Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Examen du texte de la commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287 – texte adopté n° 533 A0) (Mme Mélanie Thomin, rapporteure)              2


Mardi 26 novembre 2024

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 28

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


  1 

La commission des affaires économiques a examiné le texte de la commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (n° 287 – texte adopté n° 533 A0) (Mme Mélanie Thomin, rapporteure).

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de résolution européenne (PPRE) relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne. Cette proposition de résolution a été adoptée et modifiée le 5 novembre dernier, lors de son examen par la commission des affaires européennes sur le rapport de notre collègue Dominique Potier. C’est le texte issu de ses travaux qui est soumis à notre commission, laquelle a désigné rapporteure, le 12 novembre dernier, Mme Mélanie Thomin. Si nous l’adoptons, son inscription à l’ordre du jour de la séance publique pourra être demandée en conférence des présidents dans les quinze jours suivant le dépôt du rapport de notre commission.

Ce texte soulève la question sensible de l’équilibre des relations commerciales entre l’Union européenne et les pays tiers. Quelles que soient les évolutions politiques chez nos partenaires, nous souhaitons éviter la concurrence déloyale de pays où les entreprises ne respectent pas des règles sociales ou environnementales minimales. Nous devons nous garder de toute naïveté et de toute faiblesse à l’égard des pratiques économiques et commerciales de certains États, car ce qui est en jeu, c’est non seulement le développement durable, mais aussi la préservation de notre production et de nos emplois, aujourd’hui et demain, en France et en Europe. Nombreux sont les secteurs de production d’ores et déjà affectés par l’absence de clauses miroirs.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Fruit de l’engagement commun du groupe Socialistes et apparentés, cette proposition de résolution européenne visant à imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles auxquelles sont soumises nos filières agricoles a déjà été examinée par la commission des affaires européennes sur le rapport de notre collègue Dominique Potier, qui est à son origine et que je tiens à saluer.

Comme l’a montré le vote qui a suivi la déclaration du Gouvernement cet après-midi dans l’hémicycle, une très grande majorité d’entre nous s’oppose à la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Son adoption se traduirait par un nouveau coup dur pour nos filières agricoles, alors même que le mouvement de janvier 2024 nous a rappelé les souffrances de nos agriculteurs.

Ces souffrances sont liées à de multiples facteurs, au premier rang desquels figurent les distorsions de concurrence. Ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion d’aller sur les barrages d’agriculteurs savent que c’est l’un des premiers griefs qu’ils évoquent. Fondée sur des échanges avec les représentants du monde agricole et des filières, notre proposition de résolution européenne distingue différents types de distorsions.

L’agriculture française souffre d’abord de distorsions de concurrence existant au sein même du marché européen, en raison de l’absence d’harmonisation de certaines normes environnementales et sanitaires. Il faut évoquer ensuite les doubles standards inacceptables, qui perdurent dans nos échanges avec l’extérieur. Ainsi, la Commission européenne accepte que certains produits importés contiennent des substances interdites sur le sol européen, au titre de tolérances à l’importation reposant sur la modulation des limites maximales de résidus, les fameuses LMR. En outre, l’Union européenne refuse encore de recourir aux mesures miroirs et de les généraliser dans ses échanges avec les pays tiers, alors même que nous savons qu’elles constituent un puissant levier pour la réduction des distorsions de concurrence. Enfin, des situations anormales perdurent, comme le rappellent régulièrement les agriculteurs. Le règlement sur les indications d’origine ne couvrant pas l’intégralité de nos productions, seule la mention « UE » ou « non UE » figure sur les denrées agricoles et alimentaires.

Pour lutter contre ces distorsions, nous proposons de mettre en place une solution « clé en main », solution simple comprenant deux volets. D’une part, nous souhaitons que l’Union européenne multiplie les mesures miroirs existantes et les étende à de nouveaux domaines, en particulier sanitaires, sociaux, environnementaux ou encore relatifs au bien-être animal. D’autre part, pour contrôler le respect des mesures miroirs, nous proposons d’inverser la charge de la preuve au moment de l’entrée des produits sur le territoire de l’Union européenne : concrètement, les opérateurs économiques exportant vers l’Union européenne auraient l’obligation de faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme tiers, lui-même agréé par l’Union européenne.

J’ai tenu à inscrire dans la PPRE deux enjeux essentiels au regard du contexte politique actuel. Tout d’abord, je suis convaincue que le principe des mesures miroirs doit être étendu au domaine social et trouver à s’appliquer à toutes les normes fondamentales que reconnaît l’Union en matière de conditions de rémunération, d’emploi ou d’organisation collective. C’est l’honneur de l’Europe que d’être le phare des valeurs humanistes et du progrès humain, rôle auquel elle ne doit jamais renoncer. Par ailleurs, je défends ardemment le principe selon lequel la nécessaire harmonisation des normes au sein du marché européen doit s’appuyer sur les standards les plus élevés et les plus protecteurs pour la santé humaine et environnementale.

Le risque d’une adoption prochaine de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur doit nous ramener à la réalité : l’accroissement du volume d’importations à bas prix qui en découlerait aurait de lourdes conséquences sur les revenus des agriculteurs et des acteurs de l’industrie agroalimentaire, particulièrement au sein des filières les plus à risque (maïs, viande bovine, volaille, betterave, sucre), dont j’ai pu auditionner les représentants. Je prendrai deux exemples symboliques. Si l’accord était signé, le débouché pour le sucre français serait diminué de 190 000 tonnes, soit la production d’une usine française, ce qui laisse deviner l’impact en matière d’emplois. Les spécialistes du secteur du bétail et de la viande estiment, quant à eux, que cela conduirait à la disparition de 37 000 emplois directs et indirects dans la filière, en raison notamment de l’accélération de la chute de la production française.

Je me félicite que la commission des affaires européennes ait rappelé avec force qu’il était nécessaire que nous nous opposions à toute scission de l’accord sur le Mercosur. Si était séparé de l’accord d’association un accord commercial relevant exclusivement de la compétence de la Commission européenne, celle-ci pourrait s’affranchir du vote des États membres, ce qui constituerait à l’évidence un désaveu démocratique. Cette décision entrerait en contradiction absolue avec le mandat de négociation initiale donné par le Conseil à la Commission européenne et porterait atteinte aux droits des États membres, qui ont consenti de bonne foi à l’ouverture de ces discussions. Le succès du projet européen tient depuis son origine à la capacité des États membres à prendre des décisions par voie de consensus, dans le respect du dialogue et des besoins de chacun. S’agissant d’une décision aussi fondamentale que l’adoption de l’accord avec le Mercosur, le contournement de l’expression souveraine des États membres constituerait un dangereux précédent, néfaste non seulement pour la souveraineté alimentaire, mais également pour la qualité du débat démocratique en Europe.

