Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Examen de la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France (n° 659) (M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur)              2

 

 


Mardi 28 janvier 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 49

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France (n° 659) (M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons cet après-midi la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du 6 février.

Ce texte, qui traite du commerce international en matière agricole, vise, dans son article 1er, à interdire l’importation de denrées alimentaires ou de produits agricoles qui ont fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux qui ne sont pas autorisés par la réglementation européenne ou ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette réglementation. Il permet aux autorités compétentes de prendre toutes mesures utiles au respect de cette interdiction. Son article 2 prévoit, quant à lui, de sanctionner pénalement l’importation de produits alimentaires ne respectant pas les mêmes normes de production que les systèmes français de production.

L’objectif est de protéger les agriculteurs contre la concurrence déloyale et de résoudre la difficulté que pose le droit de l’Union européenne en ne permettant pas de discriminer deux marchandises qui présentent les mêmes caractéristiques finales en fonction des techniques et des procédés de production.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. C’est pour moi un honneur de défendre ce texte en tant qu’élu dans une circonscription qui, dans les années 1980-1990, a connu la concurrence déloyale de pays asiatiques en matière de textile et a vu son industrie s’effondrer. En matière agricole, l’espoir réside désormais dans l’instauration de mesures-miroirs.

Je suis fier également en tant que fils d’une famille d’agriculteurs de génération en génération, dont le père est à la retraite depuis un an, qui a tant donné à l’alimentation française et qui a toujours eu à cœur de permettre à chacune et chacun de s’alimenter dans des conditions sanitaires les plus nobles possible. Enfin, j’ai la fierté d’être le représentant du groupe Droite républicaine.

Quel est le contexte ? Nous nous sommes élevés à la quasi-unanimité contre l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Dépourvu de sens d’un point de vue environnemental, l’accord aura pour effet de renforcer encore notre dépendance aux importations et notre empreinte carbone importée. Il convient de rappeler que 44 % de notre empreinte carbone provient de nos importations.

Face à l’affaiblissement continu de l’agriculture française que traduisent des importations en hausse et des exportations en baisse, nous devons nous interroger sur la concurrence de produits en provenance de pays tiers, qui entrent sur notre territoire alors qu’ils ne respectent pas les normes auxquelles nos propres agriculteurs sont soumis.

Enfin, au-delà des dimensions économiques et diplomatiques, la présente proposition de loi vise à protéger, outre nos agriculteurs, l’ensemble des consommateurs français, qui achètent des produits susceptibles de contenir des substances cancérigènes.

La réponse du législateur est venue en 2018 de l’article 44 de la loi dite « Égalim », qui consacre l’interdiction de vendre des produits destinés à la consommation humaine ou animale, dès lors qu’ils ne respectent pas les exigences sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires qui s’imposent aussi à nos producteurs. S’il était alors bienvenu, cet article s’avère mal appliqué. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une demande de commission d’enquête de la part de notre collègue Julien Dive. En effet, il cible le vendeur et non l’importateur, comme si les enseignes de distribution étaient capables de contrôler les produits sur leurs étals sur le plan sanitaire.

Les auditions ont été très instructives. J’ai ainsi appris que tous les six mois, la Commission européenne met en ligne la liste des produits alimentaires suspectés de contenir des substances phytosanitaires interdites en Europe – en ce moment, le haricot vert du Kenya. Elle demande aux douanes françaises de contrôler 10 % des marchandises, soit une cargaison sur dix. En cas de test positif, les marchandises peuvent être détruites ou renvoyées, mais il n’existe aucune possibilité de mettre des amendes, ce à quoi le texte entend remédier. Il est, en effet, vraisemblable qu’en l’absence de telles sanctions, l’importateur tentera de nouveau d’acheminer les produits prohibés.

Je vous propose une réécriture inspirée de vos amendements afin que puissent être immédiatement prononcées des sanctions administratives et financières dans le respect du cadre européen. Dans le même temps, je souhaite poursuivre le combat de longue haleine pour l’instauration de mesures-miroirs que notre collègue Dominique Potier mène depuis de très nombreuses années.

L’article 1er modifie l’article 44 de la loi Egalim pour que soient ciblés non seulement les vendeurs, mais surtout les importateurs, auxquels incombe la responsabilité sanitaire de nos produits. Afin de limiter les risques de non-conventionnalité, il est proposé d’inscrire cette disposition à l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime. Les amendements de nos collègues Hélène Laporte et Benoît Biteau ont inspiré une nécessaire clarification du partage des rôles entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’autorité administrative.

L’article 2 vise à appliquer des sanctions effectives, dissuasives, immédiates et opérationnelles, en sécurisant le dispositif et en l’adaptant au droit de l’Union européenne. Plusieurs amendements, notamment de notre collègue Mélanie Thomin, ont soulevé le problème de la compétence. Je vous propose donc de suivre la suggestion des services du ministère de l’agriculture et d’abandonner des sanctions pénales peu efficaces au profit de sanctions administratives et financières, admises par le droit européen, qui permettent d’agir rapidement. Selon les services des douanes et le ministère de l’agriculture, la poursuite d’un importateur sur le plan pénal nécessiterait l’ouverture d’un procès, une procédure très longue. Je fais donc le choix de l’efficacité sachant que le montant des sanctions pourrait être très dissuasif – jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’importateur.

Je préconise également d’élargir le champ des infractions susceptibles d’être sanctionnées à la protection de la santé des consommateurs, à l’environnement et au bien-être animal. Sur l’invitation de notre collègue Biteau, nous débattrons du cas des produits horticoles.

En conclusion, la proposition de loi permettra de nourrir le débat politique sur la réciprocité et les mesures-miroirs. Si les articles de presse sur ce sujet étaient à peine une vingtaine avant les années 2015-2020, depuis 2020, on en compte plus de deux mille, ce qui témoigne de son émergence dans le débat public. En attendant que le parcours législatif de la proposition de loi aille à son terme, la manière la plus efficace de se protéger en tant que consommateur est d’acheter français, car nos produits alimentaires sont de bien meilleure qualité que ceux importés.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Hélène Laporte (RN). Lors de leur mobilisation, nos agriculteurs nous ont envoyé le message suivant : « N’importons pas ce que l’on interdit en France ! » Dans quel monde considérerait-on en effet qu’il est juste d’interdire de produire sur notre sol au moyen de techniques et substances que nous estimons néfastes, tout en faisant venir d’ailleurs des produits pour lesquels on les a largement utilisées ? Telle est pourtant la logique suivie par l’Union européenne qui, dans une démarche maximaliste d’accompagnement de notre agriculture vers un modèle considéré comme pleinement écologique, édicte de larges interdictions de produits phytosanitaires, vétérinaires ou d’alimentation animale, tout en poursuivant une politique extérieure de partenariats commerciaux tous azimuts, avec des zones qui ne connaissent aucune de nos exigences.

Le groupe Rassemblement national partage bien évidemment l’objectif de la proposition de loi. Étant donné l’urgence, nous ne pouvons que regretter le caractère bâclé de sa rédaction : deux amendements du rapporteur, déposés il y a tout juste deux heures, viennent enfin y remédier. Je ne m’attarderai pas sur l’exposé des motifs. Je rappellerai simplement que, même s’il est très formateur et enrichissant d’associer nos jeunes stagiaires au travail législatif, l’importance de ce texte suppose un minimum de précision dans les termes employés – le titre s’apparente notamment à une splendide lapalissade.

Le choix de recourir à la répression pénale est plus problématique et risque de priver le texte de toute portée, en raison de la non-conventionnalité du dispositif. Mes collègues du groupe Droite républicaine, fervents défenseurs de la construction européenne, doivent pourtant savoir qu’il est préférable de remplacer ces sanctions par une amende administrative, s’inscrivant dans le cadre des traités, comme nous l’avons proposé et comme le préconise le nouvel amendement du rapporteur réécrivant l’article 2.

