Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen de la proposition de loi visant à prioriser les travailleurs dans l’attribution de logements sociaux (n° 687) (M. Vincent Jeanbrun, rapporteur) 2
– Informations relatives à la Commission..................26
Mercredi 29 janvier 2025
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 51
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
— 1 —
La commission des affaires économiques a ensuite examiné de la proposition de loi visant à prioriser les travailleurs dans l’attribution de logements sociaux (n° 687) (M. Vincent Jeanbrun, rapporteur).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à prioriser les travailleurs dans l’attribution des logements sociaux, qui est inscrite en deuxième position à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe Droite républicaine (DR) du 6 février prochain.
Ce texte, composé d’un seul article, modifie le code de la construction et de l’habitation, qui définit les critères d’attribution des logements financés grâce au concours public, pour établir les travailleurs comme catégorie prioritaire.
Notre commission traite régulièrement de la crise du logement, qui affecte plus d’un ménage sur six dans notre pays. La propriété est de plus en plus concentrée entre les mains de multipropriétaires. Le prix des loyers connaît une hausse ininterrompue depuis quarante ans. L’engorgement du logement social atteint quant à lui un niveau historique. La demande croît – 2,6 millions de ménages attendaient un logement social en 2024 et le temps d’attente s’établit en moyenne entre six et sept ans. L’Union sociale pour l’habitat (USH) estime que, compte tenu de la démographie du pays, de l’état du parc et des enjeux liés à la transition énergétique, il faudrait produire près de 200 000 nouveaux logements sociaux par an d’ici à 2040.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. La proposition de loi est sobre et efficace. Elle rappelle ce qui devrait être une évidence : toute personne en activité professionnelle, qu’elle soit salariée, indépendante, exerce une profession libérale ou ait le statut d’agent public devrait pouvoir se loger dignement.
On ne compte plus les témoignages de travailleurs modestes qui n'arrivent plus à se loger, faute de logements disponibles dans le parc social et parce que les loyers sont beaucoup trop élevés dans le parc privé. Plus de la moitié des bénéficiaires du droit au logement opposable (Dalo) sont en emploi. Cette réalité devrait nous révolter.
Le travail doit permettre de s'intégrer et le logement constitue la première des conditions d'intégration. Le groupe DR vous propose donc d'inscrire les personnes en activité professionnelle sur la liste des publics prioritaires. Les travailleurs pourront faire jouer cet avantage auprès des réservataires : le préfet, les élus locaux ou encore Action logement. Même si cela ne leur garantira pas l'obtention d'un logement social, cela permettra aux commissions d'attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol) de valoriser leur profil, quand ils peinent à obtenir un logement social.
Je voudrais rassurer mes collègues : cette proposition de loi ne discrimine pas les personnes sans emploi, qui continueront à être éligibles au logement social. Nous assumons toutefois de les inciter à reprendre une activité rapidement. Le droit en vigueur va déjà dans ce sens, puisque les personnes reprenant une activité après avoir été au chômage pendant une longue durée, c'est-à-dire plus d'un an, appartiennent à la liste des publics prioritaires.
Par ailleurs, la proposition de loi ne vise pas que les personnes qui ont une situation stable, bien au contraire. Elle concerne les personnes en intérim, celles en contrat à durée déterminée (CDD), les indépendants, les autoentrepreneurs qui n'arrivent pas encore à joindre les deux bouts. Ces personnes doivent être prioritaires, au même titre qu'un agent public ou un salarié en contrat à durée indéterminée (CDI).
Par définition, les personnes en activité concernées seront des travailleurs modestes dont les salaires sont peu élevés, compte tenu des plafonds de ressources actuels pour l’éligibilité au logement social.
Par ailleurs, la proposition de loi ne supprime pas les autres critères de priorité. Le préfet aura toujours l'obligation stricte de loger un ménage bénéficiant d’une décision favorable au titre du Dalo. Quant aux personnes en situation de handicap, vivant dans un logement insalubre, ou présentant des vulnérabilités particulières, telles que les victimes de la prostitution et les victimes de violences conjugales, elles conserveront évidemment leur statut prioritaire.
Outre l’impératif de justice sociale, ce texte a plusieurs objectifs, notamment le soutien à l’activité économique. Le manque de logements constitue l’une des premières difficultés pour les chefs d'entreprise qui veulent recruter. Près d'un recrutement sur cinq échouerait en raison des difficultés des candidats à trouver un logement, selon une étude de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) publiée en décembre 2023. Faciliter l’accès au logement social des personnes en activité professionnelle est donc une priorité de la nation pour la croissance et l'activité de nos entreprises, notamment dans les territoires où les travailleurs modestes n'arrivent pas à se loger, alors que les entreprises proposent de nombreux emplois.
Le texte incitera également les maires à développer le logement social dans leur commune. Parce qu’ils se sentent dépossédés de tout pouvoir concernant l'accueil de nouveaux habitants sur leur territoire, de plus en plus de maires adoptent une approche malthusienne. Ils accordent moins de permis de construire, refusent d'accorder la garantie de la commune à la construction de nouveaux logements sociaux ou de céder des terrains publics aux bailleurs.
Pour avoir grandi dans une barre HLM, et avoir été maire pendant dix ans, je crois à la pertinence de la construction de logements sociaux. Je suis donc le premier à regretter cette approche malthusienne, même si l’on peut comprendre le souhait de certains maires de mieux maîtriser les politiques de peuplement, notamment dans les quartiers en grande difficulté ou en rénovation urbaine. Il serait donc trop facile de leur faire la leçon. En tant que législateurs, il nous revient de trouver des solutions pour les inciter à soutenir la production de logements, notamment sociaux. Le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables visait à leur redonner du pouvoir dans l’attribution des logements sociaux, mais son examen n’a pu aboutir à cause de la dissolution de l’Assemblée.
En permettant aux personnes en activité professionnelle de bénéficier d’un statut prioritaire pour l'attribution des logements sociaux, nous encouragerions les maires à soutenir la construction de logements sur leur territoire, notamment pour renforcer la mixité sociale dans les zones où la part d’inactifs ou de personnes précaires est déjà très importante.
In fine, tous les demandeurs de logements sociaux bénéficieront d’une relance de la production de logements sociaux, les actifs comme les inactifs. Comme l’indiquent les représentants de l'USH, il faut que le gâteau grossisse. Il faut construire plus et plus vite. La crise du logement neuf et la forte augmentation des taux d’intérêt a conduit à l'embolie du parc locatif privé comme du parc social.
Dans le passé, nos concitoyens, après avoir habité dans le parc locatif pendant quelques années, pouvaient accéder à la propriété, mais ce parcours résidentiel s’est grippé. Le taux de rotation s’est effondré. Quelque 2,7 millions de ménages demandent actuellement un logement social, c’est un record.
Non, la proposition de loi ne résoudra pas cette crise, mais elle apporte une réponse concrète et symbolique à tous les travailleurs de notre pays qui ne s'en sortent plus. Oui, nous avons besoin de vous et oui nous ne pouvons pas accepter de vous laisser sans logement.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Frédéric Falcon (RN). Le logement social devrait être le pilier de la solidarité nationale, un soutien aux Français en difficulté, un tremplin pour reconstruire une vie digne, mais le système actuel est à bout de souffle. Il est détourné de sa mission première et c'est notre devoir de le dénoncer avec clarté et courage.
Tout d'abord, il est impossible d'ignorer la surreprésentation flagrante de la population immigrée dans le parc social. Selon le préfet Michel Aubouin, celle-ci occupe un tiers des logements sociaux. Comment expliquer que tant de nos compatriotes qui travaillent et cotisent se retrouvent relégués en bas des listes d'attente ? Cette situation est le fruit d'une gestion laxiste, aveugle aux priorités nationales et du refus idéologique d'affirmer que les Français doivent être prioritaires dans leur pays.
Oui nous devons oser dire qu'il est temps d'instaurer la priorité nationale dans l'attribution des logements sociaux, alors que 2 millions de nos compatriotes sont sur liste d'attente. Ce principe simple, juste et nécessaire permettra de redonner aux Français le sentiment d'être enfin respectés dans leur propre pays.
Ensuite, il est impératif de restaurer l'ordre dans des quartiers devenus des zones de non-droit. Trop souvent, les logements sociaux sont livrés à la loi des trafiquants, des délinquants et des bandes organisées. Ce n'est plus tolérable. Nous devons appliquer une politique de tolérance zéro. Toute personne condamnée pour des faits graves comme le trafic de drogue ou la violence doit être immédiatement expulsée du parc social sans possibilité de relogement au titre du Dalo. Les honnêtes citoyens, les familles et les personnes âgées ont droit à la sécurité et à la tranquillité. La République doit réinvestir ses territoires avec la fermeté qui s'impose.
Enfin, nous devons offrir une perspective d'avenir aux bénéficiaires du logement social, en renforçant l'accession sociale à la propriété. Trop longtemps, l'État a entretenu une forme de dépendance en confinant des millions de Français dans des logements sociaux sans leur donner les moyens de devenir propriétaires de leur propre toit. Être propriétaire, c'est être libre, pouvoir transmettre un patrimoine à ses enfants, retrouver une stabilité pour construire l'avenir. Nous devons encourager les dispositifs permettant aux familles modestes d'accéder à la propriété en réduisant les taxes, en simplifiant les démarches et en mobilisant les terrains vacants de l'État pour construire des logements abordables, dans le cadre de dispositifs de location-accession.
Même si nous sommes attachés à l’objectif de 25 % de logements sociaux par commune formulée dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, il faut lever les pénalités pesant sur les communes dont les efforts sont entravés par le manque de foncier.
La proposition de loi est bien loin de permettre d’atteindre ces objectifs. Elle se focalise sur une modeste révision des conditions d'attribution. Monsieur le rapporteur, quelle est votre vision globale et celle de votre groupe en matière de logement social ?
