Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement (n° 1173) (M. Ludovic Mendes, rapporteur) 2
Mardi 1er avril 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 77
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement (n° 1173) (M. Ludovic Mendes, rapporteur).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, très ciblée, a trait à l’avenir des dernières centrales à charbon en activité sur le territoire français, à savoir Saint-Avold (Moselle) et Cordemais (Loire-Atlantique). Il s’agit d’encourager la conversion de ces installations vers des modes de production d’énergie plus propres, en maintenant le bénéfice du mécanisme de capacité prévu dans le code de l’énergie. Ce dispositif garantit la sécurité de notre approvisionnement en électricité en incitant, par des soutiens financiers, les producteurs à assurer la disponibilité de leurs capacités de production lors des pics de consommation.
Le Président de la République a promis la « fin du charbon » à plusieurs reprises : en 2017, en 2022, puis en 2023 pour 2027. Il est donc plus que temps de s’y employer.
Adopté le 25 mars par le Sénat, le texte, composé initialement de deux articles, en comporte désormais quatre.
L’article 1er permet à une installation de production d’électricité qui utilise du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux et émet plus de 550 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par kilowattheure d’être éligible au mécanisme de capacité lorsqu’elle est convertie pour atteindre un niveau d’émissions inférieur à ce seuil de 550 grammes.
L’article 2 simplifie le régime d’autorisation d’exploiter pour les installations converties.
Quant aux articles 3 et 4, ils ont trait respectivement à l’entrée en vigueur de la loi et à l’obligation faite à EDF de présenter, d’ici la fin 2026, un plan de conversion de la centrale à charbon de Cordemais en une installation de production moins polluante.
Sur cette proposition de loi, aucun amendement n’a été jugé irrecevable ; la commission est saisie de quatre amendements.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission pour l’examen de la proposition de loi visant à faciliter la conversion de la centrale à charbon de Saint-Avold en une centrale fonctionnant avec du gaz naturel et du biogaz, qui me tient particulièrement à cœur en tant que député de la Moselle.
La centrale Émile Huchet de Saint-Avold est en effet un marqueur fort du territoire. Elle est l’outil de travail de salariés qui sont, pour certains, des enfants ou des petits-enfants de mineurs. Si la fermeture des centrales à charbon est nécessaire pour atteindre nos objectifs de politique énergétique et lutter contre le réchauffement climatique, elle n’est pas sans conséquences pour le territoire, l’exploitant et les salariés et doit se faire dans un esprit de justice sociale.
Le parcours de sortie de la production d’électricité à partir de charbon n’a pas été simple. En 2017, le Président de la République a annoncé la fermeture des quatre dernières centrales à charbon situées en France métropolitaine. Cet engagement s’est traduit par l’adoption de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui prévoit également des dispositifs d’accompagnement spécifiques pour les salariés concernés par la fermeture de ces centrales.
Deux des quatre centrales à charbon ont bien été fermées en 2021 : celle du Havre, exploitée par EDF, et celle de Gardanne, exploitée par GazelEnergie. En revanche, la centrale EDF de Cordemais et la centrale GazelEnergie de Saint-Avold ont été contraintes de prolonger leur activité : l’irruption de la crise énergétique, liée principalement à la guerre russe en Ukraine et à la faible disponibilité de notre parc nucléaire en 2022, l’avait rendu indispensable pour éviter de mettre à mal notre sécurité d’approvisionnement en électricité. Nous avons donc adopté, dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, des dispositions permettant le maintien en activité de ces centrales en cas de menace sur cette sécurité. La centrale de Saint-Avold devant fermer la même année, ses anciens salariés ont été rappelés et sont revenus travailler.
S’agissant de la centrale de Cordemais, dont le maintien en activité était alors jugé nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement du grand Ouest, deux projets successifs de conversion à la biomasse, nommés « Écocombust », ont été étudiés. Mais, en définitive, EDF a annoncé, à l’automne dernier, son intention de fermer cette centrale d’ici à 2027 et d’installer sur le site une usine Framatome de fabrication de tuyaux nucléaires pour les réacteurs de type EPR 2.
La France s’est engagée à sortir totalement du charbon d’ici 2027, comme en attestent le Plan national intégré énergie-climat transmis à la Commission européenne et le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Depuis l’annonce de la fermeture de la centrale de Saint-Avold, l’exploitant, les salariés et les différents acteurs du territoire n’ont pas ménagé leurs efforts pour trouver le meilleur projet possible pour l’avenir du site. Une solution consensuelle a fini par émerger : la conversion au gaz, avec l’objectif d’utiliser au maximum le biogaz. Techniquement, ce projet est aisé à réaliser et permet d’optimiser la durée de vie résiduelle des équipements. Il permettra de disposer d’un moyen de production pilotable qui apporte de la flexibilité au réseau électrique et contribue donc à garantir la sécurité d’approvisionnement.
Bien entendu, la fermeture d’une unité de production fonctionnant au charbon pour lui substituer du gaz permet de réduire les émissions de manière considérable. Ainsi, les émissions de dioxyde de carbone passeront d’environ 870 à 535 kilogrammes par mégawattheure. Une étude commandée par l’exploitant démontre qu’un mix composé de 40 % de gaz naturel et de 60 % de biométhane permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 70 %.
Par ailleurs, le groupe 6 du site Émile Huchet aurait vocation à fonctionner de manière ponctuelle, quelques centaines d’heures par an, pour garantir la sécurité d’approvisionnement dans le cadre du mécanisme de capacité.
En effet, le modèle de financement de la conversion de cette centrale repose sur sa participation à ce mécanisme, lequel permet de rémunérer des moyens de production, de stockage ou d’effacement d’électricité en contrepartie de leur disponibilité. Le mécanisme de capacité est indispensable pour assurer la sécurité de notre approvisionnement en permettant à des moyens de production qui contribuent à la garantir de maintenir une activité dont les mécanismes classiques de marché ne suffisent pas à assurer l’équilibre économique.
