Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur) 2
Mercredi 14 mai 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 94
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur).
Amendement CE758 de M. Guillaume Lepers, amendement CE656 de Mme Hélène Laporte (discussion commune)
M. Guillaume Lepers (DR). L’Union européenne est un marché censé appliquer des règles communes. Pourtant, la France est le seul pays interdisant l’usage de l’acétamipride, alors même que les vingt-six autres pays membres peuvent en utiliser un minimum autorisé jusqu’en 2033.
Dans la mesure où cet usage est encadré au niveau européen, mon amendement vise à revenir à la version initiale de la proposition de loi en rétablissant un régime d’autorisation plutôt qu’un régime dérogatoire. Si ce dernier a plus de chance de faire consensus, un retour à la version initiale du texte correspondrait davantage à la situation critique des agriculteurs et à la complexité administrative qu’ils subissent.
Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement de bon sens vise à supprimer le conseil de surveillance prévu au II bis de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, institué par la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dite loi « Denormandie ».
Ce conseil de surveillance, à la composition pléthorique et hétéroclite, avait pour mission de contrôler les conditions dans lesquelles devaient être pris les actes réglementaires permettant l’usage de semences enrobées de néonicotinoïdes dans la filière betteravière. Après avoir montré toute sa lourdeur durant la période d’application de la loi Denormandie, il n’a jamais été abrogé, alors que les dérogations n’existent plus. Nous proposons de le recycler en lui confiant le contrôle du processus de dérogation en faveur de l’acétamipride ou des substances dont les modes d’action sont assimilés à celui des néonicotinoïdes.
M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement CE758, pour des raisons de forme puisqu’il s’expose à une censure du Conseil constitutionnel. Je vous en demande donc le retrait, monsieur Lepers, d’autant qu’il ne concernerait que l’acétamipride, dernière substance autorisée dans l’Union européenne, qui est précisément concernée par l’article 2.
Madame Laporte, j’ai fait partie de ce conseil de surveillance, qui n’a apporté aucune lourdeur à la procédure. Sa composition était en effet assez large puisqu’il rassemblait des scientifiques, des représentants des interprofessions, des parlementaires et des représentants associatifs. J’entends votre argument, consistant à dire qu’il n’a plus d’intérêt puisque la loi Denormandie ne s’applique plus, mais je défendrai tout à l’heure un amendement visant à en faire un outil rendant des avis sur les dérogations. Demande de retrait.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes opposés à ces amendements, dans la défense desquels il me semble entendre une remise en cause des raisons pour lesquelles le législateur et l’Union européenne ont interdit les néonicotinoïdes (à l’exception de trois d’entre eux).
La toxicité de ces insecticides est aiguë, bien plus que celle du dichloro-diphényl-trichloroéthane (DDT) interdit il y a cinquante ans. Ils sont non sélectifs, systémiques et persistants dans l’environnement – certains pendant vingt ans.
La science nous apprend qu’ils sont source de préoccupations majeures en raison de leurs impacts sur la santé humaine, en particulier sur les systèmes nerveux et cérébraux in utero, ce qui affecte le neurodéveloppement des enfants. Comment pouvez-vous remettre en cause la décision que nous avons prise il y a dix ans ?
Mme Hélène Laporte (RN). Je ne nie pas l’utilité du conseil de surveillance lorsque la loi Denormandie s’appliquait ; mais les dérogations n’existant plus, cette utilité n’a plus cours.
Quant à votre réponse, madame Batho, elle est complètement hors sujet !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE130 de M. Dominique Potier et CE379 de Mme Mathilde Hignet
M. Dominique Potier (SOC). Je ne rappellerai pas les arguments en défaveur de la réintroduction des néonicotinoïdes, qui ont déjà été exposés.
Une décision politique ne peut être corrigée par une autre décision politique : un amendement socialiste à venir propose qu’aucune dérogation ne puisse être octroyée sans que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) procède à un nouvel examen.
L’autorisation donnée il y a dix ans ne tient pas compte des découvertes scientifiques récentes ni de l’évolution du changement climatique. Elle ne tient pas non plus compte des nouvelles capacités de l’Anses à explorer les enjeux de l’exposome, à prendre en considération des coformulants et à mesure les impacts sur la biodiversité à long terme.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les arguments relatifs à la santé sont alarmants et devraient suffire à nous convaincre, mais permettez-moi d’évoquer ceux qui concernent la filière apicole.
Le texte vise à favoriser une filière en en détruisant une autre. Un article de L’Humanité rapporte les propos de M. Yves Delaunay, vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) : « Lorsque [les néonicotinoïdes] sont arrivés, on n’était pas au courant de leur toxicité. En quelques années on est passé de 80 kg de miel à 5 kg par ruche avec des ruches très faibles. Comment voulez-vous qu’une exploitation avec des pertes aussi importantes puisse vivre ? » L’article ajoute que près de trois cent mille ruches seraient amenées à disparaître avec la réintroduction des néonicotinoïdes. C’est inacceptable.
M. Julien Dive, rapporteur. Il ne s’agit pas de rétablir l’autorisation d’utilisation des néonicotinoïdes, mais de permettre un usage dérogatoire et encadré de l’acétamipride, dans des situations identifiées comme étant des impasses. L’interdiction des néonicotinoïdes demeure le principe général, y compris pour le sulfoxaflor et le flupyradifurone, qui leur sont assimilés en raison de leur mode d’action.
L’autorisation de mise sur le marché (AMM) du sulfoxaflor a été contestée par un tribunal, parce qu’elle datait de 2017 et était donc antérieure à la loi : son utilisation est donc interdite. Une évaluation du flupyradifurone est en cours au niveau européen et devrait aboutir à une décision cette année. Faire confiance aux instances scientifiques, qu’il s’agisse de l’Agence européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, Efsa) ou de l’Anses, est donc un choix judicieux.
Monsieur Potier, vous souhaitez faire de l’Anses le référent, ce à quoi je suis favorable ; mais supprimer la possibilité de déroger l’empêchera de procéder à des réévaluations et de délivrer des AMM.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous soutenons ces amendements, qui auraient pu faire l’objet d’une discussion commune avec les suivants.
La raison de l’annulation, par la justice, de l’AMM du sulfoxaflor est l’absence de données concernant son impact sur les abeilles. Les populations d’insectes ont connu un effondrement de 80 % ; avec cette proposition de loi pro-pesticides, vous proposez d’éliminer les 20 % restants.
Je tiens à la disposition de tous les députés la littérature scientifique relative à l’impact effrayant de l’acétamipride sur les abeilles. Il n’est pas possible d’envisager des dérogations pour en autoriser l’usage, alors que les populations d’insectes s’effondrent et qu’il a des conséquences sur les rendements agricoles de nombreuses filières dont il n’est jamais question.
M. Pierrick Courbon (SOC). Nos collègues favorables à ce texte disent défendre les agriculteurs et considèrent que ceux d’entre nous qui y sont défavorables s’opposent à la souveraineté alimentaire. C’est une fumisterie !
Qui accepterait d’arrêter l’élevage avicole ou bovin pour défendre la filière porcine ? Avec ce texte, afin de préserver la filière Noisette ou la filière Betterave, il faudrait accepter de mettre à mort la filière apicole. Or les apiculteurs sont aussi des producteurs agricoles, dont le poids économique, en France, est sans commune mesure avec celui de la filière Noisette ! Vous procédez à un arbitrage entre ces filières plutôt que de les défendre de manière équitable.
M. Julien Dive, rapporteur. En établissant des parallèles entre ces filières, vous les opposez également les unes aux autres. La possibilité de déroger à l’utilisation de l’acétamipride ne s’applique pas aux cultures mellifères – ce que n’est pas la betterave. De plus, des mesures sont prévues dans ce texte, notamment pour éviter que ces cultures soient implantées sur des surfaces sur lesquelles de l’acétamipride a été utilisé.
L’utilisation de cette substance devra correspondre à différents critères et son usage est plafonné par l’Efsa. La dérogation que les cultures en situation d’impasse pourront demander ne sera pas automatique. Ni vous ni moi, à ce stade, ne sommes capables de dire à l’avance quelle filière pourra recourir à l’acétamipride.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE16 et CE27 de Mme Delphine Batho (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements visent tous deux à supprimer les alinéas rétablissant l’autorisation d’utilisation des néonicotinoïdes et le conseil de surveillance.
Monsieur le rapporteur, le mode d’action des néonicotinoïdes que vous décrivez est inexact. Les néonicotinoïdes ne tuent pas uniquement les pollinisateurs par le biais des cultures mellifères. Leur substance active, qui est un poison, infiltre l’eau, l’air, les sols et toutes les plantes. Dans les Deux-Sèvres, on en retrouve dans les haies et dans les cultures des agriculteurs biologiques qui n’y ont jamais eu recours.
Les abeilles, les vers de terre, les humains : tout le monde est contaminé en raison de la diffusion et de la persistance de ces substances dans l’environnement. C’est précisément parce que le danger pour les pollinisateurs ne réside pas seulement dans les cultures attractives, que la loi a interdit tous les néonicotinoïdes pour toutes les cultures.
Permettez-moi de porter à la connaissance de notre commission la note des autorités françaises à la Commission européenne du 30 novembre 2020 : « Les autorités françaises, sur la base des procédures antérieures et à la lumière des nouvelles données, demandent à la Commission européenne (...) d’interdire à la vente et à l’utilisation les substances acétamipride, sulfoxaflor et flupyradifurone. L’acétamipride agit par contact et par ingestion. Il présente des caractéristiques de toxicité et de persistance. Selon l’avis du [comité d’évaluation des risques] de l’Agence européenne des produits chimiques du 4 mai 2020, la classification harmonisée devrait également inclure l’indication “toxique pour la reproduction de catégorie 2, susceptible de causer des dommages à l’enfant à naître”. L’approbation de l’acétamipride a été renouvelée pour quinze ans, malgré le manque de données, qui n’a pas permis d’évaluer les effets sub-létaux pour les abeilles. Aucune donnée n’était disponible pour réaliser une évaluation complète des risques pour les bourdons et les abeilles solitaires. Le risque est élevé pour les arthropodes non ciblés sur la culture traitée. »
Il est regrettable de ne pouvoir lire la totalité de cette note, approuvée par le ministre Julien Denormandie.
M. Julien Dive, rapporteur. S’agissant du conseil de surveillance, même avis que sur l’amendement CE656 de madame Laporte.
Madame Batho, il est inexact de prétendre que l’ensemble des néonicotinoïdes sont persistants au-delà de vingt ans ; ceux qui présentent cette caractéristique ont d’ailleurs été interdits dans l’Union européenne. La demi-vie (DT50) de l’acétamipride est de quelques jours au contact de l’air et sa rémanence est beaucoup plus faible. Lorsque vous évoquez la persistance des molécules des néonicotinoïdes, il serait honnête de préciser desquelles il s’agit.
M. Pierrick Courbon (SOC). L’acétamipride ne pose pas qu’un problème d’intoxication aiguë liée à son utilisation sur des plantes mellifères. En apiculture, il provoque une intoxication chronique liée à sa persistance, qui ne se limite pas à quelques jours comme vous voulez le faire croire – c’est scientifiquement faux. On retrouve des traces d’acétamipride dans des parcelles n’ayant jamais été traitées.
La betterave n’est certes pas une plante mellifère. Pourtant, des abeilles ont été intoxiquées à l’acétamipride en raison du phénomène de guttation, qui est une sorte de transpiration des plantes ; elles s’étaient abreuvées à ces gouttes sur des plants de betterave traités à l’acétamipride.
Nous ne sommes pas opposés à cette substance uniquement pour voir des abeilles butiner, mais parce que la contamination chronique par les abeilles est beaucoup plus large que ce que vous décrivez.
Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous citez les évaluations réglementaires… alors que je cite la littérature académique, qui n’est pas financée par les firmes de l’agrochimie contrairement aux tests d’évaluation fournis dans les procédures biaisées de l’Efsa !
Je cite des publications scientifiques à comité de lecture et à revue par les pairs, qui démentent les informations qui viennent d’être données sur la durée de demi-vie de l’acétamipride, qui est en réalité d’au moins deux ans. Cette précision me semble utile pour éclairer nos débats.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Permettez-moi de verser à nos débats le témoignage de M. Jean-Marc Bonmatin, chimiste-toxicologue et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – par conséquent plus compétent que vous et moi en matière de toxicité de l’acétamipride : « Si l’acétamipride [bien qu’il soit problématique] n’est pas le pire néonicotinoïde pour les abeilles, c’est en revanche probablement le pire pour la santé humaine. L’un des métabolites issus de la dégradation de l’acétamipride a la particularité de rester plus longtemps que les autres dans le corps humain. »
C’est donc l’un des néonicotinoïdes les plus problématiques dont vous êtes en train d’autoriser à nouveau l’utilisation.
M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Courbon, vous êtes apiculteur et vous connaissez donc l’ensemble des causes de mortalité des abeilles, parmi lesquelles les activités humaines figurent en bonne place et se déclinent de différentes façons : erreurs, notamment en matière de nourrissage, activité industrielle, méconnaissance et produits phytosanitaires – désormais interdits pour la plupart d’entre eux. Vous connaissez aussi les autres causes de mortalité, qui sont plus naturelles en quelque sorte : la météorologie (les hivers sont facteur de perte de colonies), mais aussi le varroa et le frelon asiatique.