Je vous invite donc à soutenir cette proposition de résolution européenne essentielle pour nos filières agricoles. Madame Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur, s’est engagée cet après-midi en séance publique à soutenir le développement des mesures miroirs et à porter le combat au sein de la coalition qui s’oppose à l’accord avec le Mercosur. J’y vois un message directement adressé à notre commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Alors que notre assemblée vient de se positionner contre l’accord avec le Mercosur, ce texte est en effet de nature à réaffirmer la volonté de notre pays de renforcer les mesures miroirs.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Hélène Laporte (RN). Depuis la conclusion, en 2019, du projet d’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur, que personne en France ne peut raisonnablement cautionner, le terme de « clauses miroirs » est omniprésent dans le débat public. Il traduit en droit international une idée relevant du plus élémentaire bon sens : il est incohérent et profondément inique d’autoriser l’importation de biens produits dans des conditions que nous interdisons sur notre sol. Comment admettre qu’un agriculteur européen, qui doit respecter pour sa production un niveau d’exigence parmi les plus élevés au monde – probablement même le plus élevé –, soit contraint d’affronter la concurrence d’un homologue établi dans un pays où le cadre est bien plus permissif ? C’est pourtant bien ce qui se passe. Nous sommes les bons élèves de la planète, qu’il s’agisse de l’encadrement administratif des exploitations, des interdictions et des limitations relatives aux produits phytosanitaires ou antibiotiques, des normes portant sur la protection de l’environnement ou du bien-être animal.

Par un étonnant paradoxe, la politique idéologique menée de façon constante par la Commission européenne nous a conduits à devenir les champions du libre-échange subi, qui rend tabou le protectionnisme, comme le montrent les plus de quarante accords commerciaux conclus avec des pays du monde entier.

Alors que grandit la menace d’une ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, la présente proposition de résolution vise à inviter le Gouvernement à soutenir, auprès de la Commission européenne, la mise en œuvre d’exigences à l’importation destinées à garantir des normes de production équivalentes entre les biens produits dans l’Union européenne et ceux qui y sont importés. Nous soutiendrons ce texte, car il est inenvisageable de laisser planer devant nos agriculteurs la moindre ambiguïté : il importe de manifester notre refus absolu face à la concurrence déloyale qui déstabilise l’ensemble de leurs filières.

Toutefois, la lucidité nous impose de rappeler qu’il est malheureusement illusoire de prétendre imposer des mesures miroirs effectives à des partenaires commerciaux ne garantissant aucune traçabilité fiable des conditions de production des denrées qu’ils exportent. En témoigne le système autodéclaratif intégré à l’accord avec le Mercosur, qui ne garantit aucune protection sérieuse des intérêts de nos producteurs. En réalité, la seule position pleinement cohérente avec l’objectif de concurrence non faussée que nous visons, c’est le rejet de tout accord comprenant des allégements et des suppressions de droits de douane pour l’importation de produits ne répondant pas à nos normes et la révision ou la dénonciation des accords déjà signés relevant de cette catégorie. C’est seulement ainsi que nous permettrons à nos agriculteurs de vivre dignement de leur métier.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. La protection des exploitants agricoles de notre pays est une ambition partagée. Les débats sur l’accord avec le Mercosur nous donnent l’occasion de rappeler l’absolue nécessité de protéger davantage le monde agricole contre les phénomènes de concurrence déloyale avec des pays tiers. Il convient également – et c’est l’une des propositions de cette PPRE – d’harmoniser les règles face aux concurrences intra‑européennes, un enjeu important rappelé par les représentants des filières que nous avons auditionnés comme par les agriculteurs eux-mêmes.

Vous avez sans doute raison de rappeler les faiblesses du système de protection des agriculteurs au sein de l’Union européenne. Plusieurs rapports ont établi que les mesures miroirs existantes étaient insuffisantes et inefficaces. C’est la raison pour laquelle nous proposons de les renforcer et de les étendre aux domaines de la protection sociale, de la santé et de l’environnement.

Je termine en soulignant la différence entre clauses miroirs, qui se limitent à un seul traité, et mesures miroirs, qui ont vocation à s’appliquer de manière universelle pour protéger l’Union européenne.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Dominique Potier, dont les travaux nous permettent de débattre ce soir de cette proposition de résolution européenne. Le commerce et le libre-échange nous obligent à nous présenter au monde sous notre meilleur jour ; en ce sens, ils peuvent être source de prospérité, de croissance et d’innovation. Cependant, une société comme la nôtre ne peut s’épanouir pleinement dans ce système que si celui-ci respecte les principes qui sont à son fondement, notamment ceux de justice et de réciprocité. S’il y a un secteur dans lequel ces principes ne peuvent être ignorés, c’est bien celui de l’agriculture, pilier de notre souveraineté alimentaire et de notre patrimoine culturel.

La présente proposition de résolution européenne vise à établir un nécessaire équilibre en exigeant que les produits importés respectent des normes équivalentes à celles que nous imposons aux producteurs européens. Qu’elles concernent la santé, l’environnement ou le bien-être animal, ces normes ne sont pas uniquement des contraintes : elles incarnent aussi une exigence liée à nos valeurs et à nos engagements en matière de transition écologique et sociétale.

L’accord entre l’Union européenne et le Marché commun du Sud illustre les défis auxquels nous sommes confrontés. Il est susceptible d’offrir de nouveaux débouchés et de sécuriser certains marchés, notamment l’automobile, la viticulture ou les produits relevant d’une indication géographique protégée (IGP), tout en renforçant notre approvisionnement en matières premières stratégiques (soja, minerais, matériaux rares, biocarburants) ; mais il manque malheureusement d’équité dans sa version actuelle, en particulier en matière agricole. Il tolère des pratiques incompatibles avec les standards européens de production et menace de fragiliser nos agriculteurs, déjà soumis à une forte pression concurrentielle, puisqu’ils doivent se conformer aux normes sanitaires et éthiques les plus élevées au monde.

Le groupe Ensemble pour la République ne s’oppose pas, dans l’absolu, à tout accord de libre-échange. Avec des États-Unis de plus en plus protectionnistes et une Chine protectionniste par défaut, nous devrons bien trouver des pays avec lesquels échanger et faire croître notre agriculture et nos industries, qui vivent et prospèrent sur la base de leurs capacités d’exportation – a fortiori lorsque ces pays partagent nos valeurs démocratiques. N’oublions jamais qu’une des cinq journées travaillées chaque semaine par tout salarié français est consacrée directement ou indirectement à l’exportation. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas nous permettre d’être « bêtement protectionniste ». L’Accord économique et commercial global (Ceta) avec le Canada, un pays aux normes et au degré de développement similaires à ceux de l’Union européenne, ne constituait pas un danger pour notre agriculture ; au contraire, il a créé de nouvelles possibilités. Ne nous abaissons donc pas au réflexe protectionniste parfois pavlovien qu’ont certains parmi nous, réflexe qui les amène à s’opposer sans nuance à tout ce qui ressemble à un accord commercial.

Non au rejet systématique ; mais oui à la mise en œuvre de clauses miroirs, oui au respect des normes environnementales et sanitaires européennes, oui à la clause suspensive relative à l’accord de Paris. Tout cela est indispensable en vue de futurs accords. Le groupe EPR, avec cohérence et ambition, votera pour cette proposition de résolution européenne, qui réaffirme notre attachement à un libre-échange équitable et durable. Il manifeste ainsi son souhait de renforcer la crédibilité de la France et de l’Europe en tant que défenseurs d’un commerce international libre et juste, aligné sur nos ambitions environnementales.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je rappellerai la fierté de nos agriculteurs de contribuer à notre souveraineté alimentaire : ils permettent à nos concitoyens d’avoir accès aux denrées alimentaires dans de bonnes conditions et de se nourrir correctement. L’agriculture fait partie de nos intérêts vitaux, qu’il importe de ne pas confondre avec nos intérêts économiques. C’est tout l’enjeu du combat que nous devons mener à l’échelon européen. Veillons à maintenir cet équilibre fragile.