Pour que la centrale de Saint-Avold convertie au gaz puisse être, d’une part, autorisée à fonctionner, et, d’autre part, éligible au mécanisme de capacité, il est nécessaire de modifier la loi.
Pour cela, l’article 1er du présent texte permet de garantir le caractère « nouveau » de la production et de l’installation convertie au gaz. Le caractère nouveau de l’installation permettra à la centrale d’être éligible à un financement pluriannuel dans le cadre du mécanisme de capacité, ce dernier étant réservé aux nouvelles installations de production. Un financement pluriannuel a le mérite de donner de la visibilité à l’exploitant en lui garantissant un revenu stable sur plusieurs années.
Ce caractère nouveau de la production est explicité afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté quant à l’éligibilité de la centrale au mécanisme de capacité dans son ensemble. Celui-ci n’est, en effet, pas accessible à une installation de production qui émet plus de 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure, ce qui est le cas de la centrale de Saint-Avold avant sa conversion au gaz. En précisant que la date de début de la production commerciale correspond à celle de la nouvelle autorisation d’exploiter délivrée pour un fonctionnement au gaz, on garantit que ce n’est pas la date de début de la production commerciale de la centrale au charbon qui trouve à s’appliquer.
L’article 2 précise que la sélection de la centrale au titre du mécanisme de capacité tient lieu d’autorisation d’exploiter. Autrement dit, si la centrale n’est pas sélectionnée pour participer au mécanisme de capacité, elle ne pourra pas obtenir cette autorisation.
Cet article permet également la délivrance de l’autorisation d’exploiter pour la centrale convertie au gaz. En effet, le décret fixant la programmation pluriannuelle de l’énergie actuellement en vigueur interdit de délivrer une nouvelle autorisation d’exploiter pour les centrales fonctionnant à partir de combustibles fossiles. Seule la loi permet donc de déroger à cette interdiction et elle le fait ici de manière strictement encadrée. Je tiens à rappeler qu’il s’agit, non pas de construire une nouvelle centrale à gaz, mais bien de convertir une centrale à charbon en un outil de production moins polluant.
Le Sénat a apporté plusieurs modifications à la proposition de loi, qui ont permis de circonscrire le champ d’application du texte et de répondre aux attentes de certains de nos collègues députés et sénateurs sur l’avenir de la centrale de Cordemais. Je salue ce travail qui a permis de parvenir à un texte équilibré.
Sur les deux articles initiaux du texte, le Sénat a apporté trois modifications d’importance.
Premièrement, il a précisé que leurs dispositions ne s’appliquent qu’aux centrales existantes au 1er janvier 2025 et non aux nouvelles centrales.
Deuxièmement, il a précisé que seules les centrales utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux et converties pour atteindre un niveau d’émissions de CO2 inférieur à 550 grammes par kilowattheure sont concernées par les dispositions de la loi. Cela permet notamment d’exclure du mécanisme les turbines à combustion au fioul ou au gaz. L’objet du texte doit rester celui pour lequel il a été initialement conçu, à savoir encourager la conversion de nos outils de production les plus polluants en prévenant tout effet d’aubaine. La mention de la tourbe et du schiste bitumineux vise simplement à garantir la neutralité technologique du dispositif dans sa rédaction, notamment vis-à-vis du droit européen, étant précisé qu’il n’existe pas de centrale fonctionnant à la tourbe ou aux schistes bitumineux en France.
Troisièmement, le Sénat a précisé, à l’article 2, que la sélection au titre du mécanisme de capacité, si elle tient lieu d’autorisation d’exploiter, ne vaut pas attribution de l’autorisation environnementale, ce qui permet de rassurer chacun quant au fait que le dossier sera instruit comme tout autre au regard des dispositions du droit de l’environnement.
Le Sénat a, par ailleurs, ajouté un article 3 qui précise utilement les modalités d’entrée en vigueur des deux premiers articles de la proposition de loi. Le mécanisme de capacité vient tout juste d’être réformé par la loi de finances pour 2025 et doit être notifié à la Commission européenne au titre des aides d’État. La présente proposition de loi ne pourra donc entrer en vigueur qu’une fois que la Commission se sera prononcée sur la validité de ce mécanisme, sachant que les premières enchères sont prévues pour courant 2 026.
Enfin, le Sénat a ajouté, à l’initiative des élus de la Loire-Atlantique, un article 4 qui concerne spécifiquement la centrale de Cordemais. Cet article oblige son exploitant (EDF) à présenter, d’ici la fin 2026, un plan de conversion de la centrale à un procédé de production d’énergie moins polluant. Cet article traduit la volonté forte de ses auteurs de préserver la vocation énergétique du site de Cordemais, étant entendu qu’EDF est tenue de présenter ce projet mais en aucun cas de le réaliser.
Pour conclure, je souhaite que cette proposition de loi puisse aboutir dans les meilleurs délais, pour sécuriser enfin l’avenir de la centrale de Saint-Avold et celui de ses salariés, mais aussi permettre à d’autres projets industriels de se développer autour du site. Nous avons auditionné les élus locaux, le préfet du département, les organisations syndicales et l’exploitant : tous appuient le projet. Il a également le plein soutien du ministre Marc Ferracci, qui l’a exprimé en séance publique, au Sénat, la semaine dernière.
Cette proposition de loi permet de sécuriser juridiquement la conversion de la centrale Émile Huchet. Il appartient désormais à l’exploitant de tout mettre en œuvre pour assurer la réussite de ce projet. Je ne doute pas de la mobilisation de l’ensemble des acteurs du territoire en ce sens. La centaine de salariés et l’ensemble des sous-traitants du site ont besoin de cet avenir.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous allons à présent entendre les orateurs des groupes.
M. Alexandre Loubet (RN). Enfin, la centrale de Saint-Avold va être sauvée ! Depuis 2022 et mon élection en tant que député de la circonscription, je me bats pour que cette centrale à charbon soit convertie pour fonctionner grâce à une énergie émettant moins de CO2 et ce, afin de pérenniser le site et ses emplois. Depuis ces trois ans, des centaines de travailleurs, salariés et sous-traitants vivent dans l’attente angoissante de savoir ce qu’il adviendra du site. Je tiens à saluer leur dignité face au mépris affiché par nos dirigeants.