De plus, en omettant les interdictions posées par la loi française, le texte passe totalement à côté du sujet des surtranspositions, pourtant plus que jamais d’actualité : le Gouvernement, auquel participe la formation politique à l’initiative du texte, vient d’obtenir au Sénat un vote revenant sur la réautorisation de l’acétamipride, un produit que nous sommes le seul pays au monde à interdire. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a affirmé que l’enjeu majeur en agriculture était l’égalité des armes. Depuis des mois, la ministre Annie Genevard a laissé espérer que les filières demeurant sans solution face aux ravageurs pourront bénéficier cette année d’un accès à ce produit indispensable, à l’instar de leurs concurrents européens.

Or, le Gouvernement enterre désormais cet espoir, en substituant à la réautorisation une possibilité de dérogation réglementaire à l’interdiction – un décret dont la prise reste aléatoire : la filière de la noisette ne peut se permettre cet aléa. Le Gouvernement se réfugie derrière le principe de non-régression, qui n’a qu’une valeur législative (et non constitutionnelle).

L’article 1er, qui reproduit mot pour mot le texte de l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime – nonobstant le mystérieux ajout de l’Anses, qui se voit confier un rôle qui échappe à ses missions –, gagnera à être remanié : nous voterons la nouvelle rédaction proposée.

Pour conclure, mes chers collègues, nous sommes évidemment prêts à voter en faveur de ce texte, qui répond à une injustice criante, subie de plein fouet par nos agriculteurs. Ne pas le faire serait une faute à leur égard.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. D’après les auditions que j’ai menées, la part des produits non conformes aux normes européennes avoisine les 10 %, alors qu’un rapport du Sénat de 2019 l’estimait, s’agissant des normes françaises, entre 15 % et 25 %, ce qui confirme le poids de la surtransposition.

La proposition de loi visait initialement à introduire des sanctions pénales dans un objectif politique, considérant qu’il ne devait pas y avoir de différence entre nos agriculteurs et nos importateurs. En effet, un agriculteur utilisant un pesticide interdit dans l’Union européenne risque 10 % de son chiffre d’affaires, une amende de 150 000 euros et six mois d’emprisonnement. Les auditions ont montré que cette mesure était sans doute peu efficace et difficile à mettre en œuvre.

Mme Françoise Buffet (EPR). Les agriculteurs français protestent régulièrement contre l’importation de produits ne respectant pas les normes qui leur sont imposées. En mars 2024, la Fédération départementale de syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) du Vaucluse a fait analyser par un laboratoire des fruits et légumes étrangers prélevés dans des camions lors de barrages sur l’autoroute A7. Les analyses ont mis en évidence la présence de pesticides interdits en Europe sur le concombre et la tomate.

Pourtant, en théorie, l’importation de produits ne respectant pas nos normes est déjà interdite, d’une part, en vertu de la réglementation européenne, qui fixe une liste stricte et précise des contrôles à réaliser sur les denrées alimentaires entrant sur le territoire européen, d’autre part, en droit français, le code rural précisant les conditions dans lesquelles les douanes françaises et la direction générale de l’alimentation (DGAL) procèdent à ces contrôles et organisent le renvoi ou la destruction des produits alimentaires ne respectant pas les normes européennes. Enfin, l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime introduit par l’article 44 de la loi Egalim interdit la vente de produits ne respectant pas les normes européennes précitées.

L’arsenal législatif nous permet donc déjà d’imposer nos normes aux producteurs étrangers. En dépit de cette réglementation relativement stricte, un rapport du sénateur Laurent Duplomb a mis en évidence les insuffisances des contrôles, qu’ils soient opérés par la France ou par d’autres pays européens. Afin de renforcer le droit existant et l’efficience de ces contrôles, la proposition de loi vise à interdire l’importation – et non plus la seule vente – des produits alimentaires ne respectant pas les normes européennes. Elle a également pour objet de renforcer les sanctions en cas de non-conformité, passant d’une destruction ou d’un renvoi des produits aux pays importateurs à une amende administrative. Bien que l’efficacité de telles mesures reste encore à démontrer – la problématique reste essentiellement européenne – et que les manquements observés reposent plus sur une insuffisance de contrôle que sur une absence de sanctions, le groupe Ensemble pour la République soutient la proposition de loi.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Dans le cadre des auditions, j’ai pris connaissance avec étonnement du règlement d’exécution (UE) 2019/1793 de la Commission européenne, en vertu duquel est publiée, tous les six mois, une liste de produits à contrôler. Je ne suis pas surpris que des substances illicites aient été trouvées dans les concombres et la tomate : ces produits ne sont à ce jour pas contrôlés, puisqu’ils ne figurent pas dans le règlement européen. Pire, il semblerait que des pressions diplomatiques soient exercées pour que certains produits soient retirés de la liste. Pour rendre le dispositif véritablement dissuasif, je propose d’instaurer des amendes.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes à un moment charnière pour notre agriculture. Nous devons choisir entre deux modèles. D’un côté, celui défendu par La France insoumise, un protectionnisme appliqué aux produits agricoles, qui doivent faire l’objet d’un traitement spécifique en ce qu’ils concernent notre souveraineté alimentaire. Celui-ci assure des prix rémunérateurs et des paysans nombreux, en stoppant la concurrence internationale déloyale et en choisissant de mettre l’accent d’abord sur nos normes sociales et environnementales, sur la préservation de nos paysages et du métier d’agriculteur.

Dans l’autre modèle, la compétitivité internationale à outrance et les traités de libre-échange – Nouvelle-Zélande, accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, dit « Ceta », et bientôt le Mercosur –, responsables de l’hémorragie que nous connaissons, mènent un alignement permanent sur le moins-disant social et environnemental, à l’œuvre depuis des dizaines d’années. Quant à la vision du Rassemblement national, qui consiste à protéger et à casser les normes sociales et environnementales, je la qualifierai de « protectionnisme moins-disant ».

La transition est nécessaire. Les défis climatiques et environnementaux auxquels nous faisons face concernent aussi et avant tout le monde agricole. Nous avons mené une mission d’information et reçu des experts, des agriculteurs et l’ensemble des syndicats. Aucun d’entre eux ne s’est dit opposé au fait d’engager une transition agricole en faveur du défi climatique, bien au contraire. Ils souhaitent simplement que le modèle agricole, qui nourrit et préserve nos paysans, soit rémunérateur.

C’est pourquoi il nous faut prendre des mesures politiques fortes. La proposition de loi va en ce sens et nous la soutiendrons. Elle s’inscrit dans le protectionnisme que nous appelons de nos vœux, en s’opposant à l’importation de produits agricoles qui ne respectent pas les normes applicables en France. Nous irons plus loin en proposant que l’article 1er vise à faire respecter le cadre réglementaire, non seulement européen, mais aussi français – la souveraineté alimentaire se joue à ce niveau.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. La souveraineté alimentaire est effectivement un enjeu important. Elle est menacée, comme le montrent les exportations et importations, notamment agricoles. Si nous avons des divergences en matière économique, les enjeux de santé doivent primer : le libre-échange ne peut pas être synonyme de cancer pour nos concitoyens. Il nous faut faire en sorte que les produits qui entrent sur notre territoire respectent nos normes sanitaires.

Quant au débat sur les normes françaises et européennes, je souhaite que nous trouvions un consensus pour rendre ce texte opérationnel, donc conventionnel, même si cela implique de mener par ailleurs un combat au niveau européen.

Mme Mélanie Thomin (SOC). La proposition de loi traite de l’épineux sujet de la concurrence déloyale et vise à interdire d’importer, en vue de la consommation humaine ou animale, des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne. Le groupe socialiste partage votre volonté de combattre l’accord avec le Mercosur et de lutter contre les distorsions de concurrence.