Parmi ces nombreux facteurs, vous vous concentrez sur les produits phytosanitaires et je l’entends. Toutefois, je rappelle à nouveau que ce texte prend en considération la protection des cultures mellifères. Quant à l’intoxication des abeilles par le biais de la guttation, vous m’accorderez qu’elle n’est pas très fréquente, les abeilles s’abreuvant à de nombreux types de plantes.
La surface agricole utile (SAU) s’élève à 29 millions d’hectares, dont 18 millions d’hectares de terres arables. Seuls sept millions d’hectares étaient concernés par l’usage de néonicotinoïdes avant 2016. Si toutes les filières visées par la dérogation la sollicitaient, la surface concernée serait de cinq cent mille hectares, soit 7 % des surfaces précédemment autorisées à utiliser l’acétamipride.
Madame Batho, vous avez le droit de contester la communauté scientifique, en particulier l’Efsa, comme vous venez de le faire. Nous étions pourtant du même avis, hier, pour défendre autonomie de l’Anses. En 2002, l’Efsa indiquait qu’« aucune preuve concluante et solide d’une augmentation des risques par rapport à l’évaluation précédente n’a été trouvée pour les oiseaux, les organismes aquatiques, les abeilles mellifères et les organismes du sol. Le risque d’exposition des eaux souterraines à l’acétamipride et à ses métabolites lors des utilisations représentatives sur les fruits à pépins et les pommes de terre est faible dans les situations géoclimatiques représentées par les neuf scénarios de focus relatifs aux eaux souterraines. ».
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE654 de Mme Hélène Laporte
Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à réduire la composition du conseil de surveillance. La multiplication des acteurs amenés à y siéger en a fait un organe inefficace, dont les réunions sont propices à des débats qui n’aboutissent pas à grand-chose. Il accueille notamment un représentant du Conseil économique, social et environnemental (Cese), dont la suppression serait bienvenue pour assainir la dépense publique. Nous suggérons de limiter cette composition aux représentants du Parlement, du Gouvernement et des instituts de recherche impliqués.
M. Julien Dive, rapporteur. Les représentants dont vous souhaitez le maintien sont légitimes, mais d’autres acteurs, comme ceux de la filière apicole, le sont tout autant. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes défavorables aux dérogations et favorables à la suppression de ce conseil de surveillance, qui est en situation d’échec.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que la perte des ruches était multifactorielle. Mais qu’en est-il de la perte de pollinisateurs sauvages ? Elle ne peut être imputée à des erreurs de nourrissage ! Le travail des apiculteurs ne saurait être mis en cause dans l’effondrement de 80 % des populations d’insectes en France et en Europe : celui-ci est directement lié aux pesticides, notamment aux néonicotinoïdes.
Contrairement à ce que vous avancez, ce ne sont pas sept millions d’hectares qui ont été concernés par l’usage des néonicotinoïdes, mais l’ensemble de la France. Il suffit d’une application d’imidaclopride sur un champ pour que les cultures suivantes soient contaminées ; cette substance se répand ensuite dans le sol, infiltre les cours d’eau et se diffuse massivement. L’idée selon laquelle un pesticide reste sur la parcelle où il est appliqué est fausse et a été démentie par la science.
Pourriez-vous nous communiquer la liste des filières concernées par les dérogations ? Savoir précisément de quoi nous parlons est l’un des enjeux centraux de ce débat.
Enfin, je ne crois pas que la ministre de l’écologie mente lorsqu’elle déclare que l’eau est contaminée par l’acétamipride en France.
M. Pierrick Courbon (SOC). Monsieur le rapporteur, je ne défends pas un intérêt corporatiste lorsque je m’oppose à l’utilisation de l’acétamipride : je le fais dans l’intérêt de tous, parce que les conséquences pour la santé humaine me semblent suffisamment avérées et graves. La représentation nationale doit être sensibilisée à ce sujet.
Certes, l’utilisation des néonicotinoïdes est l’une des multiples causes de disparition des ruches. Cela justifie-t-il d’en minimiser l’impact ? Lorsqu’une cause est clairement identifiée et facilement supprimable, pourquoi se tirer une balle dans le pied et ne pas en profiter pour se consacrer aux autres causes ? Continuer d’utiliser les néonicotinoïdes au prétexte qu’ils ne sont qu’une cause parmi d’autres n’est pas un argument recevable.
M. Henri Alfandari (HOR). La demande de madame Batho me semble légitime. Monsieur le rapporteur, vous nous avez éclairés quant aux surfaces qui seraient concernées par cette dérogation ; mais quelles sont les filières visées ?
M. Julien Dive, rapporteur. Comme l’a rappelé le directeur général de l’Anses, le débat ne porte pas sur le pourcentage de risque, mais sur le risque acceptable, qui est défini par les scientifiques. Nous souhaitons nous référer à leurs travaux.
La question de la persistance et de la rémanence des pesticides dans les eaux et dans les sols a été soulevée. Elle concerne les aires de captage et les zones humides, qui sont traitées dans un autre article. Par ailleurs, je ne remets aucunement en cause les propos de la ministre de l’écologie à ce sujet. Quant à la persistance dans les sols, madame Batho, elle n’a pas été reconnue s’agissant des substances qui demeurent autorisées dans l’Union européenne, comme l’acétamipride.
Il n’existe pas de liste préétablie des filières concernées, mais vous les connaissez : ce sont celles qui vous ont sollicités. Elles se sont également manifestées lors des auditions auxquelles vous avez peut-être assisté. Celle de la noisette, qui représente huit mille hectares (notamment dans le Sud-Ouest), a été particulièrement mise en avant ; sans solution pour éradiquer les ravageurs, elle perd 70 % de sa production. Les filières du kiwi (qui représente environ quatre mille hectares) et de la betterave (qui en couvre quatre cent mille) sont également concernées. Cette dernière s’affaiblit chaque année, en raison des impasses de production et de la concurrence extra-européenne. Outre ces trois principales filières, d’autres s’interrogeront sans doute sur l’éventualité de demander une dérogation, qui devra être motivée par l’absence de solution alternative.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE17 et CE28 de Mme Delphine Batho (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne peux pas laisser dire des choses fausses dans une commission de l’Assemblée nationale ! Le balanin et la punaise diabolique sont certes de vrais problèmes pour la filière Noisette, mais les pertes de rendement n’ont jamais atteint 70 %. D’après les chiffres d’Eurostat, la perte s’élève en réalité à 8 % et la baisse maximale entre deux années a été de 25 %. Vous ne pouvez pas, comme vous le faites en p. 25 de votre rapport, mettre en avant une perte de 70 % : c’est tout simplement faux.
L’amendement CE17 vise à interdire le glyphosate, tandis que l’amendement CE28 concerne les fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI).
M. Julien Dive, rapporteur. Je ne peux pas, quant à moi, laisser penser que nous mentirions ! Vous avez parfaitement le droit d’exprimer des désaccords, mais les chiffres que vous présentez sont les vôtres. Mon rapport reprend les éléments qui nous ont été transmis par les représentants de l’interprofession quand nous les avons auditionnés – vous n’étiez pas présente. Ils ont bien fait état d’une baisse de rendement pouvant atteindre 70 %. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de vous rendre dans ces départements pour y rencontrer les producteurs de noisettes, comme je l’ai fait au mois de septembre dernier, mais plusieurs députés, qui connaissent bien ces régions, pourraient aussi témoigner de cette réalité.
Je n’entrerai pas dans une bataille de chiffres avec vous. Simplement, ne dites pas que ceux que je présente sont faux : ils nous ont été fournis par les acteurs que nous avons auditionnés.
M. Pierrick Courbon (SOC). Le rapporteur a employé le terme de « risque acceptable ». C’est évidemment une notion toute relative : chacun garde en tête l’image de ce représentant de Monsanto assurant qu’on pouvait boire son produit sans problème… Il ne viendrait évidemment plus à l’esprit de quiconque de prétendre qu’un tel risque serait « acceptable ». Les néonicotinoïdes interdits par le passé faisaient, à une époque, l’objet des mêmes arguments : dans une logique de risque acceptable, ils étaient sans danger et pouvaient donc être utilisés. Les progrès de la science ont depuis fait évoluer les connaissances scientifiques et rendent profondément inacceptable ce que nous autorisions il y a encore quelques années.
Qu’on ne nous prenne pas pour des lapins de trois semaines ! Je ne peux pas croire qu’on nous soumette ce texte dans le seul but de sauver huit mille hectares de noisetiers… Vous savez très bien que nous sommes en train d’ouvrir la boîte de Pandore et que la filière Noisette est le cheval de Troie des néonicotinoïdes.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ne vous en déplaise, monsieur le rapporteur, les statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que la filière Noisette française a atteint un record de production en 2023, avec 17 160 tonnes produites. Si vous voulez prendre pour parole d’Évangile les chiffres de l’interprofession, c’est votre droit ; mais peut-être devriez-vous consulter d’autres sources et recouper un peu les données.
La France présente également le rendement à l’hectare le plus élevé – même si, évidemment, elle peut difficilement rivaliser avec la Turquie, qui consacre une surface dix fois plus importante à la culture de la noisette.
Les problèmes que rencontre la filière et que nous ne nions pas sont aussi les conséquences du modèle adopté par les agriculteurs, qui ont industrialisé leurs pratiques et cultivent, pour certains, des vergers de plusieurs centaines d’hectares qui attirent des ravageurs, contribuant finalement eux-mêmes à créer l’impasse dans laquelle ils se trouvent.
Ne prétendez pas, en tout cas, que les rendements se sont effondrés : les statistiques convergent pour montrer qu’ils sont bons.
M. Guillaume Lepers (DR). En tant que député d’une circonscription regroupant la quasi-totalité de la production de noisettes françaises, je suis choqué d’entendre certains remettre en cause les chiffres des professionnels. Je vous invite, madame Batho, à venir dans le Lot-et-Garonne pour y constater à quel point la production s’est effondrée. Je ne sais pas d’où vous tirez votre chiffre de 8 %, mais il est proprement scandaleux de tenir de tels propos. De la même façon, monsieur Prud’homme, je ne sais pas où vous avez vu de grandes exploitations : pour ma part, je ne connais que des exploitations à taille humaine, dirigées par des personnes qui y ont investi.
La France importe 90 % des noisettes qu’elle consomme. En vous entendant, je me dis que vous vivez dans les livres. Venez donc sur le terrain : il n’existe pas d’immenses exploitations, seulement des agriculteurs qui veulent vivre de leur travail. Trouvez-vous normal de voir des camions remplis de noisettes turques, qui ne sont soumises à aucune norme européenne et contiennent des centaines de substances chimiques, traverser le Lot-et-Garonne pour alimenter nos usines ? Vous êtes totalement déconnectés ! Au lieu de parler depuis Paris en citant des livres, venez sur le terrain, dans nos circonscriptions.
Mme Hélène Laporte (RN). Je suis également députée du Lot-et-Garonne. D’après l’interprofession, alors que le potentiel de récolte était de treize mille tonnes en 2024, seules 6 500 tonnes ont effectivement été récoltées, dont deux mille n’étaient pas consommables – 50 % à cause du balanin et 30 % à cause de la punaise diabolique. La filière Noisette est aussi méritante que les autres et nous devons l’aider.
Clément, agriculteur à Galapian, qui cultive de la noisette et des fraises et a perdu 70 % de ses récoltes en trois ans, m’appelait hier à l’aide, expliquant n’avoir plus que deux solutions à sa disposition : appliquer de l’acétamipride ou arracher ses vergers, ce qui le condamnerait financièrement. Je reçois une multitude de témoignages de ce type, d’agriculteurs et de familles qui ne s’en sortent pas. La coopérative Unicoque a énormément investi pour développer des produits alternatifs à l’acétamipride, mais, pour l’heure, les solutions n’existent pas. En attendant, il faut aider cette filière. Je rejoins notre collègue Lepers : ne restez pas dans vos livres, venez voir les agriculteurs !
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Même si certains le regrettent, la molécule d’acétamipride est homologuée jusqu’en 2 033. La question de la dérogation peut donc légitimement se poser, y compris pour d’autres productions que la noisette. L’Allemagne a ainsi récemment autorisé ses producteurs de pommes de terre à l’utiliser à titre dérogatoire.
Le texte prévoit que la dérogation ne sera possible que si aucune solution alternative n’est disponible, s’il existe un plan de recherche sur ces pistes alternatives et si un décret est publié. Le processus serait donc très encadré, d’autant que le rapporteur propose également de le limiter dans le temps.
J’ai été surpris et choqué par les propos de monsieur Courbon : quand bien même seuls huit mille hectares de noisetiers seraient concernés, cela vaudrait la peine d’agir ; je le dis en tant que député de la nation, qui ne compte aucun producteur de noisettes dans sa circonscription.
