Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur)              2


Mardi 13 mai 2025

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 91

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


  1 

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur).

Article 1er (suite) : Assouplir le dispositif de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques et renforcer le conseil aux agriculteurs

 

Amendement CE520 de M. Patrice Martin

M. Patrice Martin (RN). Nous proposons une réécriture partielle de l’article 1er afin de revenir sur deux mesures particulièrement contestées par le monde agricole : l’interdiction des remises, rabais et ristournes (3R) sur les produits phytopharmaceutiques, d’une part, et la séparation stricte entre la vente de ces produits et le conseil, d’autre part. Ces dispositions, adoptées sans réelle évaluation des impacts, ont fragilisé l’autonomie économique des exploitants et rendu plus complexe l’accès à un conseil technique pertinent.

Nous souhaitons également reprendre le dispositif du conseil stratégique facultatif, en l’intégrant au conseil stratégique global que le rapporteur du Sénat a ajouté en commission. L’objectif est clair : redonner de la souplesse, de la cohérence et de l’efficience à l’accompagnement des agriculteurs sans leur imposer une contrainte administrative supplémentaire déconnectée des réalités du terrain.

M. Julien Dive, rapporteur. Je m’en tiens à l’équilibre qui a été trouvé au Sénat. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim 1 », qui interdit les remises, rabais et ristournes pour les produits phytopharmaceutiques, mais qui les autorise pour les produits de biocontrôle. À l’époque, une comparaison pertinente avait été faite avec la vente de médicaments, qui interdit, elle aussi, les remises au profit du conseil – la qualité de celui-ci étant assurée par des garde-fous. Je suis donc défavorable à cet amendement ainsi qu’à tous ceux qui visent à rétablir les 3R.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE579 M. Christophe Barthès, amendements identiques CE524 de M. Patrice Martin, CE616 de M. Robert Le Bourgeois et CE639 de M. Guillaume Lepers (discussion commune)

M. Christophe Barthès (RN). Nous souhaitons abroger la section 4 bis du code rural et de la pêche maritime, qui prohibe le cumul du conseil et de la vente. Par cohérence, nous proposons de supprimer les dispositions introduites par le Gouvernement au Sénat qui sabotent la proposition de loi.

Depuis son entrée en vigueur, l’interdiction du cumul entre le conseil et la vente n’a cessé de pénaliser la filière agricole française. Les rapports successifs démontrent qu’elle a complexifié les relations avec le monde agricole. Pire, alors qu’elle visait à diminuer l’usage d’intrants, elle a eu pour effet de réduire l’information donnée aux usagers. L’acharnement du Gouvernement à conserver cette interdiction confine à l’aveuglement. Le secteur déplore en outre l’imprécision du terme « conseil ». Tout cela aboutit à des situations absurdes où les informations sont communiquées oralement aux agriculteurs, qui les recopient sur un bout de papier. Les fabricants qui, par responsabilité et par éthique, s’imposent d’élaborer des instructions d’utilisation de leurs produits en viennent à flirter avec ce qui s’apparente à du conseil prohibé.

M. Patrice Martin (RN). Nous voulons revenir sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques, mesure qui s’est avérée profondément contre-productive : elle a désorganisé les circuits d’approvisionnement, renchéri les coûts pour les agriculteurs sans réduire significativement les volumes utilisés et créé une distorsion avec nos voisins européens, qui n’appliquent pas un dispositif équivalent. Elle pèse sur la compétitivité des exploitations, en particulier des plus modestes, et empêche toute logique de négociation commerciale équitable, surtout quand les agriculteurs attendent des alternatives crédibles aux produits phytopharmaceutiques.

M. Robert Le Bourgeois (RN). En demandant le rétablissement des remises, rabais et ristournes pour les produits phytopharmaceutiques, nous réaffirmons notre confiance et notre soutien aux agriculteurs, sur lesquels le discrédit est trop souvent jeté. Il faut le dire et le redire : nos agriculteurs font, pour la plupart, un usage raisonné de ces produits. L’utilisation des produits de biocontrôle augmente, tandis que celle des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction est en baisse constante et significative. J’ajoute que l’interdiction des 3R a engendré une certaine complexité. Nous souhaitons y mettre fin.

M. Guillaume Lepers (DR). La suppression des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques introduite par la loi Egalim 1 pénalise les agriculteurs, qui ne bénéficient pas systématiquement des meilleurs prix. Cela a des conséquences sur leur compétitivité et introduit une distorsion avec leurs concurrents européens. Nous voulons par conséquent réintroduire ces pratiques commerciales.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai déjà expliqué pourquoi j’étais défavorable au rétablissement des 3R. Je fais moi aussi confiance aux agriculteurs, monsieur Le Bourgeois : ils font un usage responsable et raisonnable des produits. Ils ont aussi besoin d’être accompagnés et conseillés – nous en reparlerons au sujet de la séparation entre le conseil et la vente et du conseil stratégique global.

La pratique des 3R induit, entre autres, le risque que les agriculteurs stockent des produits achetés à un prix attractif, dont ils n’ont pas une utilité immédiate et qui pourraient être prohibés ultérieurement. Ainsi, des substances interdites sont encore employées dans certains territoires. Même si ce n’est pas l’argument principal, c’est aussi pour éviter cet effet de stockage que les 3R doivent être proscrits.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je vois un autre effet pervers à ces pratiques : en maintenant des abattements sur le prix des pesticides, on dissuade les agriculteurs de s’en éloigner. En outre, en vertu du principe « pollueur-payeur », les redevances pour pollution diffuse des agences de l’eau sont calquées sur le prix des produits phytopharmaceutiques. Les ristournes induisent donc un manque à gagner pour ces agences : c’est la double peine. C’est pourquoi nous sommes opposés à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE636 de M. Guillaume Lepers

M. Guillaume Lepers (DR). Dans les faits, la séparation de la vente et du conseil a surtout fait disparaître le conseil de terrain, essentiellement réalisé par des coopératives et des négociants. L’offre de conseil reste insuffisante au regard des besoins. Les agriculteurs ne bénéficient plus du même accompagnement que précédemment, ce qui nuit à la compétitivité et à l’innovation. Nous proposons donc de mettre fin à cette séparation.

M. Julien Dive, rapporteur. Je maintiens mes positions sur la séparation entre le conseil et la vente. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, je considère qu’il y a matière à revoir entièrement la question – des amendements d’aménagement ont d’ailleurs été déposés. À titre personnel, j’étais favorable à l’abrogation de cette séparation, mais j’ai entendu vos arguments et ceux des personnes auditionnées. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous comprenons la volonté de mettre du conseil à la disposition des agriculteurs ; le problème est que vous proposez qu’il soit dispensé par des vendeurs de pesticides, ce qui nous éloigne de la volonté de séparer le conseil et la vente. Nous plaidons pour un conseil indépendant, éventuellement public, qui redonne une autonomie de décision aux agriculteurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE144 et CE145 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous souhaitons tous que les agriculteurs retrouvent de la rentabilité – certains parlent même de compétitivité. Pour y parvenir, ils doivent bénéficier de conseils avisés, indépendants de la vente et qui respectent leur autonomie de décision. La séparation du conseil et de la vente prévue par la loi Egalim 1 doit être préservée, de même que la définition des conseils stratégique et spécifique. Le conseil doit être impartial, protecteur pour la santé publique et l’environnement et respectueux de la liberté de choix des agriculteurs. Il ne doit pas être influencé par des objectifs commerciaux. L’absence de séparation entre vente et conseil risque d’entraîner des recommandations en cascade : si, par exemple, on favorise une fertilisation azotée accrue, on devra aussi conseiller une protection phytosanitaire beaucoup plus élevée pour lutter contre les insectes, les champignons et les adventices. Ce peut être l’amorce d’un cercle vicieux : plus on utilise de substances de synthèse, plus on en est dépendant.

M. Julien Dive, rapporteur. Au-delà de votre bel argumentaire, vous souhaitez supprimer les alinéas qui redéfinissent la séparation entre la vente et le conseil, au profit d’un statu quo. Il s’agit, somme toute, de propositions de repli par rapport à vos amendements de suppression : j’y suis tout aussi défavorable. Je préconise un aménagement de la séparation entre la vente et le conseil, dont des travaux parlementaires ont montré l’inefficacité.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE57 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Actuellement, une holding qui détient un agrément pour des activités de vente et de conseil peut en faire bénéficier tous ses établissements, en cascade. Nous souhaitons que chaque établissement qui se livre à ces activités sollicite un agrément en propre. L’objectif est de préserver la valeur et la robustesse des agréments.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous voulez instaurer de nouvelles contraintes et de nouvelles entraves à l’attribution des agréments, en complexifiant le dispositif. Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Il s’agit, au contraire, de s’assurer que les agriculteurs bénéficieront d’un conseil pertinent qui les aidera à éviter les entraves, notamment la dépendance à des pesticides dont ils peuvent se passer.

M. Stéphane Travert (EPR). Avec la loi Egalim de 2018, nous avons précisément voulu garantir l’indépendance des conseillers et des vendeurs de produits phytosanitaires. La séparation capitalistique devait garantir la robustesse des agréments, et donc la qualité des missions. Or elle s’est avérée inopérante ; elle n’a pas atteint les résultats escomptés, même si la vente de produits phytosanitaires a diminué. Des blocages sont apparus dans certaines entreprises, sans que cela remette en cause la robustesse des agréments et du conseil. C’est pourquoi nous souhaitons faire évoluer le système, tout en maintenant la séparation entre la vente et le conseil.