L’article 1er vise à interdire d’importer en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles ne respectant pas la réglementation européenne. Vous espérez ainsi que le contrôle des importateurs, en théorie moins concentrés et moins nombreux que les vendeurs, résoudra le problème de la concurrence déloyale. La difficulté majeure réside dans l’effectivité des contrôles. Ils supposent la mobilisation d’effectifs importants de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En outre, ils se heurteront à la libre circulation des biens et des marchandises au sein de l’Union européenne, rendant difficile la traçabilité des flux.

Le troisième alinéa de l’article 1er précise que « l’autorité administrative et l’Anses prennent toutes mesures de nature à faire respecter l’interdiction prévue au premier alinéa ». Il est superfétatoire, dans la mesure où, quels que soient les contrôles que nous mettrons en place sur le sol national, les produits continueront à arriver sur le sol européen et à être échangés. Si nous voulons protéger réellement notre agriculture et nos agriculteurs et ne pas contrôler un seau percé, nous devons promouvoir une nouvelle méthode au niveau européen : les produits importés doivent être contrôlés depuis les pays exportateurs, afin d’éviter des contrôles a posteriori, inefficaces et coûteux pour la société.

L’article 2 prévoit des sanctions pénales fortes en cas de manquement à l’interdiction prévue à l’article 1er, pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Si l’intention est louable, une telle interdiction ne sera effective qu’avec un contrôle exigeant des produits importés sur notre sol, la politique commerciale relevant en grande partie d’une compétence partagée.

Enfin, notre groupe a travaillé sur les conditions d’un juste échange dans le cadre de sa proposition de résolution européenne (PPRE) contre la ratification de l’accord commercial avec le Mercosur, qui sera examinée ce mercredi en séance publique. Nous proposons une nouvelle méthode – saluée par les filières – pour contrôler directement depuis les pays exportateurs les biens importés sur le Vieux Continent.

En conclusion, ce texte est avant tout une mesure d’affichage à quelques semaines du salon de l’agriculture. Si son intention est louable, les mesures proposées existent déjà depuis la loi Egalim. L’avis de notre groupe sera favorable, sous réserve de disposer de votre point de vue sur notre PPRE.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je vous rejoins sur la nécessité de moyens humains dédiés aux contrôles. En 2018, notre collègue André Chassaigne avait déposé des amendements visant à les augmenter lors de l’examen de la loi Egalim.

Loin d’être de l’affichage, la principale disposition du texte vise à permettre à l’autorité administrative de sanctionner financièrement l’importation de produits non conformes, comme cela existe dans d’autres pays européens.

Enfin, le fait qu’il s’agisse de produits périssables amoindrit le risque de concurrence internationale, le marché français étant difficile à contourner.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Notre groupe soutient avec ferveur la proposition de loi. Elle est cruciale pour protéger nos agriculteurs, qui souffrent depuis trop longtemps d’une concurrence déloyale inacceptable. La situation est alarmante. Selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), jusqu’à 25 % des produits que nous consommons ne sont pas conformes aux normes européennes.

Nos producteurs de tomates du sud de la France voient leurs marchés inondés de tomates traitées avec un insecticide interdit dans l’Union européenne depuis 2020. Nos riziculteurs de Camargue doivent faire face à l’importation de riz asiatique contenant des traces d’un fongicide banni en Europe depuis 2016. Les éleveurs de la Haute-Loire respectent quant à eux un cahier des charges strict pour nous offrir de la viande d’une qualité exceptionnelle. Comme beaucoup d’autres, ils sont sous la menace de la possible entrée sur notre sol de viande bovine en provenance du Mercosur, produite grâce à des hormones de croissance et d’autres produits permettant d’accélérer la prise de poids des animaux. Or nous avons interdit de telles pratiques en France depuis plus de quarante ans.

Notre souveraineté alimentaire et la santé de nos concitoyens sont en danger. Comment pouvons-nous demander à nos agriculteurs de produire de manière plus durable si nous les exposons à une concurrence qui ne respecte pas les mêmes règles ? Nous devons collectivement faire preuve de bon sens.

La proposition de loi apporte des solutions concrètes à ces problèmes. Elle interdit explicitement l’importation des produits non conformes à nos normes, prévoit des sanctions pénales pour les contrevenants et envoie un message fort à nos partenaires commerciaux.

Par le vote ce texte, nous ne nous contentons pas de protéger notre agriculture, nous défendons aussi un modèle de production durable, respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Nous affirmons que la qualité de notre alimentation n’est pas négociable. Je vous appelle donc à voter avec ferveur en faveur de ce texte. Nos agriculteurs comptent sur nous.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Les tomates du Maghreb, cultivées avec un pesticide interdit depuis plus de quinze ans en Europe, le dichloropropène, sont effectivement importées en France sans aucun contrôle.

S’agissant du Mercosur, comment peut-on comparer la viande produite en Amérique du Sud avec le Fin Gras du Mézenc de Haute-Loire ? Comment accepter que des bêtes élevées dans des prés issus de la déforestation, dans des fermes de plus de dix mille têtes, sans aucune traçabilité individuelle, abattues dans des pays d’Amérique du Sud sans aucune condition d’hygiène, soient ensuite exportées, soit par avion réfrigéré, soit par cargo congelé, sur le marché français ? Le texte vise à protéger nos agriculteurs, notamment nos éleveurs de Haute-Loire, auxquels, comme vous, je suis profondément attaché.

M. Benoît Biteau (EcoS). Bien entendu, je ne m’opposerai pas à cette proposition de loi. Je préfère mille fois cette tentative d’interdire l’importation de produits ou denrées ne répondant pas aux normes auxquelles doivent se conformer les agriculteurs européens aux solutions tirant vers le bas nos réglementations et standards de production, telles celles contenues dans la proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb, qui vise notamment à réautoriser les néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles. J’espère d’ailleurs avoir un jour l’occasion d’expliquer à notre collègue Hélène Laporte qu’une solution de ce type est bien pire que le problème qu’elle veut régler.

Il me semble important de chercher les causes. Elles résident dans une mauvaise conception de la souveraineté alimentaire : à vouloir exporter des productions issues du territoire national ou du territoire européen, on s’oblige à importer massivement des denrées qu’on n’a pu produire soi-même et on s’expose au risque qu’elles ne respectent pas nos normes. C’est le principe des vases communicants : les surfaces ne peuvent être dédiées à la fois à l’importation et à l’exportation.

Vous avez cité le cas des haricots verts du Kenya. Dans une autre vie, alors député européen, j’ai assisté au vote d’un accord de libre-échange avec ce pays. Je peux vous dire que si nous avions gravé dans le granit des mesures-miroirs dans la politique agricole commune (PAC) et dans le règlement portant organisation commune des marchés agricoles, nous ne serions en train de poser des pansements sur une jambe de bois. Il aurait été possible d’exiger que les haricots verts ne soient pas issus de cultures utilisant des pesticides interdits en Europe. J’ajoute que le Kenya, pour produire des fleurs en masse, utilise des pesticides sur des surfaces prises sur les cultures vivrières de ses paysans.

Insistons pour finir sur la nécessité de mettre fin à l’hypocrisie qui consiste à poursuivre la fabrication au sein de l’Union européenne de pesticides dont l’usage est interdit depuis longtemps dans les pays membres et à autoriser leur exportation vers des pays qui vendent ensuite en Europe des produits et denrées en contenant.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Vous nous permettez, monsieur Biteau, d’ouvrir un débat de fond, notamment sur les pesticides contenus dans les fleurs à l’origine de la leucémie qui a provoqué la mort à 11 ans d’Emmy, fille de Laure Marivain exposée à ces produits dans l’exercice de sa profession de fleuriste. Rappelons que 85 % des fleurs vendues en France proviennent de pays étrangers. Nous voyons d’ailleurs bien quelles sont les implications du commerce international : il est difficile de trouver chez nos fleuristes des fleurs françaises en cette saison, exception faite du mimosa.

Votre expérience de député européen sera précieuse dans notre débat. Lorsque nous contrôlons les produits à nos frontières, nous agissons comme le bras armé de la Commission européenne. C’est donc bien au niveau de l’Union européenne que doit être porté l’enjeu du renforcement de ces contrôles, et j’espère qu’il sera largement pris en compte par le Parlement européen au cours de la législature 2024-2029.

