocage des prix des produits énergétiques pour douze mois exigerait de l’État une compensation des surcoûts de production, notamment en période de forte consommation comme les pics hivernaux. Or, l’État, c’est nous tous ; vous proposez finalement – comme de coutume – une hausse considérable de la dépense publique qui restreindra les capacités d’investissement des énergéticiens et compromettra la modernisation du parc de production et l’intégration de solutions renouvelables. Quelles mesures envisagez-vous pour éviter que cette intervention ne se traduise par un désinvestissement dans la production d’énergie décarbonée ?

La réintroduction des tarifs réglementés de vente du gaz contreviendrait aux directives européennes et aux décisions du Conseil d’État et l’élargissement des tarifs réglementés de vente d’électricité à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur nature, alourdirait considérablement la charge supportée par EDF. Au-delà des déclarations d’intention et de la communication que vous faites autour de ce texte, quelles solutions concrètes proposez-vous pour harmoniser ces ambitions avec le cadre réglementaire national et européen, tout en préservant la stabilité financière d’EDF ? Par ailleurs, si nous partageons la volonté de rapprocher les tarifs de vente d’électricité aux entreprises des coûts de production, il est difficilement concevable qu’un prix défini deux fois par an par une autorité administrative soit le meilleur moyen d’y parvenir. À cette heure, les contrats de marché sont plus attractifs que les tarifs réglementés de vente.

L’intention de protéger les plus vulnérables des variations des prix de l’énergie est louable. Cependant, en proposant une solution dont les effets de bord ne sont pas suffisamment évalués, la proposition manque de nuance dans le traitement d’un problème infiniment complexe. Nous nous y opposerons, mais nous sommes ouverts à vos réflexions.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je le répète, le blocage des prix au niveau des coûts de production inclurait une marge raisonnable au sens défini par la CRE, ce qui signifie qu’il n’y aura pas de perte pour EDF. Pour les autres producteurs, notamment les producteurs d’énergies renouvelables, nous ne touchons pas au mécanisme du CFD. La proposition de loi ne présente aucun danger pour la production d’électricité. Nous ne faisons qu’encadrer les marges excessives réalisées dans la production, la fourniture et le trading d’énergie par les acteurs du marché de gros – car 100 % de marge nette en 2023, c’est un miracle économique ! Ces chiffres sont tirés d’un tableau de la Cour des comptes, pas de La France insoumise.

M. Henri Alfandari (HOR). Le groupe Horizons ne soutiendra pas la proposition de loi. Je m’étonne que le travail effectué sous la dernière législature n’ait été repris ni dans le projet de loi de finances, ni dans aucun autre texte, alors que nous avions souligné la nécessité de rehausser le plafond de consommation ouvrant droit au tarif réglementé afin de protéger le plus grand nombre de nos concitoyens et les petites entreprises, et celle d’encadrer dans la loi le prix post-Arenh – indépendamment du cadre de la négociation. De manière générale, si nous voulons protéger nos concitoyens des aléas du marché, le mieux est de produire de l’énergie en abondance – ce qui ne veut pas dire qu’il faut la gaspiller à la consommation. Il faut supprimer de notre mix énergétique les deux tiers d’énergies fossiles importées. Plus on se prémunira contre les importations, plus on garantira le prix demandé à nos concitoyens.

Ces questions sont absentes du texte. Je partage le souhait de trouver un prix plus proche des coûts de production dans le contexte d’une compétition internationale exacerbée des tarifs de l’énergie, mais je ne crois pas que la proposition de loi y réponde.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Faire payer l’électricité au coût de production était une promesse du président de la République ; l’une des nombreuses qu’il ne tiendra pas. Je suis entièrement d’accord pour dire qu’il faut réduire la consommation. Si nous nous sommes battus pour le rétablissement des crédits d’aide à la rénovation énergétique et à l’électrification des véhicules dans le budget de l’État, c’est bien parce que nous avons l’ambition de limiter notre dépendance aux énergies fossiles ; c’est le gouvernement actuel qui a décidé de baisser ces crédits de manière substantielle et nous oppose l’austérité budgétaire.