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Conséquence des promesses gouvernementales non tenues, la colère du monde agricole est de nouveau d’actualité. Dans mon département de l’Aveyron, l’élevage représente 78 % de la production agricole et l’âge moyen des chefs d’exploitation augmente année après année. Cela illustre les deux grands défis de notre agriculture : le renouvellement des générations et la souveraineté alimentaire. Vous connaissez nos principales propositions pour les relever : garantir des prix rémunérateurs aux paysans et protéger nos producteurs de la concurrence déloyale. La Commission européenne, quant à elle, s’obstine à négocier des traités de libre-échange géants, dans lesquels notre production agricole est abandonnée tandis que les productions industrielles allemandes, notamment dans le secteur automobile, sont soutenues.

Cette proposition de résolution européenne vise à instaurer des dispositions garantissant des échanges agricoles plus justes dans le cadre de ces traités. Il s’agit notamment d’imposer des normes à l’importation équivalentes aux normes de production appliquées à l’intérieur de l’Union européenne. Ces dispositions vont dans le bon sens, mais nous paraissent insuffisantes pour plusieurs raisons. Les normes environnementales ne sont pas assez exigeantes au niveau européen. Les différences entre États membres donnent lieu à un dumping social au sein même de l’Union européenne. Dans ces conditions, l’harmonisation européenne encouragée par cette PPRE nous semble très hypothétique. En outre, elle nous paraît placer une confiance excessive dans les clauses miroirs : cela revient en effet à considérer que la distorsion de concurrence s’arrête aux frontières d’une Union européenne reposant sur un modèle vertueux, ce qui n’est pas le cas ; de surcroît, les clauses miroirs sont inefficaces et contournables.

Il convient de réaffirmer notre refus d’aller plus loin dans le libre-échange. C’est pourquoi nous voulons rendre cette PPRE plus ambitieuse en en modifiant la rédaction. Il s’agit de s’opposer catégoriquement à tout accord UE-Mercosur. L’objectif principal de la France devrait plutôt être de diminuer sa dépendance alimentaire à l’importation et de relocaliser. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons efficacement garantir une économie plus juste, pour les emplois agricoles, pour les revenus paysans, pour l’écologie et pour notre souveraineté alimentaire. Alors que nous sommes une grande nation agricole, nous importons 53 % de la viande ovine et 44 % des volailles que nous consommons.

Le groupe LFI-NFP propose des réponses claires : assumer un protectionnisme solidaire ; s’opposer à tout accord UE-Mercosur, quelles qu’en soient les clauses ; instaurer une taxe kilométrique et un prix minimum d’entrée de certains produits agricoles dans le cadre de mesures antidumping ; recourir à tous les outils à notre disposition, comme les mesures de sauvegarde spéciales prévues dans les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Par nos amendements, nous plaçons cette PPRE à la hauteur des enjeux : faire face à la concurrence déloyale et agir pour le revenu paysan. J’espère qu’ils seront adoptés afin que nous puissions répondre de manière structurelle aux attentes de nos agriculteurs et aux besoins alimentaires du pays.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Il ne s’agit nullement de se déclarer contre l’accord UE-Mercosur à Paris et de voter pour à Bruxelles. Cette ambiguïté embarrassante ne correspond pas du tout à la ligne défendue par le groupe Socialistes et apparentés. Nous entendons lutter contre les excès du libre-échange qui alimentent la dérégulation, provoquent le démantèlement de filières stratégiques et obèrent les revenus des agriculteurs. Dans ce combat, les mesures miroirs nous paraissent être une arme particulièrement efficace.

M. Dominique Potier (SOC). Je tiens tout d’abord à saluer notre rapporteure, qui a dû travailler dans un délai très court.

Le hasard du calendrier fait que notre discussion de ce soir s’articule parfaitement avec le débat que nous avons eu cet après-midi dans l’hémicycle au sujet de l’accord UE-Mercosur. Je me réjouis que la ministre Sophie Primas ait souligné le caractère original de notre proposition de résolution européenne. Non seulement nous nous opposons clairement et unanimement à cet accord, mais nous apportons aussi une solution : un principe de réciprocité portant sur des normes qui, je le dis à nos collègues du groupe LFI-NFP, ne se réduisent pas à l’Union européenne mais sont de portée universelle. Elles sont reconnues par les scientifiques comme prenant en compte les limites planétaires, conformément à l’accord de Paris. Ces normes environnementales, sanitaires et sociales, nous voulons les faire respecter à travers des mesures miroirs, lesquelles se distinguent des clauses miroirs, attachées à un seul accord commercial.

Ce texte fait suite aux travaux de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires. Durant ses réunions, nombreux ont été ceux qui ont exprimé leur hostilité aux exigences environnementales et sanitaires en objectant qu’elles exposaient notre agriculture à des concurrences déloyales. Cela nous a poussés à trouver des solutions qui, loin de tout protectionnisme, garantissent un juste échange. C’est ainsi que nous avons formulé quatre propositions : extension de l’étiquetage alimentaire, en vertu du règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011, dit « Inco », relatif à l’information des consommateurs ; harmonisation des normes européennes ; tolérance zéro à l’égard de l’entrée des pesticides ; contrôle ex ante, effectué sur les sites de production. Pour cette dernière proposition, nous nous sommes inspirés des méthodes du commerce équitable et de l’agriculture biologique, qui ont fait leurs preuves. Il est bien plus efficace en effet de vérifier la conformité aux cahiers des charges dans les champs, au plus près des conditions de production, que dans les ports ou les aéroports.

Notre solution est en train de prospérer et ce serait pour nous une grande fierté que d’avoir apporté notre contribution au débat. Si d’autres trouvent une meilleure idée, nous nous en réjouirons profondément.

J’aimerais que vous nous en disiez plus, madame la rapporteure, sur l’intégration de normes sociales dans les mesures miroirs. Nous sommes tous très sensibles à cette question, puisqu’elle concerne la santé des travailleurs de la terre et des consommateurs.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission d’enquête sur les pesticides, qui a mis en évidence les concurrences déloyales dans lesquelles étaient emprisonnées certaines filières agricoles. Nos solutions répondent à des attentes fortes, compte tenu des blocages qui persistent au niveau européen.

Il s’agit aussi d’améliorer les conditions sociales de la production agricole. Les représentants des filières que nous avons auditionnés ont souligné les impacts qu’auraient les traités sur les emplois directs et indirects. Nous devons poursuivre nos réflexions sur le modèle de notre agriculture et la rémunération des agriculteurs.

M. Vincent Rolland (DR). Cette proposition de résolution européenne, si elle a l’intérêt de soulever la question de l’opposition à la signature du traité UE-Mercosur, n’apporte pas de réponses entièrement satisfaisantes à la concurrence déloyale que subissent nos agriculteurs, du fait de l’importation de productions ne respectant pas nos normes.

Le texte contient des mesures particulièrement pertinentes : respect des normes pour les importations en provenance de pays extra-européens, en particulier pour les produits alimentaires et phytosanitaires ; mise en place de clauses miroirs ; renforcement des contrôles. Il est essentiel de renforcer la législation européenne. Nous sommes opposés à l’accord avec le Mercosur et refusons qu’une scission permette à la Commission européenne de contourner le processus de ratification par les parlements nationaux.