M. Dominique Potier (SOC). Même si cet amendement mériterait d’être précisé, nous le soutenons : la vente en ligne, la filialisation et l’« ubérisation » risquent d’entraîner une dilution d’agréments désincarnés qui déresponsabilisera les vendeurs.

Avec notre collègue Stéphane Travert, nous avions identifié deux pistes que la commission d’enquête sur les pesticides a explorées. La première, inspirée du modèle québécois, consistait à expérimenter un ordre professionnel des conseillers en phytopharmarcie afin de favoriser le développement de la profession de phytiatre. La proposition était audacieuse et probablement en avance sur son époque, mais elle reste une voie d’avenir.

La seconde piste était de retirer leur agrément aux vendeurs qui n’entraient pas dans une dynamique d’économie des produits phytosanitaires. C’était une menace lourde, qui a été désamorcée par la séparation entre le conseil et la vente. En effet, on ne peut pas exiger d’une coopérative qu’elle enclenche une réduction de ces produits dès lors qu’il lui est formellement interdit de dispenser du conseil. C’est un des effets pervers de la séparation entre le conseil et la vente : elle a ruiné l’espoir des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous soutenons cet amendement. L’une des entraves actuelles est précisément la dépendance aux produits phytosanitaires, entretenue par les entreprises qui les commercialisent et qui ont tout intérêt à conseiller d’en employer davantage. Or les études démontrent que les fermes qui s’en sortent le mieux sont celles qui cherchent à limiter leurs charges, et donc à réduire l’usage de produits phytosanitaires. Pour des raisons environnementales et sanitaires, mais aussi pour favoriser la performance économique des exploitations agricoles, le conseil doit être indépendant.

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement ne répond pas à l’objectif louable de sortir de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques. Il prévoit plutôt de multiplier et de complexifier les demandes d’agrément, y compris pour les firmes qui proposeraient des solutions de biocontrôle. Vous pénalisez finalement ceux qui cherchent à s’affranchir des produits phytopharmaceutiques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE58 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends la frustration de ceux qui ont œuvré à séparer les deux activités. Elle est inévitable, puisque, dans les faits, on ne peut pas empêcher les vendeurs de faire du conseil. Nous ne souhaitons pas contrôler chaque vendeur, mais proposer un conseil totalement dissocié de la vente. Une fois encore, il s’agit de rendre aux agriculteurs leur autonomie de décision. C’est pourquoi nous souhaitons que chaque établissement qui souhaite exercer des activités de vente et de conseil sollicite un agrément.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

M. Stéphane Travert (EPR). Il ne s’agit pas de frustration, mais de pragmatisme : quand un dispositif ne fonctionne pas, on le modifie, même si on y était favorable à l’origine. Nous devons travailler à la sécurisation juridique du vendeur et de l’applicateur. La séparation entre vente et conseil, ainsi que les dispositifs que nous proposerons tout à l’heure, sont essentiels pour assurer l’efficacité de la mesure et réduire l’utilisation de produits phytosanitaires.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE360 de Mme Mathilde Hignet

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). La séparation de la vente et du conseil permet d’éviter les conflits d’intérêts. Si elle n’a pas bien fonctionné jusqu’à présent, c’est parce que nous ne sommes pas allés assez loin, notamment dans la formation de conseillers indépendants. Les dispositions de l’article 1er vont à rebours des annonces, en particulier du plan Écophyto 2030 qui vise à réduire de 50 % l’utilisation de pesticides à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017. Les agriculteurs nous reprochent de leur imposer tout et son contraire ; pour eux, ces injonctions contradictoires sont de vraies contraintes.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous voulez détricoter le nouveau cadre de la séparation entre conseil et vente ; j’y suis défavorable. Je rappelle que la proposition de loi entend préserver cette séparation pour les fabricants, ce qui pourra vous rassurer.

M. Dominique Potier (SOC). J’ai rendu un rapport au Gouvernement en 2014 sur les pesticides et l’agroécologie. À l’époque, nous avions écarté le projet de séparer vente et conseil, car nous pressentions, avec le ministre de l’agriculture et toutes les parties prenantes, que c’était une fausse bonne idée. Dix ans après, la commission d’enquête a démontré que ce dispositif ne pouvait pas fonctionner, pour des raisons structurelles, et qu’il avait même des effets pervers puisqu’il déresponsabilisait le vendeur et nous privait de la dynamique des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

Nous ne défendons pas une trajectoire anti-agroécologique. Au contraire, nous proposons de créer un conseil public en agronomie et de rétablir les CEPP. Maintenir la séparation entre le conseil et la vente, ce serait perpétuer un échec.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Vous partez du postulat que l’on ne peut pas décorréler la vente du conseil puisque, sur le terrain, le vendeur sera de toute façon obligé de donner des conseils. Mais comment le vendeur pourrait-il donner des conseils désintéressés si l’intérêt économique de son entreprise est de vendre le plus possible de pesticides ? Comment faites-vous pour supprimer ce conflit d’intérêts ? En outre, j’aimerais que vous nous prouviez que vous avez mis suffisamment de moyens pour que la séparation entre vente et conseil soit un succès : nous ne les avons pas vus, ces moyens ; nous n’avons pas vu dans les chambres d’agriculture se multiplier des conseillers allant dans les fermes pour inciter à la baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires. À notre avis, c’est cela la raison de l’échec.

Mme Hélène Laporte (RN). Dans ce débat sur la séparation entre vente et conseil, on oublie de dire que l’utilisation des produits phytosanitaires a diminué. Les ventes de substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction se sont même littéralement effondrées au cours des dernières années, passant de 6 111 tonnes en 2009 à 88 tonnes en 2023. Cités par le Président de la République Emmanuel Macron lors du salon de l’agriculture de 2024, ces chiffres n’ont pas été contestés. Une multitude d’amendements sur la séparation entre vente et conseil ont été déposés, mais tenez déjà compte de l’effondrement des ventes !

M. Benoît Biteau (EcoS). Ces indicateurs ne sont pas les bons, madame Laporte : il ne faut pas retenir le tonnage, mais le nombre moyen de doses unités par hectare. Pour obtenir une cuve de deux cents litres de mélange nécessaire au traitement d’un hectare, il suffit désormais de dix grammes d’une substance conditionnée en sachet hydrodispersible, alors qu’il fallait auparavant trois litres de produit pour obtenir une égale toxicité. Dans ces conditions, le tonnage diminue forcément ! Quand on retient le bon indicateur, c'est-à-dire le nombre de doses unités (Nodu), on constate que l’utilisation des pesticides augmente de 5 % par an depuis 2008, date du lancement du plan Écophyto sur fond de Grenelle de l’environnement, qui prévoyait une baisse de 50 % de l’utilisation des pesticides… Si nous utilisions les bons indicateurs, cela irait beaucoup mieux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE119 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement reprend une disposition, balayée au Sénat, qui s’inspirait de la loi Egalim du 30 octobre 2018. Nous voulons préserver les règles de séparation capitalistique pour les producteurs de produits phytopharmaceutiques à faible risque et ne laisser faire du conseil stratégique qu’aux seuls vendeurs de produits de biocontrôle (ou utilisables en agriculture biologique). Les produits de biocontrôle et assimilés ont d’ailleurs bénéficié d’un « coupe-file » dans la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) les traite en priorité, avant les solutions chimiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Si j’ai bien compris votre amendement, vous voulez étendre la séparation entre le conseil et la vente aux produits composés de substances de base et aux produits à faible risque. Si c’est le cas, j’émettrai un avis défavorable, car cela créerait une incohérence dans les dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques du code rural. En effet, les substances de base et les produits à faible risque sont exclus de l’interdiction de remises, rabais et ristourne lors de la vente et sont définis comme des méthodes alternatives. Mais votre présentation de l’amendement me semble différente.

M. Dominique Potier (SOC). Notre intention est évidemment de laisser les vendeurs de produits de biocontrôle promouvoir leurs produits, y compris par du conseil stratégique. Ce privilège du conseil stratégique, retiré aux vendeurs commerciaux et devenu monopole de la puissance publique, est laissé aux vendeurs de produits de biocontrôle. Mais j’admets que ce n’est peut-être pas très clair. Comme ce n’est pas une affaire fondamentale, je vais retirer l’amendement pour éviter toute confusion et malentendu. Nous pourrons proposer une nouvelle rédaction car, quoi qu’il en soit, nous sommes d’accord pour considérer que les produits de biocontrôle doivent bénéficier d’un régime particulier comme dans de nombreux domaines.