Depuis 2022, j’ai multiplié les initiatives, interpellant les Premiers ministres et les ministres de l’énergie successifs : chacun d’eux a refusé la conversion de la centrale de Saint-Avold. Je me réjouis donc que la mobilisation de quelques élus mosellans, de différents partis politiques, et l’engagement du Rassemblement national aient abouti au dépôt de cette proposition de loi transpartisane.
La conversion de la centrale à charbon est nécessaire pour sauver des centaines d’emplois, directs et indirects, pour sauvegarder le patrimoine et le dynamisme économiques du territoire, pour décarboner notre production d’électricité et pour conforter notre souveraineté énergétique, car il y va de la sécurité de l’approvisionnement électrique de notre pays.
Conformément aux engagements que j’ai pris devant les salariés dès 2022, réitérés lors de ma réélection au premier tour des élections de 2024, et conformément, aussi, à ceux pris par Jordan Bardella lorsqu’il s’est rendu sur le site de Saint-Avold – où il a partagé un barbecue très convivial avec les salariés – le Rassemblement national soutiendra ce texte sans ambiguïté. J’en appelle à la responsabilité de tous les groupes pour que nous votions un texte conforme à la version adoptée par le Sénat.
Enfin, je me réjouis que nous incitions EDF à convertir la centrale de Cordemais : pour réindustrialiser la France et assurer la sécurité de notre approvisionnement électrique, nous avons besoin du plus grand nombre possible d’unités de production électrique.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. L’ensemble du territoire s’est mobilisé : à preuve, la proposition de loi analogue à celle du Sénat, qui avait été déposée à l’Assemblée nationale, a été signée par nos collègues Belkhir Belhaddad, Fabien Di Filippo, Nathalie Colin-Oesterlé et Isabelle Rauch. Vous, vous avez beaucoup parlé, mais vous n’avez pas déposé de proposition de loi… même si, comme nous, vous avez défendu, sans succès, un amendement au projet de loi de finances.
Vous avez raison sur un point : l’ensemble du territoire mosellan, dont le tissu industriel est important et dont la culture doit être valorisée, a besoin de la conversion de la centrale de Saint-Avold. L’enjeu est tel qu’il mérite que nous dépassions les clivages politiques. Je me permets d’ajouter que le barbecue que vous avez évoqué n’était pas organisé par monsieur Bardella, mais par les syndicats de salariés – et que celui-ci s’y est invité.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). La loi « Énergie-climat » de 2019 avait fixé pour objectif la fin du recours aux quatre dernières centrales à charbon. Toutefois, la crise énergétique de 2022-2023 a changé la donne : il a fallu s’adapter afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France. Dans ce contexte, les centrales de Gardanne et du Havre ont été fermées en 2021, tandis que les deux autres, Cordemais et Saint-Avold, étaient maintenues.
Ces modifications de calendrier n’ont pas été sans conséquences pour les exploitants et les salariés. À Saint-Avold, les salariés licenciés ont été réembauchés, mais leurs contrats de travail n’ont été prolongés que jusqu’à août 2025, ce qui les place dans une situation incertaine que notre groupe juge inacceptable.
Le maintien en activité des centrales à charbon de Cordemais et de Saint-Avold n’étant plus nécessaire pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays, la programmation pluriannuelle de l'énergie en cours d’examen prévoit de mettre fin à la production d’électricité à partir de charbon d’ici 2 027. Or nous ne pouvons pas laisser les travailleurs de ces centrales sans solution. Le projet de conversion de la centrale Émile Huchet de Saint-Avold en une installation fonctionnant au gaz est donc évidemment bienvenu. La centrale devrait ainsi fonctionner à l’aide d’un mix de gaz naturel et de biogaz – en espérant que la part de ce dernier augmentera progressivement – qui permettra de réduire de plus d’un tiers ses émissions de CO2.
Notre groupe soutient l’adoption conforme de la proposition de loi qui vise à sécuriser le projet de reconversion envisagé, que nous jugeons particulièrement pertinent en ce qu’il permettra notamment d’augmenter la production de biogaz.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Merci de votre soutien. Nous avons en effet besoin que le texte soit adopté conforme pour qu’il puisse s’appliquer le plus rapidement possible et que la centrale puisse participer, après validation par la Commission européenne, au mécanisme de capacité.
Je rappelle que l’activité de la centrale de Saint-Avold mobilise cent vingt salariés de GazelEnergie, que cent cinquante sous-traitants travaillent sur le site et qu’on compte au total cinq cents emplois induits. L’intérêt de cette proposition de loi est donc grand. Certes, son objet est particulier, mais il n’était pas possible de convertir la centrale en un site de production utilisant à hauteur de 60 % du biogaz sans recourir à un tel texte. Nous avons tenté de déposer un amendement au projet de loi de finances, mais il n’a pas prospéré.
J’ajoute que le site Émile Huchet se prête à une transition rapide et facile : un gazoduc traverse l’installation et les buses actuellement utilisées pour propulser le charbon dans la centrale peuvent être adaptées à l’injection de gaz.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Qui aurait pu prédire que la fin des centrales électriques à charbon soulèverait quelques questions et qu’il aurait fallu l’anticiper ?
Si nous examinons cette proposition de loi, c’est parce que rien n’avait été prévu par la Macronie. Le Président de la République n’a pas été capable de tenir son engagement de fermer les centrales à charbon pendant son premier quinquennat, ni celui, pris en 2023 à la télévision, de convertir celles de Saint-Avold et de Cordemais à l’utilisation de la biomasse.
EDF a même profité, en septembre dernier, de l’absence de Gouvernement pour annoncer l’abandon du projet Écocombust à Cordemais et la fermeture « sèche » de la centrale en 2027, sans avoir jamais proposé le moindre projet de conversion – le seul qui était sur la table avait été élaboré à l’initiative des salariés et des organisations syndicales. La situation de Saint-Avold était encore pire, puisque la centrale, qui avait été fermée, a été rouverte et les salariés licenciés réembauchés en catastrophe. Qui aurait pu le prédire ?