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Ma circonscription compte de nombreux hôpitaux, notamment Gustave Roussy, un fleuron de la cancérologie, qui fonctionne grâce à des professionnels étrangers. Nous n’arriverions pas à attirer de tels personnels si nous ne pouvions les loger à proximité de l’hôpital. Croyez-moi, les malades du cancer se moquent bien de savoir si leurs soignants ont la nationalité française depuis quatre générations ou s’ils sont nés dans un autre pays. L’important est leur utilité pour notre pays et non leur arbre généalogique.
Pendant le confinement, quand nous applaudissions aux fenêtres les soignants et tous les travailleurs des métiers essentiels, comme les caissières, nous ne prêtions pas attention à leur carte d’identité. C’est la beauté de la République : elle est universaliste, se soucie de la manière dont vous agissez, mais non d’où vous venez.
En revanche, je ne peux que souscrire à vos propos sur la sécurité dans les quartiers. Bien souvent, la violence meurtrit les plus fragiles. Nous pourrons en débattre, mais ce n’est pas l’objet du présent texte.
Mme Marie Lebec (EPR). La proposition de loi soulève une question fondamentale, celle de la place du travail, de sa valorisation et de l’incitation au retour au travail.
Vous souhaitez accorder la priorité aux travailleurs dans l’attribution des logements sociaux, alors que le travail ne garantit pas toujours un accès facile au logement.
Ma circonscription, la quatrième des Yvelines, a une économie dynamique, mais les travailleurs peinent à s’y loger, parce que les locations sont trop chères et le parc social inaccessible – les listes d’attente sont très longues et les demandes de certains travailleurs modestes ne sont même pas recevables, car leurs revenus sont jugés trop élevés.
De leur côté, les entreprises peinent à recruter, faute de logements abordables pour leurs salariés. Elles n’ont souvent d’autres choix que d’aller s’implanter ailleurs. C’est un cercle vicieux.
Enfin, de nombreux ouvriers employés dans ma circonscription sont obligés de se loger dans les départements voisins. Ils doivent effectuer de longs trajets quotidiens, au détriment de leur qualité de vie, de leur santé, de leur fidélisation par l’entreprise ainsi que de l’attractivité de ce territoire.
Nous sommes d’accord, il faut reconnaître le travail, valoriser celles et ceux qui contribuent à la vitalité économique de notre pays, renforcer le lien entre emploi et logement.
Toutefois, si votre intention est louable, je doute que votre proposition soit opérationnelle. Le système actuel d’attribution des logements sociaux repose déjà sur de nombreux critères de priorité, tels que la vulnérabilité sociale, la situation familiale, l’urgence ou les ressources. En ajoutant un nouveau critère, aussi pertinent soit-il, nous risquons d’accroître la complexité du système et d’allonger encore les délais d’attente.
Ainsi, vous passez à côté d’un enjeu fondamental, celui de l’insuffisance du parc social et du manque de dynamisme du parc privé. Comment soutenir la création de logements, comment inciter les maires, parfois très réticents à densifier leur territoire, à construire davantage ? Pour répondre aux besoins de nos concitoyens, une réforme du logement social et une politique volontariste en matière de construction sont indispensables.
En outre, les dispositions de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Elan, concernant la mobilité dans le parc social sont insuffisantes. Il faut encourager ceux qui résident dans le parc social alors qu’ils auraient les moyens d’accéder au parc privé ou à la propriété à le faire. Ils libéreront ainsi des logements sociaux pour les publics prioritaires. C’est une question d’efficacité et de justice.
Ainsi, même si nous partageons votre objectif – assurer l’accès au logement des travailleurs –, votre texte ne répond pas pleinement aux besoins des territoires. Il faut s’attaquer aux racines du problème – l’insuffisance des logements accessibles, l’inégalité de répartition des opportunités économiques et les obstacles à la mobilité résidentielle.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Nous nous rejoignons sur les enjeux et la nécessité de repenser notre modèle de construction de logements, sociaux notamment.
Le texte vise à envoyer un signal : les actifs, notamment les travailleurs, doivent être prioritaires. L’ajout d’un critère au système actuel, qui en compte déjà quatorze ou quinze, ne changerait pas la donne et ne complexifierait pas la situation, contrairement à ce que vous indiquez.
La mesure est justifiée par la réforme récente des modalités d’attribution des logements sociaux. Désormais, dans chaque agglomération, les élus locaux et les services de l’État devront mettre en place un système de cotation, afin d’accorder un poids différent à chacun des critères de priorité prévus dans les textes. Je crains que cela ne pénalise les travailleurs.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous traversons une crise sociale inédite. Plus de 300 000 personnes sont sans abri et des millions de personnes dépendent de l’aide alimentaire. La crise du logement est symptomatique de l’urgence sociale. Selon les chiffres de l’USH, au premier semestre de 2024, 2,7 millions de ménages attendaient un logement social.
La droite, fidèle à sa tradition politique, préfère stigmatiser les pauvres, plutôt que de régler les problèmes sociaux. En proposant d’accorder la priorité aux travailleurs, vous stigmatisez les personnes en situation de chômage, et par extension les personnes les plus exposées au risque de chômage – les classes laborieuses, les personnes les moins diplômées, les personnes racisées, les jeunes, celles qui occupent des emplois précaires, en majorité des femmes.
Ce texte véhicule le mensonge cher à la droite selon lequel les personnes en situation de chômage seraient favorisées par rapport aux travailleurs dans l’accès à des services tels que le logement social. Dans les faits, selon l’USH, en 2021, seulement 18 % des demandeurs de logement social étaient au chômage.
Cessez de croire que les chômeurs le sont par choix, par paresse, par esprit de profit. Le chômage est une souffrance qui détruit des gens, des familles, des projets de vie. Et l’on n’appuie pas sur la tête de quelqu’un qui se noie pour lui apprendre à nager. Le véritable problème, que vous occultez, est la pénurie de logements sociaux. Quelque 64 % des communes soumises à la loi SRU, qui impose 20 ou 25 % de logements sociaux, refusent d’atteindre cet objectif. Des politiques de plus en plus permissives les y autorisent.
La construction de logement sociaux est tombée à son niveau le plus bas sous la présidence Macron. Les organismes HLM, dont les recettes ont été lourdement ponctionnées depuis 2017, peinent à répondre à la demande.
Ce texte ne propose pas de solution pour remédier à la pénurie de logements sociaux, alors qu’il faudrait lancer un plan ambitieux de construction de logements réellement sociaux, réquisitionner les logements vacants, porter à 30 % le quota minimal de logements sociaux dans les communes soumises à une forte tension locative et instaurer des sanctions plus sévères à l’encontre des maires récalcitrants.
Enfin, contrairement à ce que votre texte laisse entendre, il est possible de valoriser les travailleurs précaires sans pénaliser les personnes privées d’emploi. Victor Hugo déclarait « le vrai secours aux misérables, c’est l’abolition de la misère. » Collègues, augmentez le smic, indexez les salaires sur l'inflation et luttez contre la vie chère en bloquant les prix de l’énergie et ceux des produits de première nécessité. Ainsi, vous cesserez d’être de vils charognards qui prospèrent sur la misère des plus précaires. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous remercie de garder le calme pendant les prises de parole.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Il n’est pas normal que nous nous fassions traiter de charognards ! Ces propos doivent être retirés.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Madame Soudais, ce qui est excessif est insignifiant et vous venez de résumer toute votre position à une insignifiance. Vous avez insulté des collègues légitimement élus. Honte à vous. Vous déshonorez cette institution en nous insultant. Il est scandaleux que vous nous traitiez de menteurs. Mon père était chauffeur-livreur, ma mère femme au foyer. J’ai grandi dans une cité HLM. Je connais bien le chômage, cause de la dépression qu’a traversé ma mère. Cessez donc vos leçons. N’imaginez pas que parce que nos options politiques diffèrent des vôtres, nous ne savons pas ce que vivent nos concitoyens les plus précaires.
En tant que maire – mandat que j’ai exercé pendant dix ans – et député, j’ai reçu des mères élevant seules leur enfant, parfois obligées de dormir dans leur voiture. Vous n’avez pas le monopole du cœur. En revanche, vous avez le monopole des insultes. Je vous demande d’arrêter.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Madame Soudais, les insultes n’ont pas leur place dans cette commission. J’invite chacun à adopter une attitude respectueuse, qui permette aux orateurs de s’exprimer dans le calme.
Mme Sandrine Runel (SOC). Près de 2,7 millions de ménages attendent un logement social en France. Je le rappelle à la droite car cette proposition de loi donne l’impression que vous découvrez le logement social. Le premier métier d’un bailleur est de loger, et le logement social doit offrir des conditions de vie dignes aux familles les moins aisées.
Les difficultés pour se loger décemment s'accroissent. Un salarié sur cinq gagne le smic et peut donc prétendre au logement social. Or le parc social est engorgé. Dans les commissions d’attribution, nous peinons à hiérarchiser les quatorze critères de priorité prévus. Actuellement, 2,8 millions de personnes vivent en outre dans des logements surpeuplés ou insalubres, car les logements pour les plus modestes manquent et l’offre de logements sociaux et très sociaux est insuffisante.
Nous devons en partie cette situation à huit ans de politique macroniste, à un trop faible nombre de constructions de logements sociaux, à la baisse du montant des APL (aides personnelles au logement).
Le droit au logement est un droit fondamental. Il est opposable et l’État en est garant. Les sans-abri constituent l’une des manifestations les plus visibles de la crise du logement. Aucune ville n’y échappe. Des travailleurs pauvres dorment dans leur voiture, des familles vivent dans des centres d’hébergement, dans l’attente d’un logement social, et des enfants dorment dans des écoles.
La seule solution est de permettre aux bailleurs de construire davantage et d’obliger au respect de la loi SRU dans tous les territoires. Quel serait l’intérêt d’ajouter un énième critère de priorité alors que le parc social est déjà saturé et que notre pays compte 28 millions de travailleurs ?
En outre, comme l’a indiqué la Défenseure des droits dans son avis sur votre proposition de loi, le droit permet déjà la prise en compte des travailleurs en situation de précarité, puisque les conditions de ressources constituent le critère principal d’obtention d’un logement social. Il est par ailleurs normal que certaines demandes soient prioritaires, au vu de l’urgence de la situation de leurs auteurs – logement insalubre, handicap, violences exercées sur des femmes, notamment.