M. Pascal Lecamp (Dem). Le groupe Les Démocrates tient à exprimer son profond attachement à l’agriculture française ainsi qu’au respect des normes qui garantissent la sécurité alimentaire, l’équité commerciale et la souveraineté de nos agricultures.

La proposition de loi vise à intégrer la notion d’importation dans l’article 44 de la loi Egalim. Rappelons que l’interdiction de la vente de produits ne respectant pas nos normes, que ce dernier a introduite, est difficile à faire respecter du fait de la grande complexité générée par le nécessaire enchevêtrement des contrôles effectués dans les pays d’origine et de ceux opérés à l’entrée dans l’Union européenne. Le nerf de la guerre se situe là. Il s’agit non seulement de procéder à des contrôles dans les fermes à l’étranger, bien plus efficaces que ceux effectués par les services douaniers aux frontières, mais aussi de s’assurer que nos voisins européens font preuve de la même diligence que nous dans les contrôles auxquels ils procèdent aux points d’entrée dans l’Union.

Il faut réfléchir à l’arsenal juridique dont nous disposons face aux blocages auxquels nous nous heurtons dans notre volonté de protéger nos agriculteurs qui, chaque jour, font l’effort de respecter des normes toujours plus contraignantes pour la santé de nos concitoyens. J’en profite pour souligner qu’il est impensable de signer de nouveaux accords commerciaux sans les assortir de clauses-miroirs, essentielles pour garantir notre capacité de contrôle.

Nous partageons, monsieur le rapporteur, les objectifs de votre proposition de loi, qui repose sur une intention louable. Toutefois, sa rédaction actuelle risque de rendre son adoption inopérante.

Rappelons que le commerce extérieur et les règles encadrant les importations relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne. En instaurant un dispositif unilatéral de contrôle et d’interdiction, votre texte s’expose à une irrecevabilité juridique. De plus, ce dispositif irait à l’encontre du principe fondamental de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, indispensable au bon fonctionnement du marché unique.

En outre, loin de renforcer la compétitivité de nos agriculteurs, cette proposition de loi risque de les mettre en difficulté. En se focalisant sur les importations, elle néglige les véritables enjeux liés à la compétitivité et à la viabilité économique de nos exploitations agricoles. Nos agriculteurs subissent une pression croissante liée aux coûts de production, aux normes environnementales et à la volatilité des marchés. Ce texte pourrait créer une distorsion dans les relations commerciales avec nos partenaires européens, susceptible de nuire à nos exportations agricoles, qui sont essentielles pour notre balance commerciale.

Si nous adhérons à votre objectif de lutter contre la concurrence déloyale, nous considérons que la réponse à ces défis doit être européenne. Elle passe par des avancées dans chacune de nos négociations commerciales et par le renforcement de nos systèmes de contrôle à l’échelon européen. Sans modifications de fond, votre proposition de loi ne saurait apporter une solution pertinente aux problèmes bien réels auxquels est confrontée l’agriculture française et européenne. Ajoutons que ce texte est juridiquement incompatible avec nos engagements européens. Il ne parviendrait donc pas à combler les besoins de ceux qu’il prétend défendre.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Vous appelez mon attention sur la conventionnalité des dispositions de la proposition de loi. L’article 2 est pleinement opérationnel puisque le règlement européen donne la compétence aux États membres pour appliquer la réglementation européenne : il revient aux services des douanes françaises d’exercer les contrôles dans ce cadre. Trois possibilités leur sont ouvertes : détruire la marchandise, la renvoyer ou bien décider de sanctions administratives et financières. Cette troisième option ne figure pas dans le droit positif français, d’où l’intérêt de l’article 2 qui prévoit des amendes supplémentaires. Certes, cela pourrait créer des distorsions de concurrence, mais je doute qu’un importateur de denrées périssables décide de les acheminer vers un autre pays pour les commercialiser ensuite dans une autre portion du territoire français, car leur bonne conservation serait menacée.

M. Henri Alfandari (HOR). Nous comprenons parfaitement votre objectif de protéger notre agriculture de la concurrence déloyale exercée par des pays qui exportent sur notre territoire des produits ne répondant pas aux contraintes qui s’imposent à nos producteurs. Nous saluons également votre volonté de pérenniser la sécurité sanitaire et de préserver un modèle agricole français de qualité tout en assurant à nos agriculteurs des revenus.

Toutefois, la rédaction actuelle de votre proposition de loi n’est pas opérante. Plusieurs de mes collègues ont rappelé l’existence d’accords internationaux. Il ne suffit pas de dire pour pouvoir faire. Si vous vous mettez en travers de ces accords, notre pays sera sanctionné et nous n’obtiendrons pas ce que nous souhaitons. Par ailleurs, vous semblez oublier que chaque pays considère que les normes qu’il a retenues sont les bonnes : on ne pourra imposer les nôtres aux autres. Enfin, pour être efficaces, il faut se fonder sur ce que l’Union européenne est capable de contrôler. En l’occurrence, les règlements européens s’attachent principalement aux limites maximales de résidus (LMR).

Vous avez proposé deux amendements visant à réécrire les deux articles de votre proposition de loi. Celui portant sur l’article 1er nous semble superfétatoire. En revanche, celui que vous avez déposé à l’article 2 pourrait nous servir de base, tant en commission qu’en séance, pour élaborer un article unique répondant à vos objectifs. Le groupe Horizons se montrera attentif et bienveillant afin de contribuer à faire émerger une telle solution au cours de nos débats.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je connais l’attachement du groupe Horizons à la défense de notre souveraineté alimentaire dans le cadre européen. En prenant en considération la réglementation européenne, la rédaction nouvelle de l’article 2 devrait rendre plus opérationnelle notre lutte contre l’importation de produits qui ne respectent pas nos normes sanitaires.

Le tableau que publie tous les six mois la Commission européenne impose pour les contrôles un plancher, mais ne contient aucun plafond. Il est ainsi prévu, pour reprendre l’exemple des haricots verts en provenance du Kenya, des contrôles sur 10 % des livraisons. Rien n’empêche toutefois les douanes françaises de contrôler davantage, à raison de 20 %, 30 % voire 40 % des livraisons, si elles le souhaitent et si elles en ont les moyens.

Quant à l’article 44 de la loi Egalim, sa conventionnalité peut certes être mise en doute mais il figure bel et bien dans le droit positif français et à ce jour, il n’a pas fait l’objet de contestations devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Nous pouvons donc toujours jouir du bénéfice du doute s’agissant de sa conformité au droit européen.

M. Christophe Naegelen (LIOT). La situation de notre agriculture ne cesse de se dégrader et nos agriculteurs font face à de lourdes charges qui pèsent sur leur compétitivité. Ils sont aussi et surtout confrontés à une forte concurrence déloyale. Or, celle-ci est notamment le fait de pays avec lesquels nous avons signé des accords de libre-échange. Alors que nos producteurs doivent se conformer à un cadre normatif très exigeant en matière sanitaire et environnementale, nous laissons entrer des produits issus d’une agriculture dépendante ne respectant pas nos standards de production.

De rares clauses miroirs ont été insérées dans les accords de libre-échange signés par l’Union européenne. Outre le fait qu’elles sont en nombre restreint et se limitent à certains secteurs, elles souffrent d’une mise en œuvre lacunaire dans les pays tiers. À cela s’ajoutent les difficultés rencontrées par l’Union européenne dans le contrôle des conditions de production dans ces pays. Comme le révèle le rapport d’information du Sénat sur la compétitivité de la « ferme  »rance", les contrôles aléatoires officiels, modalité la plus efficace, sont insuffisants et certaines substances interdites ne sont plus contrôlées en pratique.