M. Julien Dive, rapporteur. C’est une bonne idée de retirer l’amendement : tel que rédigé, il pouvait prêter à confusion et son adoption aurait pu entraîner des conséquences non voulues.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE59 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Il s’agit toujours de clarifier les rôles, par exemple quand conseillers et vendeurs appartiennent à des établissements différents d’une même entreprise ou quand une entreprise est partiellement détenue ou gérée par un producteur de produits phytopharmaceutiques. Nous proposons d’étendre la séparation entre vente et conseil à ces situations : les vendeurs de pesticides ne doivent pas délivrer de conseils aux agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Il est dans la même veine que les amendements CE144 et CE145. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE691 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Nous voulons que l’activité de conseil soutienne la mise en place de pratiques et d’infrastructures agroécologiques dont l’efficacité pour diminuer la dépendance aux pesticides est avérée. Cela passe par la valorisation de la biodiversité et le renforcement de la santé des sols, l’adoption de mesures préventives telles que l’usage de variétés tolérantes ou résistantes aux maladies, des pratiques agricoles adaptées et la combinaison de solutions agronomiques. À la différence des pesticides, la protection agroécologique des cultures permet aussi d’agir à l’échelle du territoire et de l’agrosystème, ainsi que sur tous les bioagresseurs. L’activité de conseil doit donc valoriser pleinement ces pratiques.

M. Julien Dive, rapporteur. L’alinéa 7 est une modification de coordination avec l’alinéa 6, qui assouplit la séparation vente-conseil. Par souci de cohérence, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE692 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Selon l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les détenteurs de l’agrément doivent concourir à la réalisation des plans Écophyto. Or, ceux-ci n’ont jamais atteint leurs objectifs, au point qu’une commission d’enquête, pilotée par notre collègue Dominique Potier, a été entièrement consacrée aux causes de ces échecs. Il existe pourtant une solution, préconisée par les scientifiques : engager la transition de notre système agricole vers l’agroécologie. Nous proposons de préciser que les détenteurs de l’agrément doivent promouvoir la mise en place de pratiques et d’infrastructures agroécologiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Cela reviendrait à obliger les détenteurs de l’agrément comme les distributeurs, mais aussi les producteurs, à adopter des pratiques et des infrastructures agroécologiques, ce qui n’est pas leur mission. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE147 de M. Benoît Biteau et CE361 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous proposons de supprimer les alinéas 9 à 25, afin de conserver la séparation capitalistique, organisationnelle et des ressources humaines entre les activités de conseil et celles de mise en vente, vente, distribution ou application de produits phytosanitaires. Si nous n’adoptons pas cet amendement, un salarié d’une entreprise de vente de pesticides pourra délivrer aussi du conseil, soit l’exact inverse de ce que nous avions prévu dans la loi Egalim 1.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous sommes pour la séparation entre vente et conseil, je le répète. « Ce n’est pas parce que ça n’a pas marché que c’est un échec », dirait le président Macron. Nous pensons que cela peut fonctionner. Commencez par répondre à la demande de notre collègue Manon Meunier : prouvez que des moyens suffisants ont été déployés pour faire en sorte que le dispositif fonctionne ! Pour notre part, nous proposons une solution : une séparation intransigeante entre vente et conseil, avec un conseil public gratuit qui fera péricliter le conseil donné sous le manteau par les vendeurs. Si vous pouvez bénéficier d’un conseil pertinent, indépendant et gratuit, vous pouvez réduire vos charges, améliorer votre revenu et le niveau agronomique de votre exploitation. C’est tout bénéfice. Dans ces conditions, la séparation entre vente et conseil fonctionne.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Prud’homme, si c’est à mon intention que vous relayez la demande de madame Meunier, je tiens à vous dire que je ne me sens pas visé : je ne suis pas l’instigateur du dispositif de séparation entre vente et conseil et je n’étais pas au Gouvernement lors de sa mise en place. Je n’ai pas les éléments de réponse. Peut-être se trouvent-ils dans les différents rapports parlementaires sur la question ? Sinon, vous pourrez toujours interroger le Gouvernement en séance.

Quant aux amendements, l’un propose de supprimer les alinéas 9 à 25, l’autre les alinéas 9 à 16. On ne taille plus à la serpe, mais à la hache ! Ces amendements dénaturent complètement l’article 1er et l’équilibre obtenu. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Vous n’étiez certes pas au Gouvernement, mais la défense de cet article suppose de donner une réponse à la question centrale que je soulève. Cet article est en effet bâti sur un postulat : la séparation entre vente et conseil n’a pas fonctionné. Il faut se demander pourquoi : pour des raisons de fond ou parce que les moyens nécessaires n’ont pas été mis sur la table ? Nous croyons à la deuxième option. Il faut mettre des moyens pour avoir, dans les chambres d’agriculture, des conseillers formés qui pourront accompagner les agriculteurs et contrebalancer l’influence des vendeurs de produits phytosanitaires, omniprésents sur le terrain.

M. Dominique Potier (SOC). Je connais bien notre collègue Manon Meunier, sa formation, son expertise et son engagement, mais je vais répéter ce que disent tous les observateurs et ce qu’enseignent des années d’expérience : on ne peut pas empêcher un commercial de donner un conseil, à moins d’être dans un système policier absolu. Il faut donc développer une offre alternative en guise d’antidote : le conseil public. Au terme de notre commission d’enquête, nous avions proposé un conseil universel prodigué par mille agronomes au cours de deux demi-journées pendant ce que l’on appelait les « mortes-saisons », les périodes où les commerciaux donnaient des conseils pour le printemps et l’automne. Ce conseil agronomique universel inclurait les conséquences des produits sur l’air, l’eau, la biodidiversité, etc. Nous avons un amendement en ce sens, qui, je l’espère, suscitera votre intérêt.

L’expérience nous enseigne aussi que certains agriculteurs n’iront pas voir les conseillers publics, ce qui est leur droit. Par conséquent, il faut que le conseiller commercial soit responsabilisé concernant l’impact des produits sur l’eau, la biodiversité et l’économie de l’exploitation, ce qui est le but du dispositif des CEPP. Si nous séparons le conseil de la vente, le conseiller ne pourra pas entraîner l’agriculteur vers une voie plus responsable. C’est la raison de notre désaccord : la meilleure volonté du monde peut provoquer les pires échecs.

M. Stéphane Travert (EPR). Quand on interdit à un vendeur de faire du conseil, on place aussi bien ce vendeur que l’applicateur du produit en pleine insécurité juridique. On sait en effet que, de toute façon, le vendeur donnera des conseils, pour diverses raisons : il connaît les agriculteurs, les terres exploitées et le territoire ; il a l’habitude de travailler avec eux ; il fait son métier. Dès lors, que se passera-t-il si le produit phytopharmaceutique ne donne pas les résultats escomptés et détruit la récolte ? Vers qui pourra-t-on se retourner ? Ce sont des choses qui arrivent !

S’agissant des moyens, des contrats d’objectifs et de performance (COP) sont signés entre le ministère et les chambres d’agriculture. Celui qui avait été validé en 2018 prévoyait bien l’embauche de personnels pour effectuer ces missions de conseil.

M. Thierry Benoit (HOR). Ce débat, qui me rappelle les échanges que nous avions eus lors de l’examen de la loi Egalim, place les parlementaires en position de suspicion et de défiance vis-à-vis des agriculteurs, des techniciens et des vendeurs. Nous nous torturons le cerveau. Pour ma part, je pense que lorsqu’un agriculteur fait appel à un technicien pour sa culture de céréales, il doit se retrouver devant une personne qui peut à la fois le conseiller et lui vendre les produits. Ce postulat de défiance que nous avons vis-à-vis des agriculteurs et du monde para-agricole nous a conduits à prendre des mesures complexes dans le cadre de la loi Egalim, dont nous mesurons à présent les conséquences. Il est dommage que nous ayons à débattre de ce type d’amendements.

M. Benoît Biteau (EcoS). Pour votre part, vous partez du postulat qu’il est nécessaire d’utiliser des pesticides quand on cultive des céréales. Quand on ne sépare pas le conseil de la vente, on n’a plus affaire qu’à des gens qui font du conseil pour vendre des pesticides. Où les agriculteurs désireux de s’affranchir des pesticides vont-ils alors trouver le conseil si nous ne construisons pas cette force indépendante, éventuellement dans les chambres d’agriculture comme le propose notre collègue Dominique Potier ? Nous devons constituer ce socle de conseillers indépendants pour que le conseil ne soit pas l’apanage des vendeurs de pesticides.