Votre proposition de loi ne répond à aucun besoin réel. Si vous opposez actifs en emploi, actifs en recherche d’emploi et retraités de manière si stérile, c’est uniquement à des fins de communication. C’est ce que vous faites le mieux : opposer les publics les plus précaires, distinguer les bons des mauvais pauvres, les travailleurs des allocataires d’une aide sociale. Pourtant, on le sait, le travail ne permet même plus d’améliorer son niveau de vie.
Alors que les prix de l’immobilier augmentent plus vite que les revenus et que de nombreux demandeurs de logements sociaux alternent entre emploi et chômage, votre proposition de loi n’apporte aucune solution aux difficultés structurelles qui entravent l’accès au logement pour toutes et tous. Son adoption ne conduirait qu’à complexifier la liste des demandeurs prioritaires. Nous nous y opposerons.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Vous conviendrez qu’il serait absurde que la politique de logement social exclue les travailleurs.
Le déploiement de systèmes de cotation ouvre un monde nouveau dans l’attribution des logements. Désormais, dans chaque agglomération, les élus locaux et les services de l’État disposent d’une marge de manœuvre pour déterminer le poids de chaque critère de priorité. Si nous n’adoptons pas le présent texte, certaines cotations risquent de pénaliser les travailleurs – vous le constaterez en échangeant avec les élus locaux de votre territoire. Il n’est pas raisonnable de courir ce risque.
M. Jérôme Nury (DR). La question du logement préoccupe les Français. Le coût de l’achat d’un logement est de plus en plus élevé, de même que les prix de l’énergie.
En outre, les logements sociaux sont de moins en moins accessibles. Près de 2,5 millions de ménages attendent un logement social ; ils devront souvent patienter pendant plusieurs années. Les complexités administratives dissuadent certains de demander ces logements.
La précarité de nombreux travailleurs interroge. Plus de 1 million de travailleurs vivent avec moins de 1 000 euros par mois et un jeune actif au smic peut parfois consacrer plus de 50 % de son revenu au paiement du loyer, dans les zones les plus tendues.
La proposition de loi constitue une vraie avancée, que nous soutiendrons sans réserve. Elle permettra non seulement de soutenir ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois alors qu’ils travaillent, mais aussi de remettre la valeur travail au cœur de l’attribution des logements sociaux.
Toutefois, ne faudrait-il pas hiérarchiser les quinze critères de priorité actuels, afin d’éviter que la priorité accordée aux travailleurs ne se perde pas dans cette liste à la Prévert ?
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je ne pense pas que notre rôle soit d’établir des priorités dans les priorités. Faisons confiance au terrain. Les élus locaux, en dialogue avec les services de l’État et les bailleurs, sauront établir des cotations pertinentes.
Dans certains territoires, la priorité est d’apparier un bassin de vie et un bassin d’emploi, un salarié et une plateforme – comme celles d’Orly et de Rungis, dans mon territoire. Dans les territoires où subsistent des bidonvilles, la priorité sera différente. Dans les quartiers ou les départements marqués le trafic de drogue et la traite des êtres humains, il sera possible d’accorder la priorité aux victimes de prostitution, par exemple.
Les territoires doivent selon moi bénéficier d’une certaine autonomie, ce que permettront des critères larges.
M. Boris Tavernier (EcoS). En France, le logement est un droit et le logement social est un outil puissant au service de ce droit. Tous les habitants de ce pays doivent pouvoir se loger dignement, indépendamment de leur statut professionnel. Alors que 11 millions de personnes vivent en HLM, les difficultés pour se loger s’accentuent. Dans le Rhône, pour un logement social, il y a plus de huit demandeurs. En France, plus de 2,7 millions de ménages attendent un logement social. S’y ajoutent 800 000 demandes de mutation.
La situation est grave, mais ne nous trompons pas sur ses causes. Si nous manquons de HLM, ce n’est pas à cause des chômeurs, mais d’une production insuffisante de logements sociaux, et des dysfonctionnements du marché immobilier. Il est devenu inaccessible pour trop de monde et ne permet plus de loger chacun convenablement. Là où il faudrait une volonté politique forte pour relancer le logement social et dompter le marché immobilier, vous préférez mettre en concurrence les plus précaires.
Concrètement, votre proposition de loi méconnaît la réalité des demandes et des attributions de logement social. Les ménages en activité professionnelle sont déjà surreprésentés parmi les attributions et déjà prioritaires pour les 920 000 logements sociaux concernés par Action logement. De plus, comme le montre le Secours catholique, parmi les demandeurs, les ménages les plus pauvres ont moins de chances que les autres d’accéder à un logement social puisqu’ils sont aussi, pour des raisons évidentes, ceux qui auront le moins de possibilités d’accéder au logement sur le marché privé. Votre proposition de loi viendrait donc consacrer une forme de double peine pour les plus pauvres, qui seraient privés d’emploi et de logement.
Je souscris néanmoins à l’idée qu’il faut pouvoir vivre et travailler sur son territoire. Or, dans de nombreux bassins d’emploi, les loyers sont trop élevés et ne font qu’augmenter. Plutôt que de nous attaquer aux chômeurs, encadrons donc la hausse des loyers – mais, la plupart du temps, votre famille politique s’y oppose. S’il manque de logements sociaux, construisons-en davantage – mais les maires de votre parti le refusent. Ainsi, dans le Rhône, l’an passé, la préfecture a retiré à sept communes leur compétence en matière d’urbanisme parce qu’elles ne construisent pas assez de logements sociaux. Leur point commun était d’être administrées par un maire Les Républicains ou de centre-droit.
Votre proposition de loi cherche à faire diversion en faisant croire que la droite est dans le camp du travail, alors qu’elle s’oppose à l’augmentation des salaires et à l’amélioration des conditions de travail. Aujourd’hui, la moitié des logements locatifs privés sont possédés par 3,5 % des ménages. Chez moi, à Lyon, 57 % des logements mis en location appartiennent à des personnes qui possèdent cinq logements ou plus. Autrement dit, dans ma ville, des millionnaires possèdent plus de la moitié du parc locatif privé et s’enrichissent chaque mois, non pas en travaillant, mais en recevant une multitude de loyers. Je ne parlerai pas d’« assistés », car c’est votre vocabulaire, mais vous m’avez compris. Du reste, ce n’est pas là une spécificité lyonnaise, car les chiffres sont encore plus élevés à Paris ou à Lille. Face à cette situation, on s’étonnera que les prix grimpent et on demandera à la solidarité nationale de compenser.
Au lieu de vous attaquer aux chômeurs, vous devriez méditer sur cette hyper-concentration, sur l’accaparement de ce bien commun qu’est le logement. Considérons que le logement, au même titre que l’alimentation, l’éducation ou la santé, est un droit fondamental auquel chacun doit avoir accès, quels que soient son origine, sa nationalité ou son statut professionnel, et refusons de mettre en concurrence les précaires.
Le groupe Écologiste et social votera contre cette proposition de loi et réaffirme la nécessité pour notre pays de se doter d’une véritable politique du logement.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Il faut raison garder. Ancien maire, j’ai construit des logements sociaux et mené des rénovations urbaines. Je ne suis pas anti-logement social – comme je l’ai dit tout à l’heure, j’y ai grandi et j’en connais les limites comme les avantages.
Dans la réalité du terrain, il peut exister des contraintes locales et il est dommage que la loi SRU ne soit pas toujours très souple à cet égard. Par ailleurs, la Droite républicaine et tout le bloc central assument une volonté de mixité sociale. À ce titre, on peut, dans certains endroits, dire aux préfets qu’ajouter du logement social au logement social abîmerait la mixité sociale, alors que le logement social aurait peut-être davantage sa place dans d’autres quartiers pour conserver un équilibre sur le territoire. Pas d’anathème, donc, s’il vous plaît. Soyons pragmatiques.
M. Pascal Lecamp (Dem). La proposition de loi vise à reconnaître les personnes en activité professionnelle comme une catégorie prioritaire pour l’attribution des logements sociaux. En 2024, la France comptait 5,4 millions de logements locatifs sociaux et 2,6 millions de ménages en attente, du fait notamment d’une baisse historique de la construction de logements. Dans ce contexte tendu, le délai moyen d’obtention d’un logement social est, selon l’Insee, de huit mois. Le système actuel définit déjà quatorze critères de priorité, incluant notamment les personnes en situation de handicap, les victimes de violences familiales, les victimes de traite humaine, les habitants de logements insalubres ou dangereux et les personnes menacées d’expulsion sans solution de relogement – autant de situations sociales et humaines difficiles, violentes et, dans tous les cas, urgentes.
Nous ne nions évidemment pas le fait que les travailleurs en emploi aient besoin d’accéder au logement social, et qu’en dépend d’ailleurs parfois leur capacité à se maintenir dans ledit emploi. Nous soutenons également la volonté du rapporteur d’introduire de la mixité dans les ensembles locatifs sociaux et de renforcer le pouvoir du maire dans les décisions.
Cependant, mettre sur un pied d’égalité, en matière de priorité pour l’accès au logement social, des situations d’urgence parfois vitale et le simple fait d’être employé pose une réelle question d’éthique – j’espère pouvoir le dire sans faire offense aux conditions de vie difficiles des travailleurs précaires. De plus, en plaçant des millions de travailleurs au même rang de priorité que les quatorze autres catégories dans un contexte de pénurie de logement social, nous allons multiplier les cas de conscience pour de nombreux maires, qui devront choisir entre plusieurs drames. Lorsque j’étais maire d’une petite ville rurale disposant de logements sociaux, j’ai souvent souhaité et demandé qu’on nous délègue des responsabilités, mais pas celle de choisir entre un travailleur tout juste recruté dans une entreprise locale et un handicapé ou une mère célibataire vivant dans un habitat indigne.