Cependant, pour ce qui est de la concurrence intra-européenne, nous craignons que cette même proposition de résolution n’aille dans un sens trop contraignant, avec une harmonisation par le haut des normes entre les États membres. Soyons clairs : nous nous opposerons à une telle harmonisation si elle se traduit par des contraintes supplémentaires pour nos agriculteurs. Nous ne voulons pas que la France, déjà championne en matière de sur-transposition, devienne un labyrinthe normatif et que l’Europe la suive dans cette voie. Il convient de supprimer les normes excessives qui entravent l’activité économique et la compétitivité de nos agriculteurs.

Nous devons travailler à un avenir dans lequel les normes garantiraient la qualité des produits alimentaires sans compromettre la viabilité économique de notre agriculture.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Les standards que nous voulons harmoniser à l’échelle européenne portent sur la santé humaine, la santé environnementale et le bien-être animal. La France doit jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour imposer ces normes vertueuses. Les mesures miroirs que nous défendons se veulent protectrices : elles contribueront à une harmonisation intra-européenne. Une partie des distorsions de concurrence qui perdurent au sein de l’Union sont aussi liées à certaines pratiques dérogatoires auxquelles il faut mettre fin.

M. Benoît Biteau (EcoS). Depuis plusieurs décennies, le développement d’une économie mondialisée a entraîné une spécialisation des zones de production à l’échelle de la planète. À rebours de l’un des fondamentaux de l’agronomie, la rotation des cultures, ce phénomène s’est traduit par une dépendance accrue aux pesticides et aux engrais de synthèse, désormais utilisés de manière massive.

Ce qui menace la souveraineté alimentaire, ce n’est pas le moindre recours aux pesticides et aux engrais de synthèse, comme certains l’affirment, mais l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique. C’est en appliquant des normes protégeant la biodiversité et le climat que nous préserverons cette souveraineté. La tentation est grande de s’aligner sur les moins-disants, mais devons faire l’inverse : étendre à l’ensemble de l’Europe des normes exigeantes.

Si les accords de libre-échange se multiplient, c’est que les discussions multilatérales sont en panne. Puisque la nature a horreur du vide, nous nous réfugions dans des accords bilatéraux désastreux, ne reposant sur aucune vision globale. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut plus échanger à l’échelon planétaire – j’adore le thé et le cacao ! – mais que nous devons miser sur des accords multilatéraux pour mettre fin aux aberrations actuelles. Importer des agneaux de Nouvelle-Zélande et imposer aux éleveurs européens d’ovins de trouver des débouchés sur le marché chinois : quelle incohérence !

Les mesures miroirs sont la réponse à apporter. Je plaide pour qu’elles soient gravées dans le marbre de la politique agricole commune (PAC), dans le cadre de l’organisation commune des marchés. Cela nous permettrait d’exiger que tous les produits qui entrent sur le territoire européen, quelle que soit leur provenance, respectent les normes européennes.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je souligne la pertinence de l’amendement que vous avez défendu lors de l’examen du texte par la commission des affaires européennes, et qui visait à rappeler l’importance de l’investissement en matière de recherche dans le cadre de la transition agroécologique.

L’accord UE-Mercosur conduirait au retournement d’au moins 170 000 hectares de prairies et, plus généralement, mettrait en péril la biodiversité et l’environnement, déjà menacés dans les pays du Mercosur, qui pratiquent la déforestation.

Dans le Finistère, lorsqu’on scelle un accord d’importance, on dit qu’on le grave dans le granit. Je souhaite que ces mesures miroirs s’inscrivent dans un système universel qui perdure.

M. Pascal Lecamp (Dem). Jamais nous n’aurons autant parlé de commerce extérieur ; en tant qu’ancien conseiller de Business France, je m’en réjouis particulièrement. Tout ce qui a été dit dans l’hémicycle, notamment par notre collègue Benoît Biteau, doit nous permettre de jeter les bases pour l’avenir. Nous ne devons pas être seulement dans la réaction, ni chercher à nous présenter comme celui qui sera le plus « contre » le Mercosur ou le moins naïf sur le libre‑échange. Nous devons plutôt nous demander quelle Europe et quel rapport au monde nous voulons demain.

Cette proposition de résolution européenne est une pierre dans la construction de la position française. Néanmoins, ce n’est pas la première pierre, car nous avons déjà posé d’autres jalons – je pense au blocage de l’adoption de l’accord UE-Mercosur dès 2019, au rapport de la commission présidée par le professeur Stefan Ambec, qui a rendu obsolètes les négociations lancées en 1999 par la Commission européenne, ou encore à la défense des normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne par le Président de la République lors de la présidence française en 2022. Toutes ces prises de position fortes, qui ont parfois été mal accueillies par nos partenaires européens, sont le résultat d’une immense mobilisation de la société civile – syndicats agricoles, associations environnementales, associations de défense des droits humains et du bien-être animal – en France et chez nos voisins.

Le temps de la réforme est venu. Nous accueillons donc avec une grande bienveillance cette proposition de résolution visant à instaurer, par des mesures miroirs, un juste échange où les standards sanitaires, environnementaux et sociaux des productions de nos partenaires seraient tirés vers le haut. C’est à cette condition que les pays tiers pourraient bénéficier d’une exonération des droits de douane ou de droits très favorables. Dans ce cadre, les questions relatives à l’inversion de la charge de la preuve, aux contrôles aux frontières et à la coopération avec les services vétérinaires locaux sont essentielles. Pour avoir participé à des négociations avec certains pays, je peux vous dire que cela peut marcher.

Le groupe Les Démocrates appelle à voter ce texte à l’unanimité, afin qu’il nourrisse les discussions internationales futures et oriente la position diplomatique de la France, notamment à l’OMC et dans le cadre de négociations multilatérales.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. La période est propice à la réforme de l’agriculture et des modalités des échanges commerciaux avec les pays tiers, au niveau français comme au niveau européen. Défendre des normes vertueuses et rehausser les standards en matière de production agricole sont les ambitions de la France et de l’Union européenne.

Si une seule mesure de la proposition de résolution européenne devait être retenue, il s’agirait effectivement de l’inversion de la charge de la preuve du respect des mesures miroirs par les exportateurs des pays tiers. La certification pourrait être directement réalisée par des organismes agréés dans les pays tiers. Ces mesures concrètes pourraient soutenir très efficacement de nombreuses filières agricoles qui subissent le système actuel de libre-échange.

M. David Taupiac (LIOT). Le monde agricole oscille entre colère et désarroi. Colère, parce que les agriculteurs risquent à nouveau de se voir imposer un accord de libre-échange qui leur est défavorable : une fois de plus, ils seront la variable d’ajustement d’une politique commerciale européenne qui fait trop peu attention à la question agricole. Désarroi, parce qu’ils nous alertent, année après année, quant à la perte de notre souveraineté alimentaire, tandis que rien ne semble arrêter la course effrénée aux accords commerciaux.

L’accord avec le Mercosur pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il prévoit l’ouverture de nouveaux contingents pour l’importation de maïs, de sucre et de viande bovine, ce qui risque de faire baisser les prix sur le marché européen, et donc les prix payés aux agriculteurs. Pis, cet accord risque de favoriser l’importation de produits qui ne respectent pas les normes européennes. Ainsi, des hormones, des antibiotiques ou des pesticides que nous avons interdits en raison de leur dangerosité seraient de facto consommables en Europe.