M. Lionel Tivoli (RN). Cet amendement symbolise un mal bien français, consistant à faire toujours plus que l’Europe. En voulant maintenir cette séparation stricte entre vente et conseil, on complexifie au lieu de simplifier et on continue à punir ceux qui conseillent nos agriculteurs sur le terrain – ces techniciens des coopératives, des négoces et des structures locales, que vous accusez d’être juge et partie. Ce sont pourtant ces professionnels qui, depuis des années, aident les exploitants à réduire les doses de pesticides, à changer leurs pratiques et à progresser dans l’agriculture durable. Nous voterons contre ces amendements.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Après ces échanges passionnants, j’aimerais vous faire part d’une expérience personnelle. Je suis producteur de céréales. Si j’avais suivi vos orientations en matière de conseil, j’aurais appliqué deux fongicides sur mon blé cette année – c’est le programme habituel, certains en appliquant même trois. Or, après discussion avec le technicien avec lequel je travaille, je vais me contenter d’un seul, notamment parce que l’année a été peu pluvieuse. Quand un technicien vous suit et vous accompagne, son intervention n’a pas que des effets négatifs et ne se limite pas à vous vendre des produits. Si j’avais eu un programme élaboré en janvier par le technicien de la chambre d’agriculture, j’aurais appliqué deux fongicides.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE362 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans toutes les écoles de commerce, on vous apprend que, si vous voulez vendre un produit, vous devez créer un besoin – c’est l’exercice « vendez-moi ce stylo », que vous devez connaître. La volonté de faire des profits oriente nécessairement le conseil, comme le montre notamment une récente analyse du Centre d’études biologiques de Chizé : on pourrait réduire de 30 % les pesticides appliqués sur la plupart des cultures céréalières, sans conséquence sur le rendement, si l’on réajustait l’azote en conséquence. Et je ne vous parle même pas de travailler en bio ! Ce sont ces conflits d’intérêts qui empêchent de tels réajustements, qui vont pourtant dans le sens de l’intérêt économique.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous proposez de supprimer les alinéas 17 à 22, qui sont des dispositions de coordination. L’alinéa 22, par exemple, permet aux coopérateurs de siéger dans les chambres d’agriculture, en cohérence avec la loi du 15 février 2025 visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE36 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous voulons précisément, en remplaçant l’alinéa 22, revenir sur la loi du 15 février 2025 afin de retrouver l’esprit initial de la loi Egalim et rendre incompatibles des activités de vente de produits phytopharmaceutiques avec un engagement au sein de structures publiques délivrant du conseil, dont les chambres d’agriculture. Un membre d’une coopérative ou d’un organisme de stockage, par exemple, ne devrait pas pouvoir être membre du conseil d’administration d’une chambre d’agriculture. Il s’agit de prévenir les conflits d’intérêts et de préserver l’indépendance des organisations auxquelles nous souhaiterions confier le conseil indépendant.

M. Julien Dive, rapporteur. La loi du 15 février 2025 a permis de pérenniser la possibilité pour les distributeurs, notamment les administrateurs des coopératives, de siéger dans les bureaux des chambres d’agriculture délivrant du conseil, à condition de se déporter lors des travaux concernant l’activité de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, compte tenu de la séparation entre vente et conseil. Ce déport n’aura plus lieu d’être en raison de l’aménagement prévu par l’article 1er. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Pour notre part, nous ne voyons pas d’inconvénient à réintroduire des présidents de coopératives dans les organes de décision des chambres consulaires. Les règles déontologiques permettent de régler les conflits d’intérêts, comme dans toute société. Il est quand même surréaliste d’exclure les représentants de l’économie sociale et territoriale des conseils de gestion du consulaire. Le problème n’est pas la pression de tel ou tel président de coopérative qui aurait une activité marginale de vente de produits phytopharmaceutiques : le problème, c’est la redevabilité vis-à-vis de l’État. Ainsi, lors des auditions de la commission d’enquête, l’État, le ministère de l’agriculture et les chambres d’agriculture se sont renvoyé la balle concernant l’échec total du conseil stratégique – 9 280 conseils ont été délivrés pour un potentiel de 235 000 bénéficiaires – sans que la responsabilité n’apparaisse.

M. Benoît Biteau (EcoS). La loi du 15 février 2025 visait notamment à remédier à une crise des vocations dans les chambres d’agriculture. Nous avions proposé d’autres solutions, notamment d’imposer une parité stricte entre les hommes et les femmes. Au lieu de cela, on a rouvert à des dirigeants de structures vendant des produits phytopharmaceutiques la possibilité de prendre également le pouvoir dans des structures de conseil. Quant au déport au moment du vote, il ne suffit pas : la personne a forcément eu une influence sur le résultat en intervenant au cours des débats.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE363 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je ne comprends pas que la création d’un conseil entièrement public et indépendant – une manière efficace de prévenir les conflits d’intérêts – n’emporte pas l’adhésion.

En ce qui concerne la présence des présidents de coopérative dans les organes de décision des chambres consulaires, j’ai l’impression que vous vivez sur une autre planète, cher collègue Potier, et j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire en commission du développement durable. Les coopératives agricoles, ce n’est pas le monde des Bisounours. De nombreux syndicats, y compris majoritaire, s’en font l’écho. De nos jours, certaines sont des multinationales qui galvaudent leur statut de coopérative et profitent d’une fiscalité dont elles ne devraient plus bénéficier. Ce sont des parties prenantes de la vente de pesticides, activité dont elles tirent parfois la majeure partie de leur chiffre d’affaires. Arrêtez de donner dans la fausse naïveté, monsieur Potier, vous qui connaissez si bien les sujets agricoles ! N’essayez pas de nous faire croire que les présidents de coopérative seraient des philanthropes.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous supprimez des alinéas de coordination qui sont au cœur de l’article 1er. Compte tenu des aménagements que nous voulons apporter au principe de séparation vente-conseil, une personne qui fait du conseil ne pourra pas être employée par un fabricant de produits phytopharmaceutiques et vice-versa ; en revanche, nous laissons cette possibilité aux coopératives et aux distributeurs. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Dans les faits, vous favorisez la non-séparation : c’est un recul inédit et incroyable en matière de conflits d’intérêts, puisque les personnes concernées seront juge et partie, à la fois vendeurs de produits phytosanitaires et conseillers sur l’utilisation de ces mêmes pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Pas du tout, c’est un abus de langage ! Nous aménageons le dispositif en prévoyant d’exclure les coopératives de l’obligation de séparation de la vente et du conseil, pas les producteurs de produits phytosanitaires. Le cadre est maintenu, mais nous introduisons une nuance de taille, largement documentée par les travaux parlementaires – notamment une commission d’enquête et une mission parlementaire – et nous tenons compte des retours d’expérience du terrain et des acteurs amenés à prodiguer des conseils.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE479 de M. David Taupiac ; amendements identiques CE486 de M. David Taupiac et CE781 de M. Pascal Lecamp ; et amendement CE779 de M. Pascal Lecamp (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). Le rapport de nos collègues Dominique Potier et Stéphane Travert montre qu’il est nécessaire de revenir sur l’obligation de séparation capitalistique de la vente et du conseil. Il faut toutefois maintenir une séparation opérationnelle, avec le double objectif de limiter les risques de conflits d’intérêts et de réduire l’utilisation des pesticides en agriculture. L’amendement CE479 prévoit donc qu’une même personne ne peut pas exercer les deux activités.

Par ailleurs, si nous mettons fin à la séparation, il faut imposer une facturation différenciée pour permettre à l’agriculteur de distinguer clairement les prestations de vente et de conseil. C’est l’objet de l’amendement CE486.

M. Pascal Lecamp (Dem). Avant de présenter mes amendements, je serais curieux de savoir comment ma collègue Manon Meunier se débrouille pour créer ses besoins d’achats – il faudra qu’on parle « école de commerce »…

Dans une volonté de transparence et d’affichage salutaires, je propose, moi aussi, d’instaurer, comme le recommande le rapport Travert-Potier, une facturation différenciée faisant apparaître le coût du conseil par rapport au prix du produit ; l’agriculteur pourra ainsi faire son choix en fonction du coût réel du conseil.

Mon deuxième amendement vise à interdire, dans les éléments de rémunération variables, l’indexation sur le volume de vente des produits phytosanitaires. Rien n’empêche l’entreprise de prévoir des systèmes de rémunération complémentaire, fondés sur d’autres éléments.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement CE479 revient sur le cadre établi ; par conséquent, j’y suis défavorable. S’agissant de la question de la facturation distincte, je vous suggère, pour des questions de légistique, de retirer vos amendements au profit de celui de monsieur Travert (CE607), que nous examinerons ultérieurement. À défaut, je donnerai un avis défavorable. Quant à l’amendement CE779, il me semble déjà satisfait mais, par prudence, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Benoît Biteau (EcoS). Même si les dispositions proposées ne sont pas parfaites, nous nous retrouvons dans la volonté de séparation opérationnelle des activités de vente et de conseil. Nous voterons pour cet amendement.

Les amendements identiques CE486 et CE781 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CE479 et CE779.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE703 de M. Julien Dive, rapporteur.

 

Amendement CE198 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 29 à 36 afin de conserver la distinction, justifiée, entre les conseils spécifique et stratégique tels que définis par la loi Egalim. Alors que vous vous donnez la simplification pour objectif, vous complexifiez la procédure en introduisant trois niveaux de conseil : le conseil, à savoir la recommandation d’utilisation d’un produit ; le conseil stratégique, c’est-à-dire les actions pluriannuelles à mener ; et le conseil stratégique global, incluant des données en matière d’agronomie. C’est parfaitement illisible – et, comme chacun sait, quand c’est flou, il y a un loup.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous supprimez plusieurs alinéas, dont l’alinéa 31 qui définit le conseil et l’alinéa 36 sur le conseil stratégique. Je ne peux qu’y être défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Outre le conseil opérationnel délivré par un commerçant ou un conseiller indépendant, nous sommes favorables à un conseil stratégique, c’est-à-dire un conseil agroécologique global, annuel, gratuit et universel – nous y reviendrons. Là, ce serait de la simplification. La clarification apportée par monsieur Biteau nous semble bienvenue.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE648 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cet amendement vise à sécuriser la transmission d’informations techniques, nécessaires à l’accompagnement des agriculteurs. L’article 6 de la directive 2009/128/CE impose en effet aux producteurs de produits phytopharmaceutiques de fournir des informations indispensables sur l’usage d’un produit – conditions d’emploi, risques pour la santé, etc. Ces données ne relèvent pas du conseil, mais bien d’une obligation réglementaire.