Bien que l’intention d’aider les travailleurs soit louable, nous devons aussi nous interroger sur les conséquences potentielles de cette mesure. Pourrait-elle, par exemple, créer des disparités territoriales dans l’application des critères ? Surtout, n’y a-t-il pas un danger à détourner le logement social de sa mission première, qui est d’aider les plus démunis – qui, certes, sont bien trop souvent sans travail ? Il me semble aussi que nous ne nous attaquerions pas aux véritables défis qui touchent les travailleurs précaires, comme les revenus bas, la mobilité rurale et périurbaine ou le logement cher dans les agglomérations.
Notre responsabilité collective est de trouver un équilibre entre les différents besoins de notre société. Le groupe Les Démocrates est donc sceptique quant à cette disposition qui soulève de nombreuses interrogations et pourrait même induire un risque de traitements discriminatoires.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je précise, puisque vous avez employé le terme que la priorité ne serait pas réservée aux « employés », mais bien aux « travailleurs ».
Ensuite, il ne s’agit évidemment pas de créer de nouvelles priorités dans les catégories prioritaires, mais de rappeler que le fait d’être travailleur ne doit pas exclure de l’accès au logement social. Il n’est pas question d’opérer des comparaisons avec des situations d’urgence, par exemple celle des victimes de prostitution ou des femmes battues, et nous faisons confiance aux élus locaux, aux bailleurs et aux Caleol pour évaluer le degré d’urgence. En revanche, l’un des quatorze critères de priorité existants vise les chômeurs de longue durée. La question de l’emploi est donc déjà prise en compte et nous n’avons pas le sentiment que la proposition de loi crée des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être.
M. Thomas Lam (HOR). Sur les plus de 2,5 millions de ménages en attente d’un logement social en France, près de la moitié sont des ménages actifs occupés, c’est-à-dire occupant un emploi, et 1,8 million attend un premier logement social. Cette situation n’est évidemment pas satisfaisante et nous rappelle que le fait d’avoir un emploi ne permet pas toujours de se loger dignement. Cela est particulièrement vrai dans les zones urbaines, où le coût de la vie, notamment du logement, est élevé. Ces territoires, qui concentrent la majorité des emplois, deviennent inaccessibles pour de nombreux travailleurs.
La proposition de loi prévoit une mesure simple : reconnaître les travailleurs comme une catégorie prioritaire dans l’attribution des logements sociaux. Concrètement, cela ajouterait une quinzième catégorie à la liste des publics prioritaires, en complément des ménages déjà reconnus comme prioritaires au titre du droit au logement opposable, le Dalo.
Si lucide soit-il quant aux limites de cette mesure compte tenu de la procédure d’attribution des logements sociaux, le groupe Horizons & indépendants soutient néanmoins le signal envoyé par ce texte aux travailleurs, car plus on facilite le logement, plus on facilite l’emploi. Le logement social joue ainsi un rôle dans la lutte contre la paupérisation des travailleurs, l’accès à la propriété et l’attractivité des métiers en tension. Sur ce dernier point, nous soulignons les difficultés rencontrées par de nombreux travailleurs de secteurs clés tels que la santé, l’éducation et la sécurité pour se loger à proximité de leur lieu de travail.
Toutefois, et plus largement, notre groupe s’interroge sur l’efficacité et la lisibilité de la procédure d’attribution des logements sociaux pour les publics prioritaires dans le contexte actuel de saturation du parc social et au vu de l’absence de priorités définies entre les publics prioritaires. Nous serons donc attentifs, en commission comme en séance publique, à ce que cette proposition de loi n’entraîne pas une mise en concurrence des différents publics reconnus comme prioritaires pour l’attribution d’un logement social, notamment pour ce qui concerne les personnes bénéficiant d’une décision favorable au titre du Dalo.
Le travail doit être un levier d’émancipation et permettre à chacun de vivre dignement et d’accéder librement au logement. Cela implique peut-être de reconnaître les travailleurs comme prioritaires pour l’attribution des logements sociaux, mais aussi et surtout de revaloriser le travail pour permettre aux travailleurs d’accéder au parc locatif privé. Nous voterons en faveur de ce texte.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Merci, cher collègue, pour vos propos et pour le constat et la perspective que vous avez exposés et que nous ne pouvons que partager. Je vous rassure une nouvelle fois sur le fait que cette proposition de loi ne vise pas à mettre en concurrence les publics prioritaires – en particulier, le préfet a l’obligation de mener le combat pour les bénéficiaires du Dalo et de faire en sorte qu’ils soient relogés. Il s’agit plutôt d’envoyer un signal aux travailleurs et d’éviter qu’ils soient exclus de l’accès aux logements sociaux, notamment par le nouveau système de cotation, en faisant confiance aux Caleol pour définir les priorités en fonction des urgences et des besoins, sans exclure les travailleurs.
M. Christophe Naegelen (LIOT). La concurrence est très rude pour obtenir un logement social, avec environ 2,7 millions de ménages demandeurs d’un toit. Ce chiffre, malheureusement, ne cesse d’augmenter – en cinq ans, la demande a bondi d’un quart. Faute de places, les bailleurs sociaux ne parviennent pas à répondre à l’afflux de demandes déjà reçues.
Sans la crise du logement, nous n’aurions pas ce débat – c’est avant tout parce que l’on construit trop peu, et trop peu de logements sociaux, que se pose la question de l’accès à ces derniers. Or elle se pose aussi pour ceux qui travaillent. Faute de logements en nombre suffisant, ils sont, en effet, de plus en plus nombreux à être mal logés dans des surfaces trop petites ou des habitats de mauvaise qualité, à habiter à plusieurs kilomètres de leur lieu de travail et à voir leurs journées s’allonger dans les transports. Les entreprises signalent que les problèmes de logement des salariés compliquent le recrutement ou, à tout le moins, freinent la mobilité interne. La crise du logement menace le dynamisme économique. C’est un état de fait auquel nous ne pouvons nous résoudre.
Pour permettre à chacun de sortir de la précarité par le travail, il faut garantir l’accès au logement pour ceux qui contribuent à l’activité économique et, comme vous l’avez dit tout à l’heure, Monsieur le rapporteur, pour ceux qui œuvrent dans le domaine de la santé. En effet, de très nombreux personnels travaillant dans les hôpitaux – notamment des agents de service hospitaliers (ASH) et aides-soignants (AS) – sont victimes du mal-logement et ont d’énormes difficultés pour trouver des logements à proximité du lieu où ils exercent au quotidien auprès des patients.
Nous avons aussi besoin d’un accès permettant une mixité sociale qui fait trop souvent défaut. Ajouter les travailleurs dans la liste des ménages prioritaires ne résoudra pas le problème central du déficit de logements, mais donnera néanmoins aux travailleurs de tous secteurs qui supportent des temps de trajet excessifs une chance de disposer d’un logement social.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Nous souscrivons à ce constat. Vous avez bien compris la philosophie de la proposition de loi.
M. Stéphane Peu (GDR). Je commencerai par faire remarquer que, depuis que je suis parlementaire, je me suis toujours interdit, dans les débats en commission comme dans l’hémicycle, de mentionner des situations personnelles. Cette pratique m’a, en effet, toujours gêné, même si je puis vous assurer que je pourrais être, sur ce terrain, un compétiteur sérieux.
Pour en venir à la proposition de loi, elle pose une vraie question, mais il est dommage qu’elle ne soit pas l’occasion d’une introspection à propos de ce que votre famille politique a fait de mal pour le logement des salariés. En 2007, tout d’abord, Nicolas Sarkozy étant président de la République et Christine Boutin ministre, une première loi a porté de dix à vingt salariés l’effectif minimal des entreprises assujetties à la cotisation au titre d’Action logement, dispositif destiné à faciliter l’accès des salariés au logement. Puis, avec Bruno Le Maire, la loi Pacte a relevé le seuil d’éligibilité à cinquante salariés, faisant perdre des droits à certains d’entre eux, qui pouvaient précédemment prétendre à des logements réservés grâce à cette cotisation.
Je veux aussi rappeler les obligations de la loi SRU. Élu de la Seine-Saint-Denis, je sais que, tous les matins, à cinq heures, dans les métros et les RER de mon département, on assiste à une grande migration de salariés qui vont travailler dans l’Ouest parisien, où de nombreuses mairies gérées par votre famille politique refusent de construire du logement social – certaines en font même un argument de campagne électorale. Avant de tenter de mettre en concurrence les priorités, il faut d’abord balayer devant sa porte !
Les ressources étant un critère essentiel d’attribution des logements sociaux, la majorité de ces logements sont bien évidemment attribués à des salariés, mais d’autres critères sont pris en compte, liés, entre autres, au handicap ou aux violences intrafamiliales.
Le logement des salariés appelle de vrais chantiers. Rétablissons la cotisation Action logement pour les entreprises de plus de dix salariés et traitons la question du logement des salariés de la fonction publique, qui ne bénéficient pas de logements réservés au titre de ce dispositif, puisque les contingents préfectoraux, qui devraient y pourvoir, ne le font plus. Peut-être faudrait-il fixer des contraintes particulières en la matière, comme je le suggérais voilà quelque temps dans une proposition de loi.
Tout cela est, surtout, lié à l’échec patent du macronisme dans le domaine du logement. Ne trafiquez pas le thermomètre pour faire baisser la fièvre !
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Monsieur Peu, j’ai de nombreux échanges avec des maires issus de votre formation politique dans le département du Val-de-Marne, dont je suis élu, et nous parvenons souvent à trouver des consensus, notamment pour ce qui concerne les travailleurs. Comme vous l’avez très justement souligné, l’enjeu est énorme pour la fonction publique, qu’elle soit territoriale ou hospitalière, ou qu’il s’agisse de l’éducation nationale. Théoriquement, en effet, le contingent du préfet devrait permettre de loger des fonctionnaires, mais le mécanisme est totalement grippé. Nous sommes nombreux ici à penser qu’une réforme s’imposerait, mais ce n’est pas ce que prétend faire cette proposition de loi, qui a toutefois le mérite de susciter des débats de cette nature – c’est déjà une petite avancée.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Comme l’ont dit certains de nos collègues, il n’y a pas de bons et de mauvais pauvres. Il y a cependant de bons et de mauvais signaux que la collectivité envoie aux citoyens. La récompense du travail précaire est l’un de ces signaux. Avoir un travail ne doit pas être un facteur pénalisant et le logement social ne doit pas devenir une trappe à inactivité – or cela peut être le cas. La proposition de loi vise à lutter contre cette dérive, et c’est heureux. Elle a en effet pour objet d’augmenter, pour un travailleur précaire, la probabilité de bénéficier d’un logement, améliorant ainsi l’attractivité du travail, donc le pouvoir d’achat des Français les plus modestes qui, par leur travail, contribuent quotidiennement à la solidarité nationale, à la santé ainsi qu’à l’entretien et à la sécurité de nos cités. C’est la moindre des choses que nous leur devons.