Mme Delphine Batho (EcoS). L’acétamipride bénéficie certes d’une autorisation à l’échelle européenne, mais les autorités françaises demandent son interdiction. Comment notre pays pourrait-il mener cette bataille s’il décide finalement de l’autoriser de nouveau, alors même que cette substance est en cours de réexamen depuis décembre dernier ? Vous ne pouvez pas affirmer que l’acétamipride pourra être utilisé sans difficulté jusqu’en 2033 : son utilisation devra bientôt cesser, en raison de ses effets sur la santé humaine.
La filière Noisette est une des rares à avoir travaillé, en lien avec la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et l’Institut Veblen, sur la question de la concurrence déloyale. Nous soutenons ses revendications en la matière.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE380 de M. Loïc Prud’homme
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’alinéa 28. D’après M. Philippe Grancolas, directeur de recherche au CNRS, « effectivement, [l’acétamipride] est efficace, puisqu’il tue tous les insectes, mais pas seulement ceux ciblés, en l’occurrence la punaise diabolique. L’acétamipride est tellement toxique qu’il tue également des insectes très utiles à la biodiversité. ». C’est ainsi un cercle vicieux qui s’enclenche : « Si on tue des pollinisateurs dans nos vergers de noisettes, les cultures de colza qui sont à proximité, par exemple, ne seront pas pollinisées et on sait que, dans le cas du colza, on aura 30 % de rendement en moins, ce qui va engendrer d’autres problèmes. Il faut avoir un regard global sur notre agriculture. ».
Je me joins à ses propos : nous devons sortir notre agriculture de sa dépendance aux pesticides, donc refuser la réintroduction de l’acétamipride.
M. Julien Dive, rapporteur. Il me semble que vous vous êtes trompée d’alinéa : vous proposez de supprimer celui qui corrige la loi Denormandie de 2020. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE746 de M. Julien Dive
M. Julien Dive, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CE314 de M. Nicolas Thierry et CE381 de M. Loïc Prud’homme, amendement CE382 de Mme Mathilde Hignet, amendements identiques CE131 de M. Dominique Potier et CE383 de Mme Mathilde Hignet, amendement CE132 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)
M. Benoît Biteau (EcoS). Toute nouvelle autorisation des néonicotinoïdes constituerait un recul écologique majeur et signerait un refus d’écouter la science indépendante. Des milliers d’études documentent la toxicité de ces substances pour les populations de pollinisateurs. Par ricochet, c’est l’ensemble du vivant et notre souveraineté alimentaire qui se trouvent menacés par l’utilisation de ces pesticides. L’esprit de responsabilité impose de rejeter cette réintroduction. Comme cela vient d’être dit, les néonicotinoïdes ne sont pas sélectifs : ils tuent aussi les prédateurs des ravageurs contre lesquels les agriculteurs entendent lutter, mettant à mal les solutions alternatives aux produits phytosanitaires.
Notre collègue Delphine Batho a souligné à raison que les agences sanitaires elles-mêmes s’appuient, pour leurs travaux, sur les rapports rédigés par les pétitionnaires favorables à l’utilisation de ces produits : l’évaluation est donc biaisée. Il est urgent de cesser d’autoriser ces substances.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). L’argument selon lequel l’acétamipride n’est pas appliqué sur des cultures mellifères n’est pas valable. Il s’agit d’un pesticide systémique : même s’il n’est utilisé que sur des cultures non mellifères et du fait de sa longue rémanence dans le sol, on le retrouve dans les cultures suivantes, qu’elles fleurissent ou non, si bien qu’il empoisonne en réalité tous les insectes (et pas uniquement les abeilles). Par ailleurs, d’après l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), l’effet toxique de l’acétamipride, que vous présentez comme limité, peut être multiplié par cent s’il est employé « en cocktail » avec des fongicides. Enfin, ses effets sur la santé humaine sont désormais avérés : il est reprotoxique, neurotoxique et génotoxique, en plus d’être un perturbateur endocrinien.
La procédure d’interdiction en cours à l’échelle européenne pourrait aboutir dans les prochaines semaines et s’appliquerait à la France. Ceux de nos collègues qui sont vent debout contre l’interdiction promeuvent une fausse solution pour les filières qu’ils prétendent défendre. Si vous faites de la réintroduction de l’acétamipride l’unique remède à leurs problèmes, que ferez-vous quand l’interdiction tombera enfin et que des filières se retrouveront orphelines de toute solution parce que votre aveuglement les aura conduites dans cette impasse ?
M. Peio Dufau (SOC). Il y a quelques semaines, nous avons voté d’une seule voix, en commission du développement durable puis dans l’hémicycle, une proposition de loi visant à préserver les abeilles en luttant contre le frelon asiatique. La contradiction est évidente : il faut protéger les abeilles, mais on peut continuer à utiliser des poisons qui les tuent, elles et les prédateurs des insectes qui ravagent les cultures.
On fait ainsi coup double, puisqu’on tue non seulement les pollinisateurs, mais aussi les espèces qui permettent de réguler les populations et de préserver la biodiversité, c’est-à-dire l’équilibre qui nous protégeait partiellement des dommages contre lesquels on prétend lutter. Il faut remettre un peu d’ordre dans tout cela.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les néonicotinoïdes sont effectivement un poison : ils affectent très fortement la biodiversité, mais aussi la santé humaine, notamment celle des agriculteurs et des agricultrices. Accepter de les autoriser de nouveau, même par dérogation ou pour un temps limité, c’est accepter de se faire les complices de ceux qui rendent les agriculteurs malades.
Pour notre part, nous refusons de continuer à soutenir un modèle qui tue l’agriculture à petit feu. Monsieur Lepers, vous défendez un modèle agricole qui est arrivé au bout de sa logique. On ne peut pas continuer dans cette dérive agro-industrielle qui pousse les agriculteurs à utiliser toujours plus de produits phytosanitaires et de pesticides.
M. Pierrick Courbon (SOC). Monsieur Lepers se désole de voir des camions remplis de noisettes turques traverser le Lot-et-Garonne : je suis tout à fait d’accord avec lui.
Pour montrer qu’il ne faut pas opposer les filières entre elles, j’appelle votre attention sur l’effondrement de la production de miel en France : en vingt ans, nous avons perdu les deux tiers de notre production. Il y a deux ans, nous importions trente-cinq mille tonnes de miel – bien souvent frelaté, d’ailleurs – pour couvrir la consommation nationale. Savez-vous quel est notre premier pays fournisseur hors de l’Union européenne ? La Chine. Je m’adresse à tous les défenseurs de la souveraineté alimentaire et du patriotisme économique : est-ce acceptable ? Évidemment non ! Il faut donc réagir et protéger nos abeilles pour défendre la production de miel en France.
M. Julien Dive, rapporteur. Les représentants de l’Inrae que nous avons auditionnés en amont de l’examen de cette proposition de loi ont indiqué, en réponse au questionnaire que nous leur avions adressé, que l’acétamipride, s’il est effectivement un insecticide systémique, est rémanent pendant environ vingt jours, sa durée de vie dans le sol étant d’une semaine.
Il est également vrai qu’il s’agit d’un insecticide non sélectif, mais c’est aussi le cas de toutes les solutions alternatives autorisées, dont l’efficacité reste à prouver et est d’ailleurs contestée par les agriculteurs qui les expérimentent. C’est la raison pour laquelle madame Pannier-Runacher, lorsqu’elle était en fonction au ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, avait autorisé des applications plus fréquentes de certains produits comme le Movento, le Teppeki ou les pyréthrinoïdes, eux aussi non sélectifs, avec des effets répétés sur tous les insectes et les pollinisateurs. Par contraste, l’acétamipride serait appliqué moins souvent, à titre dérogatoire, pendant une période limitée, sur des cultures et des productions limitées et avec des rémanences limitées.
Mme Delphine Batho (EcoS). Je suis navrée, monsieur le rapporteur, mais dans mes Deux-Sèvres rurales, que je connais bien, on trouve de l’acétamipride dans l’organisme des petits mammifères, ainsi que dans des parcelles cultivées en bio, alors que la France a interdit cette substance depuis longtemps. Vous ne pouvez pas tenter de rassurer en prétendant qu’il disparaîtrait complètement de l’environnement au bout de vingt jours.
Nous parlons ici d’un produit qui franchit la barrière placentaire et qu’on retrouve dans le liquide céphalorachidien d’enfants hospitalisés – je n’établis pas de lien avec la maladie : on a seulement constaté la présence d’acétamipride dans leur corps. Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles.
M. Éric Martineau (Dem). Pour conforter les propos du rapporteur concernant le Movento et le Teppeki, la grande crainte des arboriculteurs est que ces produits ne soient plus autorisés après 2025 et qu’ils ne puissent donc plus utiliser aucun insecticide dans les vergers à compter de 2026.
J’ai confiance en la science et je me tue à dire qu’on a besoin des abeilles, ne serait-ce que parce que les arboriculteurs ont souvent eux-mêmes des ruches – c’est mon cas. Je ne suis donc pas favorable à la réintroduction des insecticides qui tuent toutes les espèces, mais nous avons tout de même besoin de pouvoir intervenir dans les vergers. L’acétamipride n’est peut-être pas la solution rêvée, mais c’est une solution qui a le mérite d’exister, en attendant d’en trouver de meilleures.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’Anses identifie vingt-deux méthodes alternatives à l’utilisation des néonicotinoïdes. Elle indique que, dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique est disponible, au premier rang desquelles la lutte biologique, ce qui pose la question des moyens consacrés à la recherche en la matière.
M. Julien Dive, rapporteur. Chacun est libre du choix de ses arguments. Seulement, quand on souligne qu’un produit est présent dans les corps, les embryons ou les mammifères, il faut avoir l’honnêteté de préciser si l’on parle de la substance ou des molécules. Les molécules qu’on retrouve dans l’acétamipride sont aussi présentes dans d’autres substances, y compris dans des produits domestiques utilisés par des particuliers. C’est également le cas pour certains produits biocides.
De la même façon, il faut avoir l’honnêteté de spécifier si les molécules dont il est question sont présentes dans l’acétamipride ou dans d’autres néonicotinoïdes interdits depuis de nombreuses années.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CE320 de Mme Delphine Batho et CE570 de M. Dominique Potier (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Les résultats que j’évoquais portent bien spécifiquement sur l’acétamipride et son métabolite. Je tiens la littérature scientifique consacrée à cette question à la disposition de nos collègues.
Tous les amendements visant à empêcher la réintroduction du poison des néonicotinoïdes ayant été repoussés par la commission, nous discutons maintenant des conditions de délivrance des autorisations. Le rapporteur a indiqué que la filière Betterave pourrait en bénéficier. Elle avait pourtant indiqué, voilà cinq ans, avoir besoin de trois ans seulement pour trouver une solution alternative.
L’amendement CE320 vise à supprimer la référence à l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009, car elle permettrait d’échapper à l’obligation d’obtenir une autorisation de mise sur le marché.
M. Dominique Potier (SOC). Le rapporteur propose de réintroduire une dérogation pour l’acétamipride, en précisant qu’elle tomberait si l’Anses rendait un avis négatif après un an ou deux. Cette précaution montre qu’il nourrit lui-même des doutes quant au caractère justifié de cette autorisation.
Pour ma part, je tire le fil jusqu’au bout : s’il devait y avoir dérogation, la mise en circulation du produit devrait être soumise à l’autorisation préalable de l’Anses. On ne peut pas décider, par un choix politique, d’interdire tel ou tel produit sans imaginer qu’une majorité différente puisse le réintroduire quelques années plus tard. La seule façon d’être cohérent, en la matière, est de s’en remettre à l’Anses « augmentée » que j’appelais de mes vœux ce matin : pas de dérogation sans autorisation de l’Anses, telle est la position des élus socialistes.
M. Julien Dive, rapporteur. La filière Betterave, dont je ne suis pas le porte-parole, indiquait en effet avoir besoin de trois ans pour pouvoir conduire des travaux de recherche. Du fait de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, elle n’a pas bénéficié de ce délai. Les recherches sont désormais conduites à travers le plan national de recherche et d’innovation (PNRI). Si cette filière ne correspond pas aux critères d’éligibilité à la dérogation, sa demande sera tout simplement rejetée : ni vous ni moi n’en déciderons. Il reviendra aux acteurs de la filière de prouver qu’ils se trouvent dans une impasse et que leur demande est légitime.
Vous avez raison, monsieur Potier : je ne suis pas pétri de certitudes, ce qui explique les critères et les filtres que je propose. Dans mon esprit, toutefois, la dérogation ne pourrait tomber que si des solutions alternatives étaient identifiées : dès lors, les conditions pour y prétendre ne seraient plus remplies. En revanche, l’avis conforme de l’Anses sur le projet de décret instituant la dérogation que vous proposez serait inconstitutionnel.
Mme Delphine Batho (EcoS). Les solutions alternatives existent. Seulement, elles ne consistent pas à remplacer un pesticide chimique par un autre, mais à changer de pratiques agronomiques.
Vous n’avez pas répondu techniquement à ma proposition. Elle vise à mettre systématiquement l’Anses « dans la boucle » en rendant obligatoire l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché : on ne pourrait pas autoriser l’usage d’acétamipride en France sans que le produit ait obtenu une AMM.