Or la définition du conseil retenue dans la proposition de loi ne tient pas compte de cette obligation d’information et entretient une confusion entre le conseil prescriptif et les informations réglementaires, privant les agriculteurs des données indispensables à une utilisation responsable et sécurisée des produits. Pour garantir un cadre juridique clair et sécurisé, il est donc souhaitable de préciser que le conseil se définit comme une recommandation individualisée, portant sur le choix d’une substance active ou d’un produit spécifique et précisant sa cible, les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions précises d’utilisation.

M. Julien Dive, rapporteur. Sur le fond, je suis sur la même ligne. Néanmoins, je vous suggère de retirer votre amendement au profit du mien (CE751), qui reprend cette notion de « recommandation individualisée » et dont la rédaction me semble préférable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis surpris par votre position. Nous proposons un conseil en amont de l’utilisation des pesticides, afin que l’agriculteur conserve son autonomie de décision pour choisir d’en utiliser ou non. S’il décide d’en utiliser, il doit bien entendu disposer de conseils avisés sur leur bon usage, afin de limiter les risques tant pour lui-même que pour les riverains. Vous faites une confusion entre le conseil en amont, qui devrait intégrer des logiques agronomiques et agroécologiques, et le conseil en aval, qui intervient après l’achat de pesticides et porte sur leur utilisation.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Dans une convergence de vues avec le rapporteur, j’accepte de retirer mon amendement au profit du sien, qui est effectivement mieux-disant. J’espère néanmoins qu’il donnera un avis favorable à quelques-uns de nos autres amendements !

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE689 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre cap est clair : il faut impérativement réduire l’usage et les impacts des pesticides, afin de respecter l’objectif des plans Écophyto. Nous proposons donc de préciser que le conseil stratégique intègre obligatoirement des recommandations de réduction des produits phytosanitaires, plutôt que des recommandations d’utilisation, ce qui nous semble trop vague.

M. Julien Dive, rapporteur. La réduction des produits phytosanitaires est un objectif qui coule de source lorsqu’on parle de préconisations d’usage. Il ne me semble pas opportun de l’inscrire dans la loi. Le conseil sera individualisé et les préconisations d’usage seront délivrées au cas par cas. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE751 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la définition de l’activité de conseil, qui inclut « toute recommandation individualisée d’utilisation de produits phytopharmaceutiques à un utilisateur final », ce qui permet d’englober les conseils spécifique et stratégique. Cette définition exclut les informations techniques relatives aux produits phytopharmaceutiques publiées et diffusées par les producteurs, auxquels il est bien sûr toujours interdit d’exercer une activité de conseil auprès des utilisateurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). La loi doit être claire et intelligible. Ce qui me frappe dans ce débat, dont j’ai l’humilité de reconnaître que je ne suis pas une spécialiste, c’est que vous utilisez le même mot pour évoquer des notions différentes, ce qui fait que plus personne n’y comprend rien.

Le dernier amendement de monsieur Fugit, contrairement à celui du rapporteur, supprimait entre autres la phrase suivante : « Il s’inscrit dans un objectif de réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques et respecte les principes généraux de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures mentionnée à l’article L. 253-6. ». Franchement, entre les obligations réglementaires qui doivent figurer sur le produit, le conseil mentionné au 3° du II de l’article L. 254-1, le conseil stratégique, puis le conseil stratégique global, ce texte n’est ni fait ni à faire…

M. Julien Dive, rapporteur. Le conseil individualisé englobe le conseil stratégique. Le conseil stratégique global est une autre notion, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Vous jugez la rédaction proposée mauvaise, ce n’est pas mon avis.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE137 de M. Jean-Pierre Vigier, CE626 de M. Robert Le Bourgeois, CE635 de M. Thierry Benoit, CE643 de M. Guillaume Lepers, CE657 de Mme Hélène Laporte, CE757 de Mme Danielle Brulebois et CE771 de Mme Anne-Sophie Ronceret ; amendement CE607 de M. Stéphane Travert (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Le conseil phytosanitaire, qui est essentiel pour accompagner les agriculteurs dans leurs pratiques, ne doit pas devenir systématiquement payant. Imposer la tarification de cette prestation alourdirait les charges des exploitants, en particulier ceux qui sont déjà fragilisés par la crise, et ne garantirait en rien une meilleure qualité de conseil. Sachant que certaines structures d’accompagnement proposent ce service gratuitement, dans une logique de soutien et d’accès équitable à l’expertise, laissons-leur la liberté de fixer leurs modalités de tarification, en fonction des réalités du terrain.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Étant donné la situation économique des agriculteurs, en particulier dans certaines régions, nous ne voyons pas l’intérêt de mentionner explicitement que le conseil doit être effectué à titre onéreux. Cette prestation fait partie de la relation de confiance qui se noue entre l’agriculteur et son conseiller.

M. Thierry Benoit (HOR). Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, c’est aussi leur simplifier la vie autant que faire se peut. Si, au passage, nous pouvons leur permettre de faire des économies, ce sera encore mieux !

M. Guillaume Lepers (DR). On sait la situation des agriculteurs, dont les revenus baissent et les charges augmentent. Imposer une prestation payante alourdirait encore ces dernières et pèserait sur la compétitivité des exploitations, risquant de pénaliser les plus fragiles et de créer une agriculture à deux vitesses.

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à supprimer le caractère onéreux de la prestation de conseil délivrée par un distributeur de produits phytopharmaceutiques. Il n’y a en effet aucune logique à augmenter les charges des exploitations agricoles, a fortiori dans un contexte de crise du secteur. Pour de multiples raisons, un acteur peut être amené à délivrer des prestations de conseil à titre gratuit et les agriculteurs sont les premiers à en profiter. Laissons donc aux structures qui les accompagnent la possibilité d’en décider.

Mme Danielle Brulebois (EPR). En mentionnant la facturation de la prestation de conseil, la proposition de loi introduit de la rigidité. Cet amendement va vers une simplification, en laissant la liberté aux organismes qui accompagnent les agriculteurs de facturer ou non ce service en fonction des réalités du terrain.

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). Il est important de laisser aux structures d’accompagnement agricole la liberté de facturer ou non une telle prestation. Nous favorisons ainsi une meilleure adaptation à la réalité du terrain, encourageons une plus grande adhésion à ce conseil bénéfique pour tous et évitons d’alourdir inutilement les charges des exploitations agricoles, déjà fragilisées.

M. Stéphane Travert (EPR). La mission d’information que nous avions conduite avec monsieur Potier avait mis en lumière la nécessité de clarifier et de renforcer les règles qui encadrent la vente et le conseil des produits phytosanitaires. Cette séparation est essentielle pour répondre aux objectifs de diminution d’utilisation et de vente de ces produits et en garantir une utilisation raisonnée et durable, tout en assurant une transparence totale pour les agriculteurs.

Mon amendement vise à préciser que les activités de vente et de conseil doivent être distinguées sur le plan de la facturation. Cette mesure permettra non seulement de maintenir une certaine flexibilité pour les acteurs du secteur, mais aussi d’assurer une transparence accrue entre ce qui relève de la vente du produit et ce qui relève du conseil prodigué.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suggère aux auteurs des amendements identiques de les retirer au profit de celui de monsieur Travert, qui supprime, de fait, la notion de « prestation effectuée à titre onéreux » et intègre celle d’une facturation distincte – dont le montant peut d’ailleurs être nul, s’agissant de la prestation de conseil.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je souhaiterais obtenir une précision de monsieur Travert : son amendement permet-il le conseil à titre gratuit ou pas ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). J’ai eu un moment de trouble : j’ai cru que vous étiez de gauche, puisque vous évoquiez une possible gratuité… Mais non, vous êtes bien de droite ! Dans votre grande naïveté, vous voulez laisser la possibilité de ne pas facturer la prestation de conseil, en faisant croire qu’elle ne sera pas incluse, indirectement, dans le prix du pesticide vendu. On fait comme si on faisait une fleur à l’agriculteur en lui prodiguant gratuitement un conseil, alors que le collègue du service commercial prévoit une marge suffisante pour intégrer le coût de ce service dans le prix du produit…

M. Dominique Potier (SOC). Je défends bien sûr les préconisations de la mission menée avec notre collègue Stéphane Travert. Ce n’est pas l’affaire du siècle, mais une question de transparence commerciale.

Soit on inclut le conseil dans le produit, soit on le distingue. Monsieur Prud’homme pense que je prends des vessies pour des lanternes et que je ne suis pas enraciné sur le terrain – je n’ai, après tout, que quarante années d’exercice professionnel… – mais je vois dans la facturation du conseil une opportunité et un risque. L’opportunité, c’est celle d’inciter l’agriculteur à aller chercher un conseil gratuit et universel auprès de la chambre d’agriculture. Le risque, c’est qu’il se tourne vers des plateformes de vente en ligne, contournant ainsi le conseil. C’est pourquoi nous devrions travailler à une meilleure réglementation des activités de vente des produits phytosanitaires. Il ne faudrait pas que la facturation du conseil nous éloigne de la responsabilisation du vendeur dans la question cruciale de la santé de l’agriculteur qui utilise les produits, ni qu’elle favorise l’ubérisation et les phénomènes d’achat en ligne.