Le problème fondamental est l’écart entre la capacité et le besoin de logement – en l’espèce, de logement social. La proposition de loi ne permet pas de modifier la première ni d’augmenter le niveau de vie de la population. Elle ne comble pas la brèche, mais se contente d’écoper. Elle ne vise d’ailleurs pas à résoudre le problème global et traite un point bien précis, afin de faciliter un réordonnancement des critères d’attribution.
Dans cette perspective, plusieurs évolutions pourraient être opportunes. Il conviendrait, tout d’abord, de hiérarchiser certaines catégories pour éviter une dissolution totale du dispositif dans les quinze priorités qui en découlent. Comme vous l’avez dit, une catégorie de plus ou de moins risque de ne pas changer grand-chose. Ne faut-il pas, alors, définir au sein des catégories une hiérarchisation plus forte ? En second lieu, et dans la même veine, il n’est pas illogique que les demandeurs français soient prioritaires ou bénéficient d’une forme de bonification dans le calcul sur lequel repose l’attribution du logement, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils doivent être les seuls bénéficiaires de cette attribution.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Merci de me donner une occasion de préciser ma pensée. En disant : « une de plus ou une de moins », je faisais allusion au risque évoqué par notre collègue de rendre plus complexe le travail des Caleol avec l’ajout d’un nouveau critère de priorité – ce que, du reste, je ne pense pas. En revanche, nous enverrions un signal très fort et qui me semble utile pour éviter l’apparition d’un mécanisme laissant penser aux personnes concernées qu’elles ont plus de chances d’obtenir un logement social si elles sont sans emploi que dans l’emploi. C’est du bon sens.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Si l’on veut obtenir les bonnes réponses, encore faut-il poser les bonnes questions, dit-on. La crise du logement étant liée au manque de construction et de rénovation du logement public et à la spéculation sur le marché privé, pourquoi une priorité donnée aux travailleurs dans l’accès au logement public changerait quoi que ce soit à la crise du logement ? Pour vous, un travailleur en CDI est-il prioritaire par rapport à un travailleur en CDD ou en intérim ? C’est évidemment un drame que de devoir aller au travail sans avoir de logement, mais comment trouver un travail quand on n’a pas de logement ?
Monsieur le rapporteur, les systèmes de cotation que vous voulez instaurer existent déjà dans le logement social, où ils reposent sur le revenu. Ainsi, alors que les trois quarts des demandeurs sont éligibles à du logement très social, on ne construit en France que 29 % de logements très sociaux. Tant que cette disparité n’aura pas été résorbée, nous resterons enlisés.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Nous sommes tous d’accord pour considérer que le meilleur moyen de résoudre la crise du logement est qu’il y ait davantage de logements. Toutefois, la proposition de loi (PPL) n’a pas vocation à résoudre ce problème, mais à envoyer un signal.
Ce sont les lois précédentes qui nous incitent à instaurer le système de cotation, lequel risque de créer de nouvelles disparités. Pour avoir été maire récemment encore, je sais que, le mot « travail » ne figurant nulle part dans les textes, on ne peut pas en faire un critère de cotation : d’où l’idée de cette PPL.
Par ailleurs, je précise à nouveau qu’il n’y aura pas de distinction entre le travail en intérim, en qualité d’artisan, en CDI ou en CDD : nous voulons valoriser le travail, quelles qu’en soient la forme et l’activité.
M. Thierry Benoit (HOR). Plutôt que de créer un critère nouveau pour l’attribution des logements, je préférerais que l’on mène une politique publique de l’emploi et du logement selon les territoires et que l’on construise des solutions avec les employeurs et les entreprises – dont certaines, face au manque de logements, commencent à en construire. La création d’un critère nouveau entraîne une sorte de catégorisation des populations, qui ne me plaît guère. Il faudrait laisser la main aux maires, car notre pays a besoin de plus de décentralisation et d’une meilleure prise en compte des spécificités des territoires. Il faut une politique publique qui redéploie de l’emploi et, conjointement, du logement dans les zones rurales, les villes moyennes et certaines banlieues défavorisées.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. L’un n’empêche pas l’autre. Je partage votre ambition globale, mais le nouveau critère, loin de s’y opposer, pourrait même être le premier signal indiquant la nécessité de se mettre autour de la table avec les employeurs et d’avoir une véritable politique sociale centrée sur l’emploi.
Par ailleurs, l’idée d’une plus grande autonomie accordée aux territoires, au terrain, dans une logique de décentralisation, me paraît une évidence. Il faut cependant que les textes qui encadrent cette démarche permettent notamment aux élus locaux de poser, s’ils le souhaitent, la question du travail et de l’emploi. C’est l’objectif de cette PPL.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Cette proposition de loi, que je soutiens pleinement, répond à une réalité sociale et économique urgente. En effet, de nombreux travailleurs modestes ne parviennent plus à se loger dignement, exclus du parc privé par des loyers trop élevés. En intégrant les actifs parmi les publics prioritaires pour l’accès au logement social, la PPL renforce l’équité sociale et la vitalité économique de nos territoires. Que pensez-vous de l’idée de donner également priorité à ces personnes lors de la revente de ces logements sociaux ?
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Votre suggestion sort du cadre de la PPL, que nous avons voulue très courte et très ciblée. Toutefois, à titre personnel, je ne peux qu’abonder dans votre sens. Nous devons en effet renforcer le parcours résidentiel de tous nos concitoyens. Le logement social n’a pas vocation à être un logement à vie, mais il doit, au contraire, être proposé lorsqu’on en a besoin, au démarrage, pour mieux s’intégrer avant de progresser. Le meilleur moyen de donner à ces personnes accès à la propriété est précisément de leur proposer ces logements, comme j’ai eu l’occasion de le faire en tant que maire. Cette mesure est très appréciée.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cette PPL met encore plus en difficulté les ménages les plus pauvres, qui non seulement sont privés d’emploi, mais que l’on propose en outre de priver de logement. En résumé : vous avez du mal à trouver un emploi ? Vous aurez du mal à trouver un logement. Est-ce là notre perception de la solidarité nationale ?
Votre PPL ne s’attaque pas à la racine du problème, à savoir la pénurie de logements sociaux, mais elle attaque les personnes en recherche de logement, qui sont en situation de précarité. À la petite musique selon laquelle les pauvres sont responsables d’être pauvres et les malades d’être malades, vous ajoutez maintenant la culpabilité du non-logement : ce que vous proposez, c’est que celui qui n’a pas de logement soit seul responsable de sa situation. Vous ne répondez donc aucunement au problème de pénurie de logement social. Ce n’est pas en mettant les locataires en concurrence entre eux que l’on s’attaque à la pénurie de logements : il faut en construire.
Sous couvert de s’attaquer au problème du logement, cette proposition de loi envoie donc un signal fort, mais négatif : chômeurs, gare à vous, car si vous ne trouvez pas d’emploi, vous n’aurez pas droit à un logement !
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Le chômage ne figure pas aujourd’hui parmi les critères de priorité, et nous voulons simplement que les travailleurs ne soient pas exclus du logement social. Avec vous, le signal qui leur serait envoyé serait le suivant : vous avez le courage de trouver un travail, mais vous n’aurez pas de logement pour autant ! Ce n’est pas acceptable et nous le combattons. C’est tout l’esprit de cette PPL.
Article 1er (articles L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation) : Ajout des personnes « en activité professionnelle » à la liste des publics prioritaires pour l’attribution des logements sociaux
Amendements de suppression CE8 de M. Sébastien Delogu et CE16 de M. Boris Tavernier
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Ce texte met en concurrence les personnes précaires selon un critère stigmatisant celles qui sont privées d’emploi, notamment celles qui sont déjà surexposées au chômage, comme les moins diplômées, les personnes immigrées, les descendants d’immigrés, les jeunes ou les personnes âgées. L’amendement vise donc à supprimer cet article, honteux à tous points de vue et qui, loin de s’attaquer aux problèmes de notre parc social, véhicule sans complexe le fantasme cher à la droite selon lequel les chômeurs seraient privilégiés par rapport aux travailleurs.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je le répète, notre objectif n’est absolument pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de donner un coup de projecteur sur une situation inacceptable et intolérable : des familles dont les parents se lèvent le matin et font l’effort d’aller travailler n’ont pas accès au logement social. De fait, certaines commissions considèrent que la personne qui travaille, parce qu’elle a un revenu, est moins prioritaire que d’autres. Il faut laisser la liberté de donner, sur le terrain, la priorité aux travailleurs – terme qui, je le redis, désigne aussi bien les salariés que l’emploi public, les travailleurs à temps partiel que les indépendants ou les artisans finançant leur activité. Nous voulons valoriser ceux qui se mettent au travail : c’est tout l’esprit de cette PPL. Avis défavorable.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous convenons avec vous qu’il est lamentable que des personnes qui ont un travail ou qui n’en ont pas n’aient pas accès au logement. Nous pouvons également nous retrouver sur l’idée qu’il faut en finir avec le laxisme et l’angélisme envers ceux qui ne respectent pas la loi. Quand des maires vivent aux crochets d’autres maires méritants et décident sciemment – ils s’en vantent même – de ne pas construire de logements publics, ils brisent le pacte de solidarité nationale et il serait temps de les remettre dans l’ordre de la République. Le fait que 64 % des communes ne respectent pas les objectifs de la loi SRU est un problème. Souvent d’ailleurs, leurs maires appartiennent à votre famille politique.