M. Dominique Potier (SOC). Je suis toujours très heureux quand je dis la même chose, même en des termes différents, que notre collègue Delphine Batho, dont l’intelligence et les convictions sont connues de tous.
Je ne vois pas en quoi la demande du groupe Socialistes serait inconstitutionnelle : vous sortez l’arme lourde pour rejeter une demande consistant à exiger que toute dérogation soit assortie d’une autorisation de l’Anses.
C’est à raison qu’on pose la question de la pertinence de prises de position purement politiques en la matière. Pour ma part, je n’ai pas participé aux décisions relatives à l’utilisation du glyphosate – que ce soit tout à l’heure où il y a quelques années –, car j’estime que, dès lors qu’on interdit une molécule par un vote politique, on doit accepter que des forces conservatrices, voire d’extrême droite, puissent les réintroduire par la suite. La seule ligne cohérente qui tienne consiste à se fier à la science et à la démocratie, donc à conditionner toute dérogation à l’autorisation de l’autorité compétente. On ferait ainsi savoir aux agriculteurs qu’on a entendu leur souffrance et qu’on est prêt à réétudier la question, mais dans le cadre du régime applicable à tous les produits phytopharmaceutiques.
M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, je préfère que nous restions dans le cadre du règlement européen 1 107/2009, qui prévoit les dérogations.
Monsieur Potier, votre proposition est inconstitutionnelle : le législateur ne peut instituer des consultations assorties d’une exigence d’avis conforme, car elles entraveraient l’exercice, par le Premier ministre, du pouvoir réglementaire qu’il tient de l’article 21 de la Constitution. Je vous renvoie aux considérants 35 à 38 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE571 de M. Dominique Potier
Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous avons ici une sacrée responsabilité : il s’agit de définir l’avis du politique et de le faire primer sur celui des scientifiques, quand l’enjeu est la préservation de la santé humaine et celle de notre environnement.
Cet amendement de repli vise à renforcer la transparence et la rigueur du processus décisionnel et à faire primer le principe de précaution pour la réintroduction de produits phytosanitaires qui avaient été préalablement interdits. Il propose que ces substances fassent l’objet d’une réévaluation de l’Efsa. Cette exigence garantit que les substances actives utilisées dans le cadre de dérogations exceptionnelles ont été récemment évaluées au regard des connaissances scientifiques actuelles.
M. Julien Dive, rapporteur. Madame Thomin, votre amendement est satisfait : l’Efsa s’est déjà saisie de la réévaluation de l’acétamipride.
M. Benoît Biteau (EcoS). Dans le cadre de mon mandat de député européen, j’ai eu le privilège d’auditionner à deux reprises le directeur de l’Efsa, M. Bernhard Url, sur les méthodes d’évaluation des molécules. Selon lui, le respect de la réglementation européenne impose de prendre en compte la dangerosité sur la biodiversité et la durée d’exposition. Ce qui peut faire la dangerosité d’une molécule, ce n’est pas sa dose, mais la durée d’exposition quelle que soit la dose.
Il a surtout dit que la réglementation elle-même est défaillante, car elle n’évalue ni la dangerosité des métabolites de décomposition, qui peut être plus élevée que les molécules elles-mêmes, ni l’« effet cocktail », qui peut être amplifié par l’apparition de ces métabolites.
M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur Potier emploie un vocabulaire discriminant, qui laisse entendre que tous ceux qui ne sont pas d’accord avec sa position sont d’extrême droite et réactionnaires. Les agriculteurs, qui, pour leur grande majorité, rappellent le vieux principe « pas d’interdiction sans solution », seront ravis de l’entendre.
La gauche et l’extrême gauche saturent ce débat. Vous parlez d’une autre manière de conduire une exploitation, plus vertueuse. Si elle existe, pourquoi n’a-t-elle pas encore été mise en place ? Tout simplement parce qu’elle n’est pas viable économiquement ! Les agriculteurs ne sont pas des jardiniers à votre service : ils sont des professionnels qui doivent gagner leur vie.
M. Dominique Potier (SOC). J’ai simplement voulu dire que ce qu’une majorité peut faire, une autre peut le défaire, et j’imagine qu’une majorité conservatrice ou d’extrême droite pourrait réintroduire un produit préalablement interdit. C’est pourquoi je préfère que nous nous en remettions à la science – et uniquement à la science.
Monsieur le rapporteur, la proposition de loi prévoit que le décret de dérogation doit être pris après avis du conseil de surveillance : en quoi l’avis de l’Anses entraverait-il davantage la liberté du Premier ministre ?
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je pense qu’aucun agriculteur n’aime épandre et utiliser des pesticides. Je me souviens particulièrement d’un céréalier que j’avais rencontré avec notre collègue Hubert Ott, dont les cultures qu’il traite se trouvent en surplomb d’une école. Notre responsabilité est donc de trouver des solutions alternatives. Nous en proposons une : le protectionnisme.
M. Henri Alfandari (HOR). L’inconstitutionnalité tient au fait que l’Anses ne peut reconfirmer une dérogation prévue par la loi.
Je peux rejoindre monsieur Potier sur la nécessité d’évaluer la dérogation au niveau européen. Si celui-ci vient à interdire une molécule, la dérogation doit immédiatement s’éteindre.
M. Julien Dive, rapporteur. Si la Commission européenne venait à interdire l’acétamipride, la dérogation tomberait automatiquement.
Monsieur Potier, le décret de dérogation doit être pris « après avis ». Il s’agit donc d’un avis simple, qui diffère de l’avis conforme que vous proposez.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE748 de M. Julien Dive, sous-amendements CE801 de Mme Hélène Laporte et CE804, CE807 et CE803 de Mme Delphine Batho, amendement CE787 de M. Éric Martineau
M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement a pour objet de limiter dans le temps la durée d’application du décret dérogeant à l’interdiction d’utiliser des produits contenant des néonicotinoïdes. Le décret devra prévoir cette durée dans la limite de trois ans, ce qui laissera notamment le temps de délivrer les autorisations de mise sur le marché avant l’utilisation des produits concernés à titre exceptionnel. Il devra être abrogé sans délai dès lors que les conditions mentionnées au II ter ne sont plus remplies. Les amendements CE513 et CE515 de monsieur Taupiac seraient donc satisfaits, ainsi que l’amendement CE787 de monsieur Martineau.
Il propose par ailleurs que l’interdiction temporaire de plantation (ou replantation) de végétaux attractifs pour les insectes pollinisateurs soit systématique après l’emploi de semences traitées avec de l’acétamipride, dans l’hypothèse de la mise en œuvre d’une dérogation à l’interdiction des produits contenant cette substance. L’amendement CE327 de madame Batho serait donc satisfait.
Mme Hélène Laporte (RN). Mon sous-amendement vise à lever un doute d’interprétation sur la possibilité de renouveler la dérogation au terme de la limite de trois ans. En proposant de limiter à trois ans les dérogations en faveur de l’usage de néonicotinoïdes, l’amendement du rapporteur risque de simplement décaler dans le temps l’impasse dans laquelle se trouvent nos filières au lieu d’y mettre fin.
Les avancées scientifiques ne se décrètent pas. Rien ne garantit donc le développement d’alternatives au bout d’un certain délai, quel qu’il soit.
Mme Delphine Batho (EcoS). Les dérogations ne sont pas vraiment encadrées : elles sont soumises à l’avis d’un conseil de surveillance dont madame Laporte et monsieur Travert nous disent dans leur rapport d’information qu’il est une simple chambre d’enregistrement et on ne sait pas quelles filières sont concernées. De plus, avec l’astuce du recours à l’article 53 du règlement européen, l’acétamipride n’est pas soumise à l’obligation d’autorisation de mise sur le marché.
Mes sous-amendements sont des sous-amendements de repli. Le sous-amendement CE804 propose de prendre en compte les parcelles jusqu’à trois kilomètres, qui sont le rayon que peut parcourir une abeille. En effet, prendre en compte la seule parcelle (et pas celles à proximité) ne correspond pas à l’état des connaissances scientifiques sur la diffusion et la contamination de l’environnement par les différents néonicotinoïdes.
Avec le sous-amendement CE807, je propose que soit prise en compte la durée de persistance de la substance et de ses métabolites dans l’environnement, et, avec le sous-amendement CE803, de supprimer la référence à l’enrobage de semences. Monsieur le rapporteur, j’ai deux questions à ce sujet : l’acétamipride en enrobage de semences a-t-il déjà été autorisé en France par le passé ? En quoi l’usage de l’acétamipride en enrobage de semences concernerait-il la filière Noisette ? Ce texte me semble fait pour la filière Betterave.
M. Éric Martineau (Dem). Mon amendement vise à s’assurer que la France reste sur une trajectoire de sortie des néonicotinoïdes, dont l’interdiction sera généralisée à toute l’Europe d’ici 2 033.
Des dérogations ont été accordées de manière temporaire à la filière de la betterave sucrière, en raison du constat d’une impasse technologique. Cet amendement vise donc à restreindre la possibilité d’une dérogation proposée pour la seule substance acétamipride à travers plusieurs conditions cumulatives.
M. Julien Dive, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement CE801 : le texte n’empêche pas le renouvellement de la dérogation, mais cela ne coûte rien de le préciser.
Avis défavorable au sous-amendement CE804 : l’extension aux parcelles à proximité n’est pas justifiée dans l’argumentaire.
Avis favorable au sous-amendement CE803. L’acétamipride est un insecticide foliaire et n’est pas utilisé en enrobage, mais on pourrait imaginer qu’il le soit. Si des semences devaient être traitées avec de l’acétamipride, j’ai prévu dans mon amendement l’interdiction de mettre en culture, dans les années suivantes, des végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs.
Vous m’avez par ailleurs interrogé sur la filière Betterave. Je ne suis pas devin : j’ignore si elle obtiendrait une dérogation au cas où elle la solliciterait.
Je demande le retrait du sous-amendement CE787, qui est satisfait par mon amendement.
Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, quel coup de théâtre ! Vous avez donné un avis favorable à un sous-amendement du Rassemblement national qui équivaut à une autorisation permanente de l’acétamipride.
Sans le sous-amendement CE803, la mesure de protection des pollinisateurs prévue par le texte est purement cosmétique, puisqu’elle ne concerne pas l’utilisation de l’acétamipride en pulvérisation.
Mme Hélène Laporte (RN). Madame Batho, je ne m’attarde pas sur vos propos grotesques concernant l’avis favorable du rapporteur à notre sous-amendement. Nous avons, comme vous, été élus.
Notre collègue Éric Martineau cherche une solution de compromis pour sauver un article dont le rejet ne pourrait procéder que de motivations idéologiques. Une des conditions prévues par son sous-amendement est lunaire, puisqu’elle concerne une perte de rendement supérieure à 30 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années et une diminution du potentiel de production supérieure à 15 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Il faudrait donc attendre qu’une filière ait déjà subi de plein fouet les conséquences de cette surtransposition française pour éventuellement y déroger… Quand une filière subit de telles pertes, il est déjà trop tard : c’est une faillite, pas un signal d’alarme. Je vous invite à vous intéresser à la comptabilité des entreprises.
M. Éric Martineau (Dem). Je fais ma comptabilité tous les dimanches matin ! Je sais par ailleurs que dans certaines filières, notamment les vergers, on peut déjà constater de telles pertes.
M. Dominique Potier (SOC). Je suis surpris par l’avis favorable donné par le rapporteur au sous-amendement défendu par madame Laporte.
L’Efsa a demandé à la France de revoir l’interdiction de l’acétamipride, ce qui ne prendra pas plus de trois ans. Par ailleurs, le ministère de la transition écologique prévoit que des alternatives, comme le biocontrôle, seront disponibles d’ici deux ans au plus. Dans trois ans, l’affaire sera réglée définitivement, quand bien même il y aurait dérogation.
Je trouve l’amendement de monsieur Martineau très intéressant, car il propose de ne demander qu’un avis simple de l’Anses, plutôt qu’un avis conforme.
M. Henri Alfandari (HOR). Cet amendement répond en effet à une inquiétude sur l’avis et sur les aspects scientifiques.
Concernant les délais, on ne peut parler de surtransposition si le délai prévu par la France est inférieur au délai européen, qui, je le rappelle, court jusqu’en 2 033. Il me semble donc cohérent de prévoir une période de trois ans renouvelable pour trois ans. Nous devons garantir que la dérogation tombera immédiatement si l’Efsa devait conclure, à la fin de son instruction, à la nocivité de la molécule.
Il faut enfin éviter que le renouvellement de la dérogation puisse se faire par tacite reconduction.
M. Julien Dive, rapporteur. Ne feignez pas la surprise : même sans le sous-amendement de madame Laporte, le texte prévoit déjà la possibilité de renouvellement par un nouveau décret.
Monsieur Potier, si des alternatives arrivent sur le marché, alors le décret de renouvellement tombera.
Monsieur Alfandari, si l’Efsa venait à retirer l’autorisation d’usage de l’acétamipride au niveau européen, la France ne pourrait bien sûr plus autoriser de dérogation
La commission rejette successivement les sous-amendements CE801, CE804 et CE807.