M. Henri Alfandari (HOR). L’adoption des amendements identiques ferait-elle tomber l’amendement CE607 de monsieur Travert ?

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Oui.

M. Henri Alfandari (HOR). Dans ce cas, l’amendement de monsieur Travert laisse-t-il la porte ouverte à une prestation gratuite ? Et si elle est effectuée à titre onéreux, la double facturation est-elle bien la règle ?

M. Thierry Benoit (HOR). Dans la pratique, le produit est facturé une fois et le conseil est dispensé à l’occasion d’une, deux ou trois visites. Je répète donc la question : si le principe d’une facturation distincte est adopté, le conseil peut-il être facturé à zéro ? Car c’était cela, le but de mon amendement : supprimer la facturation du conseil.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement de monsieur Travert supprime la disposition du texte selon laquelle la prestation de conseil est effectuée à titre onéreux pour la remplacer par une facturation distincte, dont on nous dit que le montant peut être nul. Je ne vois rien ici qui concoure à la simplification ni à l’intelligibilité de la loi. Notre collègue Benoît Biteau avait déposé un sous-amendement, qui a sans doute été déclaré irrecevable et qui aurait permis de conserver la mention du caractère onéreux de la prestation en complément de la facturation distincte.

M. Julien Dive, rapporteur. Le fait de supprimer la mention du caractère payant de la prestation ouvre le champ des possibles. Dès lors, on peut considérer que la prestation peut être payante ou gratuite. La facturation distincte permet d’indiquer les coûts respectifs : une facture est d’un certain montant, l’autre peut être à zéro – tout ne sera pas gratuit. Bref, l’un n’empêche pas l’autre.

Les amendements CE137, CE643, CE757 et CE771 étant retirés, la commission rejette les amendements CE626, CE635 et CE657, puis adopte l’amendement CE607.

 

Amendement CE690 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre objectif doit être de mettre fin à la dépendance de notre modèle agricole aux produits phytopharmaceutiques.

Il s’agit d’un impératif de santé publique. Je rappelle que la consommation d’eau est actuellement interdite dans onze communes du Haut-Rhin en raison de sa contamination : cette réalité devrait suffire à nous convaincre d’agir en conséquence.

La suppression totale des pesticides est également un impératif économique. Au sein de l’Union européenne, ils coûtent deux fois plus cher au citoyen qu’ils ne rapportent aux firmes qui les fabriquent et les commercialisent.

C’est enfin un impératif de souveraineté puisque 70 % du marché des pesticides est contrôlé par quatre multinationales détenues par la Chine et par des fonds d’investissement américains.

Il est donc nécessaire d’affirmer l’objectif d’une suppression totale de l’usage des pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Défavorable. L’exemple de l’eau que vous citez renvoie aux aires de captage, qui sont abordées dans l’article 5. Le parallèle avec l’usage des pesticides en agriculture me semble un peu hasardeux, car les résidus trouvés dans l’eau concernent parfois des produits interdits depuis longtemps, tels que l’atrazine.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE706 de M. Julien Dive, rapporteur.

 

Amendements identiques CE253 de la commission du développement durable, CE196 de M. Benoît Biteau et CE364 de Mme Mathilde Hignet

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement a été adopté par la commission du développement durable, contre mon avis.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’article 1er s’éloigne de la simplification recherchée en instaurant trois niveaux de conseil, dont l’utilité est contestable, et je rejoins madame Batho : plus on avance dans cet article, moins on comprend. Pourtant je suis agriculteur et j’ai été le directeur adjoint d’une grosse coopérative qui faisait de la vente et prodiguait du conseil !

L’article 1er s’éloigne aussi de ce qui doit être notre priorité : l’exigence d’un conseil impartial et protecteur de la santé publique, de l’environnement et de la liberté de choix des agriculteurs.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous attendons toujours une réponse à cette question : comment éviter les conflits d’intérêts si une même structure vend et conseille ?

Les travaux de madame Sophie Devienne portant sur les modèles économiques des exploitations montrent que les modèles agroécologiques s’en sortent parfois bien mieux que les modèles conventionnels du fait de la diminution des charges imputable à la suppression des pesticides. Il y a un intérêt économique pour les agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Vos amendements ont pour effet de supprimer le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, qui a été introduit par la loi Egalim.

Selon l’article L. 254-6-2 du code rural, le conseil stratégique « a pour objet de fournir aux décideurs des entreprises utilisatrices de produits phytopharmaceutiques non soumises à l’un des agréments prévus à l’article L. 254-1, les éléments leur permettant de définir une stratégie pour la protection des végétaux ou pour tout autre usage ». Cette stratégie peut consister en une réduction de l’usage des produits.

Il me semble donc souhaitable de conserver cette disposition. Par conséquent, mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE510 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Afin d’éclairer les choix des agriculteurs, l’amendement vise, d’une part, à rendre obligatoire le conseil stratégique et, d’autre part, à limiter sa périodicité à des périodes-clés de la vie des exploitations, telles que l’installation, la reprise ou un changement stratégique.

M. Julien Dive, rapporteur. L’article 1er supprime le caractère obligatoire, qui est une source de blocage pour le renouvellement des certificats individuels pour les produits phytopharmaceutiques (Certiphyto). Nombre d’agriculteurs n’y trouvent pas encore leur compte. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Le conseil stratégique n’est plus obligatoire ? Si tel est le cas, il faut absolument soutenir l’amendement de monsieur Taupiac. La contrepartie minimale de la fin de la séparation de la vente et du conseil est l’obligation d’un conseil stratégique, sinon vous vous en remettez entièrement au secteur commercial. Je ne comprends pas votre position, monsieur le rapporteur, compte tenu de l’équilibre que vous avez défendu jusqu’à présent.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil stratégique doit être obligatoire, et à une fréquence plus élevée – c’est mon point de désaccord avec monsieur Taupiac.

Et l’alerte de notre collègue Dominique Potier est pertinente : le conseil stratégique global est déterminant.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Biteau, vous vous dites favorable au maintien du conseil stratégique, mais vous avez proposé sa suppression tout à l’heure !

Monsieur Potier, le texte supprime l’obligation de renouvellement périodique du conseil prévue par la loi Egalim. Je serai favorable à l’amendement CE609 de monsieur Travert, dont l’objet est de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des modalités du conseil stratégique (parmi lesquelles, la périodicité), afin de s’assurer qu’il sera bien délivré aux utilisateurs de produits phytopharmaceutiques.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons besoin d’en savoir plus sur l’amendement de monsieur Travert avant de nous prononcer sur celui de monsieur Taupiac : quelle est la périodicité proposée ? Le conseil y est-il obligatoire ou pas ?

M. Julien Dive, rapporteur. Je vous le lis : « Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le conseil stratégique est délivré aux utilisateurs de produits phytopharmaceutiques et les exigences nécessaires à la prévention des conflits d’intérêts afin de garantir le caractère objectif du conseil et ainsi favoriser une utilisation appropriée et responsable de ces produits. »

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE707 de M. Julien Dive, rapporteur.

 

Amendement CE201 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Il faut en finir avec l’idée selon laquelle le conseil stratégique ne s’adresse qu’aux utilisateurs de pesticides. Nous devons raisonner de manière complètement inverse : le conseil stratégique a vocation à déterminer si les pesticides doivent être utilisés ou pas et s’il existe des alternatives agronomiques. Sinon, il n’a aucun intérêt.

Il est impératif que le conseil soit fondé sur la science agronomique et assuré par des conseillers indépendants pour le préserver des intérêts commerciaux.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement restreint le vivier des conseillers, alors que nous en manquons déjà. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE609 de M. Stéphane Travert, amendement CE732 de M. Benoît Biteau, et amendements identiques CE200 de M. Benoît Biteau et CE494 de M. David Taupiac (discussion commune)

M. Stéphane Travert (EPR). Le rapporteur l’a déjà évoqué : mon amendement vise à renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des modalités du conseil stratégique.

Qu’il soit prodigué par les chambres d’agriculture, par les coopératives ou par un organisme indépendant, le conseil stratégique doit être hermétique aux considérations financières liées au conseil et aux produits phytopharmaceutiques.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement CE732 vise à exiger une certification des conseillers commerciaux pour garantir leur indépendance. Quant au CE200, il tend à préciser que l’acte réglementaire relatif à la prévention des conflits d’intérêts est un décret en Conseil d’État.

M. David Taupiac (LIOT). Je souhaite, moi aussi, que ce soit un décret en Conseil d’État.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CE609 et demande de retrait des trois autres.

M. Dominique Potier (SOC). J’ai du mal à comprendre. Face aux enjeux majeurs de l’usage de produits phytopharmaceutiques (santé, protection de l’eau, maintien de la fertilité des sols…), on est en train non seulement de renoncer à la séparation du conseil et de la vente, mais aussi d’abandonner les rares dispositions efficaces s’agissant du conseil stratégique en les renvoyant au Conseil d’État. C’est une manière de dire au Gouvernement de faire ce qu’il veut ! Or on sait très bien ce que veut le ministère de l’agriculture actuellement : c’est en faire le minimum.

L’Assemblée ne peut pas cautionner des reculs écologiques permanents ni renvoyer au Conseil d’État une décision qui relève pleinement de ses prérogatives. Nous ne pouvons pas renoncer à la séparation du conseil et de la vente sans instaurer nous-mêmes un conseil stratégique à une fréquence raisonnable – au minimum deux fois par an.