Il est temps de mettre fin à ces injustices. Votre proposition de loi entend, à cette fin, renforcer l’arsenal législatif. Elle complète les dispositifs actuels par une interdiction explicite de l’importation des produits et denrées alimentaires qui ne sont pas autorisés à la production ou à la vente, ici en France, et son article 2 ajoute aux sanctions administratives des sanctions pénales. Nous sommes favorables à votre réécriture, monsieur le rapporteur, qui vise à assurer la conformité du dispositif avec le cadre européen en prévoyant d’autres types de sanctions. Seront ainsi découragées les importations de produits ne respectant pas les normes européennes.

Au-delà de ces dispositions auxquelles nous adhérons, nous appelons à renforcer les contrôles pour que cesse le sentiment d’impunité de ceux qui ne respectent pas notre cadre législatif et, ce faisant, ne respectent pas nos agriculteurs.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Ils ne respectent pas non plus les consommateurs, car ils mettent en danger nos parents et nos enfants, souvent délibérément. Quand un importateur, après un contrôle positif, décide de renvoyer sa marchandise en Europe pour tenter de la faire passer de nouveau, c’est sur le dos de la santé de nos concitoyens.

Les contrôles constituent donc un autre enjeu majeur, car ils ne suffisent pas à garantir la conformité des produits vendus sur notre territoire aux normes sanitaires. Rien n’interdit aux douanes françaises d’élargir leurs opérations à des produits ne figurant pas dans la liste de la Commission européenne que j’évoquais ; or elles ne profitent pas de cette possibilité.

N’oublions pas que la Commission européenne elle-même défend la réciprocité en matière de sécurité alimentaire, puisqu’elle affirme publiquement faire en sorte que l’approvisionnement alimentaire dans l’Union soit le plus sûr au monde et que les mêmes normes de sécurité alimentaires s’appliquent à tous les produits, quelle que soit leur origine. C’est la demande qu’elle adresse aux États membres qui sont son bras armé, par l’intermédiaire de leurs services douaniers. C’est tout l’intérêt de la réécriture de l’article 2 que je vous propose.

M. André Chassaigne (GDR). Pour être franc, quand j’ai lu la proposition de loi, je me suis dit, monsieur le rapporteur, que vous nous preniez un peu pour des « perdreaux de l’année ». Ma première impression a été qu’elle n’apportait pas grand-chose et, bien honnêtement, cette impression perdure. Certes, ce texte « ne mange pas de pain », comme on dit chez moi, et peut-être aura-t-il un effet d’affichage ; mais il n’aura pas vraiment d’impact.

Vous me direz qu’il introduit des sanctions pénales, mais je ne suis pas sûr que celles-ci soient plus efficaces que des sanctions administratives. Je dirai même qu’elles peuvent avoir un effet contraire, d’autant que les juges sont libres de leur interprétation du code pénal. Passons là-dessus.

Je ne suis pas convaincu non plus par votre postulat selon lequel les contrôles effectués aux frontières seraient plus efficaces que ceux opérés au moment de la vente. Un produit, s’il n’est pas débarqué au Havre ou à Marseille, pourra toujours passer à Amsterdam ou je ne sais où. Les contrôles auxquels procèdent les agents des douanes, de la DGCCRF et de la DGAL sur l’ensemble de notre territoire sont suivis de bien plus de résultats.

Pour faire simple, je ne vois pas ce que cette proposition de loi peut apporter de bien nouveau. Toutefois, même si elle m’apparaît comme une coquille vide, je voterai en sa faveur. N’oublions pas que les véritables causes du phénomène contre lequel elle entend lutter résident d’abord dans l’absence de clauses miroirs contraignantes dans les accords commerciaux. Si nous nous livrions à une petite recherche pour savoir qui a signé (ou pas) tel ou tel accord commercial lorsqu’il était au gouvernement, on aurait sans doute quelques surprises. On peut se rendre blanc à peu de frais.

L’autre grand enjeu est l’harmonisation européenne, comme l’a souligné notre collègue Dominique Potier dans son rapport au nom de la commission d’enquête sur les produits phytosanitaires.

Enfin, ceux qui veulent s’attaquer aux dépenses publiques doivent s’interroger sur les conséquences des suppressions de postes à tire-larigot. Comment les services des douanes auraient-ils les moyens de réussir leurs opérations si leurs personnels ne sont pas en nombre suffisant ? On peut toujours voter cette proposition de loi ; mais si les fonctionnaires ne peuvent pas faire respecter la loi, elle n’aura aucun résultat.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suis très étonné que vous déclariez que ces mesures ne servent à rien, car je me suis inspiré d’un amendement déposé par le groupe GDR sur ce qui est devenu l’article 44 de la loi Egalim en 2018. Certains membres de votre groupe affirmaient que si l’on ne ciblait que les ventes sans prendre en compte les importations, l’interdiction serait inefficace. Voici que cinq ans plus tard nous allons dans leur sens et ce, pour une raison simple : avez-vous déjà vu la DGCCRF contrôler une tomate du Maghreb à Thiers ? Une fois les produits importés présentés dans les étals des marchés ou des magasins, les contrôles ne sont pas effectués, alors même que des opérations inopinées pourraient être lancées. Il faut attendre que des syndicats agricoles descendent dans nos supérettes, prélèvent des produits et les soumettent à des tests en laboratoire pour prouver que l’autorité administrative n’a pas été en mesure de faire son travail.

Cette proposition de loi cible, en plus des vendeurs, les importateurs, mais prévoit aussi d’appliquer des sanctions administratives et financières à ceux qui, parmi eux, commercialisent sur notre territoire des produits ne respectant pas nos normes sanitaires.

 

 

Article 1er (art. L. 236-1 B du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction d’importer des produits alimentaires ou agricoles ne respectant pas les normes sanitaires de l’Union européenne ou ses exigences d’identification et de traçabilité

 

Amendement CE31 de M. Antoine Vermorel-Marques et sous-amendements CE36 de M. Benoît Biteau, CE32 de Mme Mathilde Hignet, CE33 de Mme Manon Meunier, CE35 et CE34 de M. Benoît Biteau, CE37 de M. Patrice Martin, CE38 de Mme Hélène Laporte ainsi que les sous-amendements CE41, CE42 et CE43 de Mme Mélanie Thomin

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. L’amendement CE31, en réécrivant l’article 1er, vise à clarifier l’insertion de dispositions nouvelles dans l’article L. 236‑1 A du code rural et de la pêche maritime, introduit lors des débats sur la loi Egalim par nos collègues sénateurs auxquels je veux rendre hommage.

Il s’agit également dissiper tout doute sur l’autorité administrative compétente pour faire respecter l’interdiction et éviter tout doublon.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le sous-amendement CE36, en substituant aux mots « en vue » le mot « ou », vise à éviter toute restriction du champ couvert par l’article.

Le sous-amendement CE35 tend à ajouter les produits horticoles. Lorsqu’il est question de pesticides, chacun a le réflexe bien naturel de penser aux produits qu’il consomme, oubliant ceux que l’on n’ingère pas mais qui sont manipulés. Je pense, bien sûr, aux fleurs. Nous avons tous été émus par le décès de la jeune Emmy Marivain, exposée in utero aux pesticides contenus dans les fleurs avec lesquelles sa mère fleuriste était en contact quotidiennement.

Le sous-amendement CE34 entend encadrer les contrôles en précisant que la direction générale des douanes et des droits indirects prendra les mesures de nature à faire respecter la nouvelle interdiction, en lien avec l’Anses qui a vocation à proposer aux autorités compétentes les mesures susceptibles de préserver la santé publique et à leur recommander les mesures de police sanitaire nécessaires.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le sous-amendement CE32 de Mathilde Hignet harmonise les articles 1er et 2 en mettant l’accent sur la non-conformité à la réglementation française et non pas seulement européenne. La concurrence déloyale s’exerce au niveau non seulement international, mais aussi communautaire. La France importe ainsi des fruits produits en Espagne ne respectant pas les normes qui s’appliquent à nos agriculteurs. L’échelle de souveraineté pertinente doit être celle de l’État français.