Elle adopte successivement le sous-amendement CE803 et l’amendement CE748 sous-amendé.
En conséquence, l’amendement CE787 tombe, de même que les amendements CE327, CE326, CE328 et CE329 de Mme Delphine Batho.
La réunion est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures trente.
Amendement CE513 de M. David Taupiac
M. David Taupiac (LIOT). Avec cet amendement, je propose que la dérogation ne puisse être accordée que pour une durée maximale de trois ans.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE321 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). L’enrobage de semence implique l’usage systématique d’acétamipride, même en l’absence de ravageur ou d’un autre problème ponctuel. Cet amendement de repli propose donc d’interdire la dérogation pour l’enrobage de semence.
M. Julien Dive, rapporteur. J’ai mal interprété votre sous-amendement CE803, auquel j’ai donné un avis favorable. Je demande le retrait de celui-ci puisque, concernant l’acétamipride, il n’y a pas de semences traitées. À défaut de retrait, je donnerais un avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Je le retire pour le réécrire d’ici à l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
À la demande du rapporteur, l’amendement CE515 de M. David Taupiac est retiré.
Amendements CE535, CE322, CE537, CE323 de Mme Delphine Batho, amendement CE133 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements de repli concernent les substances pour lesquelles la dérogation est autorisée. Le texte parle des substances autorisées par l’Union européenne. Je propose des précisions.
L’amendement CE535 vise ainsi à ce que la dérogation ne puisse être accordée pour des substances pour lesquelles existent « des preuves scientifiques justifiant une interdiction au regard des risques pour la santé humaine ou de risques inacceptables pour l’environnement ». L’amendement CE322 est similaire au précédent, avec une rédaction différente.
Avec l’amendement CE537 je propose d’interdire la dérogation pour les substances soumises à une procédure de réexamen ou faisant l’objet de demandes d’études complémentaires, et de le faire, avec le CE323, pour les substances ayant fait l’objet d’une décision de justice annulant l’autorisation de mise sur le marché.
Ces amendements soulignent qu’il n’y a pas, actuellement, de néonicotinoïdes autorisés à l’échelle européenne exempts de problèmes et faisant l’objet d’une autorisation stable de l’Efsa.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Monsieur le rapporteur, avec votre avis favorable à l’adoption du sous-amendement autorisant le renouvellement pour trois ans de la dérogation, le débat a basculé. Nous devons être vigilants pour trouver l’équilibre entre la nécessité de travailler pour la santé humaine et la préservation de l’environnement et l’usage dérogatoire de produits phytosanitaires.
Cet amendement de repli tend ainsi à conditionner toute dérogation à la preuve scientifique de l’innocuité du produit pour la santé humaine.
M. Julien Dive, rapporteur. Sur les amendements CE535 et CE322, je rappelle que, si les gouvernements français successifs ont sollicité l’Efsa, c’est pour mettre fin aux distorsions de concurrence que subissent les agriculteurs français.
Sur le CE537, la condition liée à l’approbation de la substance au niveau européen est tout à fait suffisante, puisque la Cour de justice de l’Union européenne a, dans une décision de 2023, interdit aux États membres de délivrer des dérogations pour les produits contenant des substances interdites. Nous sommes donc plus protecteurs, puisque la substance doit avoir été approuvée.
La condition prévue par le CE323 n’a plus de sens, puisqu’un produit n’en vaut pas un autre au motif qu’ils ont une substance en commun.
Quant à l’amendement de madame Thomin, je répète ce que j’ai déjà dit : la possibilité de renouvellement existe déjà dans le texte initial et elle s’éteindrait si l’Efsa mettait fin à l’autorisation de l’usage de l’acétamipride ou si des alternatives étaient trouvées.
Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous affirmez que les démarches de la France pour interdire l’acétamipride ne seraient faites que pour régler un problème de concurrence déloyale. Cela voudrait dire que les notes des autorités françaises à la Commission européenne et que la littérature scientifique adressée par la France à l’Efsa ne seraient qu’une mise en scène.
Nous sommes d’accord, il y a bien un problème de concurrence déloyale ; mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de base scientifique pour arracher l’interdiction de l’acétamipride à l’échelle européenne. Le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed, Scopaff) de décembre dernier a d’ailleurs décidé de réexaminer la substance pour évaluer son caractère neurotoxique et perturbateur endocrinien.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CE324 de Mme Delphine Batho et CE655 de Mme Hélène Laporte (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Qu’entend-on par « méthodes alternatives » ? Cette notion est définie par le code rural : ce sont, d’une part, les méthodes non chimiques au sens du règlement européen et, d’autre part, l’utilisation des produits de biocontrôle. Autrement dit, c’est la lutte intégrée contre les ravageurs des cultures. L’alinéa 34 pose problème, puisqu’il laisse entendre que les alternatives à l’acétamipride seraient d’autres produits chimiques – ce qui n’a jamais été la position des écologistes, à l’origine de la loi interdisant les néonicotinoïdes en France. Il y a également, dans cet alinéa, bien d’autres éléments à prendre en compte, comme la toxicité des éventuelles alternatives. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.
M. Hervé de Lépinau (RN). L’alinéa 34 conditionne l’octroi d’une dérogation pour l’emploi de néonicotinoïdes au fait que les alternatives disponibles sont « manifestement insuffisantes ». Cette expression étant sujette à interprétation, nous proposons de lui substituer la rédaction suivante : « d’une efficacité significativement inférieure pour protéger les cultures contre les ravageurs ». N’attendons pas qu’une filière soit au bord du précipice pour lui accorder le droit d’accéder aux produits que tous les autres agriculteurs européens peuvent utiliser.
M. Julien Dive, rapporteur. Je suis surpris par ces amendements, notamment en provenance de collègues qui s’opposent au retour des néonicotinoïdes. Vous supprimez un filtre à la dérogation et facilitez la possibilité de déroger en l’absence de méthode alternative. Sans ouvrir la porte en grand, l’objectif est de prévoir des conditions à l’octroi d’une dérogation. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Vous ne répondez pas sur le fond : qu’est-ce qu’une solution alternative ? Cet alinéa ne sert à rien s’il ne fait pas référence aux méthodes alternatives mentionnées à l’article L. 254-6-4 du code rural qui, en l’occurrence, sont disponibles, à de rares exceptions près. La rédaction retenue n’est qu’une forme de paravent. Ne restreignons pas le débat aux substances chimiques, d’autant qu’il existe une résistance aux insecticides, qu’il s’agisse des néonicotinoïdes ou d’autres produits. Mieux vaut opérer un changement agronomique que troquer une substance pour une autre.
M. Julien Dive, rapporteur. Si vous aviez déposé un amendement précisant ce que sont les méthodes alternatives, j’y aurais été favorable – vous pouvez encore le faire en séance. Le Rassemblement national ayant un amendement proche du vôtre, il le soutiendra peut-être. En ce qui me concerne, je vous suggère de le retirer ; à défaut, je maintiens mon avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Vous ne pouvez pas dire que l’amendement du Rassemblement national est identique au mien, alors qu’ils n’ont rien à voir ! Je retire mon amendement, afin de le reformuler pour l’examen en séance.
L’amendement CE324 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE655.
Amendement CE516 de M. David Taupiac
M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement vise à ajouter une conditionnalité à la dérogation liée aux pertes significatives d’exploitation pour les filières agricoles qui connaissent des difficultés économiques en raison d’une baisse des rendements due aux ravageurs. Ce dispositif pourrait s’appuyer sur le régime des calamités agricoles, dont le seuil de déclenchement a été fixé à un taux de perte de 30 % de la production annuelle.
M. Julien Dive, rapporteur. Si les alternatives sont manifestement insuffisantes, la condition liée aux difficultés économiques pour les filières concernées a de grandes chances d’être remplie. Il suffit d’observer ce qui se passe pour la filière des noisettes. Votre amendement me semble satisfait, mais je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE325 de Mme Delphine Batho et CE540 de M. David Taupiac (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous savons tous ce que la science pense des néonicotinoïdes. Depuis dix ans, les filières agricoles qui demandent sans cesse le retour de ces produits en France, au détriment de celles qui sont victimes de l’extinction des pollinisateurs, ont bénéficié d’un soutien à leurs plans de recherche, alors que, dans la plupart des cas, les alternatives agronomiques à l’utilisation de ces substances sont connues de très longue date.
Le présent texte nous est présenté dans les mêmes conditions que lors de l’examen de la loi de 2016 – au cours duquel plusieurs amendements avaient été adoptés pour faire en sorte que l’interdiction des néonicotinoïdes ne soit applicable qu’à partir de 2018 et que des dérogations soient possibles jusqu’en 2020 – ou que lors de l’examen de la loi de 2020 – s’agissant de la filière de la betterave. Une décennie plus tard, il n’est pas possible de rester sur la même ligne.
M. David Taupiac (LIOT). Je propose de modifier l’alinéa 35 afin de conditionner l’autorisation de certains produits à un « plan de sortie » de l’utilisation de ceux-ci – notion importante évoquée lors d’une audition de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement –, plan qui comprendrait un calendrier prévisionnel d’interdiction du produit, un volet relatif à la recherche d’alternatives et un volet relatif à la mobilisation de l’ingénierie – ce qui implique, ensuite, des financements.
M. Julien Dive, rapporteur. Une fois encore, avec l’amendement CE325, vous supprimez l’une des conditions à la possibilité de déroger, alors que nous proposons plusieurs critères, contraintes et objectifs auxquels il faut répondre pour y prétendre. La science conduit l’Union européenne à approuver ou non les substances ; la recherche permettra de l’éclairer et d’apporter des solutions alternatives. Avis défavorable.
J’émets également un avis défavorable à l’amendement de monsieur Taupiac, puisqu’au bout de trois ans le décret de dérogation n’est plus applicable en l’absence de nouvelle demande.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le plan de recherche n’est pas une contrainte, puisque les deux lois précédentes comportaient déjà des dispositions en ce sens : c’est bien la preuve qu’imposer des conditions ne fonctionne pas. Ou alors, expliquez-nous pourquoi la filière de la betterave demande de nouveau une dérogation pour recourir aux néonicotinoïdes, alors qu’elle a promis en 2020 que ce serait la dernière fois et qu’elle n’en avait besoin que pour trois ans.
Dans une logique de repli, nous retirons notre amendement CE325 au profit de celui de monsieur Taupiac dont la rédaction, relativement au critère, est meilleure.
L’amendement CE325 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE540.
Amendements CE330 et CE332 de Mme Delphine Batho (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). D’après le premier de ces deux amendements, le décret précisera les modalités par lesquelles les produits contenant des néonicotinoïdes ainsi que leurs métabolites feront l’objet d’une campagne nationale de surveillance dans le cadre du programme de surveillance des eaux de surface et des eaux souterraines menée par les agences de l’eau.
Aux termes du second, le décret doit prévoir les conditions dans lesquelles des prélèvements et des analyses des sols et des eaux de ruissellement sont réalisés, à la charge des détenteurs de l’autorisation de mise sur le marché des produits contenant les substances mentionnées au II. Notre groupe n’est pas le seul à dénoncer un problème de contamination des eaux à l’acétamipride ; la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher le dit également.
M. Julien Dive, rapporteur. Comme vous l’indiquez vous-même dans l’exposé sommaire de votre amendement CE330, les dispositions que vous proposez font déjà partie des missions des agences de l’eau. Cela ne relève pas du décret de dérogation temporaire mentionné à l’alinéa 32. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE749 de M. Julien Dive et CE331 de Mme Delphine Batho (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement de repli a une certaine importance, puisqu’il prévoit que le décret serait pris après un avis, rendu public, de l’Anses et non pas après un avis du conseil de surveillance.
M. Julien Dive, rapporteur. Je suis ennuyé, car si mon amendement rédactionnel est adopté, il fera tomber le vôtre ; or je prévoyais de donner un avis de sagesse, bien que ces amendements soient contradictoires. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à y retravailler pour l’examen en séance, afin de parvenir à une proposition pertinente.
Mme Delphine Batho (EcoS). Vous seriez d’accord, monsieur le rapporteur, pour que l’Anses donne un avis à la place du conseil de surveillance ?
M. Julien Dive, rapporteur. En plus du conseil de surveillance, pas à sa place. C’est là où se situe notre différence et c’est pourquoi je vous propose d’en discuter avant la discussion en séance.
Mme Delphine Batho (EcoS). Certainement. À ce stade, je maintiens mon amendement.
La commission adopte l’amendement CE749.
En conséquence, les amendements CE331 et CE333 de Mme Delphine Batho tombent.