M. Thierry Benoit (HOR). Le texte fait du conseil stratégique un outil de prévention de l’usage des produits phytosanitaires, fondé sur un diagnostic et les spécificités d’une exploitation. L’amendement se contente d’un décret en Conseil d’État dont le contenu est flou.

Pour ma part, j’irais bien plus loin : je supprimerais l’alinéa 36, partant du constat qu’en 2025, les agriculteurs et les technico-commerciaux sont tous diplômés (baccalauréat professionnel, enseignement supérieur, école d’ingénieurs) et sensibles à la nécessité de réduire, voire de supprimer, le recours à des produits phytosanitaires. Le texte comme l’amendement n’ont pas de sens. Ils infantilisent les agriculteurs et les technico-commerciaux.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Benoit, si vous supprimez l’alinéa 36, vous revenez au doit actuel – donc vous renoncez à l’aménagement de la séparation vente-conseil. C’est votre droit et c’est cohérent avec l’amendement visant à le supprimer que vous avez déposé.

L’amendement de monsieur Travert n’est pas un renoncement à l’obligation de conseil stratégique, qui demeure. À l’instar d’autres amendements, il renvoie au Conseil d’État la fixation de la périodicité. Le décret vient en complément des exigences en matière de conflits d’intérêts posées à l’alinéa 36.

L’amendement CE494 étant retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.

 

Amendement CE555 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de maintenir une séparation opérationnelle entre la vente et le service, sans exiger pour autant une séparation capitalistique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE608 de M. Stéphane Travert et CE782 de M. Pascal Lecamp (discussion commune)

M. Stéphane Travert (EPR). Mon amendement vise à rendre obligatoire le conseil stratégique afin de s’assurer que les conseils prodigués sont objectifs et que les produits vendus sont utilisés de manière appropriée et responsable.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’amendement du groupe Démocrate tend à rétablir le caractère obligatoire, ainsi que l’actualisation régulière, du conseil stratégique.

M. Julien Dive, rapporteur. Quel dommage ! L’amendement CE608 formait un ticket gagnant avec le CE609, qui a été rejeté. Il est de nature à rassurer monsieur Potier, puisqu’il inscrit dans la loi l’obligation du conseil stratégique. Je lui donne un avis favorable.

M. Dominique Potier (SOC). Nous soutenons l’amendement. Néanmoins, la question de la périodicité reste en suspens. La loi Egalim l’avait fixée à deux fois par période de cinq ans. Or seuls 5 % des agriculteurs en ont bénéficié à ce jour.

Savez-vous que la moyenne triennale d’utilisation des produits phytosanitaires en Nodu n’a pas varié entre 2010 et 2020 ? On ne peut pas continuer ainsi, il faut changer de rythme. Il faut absolument instaurer une obligation de conseil annuel – nous présenterons un amendement proposant deux rendez-vous par an. Le conseil est une chance, non une contrainte pour les paysans.

La commission adopte l’amendement CE608.

En conséquence, l’amendement CE782 tombe.

 

Amendement CE683 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Pour être le plus utile possible, le conseil stratégique doit fournir aux agriculteurs toutes les informations leur permettant d’optimiser leurs pratiques et de réduire l’utilisation des pesticides.

Cet amendement propose donc que ce conseil comprenne un diagnostic de la santé des sols, afin de fournir des informations clés sur leur état. Il précise également que ce diagnostic doit être associé à un accompagnement vers des pratiques agroécologiques qui permettent de préserver et d’améliorer l’état des sols.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement est satisfait par la rédaction de l’alinéa 36, qui prévoit déjà un diagnostic. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE194 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). La loi prévoit que les modalités d’application des dispositions sur la séparation de la vente et du conseil soient déterminées par un décret en Conseil d’État. Sans que l’on comprenne pourquoi, la proposition de loi supprime cette précision. Nous estimons que cette dernière est utile et l’amendement prévoit de maintenir le texte en vigueur.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable, car l’amendement supprime des alinéas de coordination.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE365 de M. Loïc Prud’homme et CE190 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Mon amendement propose de supprimer les fameux certificats d’économie de produits phytosanitaires. Les membres de cette commission connaissent bien les limites de ce dispositif, puisqu’il est calqué sur celui des certificats d’économie d’énergie, qui ont prouvé leur inefficacité tout en coûtant très cher aux finances publiques. Quand un des obligés du système baisse sa consommation, un autre obligé rachète ses certificats. Grâce à ce mécanisme, il peut augmenter sa consommation de produits phytosanitaires – il s’est acheté une vertu. C’est un jeu à somme nulle.

Les CEPP ne fonctionnent pas. C’est un mécanisme capitalistique qui permet d’acquérir des droits à polluer contre monnaie sonnante et trébuchante.

M. Benoît Biteau (EcoS). Mon amendement vise à conserver l’obligation de réaliser des actions tendant à réduire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour les personnes soumises à la redevance pour pollutions diffuses. Il faut appliquer le principe « pollueur-payeur » tout en accompagnant ceux qui peuvent réduire leur consommation de pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous proposez de supprimer des alinéas qui visent à recentrer les CEPP sur les distributeurs de produits phytopharmaceutiques. Cette mesure de simplification a été proposée par le Gouvernement et adoptée par le Sénat. Les applicateurs de produits phytosanitaires et les agriculteurs ayant acheté de tels produits à l’étranger représentent à peine 1 % des obligations prévues par le dispositif. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis stupéfait par ces deux amendements, qui révèlent une ignorance complète.

Les CEPP sont une invention de la gauche et de l’écologie. Ils ont été mis en forme par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et ont été détruits par les lobbies de la phytopharmacie – notamment par le biais de la séparation de la vente et du conseil dans la loi Egalim.

Le CEPP est un mécanisme « BtoB » (business to business) qui permet aux entreprises des filières concernées de trouver des solutions. L’Inrae, l’Institut technique agricole Arvalis et l’Association de coordination technique agricole en ont défini des milliers – pour le colza, le blé, les semences… – qui ne sont pas utilisées. Elles permettraient de réduire la consommation de produits phytosanitaires et de commercialiser des produits plus naturels grâce aux actions déclarées conformes et aux échanges de certificats – sachant que le non-respect des obligations est sanctionné.

Ce modèle très vertueux avait commencé à fonctionner, mais il a été mis à bas parce qu’on a empêché les coopératives agricoles d’utiliser les CEPP en les privant de conseils. Vous ignorez tout du mouvement scientifique et écologique qui est à l’origine de ce mécanisme ! La destruction des CEPP est l’œuvre des lobbies favorables aux produits phytosanitaires.

M. Benoît Biteau (EcoS). Monsieur Potier, vous n’avez pas le monopole de la connaissance et nous celui de l’ignorance ! J’ai été directeur-adjoint d’une très grosse coopérative et je suis agriculteur. Je crois savoir de quoi je parle. Votre analyse est biaisée, car vous croyez que les coopératives agricoles relèvent encore de l’économie sociale et solidaire, ce qui n’est absolument plus le cas – c’est d’ailleurs pour cela que j’en suis parti. Par ailleurs, vous n’avez toujours pas compris que les bénéfices des organismes stockeurs reposent sur la vente de pesticides.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE120 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). J’ai financé personnellement le recours que j’ai déposé avec madame Corinne Lepage devant le Conseil d’État afin d’annuler les dispositions de l’ordonnance de 2019 qui concernaient les CEPP. Je considère que ce texte méconnaissait le champ de l’habilitation conférée au Gouvernement.

Je connais le mécanisme des CEPP : c’est bien parce qu’il allait à l’encontre des intérêts de l’industrie phytopharmaceutique qu’il a été supprimé par la loi Egalim, dans des conditions que j’ai contestées.

Mon amendement propose d’effectuer une évaluation de l’expérimentation de l’obligation de mise en place d’actions visant à réaliser des économies de produits phytopharmaceutiques et d’en rendre publics les résultats.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement fait référence à l’expérimentation des CEPP, dont le dispositif a été pérennisé par ordonnance en 2019 en application de la loi Egalim de 2018. Cette expérimentation étant terminée depuis plusieurs années, je vous propose de retirer l’amendement, quitte à le retravailler pour la séance pour demander une évaluation du dispositif des CEPP.

M. Dominique Potier (SOC). La séparation de la vente et du conseil instaurée en 2018 a ruiné la dynamique des CEPP. Ce mécanisme avait pourtant commencé à donner des résultats assez extraordinaires s’agissant de la culture du colza.

Ce que je propose permet de renouveler le soutien aux CEPP, dont le potentiel a pu être entrevu entre 2015 et 2018. Les experts, les scientifiques, les agronomes et le rapport d’une commission d’enquête estiment que ces certificats permettront, avec le conseil agronomique dispensé par les chambres d’agriculture, de réduire enfin la consommation de produits phytosanitaires.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE121 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Les CEPP ont été pérennisés en 2019, mais la sanction financière a disparu avec l’interdiction pour les vendeurs de dispenser des conseils. La seule menace pesant sur les organismes distributeurs est donc le retrait de leur certification. Comme c’est une sanction terrible, elle n’a quasiment jamais été mise à exécution.