Le rapport de la Cour des comptes est sans appel : le système mis en place n’a pas fonctionné et a coûté excessivement cher. J’entends beaucoup de critiques, mais peu de propositions pour un nouveau système. Nous proposons d’arrêter de jeter de l’argent par des fenêtres mal isolées. De l’aveu même des consommateurs d’énergie industriels, l’article 4 du projet de loi de finances est insuffisant : nous avons auditionné le Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l’électricité (Cleee) et des fédérations de PME industrielles, qui sont tous d’accord pour revenir à un TRVe plus proche du coût de production, avec une marge d’investissement normale pour EDF.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Le blocage des prix de l’énergie figurait au programme commun du Nouveau Front populaire. Ce texte a le mérite de démontrer, sinon la faisabilité de ce programme, du moins qu’il existe des solutions réelles à l’envolée des prix de l’énergie, pour peu qu’il existe une volonté politique. Je salue la démarche des auteurs de la proposition de loi, qui ont intégré les spécificités des outre-mer dès la conception du texte. Cela mérite d’être souligné : si l’on a beaucoup parlé du réflexe outre-mer sous l’ancienne législature, nous en avons très rarement vu la démonstration.

Face au caractère volatil et fluctuant du marché de l’énergie, l’État a mis en place, à partir de l’automne 2021, une série de dispositifs de soutien aux acteurs du marché de l’énergie qui ont coûté 85 milliards d’euros aux Français, dont 30 milliards directement perçus par les acteurs du marché sous la forme de marges bénéficiaires nettes. Pourtant, au 1er février 2024, le coût de l’électricité a augmenté de 8,6 %. Force est de constater que les mesures adoptées par les gouvernements successifs n’ont pas permis de protéger les Français de l’envolée des prix de l’énergie. Il faut trouver d’autres solutions. Le groupe GDR est globalement favorable aux mesures proposées, bien qu’elles soient perfectibles, qu’il s’agisse du blocage des prix, des tarifs réglementés d’électricité ou du mécanisme d’encadrement des marges brutes de raffinage.

J’ajoute que les outre-mer connaissent déjà le blocage des prix et l’encadrement des marges. À La Réunion, le prix des carburants est fixé par arrêté préfectoral et le prix de la bouteille de gaz est encadré par la région. Ces mesures ont porté leurs fruits en situation de crise, comme c’est le cas actuellement ; toutefois, elles ne sauraient constituer une solution pérenne. La preuve en est que, chez nous, les prix continuent de s’envoler. Il faut trouver d’autres mesures pour encadrer le marché, en finir avec les monopoles et, s’agissant de l’électricité, revenir à un marché unique et réglementé.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Nous avons conduit de nombreuses auditions avec les observatoires des marges des territoires d’outre-mer. Elles nous ont confortés dans l’idée que le blocage des prix était une mesure utile, mais largement perfectible – je pense aux marges un peu trop généreuses de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara). Nous appelons le Gouvernement à revoir ces marges, comme le recommande le rapport de l’Inspection générale des finances. Les prix dans l’Hexagone sont parfois plus bas que dans les outre-mer ; nous ne nous satisfaisons pas de cette situation.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Nous partageons l’objectif de fournir aux Français une électricité à bas coût et d’assurer notre indépendance énergétique. Cependant, la fixation d’un prix en fonction de son évolution passée ignore l’évolution actuelle et future du coût. Par ailleurs, les mécanismes d’administration des prix ont montré leur déconnexion avec la réalité et présentent un risque d’effet de bord. La piste d’une TICFE flottante, évoquée par d’autres collègues, nous semble intéressante, bien que cette taxe ne forme pas l’essentiel du prix.

Il nous semble que ce n’est pas à la loi de fixer les marges, mais plutôt au marché. Cela nécessite de travailler à la fois sur les capacités de production et sur la modalité de fixation des prix, lesquels doivent refléter la rencontre réelle entre l’offre et la demande. Le problème tient au fait que les prix sont actuellement fixés par rapport au marché européen ; il tient surtout à la multiplication d’intermédiaires artificiels qui, comme le disent certains experts, sont des « producteurs de factures » et concentrent l’essentiel des augmentations de marges sur le marché de l’électricité. Ces intermédiaires ont été imposés sur un marché de nature largement monopolistique par la doctrine bruxelloise de la concurrence.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Je confirme vos propos sur les fournisseurs alternatifs, tout en précisant que les marges ont surtout été réalisées dans la production en 2023 : EDF s’est rattrapée d’une année 2022 catastrophique, ce que l’on peut comprendre, mais Total et Engie ont réalisé des marges énormes.