Si nous examinons ce texte, c’est aussi parce que la Macronie a fait l’impasse sur la planification énergétique. Aucune planification de la sortie du charbon, aucune loi de programmation sur l’énergie et le climat (alors qu’elle aurait dû être adoptée avant juillet 2023), aucune légitimité démocratique pour la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit être publiée par décret avec deux ans de retard… Le résultat, nous l’avons sous les yeux : la France est en retard sur ses objectifs de développement des énergies renouvelables, sur la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre et, bien entendu, sur l’accompagnement des salariés et la conversion des moyens de production.
La présente proposition de loi est donc une sorte de session de rattrapage des dégâts macronistes.
Il y a urgence : urgence à planifier la sortie du charbon et la conversion des centrales pour décarboner la production d’électricité ; urgence à maintenir nos capacités de production d’électricité pilotable non nucléaire pour garantir la sécurité de notre approvisionnement, réussir le déploiement des renouvelables et agir plus fortement en faveur de l’électrification massive dont le pays a besoin face à l’urgence climatique ; urgence enfin à respecter les salariés de Saint-Avold et de Cordemais, si maltraités ces dernières années et légitimement inquiets pour leurs emplois.
Pour ces différentes raisons, nous soutiendrons ce texte transpartisan dont nous souhaitons l’adoption conforme – il n’est pas parfait, mais trop de temps a été perdu. Je remercie d’ailleurs mes collègues sénateurs de gauche de Loire-Atlantique ainsi que M. Fabien Gay, sénateur communiste, d’avoir défendu l’ajout de l’article 4, malgré la tentative du Gouvernement de s’y opposer. Nous y sommes très attachés, car il serait inconcevable que les salariés de Cordemais ne soient pas traités à égalité avec ceux de Saint-Avold et, surtout, qu’une entreprise détenue à 100 % par l’État soit oubliée par un texte qui déroule le tapis rouge à la conversion d’une centrale détenue par un milliardaire tchèque.
Nous sommes solidaires des salariés des deux sites, car, partout, c’est en écoutant les salariés que l’on peut concevoir de beaux projets alliant urgence écologique et exigence sociale.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. S’agissant de Cordemais, EDF a annoncé la fermeture de la centrale et son remplacement par une usine de Framatome, qui appartient au même groupe et devrait employer deux cents personnes. Les personnels de la centrale ont un statut qui les protège. Ils ne seront donc pas licenciés : certains partiront à la retraite, d’autres se verront proposer une reconversion.
Par ailleurs, je rappelle que la conduite de gaz la plus proche de la centrale est à plus de quarante kilomètres et qu’en raison de la nature du terrain, celle-ci ne peut pas être desservie par un gazoduc. Quant au projet Écocombust, qui consistait à produire des pellets, il aurait entraîné une perte de 1,5 milliard d’euros pour EDF, qui a donc exploré d’autres voies.
S’agissant de Saint-Avold, vous vous trompez : les salariés de la centrale démis de leurs fonctions avaient été reclassés ou, pour certains, étaient partis à la retraite. Quant à l’autre partie de la centrale, elle a été rachetée par Total, fonctionne au gaz et intervient sur un marché plus capitalistique que celui dont il est question ici.
M. Karim Benbrahim (SOC). La transition énergétique doit tenir compte de plusieurs enjeux : la sobriété énergétique, la diversification du mix énergétique, l’accompagnement social des transitions, la souveraineté énergétique et industrielle, l’efficacité économique et la sécurisation de notre approvisionnement énergétique. C’est pour atteindre ces objectifs que les centrales à charbon doivent entamer leur transition vers des moyens de production moins émetteurs de carbone.
La France a besoin de moyens de production de pointe pour garantir la sécurité de son approvisionnement électrique. En leur offrant de la visibilité sur leur financement, grâce à la rémunération pluriannuelle liée au mécanisme de capacité, et en garantissant l’autorisation de leur mise en exploitation, les trois premiers articles de la proposition de loi créent le cadre législatif qui permettra aux centrales à charbon de réaliser leur transition écologique.
Le 24 septembre 2023, le Président de la République prenait l’engagement de convertir à la biomasse le site de Cordemais en menant à bien le projet Écocombust, qui avait été impulsé par les salariés du site. Un an plus tard, cette promesse présidentielle était enterrée. Or, sans projet de conversion, ce site serait condamné à la fermeture en 2027 et cinq cents emplois directs seraient supprimés. Pourtant, le site de Cordemais dispose d’atouts stratégiques pour conserver sa vocation énergétique : des infrastructures, un tissu industriel opérationnel, des compétences humaines reconnues et la proximité du réseau électrique et de la Loire. L’article 4 impose donc à EDF de présenter un plan de conversion qui permettrait à la centrale de conserver sa fonction de production d’énergie électrique.
La dégradation du contexte géopolitique et les risques qu’elle fait peser sur les prix de l’énergie et la sécurité de notre approvisionnement énergétique doivent nous inciter à la plus grande vigilance. Ces risques sont d’autant plus grands que nous ne sommes pas à l’abri d’un retard sur le calendrier de construction des nouvelles installations de production. Ainsi, l’Élysée a annoncé, il y a deux semaines, un premier retard de trois ans dans la mise en service de l’EPR 2.
L’estuaire de la Loire, dont l’activité repose largement sur une économie carbonée, doit réaliser sa transition énergétique et le site de Cordemais a tous les atouts pour y contribuer. Biomasse, hydrogène, couplage à la production éolienne offshore : les opportunités sont multiples. Abandonner ce site ne permettrait pas de réussir la transition écologique, qui doit allier enjeux environnementaux, sociétaux, industriels et énergétiques.