Amendements CE316 de M. Nicolas Thierry et CE29 de Mme Delphine Batho (discussion commune)
Mme Julie Ozenne (EcoS). Depuis 2022, la loi interdit la production, le stockage et l’exportation de pesticides dont l’utilisation est interdite dans l’Union européenne. Pourtant, trois ans après, deux failles majeures permettent à ces pratiques de perdurer. Les substances actives pures et celles dont l’autorisation a expiré échappent toujours à l’interdiction. Concrètement, malgré l’interdiction votée par le législateur, la France continue d’exporter près de sept mille tonnes annuelles de pesticides interdits par l’Union européenne vers des pays comme la Russie, le Brésil ou l’Inde. On juge ces produits trop dangereux pour nos champs, mais on les envoie empoisonner d’autres pays ; ils reviennent ensuite dans nos assiettes par le biais des importations. Pour protéger la santé humaine et lutter contre la concurrence déloyale que subissent nos agriculteurs, nous devons fermer ces brèches. Le Gouvernement s’y était engagé à plusieurs reprises : par cet amendement, nous vous donnons l’occasion de le faire.
Mme Delphine Batho (EcoS). C’était une disposition importante de la loi Egalim que nous avions adoptée dans une logique de réciprocité : la France ne peut continuer de fabriquer des produits interdits dans l’Union européenne et de les exporter vers d’autres pays, avec le risque de retrouver sur nos étals des produits alimentaires traités avec ces mêmes substances interdites. Nous laissons le soin à la commission des affaires économiques de choisir entre ces deux amendements, le but étant le même.
M. Julien Dive, rapporteur. J’ai déjà indiqué que j’étais favorable à l’amendement CE29. C’est une question de cohérence par rapport aux débats que nous avions eus sur la loi Egalim 1. Nous devons aller plus loin et confirmer l’interdiction de produire et de stocker des substances non approuvées en France.
L’amendement CE316 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE29.
Amendements CE341 et CE334 de Mme Delphine Batho (discussion commune)
Mme Delphine Batho (EcoS). Je remercie le rapporteur et les collègues de l’adoption de l’amendement CE29, qui règle un important problème resté en suspens. L’amendement CE341 vise à garantir la liberté de produire et de consommer sans néonicotinoïdes et à établir un régime de responsabilité concernant les préjudices écologiques ou économiques qui résulteraient de l’utilisation de ces substances – je pense aux apiculteurs ou à des filières qui dépendent largement du service gratuit de la pollinisation.
Ce régime de responsabilité en matière de risques et de préjudices concernerait les distributeurs et les pouvoirs publics qui autorisent la mise sur le marché des substances – et non les agriculteurs, qui en sont les utilisateurs finaux.
Le deuxième amendement concerne la contamination de l’air, de l’eau, du sol, etc.
M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE538 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Il ne s’agit plus ici des néonicotinoïdes, mais de la protection des riverains. Les conséquences sanitaires des épandages de pesticides sur les riverains ont été démontrées. Le rapport d’inspection de 2017 que j’ai déjà évoqué recommandait l’introduction d’une mesure législative imposant des distances minimales entre habitations et lieu d’épandage. Nous proposons que l’autorité administrative fixe une distance de protection de la santé publique de deux cents mètres.
M. Julien Dive, rapporteur. C’est inapplicable sur certaines parcelles ! De plus, les distances minimales à respecter relèvent du pouvoir réglementaire, à la suite de consultations publiques. Par votre amendement, vous privez d’effet le dispositif que nous défendons en matière de dérogation.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous ne sommes plus sur le sujet des dérogations à l’utilisation des néonicotinoïdes ! Il est question ici de tous les pesticides, notamment ceux qui sont cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Nous aurions pu débattre de l’ampleur de la distance ou de la nature des substances concernées, mais nous ne pouvons pas nous soustraire à notre devoir de législateur de protéger la santé publique et d’assumer nos responsabilités vis-à-vis de riverains dont les maladies, des cancers en particulier, sont reconnues comme étant liées à l’utilisation des pesticides.
Je discutais récemment avec notre collègue Nicolas Thierry, qui faisait état de données alarmantes dans le département de la Gironde sur l’état de santé d’enfants qui habitent près des vignobles. Il faut bien faire quelque chose, puisque les chartes d’engagement volontaire n’ont pas donné de résultat.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement. Si nous ne légiférons pas pour fixer des distances minimales à même de protéger les populations, nous accentuerons la défiance envers les agriculteurs qui traitent à proximité des écoles ou des habitations.
M. Dominique Potier (SOC). Sachez qu’une directive « omnibus » est en préparation sur les questions agricoles, qu’elle pourrait annihiler les petites avancées du Pacte vert et remettre en cause les réglementations européennes, notamment en matière de distance d’épandage par rapport aux habitations. Nous sommes face à un mur incroyable. Au moment même où nous alertons sur les risques sanitaires importants, non seulement sur l’eau et l’environnement, mais également sur le monde paysan, une mobilisation très forte sera nécessaire pour éviter le pire et contrer le détricotage du Pacte vert à l’échelle européenne.
M. Hervé de Lépinau (RN). Cette disposition aggraverait encore la réduction du potentiel de production : si l’exploitant ne peut pas traiter sur une bande de deux cents mètres, la pérennité de la parcelle est menacée. Ensuite, c’est un problème d’urbanisme. Expliquons alors aux aménageurs qui achètent un terrain qu’ils devront fixer sur la parcelle une limite de deux cents mètres : la gauche et l’extrême gauche ne veulent pas en entendre parler, parce que cela pourrait remettre en cause la construction de logements sociaux, alors qu’ils en veulent un maximum sur un minimum de place – c’est ce qui se passe dans nos campagnes, où le logement social se développe à marche forcée. N’envoyons pas un énième signal négatif aux agriculteurs et votons contre cet amendement !
M. Julien Dive, rapporteur. Cela relève du pouvoir réglementaire. Par ailleurs, cette distance est énorme et de nombreuses parcelles deviendraient improductives – je ne sais d’ailleurs pas sur quoi vous vous êtes fondés pour la définir.
L’argument de monsieur de Lépinau est très juste : le débat sur les zones de non-traitement (ZNT) et les chartes auprès des riverains ne tient pas compte du code de l’urbanisme et des plans locaux d’urbanisme (PLU). Un maire qui décide d’étendre un lotissement exerce, de facto, une pression sur un agriculteur, alors que ce serait plutôt à l’aménageur, public ou privé, de prévoir les distances nécessaires. Certains le font volontairement sans que la loi l’impose. C’est dans cet esprit que nous devrions en débattre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE518 de M. David Taupiac et sous-amendement CE808 de Mme Delphine Batho
M. David Taupiac (LIOT). Il serait légitime que, lorsque des décisions administratives ou législatives conduisent à interdire un produit en France et qu’il en résulte pour les exploitants agricoles des pertes significatives en raison de l’absence de solutions alternatives, un mécanisme d’indemnisation s’applique. Certains exploitants engagent des investissements importants sur des cultures pérennes – je pense à la sylviculture, par exemple – et doivent attendre plusieurs années pour les amortir. Nous ne pouvons pas laisser ceux qui sont confrontés à des difficultés économiques sans indemnisation. Cet amendement vise donc à fixer un objectif d’indemnisation, afin d’assumer pleinement les décisions administratives ou politiques de retrait de substances actives sur le marché et d’en compenser les pertes.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes presque d’accord avec l’amendement de notre collègue. Nous avons toujours été favorables à garantir une sécurité économique aux agriculteurs qui sont confrontés à la fin de l’autorisation de l’usage d’une substance. Cet amendement prouve d’ailleurs qu’il serait possible de trouver des solutions sur le plan économique pour soutenir les filières en difficulté en raison de l’interdiction de l’acétamipride. Nous avions déposé un sous-amendement afin de clarifier l’amendement de monsieur Taupiac sur la question des solutions alternatives et de mentionner l’action de la France contre la concurrence déloyale, mais il a été déclaré irrecevable.
Le sous-amendement CE808 se contente de reformuler la mention qui concerne les solutions alternatives, en préférant parler « d’accompagner le déploiement des méthodes alternatives définies aux 1° et 2° de l’article L. 254-6-4 ».
M. Julien Dive, rapporteur. Vous voulez que l’État se donne les moyens d’indemniser les préjudices subis en raison de l’interdiction de certains produits. C’était l’esprit de mon amendement CE796, qui a été adopté et qui visait à engager des moyens sur la recherche de méthodes alternatives. C’est la même dynamique, sauf que, au lieu de prévoir une indemnisation de préjudices dont on ignore comment ils seront évalués, j’ai préféré entériner le principe d’investir dans la recherche de solutions alternatives (de biocontrôle, de synthèse ou autres) grâce à des dispositifs tels que le PNRI ou le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada). C’est pourquoi je vous demanderai de retirer votre amendement. Et, par cohérence, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement.
M. Dominique Potier (SOC). Dans un souci de pédagogie, le groupe Socialistes avait publié en 2019 un petit livret intitulé Un plan B comme betterave, dans lequel nous évoquions les trois années de transition et les sept mesures agroécologiques qui permettaient de surmonter les problèmes sanitaires de la betterave. Nous avions imaginé un fonds de compensation des agriculteurs, s’appuyant sur les ressources européennes. La création d’une contribution volontaire obligatoire pourrait permettre de mobiliser le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), afin d’y intégrer tous les préjudices. Certes, cela suppose un effort des filières concernées, mais des mécanismes existent, qui sont largement abondés par des fonds nationaux eux-mêmes abondés par des fonds européens. La France utilise trop peu ces mécanismes, qui permettraient d’accompagner socialement et économiquement la transition des producteurs engagés. Ce qui n’est pas incompatible avec un investissement massif dans la recherche.
Mme Delphine Batho (EcoS). C’est un point capital. Votre amendement CE796 sur les plans de recherche ne propose pas du tout la même chose que celui de monsieur Taupiac. Les dispositions que vous avez fait voter concernent les filières qui demandent sans cesse de financer des plans de recherche dont elles ne tirent jamais les conclusions, puisqu’elles réclament tout le temps la réautorisation des néonicotinoïdes. L’amendement de monsieur Taupiac concerne l’indemnisation des exploitants agricoles et soulève une question fondamentale : celle de la sécurité économique. Or certains pesticides, tels que les fongicides ou les insecticides, sont utilisés pour des raisons quasi assurantielles, c’est-à-dire à titre préventif, parce qu’on suppose qu’il pourrait y avoir un risque ou parce que l’analyse agronomique amène à le penser. En apportant une plus grande sécurité économique, nous faciliterions la sortie des pesticides.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je rejoins madame Batho sur ce point, car les difficultés économiques constituent de véritables freins pour faire évoluer les pratiques agricoles vers l’agroécologie ou l’agriculture biologique. Nous soutiendrons donc le sous-amendement et réservons pour l’instant notre position sur l’amendement de monsieur Taupiac.
M. Julien Dive, rapporteur. Je vois mal comment cet amendement pourrait s’appliquer dans les faits, puisqu’il sera difficile d’évaluer une telle indemnisation. Cependant, je ne m’y suis pas déclaré défavorable, j’ai suggéré son retrait et je veux bien émettre un avis de sagesse. En revanche, je suis défavorable au sous-amendement, qui en restreint le champ.
Successivement, la commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.
Amendements identiques CE10 de Mme Delphine Batho, CE134 de M. Dominique Potier, CE317 de M. Nicolas Thierry, CE384 de M. Loïc Prud’homme, CE530 de M. David Taupiac, CE588 de M. Julien Brugerolles et CE788 de M. Pascal Lecamp
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous revenons ici sur le sujet de l’Anses. Les dispositions des alinéas 40 à 46 institutionnalisent un conflit d’intérêts et la notion d’« usage prioritaire » est très problématique, puisqu’elle tend à faire prévaloir les besoins économiques sur la protection de la santé publique et celle de l’environnement. Cette notion soulève aussi la question de l’arbitrage implicite entre les filières : les grosses filières, qui disposent de moyens importants, pourront se déclarer prioritaires, au détriment des autres pour qui l’instruction des demandes par l’Anses deviendrait la dernière roue du carrosse.
M. Dominique Potier (SOC). Quelle que soit sa spécialité – grande production végétale, arboriculture, maraîchage, alimentation animale… –, une filière stratégique en difficulté, c’est un drame économique et social pour le territoire et une menace pour notre sécurité et notre souveraineté alimentaires.
Mais s’il est utile d’institutionnaliser le dialogue entre les filières économiques, l’Inrae, l’Association de coordination technique agricole (Acta) et tous les ministères concernés (au premier rang desquels celui de l’agriculture) à travers le « comité des solutions », prenons garde à ce que l’Anses n’ait pas à lui rendre de comptes, sans quoi notre travail de ce matin aura été vain.
Tous ceux qui connaissent un peu le milieu savent bien qu’en pratique, tout le monde se parle et pas seulement au Salon de l’agriculture. L’Anses est parfaitement capable d’identifier les filières stratégiques à l’échelle nationale et internationale qui seraient en difficulté et d’en tenir compte dans son calendrier. De là à la soumettre à des pressions politiques ou économiques en lui demandant de rendre des comptes, il y a un pas que nous ne voulons pas franchir. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 40 à 46, qui créent des relations de subsidiarité et de dépendance contraires à l’esprit de la loi de 2014.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Créer un conseil d’orientation chargé de prioriser l’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché des pesticides reviendrait à remettre en cause l’indépendance de l’Anses en permettant à des intérêts industriels de peser sur ses priorités et à faire primer la rentabilité sur la santé publique et l’environnement. Par ailleurs, une telle instance semble contraire au fonctionnement collégial de l’évaluation consacré à l’échelle européenne. Enfin, ce nouvel organe n’est pas sans rappeler la logique qui avait présidé à la création du comité permanent de l’amiante, qui a finalement retardé l’interdiction d’un produit mortel.