La proposition de loi a été travaillée avec un lanceur d’alerte qui travaillait chez un fournisseur alternatif épinglé par la Commission de régulation de l’énergie. J’aurais aimé qu’il soit auditionné par l’ensemble de notre commission, car ce qu’il a raconté dépasse l’imagination en termes de flouage du marché et d’effet d’aubaine permanent. C’est à vous passer le goût de laisser ce marché exister.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je rappelle à ceux de nos collègues qui parlent sans cesse de souveraineté énergétique que nous l’avons eue sous le général de Gaulle, qui avait créé un pôle public de l’énergie.

L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit 150 000 pertes d’emploi dues aux TPE qui souffrent et aux ménages qui ne consomment plus. Si l’on ne fait rien, la France court le risque d’une récession. La proposition de loi, même perfectible, est là pour desserrer l’étau. Abandonnez les postures, ressaisissez-vous, réfléchissez à ce que vous dites et soyez cohérents !

 

 

Article 1er : Blocage des prix des produits énergétiques durant un an

 

Amendements de suppression CE1 de M. Alexandre Allegret-Pilot et CE9 de M. Alexandre Loubet

M. Alexandre Loubet (RN). Le blocage des prix déterminé par le Conseil d’État n’est pas viable : ce serait une décision arbitraire, non pérenne et déconnectée des réalités, qui impliquerait une compensation par l’État de la différence entre le prix de marché et le tarif imposé. Cela coûterait très cher au contribuable. Pour faire baisser les factures d’électricité, nous proposons de restaurer les tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz à l’article 2 en revoyant leurs modalités de calcul afin qu’ils soient fixés par le Gouvernement. D’ailleurs, l’article 1er n’aura aucun sens si l’article 2 est adopté.

Pour répondre aux attaques de M. Vojetta, que je n’ai sincèrement pas comprises, je précise que les Français de l’étranger qu’il représente en Espagne et au Portugal ont bénéficié de dérogations aux règles du marché européen de l’énergie grâce auxquelles les factures d’électricité ont baissé de 10 à 20 %. Ses électeurs apprécieront de le voir défendre un prix décorrélé des coûts de production qui rend l’électricité beaucoup plus chère.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Avis défavorable. Le blocage des prix sera temporaire, comme outre-mer où ce mécanisme a démontré son efficacité. L’inflation alimentaire dépassait 100 %, voire 200 % sur certains produits par le jeu des oligopoles et le caractère captif du marché ; grâce au blocage des prix, elle a été contenue à un niveau bien inférieur. En outre, qu’il s’agisse du TRVg, du TRVe ou du prix du carburant à environ 1,50 euro le litre, nous recommandons un niveau soutenable pour les filières. C’est un effort limité dans le temps et largement réalisable, qui pénalisera moins les finances publiques qu’une TICFE flottante – laquelle obligerait l’État à compenser la colossale hausse des marges dans le secteur de l’énergie. Je rappelle que TotalEnergies était le numéro deux du CAC40 en 2022 et que l’entreprise augmente ses bénéfices de façon exponentielle année après année.

La question d’un retour de la crise de l’énergie se pose. Personne n’est en mesure de dire comment le prix du carburant évoluera dans les prochains mois : le contexte géopolitique est explosif et le prix du pétrole brut pourrait connaître une hausse importante. Si nous proposons un blocage des prix, c’est pour ne pas revivre ce qui s’est produit en 2022.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Tout n’était pas parfait dans le système espagnol de sortie temporaire du marché européen. Je vis dans ma circonscription et j’y paie mes factures d’électricité : je confirme à M. Loubet que les tarifs ont baissé de quelques dizaines de points de pourcentage quand le système a été mis en place, mais c’était après avoir laissé les tarifs exploser de plus de 100 %. Pendant ce temps, en France, nous avons protégé les consommateurs. Nous leur avons évité le monde que fantasment, avec leur misérabilisme habituel, nos collègues de la France insoumise.