Pour ces différentes raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera pour la proposition de loi.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Du fait de la mise en service de l’EPR de Flamanville et de l’apport du parc éolien, la fermeture du site de Cordemais par EDF présente moins de risques pour notre approvisionnement en électricité qu’il y a deux ans. Nous pouvons néanmoins débattre de ce choix. Du reste, l’article 4 de la proposition de loi impose à EDF de proposer un plan de conversion. Mais je rappelle que si l’entreprise a renoncé au projet Écocombust, c’est parce qu’il entraînerait pour elle une perte de 1,5 milliard d’euros. La situation de la centrale de Saint-Avold est différente. Certes, une centrale nucléaire – celle de Cattenom – est implantée à proximité. Mais la centrale Émile Huchet, qui se trouve à cinq kilomètres de la frontière avec l’Allemagne, peut aussi avoir des débouchés sur le marché de capacité allemand. En tout cas, je vous remercie du soutien que vous apportez à la proposition de loi.
M. Jérôme Nury (DR). « Rien que le nom m’amuse. », disait Coluche. Pour ce qui me concerne, rien que le titre de la proposition de loi m’amuse – en tout cas, m’interpelle. Sa longueur et son caractère alambiqué, qui permet de donner des gages à tout l’éventail politique de l’Assemblée, frisent le ridicule. Le bon sens normand aurait conduit à l’intituler plutôt : « Proposition de loi visant à obliger EDF à reconvertir ses centrales à charbon ».
Sur le fond, comment être contre ce texte ? Nous sommes nombreux à demander depuis longtemps à EDF d’anticiper l’abandon des dernières centrales à charbon et de veiller à faire évoluer leur technologie vers un mode de production plus propre et moins carboné. Mais il est essentiel de conserver un processus qui garantisse une production d’électricité immédiate et pilotable. Le développement à marche forcée des énergies renouvelables rend de plus en plus nécessaires des centrales qui soient à même d’en prendre immédiatement le relais lorsqu’il n’y a pas de vent ou que le soleil est en berne.
Par ailleurs, en Moselle comme en Loire-Atlantique, ces centrales contribuent à l’emploi et à des dynamiques industrielles qu’il faut préserver. Pour le respect de ces territoires, des salariés et des habitants, il faut graver dans le marbre de la loi la reconversion de ces sites et non leur fermeture pure et simple. L’enjeu est local, mais aussi national. C’est pourquoi nous soutiendrons la proposition de loi.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Merci de votre soutien à la proposition de loi, qui, du reste, a été cosignée par votre collègue Fabien Di Filippo. Je rappelle que Saint-Avold est exploitée par GazelEnergie, et non par EDF. Quant à l’intitulé du texte, il a été choisi par vos collègues sénateurs.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous ne nous opposerons pas à cette proposition de loi, ne serait-ce que pour éviter aux salariés d’être licenciés après avoir été réembauchés ; mais nous émettons plusieurs réserves.
Tout d’abord, elle reflète un invraisemblable manque d’anticipation de la sortie des centrales à charbon, une véritable incapacité à penser la transition. Ensuite, les choix effectués pour la conversion ont de quoi inquiéter : le recours à 60 % au biogaz, dont la destination première est la production de chaleur et non d’électricité, pose un problème de durabilité ; quant à la mobilisation à hauteur de 40 % du gaz naturel – dont rien ne dit que ce ne sera qu’une étape –, elle met en évidence nos difficultés à sortir des énergies fossiles. Ce sont des faiblesses majeures du dispositif. Enfin, peut-on faire confiance à M. Křetínský pour poursuivre des ambitions en matière de transition énergétique, alors qu’il a essentiellement investi dans le charbon ?
Cette belle unanimité autour de l’urgence de sauver cette centrale ne doit pas faire oublier la nécessité de travailler sur d’autres projets autour du site, notamment pour la sauvegarde de la biodiversité. Les salariés en sont bien conscients ; GazelEnergie est-il prêt à les soutenir financièrement ? Plusieurs conditions sont à remplir pour assurer une réelle transition écologique et sociale et j’ai déposé plusieurs amendements pour le rappeler.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. À l’évidence, ce texte n’apportera aucune garantie si GazelEnergie n’investit pas. Nous serons nombreux ici à faire pression pour que le plan d’investissement, de l’ordre de soixante-dix à cent millions d’euros, qui a été évoqué soit déployé le plus rapidement possible.
Cette proposition de loi, en plaçant la conversion dans le cadre du nouveau mécanisme de capacité, entend dessiner un avenir plus serein aux salariés. La logique privilégiée est celle d’une transition globale du territoire – grâce notamment à des projets portant sur l’hydrogène et l’énergie verte – au-delà de la conversion de la centrale elle-même, qui est appelée à tourner de manière exceptionnelle (à peine une centaine d’heures par an). Nous pouvons toutefois déjà saluer la transition qui va s’opérer.
M. Philippe Bolo (Dem). Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie en cours de consultation prévoit la conversion des deux dernières centrales à charbon d’ici 2027. Cette transition était initialement prévue pour 2022, date à laquelle la loi « Énergie-climat », qui imposait un plafond d’émissions de CO2 aux installations produisant de l’électricité à partir de combustibles fossiles, prévoyait la mise à l’arrêt des quatre dernières centrales à charbon du pays. La crise des prix de l’électricité, puis l’inflation, ont contrarié cette ambition, ce qui a contraint notre assemblée à légiférer pour maintenir deux centrales à charbon en activité afin de garantir la sécurité d’approvisionnement énergétique du pays.
La présente proposition de loi poursuit un double objectif : lier la conversion des centrales à charbon au mécanisme de capacité qui permet à Réseau de transport d’électricité (RTE) de rémunérer les exploitants de capacités de production, de stockage ou d’effacement de consommation d’électricité en contrepartie d’engagements de disponibilité ; et renforcer l’assise légale des projets de conversion. Sa version initiale comportait deux articles essentiels : l’article 1er facilite l’éligibilité des centrales à charbon converties au mécanisme de capacité ; l’article 2 regroupe les autorisations nécessaires pour cette transition. Le Sénat a apporté une contribution importante en renforçant la sécurité juridique des dispositions applicables à la transition des centrales à charbon.