Nous ne pouvons laisser nos agriculteurs seuls face à cette injustice. Nous nous devons d’agir pour faire évoluer un système et une politique commerciale qui leur sont défavorables. Évidemment, nous soutenons toute initiative prise par le Gouvernement pour mettre fin à l’accord avec le Mercosur, telle que l’organisation d’un débat en séance publique cet après‑midi. La volonté de la ministre de l’agriculture de trouver une minorité de blocage va dans le bon sens. Toutefois, nous devons aller plus loin pour encourager la refonte de la politique commerciale. Contrairement à d’autres députés, je ne pense pas que ce soient nos normes qui menacent notre souveraineté alimentaire. Notre volonté de protéger nos concitoyens européens des produits phytosanitaires dangereux pour leur santé et l’environnement est légitime. En revanche, nous ne pouvons accepter d’importer des produits qui ne respectent pas les normes européennes.

Comme vous, madame la rapporteure, je crois en la fermeté : il nous faut imposer des limites résiduelles égales à zéro pour les produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne. Comme nombre d’entre nous, je considère que l’instauration de mesures miroirs est la solution et je crois à la nécessité d’harmoniser les normes au sein de l’Union européenne.

Mon groupe, fervent défenseur d’une agriculture française de qualité, votera pour cette proposition de résolution européenne.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Ce soir, le monde agricole, qui exprime sa colère et son désarroi, a écouté avec attention le message délivré par le Parlement. Nous avons une immense responsabilité quant aux décisions que nous prenons pour eux. Par cette proposition de résolution européenne et le vote de cet après-midi, il s’agit de faire pression tant sur la Commission européenne pour éviter la scission de l’accord, que sur le Président de la République afin qu’il prenne les bons engagements et qu’il parvienne à faire entendre la voix de la France. Nous partageons l’objectif de constituer une coalition puissante pour sauvegarder les agricultures française et européenne. Je vous remercie de soutenir les mesures innovantes que contient ce texte.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous passons aux questions des autres députés.

M. Dominique Potier (SOC). Quelles seront les suites données à ce texte, une fois qu’il sera adopté ? Y aura-t-il un débat dans l’hémicycle, au cours duquel nous continuerons à discuter de l’accord avec le Mercosur et des mesures miroirs, en distinguant bien les deux sujets ? Dans quelle mesure peut-il nous aider à interpeller le Parlement européen et la Commission ?

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Dans la continuité de votre travail, à la suite de son adoption par la commission des affaires européennes et, je l’espère, par la commission des affaires économiques, cette proposition de résolution européenne sera susceptible d’être inscrite à l’ordre du jour de la séance publique. Tel est notre objectif. Notre parlement national doit relayer des propositions concrètes et innovantes auprès du Parlement européen et, surtout, de la Commission européenne. Dans le contexte actuel, le Gouvernement doit travailler avec les parlementaires en vue de formuler des propositions au niveau européen ; je suis persuadée qu’il saura le faire avec pragmatisme.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les clauses miroirs ne sont-elles pas un miroir aux alouettes ? Ne donnent-elles pas l’illusion de parvenir à un équilibre qui, en réalité, n’existe pas ?

Les contrôleurs, qui s’acharnent sur nos agriculteurs, ne devraient-ils pas plutôt s’intéresser aux produits importés et vérifier que ces derniers respectent les traités internationaux ?

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Il ne faut pas confondre les clauses miroirs et les mesures miroirs : ce sont deux choses différentes et deux combats différents. Les clauses sont prévues dans le cadre d’un traité entre l’Union européenne et un pays tiers ; elles sont donc un peu opportunistes. En revanche, les mesures miroirs s’inscrivent dans le cadre d’une refonte du système universel de protection de l’Union européenne.

Nous proposons, par exemple, de doubler le contrôle effectué au niveau des douanes par un contrôle des conditions de production dans les pays tiers, qui serait assuré par des organismes agréés par l’Union européenne. Un tel processus existe déjà dans la filière biologique. Dans ma circonscription rurale, des contrôleurs chinois visitent régulièrement les parcelles des éleveurs dont la production de lait sera exportée vers la Chine ; de la même manière, l’Union européenne pourrait imposer ce type de mesure afin de s’assurer que les pays tiers respectent les normes qui s’imposent à nos agriculteurs.

 

 

Article unique

 

Amendement CE1 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les agriculteurs réclament l’interdiction d’importer des produits ayant reçu des traitements interdits en France, car ce serait suicidaire pour notre agriculture. Cette demande, qui relève du bon sens, ne fait pas l’objet d’un consensus. Alors que la ministre Annie Genevard souhaite revenir sur la réglementation protectrice, spécifique à la France, en matière de traitements phytosanitaires, nous devons au contraire la renforcer et encourager le mieux-disant afin de préserver la santé des agriculteurs et des consommateurs. Aussi soulignons-nous la nécessité d’« adopter une approche d’interdiction totale d’importation des produits traités avec les substances les plus dangereuses ».

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Avis favorable. La mention du « moyen terme », qui figure dans la rédaction actuelle de l’alinéa, est sans doute superfétatoire. Si l’objectif d’interdiction totale ne sera pas atteint avant longtemps, il n’en demeure pas moins qu’il faut agir avec fermeté.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Vous proposez que la France aille plus loin que ses partenaires européens dans l’interdiction d’importer certains produits. Cela part d’une bonne intention, mais nous courons le risque d’imposer des normes plus restrictives que celles fixées par nos partenaires de l’Union européenne, alors que nous décidons collectivement des normes qui doivent s’y imposer. Nos agriculteurs, soumis à une concurrence déloyale, se trouveraient en situation difficile. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

M. Dominique Potier (SOC). La mention du « moyen terme » répond à un principe de réalité, car la délibération européenne prendra du temps, compte tenu des allers-retours entre la Commission, le Parlement et le Conseil. Il s’agit d’une précision technique, qui n’a pas de valeur politique. Nous nous rangeons volontiers à la logique de simplification proposée par notre collègue Mathilde Hignet, mais cela ne change rien sur le fond : l’important est de déclencher le processus.

Je souhaite rassurer notre collègue Stéphane Vojetta. Nous examinons une proposition de résolution européenne, qui ne vise pas à modifier notre législation, mais à inviter la Commission européenne à interdire totalement l’importation de certains produits. Du reste, un registre dresse la liste des produits interdits ou des produits qui ne sont plus homologués dans l’Union européenne et considérés comme dangereux. Dans la continuité des travaux de la commission d’enquête sur les pesticides, le groupe Socialistes et apparentés propose l’harmonisation, au niveau européen, de la liste des molécules et des produits homologués afin de mettre fin aux distorsions de concurrence internes et de mieux protéger nos frontières.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur Vojetta, vous avez employé le mot « concurrence », ce qui traduit nos divergences. Pour notre part, nous considérons que nous devons changer de logiciel agricole et renoncer au libre-échange. L’agriculture subit en effet l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique ; si nous n’inversons pas la tendance, la concurrence sera la dernière de nos préoccupations. Nous assumons de recourir au protectionnisme, qui est pour vous un « gros mot », pour protéger en priorité la santé des agriculteurs et l’environnement.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Il ne s’agit pas de délibérer sur l’interdiction totale d’importer certains produits, mais plutôt sur des questions rédactionnelles s’agissant de l’échéance de l’application de la mesure. La rédaction proposée par l’amendement CE1 nous semble plus pertinente.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE2 de M. Laurent Alexandre

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Il convient de préciser la rédaction de cette PPRE afin de lui donner davantage d’ambition. Aussi proposons-nous de prendre en considération les conclusions de l’audit mené au Brésil, entre mai et juin 2024, par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne. Ont été évalués les contrôles réalisés sur les résidus de substances pharmacologiquement actives, de pesticides et de contaminants dans les animaux et les produits d’origine animale. Le rapport pointe un défaut de surveillance ainsi que les défaillances des autorités brésiliennes, qui ne parviennent pas à garantir l’absence totale de substances – parfois cancérigènes – interdites à l’importation dans l’Union européenne. Qui peut croire qu’il est possible de vérifier chaque recoin de champ de chaque pays ? C’est pour cette raison que les clauses miroirs présentent des limites. À l’heure où la Commission européenne essaie d’imposer son accord avec le Mercosur, cet audit ne fait que renforcer notre opposition catégorique.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Vous avez raison de souligner l’inefficacité du contrôle des mesures miroirs. Je suis favorable à votre amendement, car l’audit que vous évoquez a révélé les défaillances des contrôles réalisés dans diverses exploitations.