Quant à mon sous-amendement CE33, il propose d’ajouter aux « exigences d’identification et de traçabilité » des « exigences sociales fixées par décret en Conseil d’État ». Les normes sociales jouent dans la concurrence et il faut les intégrer, surtout si nous voulons une agriculture riche en emplois. Nous ne pouvons pas mettre en concurrence les exploitations françaises avec des fermes qui ont recours, à prix cassés, à des salariés agricoles à l’autre bout de la planète ou au sein de l’Europe. Il me semble que nous voulons toutes et tous préserver des normes sociales qui permettent à chacune et chacun de vivre de son travail, même s’il reste des progrès à faire.

M. Patrice Martin (RN). Notre sous-amendement CE37 a pour objet de mobiliser les ressources de l’autorité administrative pour procéder, aux points d’entrée du territoire national, à des contrôles systématiques sur les produits visés par l’interdiction. Le renforcement des contrôles contribuerait à mieux protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale qu’ils subissent et à mieux préserver le fruit de leur travail.

Il est proposé, en outre, d’organiser les contrôles dans le cadre d’une programmation pluriannuelle afin d’assurer la pérennité du dispositif et d’offrir une vision claire de l’optimisation des moyens.

Mme Hélène Laporte (RN). Le sous-amendement CE38 a un double objectif : d’une part, corriger un défaut de rédaction de l’amendement du rapporteur qui aurait pour effet de mettre fin à l’interdiction de vendre des produits agricoles dont la production a nécessité le recours à des substances interdites ; d’autre part, ajouter une mention des produits interdits par « la législation et la réglementation françaises », mention rendue nécessaire par les nombreuses surtranspositions inscrites dans notre droit national.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nos sous-amendements CE41, CE42 et CE43 complètent la réflexion globale menée sur les produits importés sur le sol européen.

Il me semble essentiel de renforcer les obligations en matière de respect de nos normes environnementales.

Par ailleurs, nous devons nous assurer de l’effectivité des contrôles menés, en inscrivant le principe selon lequel ils doivent être effectués par des organismes agréés dans les pays exportateurs, conformément aux mesures-miroirs mises en avant dans la proposition de résolution européenne contre l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, défendue par le groupe Socialistes et apparentés.

Enfin, il faut réaffirmer la nécessité pour l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et l’Anses de travailler de concert pour interdire ces importations.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Monsieur Biteau, sur votre sous-amendement CE34, j’émettrai un avis défavorable, car il me semble nécessaire de bien distinguer les mesures de police des missions de l’Anses.

Certes, madame Meunier, le respect de la réglementation française est un enjeu majeur dans notre débat, mais si nous voulons assurer la conventionnalité du dispositif que nous proposons, il me paraît compliqué d’intégrer une telle modification dans notre droit positif. C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur le sous-amendement CE32.

Notre proposition de loi se concentre sur les exigences sanitaires, d’autres textes ayant intégré l’empreinte carbone. Le respect des normes sociales n’a pas encore été abordé. L’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt) pourrait permettre d’établir une réciprocité de certaines normes sociales internationales, dans le cadre du référentiel de l’Organisation internationale du travail (OIT). Toutefois, il me paraît difficile de passer par un simple décret en Conseil d’État. Cela appelle une réflexion plus large. Pour toutes ces raisons, mon avis sur le sous-amendement CE33 sera défavorable.

Je donne ensuite un avis favorable au sous-amendement CE35. S’agissant de la question horticole, nous avons à mener un combat de société pour obtenir la relocalisation de l’activité et la protection des fleuristes. Il est donc utile d’inclure ces produits dans le champ d’application de la proposition de loi.

Je suis également favorable au CE36. Pour lever le doute que soulève la rédaction, il convient d’insister sur le fait que nous interdisons non seulement l’importation, mais aussi la vente des produits qui ne respecteraient pas nos normes sanitaires.

Avis défavorable, en revanche, au CE37. La systématisation des contrôles sur l’ensemble des importations est un objectif louable, mais il me semble irréalisable.

Même avis défavorable sur le CE38. Je suis favorable à l’interdiction de l’importation et de la vente des produits alimentaires qui ne respectent pas nos normes. Cependant, j’estime que notre action doit avoir lieu au niveau européen, étant rappelé que nous ne pouvons porter atteinte à la libre circulation des produits sur le fondement de normes nationales. La proposition de loi doit être opérationnelle, applicable et effective.

Avis favorable au CE41, qui a le même objet que le CE36.

S’agissant du CE42, si je soutiens à titre personnel votre proposition de résolution européenne, madame Thomin, ce sous-amendement d’appel n’a pas de portée normative. Je lui donne donc un avis défavorable.

Même avis, enfin, sur le CE43. Il ne me paraît pas opportun de citer nommément une autorité nationale ou européenne ; toutes les autorités administratives doivent pouvoir agir dans ce domaine.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que si les sous-amendements CE36 et CE41 sont presque similaires, ils sont tout de même incompatibles entre eux. L’adoption du premier ferait donc tomber le second.

M. Henri Alfandari (HOR). Le champ de l’article L. 236-1 A inclut déjà les importations. De plus, j’ai peur que l’ajout des mots « d’importer en vue » ne nous fasse perdre de vue ce qui se passe sur le territoire national, ce qui serait tout à fait contraire à nos objectifs en matière de sécurité sanitaire.

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’entends votre avis défavorable au sous-amendement CE43, mais quel est votre avis personnel concernant l’autorité compétente pour le contrôle des importations en provenance des pays tiers ? L’Anses et l’AESA vous semblent-elles des organismes compétents pour attester de la bonne qualité des importations et du respect des normes ?

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Monsieur Alfandari, l’article 1er vise simplement à préciser le droit, tel que l’article 44 de la loi Egalim l’a modifié – loi votée par votre groupe et sur laquelle, je le reconnais avec humilité, le mien s’était abstenu. Cette précision permettrait d’afficher un objectif clair : il n’est possible ni de vendre, ni d’importer des produits qui ne respecteraient pas nos normes sanitaires.

Quant à la répartition des contrôles, madame Thomin, celle actuellement en vigueur est jugée opportune tant par le ministère de l’agriculture, qui s’occupe de la partie animale, que par les douanes, qui s’occupent de la partie végétale. Lors des auditions, je n’ai pas entendu de volonté de fusion. C’est pour préserver cet équilibre que je préfère ne pas citer d’autorité administrative en particulier.

La commission adopte le sous-amendement CE36.

En conséquence, le sous-amendement CE41 tombe.

La commission adopte successivement les sous-amendements CE32, CE33 et CE35.

Elle rejette successivement les sous-amendements CE34, CE37, CE38, CE42 et CE43.

Elle adopte l’amendement CE31 sous-amendé et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE10 de Mme Hélène Laporte

Mme Hélène Laporte (RN). Nous savons tous que le texte, aussi nécessaire soit-il, va se heurter à de nombreuses difficultés d’application, dans la mesure où son objet relève en grande partie, si ce n’est en totalité, du droit de l’Union européenne. Soyons lucides, il faudrait un revirement dans la politique européenne de libre-échange pour régler la question de la concurrence déloyale, qui dévaste nos exploitations. C’est sur ce sujet d’importance cruciale que porte le rapport demandé dans cet amendement d’appel. Obtenir un tel revirement doit être un objectif prioritaire du Gouvernement français. Cependant, nous assistons à un perpétuel spectacle d’impuissance, particulièrement manifeste dans le cadre de la négociation d’un accord avec le Mercosur.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. En tant que parlementaire, je suis le premier à demander des rapports. De plus, je vous rejoins sur la nécessité d’inciter le Gouvernement à être transparent avec nous sur ce sujet. Toutefois, en tant que rapporteur, je crains que ce type d’amendement ne rende mon texte bavard, ce qui ne favoriserait pas son adoption lors de son examen en séance le 6 février, à l’occasion de la niche de mon groupe DR.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 (art. L. 253-17 du code rural et de la pêche maritime) : Application de sanctions pénales en cas de non-respect de la réciprocité des normes de production lors de l’importation des produits alimentaires et agricoles sur le sol français

 

Amendement CE30 de M. Antoine Vermorel-Marques et sous-amendements CE39 et CE40 de M. Jérôme Nury

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. La réécriture de l’article 2 que je propose vise à renforcer l’effectivité du droit de l’Union européenne et l’application de l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime.