Le Dalo est un droit qui doit être respecté, or 70 000 ménages sont reconnus éligibles à ce titre sans se voir pour autant proposer de logement. Il en va de même pour l’hébergement d’urgence : alors que l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que chacun doit avoir le droit à un hébergement, 350 000 personnes sont aujourd’hui à la rue.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il me semble qu’il fut un temps où le 1 % logement, prélevé sur la masse salariale des entreprises, permettait de gérer un parc de logements à loyers très modérés destinés aux travailleurs précaires. Ce dispositif semble avoir été fondu dans un mécanisme général qui en a fait disparaître la spécificité. J’aime revenir aux choses qui ont fonctionné à une époque : mieux vaudrait vous inspirer de la réglementation qui s’appliquait au 1 %.
Quant aux maires qui ne respecteraient pas la loi, je rappelle que, dans la ruralité, compte tenu des plans de prévention des risques d’inondation et d’incendie de forêt, le foncier disponible ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Par ailleurs, pour une commune pauvre, le logement social est une charge qui coûte plus cher qu’elle ne rapporte, car il ne produit pas de taxes foncières, tandis que la commune doit contribuer à l’accueil des enfants et installer des réseaux.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. L’esprit de la loi SRU mériterait un débat approfondi, mais je me concentrerai sur la PPL. On a vu la pertinence du 1 % patronal, qui apportait beaucoup et dont un grand nombre de communes ont bénéficié. Le dispositif avait néanmoins cette limite qu’il était réservé aux salariés et ne concernait donc ni l’emploi public, puisque les collectivités publiques ne cotisent pas, ni les indépendants, les autoentrepreneurs ou les intérimaires. Nous proposons donc de ne pas limiter le dispositif aux salariés, mais bien aux travailleurs, c’est-à-dire à ceux qui font le choix de se lever le matin pour avoir une activité professionnelle.
Mme Virginie Duby-Muller (DR). Je m’oppose à ces amendements qui remettraient totalement en cause l’esprit de la proposition de loi. Les travailleurs du secteur privé comme du secteur public ont du mal à accéder au logement social, et des gens qui travaillent dorment dans leur voiture, ce qui est inacceptable. Je soutiens donc la proposition de loi, qui va dans le bon sens pour combler un vide juridique.
Monsieur Piquemal, vous parlez de laxisme et d’angélisme, mais je rappelle que, lorsque nous avons voulu résoudre le problème des squatters, c’est plutôt vous qui aviez une vision angélique. Nous sommes encore confrontés à d’importantes difficultés et je tiens à saluer les évolutions législatives réalisées, mais vous prenez les choses à l’envers et créez des oppositions là où nous voulons soutenir les travailleurs dans leur parcours de logement.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je suis très mal à l’aise face à cette proposition de loi et aux propos opposant les ménages en position de fragilité et de précarité et les travailleurs. En effet, de très nombreux travailleurs sont en situation de fragilité et de précarité : ceux qui ont des horaires contraints, et qui sont d’ailleurs majoritairement des femmes, ont de petits salaires et sont donc déjà prioritaires au titre de leurs revenus, mais peuvent l’être également en tant que familles monoparentales ou à cause de situations de violences. Je ne comprends donc pas que votre texte, s’appliquant à toute personne qui travaille, ne fixe aucune priorité. De fait, toute personne qui travaille n’est pas prioritaire pour accéder à un logement social, puisque des niveaux de revenus et des critères de fragilité ont été définis. Je ne crois pas, en effet, qu’un cadre A doive être prioritaire par rapport à une aide-soignante. Vous vivez dans un monde où vous pensez que les travailleurs n’ont pas de problèmes. Or, le problème, c’est la précarité du travail.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je ne vis pas dans un monde où les travailleurs n’auraient aucun problème : tout l’objet de la PPL, c’est justement d’aider tous ceux qui, en France, travaillent mais n’arrivent pas à se loger dignement. Cela concerne donc tous les types de travailleurs – salariés, travailleurs à temps partiel ou ayant une activité professionnelle limitée – à condition qu’ils respectent les plafonds de revenus fixés par la loi, que nous n’entendons pas modifier. Or, par définition, le niveau de rémunération des cadres de catégorie A ne leur permet pas de prétendre à l’attribution d’un logement social.
Contrairement à ce que vous laissez entendre, mon groupe est parfaitement conscient des difficultés rencontrées par les travailleurs, et c’est précisément pour cette raison que nous avons déposé ce texte.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE4 et CE5 de Mme Sandrine Runel (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). Face à la pénurie de logements sociaux et aux très nombreux critères, les commissions d’attribution sont aujourd’hui à la peine. L’amendement CE4 vise donc à réformer les critères d’attribution, en concertation avec l’ensemble des acteurs – État, collectivités territoriales, bailleurs sociaux, associations de locataires.
Par ailleurs, il nous semble nécessaire d’actualiser et simplifier la liste des publics prioritaires dans l’attribution des logements locatifs sociaux. L’amendement CE5 prévoit donc que le Gouvernement évalue la pertinence de la liste actuelle, en concertation avec les acteurs du logement social.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Si votre volonté de rationaliser les critères est louable – et je suis tout prêt à ouvrir ce débat –, vos amendements, tels qu’ils sont rédigés, conduisent à priver de priorité certains publics, comme les personnes qui sortent d’une période de chômage de longue durée. C’est d’autant plus regrettable que l’objectif de la proposition de loi est, au contraire, d’étendre cette liste aux travailleurs en activité.
En outre, vous ciblez les « personnes vulnérables », un critère large et flou. Par exemple, les personnes sortant de la prostitution seraient-elles bien considérées comme un public prioritaire ? Cela semble aller de soi, mais ce n’est pas si évident au regard de la rédaction que vous avez retenue.
Vous rappelez – à juste titre – que de nombreuses personnes reconnues prioritaires au titre du Dalo ont un contrat de travail. C’est précisément ce qui me révolte : aujourd’hui, en France, travailler ne permet pas nécessairement de se loger. Cette situation doit tous nous interpeller, de l’Assemblée nationale au Gouvernement, en passant par les collectivités territoriales. Pour faire face à ce défi majeur, il faut absolument créer un critère supplémentaire permettant aux collectivités territoriales, dans une logique de décentralisation, de s’appuyer sur les critères les plus adaptés à leur territoire. Toutes les collectivités ne feront pas du travail une condition absolue, mais pour celles où c’est une question fondamentale, ce critère aura le mérite d’exister.
Avis défavorable.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je vous remercie pour cette réponse très claire, qui illustre toute l’inutilité du texte. Si vous maintenez bien les plafonds de ressource et les critères de priorité actuels, toutes les personnes reconnues prioritaires – au titre du Dalo, mais aussi familles monoparentales, femmes victimes de violence, personnes en situation de handicap – continueront de l’être – et je note qu’une partie de ce public travaille, d’ailleurs –, et les travailleurs qui ne répondent pas aux critères n’auront toujours pas accès au logement social. Autrement dit, ceux qui n’entrent pas dans les cases n’y entreront pas plus avec votre texte, et les publics qui peinent à accéder au logement, notamment en raison de la précarité de leur emploi, continueront à être prioritaires.
Je rappelle qu’Action logement procède déjà à des réservations pour les travailleurs : comme l’ont souligné mes collègues Boris Tavernier et Stéphane Peu, c’est cette voie d’accès qu’il faut renforcer.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Effectivement, votre réponse démontre l’inutilité de votre texte.
Ma question est restée sans réponse : comment fait-on pour trouver un travail quand on n’a pas de logement ? J’aimerais que vous me donniez le modus operandi.
Contrairement à notre collègue Duby-Muller, j’estime qu’il faut faire preuve de fermeté à l’égard des maires qui n’appliquent pas la loi SRU : la loi s’applique à tous, et pas seulement à certains quand cela vous arrange. Il faut en finir avec le laxisme et l’angélisme à l’égard de ceux qui brisent le pacte de solidarité nationale.
Avec ce texte, certains publics déjà précaires – souvent des femmes –, ne seront plus considérés comme prioritaires parce qu’ils ne travaillent pas, ce qui risque de les mettre davantage en difficulté encore. C’est le cas, par exemple, des chômeurs, ou des retraités qui ne touchent qu’une petite pension. Que proposez-vous pour ces derniers qui, par définition, ne retourneront pas à l’emploi ?
M. Frédéric Falcon (RN). Même si nous allons la soutenir, nous sommes un peu gênés par cette proposition de loi. Nous sommes tous favorables à la loi SRU – à l’exception notable de votre groupe, Monsieur le rapporteur, puisque ce sont surtout les maires DR qui font des pieds et des mains pour ne pas construire de logements sociaux. Or aujourd’hui, pour diverses raisons – crise du logement, manque de fonds et de foncier disponibles, notamment dans les territoires ruraux, depuis l’entrée en vigueur de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) –, on ne construit plus de logements sociaux, et on en est réduits à essayer de gérer la pénurie en hiérarchisant les publics. Cela doit nous interroger.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Vous avez raison : aujourd’hui, on se contente de gérer la pénurie. Néanmoins, le texte ne vise pas à opposer des catégories, seulement à s’assurer que ceux qui choisissent de travailler ne soient pas les grands oubliés de la politique du logement, en particulier du logement social.
Pour ma part, je ne suis pas du tout opposé à la loi SRU, et j’ai d’ailleurs construit des logements sociaux dans la commune dont j’ai été le maire pendant dix ans. Seulement, les critères de la loi SRU tiennent trop peu compte de spécificités locales et de leurs conséquences sur la capacité à construire ces logements – je pense notamment aux communes dont une partie du territoire est en zone inondable, ou exposée au risque incendie. Ce n’est pas parce qu’on propose de repenser des critères inadaptés de la loi SRU que l’on est nécessairement opposé au logement social.
Monsieur Piquemal, les retraités bénéficient d’un droit au maintien : c’est une richesse que nous devons défendre. Et même si c’est avec difficulté en raison de la pénurie, nous logeons bien des personnes avec des petites retraites. Encore une fois, il ne s’agit pas d’opposer les publics, seulement de veiller à ce que les travailleurs ne soient pas les grands oubliés.