M. Alexandre Loubet (RN). Comment pouvez-vous parler de misérabilisme quand plus de la moitié des Français ont déjà renoncé à se chauffer ? Depuis 2017, c’est-à-dire depuis que le président de la République que vous soutenez est au pouvoir, le prix de l’électricité a explosé de 137 %. L’Espagne et le Portugal ont bénéficié de dérogations aux règles du marché européen de l’énergie. Au nom de quoi la France, qui produit une électricité parmi les moins chères d’Europe, n’en bénéficierait-elle pas ? En réalité, votre gouvernement a négocié des dérogations qui ne profitent qu’aux groupes électro-intensifs et aux énergéticiens. Les Français ont investi par le passé pour développer un parc nucléaire et hydraulique ; ils sont en droit de bénéficier d’un prix compétitif.

La position du Rassemblement national est qu’il faut sortir des règles de fixation du prix de l’électricité au niveau européen, afin que le prix corresponde au coût de production.

Mme Alma Dufour, rapporteure. Monsieur Vojetta, quand on est à 10 euros près le quinze du mois, ce n’est ni du misérabilisme, ni du Zola. Vous n’avez qu’à faire du porte à porte dans les quartiers populaires de votre circonscription ! J’étais hier avec des citoyens de la mienne : une personne seule dont le chauffage central est pris en charge par son bailleur HLM payait 120 euros pour trois ampoules LED, un téléviseur et un frigo. Avant-hier, une autre personne m’expliquait qu’on lui demandait 400 euros de régulrisation de facture pour un salaire de 1 500 euros. Vous avez un vrai problème de déconnexion avec la réalité que vivent les Françaises et les Français !

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE11 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Il vise à s’assurer que le Gouvernement fixe les prix bloqués à un niveau inférieur en outre-mer afin de prendre en compte la différence de revenu médian par rapport à l’Hexagone.

La commission adopte l’amendement.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’ai reçu de la part de huit députés du groupe LFI-NFP une demande de scrutin sur l’article 1er au titre de l’article 44 du règlement.

Votent pour :

M. Laurent Alexandre, Mme Ségolène Amiot, Mme Delphine Batho, M. Benoît Biteau, Mme Alma Dufour, M. Charles Fournier, Mme Zahia Hamdane, Mme Émeline K/Bidi, M. Maxime Laisney, Mme Manon Meunier, Mme Sandrine Nosbé, M. René Pilato, M. Boris Tavernier, Mme Aurélie Trouvé

Votent contre :

M. Xavier Albertini, M. Henri Alfandari, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Françoise Buffet, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, M. Harold Huwart, Mme Laure Lavalette, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Jérôme Nury, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 44

Nombre de suffrages exprimés : 44

Majorité absolue : 23

Pour l’adoption : 14

Contre l’adoption : 30

 

La commission rejette l’article 1er, mis aux voix par scrutin.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE4 de Mme Stella Dupont

Mme Stella Dupont (NI). Je déplore l’assimilation de la majorité des amendements que j’ai déposés à des cavaliers législatifs : ils ont, à ce titre, été déclarés irrecevables, alors que leur lien avec le champ de la proposition de loi me semblait pourtant bien établi. J’ai entendu qu’une note avait été rédigée, mais je n’en ai pas été destinataire. Je vous remercierais, madame la présidente, de me la transmettre.

Dans ces amendements, je proposais différentes mesures comme l’instauration d’un droit effectif à une alimentation minimale en électricité, proposition dont l’esprit est proche de celui du tarif progressif de l’énergie que défendent certains collègues écologistes et qui est le fruit d’un travail conduit sous la précédente législature, notamment par notre ancienne collègue de la Drôme Mireille Clapot, avec le Médiateur national de l’énergie. Un autre amendement visait à mieux encadrer la modification en cours de contrat des offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel et un dernier avait pour objet de mieux protéger les entreprises exposées à des frais de résiliation anticipée.