M. Dominique Potier (SOC). L’audit mené au Canada par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire a révélé les mêmes défaillances des services vétérinaires, s’agissant du contrôle de l’interdiction des stimulateurs de croissance. Les rares mesures miroirs existantes sont inefficaces. C’est pourquoi il conviendrait d’innover en inversant la charge de la preuve.

J’ai été agriculteur bio. Lorsqu’un contrôleur se rend dans une ferme, cela s’apparente quasiment à une inspection de police : il effectue un contrôle approfondi, vérifie la comptabilité, fait des prélèvements et des analyses… C’est ce type de contrôle qui est envisagé pour les pays tiers ; nous abandonnerions ainsi l’amateurisme au profit d’un système de contrôle efficace.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE11 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Cet amendement vise à préciser le sort réservé aux échanges avec des opérateurs économiques des pays tiers qui refuseraient de fournir la preuve du respect des mesures miroirs. Dans ce cas de figure, les échanges commerciaux seraient systématiquement suspendus. L’Union européenne doit faire preuve de fermeté si elle souhaite protéger efficacement ses filières agricoles.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE6 de Mme Hélène Laporte

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à supprimer les derniers mots de l’alinéa 35, qui alourdissent inutilement le texte et créent de la confusion. Il y est question d’accentuer à la fois les mesures de soutien à la transition agroécologique, ce qui est sans lien direct avec la question des importations, et les efforts de recherche pour abaisser le seuil de détection des substances interdites dans les produits importés. Or les procédés de détection des résidus de produits phytosanitaires garantissent des résultats précis, de l’ordre du microgramme. Ce ne sont pas leurs limites techniques qui sont en cause, mais plutôt le manque de zèle dont nous faisons preuve s’agissant de l’application des normes en matière d’importation.

En supprimant ces mots qui déplacent le problème et nuisent à l’intelligibilité du texte, nous mettrions en avant l’objet principal de l’alinéa, qui est de demander la suppression sans délai des tolérances à l’importation de produits contenant une quantité de substances interdites supérieure aux seuils définis par la réglementation européenne.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je vois dans votre amendement une ambiguïté, voire un désaccord politique assez net. Les efforts soutenus en matière de recherche dans le cadre de la transition agroécologique permettront de mieux comprendre la dangerosité de certains produits et de réduire la dépendance des exportateurs des pays tiers à l’égard des substances interdites en Europe. Ces précisions sont donc très pertinentes. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Combattre l’accord avec le Mercosur, c’est défendre le Pacte vert, c’est-à-dire le développement de l’agroécologie. Les chercheurs réunis lors de la célébration des quarante ans du Centre de coopération internationale en recherche agronomique (Cirad) ont expliqué que, si nous ne développons pas l’agroécologie ni ne respectons les écosystèmes, nous subirons des pertes de rendement qui contribueront à affamer le monde. Dès lors, comment pourra-t-on relever le défi de nourrir dix milliards d’habitants en 2080 ?

La décroissance, c’est la poursuite d’un productivisme qui ne respecte pas les écosystèmes, contrairement à l’agroécologie, qui garantit dans la durée la capacité à produire. En dénonçant l’accord avec le Mercosur, nous ne devons pas mettre fin au Pacte vert ni fragiliser l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le plan Écophyto et tous les dispositifs d’agroécologie que le projet de loi de finances affaiblit. Au contraire, nous devons redoubler d’efforts pour engager l’Europe dans une trajectoire de protection des écosystèmes, grâce à la protection aux frontières.

M. Benoît Biteau (EcoS). C’est précisément parce que les pesticides sont utilisés que nous recherchons leurs traces dans les produits importés afin de préserver la santé des consommateurs.

Il faut traiter le problème en amont. L’utilisation des pesticides met en péril le climat, la biodiversité et la santé de ceux qui les ont répandus. Nous devons soutenir l’agroécologie : ainsi, nous pouvons espérer n’avoir un jour plus besoin de rechercher la présence de pesticides, puisqu’ils auront été supprimés. Déconstruisons certains mythes : ni les pesticides ni les engrais de synthèse ne garantissent la souveraineté alimentaire. Je suis paysan depuis vingt ans : je produis plus que ne produisait mon père en utilisant des pesticides et des engrais de synthèse. C’est en ne préservant pas la biodiversité et en ne luttant pas contre le dérèglement climatique que nous mettons en péril notre souveraineté alimentaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE7 de Mme Hélène Laporte

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement, qui devrait satisfaire nos collègues écologistes, socialistes et d’extrême gauche, vise à interdire définitivement l’exportation vers les pays tiers de substances interdites au sein de l’Union européenne, plutôt que d’« engager un processus visant à l’interdiction », ainsi que le prévoit l’alinéa 36. Sans cette modification, nous nous retrouverons dans une situation kafkaïenne : l’industrie pétrochimique continuera de vendre des pesticides interdits sur le territoire national à des pays tiers, lesquels utiliseront ces substances pour assurer une production agricole, que nous importerons ensuite chez nous dans le cadre des traités commerciaux.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 36 semble établir une hiérarchie entre l’Occident riche, qui devrait impérativement être protégé contre les pesticides, et les pays tiers, beaucoup plus pauvres, qui pourraient s’en contenter car ils contribuent à leur développement. Soyons cohérents et ne tournons pas autour du pot : si ces produits sont dangereux, ils le sont pour tout le monde.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. J’ai examiné de près votre amendement, qui m’a surprise. Dans le cadre de la proposition de résolution européenne, qui vise à encourager l’instauration de mesures miroirs, nous souhaitons enclencher un processus – concertation avec les scientifiques, identification des producteurs – au terme duquel l’exportation vers les pays tiers de substances interdites sera prohibée. Il n’y a donc pas d’ambiguïté. Je m’étonne de votre fermeté : il y a un an, vous ne défendiez pas cette position lors des travaux de la commission d’enquête. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). C’est un combat qui remonte à la loi Egalim : il était déjà question de cesser d’exporter ce que nous interdisons chez nous, car les conséquences sur les écosystèmes et sur les organismes ont un caractère universel, qu’il s’agisse de l’eau au Nigéria ou des corps humains au Nicaragua. Cette mesure très généreuse, fondée sur le principe « Tu ne feras pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. », a été inscrite dans la loi avant de subir des rebondissements incroyables : l’industrie phytopharmaceutique s’est acharnée à la faire tomber, nous l’avons reprise dans une autre loi et elle a été soumise au Conseil constitutionnel, qui a fini par estimer qu’elle n’était pas inopérante.