Madame Chatelain, permettez-moi de répéter ce que j’ai expliqué au début des débats : les difficultés d’accès au logement ne touchent pas uniquement les salariés, et c’est pour cela que la politique d’Action logement et le 1 % patronal doivent être étendus à tous les travailleurs, qu’ils soient salariés ou non. Avec les critères actuels, nous risquons, demain, de voir certains publics exclus du logement social dans le cadre du nouveau système de cotation. Les élus locaux qui le souhaitent doivent avoir la possibilité, en lien avec les bailleurs et les services de l’État, de faire du travail un critère de priorité – pour loger les travailleurs dans les métiers en tension, par exemple. Je fais confiance aux élus locaux, c’est tout l’esprit de cette PPL.
La commission adopte l’amendement CE4 et l’article unique est ainsi rédigé.
En conséquence, l’amendement CE5 et l’amendement CE1 de M. Frédéric Falcon tombent.
Après l’article unique
Amendement CE17 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). Nous sommes favorables à cette proposition de loi, mais le texte nous semble incomplet. Cet amendement vise donc à introduire la préférence nationale dans les critères d’attribution prioritaire des logements sociaux.
La crise du logement touche de plus en plus durement nos concitoyens, et le nombre de ménages demandeurs de logements sociaux explose – 2,7 millions de familles sont concernées. Face à une crise aussi massive, la nationalité française doit être un critère de priorité dans l’attribution de logements sociaux. « Charité bien ordonnée commence par soi-même » : jamais un proverbe n’a été autant d’actualité. Sans une intervention immédiate de l’État pour subvenir aux besoins de nos compatriotes en les favorisant dans l’accès au logement social, nombre de Français se retrouveront sans logement.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Tout d’abord, votre amendement pose un problème de constitutionnalité. Il n’est pas possible de favoriser les Français, ne serait-ce que par rapport aux autres ressortissants européens.
Plus généralement, cette PPL ambitionne d’envoyer un signal d’encouragement à tous ceux qui se mettent au service du pays et choisissent de se lever le matin pour aller travailler, indépendamment de leur nationalité. Je citai tout à l’heure l’exemple du covid : croyez-moi, quand un de vos proches doit être soigné, vous êtes bien content que les professionnels de santé soient logés pas trop loin de l’hôpital, quelle que soit leur nationalité.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous sommes évidemment défavorables à cet amendement.
Je ne comprends pas la position de nos collègues du Rassemblement national en matière de logement. Nous, nous cherchons à loger tout le monde car nous considérons que c’est un droit humain inaliénable ; vous, vous ne voulez reloger que les Françaises et les Français – et encore : en réalité, vous voulez surtout que les ultrariches puissent spéculer sur le logement. Construire davantage de logements publics ? Vous êtes contre ! Encadrer les loyers ? Vous êtes contre ! Réguler Airbnb ? Vous êtes contre ! Vous êtes les grands tartuffes du logement pour toutes et tous. Vous êtes en voie de « ciotticisation » : vous êtes devenu un parti ultralibéral qui défend le système.
M. Frédéric Falcon (RN). Nous sommes le seul pays au monde à nier le rôle des flux migratoires dans la crise du logement. Même le Canada, pays dirigé par Justin Trudeau, un ami de M. Macron, vient de réduire d’un tiers le nombre de visas permanents délivrés, en raison du poids des flux migratoires dans la demande de logement.
Nous sommes simplement pragmatiques : les 500 000 nouveaux entrants en France chaque année pèsent sur la demande de logement, en particulier parce que leur structure familiale – ce sont souvent des familles nombreuses – et leur niveau de revenus les rendent souvent plus prioritaires que les Français – d’où notre proposition.
Il ne s’agit pas, Monsieur le rapporteur, de remonter dans l’arbre généalogique : on ne fait pas de distinction entre les Français. C’est parce que les Français ont cotisé bien avant les nouveaux entrants sur le territoire que nous proposons qu’ils soient prioritaires dans l’attribution de logements sociaux. On n’entre pas dans un pays d’accueil si on n’est pas solvable.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. L’objectif est de favoriser ceux qui sont au service de la France : les travailleurs sont une richesse pour notre pays, d’où qu’ils viennent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE2 de M. Frédéric Falcon
M. Frédéric Falcon (RN). La priorité nationale est aujourd’hui plébiscitée par 70 % des Français : quoi qu’il arrive, on y viendra, même si nous avons bien conscience que cela nécessitera une réforme constitutionnelle. Si les Français doivent être prioritaires dans l’attribution des logements, c’est tout simplement parce qu’ils ont cotisé avant les autres.
Par ailleurs, vos allusions aux origines des Français m’ont semblé particulièrement douteuses, Monsieur le rapporteur.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je ne crois pas avoir tenu de propos douteux, au contraire : j’ai simplement expliqué que je ne m’attachais pas à la nationalité de ceux qui se mettent au service de la France. Celui qui soigne nos concitoyens dans nos hôpitaux ou accompagne les enfants de nos écoles, s’il a choisi la France, qu’il l’aime et qu’il respecte ses règles et ses lois, peu importe qu’il ait la nationalité française ou pas. Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Et lorsque ce travailleur étranger n’a plus de travail, est-il autorisé à rester dans un logement du parc social qu’il a eu au titre de son travail, ou est-il sommé de déménager, Monsieur le rapporteur ?
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je ne répondrai pas à une telle provocation. Cette question est valable quels que soient les critères retenus. D’ailleurs, l’amendement suivant propose de renforcer les contrôles des bailleurs sociaux, afin de mieux détecter les éventuels abus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE11 de M. Frédéric Weber
M. Frédéric Weber (RN). Afin de garantir que les logements sociaux sont utilisés conformément à leur vocation première, cet amendement vise à instaurer des contrôles réguliers pour prévenir les abus tels que la sous-location illégale ou l’occupation injustifiée par des ménages ne remplissant plus les critères d’éligibilité.
Aujourd’hui, des millions de familles modestes et de travailleurs attendent un logement social, parfois pendant des années, alors que certains en profitent de manière indue. Sous-location illégale, fausses déclarations, occupation par des ménages non éligibles : non seulement ces dérives sont des injustices criantes, mais en plus, elles alimentent un sentiment d’abandon chez ceux qui se battent pour vivre dignement de leur travail.
Cet amendement tend à obliger les collectivités locales, en collaboration avec les bailleurs sociaux, à renforcer le suivi et la transparence dans la gestion des logements. En assurant un contrôle rigoureux, nous protégeons la justice sociale et offrons une réponse concrète aux travailleurs modestes, souvent pénalisés par le manque de rotation dans le parc social. C’est une mesure de bon sens, qui permettra de restaurer la confiance des Français dans l’attribution des logements sociaux, de renforcer l’efficacité de gestion de ces logements et de garantir une utilisation conforme à leur vocation sociale.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je suis un peu étonné de vous entendre défendre les travailleurs précaires, alors que vous avez laissé adopter un amendement de la gauche qui a justement vidé la PPL de sa substance ! Quel dommage que vous ne réagissiez que maintenant…
Je suis défavorable à votre proposition, qui oblige les communes à contrôler l’usage des logements sociaux : elles ont assez à faire sans devoir en plus enquêter sur ce qui se passe chez les bailleurs sociaux.
Reste que, comme mon expérience de maire me l’a malheureusement prouvé, il y a indéniablement des abus dans le parc social. L’enquête sociale diligentée par une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (Mous) dans le cadre d’une opération de démolition mise en œuvre dans la ville a mis en évidence des abus scandaleux dans environ 10 % du parc – sous-location, pied-à-terre de personnes qui ne vivent pas à Paris, utilisation des logements par des marchands de sommeil.
Il est donc nécessaire non seulement de renforcer les contrôles, mais aussi les sanctions, car aujourd’hui, des actes hautement répréhensibles ne sont punis que de l’arrêt du bail. Je pense qu’il faudrait aller plus loin. Quant aux familles dont les revenus ont augmenté et dépassent les plafonds, elles ne méritent pas une sanction : il faut simplement appliquer la loi. Le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables qui avait été préparé par Guillaume Kasbarian, alors ministre délégué du logement, prévoyait une mise à l’amende des bailleurs qui manqueraient à leurs obligations de contrôle.
Le débat sur ce sujet mérite d’avoir lieu, mais il ne me semble pas opportun de transférer cette charge aux communes. Partant, avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). C’est une mesure utile, attendue de nombreux maires. J’ai été administrateur d’un Office public de l’habitat (OPH), je sais qu’en guise de gestion, on met la poussière sous le tapis pour éviter de créer des problèmes dans certains programmes fonciers.
Dans certaines régions, les préfets ont la main sur les commissions d’attribution et se contentent de transférer les populations d’une commune à l’autre. Or les maires, qui ont à la fois une visibilité sur le flux en tant que membres des commissions d’attribution, et sur les demandes des habitants de leur commune, à travers l’action des centres communaux d’action sociale (CCAS), ont une vision très précise des besoins exprimés. Cet amendement leur permettrait de devenir l’aiguillon des opérateurs sociaux, et de les contraindre à contrôler la légitimité de l’occupation des logements au regard des critères d’attribution.
Si les maires avaient ce pouvoir, ils auraient probablement moins de récriminations. Il est dommage que vous ayez émis un avis défavorable à un amendement qui accroissait la justice sociale.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Tout à l’heure, vous estimiez que le logement public est une charge pour la société, et maintenant, vous parlez de justice sociale ! Voilà qui est paradoxal.
S’il constate qu’un logement du parc public est sous-loué, ce qui est strictement interdit, le bailleur peut tout à fait saisir le juge aux fins de résiliation du bail. Ce ne sont donc pas tant les logements sociaux que les résidences secondaires et les logements vacants dans le parc privé qui posent problème au regard de la crise du logement. Ces logements appartiennent à une poignée de multipropriétaires, de tout temps défendus par le Rassemblement national.
Je pense que nous sommes en train de passer à côté du sujet. Il faut construire massivement du logement public : chers collègues du Rassemblement national, êtes-vous pour ou contre ?