Le seul amendement jugé recevable, le CE4, prévoit d’interdire les offres de fourniture d’électricité et de gaz naturel qui ne permettent pas au consommateur d’en connaître le prix au moment où il consomme. Certaines offres sont en effet indexées sur un prix de marché qui n’est connu qu’a posteriori, car l’indice retenu pour la facturation est celui du mois au cours duquel la consommation a lieu.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’ai adressé la note à tous les membres de la commission : elle précisait l’objet de la proposition de loi, lequel est circonscrit aux prix de l’énergie. Au titre de l’article 45 de la Constitution, nous n’avons donc pu retenir que l’amendement CE4 parmi l’ensemble des amendements que vous aviez déposés.

Mme Alma Dufour, rapporteure. J’aurais fait montre de davantage de souplesse, madame Dupont. J’étais favorable aux propositions contenues dans vos amendements, donc je voterai en faveur de celui-ci, qui pointe une pratique particulièrement dangereuse pour les ménages, à savoir leur démarchage par des fournisseurs qui leur proposent des mensualités et non un prix du kilowattheure. Les mensualités sont artificiellement baissées par une sous-estimation de la consommation et les ménages se retrouvent ensuite face à des rattrapages réels, sérieux et récurrents de plusieurs centaines d’euros. Cet amendement va dans le bon sens.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Je partage l’objectif de l’amendement, mais sa rédaction me pose problème, car il me semble techniquement impossible d’être informé du prix à l’instant t. Il faudrait sans doute modifier sa rédaction pour prévoir des modalités d’information plus strictes.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2 (art. L. 337-6, L. 337-7 et L. 445-1 du code de l’énergie) : Révision des modalités d’établissement et extension du champ des bénéficiaires des tarifs réglementés de vente de l’électricité et rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz naturel

 

Amendement CE10 de M. Alexandre Loubet

M. Alexandre Loubet (RN). Nous voulons baisser les factures énergétiques des Français parce que leur montant est totalement décorrélé du coût de production et d’approvisionnement d’électricité et de gaz. L’amendement vise à corriger certains éléments de la proposition de loi et à mettre fin à l’Arenh, qui bloque les prix de l’énergie, monsieur Vojetta. La Macronie a maintenu cette disposition depuis plusieurs années, alors qu’elle la dénonçait. Ce blocage des prix a fortement affaibli le groupe EDF, car il lui a imposé des prix de l’électricité d’origine nucléaire bien plus faibles que leur coût de production. Nous proposons de rétablir un prix français de l’électricité, déterminé par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Nous appuyons votre volonté de restaurer les tarifs réglementés de vente de gaz.

Mme Alma Dufour, rapporteure. L’avis est défavorable, même si nous semblons converger sur le principe d’encadrer et de modérer les prix de l’énergie. La rédaction de l’article est plus précise que celle de votre amendement, car elle élabore une nouvelle formule du calcul du TRVe, fondée sur les coûts de production et une rémunération normale d’EDF excluant toute perte. Votre amendement laisse au Gouvernement ou à la CRE la responsabilité de fixer le TRVe et la liberté d’en déterminer le mode de calcul. On pourrait considérer que l’État fixe déjà le TRVe, la CRE utilisant une équation qui ne nous convient pas car elle est indexée sur les prix de marché ; le Gouvernement peut bloquer le TRVe à un niveau inférieur et déclencher le bouclier tarifaire qui compense les fournisseurs pour l’écart entre le niveau théorique fixé par la CRE et celui décidé par le Gouvernement. Cette situation s’est produite en 2022 et en 2023.

La proposition de loi vise à inscrire dans la loi une formule de calcul du TRVe. L’article 2 pourrait ramener le prix à 141 euros le mégawattheure sans toucher à la fiscalité, sur laquelle le débat est ouvert – je soutiens d’ailleurs la diminution progressive de la TICFE.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Madame Dufour, on vous imagine devant Bloomberg à regarder les prix du marché spot de l’électricité avant de redevenir la mère Teresa de la précarité énergétique. Le misérabilisme consiste à « insister sur les aspects les plus misérables de la vie sociale, de manière complaisante et répétitive. » Entendre dans la bouche de certains que la moitié de la population française ne peut pas se chauffer correctement est un mensonge misérabiliste. Nous sommes tous élus par des Français dont certains éprouvent des difficultés et souffrent de précarité énergétique ; en revanche, on ne peut pas dire que cette précarité touche une part disproportionnée de la population. Ne niez pas que nous sommes nous aussi des représentants légitimes des Français. Luttons contre la précarité, mais ne disons pas que tout le monde en souffre.