Il n’en reste pas moins une lacune relative aux substances. Les décrets qui ont été pris portent sur les produits et l’industrie phytopharmaceutique européenne est suffisamment habile pour exporter des substances ensuite assemblées dans des pays tiers. Il faut donc compléter le dispositif. Ceux qui connaissent le fonctionnement de l’Union européenne, comme notre collègue Benoît Biteau, savent que les négociations entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen prennent du temps : nous vous proposons d’enclencher ce processus.

Notre fermeté en la matière ne date pas d’aujourd’hui et elle n’est pas opportuniste : c’est un combat que nous menons depuis de nombreuses années, comme le montrent les travaux de la récente commission d’enquête. Nous reprenons ce combat avec force et sans ambiguïté.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Dans la droite ligne d’une intervention précédente de ma part au sujet de la concurrence à laquelle sont confrontés les acteurs de notre industrie, je rappelle que le règlement européen actuel envisage un processus dans le temps. Celui-ci permettra aux acteurs concernés de s’adapter en se tournant vers des substances et des produits mieux-disants. Être les seuls à accélérer mettrait à mal nos acteurs économiques vis-à-vis de la concurrence. Nous sommes donc défavorables à l’amendement.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je me rappelle la position que défendaient vos collègues lorsque j’étais député européen : c’était, pour les substances dangereuses, « Pas d’interdiction sans solution ». Il existe ainsi dans la réglementation européenne une liste de produits dits « à substituer », qui font l’objet d’autorisations provisoires. Notre collègue Dominique Potier a raison : on a identifié des produits qui doivent disparaître à terme et au sujet desquels il faut continuer à faire de la recherche pour assurer leur substitution. Une dynamique est donc engagée. Si l’on supprimait la liste des produits à substituer, il y aurait un télescopage avec le principe « Pas de suppression sans solution », que vous n’arrêtez pas de rabâcher.

M. Hervé de Lépinau (RN). Quelle tartufferie ! Nous parlons de produits interdits en France, mais que l’on continue à vendre à des pays tiers et qui reviennent ensuite chez nous. Les contrôles réalisés montrent, par exemple, que la quantité de diméthoate dans les cerises venant de Turquie est dix fois supérieure à la dose qui était autorisée en France avant l’interdiction de ce produit. Vos arguments montrent bien que vous vous moquez des paysans : nous avons la preuve que vous êtes les meilleurs collaborateurs d’une agriculture complètement mondialisée, qui fait d’eux les dindons de la farce. Si des molécules sont interdites chez nous, il n’y a aucune raison qu’elles puissent être vendues à des pays tiers avant de revenir sur le territoire national par l’intermédiaire d’autres productions. Les paysans apprécieront votre opposition à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE9 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement concerne la protection des forêts. Il était prévu que l’interdiction de la commercialisation en Europe de produits issus de terres déboisées s’applique à compter du 30 décembre ; elle a été reportée à la fin 2025, sur proposition de la Commission européenne, le 2 octobre dernier, sous la pression des États-Unis et du Brésil. Cette décision met en danger des milliers d’hectares de forêt par an et fait courir un risque d’atteinte aux droits humains, les forêts en question pouvant abriter des peuples autochtones. Nous vous proposons donc de rétablir la date initialement prévue.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je partage l’idée que le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts doit être mis en œuvre le plus tôt possible, notamment en raison des mesures miroirs qu’il comporte. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE10 de M. Benoît Biteau et sous-amendement CE12 de Mme Mélanie Thomin

M. Benoît Biteau (EcoS). Je propose que les mesures miroirs soient gravées dans le granit du règlement portant organisation commune des marchés de produits agricoles, qui traite de toutes les mesures commerciales imaginables dans ce domaine, afin que ces dispositions s’appliquent vraiment à tous les échanges commerciaux en matière d’agriculture et d’alimentation.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je suis plutôt favorable à cet amendement. Sa rédaction pourrait toutefois être améliorée, car elle laisse entendre que des mesures miroirs existent déjà dans le règlement. Je vous propose plutôt de faire référence à la nécessité d’une « extension du principe des mesures miroirs ».

M. Pascal Lecamp (Dem). Il est vrai que ces mesures miroirs existent, mais il serait plus utile d’instaurer un système qui obligerait les services vétérinaires européens à rencontrer, par exemple, ceux de la Turquie pour établir des cahiers des charges communs concernant les produits exportés. Il existe très peu de relations de ce type : un travail reste à faire en matière de coopération, même si cela n’a pas nécessairement vocation à figurer dans la loi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Amendement CE13 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je souhaite étendre le champ des mesures miroirs au domaine social afin d’imposer à nos partenaires commerciaux des obligations en matière de conditions de travail, de rémunération et d’organisation collective. Le droit européen ne compte à l’heure actuelle aucune mesure miroir dans ce domaine. L’absence de clauses de ce type dans le projet d’accord avec le Mercosur est révélatrice des défaillances de l’Union européenne quand il s’agit d’affirmer ses convictions et ses valeurs sur la scène internationale. Les nouveaux accords commerciaux devraient servir de leviers d’influence au niveau politique : l’Union européenne a un message fort à faire passer.

M. Dominique Potier (SOC). Le droit européen s’est enrichi, en juin dernier, de la Corporate Sustainability Due Diligence Directive, dite « CS3D », sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, dont le principe est né ici, avant d’être repris dans un premier temps par d’autres pays, puis au niveau européen. Cette directive vise à protéger non seulement les écosystèmes, notre maison commune qu’est la nature, mais également les droits humains. L’inclusion systématique des questions sociales dans les mesures miroirs est très importante, mais ce n’est qu’un complément d’une arme lourde, celle du recours aux tribunaux pour faire condamner des multinationales qui n’auraient pas vérifié les conditions de la sous-traitance. Des procédures ont ainsi été engagées concernant la déforestation et les conditions de travail en Amérique du Sud.

Dans l’attente d’un règlement contre l’esclavage moderne et le travail des enfants, qui avait été promis par la présidente de la Commission européenne durant son premier mandat, mais n’avait pu aboutir, nous avons donc la directive CS3D. J’insiste sur son existence, car elle est attaquée par l’extrême droite, une partie de la droite et BusinessEurope. C’est une arme importante pour protéger les droits des travailleurs ici et ailleurs.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE14 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. De nombreuses filières agricoles, dont celle du maïs, ont fait part lors des auditions de leurs inquiétudes devant l’absence de réévaluation des mécanismes de droits de douane auxquels sont soumis leurs concurrents extra-européens, en particulier dans le Mercosur. Il est particulièrement important d’inviter la Commission européenne à réviser fréquemment les différents cadres douaniers afin de s’assurer de leur compatibilité avec la conjoncture économique internationale et européenne. S’agissant de la filière du maïs, cela fait plus de vingt-cinq ans que les tarifs douaniers n’ont pas été réévalués. Il existe une véritable attente en la matière au sein du monde agricole. J’ajoute que de telles révisions pourront faire l’objet de modalités différentes, dans la mesure où les mécanismes douaniers sont prévus par des véhicules juridiques hétérogènes.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CE3 de Mme Mathilde Hignet et CE16 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Dans la continuité de la position que nous avons exprimée cet après-midi en séance, notre amendement CE3 dit notre opposition à l’adoption de l’accord UE-Mercosur. Notre vote sur la proposition de résolution européenne sera conditionné au sort qui lui sera réservé.