Le groupe Les Démocrates soutient ce texte, qu’il considère comme une réponse efficace et attendue aux enjeux que constituent la réduction de l’empreinte carbone de notre production énergétique, notre souveraineté énergétique et la préservation des emplois des salariés de ces centrales.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Je vous remercie de votre soutien. Nous partageons les objectifs de cette loi comme les ambitions nationales en matière d’énergie, même si nous pouvons toujours avoir des doutes sur les manières de les atteindre.
M. Henri Alfandari (HOR). Depuis plusieurs années, notre pays s’est engagé sur une trajectoire de sortie du charbon, fixée collectivement, afin de répondre à un double impératif : écologique d’abord, celui d’une réduction de nos émissions ; stratégique ensuite, afin de garantir un avenir énergétique plus soutenable et résilient. Sans y renoncer, les conséquences sur notre approvisionnement de la guerre en Ukraine ont rendu nécessaire une adaptation du calendrier initialement prévu.
Seules deux centrales à charbon continuent à être exploitées dans notre pays : Cordemais en Loire-Atlantique et Saint-Avold en Moselle. Pour cette dernière, un projet de conversion alliant transition énergétique, maintien du tissu industriel et préservation des équilibres sociaux d’un territoire déjà fragilisé est à l’étude. Pourtant, en l’état actuel du droit, il ne peut aboutir. Il nous revient donc de lever les verrous juridiques et de donner à ce site les moyens de se transformer, tout en y maintenant l’activité et les quelque cinq cents emplois directs ou indirects liés à l’avenir de la centrale. À Saint-Avold comme dans d’autres territoires affectés par la désindustrialisation, il n’est plus possible de se contenter de promesses ou d’attentisme : ce bassin d’emploi, qui a déjà payé un lourd tribut aux mutations économiques, attend des réponses concrètes, un cadre stable et une volonté politique claire.
Cette proposition de loi transpartisane répond non seulement à cet enjeu local, mais adresse un signal fort aux porteurs de projets de conversion partout en France. En simplifiant l’accès au mécanisme de capacité des centrales thermiques faisant objet d’un projet de conversion et en clarifiant le régime d’autorisation, elle garantit la continuité de l’activité sur des sites stratégiques pour notre sécurité énergétique. Par ailleurs, elle ne marque aucun recul écologique. Le groupe Horizons et Indépendants soutiendra donc pleinement ce texte conjuguant responsabilité et réalisme et conforme aux attentes des acteurs économiques, des élus locaux et des habitants du territoire mosellan.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Je remercie le groupe Horizons et Indépendants de son soutien. Saint-Avold s’inscrit dans une histoire particulière : c’est en Moselle qu’a fermé la dernière mine de charbon, il y plus de vingt ans, et beaucoup de ses habitants sont fils ou petits-fils de mineurs ; le besoin de maintenir une continuité dans les activités de production d’énergie se fait sentir. Les enjeux industriels locaux sont forts : du maintien de la centrale dépend l’avenir de nombreux projets autour du site nécessitant de lourds investissements, comme nous l’a rappelé le délégué interministériel à l’accompagnement des territoires en transition énergétique.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous souhaitons la bienvenue dans notre commission à notre collègue Julien Brugerolles, successeur de monsieur André Chassaigne.
M. Julien Brugerolles. En 2017, lorsqu’a été annoncée la fermeture des centrales à charbon, nous avons demandé un moratoire, estimant qu’elles étaient nécessaires pour assurer la stabilité du réseau électrique, notamment pendant les pics de consommation en période hivernale. Malgré la surproduction actuelle, l’impératif de disposer de moyens pilotables pour faire face à ces pics demeure. Nous approuverons donc ce texte, d’autant qu’il propose une conversion pour ces deux centrales à charbon. Investir dans la production d’électricité à partir de gaz peut poser question, mais l’utilisation des capacités ainsi dégagées comme simple variable d’ajustement apparaît compatible avec une approche pragmatique de la hiérarchisation des usages et avec une stricte maîtrise des émissions résiduelles du secteur de la production électrique.
Nous déplorons toutefois que la politique énergétique suive les zigzags du stop-and-go : il n’y a pas de réel débat public et la représentation nationale n’est toujours pas assurée de pouvoir débattre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, alors que la planification à long terme est un enjeu essentiel, en particulier pour les acteurs de la production énergétique.
Je m’interroge par ailleurs sur notre capacité à utiliser le biogaz sur le long terme, la ressource en biomasse n’étant pas extensible. La planification énergétique doit prévoir une hiérarchisation des usages – électricité, chaleur et agriculture, avec le retour au sol du carbone issu de la biomasse – qui appelle des arbitrages très stricts.
Enfin, j’insiste sur la nécessité de maintenir dans le texte l’article 4, issu d’un amendement de sénateurs de Loire-Atlantique qui se sont mobilisés pour contraindre EDF à présenter un projet de conversion pour la centrale de Cordemais au plus tard le 31 décembre 2026.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. L’article 4 est en effet un ajout bienvenu à la proposition de loi initiale. Un vote conforme apportera des garanties à nos amis de Cordemais comme de Saint-Avold. Vos autres questions appellent un débat dans un autre cadre que cette réunion.
La réunion est suspendue de dix-sept heures quinze à dix-sept heures trente-cinq.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). EDF propose, à travers sa filiale Framatome, de créer sur le site de Cordemais une usine de préfabrication des tuyauteries destinées aux réacteurs de type EPR 2. Le bon accomplissement de ce projet soulève des doutes, car il est soumis aux mêmes aléas de calendrier que les EPR eux-mêmes. En outre, le délégué interministériel à l’accompagnement des territoires en transition énergétique nous a certifié que les emplois envisagés par Framatome (deux cents seulement) n’avaient pas vocation à être occupés par les salariés de la centrale, qui sont au nombre de cinq cents, car il s’agissait de postes de soudeur – un métier pour lequel il existe une pénurie, particulièrement sur le bassin de Saint-Nazaire, où, entre les chantiers de l’Atlantique et Airbus, les besoins de recrutement sont déjà forts.