Pour ne pas reproduire les erreurs du passé et s’assurer d’une évaluation objective et indépendante des lobbies, cet amendement vise à supprimer la création de ce conseil d’orientation.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Une fois encore, on nage dans la plus grande confusion. La planification de travaux de l’Anses est effectivement nécessaire et c’est une priorité que nous défendons fermement. Par exemple, la filière des protéines végétales ne demande qu’à être relancée et l’État a engagé un plan de soutien en ce sens. Mais ce sujet doit rester bien distinct de celui de l’instruction, par l’Anses, des autorisations de mise sur le marché pour des formulations commerciales, qui peuvent d’ailleurs être utilisées par différentes filières.
M. David Taupiac (LIOT). Par cohérence avec la suppression des nouvelles méthodes de travail de l’Anses proposées au début de l’article, nous proposons de supprimer les alinéas 40 à 46. Selon plusieurs firmes qui fabriquent ou commercialisent des produits phytosanitaires, ce dispositif n’est pas opérationnel : comment définir des priorités alors qu’il existe à la fois des enjeux sanitaires et environnementaux ? Surtout, comment hiérarchiser des produits venant de différentes sociétés, chacune ayant ses propres enjeux économiques ?
Continuons de prioriser la santé et l’environnement et n’interférons pas dans le fonctionnement de l’Anses.
M. Julien Brugerolles (GDR). Il y a un débat que nous n’avons qu’esquissé, alors qu’à mes yeux, il constitue une des priorités du texte : celui de la protection des filières en difficulté. Elle passe tout d’abord par la régulation des marchés et des prix, dont l’absence pour les marchés sucriers nous a, par exemple, coûté une petite filière betteravière de quatre mille hectares en Limagne, dans le Puy-de-Dôme. Elle passe aussi par la prévention des aléas et l’indemnisation des agriculteurs. À cet égard, je me félicite de l’adoption de l’amendement de monsieur Taupiac. Il se trouve que nous disposons également d’un outil essentiel, le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental. Il permet d’indemniser les agriculteurs subissant une baisse de rendement et de les aider à surmonter cette difficulté : il faut donc absolument le conforter.
Troisième levier de protection des filières en difficulté : l’activation des mesures de sauvegarde. C’est ce qui a été fait pour la cerise avec l’interdiction du diméthoate.
M. Pascal Lecamp (Dem). Le travail de l’Anses a vocation à éclairer la décision publique. Or le conseil d’orientation pour la protection des cultures prévu aux alinéas 40 à 46 ne serait pas une instance de dialogue, mais une structure réunissant l’ensemble des acteurs n’ayant pas intérêt, à court terme, à ce que certains produits ne soient pas mis sur le marché. Sans critique aucune des agriculteurs ou des fabricants de produits sanitaires – chacun défend ses intérêts, c’est bien naturel –, nous ne voulons pas mettre nos scientifiques dans une position délicate en leur demandant de faire des choix sanitaires et sécuritaires en fonction d’intérêts économiques ou politiques. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 40 à 46.
Je le répète, l’Anses fait bien son travail. Si des filières se retrouvent dans l’impasse, ce n’est pas sa faute, mais celle des parlementaires qui ont décidé d’interdire les néonicoinoïdes.
M. Julien Dive, rapporteur. Ces alinéas constituent une injonction adressée à l’Anses, ce qui me semble maladroit. Reste qu’il est nécessaire de renforcer le dialogue, comme l’a souligné monsieur Potier. À cette fin, je propose de renforcer le « comité des solutions », une instance de dialogue, créée en 2024 et relancée début 2025, qui a vocation à rassembler l’ensemble des acteurs concernés par ce débat (filières, acteurs de la recherche et de l’innovation, Anses, structures interprofessionnelles). C’est l’objet de mon amendement CE797, qui sera bientôt discuté. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements à son bénéfice.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le problème, c’est qu’il présente les mêmes limites que le texte initial : il entérine la notion d’« usage prioritaire » – une filière rencontrant un problème technique serait donc prioritaire par rapport aux enjeux de santé publique ou d’environnement –, la liste des usages prioritaires est fixée par le ministre chargé de l’agriculture après avis du comité des solutions et l’Anses doit arrêter le calendrier d’instruction des AMM en fonction de ces usages prioritaires.
Cette proposition doit aussi être lue à l’aune de votre amendement CE743 : l’amendement est tombé, mais il prévoyait que l’Anses informe ses ministères de tutelle avant toute décision sur un produit répondant à un usage prioritaire.
Une rédaction différente, donc… mais la même volonté d’ingérence politique dans l’Anses et le même niveau d’influence des firmes de l’agrochimie, puisqu’elles seront membres du comité des solutions.
M. Dominique Potier (SOC). Je souscris à l’analyse de notre collègue Delphine Batho : il faut un lieu de dialogue sur les filières en difficulté, mais cela n’a rien à voir avec l’Anses, dont l’indépendance doit être clairement garantie. Commençons par supprimer ces alinéas, puis nous réfléchirons à un dispositif qui réponde réellement aux défis socio-économiques de nos filières et à l’exigence de sécurité alimentaire tout en préservant l’environnement. Nous vous ferons une proposition en ce sens.
M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, soyez honnête quand vous rapportez mes positions : j’étais favorable à la suppression de l’alinéa 4 et j’ai bien expliqué pourquoi. J’aurais préféré limiter les remontées d’information de l’Anses à ses ministres de tutelle aux seuls produits concernés par un usage prioritaire.
Évidemment, si vous ne réunissez pas une structure, elle ne peut pas trouver de solutions ; mais si vous la réunissez régulièrement, le dialogue s’installe. Le comité des solutions, créé par la ministre Agnès Pannier-Runacher, a été réuni et animé. Il s’agit désormais de lui donner corps en l’inscrivant dans la loi et en lui assignant une mission, condition sine qua non à l’émergence d’un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes – je rappelle que des représentants d’ONG, notamment, y siègent.
Cette mission, c’est la définition des usages prioritaires : il ne s’agit pas d’accorder la priorité à une molécule ou une substance, mais d’identifier les usages qui sont le plus manifestement dans l’impasse et qui ont donc besoin que l’AMM de certains produits soit instruite rapidement – c’est-à-dire étudiée, puis accordée ou rejetée ; car c’est bien là le rôle de l’Anses.
Quant au calendrier des instructions, c’est l’Anses qui l’établit : nous proposons seulement qu’elle le présente ensuite au comité des solutions, afin d’ouvrir le dialogue. Quant à votre proposition, monsieur Potier, elle va tomber si ces amendements de suppression sont adoptés.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE797 de M. Julien Dive, CE445 de M. Dominique Potier et CE647 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune)
M. Julien Dive, rapporteur. J’ai défendu cet amendement dans mes précédentes interventions.
M. Dominique Potier (SOC). En séance, nous aurions sous-amendé votre proposition, monsieur le rapporteur, pour ne conserver que la partie sur le comité des solutions – car il est utile d’avoir un lieu de dialogue sur les filières en difficulté – et supprimer l’injonction adressée à l’Anses de rendre compte du calendrier d’instruction des AMM – car c’est une démarche en contradiction avec nos convictions profondes. Malheureusement, en commission, ce n’est pas possible. Nous ne pourrons donc pas soutenir votre amendement et vous ferons d’autres propositions en séance.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Mon amendement vise à donner corps, sur le plan juridique, au comité des solutions créé l’an dernier par les ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher et à lui assigner une mission claire : soutenir le développement des filières et identifier celles qui seraient dans l’impasse. Il permet en outre de préserver l’indépendance de l’Anses, ce qui devrait répondre aux préoccupations de certains. Enfin, contrairement à celui du rapporteur, il précise la composition du comité des solutions (représentants des ministères chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, représentants de la production agricole et acteurs de la recherche agronomique) plutôt que d’en renvoyer la définition à un décret.
Le comité des solutions existe déjà, il commence à porter ses fruits : il s’agit maintenant de lui assigner des missions claires et de définir, en toute transparence, sa composition.
M. Julien Dive, rapporteur. Comme je vous l’ai expliqué au début de l’article 2, tout ce qui a trait à l’Anses et qui ne figurera pas dans la loi sera, de fait, décidé par décret – un projet de décret est d’ailleurs déjà paru dans la presse professionnelle. Il est donc préférable d’indiquer dans la loi que l’Anses établit elle-même son calendrier, faute de quoi ce sera décidé par voie réglementaire et l’Anses ne sera alors peut-être plus maîtresse de son calendrier – d’où mon amendement. Je précise, monsieur Potier, que je ne suis pas hostile aux sous-amendements, pour peu qu’ils soient constructifs ; je n’y suis pour rien si ceux que vous aviez déposés ont été déclarés irrecevables. Vous pourrez travailler la question d’ici à l’examen en séance.
Je suis défavorable à l’amendement CE445, mais favorable à l’amendement CE647, qui est de repli par rapport au CE797.
M. Dominique Potier (SOC). Je suis plus favorable à l’adoption de l’amendement de notre collègue Fugit, d’ailleurs assez proche du nôtre.
Après avoir reconnu que c’est sans grande conviction que vous avez proposé que l’Anses rende des comptes au comité des solutions, voilà que vous faites valoir que les décisions que nous ne prendrions pas dans la loi seront prises de fait par décret – sur le plan démocratique, c’est un peu étrange.
Nos débats sont enregistrés et éclairent notre intention de législateur. Si nous disons clairement que nous voulons un comité des solutions – car il nous semble important de traiter des questions socio-économiques et de garantir la souveraineté alimentaire – mais aussi que nous sommes attachés à l’indépendance de l’Anses, il sera difficile pour la ministre de prendre un décret allant à l’encontre de la volonté du Parlement. Au reste, un tel décret pourrait alors être attaqué à ce motif.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). J’ajoute que si notre amendement venait à être adopté, vous pourriez toujours le compléter d’ici à la séance, monsieur le rapporteur. Rien ne nous empêche de travailler par étapes. Pour l’heure, notre amendement a l’avantage d’être plus clair et plus rassurant.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes défavorables à tous ces amendements.
Celui du rapporteur organise la mise sous tutelle politique de l’Anses afin de prioriser les enjeux économiques, au détriment des problèmes de santé publique et d’environnement, lors de l’instruction des autorisations de mise sur le marché.
Quant aux deux autres, nous en comprenons l’intention, mais il existe déjà une structure remplissant le rôle qu’ils veulent assigner au comité des solutions : le comité d’orientation stratégique et de suivi de la stratégie Écophyto 2030, dont le travail est tout entier tourné vers la réduction et la sortie des phytos. Nous sommes donc défavorables à la création d’une autre instance.
M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, l’Anses est un établissement public et, de fait, elle est déjà sous tutelle ministérielle. À travers le comité des solutions, je cherche au contraire à instaurer une logique de dialogue. Et si je souhaite inscrire dans la loi que l’Anses est maîtresse de son calendrier, ce n’est que par souci de clarification.
Monsieur Potier, ne me prêtez pas des intentions qui ne sont pas les miennes : si je n’étais pas convaincu par le bien-fondé du comité des solutions, je n’aurais pas déposé cet amendement. Je défends cette solution parce que c’est celle qui s’est fait jour lors des auditions de l’Anses et des différents acteurs du comité des solutions, notamment la Phyteis.
La commission rejette successivement les amendements CE797 et CE445.
Elle adopte l’amendement CE647.
En conséquence, les amendements CE337 à CE318 tombent.
Amendements identiques CE251 de la commission du développement durable et CE410 de Mme Marie Pochon, amendements CE188 et CE189 de Mme Marie Pochon (discussion commune)
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement a été adopté à l’initiative du groupe Écologiste et social. Je laisse donc à l’un de ses membres le soin de le présenter.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Les abeilles et les pollinisateurs ont des prédateurs que nous déversons nous-mêmes : les pesticides. Ils sont – et de loin – la première cause de l’effondrement des populations de pollinisateurs, avec les espèces envahissantes toxiques, la destruction des habitats et la monoculture agricole : nous l’avons déjà répété un certain nombre de fois, mais cela ne fait pas de mal de le rappeler à nouveau. Alors que cette proposition de loi vise à réintroduire les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles et à placer l’Anses sous tutelle politique, nous cherchons, pour notre part, à protéger les pollinisateurs en les préservant des produits qui les empoisonnent et à garantir l’indépendance de l’Anses afin que ses travaux tendent bien à la protection de la santé publique et de l’environnement.
L’amendement CE410 prévoit que l’Agence nationale de sécurité sanitaire garantit que l’évaluation des produits phytosanitaires présents sur le marché et l’instruction des demandes de mise sur le marché est fondée sur les protocoles de tests les plus récents. L’amendement CE188 est de repli.