M. Alexandre Loubet (RN). Monsieur Vojetta, un sondage d’Odoxa montre que trois Français sur quatre baissent leur chauffage pour limiter le montant de leur facture et que la moitié de nos concitoyens peinent à payer leur facture d’électricité. Oui, il y a de la misère dans le pays : acceptez le fait que tous les Français n’ont pas le même niveau de vie que nous, qui sommes députés.

Le sujet est très important, car il concerne le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises. Malgré l’autosatisfaction indécente du Gouvernement sur le bilan pourtant catastrophique de l’action économique de Bruno Le Maire, notamment dans le domaine industriel, vous ne pouvez que constater la cascade d’annonces de plans sociaux, principalement dus à la lourdeur des factures énergétiques.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Monsieur Vojetta, vous essayez de détourner l’attention en lisant le dictionnaire pour éviter du parler du fond : de nombreux Français ont froid l’hiver et trop chaud l’été. Vous appartenez au socle commun, qui n’est pas un socle et qui n’a rien de commun mais qui soutient un projet de loi de finances dans lequel est prévue la baisse des crédits de MaPrimeRénov’, du fonds Vert, du fonds Chaleur, etc. J’aimerais vous entendre sur l’article 4 du PLF qui a trait au dispositif devant succéder à l’Arenh : êtes-vous du côté du ministre de l’économie, Antoine Armand, qui veut renégocier l’accord entre l’État et EDF, ou soutenez-vous la position d’Olga Givernet, qui ne souhaite rien y changer et ne pense qu’à déployer le nouveau mécanisme ? Allez-vous soutenir le Gouvernement qui va tordre le bras de l’Assemblée nationale, laquelle a largement rejeté l’article 4 ? Parlez-nous du fond.

Mme Alma Dufour, rapporteure. On peut suivre les sites de Bloomberg et de RTE et avoir un cœur. Nous travaillons avec un lanceur d’alerte très pointu, dont la morale lui a fait considérer qu’il avait participé à une entreprise indécente.

La Cour des comptes pointe votre échec, le rapport de RTE indique que les prix de l’électricité européens vont rester indexés sur celui du gaz les trois quarts du temps d’ici à 2035, alors que la France ne consomme que 5 % de gaz. Tous les rapports concordent pour dire que vous avez fait n’importe quoi. Deux autorités administratives, l’Autorité de la concurrence et la CRE, tiennent un discours différent : l’une affirme qu’il faut maintenir le TRVe, quand l’autre dit le contraire tout en souhaitant conserver les avantages et préserver la concurrence : on n’y comprend plus rien ! Cette cacophonie se retrouve au Gouvernement, puisque des ministres affichent des positions opposées. Le sérieux se trouve davantage du côté de la représentation nationale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE12 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Certains ayant critiqué le texte pour avoir fixé une marge arbitraire de 10 % sur l’activité de fourniture dans le calcul du TRVe, nous avons simplifié le dispositif et avons repris la marge de 2 % arrêtée par la CRE, qui calculera le tarif réglementé de vente en prenant en compte l’empilement des facteurs que nous faisons entrer en jeu.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE13 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Nous prenons bien en compte les évolutions législatives, contrairement à ce que disait M. Alfandari : l’amendement, de nature rédactionnelle, vise à préciser l’article L. 337-6 du code de l’énergie pour tenir compte de la suppression du plafond de 36 kilovoltampères applicable aux particuliers et aux TPE pour avoir accès au TRVe.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE14 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, dont l’objet est d’éviter d’écraser la rédaction actuelle de l’article L. 445-1 du code de l’énergie, laquelle définit ce que sont les gaz renouvelables.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. J’ai reçu de la part de huit députés du groupe LFI-NFP une demande de scrutin sur l’article 2 au titre de l’article 44 du règlement.