Le site de Cordemais doit rester, à notre sens, un site de production d’énergie. Or, l’article 4 ne précise nullement la technologie vers laquelle devra s’orienter le nouveau projet. Nous demandons qu’EDF étudie les diverses possibilités d’utilisation des installations et de mise en valeur des compétences. Ne pourrait-on mettre à profit le raccordement au réseau à 400 000 volts et aux parcs éoliens en privilégiant une production d’hydrogène ou d’énergie thermique décarbonée ? C’est cela que nous demandons, pas un « copier-coller » de ce qui est fait à Saint-Avold.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous sommes animés de la même volonté : nous battre pour maintenir les emplois et les structures orientées vers la production d’énergie. Reste que les réalités en Moselle ne sont pas les mêmes qu’en Loire-Atlantique. S’agissant du site de Cordemais, sur lequel la proposition de loi a pu élargir le débat, je n’ai fait que rapporter les propos des responsables d’EDF que nous avons auditionnés : ils ont précisé que le projet Écocombust était abandonné au profit d’une usine Framatome, pour laquelle de nouveaux emplois industriels seraient prochainement créés, et que tous les salariés seraient reclassés. Des propositions et des négociations auraient déjà été lancées. EDF n’a pas d’autre réponse adéquate en l’état : lorsqu’il présentera son plan de transformation, le groupe expliquera sans doute que le maintien d’une activité de production d’énergie aurait entraîné une perte de 1,5 milliard d’euros, ce qui ne semble pas envisageable compte tenu de l’état de nos finances publiques.
M. Alexandre Loubet (RN). Monsieur le rapporteur, la réponse que vous m’avez faite tout à l’heure n’est pas à la hauteur de la démarche transpartisane qui nous réunit, tant dans sa forme, compte tenu de l’agressivité dont vous avez fait montre à l’encontre de notre seul groupe, que sur le fond, étant donné les mensonges que vous avez proférés. En effet, si le Rassemblement national n’a pas présenté de proposition de loi spécifique, il a déposé de nombreux amendements visant à soutenir financièrement la conversion, notamment dans le cadre du dernier projet de loi de finances, que le 49.3 auquel a recouru votre parti a dénués de sens. Je ne vais pas polémiquer et vous demanderai simplement d’avoir une attitude constructive et transpartisane : nous en sortirons tous grandis.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. En tant que rapporteur, je ne représente aucun parti. Le fait que vous profériez des mensonges m’oblige à vous répondre : vous avez parlé d’un barbecue organisé par monsieur Bardella, ce qui ne correspond pas à la réalité. (Exclamations.) Pour le reste, j’ai reconnu que vous aviez défendu des amendements et souligné que nous avions déposé une proposition de loi pour protéger le site. Comme vous, nous avons été présents sur le terrain, à la centrale Émile Huchet ; avec des élus d’autres territoires et même d’Alsace, comme notre collègue Raphaël Schellenberger, aux côtés du président du syndicat communal, du président du conseil départemental et du président de la région Grand Est, nous avons tous œuvré dans le même sens. Mon intervention n’était pas une attaque contre vous, à titre personnel, ni contre votre groupe.
M. Fabien Di Filippo (DR). La centrale de Saint-Avold, pour laquelle certains d’entre nous se battent depuis très longtemps, a été rouverte à très grands frais afin de répondre à des difficultés d’approvisionnement en énergie, notamment après la fermeture de Fessenheim. Certains, en particulier à gauche, se posent des questions sur la pérennité du site, mais, dans le bassin mosellan éprouvé par la désindustrialisation, chaque emploi compte. Sa conversion est importante non seulement pour la dynamique du territoire, mais aussi pour le symbole qu’elle représente : elle marque l’inversion de la logique malthusienne suivie par l’ancien ministre Nicolas Hulot, qui, pour élaborer sa stratégie, s’était fondé sur des prévisions de réduction colossale de la consommation d’électricité, en plein essor des usages numériques et des besoins d’électrification du parc automobile. À cet égard, la future programmation pluriannuelle de l’énergie, si elle n’est pas parfaite, nous apparaît bien moins mauvaise.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Vous avez raison de rappeler, monsieur Di Filippo, que notre mobilisation commune auprès des salariés n’a pas commencé en 2022. Pour un ancien bassin houiller comme la Moselle-Est, ayant perdu de très nombreuses industries, il est difficile d’envisager un développement économique. Si nous maintenons ce site et ces emplois, son avenir pourra passer par l’industrie et dépasser le strict cadre national, du fait des accords avec l’Allemagne et le Luxembourg.
M. Belkhir Belhaddad (NI). Cette proposition de loi vitale pour le territoire mosellan me donne l’occasion de saluer la mobilisation de tous les élus locaux et de tous les parlementaires, ainsi que des syndicalistes, lesquels ont fait preuve d’une grande dignité et d’un fort sens des responsabilités. Les fermetures des dernières centrales thermiques à charbon, comme celle de Saint-Avold, font peser un risque pour la sécurité de l’approvisionnement en électricité dans notre pays. Leur conversion renvoie à de multiples enjeux, sur les plans du développement durable et des émissions de CO2, de l’emploi ou de la fiscalité locale. Ajoutons que le projet mosellan sera sans impact sur le budget de l’État et la facture d’électricité des Français, puisqu’il est financé par un investisseur privé à hauteur de 110 millions de d’euros. Soulignons enfin que cette conversion répond à un engagement du Président de la République. Pour toutes ces raisons, j’appelle nos collègues de tous bords à voter en faveur de ce texte.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Cette proposition de loi répond effectivement à la volonté exprimée par le Président de la République et l’ensemble des groupes parlementaires d’allier maintien des emplois et transition énergétique à Saint-Avold, mais aussi à Cordemais si EDF propose un plan. Vous rappelez à raison la dignité dont les salariés ont fait preuve à Saint-Avold : alors même qu’ils avaient été licenciés puis reclassés, ils ont accepté de revenir sur le site de la centrale dès le premier jour pour la faire tourner, compte tenu des risques de coupures d’électricité qui pesaient sur le territoire mosellan. Cette attitude, comme celle des syndicats, nous a commandé d’apporter une réponse à travers ce texte.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Avant d’aborder les articles et à titre exceptionnel, je vais donner la parole dès à présent à notre collègue Charles Fournier, qui a souhaité s’exprimer sur l’ensemble des amendements qu’il a déposés sur ce texte afin de faire part de ses intentions à leur sujet.