Comme je le disais, la Commission européenne publie tous les six mois un document recensant tous les produits susceptibles de ne pas respecter nos normes sanitaires et qui nécessitent des contrôles. Ceux-ci sont effectués par les douanes qui, le cas échéant, peuvent détruire ou renvoyer la marchandise. En revanche, elles n’ont pas la possibilité d’émettre une amende administrative pécuniaire. Je propose donc de remplacer les sanctions pénales, que je prévoyais initialement, par une telle amende, afin de rendre le dispositif plus opérationnel, d’éviter la tenue de procès et de nous conformer au principe de proportionnalité.

M. Jérôme Nury (DR). Le sous-amendement CE39 vise à ne pas systématiser les sanctions, en laissant à l’administration le soin d’apprécier leur opportunité.

Quant au CE40, il tend à faire référence aux nouvelles mesures-miroirs établies par l’Union européenne afin de lutter contre l’antibiorésistance, et plus particulièrement au règlement relatif aux médicaments vétérinaires.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Avis favorable aux deux sous-amendements. En effet, eu égard au principe de proportionnalité, les sanctions administratives ne doivent pas être systématiques. Par ailleurs, l’ajout du règlement européen relatif aux médicaments vétérinaires élargirait le spectre des sanctions.

La commission rejette le sous-amendement CE39.

Elle adopte le sous-amendement CE40.

Elle adopte l’amendement CE30 sous-amendé et l’article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CE11 de Mme Hélène Laporte et CE25 de Mme Mélanie Thomin tombent.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CE18 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). La LMR analyse la quantité de résidus de pesticides présente dans les produits, mais ne garantit en rien qu’ils ne sont pas utilisés, avec les risques que cela comporte pour la biodiversité et les utilisateurs. L’amendement vise donc à exiger que les entreprises et les acteurs économiques s’assurent de l’application des mesures d’identification, de prévention et d’atténuation des risques, afin que les fournisseurs des pays tiers ne recourent pas à des pratiques interdites en Europe. Je plaide donc pour aller au-delà de la LMR, de sorte de contrôler l’élaboration et l’itinéraire technique des produits que nous importons au sein de l’Union européenne. Je précise que de tels contrôles se fonderaient sur une réglementation européenne existante.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Le devoir de diligence des entreprises est effectivement important. Les importateurs ne peuvent plus dire qu’ils ne savaient pas. De plus, comme je l’ai indiqué, les contrôles exercés au niveau européen sur les produits phytosanitaires présentent des lacunes indéniables.

Cela étant, votre amendement n’imposerait de nouvelles obligations qu’aux seuls importateurs actifs sur des points d’entrée français. Si la remise en cause des pratiques de la Commission européenne concernant les LMR, ainsi que l’inversion de la charge de la preuve, constituent un objectif à moyen ou long terme, la proposition de loi s’inscrit donc dans le cadre des interdictions et des sanctions permises aujourd’hui par le droit européen. Je comprends que vous cherchiez à combattre des pratiques illégales, mais, pour y parvenir efficacement, c’est bien le règlement européen relatif aux LMR qu’il convient de modifier. Afin de rendre le texte le plus opérationnel possible, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement est guidé par de bonnes intentions, mais outre le fait qu’il imposerait des contraintes supplémentaires aux seules entreprises françaises, il serait impossible à appliquer. En l’absence de contrôles, cela ne coûterait rien aux entreprises de répondre favorablement aux questions qu’on leur poserait.

En ce qui concerne les végétaux, l’Union européenne recense 1 498 substances actives, en interdit 907 et ne prévoit l’analyse, par les États membres, que de 176 d’entre elles. Cela signifie qu’un très grand nombre de substances actives ne sont jamais contrôlées. Comme l’a dit le rapporteur, c’est à l’échelon européen qu’il faut agir.

M. Benoît Biteau (EcoS). Il est vrai que je propose d’agir au niveau national, mais cela ne m’empêche pas de plaider pour le faire à l’échelon européen. À cet égard, chaque fois que des accords de libre-échange sont signés, nous défendons l’inclusion de clauses-miroirs. En l’occurrence, ce sont même des mesures-miroirs que j’appelle de mes vœux. Ces dernières sont réfléchies dans le cadre du règlement européen portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, mais nous ne sommes pas parvenus à obtenir gain de cause lors de la négociation de la dernière PAC. Il serait d’ailleurs intéressant de voir quelles voix nous ont manqué. Quoi qu’il en soit, j’espère pouvoir compter sur vous pour définitivement graver dans le granit ces mesures-miroirs dans le cadre de la prochaine PAC. Rendez-vous très bientôt avec nos collègues eurodéputés !

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Rendez-vous à l’Assemblée si la prochaine PAC fait l’objet d’un débat dans ces murs – sait-on jamais ! (Sourires.)

Mme Mélanie Thomin (SOC). La question de l’échelon est effectivement très importante. Plus globalement, dans le contexte de la réélection de Donald Trump, l’enjeu est de savoir de quelle manière l’Europe compte s’affirmer et se positionner. Ferons-nous le choix d’un protectionnisme à outrance ou de règles universelles pour encadrer notre commerce extérieur, ce qui inclurait le principe de réciprocité et les mesures-miroirs fortes dont Benoît Biteau vient de parler ?

Votre rapport évoque les contrôles dans les ports français, notamment au Havre et à Marseille, mais toutes les filières agricoles indiquent que la plupart des grandes importations passent par les infrastructures des Pays-Bas ou encore de la Belgique. C’est donc là que les contrôles devraient se concentrer. J’y insiste : l’échelon est certainement la question la plus centrale et la plus sensible de notre réflexion.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Nos débats montrent les liens entre l’action européenne et l’action nationale, ainsi que la difficulté de bien séparer les rôles entre les parlementaires – même si, personnellement, j’aimerais que nous ayons une influence plus importante sur la politique européenne.