Votent pour :

M. Laurent Alexandre, M. Alexandre Allegret-Pilot, Mme Ségolène Amiot, M. Christophe Barthès, Mme Delphine Batho, M. Benoît Biteau, Mme Alma Dufour, M. Julien Gabarron, Mme Géraldine Grangier, Mme Zahia Hamdane, Mme Émeline K/Bidi, M. Maxime Laisney, M. Robert Le Bourgeois, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, Mme Manon Meunier, Mme Sandrine Nosbé, M. René Pilato, M. Joseph Rivière, M. Boris Tavernier, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Frédéric Weber

Votent contre :

M. Xavier Albertini, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, Mme Olivia Grégoire, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, Mme Sandra Marsaud, M. Paul Midy, Mme Louise Morel

S’abstiennent :

M. Charles Fournier, M. Jérôme Nury, M. Jean-Pierre Vigier

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 37

Nombre de suffrages exprimés : 34

Majorité absolue : 18

Pour l’adoption : 23

Contre l’adoption : 11

Abstention : 3

 

Elle adopte l’article 2 modifié, mis aux voix par scrutin.

 

Article 3 (art. L. 410-2-1 du code du commerce [nouveau]) : Encadrement de la marge liée aux activités de raffinage

 

Amendement CE15 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à supprimer la codification de l’article 3, dont le dispositif est temporaire. En outre, il précise que le coefficient multiplicateur fixé pour les territoires ultramarins sera inférieur à celui de l’Hexagone.

M. Alexandre Loubet (RN). Pour baisser la facture de carburant, qui pèse sur le budget quotidien des Français, le groupe Rassemblement national aurait préféré une baisse du taux de TVA de 20 % à 5,5 %, car ce produit est, à nos yeux, de première nécessité. Malgré l’absence d’une telle mesure, nous soutiendrons l’adoption de l’article 3, qui vise à encadrer les marges brutes de raffinage pour modérer les prix du carburant : cette disposition assurera un contrôle des surprofits des sociétés de raffinage et diminuera les factures.

M. Éric Bothorel (EPR). Madame la rapporteure, vous avez affirmé tout à l’heure que tout le monde, y compris la Cour des comptes, s’accordait à dire que la précédente majorité avait fait « n’importe quoi ». Or, dans un rapport de la Cour sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, on peut lire ceci : « Les mesures de réduction des hausses de prix de l’électricité, comme du gaz et des carburants, ont atténué de façon significative la répercussion des augmentations des prix de gros sur les factures des clients finals. Les ménages français ont ainsi continué à bénéficier de prix de l’électricité en moyenne plus bas que ceux supportés par leurs voisins européens. » Plus loin, la Cour note que d’un point de vue macroéconomique, les boucliers tarifaires, dont le coût brut atteindrait près de 72 milliards d’euros, ont eu un impact positif sur les prix et les PIB.

La réalité est un peu plus complexe que le misérabilisme peint par certains. Notre collègue Vojetta s’est d’ailleurs appuyé sur un journal ultralibéral, L’Humanité, lequel met en avant les chiffres de l’Insee indiquant qu’environ 11 % des foyers renonçaient à se chauffer : c’est toujours 11 % de trop, mais on est loin de 50 %, et ce n’est pas un sondage d’Odoxa qui remettra ce fait en cause.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je salue l’article 3, qui dispose que le coefficient multiplicateur sera plus faible dans les territoires ultramarins : cette mesure est d’autant plus nécessaire que la vie est particulièrement chère chez nous. Le coefficient multiplicateur sécurise la chaîne de valeur, en optimisant les prix au bénéfice du producteur et du consommateur. La baisse de la TVA n’est pas une bonne solution : sans régulation des marges, la diminution de la fiscalité est absorbée par les distributeurs ou les différents intermédiaires qui ne font qu’augmenter leurs marges. Un mécanisme de blocage des prix ou de contrôle des marges et des bénéfices doit accompagner la réduction de la fiscalité ; l’un ne va pas sans l’autre.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Depuis 2021, l’État a pris en charge 37 % des factures d’électricité à travers différents boucliers tarifaires, ce qui représente un niveau d’aide inédit. La protection des Français contre la vraie précarité énergétique était bien au cœur des préoccupations du Gouvernement.