Par ailleurs, le recours déposé par différentes associations environnementales – Pollinis, Notre Affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER-TOS), l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (Aspas) – a permis de mettre en évidence des défaillances dans les procédures d’évaluation des produits phytosanitaires. De nombreux effets des pesticides sur certains insectes pollinisateurs, comme les effets chroniques ou sub-létaux, ne sont pas suffisamment évalués. Il nous semble donc prioritaire de mettre à jour les protocoles d’évaluation de la toxicité des produits sur les insectes pollinisateurs
Bonne nouvelle : ces protocoles existent déjà. L’amendement CE189 prévoit donc la publication annuelle d’un bilan des protocoles existants, soulignant leurs lacunes et formulant des recommandations pour les actualiser avec les dernières connaissances scientifiques – et ainsi garantir la protection des pollinisateurs.
M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Les effets des produits phytosanitaires sur la biodiversité, en particulier sur les insectes, sont déjà évalués au niveau européen. En outre, votre proposition constitue une forme d’ingérence dans le travail de l’Anses. C’est contradictoire avec le débat que nous venons d’avoir sur l’autonomie de l’agence.
La commission rejette les amendements CE251 et CE410.
Elle rejette successivement les amendements CE188 et CE189
Elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendements identiques CE240 de la commission du développement durable et CE30 de Mme Delphine Batho
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement très intéressant prévoit d’interdire l’utilisation, dans les biocides, des produits phytopharmaceutiques proscrits en agriculture. Il a été adopté par la commission du développement durable à l’initiative de notre collègue Delphine Batho. J’espère sincèrement que vous l’adopterez.
Mme Delphine Batho (EcoS). Effectivement, des substances interdites dans les pesticides restent autorisées pour les insecticides domestiques. Compte tenu des données de l’Anses sur l’exposition à ces produits toxiques au sein du domicile – notamment les néonicotinoïdes et pyréthrinoïdes – et dans l’attente de l’harmonisation des règlements européens concernés, il convient d’interdire automatiquement l’usage, dans les produits domestiques, des substances interdites dans les pesticides agricoles.
M. Julien Dive, rapporteur. Il n’est effectivement pas logique d’autoriser dans les insecticides à usage domestique ou les produits à usage vétérinaire – notamment dans les colliers antipuces ou les produits antitiques des chiens et des chats – des molécules interdites en agriculture – d’autant que ce sont souvent des aérosols utilisés en milieu confiné et dont les effets sont donc forcément plus nocifs encore pour la santé humaine. C’est un sujet important qui a été abordé en audition, notamment lors de celle de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Peut-être faudrait-il simplement prévoir une date d’entrée en vigueur de la disposition qui laisse le temps aux firmes développant des répulsifs de trouver des alternatives – nous pourrons y revenir en séance. Quoi qu’il en soit, je suis favorable à ces amendements.
Mme Delphine Batho (EcoS). C’est une mesure transitoire. Il faut également prévoir un dispositif pour la gestion des stocks existants. Adoptons les amendements et nous les compléterons en séance.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE420 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). « Ce n’est pas ta faute, il ne faut pas t’en vouloir, on n’a pas su nous protéger. Il faut que tu te battes, maman, bats-toi. » Ces mots qui ont fait la une, il y a quelques années, sont ceux d’une fillette de onze ans, morte d’un cancer après avoir été contaminée par les pesticides présents dans les fleurs manipulées par sa mère – apprentie fleuriste de 2000 à 2004, puis fleuriste en boutique, avant de devenir représentante sur un marché de gros en 2008.
Pour prolonger le combat de cette mère et de sa fille pour préserver notre santé à tous et, en particulier, celle des professionnels du secteur horticole, cet amendement vise à interdire l’utilisation, dans les produits horticoles, de pesticides et produits phytosanitaire que l’Union européenne a proscrits en agriculture.
M. Julien Dive, rapporteur. Je comprends votre préoccupation pour la filière horticole française, mais une grande partie des fleurs vendues en France sont importées depuis d’autres pays, au premier rang desquels l’Afrique du Sud, et transitent par des pays de l’Union européenne, comme les Pays-Bas. Votre amendement ne sera pas opérationnel et je vous demande de bien vouloir le retirer.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Notre amendement prévoit bien l’interdiction de la vente ou de la distribution de tous les produits horticoles traités par des produits phytopharmaceutiques, y compris lorsqu’ils sont importés depuis des pays extérieurs à l’Union européenne.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il est nécessaire d’aligner la réglementation des produits horticoles sur celle s’appliquant aux usages agricoles. Nous aurions d’ailleurs dû le faire dès l’amendement précédent. D’ailleurs, j’aimerais bien comprendre pourquoi la droite a voté contre, alors que ce matin elle dénonçait combien il était illogique d’autoriser l’utilisation de substances dangereuses pour la santé dans les produits domestiques ou vétérinaires.
M. Julien Dive, rapporteur. Je comprends l’intérêt de cette mesure pour la filière horticole française, mais si les fleurs se trouvent sur le sol européen, par exemple aux Pays-Bas ou dans un autre pays membre de l’Union, on ne peut pas interdire leur transfert vers la France. Je maintiens donc ma position.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE266 de la commission du développement durable et CE701 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). Ces amendements, adoptés en commission du développement durable, visent à ajouter un titre spécifique pour répondre aux problèmes de l’agriculture biologique, qui est la grande oubliée de cette proposition de loi. En effet, outre qu’ils doivent faire face à un manque de soutien de la part des pouvoirs publics et à un manque de débouchés, nombre d’agriculteurs biologiques sont contraints de détruire leurs récoltes contaminées par des pesticides qu’ils n’ont pas utilisés, notamment le prosulfocarbe. D’après la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), les destructions de cultures de sarrasin bio contaminées par cet herbicide très volatil se chiffrent, depuis 2020, à plus d’un demi-million d’euros. C’est une injustice totale, à laquelle nous devons mettre fin. L’amendement tend donc à garantir aux agriculteurs biologiques la liberté de produire sans pesticides et à responsabiliser les industriels du secteur des pesticides en cas de préjudice économique lié à une contamination par ces produits.
M. Julien Dive, rapporteur. Il sera difficile d’établir l’origine des préjudices que vous évoquez pour l’agriculture bio. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement vise à ce que les responsables soient identifiés comme les distributeurs et les détenteurs de l’AMM. Je le répète : pour le groupe Écologiste et social, les responsables sont les pouvoirs publics qui autorisent ces produits et les firmes qui les fabriquent, et non pas l’agriculteur qui les utilise. Ce ne sont donc pas les voisins qui doivent indemniser l’agriculteur bio, mais celui qui a fabriqué le prosulfocarbe.
M. Julien Dive, rapporteur. Il arrive que plusieurs firmes commercialisent la même substance, pour laquelle elles ont obtenu une AMM. Il sera, dans ce cas, difficile d’établir le lien de causalité.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE561 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement vise à corriger une anomalie. Actuellement, en effet, les autorisations de mise sur le marché délivrées par l’Anses ne seront pas soumises à la procédure prévue par l’article 7 de la Charte de l’environnement sur la participation du public. Il est donc proposé de les soumettre au régime de base qui s’applique en la matière, qui prévoit une publication en ligne avant la publication formelle. C’est une question de constitutionnalité.
M. Julien Dive, rapporteur. L’Anses assure déjà une grande transparence en matière d’évaluation des produits phytos. On peut ainsi consulter sur son site internet le registre des décisions d’AMM, les avis relatifs aux demandes d’introduction de macro-organismes dans l’environnement, le site E-phy, qui répertorie les produits à usage autorisé, et les chiffres de phytopharmacovigilance. La mesure que vous proposez pourrait même ralentir les procédures de l’Anses. Avis plutôt défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Une autorisation de mise sur le marché est un acte réglementaire et il serait logique qu’elle soit soumise au régime de droit commun de la participation du public.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE557 de Mme Delphine Batho
Amendement CE533 de Mme Marie Pochon
M. Jean-Claude Raux (EcoS). L’amendement propose d’établir une stratégie de maîtrise de la dépendance de la France aux produits phytosanitaires de synthèse fabriqués à partir d’énergies fossiles. En effet, 98 % des engrais azotés industriels sont fabriqués à partir d’énergies fossiles et, qui plus est, la France a augmenté, ces quatre dernières années, sa dépendance au gaz russe, notamment en matière de transformation et de production d’engrais azotés, qui découlent de la séparation d’hydrogène et de méthane brûlés à haute température. La maîtrise de notre dépendance à ces engrais découle nécessairement d’une réduction de leur usage dans les objectifs d’Écophyto, mais, si nous voulons réellement affirmer notre indépendance, instaurons une réelle stratégie d’émancipation de l’usage des produits phytosanitaires.
M. Julien Dive, rapporteur. C’est le rôle qui a été confié au comité des solutions et cela se traduit par le Parsada, qui dispose d’une enveloppe de 146 millions d’euros et qui a pour vocation de travailler sur les alternatives, y compris bio ou en biocontrôle. J’ai déjà vanté les mérites de ce plan, qui est un bel outil et dont j’ai souhaité pérenniser l’esprit avec l’amendement adopté tout à l’heure, qui vise à fixer à l’État un objectif de moyens pour accompagner la recherche d’alternatives en cas d’interdiction de certaines solutions. Je demande donc le retrait de l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE529 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Les agriculteurs sont les premières victimes des conséquences des pesticides de synthèse sur la santé humaine. L’objet de l’amendement est que tout exploitant ou salarié agricole utilisateur à titre professionnel de produits phytopharmaceutiques ait droit à une information claire et complète sur les maladies professionnelles liées à l’usage de ces produits et sur l’existence du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides.
M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement ne précise pas qui supporte la charge de cette information – l’État, les employeurs des salariés agricoles, les distributeurs ou les metteurs en marché ? Je demande donc son retrait, afin qu’il puisse être précisé en vue de l’examen du texte en séance.
Mme Delphine Batho (EcoS). Ces précisions sont contraintes par l’article 40 de la Constitution. Dans notre esprit, il ne s’agit pas d’ajouter un nouveau « machin » compliqué. Une discussion s’impose pour savoir à quel moment doit intervenir cette information et qui doit la dispenser. La question est très importante et on ne peut pas dire que cette demande soit déjà satisfaite. Or la conscience des impacts sanitaires et de la nécessité de protéger sa santé et celle de son entourage est un levier puissant de changement des pratiques agricoles.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans mon département, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), qui gère notamment le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides et est chargée de repérer et d’accompagner les agriculteurs victimes, témoigne que très peu d’agriculteurs la saisissent, même lorsqu’ils sont victimes, que cette démarche passe le plus souvent par les familles ou par les femmes d’agriculteurs et qu’il existe encore un véritable tabou autour de cette question dans le monde agricole. Une véritable information est donc nécessaire et il faut lever le tabou public sur l’usage des pesticides et ses conséquences potentielles. L’État doit bien évidemment accompagner l’indemnisation de ces victimes.
M. Dominique Potier (SOC). Nous soutiendrons cet amendement. La commission d’enquête s’est intéressée à l’usage du fonds d’indemnisation des victimes de phytosanitaires. Il s’agit d’un amendement socialiste déposé au Sénat, que nous avons repris et défendu ensemble et qui a été adopté l’année suivante dans la loi de financement de Sécurité sociale, conformément à un engagement pris par la ministre Agnès Buzyn à la suite d’une niche parlementaire qui n’avait pas pu aller jusqu’à son terme. C’est une victoire collective que nous partagions tous. Ce fonds est très peu utilisé. Nous avons interrogé ses responsables dans le cadre de la commission d’enquête et il est apparu qu’un travail d’information devrait être mené par la Mutualité sociale agricole et le fonds lui-même en direction du grand public.
M. Éric Martineau (Dem). La mesure proposée par madame Batho est une très bonne idée. Étant donné toutefois que l’on reçoit une formation sur la dangerosité de l’usage des pesticides en tant que décideur ou qu’applicateur au moment où l’on passe le certificat phyto, je m’interroge sur l’utilité de l’amendement.
M. Julien Dive, rapporteur. Je ne nie pas l’intérêt du fond de l’amendement, mais il faudrait préciser à qui reviendra la charge de l’information proposée. S’il s’agit de l’État, l’article 40 de la Constitution pourrait être invoqué. Cela doit-il incomber aux distributeurs, aux metteurs en marché ou encore à la MSA, comme vient de le proposer monsieur Potier ? Je vous invite donc à retirer l’amendement pour le retravailler en vue de la séance publique. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 16 h 35
Présents. - M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, M. Christophe Barthès, Mme Delphine Batho, Mme Lisa Belluco, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, Mme Anne-Laure Bain, M. Jean-Luc Bourreaux, M. Julien Brugerolles, M. Julien Dive, M. Peio Défaut, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Jean-Luc Fugit, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, Mme Mathilde Hignet, M. Harold Huwart, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Hélène Laporte, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Éric Liégeon, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, Mme Julie Ozenne, M. Dominique Potier, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Claude Raux, M. Joseph Rivière, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric-Pierre Vos, M. Frédéric Weber
Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Cosson, M. Pierrick Courbon, Mme Sandrine Le Feur, M. Hubert Ott, Mme Marie Pochon