Je propose d’établir une pénalité financière, prononcée à l’issue d’une procédure contradictoire, pour les organismes coopératifs ou privés qui n’atteindraient pas les objectifs de réduction de la consommation de produits phytosanitaires qui leur sont fixés. L’objectif est d’encourager toutes les solutions permettant de réduire cette consommation. Encore une fois, il ne faut pas sous-estimer la dynamique engagée grâce aux CEPP, même si elle a été brutalement interrompue par la fausse bonne idée de la séparation du conseil et de la vente.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement est satisfait, car l’article R. 254-42 du code rural et de la pêche maritime punit d’une contravention de cinquième classe le fait, pour un obligé mentionné à l’article L. 254-10-1, de ne pas justifier avoir obtenu au moins 10 % des CEPP nécessaires pour satisfaire à l’obligation notifiée. Mais si vous voulez ajouter une nouvelle sanction, avis de sagesse.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les choses n’ont en effet pas fonctionné comme on l’aurait souhaité, monsieur Potier. Mais dire que la séparation du conseil et de la vente a fait échouer le mécanisme des CEPP est un raccourci : ce n’était pas inévitable.

J’insiste sur le point que j’ai déjà mentionné : on comprend mieux pourquoi les organismes stockeurs n’ont pas intérêt à ce que le mécanisme fonctionne si l’on examine la source de leurs bénéfices.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE254 de la commission du développement durable et CE496 de M. David Taupiac

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vais laisser monsieur Taupiac défendre cet amendement auquel je suis très favorable, car il permet de fixer des objectifs de réduction de vente de produits phytosanitaires par le biais des CEPP.

M. David Taupiac (LIOT). Le dispositif des CEPP repose sur une obligation de moyens. L’amendement propose d’instaurer une obligation de résultat grâce à la fixation, par l’autorité administrative, d’objectifs chiffrés de réduction des ventes de produits phytopharmaceutiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Si l’intention est louable, je vois trois difficultés. Tout d’abord, comment fait-on pour répartir entre les distributeurs les objectifs de réduction des ventes de ces produits ? Ensuite, une baisse des ventes ne correspond pas nécessairement à un moindre recours aux produits phytosanitaires, mais peut résulter d’un stockage ou de la diminution du nombre de clients. Enfin, on risque de pénaliser certaines filières qui disposent de moins d’alternatives. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Ce très bel amendement propose de fixer des objectifs précis de diminution de l’utilisation de pesticides. Tel est bien l’esprit des CEPP, dont les débuts avaient été prometteurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne comprends pas la position du rapporteur. Le plan Écophyto existe : pourquoi s’opposer au fait que l’autorité administrative fixe des objectifs de réduction des ventes de ces produits ?

M. Julien Dive, rapporteur. Il est tout à fait possible de fixer de tels objectifs, mais comment fait-on pour les répartir entre les distributeurs ? Va-t-on déterminer un objectif global uniforme ou bien détailler les obligations de chaque distributeur ? Même si l’esprit de la mesure est positif, elle me paraît compliquée à appliquer.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE708 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement prévoit de faire figurer les nouvelles dispositions relatives au conseil stratégique global dans le livre III du code rural et de la pêche maritime.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE255 de la commission du développement durable et CE501 de M. David Taupiac, amendement CE205 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’étais favorable à l’amendement CE255 et je laisse monsieur Taupiac défendre le sien, qui est identique.

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de rendre obligatoire le conseil stratégique.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil stratégique global est un élément déterminant pour permettre aux agriculteurs d’effectuer des choix pour leur entreprise. Mon amendement propose que ce conseil soit obligatoire et annuel, afin de progresser vers une réduction significative de l’utilisation des pesticides et d’améliorer la rentabilité des exploitations en réduisant les coûts de production.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CE205, car il introduit une périodicité. Avis de sagesse pour les deux identiques.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements identiques CE256 de la commission du développement durable et CE122 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Une commission d’enquête a révélé que la stratégie de maîtrise des produits phytosanitaires menée depuis dix ans avait échoué. Cette commission a entendu soixante-dix personnes au cours de dizaines d’heures d’audition. Elle a conclu que la solution passait par une petite révolution du conseil.

Les deux outils envisagés pour y arriver sont quasiment supprimés à ce point de nos travaux. En l’état, nous avons un conseil stratégique obligatoire dont personne ne connaît ni la périodicité, ni la forme, ni l’objet. Tout est renvoyé au Conseil d’État, ce qui veut dire que les décisions nous échappent complètement. Quant au mécanisme des CEPP qui a suscité des malentendus tout à l’heure, il est quasiment annihilé alors qu’il associe la science et l’économie.

L’amendement insiste sur la nécessité de mettre en place un conseil stratégique global, annuel, gratuit et universel. Il permettra d’aborder non seulement le sujet des phytosanitaires, mais aussi ceux de l’eau, de la biodiversité et du dérèglement climatique.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable, par cohérence avec l’avis que j’ai donné sur l’amendement CE205 de monsieur Biteau.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Notre collègue Dominique Potier défend cet amendement en faisant, une fois de plus, référence au rapport de commission d’enquête qu’il a rédigé. Il considère que nos travaux annihilent la voie de la science. Son rapport faisait pourtant l’apologie du fameux indicateur HRI 1 (indicateur de risque harmonisé 1), qui ne repose sur aucun fondement scientifique mais a permis d’écarter l’indicateur Nodu, lequel s’appuie sur des bases concrètes et permettait d’évaluer vraiment les progrès accomplis.

Je veux bien que l’on se prévale de la science pour nous donner des leçons, mais elle s’impose à tous.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE206 et CE731 de M. Benoît Biteau, CE581 de M. Julien Brugerolles, CE123 de M. Dominique Potier, CE257 de la commission du développement durable, CE695 de Mme Julie Ozenne, CE709 de M. Julien Dive et CE693 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil stratégique global est essentiel pour l’autonomie de décision. Un chef d’entreprise doit pouvoir s’appuyer sur des éléments robustes pour faire les bons choix.

Afin que les conseils fournis soient objectifs et fondés sur la science agronomique, l’amendement CE206 vise à garantir que les conseillers stratégiques soient indépendants et n’aient aucun intérêt dans la vente, la distribution ou l’application de produits phytopharmaceutiques. Pour s’assurer que la qualité scientifique de l’analyse fournie est irréprochable, nous proposons que la prestation soit effectuée à titre onéreux.

L’amendement CE731 propose, quant à lui, de mettre en place une certification pour les conseillers dans le cadre du conseil stratégique global. Selon le texte, être agronome pourrait suffire, mais tous les agronomes ne sont pas forcément des bons spécialistes de l’agronomie. Cette certification est indispensable lorsque l’on sait que des chaires d’agronomie sont financées intégralement par des entreprises comme Bayer. On peut s’interroger sur les conseils que fourniraient les agronomes formés par de telles écoles.

M. Julien Brugerolles (GDR). Comme monsieur Biteau, nous sommes extrêmement favorables au conseil stratégique global et regrettons qu’il reste facultatif.

Le Sénat a supprimé l’obligation de certification des conseillers et a prévu que ces derniers doivent être « compétents en agronomie », ce qui reste assez vague. Nous proposons de rétablir l’obligation de certification, car on sent bien que quelque chose se cache derrière tout cela.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE123 apporte une précision sémantique : un « conseiller compétent en agronomie » est tout simplement un agronome.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je n’étais pas favorable à l’amendement CE257 adopté par la commission du développement durable. J’aurais préféré que les conseillers détiennent simplement un certificat individuel de produits phytopharmaceutiques.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Le terme « compétents » étant beaucoup trop vague, l’amendement CE695 prévoit que les conseillers doivent être certifiés.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement CE709, qui répond aux préoccupations exprimées par plusieurs collègues, précise que le conseil porte notamment sur la protection des végétaux et sur l’utilisation efficiente et durable des ressources, et qu’il vise à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale des exploitations.

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement CE693 prévoit que les conseillers qui interviennent dans le cadre du conseil stratégique global doivent également être compétents en agroécologie. Cette notion implique une nouvelle conception des systèmes de production, alors que l’agronomie est l’un de ses outils.

M. Julien Dive, rapporteur. Demande de retrait de tous les amendements au profit de l’amendement CE709.

Pour ma part, je ne jetterai pas l’opprobre sur les conseillers, quels que soient les organismes qui les ont formés et quels que soient les financements que ceux-ci ont reçus.

La commission rejette successivement les amendements CE206, CE731, CE581, CE123, CE257 et CE695.

Elle adopte l’amendement CE709.

En conséquence, l’amendement CE693 tombe.

*


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 13 mai 2025 à 21 h 30

Présents. - M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Maxime Amblard, M. Christophe Barthès, M. Fabrice Barusseau, Mme Delphine Batho, Mme Lisa Belluco, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Stéphane Buchou, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, Mme Sylvie Ferrer, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Mathilde Hignet, Mme Chantal Jourdan, M. Maxime Laisney, Mme Hélène Laporte, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Dominique Potier, M. Loïc Prud'homme, M. Vincent Rolland, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. David Taupiac, M. Matthias Tavel, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta, M. Frédéric Weber

Excusés. - M. Charles Alloncle, M. Frédéric Maillot, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Joseph Rivière

Assistaient également à la réunion. - Mme Anne-Laure Blin, M. Julien Brugerolles, Mme Danielle Brulebois, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Ozenne