Dans le sondage d’Odoxa auquel M. Loubet a fait allusion, on lit que 62 % des Français ont limité leur consommation d’énergie. Dans cette population, il y a, si l’on suit les statistiques de l’Insee, des ménages qui gagnent plus de 30 000 euros par an. Certains d’entre eux ont décidé de ne pas chauffer correctement leur logement pour de bonnes raisons : peut-être que pour vous, il faut que la température de toutes les pièces atteigne en permanence 23 degrés, mais d’autres se montrent plus raisonnables. Il n’y a pas à le déplorer.

M. Hervé de Lépinau (RN). L’État a peut-être déployé une mesure de soutien au pouvoir d’achat, mais rappelons que l’État, c’est nous. Les contribuables paieront la note de votre bouclier tarifaire. Il ne s’agit en fait que d’impôts différés.

Quel mépris de considérer que les Français cherchent à se promener en slip dans leur appartement chauffé à 23 degrés dans toutes les pièces ! Vous avez une vision idyllique du confort dans lequel vivent nos compatriotes : un sondage dans les territoires ultramarins montrerait peut-être que chauffer l’hiver n’est pas nécessaire, mais il faut être sérieux lorsque l’on traite cette question.

M. Joseph Rivière (RN). Les prix des abonnements à La Réunion sont progressifs : ils augmentent en même temps que les revenus et la consommation des ménages. Serait-il possible d’harmoniser ces prix ? Ceux du gazole et de l’essence sont réglementés par la préfecture, mais ils fluctuent tous les mois : pourrait-on légiférer afin que les variations soient trimestrielles ou semestrielles, et non plus mensuelles ?

Mme Alma Dufour, rapporteure. Mme K/Bidi a raison : sans encadrement des marges, il est inutile d’agir sur le niveau de la taxation. Encore une fois, nous n’avons pas d’opposition de principe à la modulation des taxes en fonction du type d’énergie pour atteindre un prix cible, mais il faut d’abord régler le problème du marché pour ne pas appauvrir inutilement l’État.

Les prix sont en effet inférieurs à ceux de nos voisins européens : encore heureux qu’il en soit ainsi, puisque les coûts de production français sont parmi les plus bas d’Europe. Regardez le marché spot quand les interconnexions sont saturées : la situation est limpide, il n’est pas nécessaire d’avoir fait maths spé pour comprendre que le coût de production français est structurellement l’un des plus faibles d’Europe. Il a fallu dépenser 36 milliards pour que les Français bénéficient de factures un peu inférieures à celles de leurs voisins européens. Elles ont néanmoins augmenté de 45 % en trois ans : ce n’est pas ce que j’appelle une protection et les Français sont de mon avis.

Quant au misérabilisme, le Médiateur national de l’énergie a dressé un constat alarmant, selon lequel 30 % des Français ont froid chez eux. En outre, 1 million de procédures pour factures impayées ont été lancées en France, soit 2 % de plus qu’en 2022 et 49 % de plus qu’en 2019 : voilà du concret ! Votre perception est décalée par rapport à la réalité.

Stéphane Séjourné, nouveau commissaire européen, a expliqué que l’avalanche de faillites d’entreprises et de plans sociaux en France était due aux prix de l’énergie : mettez-vous d’accord entre vous ! En ce qui me concerne, je le prends au mot : nous vous proposons justement d’aligner le TRVe sur le coût de production, comme le souhaitent le Cleee, les fédérations de PME industrielles et tous les acteurs qui n’en peuvent plus de prix s’élevant à 200 euros le mégawattheure pendant que certaines multinationales demandent un prix de 20 euros le mégawattheure à EDF. Le monde que vous nous proposez est peuplé de multinationales bénéficiant de prix inférieurs au coût de production et de PME pâtissant de prix trois fois supérieurs à ce coût : c’est inacceptable pour la compétitivité de nos petites entreprises.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 20 novembre 2024 à 9 h 30

Présents.  M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, Mme Ségolène Amiot, M. Christophe Barthès, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, Mme Alma Dufour, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, Mme Zahia Hamdane, M. Harold Huwart, Mme Émeline K/Bidi, M. Maxime Laisney, Mme Hélène Laporte, Mme Laure Lavalette, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Stéphane Peu, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. Boris Tavernier, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

Excusés.  M. Pascal Lecamp, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet

Assistaient également à la réunion.  M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Stella Dupont, M. Stéphane Vojetta