Il n’existe pas de bon accord possible avec le Mercosur pour les agriculteurs, quand bien même des clauses ou des mesures miroirs seraient prévues. Nous n’aurons aucun moyen de vérifier que le bœuf importé ne contient pas, par exemple, des hormones de croissance. L’agriculture familiale française fait la réputation de la production de notre pays. Nous ne voulons pas que cette plus-value soit sacrifiée sur l’autel d’une compétition mondialisée. Il faut protéger l’agriculture française pour valoriser nos terroirs et mailler les territoires en exploitations faisant de la polyculture et de l’élevage, afin de contribuer au dynamisme de notre ruralité.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. La rédaction de l’alinéa 47 est un peu maladroite ; elle a sans doute été un peu diluée lors des débats en commission des affaires européennes. Il est nécessaire de réaffirmer notre opposition à l’adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, mais je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien, l’amendement CE16, qui comporte un ajout relatif à la nécessité d’appliquer des mesures miroirs efficientes et universelles, conformément à l’essence même de la proposition de résolution.

M. Dominique Potier (SOC). Les socialistes n’ont jamais fait preuve d’ambiguïté : ils poussent à l’adoption de cette proposition de résolution européenne et disent non à l’accord avec le Mercosur tout en demandant, par ailleurs, des mesures miroirs.

Dire non au Mercosur, c’est dire non à 99 000 tonnes de bœuf en plus et à 170 000 hectares de prairies retournées, ce qui créera une bombe climatique et entraînera une perte de biodiversité. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que deux cent mille tonnes de bœuf arrivent chaque année d’Amérique du Sud sans le moindre contrôle. Tous les échanges commerciaux doivent faire l’objet de mesures miroirs afin de lutter contre les pesticides ou l’antibiorésistance.

Je voterai pour l’amendement CE16, qui énonce clairement notre opposition à l’accord avec le Mercosur et notre souhait de voir instaurées de vraies mesures miroirs, universelles et applicables à tous nos échanges commerciaux, au-delà des traités, y compris pour l’existant.

M. Pascal Lecamp (Dem). J’atteste qu’il n’y a pas eu d’ambiguïté en commission des affaires européennes. Je précise cependant que les 99 000 tonnes dont a parlé notre collègue Potier ne viennent pas du Mercosur, mais en viendraient si l’accord était adopté – c’est à mettre au conditionnel, car rien n’a encore été signé.

Notre collègue Hignet a dit qu’elle voulait protéger nos agriculteurs. Nous le voulons tous, mais je n’ai pas compris ce que son amendement permettrait de faire de plus. À ce stade, je privilégierai celui de la rapporteure.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Comme nous l’ont dit, notamment, les représentants de la filière du maïs, la concurrence déloyale n’est pas nécessairement directe. Elle peut s’infiltrer dans l’Union européenne par l’intermédiaire de nos voisins, comme l’Espagne et les Pays-Bas, dont chacun connaît les infrastructures portuaires. Quelles que soient les mesures protectionnistes que nous prendrons sur le sol national, la concurrence déloyale pourra donc s’introduire en France de façon indirecte.

Je réitère ma demande de retrait de l’amendement CE3 au profit de mon amendement CE16, qui souligne toute la pertinence des mesures miroirs.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Quand nous disons que nous sommes opposés à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, avec ou sans mesures miroirs, cela signifie que, pour nous, ces mesures ne justifient pas qu’on importe du bœuf, quand bien même il respecterait les mêmes normes que chez nous, alors qu’on en produit en France.

La commission rejette l’amendement CE3 puis adopte l’amendement CE16.

 

Amendement CE4 de M. Laurent Alexandre

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). La rédaction de cette proposition de résolution européenne a été améliorée lors de son passage devant la commission des affaires européennes, puisque le texte invite désormais explicitement le Gouvernement français à s’opposer à la stratégie du splitting que pourrait utiliser la Commission européenne. Nous craignons une scission entre le volet commercial de l’accord et ses autres stipulations, qui permettrait de passer outre à l’avis des parlements nationaux à propos du volet commercial.

Le Président Emmanuel Macron clame partout son opposition à ce traité, mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? Il est vital de faire capoter l’accord avec le Mercosur pour préserver le modèle d’agriculture familiale qui façonne notamment l’économie et les paysages de l’Aveyron. Comme nous préférons les actes aux belles paroles, nous proposons d’écrire noir sur blanc que le respect du vote du Parlement européen est une condition pour la ratification de l’accord.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Je suis également très attachée à la seule assemblée élue au suffrage universel direct au sein des institutions européennes. Il est important de reconnaître toute la place qui revient au Parlement européen dans les processus de décision : il est un garant de notre démocratie parlementaire, au même titre que l’Assemblée nationale et le Sénat en France. Je suis donc favorable à l’ajout proposé par notre collègue.

M. Stéphane Vojetta (EPR). Je crains que ce ne soit faire preuve d’une méconnaissance du droit européen. L’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit que le Parlement européen doit approuver tout accord commercial négocié par la Commission européenne avant son entrée en vigueur. L’amendement est donc satisfait ; dès lors, nous y sommes défavorables.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je ne sais pas si cela correspond à la rédaction de l’amendement, mais empêcher la séparation des dimensions politique et commerciale de l’accord garantirait la consultation du Parlement européen et permettrait d’éviter de donner tous les pouvoirs à la Commission sur la partie commerciale.

M. Dominique Potier (SOC). Un petit doute est possible sur le plan juridique, mais il est certain sur le plan politique que la précaution demandée par nos collègues du groupe LFI‑NFP est bienvenue. S’il faut corriger le texte en séance pour respecter le droit européen, nous le ferons.

M. Pascal Lecamp (Dem). Au-delà de la question du rôle du Parlement européen, les conclusions du conseil des ministres de l’Union européenne réuni le 22 mai 2018 précisent que nous avons affaire à un accord mixte, requérant un vote à l’unanimité et une ratification dans chaque pays.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE5 de Mme Mathilde Hignet et sous-amendement CE15 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous défendons l’activation, autant que de besoin, de toutes les clauses de sauvegarde existantes, notamment dans les accords conclus au sein de l’OMC, qui permettent en particulier de se protéger d’exportations de pays tiers si elles menacent de causer un dommage à une branche de la production nationale. L’Union européenne n’a que très rarement recours aux clauses de sauvegarde spéciales pour l’agriculture, grâce auxquelles nous pourrions pourtant agir rapidement pour protéger les agriculteurs.

Mme Mélanie Thomin, rapporteure. Cet amendement me paraît compléter utilement la proposition phare du texte, qui est l’inversion de la charge de la preuve en matière de respect des mesures miroirs. Je vous propose simplement de placer l’alinéa ailleurs au sein du texte et d’améliorer ainsi sa rédaction, pour lui donner plus d’importance. Avis favorable, donc, sous cette réserve.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Elle adopte l’article unique modifié.

La proposition de résolution européenne est ainsi adoptée.

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 26 novembre 2024 à 21 h 30

Présents.  M. Laurent Alexandre, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Mathilde Hignet, M. Maxime Laisney, Mme Hélène Laporte, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Hervé de Lépinau, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Vojetta, M. Frédéric Weber

Excusé.  M. Éric Bothorel