M. Charles Fournier (EcoS). D’abord, je dois dire que je ne fais pas une confiance aveugle à GazelEnergie : il me semble que nous devrions prévoir un rendez-vous pour vérifier que cet investisseur a tenu ses engagements et s’assurer que les salariés ne vivront pas une nouvelle déception. Il me semble nécessaire de poser des conditions sur le plan écologique et social et c’est le sens des quatre amendements que nous avons déposés.
Le premier propose d’orienter une part des revenus perçus par les exploitants de la centrale vers des projets locaux et des projets de sauvegarde de la biodiversité. La production d’énergie de Saint-Avold restera en effet carbonée, bien que moins qu’avant. Ce mécanisme a l’avantage de la clarté, alors que le flou règne sur le fonds que GazelEnergie a annoncé vouloir créer pour financer des projets, à hauteur de quarante euros par tonne de CO2. Le deuxième amendement vise à revenir sur les modifications de l’article 2 qui ont conduit à affaiblir les obligations d’évaluation environnementale. Le troisième prévoit un comité de suivi de la transition énergétique. Le quatrième entend obliger les exploitants à présenter un plan d’accompagnement et de conversion durable vers l’emploi des salariés.
Bref, ce texte ne suffit pas : il y a des conditions à poser, il faut se montrer exigeant à l’égard de GazelEnergie. Toutefois, une adoption conforme de la proposition de loi étant souhaitable, je retire ces amendements afin qu’ils n’offrent pas d’occasion de modifier le texte.
M. Ludovic Mendes, rapporteur. Je vous remercie pour votre sagesse, monsieur Fournier. Ce texte n’est sans doute pas parfait, mais on ne peut pas non plus tout mettre dans la loi. En outre, il serait dangereux de poursuivre la navette, les discussions au Sénat ayant parfois été très compliquées. Un lobbying actif s’est exercé, ce qui est normal quand on sait qu’EDF possède encore des installations utilisant des produits pétroliers. Nous avons besoin d’une adoption conforme pour apporter une réponse, non à l’exploitant, mais aux salariés qui se lèvent chaque matin pour faire tourner cette centrale et qui vivent dans la peur de perdre leur emploi. Soyez rassuré : s’agissant du volet environnemental, le préfet nous garantit que l’autorisation ne sera donnée à l’exploitant que si les conditions sont respectées. Par ailleurs, vous pouvez compter sur la détermination des élus mosellans : nous veillerons à ce que GazelEnergie respecte ses engagements et nous ne lâcherons rien sur le suivi de ses investissements.
M. Alexandre Loubet (RN). Au nom du territoire où je suis élu, monsieur Fournier, je vous remercie d’avoir retiré vos amendements. Encadrer la conversion procédait d’une intention louable, mais je peux vous dire que le travail entre les parties prenantes se fait dans un climat de confiance. Nous devons une adoption conforme aux salariés de la centrale, que je salue : ils auront pu constater qu’ils pouvaient compter sur la mobilisation de tous les groupes ici présents.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous allons voter en faveur de ce texte, car nous considérons que trop de temps a été perdu. Toutefois, le retrait de ces amendements ne doit pas s’interpréter comme un renoncement. Il reste indispensable de poser des exigences, non seulement pour les sites de Saint-Avold et de Cordemais, mais pour l’ensemble des sites industriels appelés à engager une conversion.
S’agissant de Cordemais, rappelons qu’EDF a versé à l’État deux milliards d’euros de dividendes pour une seule année, soit plus que le coût de 1,5 milliard d’euros du projet d’Écocombust que vous avez annoncé, monsieur le rapporteur – estimation sujette à caution, avancée par le groupe lui-même. Le choix qui a été fait n’est pas celui de l’investissement, de la conversion et de l’emploi.
M. Raphaël Schellenberger (NI). Nous nous apprêtons à voter à l’unanimité cette proposition de loi, chose qui, depuis dix ans, paraissait inimaginable s’agissant d’un texte relatif à l’énergie. Cette unanimité reflète la préoccupation qu’a notre assemblée pour la reconversion du site Émile Huchet et la situation de ses collaborateurs, mais aussi la recherche d’une décarbonation économiquement viable, inspirée par une vision pragmatique et opérationnelle. Il sera peut-être utile de le rappeler lors de nos prochains débats sur la politique énergétique. Je me réjouis que, grâce à notre vote, cette centrale contribue à alimenter notre capacité à répondre aux pics de consommation, alors que nous avons introduit des énergies intermittentes dans notre système de production d’électricité.
Article 1er (article L. 311-1-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Sécuriser l’éligibilité au mécanisme de capacité des centrales à charbon converties vers un procédé de production d’électricité moins polluant
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 (article L. 311-6-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Prévoir que la sélection au titre du mécanisme de capacité d’une centrale à charbon convertie vers un procédé de production moins polluant tient lieu d’autorisation d’exploiter
La commission adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 : Modalités d’entrée en vigueur des deux premiers articles de la proposition de loi
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Article 4 (article L. 311-1-2 [nouveau] du code de l’énergie) : Présentation obligatoire par EDF d’un plan de conversion de la centrale à charbon de Cordemais
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Elle adopte la proposition de loi non modifiée.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 1er avril 2025 à 16 h 40
Présents. - M. Henri Alfandari, M. Maxime Amblard, M. Karim Benbrahim, M. Philippe Bolo, M. Julien Brugerolles, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Mathilde Hignet, M. Maxime Laisney, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Alexandre Loubet, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Ludovic Mendes, Mme Manon Meunier, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Vincent Rolland, M. Fabrice Roussel, M. Matthias Tavel, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Frédéric Weber
Excusés. - M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Harold Huwart, Mme Julie Laernoes
Assistaient également à la réunion. - M. Belkhir Belhaddad, M. Fabien Di Filippo, Mme Clémence Guetté, M. Raphaël Schellenberger