Je rappelle également qu’il s’agit d’une proposition de loi de niche, située en cinquième position. Afin qu’elle puisse être adoptée, elle doit donc être la plus courte possible, raison pour laquelle je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE13 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement est l’occasion de revenir sur l’hypocrisie française et européenne que j’évoquais dans mon propos liminaire. Nous interdisons l’importation de produits contenant certaines substances, mais nous laissons des firmes européennes produire ces dernières. Je parle ici de molécules brutes qui seront associées à d’autres pour élaborer un produit commercial. Il s’agit d’un contournement de la loi Egalim : des pesticides interdits peuvent ainsi être exportés et fabriqués dans d’autres pays européens, leurs effets nous revenant en boomerang dans la nourriture que nous importons.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je répète qu’il s’agit d’une proposition de loi de niche, dont l’objet est de rendre les importations qui ne respectent pas nos normes sanitaires passibles de sanctions administratives pécuniaires. Aborder la question des exportations est une idée légitime, mais cela allongerait l’examen du texte en séance. Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Mon amendement porte bien sur les importations. Nous produisons et exportons des substances actives non approuvées qui se retrouvent ensuite dans la nourriture que nous importons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE5 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement vise à obtenir du Gouvernement un rapport évaluant les moyens nécessaires au contrôle de l’application de la proposition de loi. Nous le disons depuis le début : le chantier est d’ampleur et ce texte nécessaire ne sera effectif que si nous consacrons des moyens à sa bonne application. Je le répète, un rapport du Sénat de 2019 indique que 10 % à 25 % des produits agricoles et alimentaires importés en France ne respecteraient pas les normes minimales imposées aux agriculteurs français en matière environnementale et sanitaire.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suis évidemment favorable à ce que le Gouvernement fasse preuve de davantage de transparence vis-à-vis des parlementaires, mais je ne veux pas rendre le texte trop bavard afin de permettre son adoption lors de notre niche.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE17 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Malgré un faible taux de contrôle, 10 % des lots analysés ne sont pas conformes aux LMR autorisées au sein de l’Union européenne. L’amendement tend donc à obtenir un rapport pour faire la lumière sur les inspections menées par l’État et réfléchir à leur renforcement.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je répète que je suis favorable à davantage de transparence, mais il convient de plaider directement auprès de la Commission européenne pour le renforcement et l’amélioration des contrôles. De plus, pour favoriser l’examen du texte lors de notre niche, je suis défavorable aux demandes de rapport.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE19 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous souhaitons abaisser les LMR au niveau du seuil de détection, afin de tendre vers l’éradication des substances interdites dans les produits que nous importons et ainsi de protéger les consommateurs. Cet amendement vise donc à obtenir un rapport sur le possible renforcement de nos méthodes de détection.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE6 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). La proposition de loi a une visée qualitative, mais des questions quantitatives se posent également. Nous demandons donc la remise d’un rapport sur les clauses de sauvegarde, outil que nous trouvons insuffisamment utilisé pour protéger nos filières et instaurer, en cas d’urgence, des quotas d’importation dans certains secteurs.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suis sensible à votre demande, mais je tiens à ce que le texte contienne des dispositions directement applicables et opérationnelles, et soit le plus court possible en vue de son examen en séance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE7 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). La proposition de loi est de qualité, mais insuffisante face aux traités de libre-échange que nous continuons de conclure, en témoigne celui avec le Mercosur vers lequel nous nous dirigeons contre l’avis unanime de l’Assemblée nationale. Nous souhaitons donc interpeller le Gouvernement qui, avec d’autres depuis plus de vingt ans, approuve ces accords commerciaux qui mettent en danger notre agriculture. Pour sortir de cette logique infernale, nous demandons un rapport sur la possibilité d’instaurer un moratoire sur tout nouveau traité.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Les négociations sur les accords de libre-échange relèvent de la compétence exclusive de la Commission européenne. Il serait plus efficace de proposer une résolution européenne plutôt que de demander ce rapport dont le seul effet serait de rendre la loi bavarde. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Titre

 

Amendement CE12 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Comme je l’ai dit précédemment, l’Union européenne fabrique et exporte des pesticides qui nous reviennent en boomerang lorsque nous importons des produits alimentaires traités avec ces produits. Je propose donc de compléter le titre de la proposition de loi pour aboutir à la formule suivante : « visant à interdire l’importation et l’exportation de produits agricoles et phytosanitaires non autorisés en France ».

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Puisque nous n’avons pas adopté l’amendement interdisant l’exportation de ces pesticides, cet amendement est sans objet. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE22 de M. Frédéric Weber et CE28 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Frédéric Weber (RN). Mon amendement vise à harmoniser le titre de la proposition de loi avec son contenu, notamment pour garantir que son champ d’application couvre aussi bien les produits agricoles que les denrées alimentaires. Cette précision est indispensable pour refléter l’objectif central du texte : protéger nos agriculteurs d’une concurrence déloyale et défendre la santé des consommateurs.

Aujourd’hui, les producteurs français sont soumis à des normes particulièrement strictes, souvent plus contraignantes que celles de nos voisins européens, alors même que des produits importés ne respectant pas ces mêmes exigences continuent d’arriver sur le marché français. Cette inégalité est inacceptable et met en péril la pérennité de nos exploitations agricoles. Les contrôles aux frontières, trop peu nombreux, laissent entrer des produits qui ne répondent ni à nos standards sanitaires, ni à nos standards environnementaux. En 2019, un rapport du Sénat estimait entre 10 et 20 % la proportion de produits non conformes vendus en France.

Ce texte est une étape par laquelle la France affirme sa volonté de défendre ses agriculteurs et son modèle agricole face à une mondialisation qui n’a souvent que faire des standards de qualité et de justice sociale. Je vous invite à soutenir un amendement qui ne fait qu’amplifier la portée et la clarté de la proposition de loi, en accord avec nos principes de transparence et de souveraineté.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mon amendement tend à mettre le titre de la proposition de loi en cohérence avec l’article 1er. Le nouvel intitulé mentionne notamment la logique d’identification et de traçabilité de la réglementation européenne ainsi que les produits phytosanitaires, sur lesquels nous portons un regard particulièrement exigeant.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. L’amendement de notre collègue Weber vise à substituer les mots « non conformes aux lois françaises » aux mots « non autorisés en France », ce qui exclurait de fait les normes européennes et internationales qui s’appliquent en droit français.

L’amendement de Mme Thomin détaille les exigences européennes d’une manière qui me semble trop peu synthétique.

Par souci de préserver l’intelligibilité et la clarté du titre, j’émets un avis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE24 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit de lier les combats autour de la régulation qui auront lieu dans l’hémicycle le 6 février, lors de la niche du groupe DR, et demain soir ou jeudi matin, lors de l’examen de la proposition de résolution européenne relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne déposée par le groupe socialiste.

La bataille en faveur de la régulation des importations doit être menée au niveau européen. Les parlementaires français doivent s’y associer en diffusant les propositions de loi et de résolution auprès du Parlement européen afin de faire pression, à terme, sur la Commission européenne et sur sa présidente Ursula von der Leyen. Je propose donc de mentionner cette ambition dans le titre.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. La proposition de loi ne vise pas simplement à réguler les importations, mais à imposer des sanctions. L’ajout du mot « sanctions » aurait été plus approprié. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Pascal Lecamp (Dem). Le groupe Les Démocrates s’abstiendra sur cette proposition de loi qui n’apporte rien et dont le caractère antieuropéen – ou, du moins, l’incompatibilité juridique avec nos engagements européens – n’est pas en accord avec nos convictions historiques. Nous espérons que des améliorations y seront apportées en séance publique.

M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. S’il y a eu un doute sur la conventionnalité de l’article 44 de la loi Egalim en 2018 et, par là même, sur l’article 1er de la proposition de loi, l’article 2 ne fait que rendre effectif le droit européen par des dispositions qui existent déjà dans le droit positif d’autres États membres. Il ne remet aucunement en cause notre attachement à la construction européenne.

Mme Hélène Laporte (RN). Nous regrettons que ce texte, mal rédigé, ne soit qu’un coup de communication ; néanmoins, nous le voterons par égard pour les agriculteurs, dont la situation est intenable.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe socialiste est favorable à la proposition de loi, mais il s’interroge sur sa finalité. Le but est d’infléchir ceux qui, au sein de l’Union européenne, défendent le Mercosur. Nous considérons qu’il faut affirmer la position de la France dans ce combat par des textes plus efficients. Même si nous restons sur notre faim, nous accompagnerons le mouvement.

M. Jérôme Nury (DR). Je ne vois pas pourquoi l’on oppose l’intérêt de notre pays à celui de l’Europe alors que les deux coïncident. Nous sommes favorables à ce texte qui, loin d’être antieuropéen, affiche une volonté claire de protéger les consommateurs français, lesquels ont souvent l’impression d’être floués, et envoie aux administrations le message que le législateur tient à ce que la loi soit appliquée, même si elle paraît redondante.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

 

Réunion du mardi 28 janvier 2025 à 16 h 30

 

Présents. - M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Benoît Biteau, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, M. Charles Fournier, Mme Hélène Laporte, Mme Marie Lebec, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. Matthias Tavel, Mme Mélanie Thomin, Mme Aurélie Trouvé, M. Antoine Vermorel-Marques, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

 

Excusés. - M. Harold Huwart, Mme Annaïg Le Meur, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière

 

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, M. Eric Liégeon, Mme Manon Meunier, M. Jean-Pierre Taite