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Je précise que la sous-location est légale lorsqu’elle se fait au profit d’une personne handicapée, ou d’un étudiant lorsqu’elle est réalisée par une personne âgée dans un logement trop grand. Nous dénonçons toutes les sous-locations qui n’ont d’autre objectif que d’empocher illégalement le loyer d’un logement où l’on n’habite plus.
Je partage votre constat : certains maires seraient heureux de pouvoir dénoncer des irrégularités, ce qu’ils ne peuvent faire aujourd’hui faute de pouvoir accéder à certaines informations. Néanmoins, la rédaction de votre amendement ne me semble pas opportune, car le terme « veille » implique une obligation à charge des communes ; je serais en revanche favorable à ce qu’elles en aient la faculté. Aussi, je vous propose de retirer votre amendement et de le retravailler d’ici à l’examen en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement CE12 de M. Frédéric Weber
M. Frédéric Weber (RN). Les logements sociaux ont une vocation claire : offrir un toit à ceux qui en ont le plus besoin, dans un cadre digne et sécurisé. Pourtant, trop de quartiers sont aujourd’hui déstabilisés par des trafics de stupéfiants qui gangrènent la vie des familles et compromettent leur sécurité. Certaines municipalités ont déjà pris les devants et adopté des chartes locales permettant de refuser l’attribution de logements sociaux aux personnes condamnées pour trafic de drogue.
L’amendement vise à généraliser cette démarche de bon sens, en inscrivant dans la loi une exclusion temporaire de dix ans pour les individus ayant été condamnés définitivement pour ces infractions graves. Ce serait une réponse ferme aux comportements criminels, très attendue des habitants des quartiers populaires. Il est urgent de protéger les familles, les travailleurs modestes et les retraités, qui aspirent à vivre dans un cadre de vie paisible, loin des violences et des nuisances liées au narcotrafic.
Ce serait aussi un engagement envers les honnêtes citoyens, qui respectent les lois et méritent mieux que de subir chaque jour les conséquences de ces comportements criminels. Face aux dérives qui minent nos territoires, il est de notre responsabilité d’agir avec détermination.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Vous soulevez une question très importante. À titre personnel, je serais favorable à ce que les maires disposent d’un droit de veto en Caleol, car il est absolument intolérable, pour les honnêtes citoyens, que des familles expulsées pour trouble de jouissance puissent obtenir à nouveau un logement social. Ce débat mériterait d’être ouvert, mais ce n’est pas l’objet de la PPL. En outre, l’application du dispositif ne serait pas sans difficultés techniques, puisqu’elle implique que les Caleol aient accès au casier judiciaire des candidats. En cas de trouble de jouissance manifeste passé, on peut agir, mais comment faire pour les personnes qui déposent pour la première fois un dossier dans le parc social ? Au-delà du narcotrafic, la question se pose pour tous types de crime : veut-on vraiment donner un accès prioritaire au logement à un homme qui s’est rendu coupable de violences conjugales ? Il est libre de candidater à l’obtention d’un logement social, et la Caleol n’est pas nécessairement au courant de sa situation. Ces questions mériteraient d’être examinées par la représentation nationale.
Anticipant des difficultés d’application, j’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE6 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Afin de compenser la faible attractivité de certains métiers essentiels, cet amendement vise à inciter les maires à mobiliser leur contingent de réservation de logement social pour héberger les agents assurant des métiers de première ligne dans les collectivités locales, et pour lesquels elles rencontrent des difficultés de recrutement. Cela vaut pour la fonction publique hospitalière, la fonction publique territoriale, mais aussi la fonction publique d’État, qui connaît cette préoccupation avec les enseignants.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Votre intention est louable, mais le mécanisme en vertu duquel les maires pourraient récupérer des places sur le quota de réservations préfectoral me semble complexe. J’ajoute qu’en général, les maires ont plaisir à loger des agents sur leur quota. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE9 de Mme Ersilia Soudais
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Il vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport sur les discriminations, notamment raciales, qui existent dans le processus d’attribution des logements sociaux. Entre 2005 et 2018, le Défenseur des droits a reçu 4 198 réclamations liées au logement dénonçant des discriminations, majoritairement dans l’accès au logement. Plus précisément, 43 % réclamations reçues entre 2005 et 2014 concernaient le parc social. De plus, selon une étude publiée au mois de mars 2023, commandée par la Fondation Abbé Pierre, 22,6 % des guichets apportent des réponses différenciées à des demandes équivalentes formulées par deux candidates, dont les noms et prénoms suggèrent pour l’une une origine française et pour l’autre une origine d’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, la candidate présumée d’origine française est mieux accompagnée.
Monsieur le rapporteur, n’est-ce pas faire preuve du pragmatisme que vous revendiquez que de voir les choses telles qu’elles sont et d’admettre l’existence de pratiques discriminatoires plutôt que de tenter de les renforcer ?
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Vos propos seront entendus par tous les élus locaux, les bailleurs et les représentants des services de l’État siégeant dans une Caleol. Ils ont l’intérêt général et l’esprit de solidarité avec nos citoyens chevillés au corps. Ils savent désormais ce que vous pensez d’eux. C’est honteux ; visiblement, vous ne savez pas en quoi consiste ce travail puisque vous insultez la moralité de personnes qui sont au service de nos concitoyens. Une fois de plus, honte à vous.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que les invectives n’ont pas leur place dans cette commission.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Votre réponse me désole. Il n’est pas question de mettre en cause les personnes siégeant dans les conseils d’administration des bailleurs sociaux, mais plutôt de faire face à une réalité. Les discriminations selon l’origine et le lieu de vie supposé ou réel existent dans l’accès au logement. Par l’exemple, il est prouvé que l’office HLM Toulouse Métropole Habitat, qui s’appelait à l’époque Habitat Toulouse, s’est rendu coupable de discriminations raciales il y a quelques années. Ne nions pas ces réalités. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut trouver des solutions pour y remédier.
M. Hervé de Lépinau (RN). Dans le Vaucluse, le Var, les Bouches-du-Rhône, il existe des discriminations inverses.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE13 de M. Frédéric Weber
M. Frédéric Weber (RN). Les zones frontalières, notamment en Meurthe-et-Moselle, subissent des tensions immobilières importantes, accentuées par les écarts salariaux avec le Luxembourg. Cette situation crée une pression sur le parc de logements sociaux, rendant l’accès au logement difficile pour les travailleurs locaux, pourtant essentiels à la vie économique de ces territoires. En effet, la pression immobilière exacerbée par les écarts salariaux bloque l’accès des habitants à ces logements.
Ce ne sont pas seulement nos aînés qui sont concernés : de nombreux fonctionnaires, enseignants, infirmiers, travailleurs locaux doivent s’exiler à plusieurs dizaines de kilomètres pour se loger dans des zones plus abordables. Ils perdent un temps précieux dans leur trajet quotidien, au détriment de leur qualité de vie et de leur pouvoir d’achat.
Par cet amendement, il est demandé au Gouvernement de remettre un rapport pour analyser ces tensions immobilières, notamment dans le parc social. Ce rapport devra non seulement identifier les causes de ces déséquilibres, mais aussi proposer des solutions concrètes pour garantir notamment l’accès au logement des travailleurs locaux qui sont le poumon économique de ces territoires.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Dans les zones frontalières, les tensions sur le marché de l’immobilier, qu’il s’agisse du parc social ou du marché privé, sont bien connues. C’est le cas dans votre circonscription, située à la frontière avec le Luxembourg, mais aussi dans le Genevois français par exemple. Toutes les personnes confrontées aux écarts salariaux avec le pays frontalier se trouvent dans cette situation. Étant donné que celle-ci est connue de tous, un rapport ne changera pas les choses. Néanmoins, la question se pose. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE14 de M. Frédéric Weber
M. Frédéric Weber (RN). Il a pour objet de rétablir la transparence et l’équité dans l’attribution de logements aux familles qui rencontrent de réelles difficultés pour se loger. Des témoignages poignants révèlent que des familles éligibles, des parents isolés ou des travailleurs modestes sont inscrits sur des listes d’attente interminables et sont victimes des failles d’un système parfois mal contrôlé. Les dérives de ce dispositif, censé incarner la solidarité et l’aide aux plus précaires, sont inacceptables.
L’amendement vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport détaillé qui permettra d’évaluer l’ampleur des fraudes et d’analyser les faiblesses du dispositif. Il est impératif de veiller à la bonne gestion des logements sociaux qui ne doivent pas faire l’objet de détournement par des individus ou des pratiques contraires à leur vocation. Ce détournement nuit directement à ceux pour qui ces logements sont conçus, à savoir les ménages modestes et les travailleurs.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. Il existe des abus et des fraudes manifestes. Ce rapport est-il nécessaire dans la mesure où les bailleurs sociaux, les préfets et plusieurs organismes disposent des statistiques ? Néanmoins, la question se pose également. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
M. Vincent Jeanbrun, rapporteur. En conclusion de nos débats, je demande aux collègues raisonnables de rejeter la proposition de loi ainsi amendée. Elle a été détournée de son objet, à savoir favoriser les travailleurs. L’amendement de réécriture globale de l’article unique qui a été adopté exclut de la liste prioritaire les chômeurs de longue durée qui font l’effort de retrouver un travail, ce qui est regrettable.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
Information relative à la commission
La commission a nommé :
- M. Charles Fournier, rapporteur sur la proposition de loi d’expérimentation vers l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation (n° 386) ;
- M. Charles Rodwell, rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France (n° 787 rectifié).
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 29 janvier 2025 à 10 heures
Présents. - M. Laurent Alexandre, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Antoine Armand, M. Christophe Barthès, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Philippe Bolo, M. Stéphane Buchou, Mme Cyrielle Chatelain, M. Sébastien Delogu, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, M. Vincent Jeanbrun, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Stéphane Peu, M. René Pilato, M. Richard Ramos, M. Charles Rodwell, Mme Valérie Rossi, Mme Ersilia Soudais, M. Jean-Pierre Taite, M. Matthias Tavel, M. Boris Tavernier, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber
Excusés. - M. André Chassaigne, M. Harold Huwart, M. Max Mathiasin
Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Boccaletti, Mme Manon Meunier, M. François Piquemal, Mme Sandrine Runel