Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur) 2
– Information relative à la Commission...................26
Mercredi 14 mai 2025
Séance de 21 heures 30
Compte rendu n° 95
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur).
Après l’article 2 (suite)
Amendements identiques CE238 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et CE387 de M. Loïc Prud’homme
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’adoption de cet amendement a été souhaitée par la commission, mais je n’y suis, quant à moi, pas favorable.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous proposons de rédiger ainsi le 2° de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime : « L’utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 est interdite dans une zone tampon de 200 mètres autour des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi que dans une zone tampon de 200 mètres autour des centres hospitaliers et des hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave, ainsi que des lieux d’habitation à partir des limites de la propriété et des établissements recevant du public, quelle que soit leur catégorie. »
M. Julien Dive, rapporteur. Lorsque nous avons débattu des zones de non-traitement à l’occasion de l’examen de l’article 2, je vous ai expliqué que leur détermination relevait du pouvoir réglementaire. Je vous renvoie à notre discussion sur ce point. De plus, je ne sais pas comment a été fixée la distance de deux cents mètres – pourquoi pas cent, pourquoi pas cinquante ? – mais je vous répète qu’elle me semble considérable. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Cette distance a été fixée pour tenir compte de la dérive des produits. Si vous êtes d’accord pour entrer dans une discussion sur la distance, monsieur le rapporteur, faisons-le, mais actons d’abord le principe. Nous soutenons ces amendements car les mesures de précaution sont presque inexistantes, ce qui expose les pouvoirs publics à un risque pénal.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CE250 de la commission du développement durable et CE413 de Mme Marie Pochon
M. Jean-Claude Raux (EcoS). On estime que la production agricole, en France, est assurée à 35 % par la pollinisation des abeilles. Or leur mortalité n’a jamais été aussi élevée : 20 % à 30 % des colonies disparaîtraient chaque année, en raison notamment des pratiques de l’agriculture intensive. Les apiculteurs souhaitent produire librement sans subir la mise sur marché, par les industriels de la chimie, de produits qui déciment les pollinisateurs comme les pesticides. Cet amendement vise à les défendre.
M. Julien Dive, rapporteur. Je maintiens l’avis défavorable que j’avais émis précédemment sur ce sujet.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE345 de M. Nicolas Thierry
M. Benoît Biteau (EcoS). Nous proposons d’interdire les pesticides contenant des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS), ainsi que ceux dont les métabolites sont des PFAS. Ces polluants éternels peuvent en effet entraîner des troubles hormonaux, affecter le système immunitaire, accroître le risque de certains cancers, perturber le développement du fœtus et être associés à des maladies comme le diabète. Il est urgent de cesser de les utiliser.
M. Julien Dive, rapporteur. Je rappelle que les autorisations de mises sur le marché (AMM) sont délivrées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), dans un cadre européen fixé par l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). Je maintiens l’avis défavorable que j’ai tenu jusqu’alors sur ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE233 de la commission du développement durable
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement très intéressant vise à offrir la possibilité aux parcs et aux réserves d’interdire l’utilisation des pesticides dans leur périmètre.
M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement vise un champ extrêmement large et risque de concerner des cultures en situation d’impasse. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). La France est-elle en train de renoncer à toute forme de protection de sa biodiversité et de son patrimoine naturel ? L’effet des pesticides de synthèse sur la biodiversité n’est pas discutable. Le fait de donner aux gestionnaires d’espaces naturels la possibilité de réglementer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques me semble relever du bon sens.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le Président de la République a considéré que ces zones faisaient partie des 30 % du territoire censés être protégés en vertu de l’accord sur la biodiversité adopté à l’issue de la COP15. Les conclusions de la mission d’information relative à l’agriculture et à la biodiversité montrent que l’usage des pesticides est la première cause de disparition des oiseaux. Dans les zones où la biodiversité est censée être protégée, nous pourrions au moins offrir la possibilité d’interdire ces produits.
M. Jordan Guitton (RN). Le groupe Rassemblement national votera contre cet amendement. Dans mon département de l’Aube, si l’utilisation des pesticides était interdite dans le parc naturel régional de la Forêt d’Orient, ce sont les agriculteurs de plus de cinquante communes qui devraient s’en passer. Cela aboutirait à la suppression des fermes, des emplois et, à la fin, de toute production agricole : sans pesticides, on n’est pas capable de produire. Je ne comprends pas le sens de cet amendement, qui relève de l’agribashing et prône la décroissance agricole. Il va à l’encontre de l’objectif du texte et son adoption serait très dangereuse pour le monde rural.
M. Julien Dive, rapporteur. La superficie de l’ensemble des parcs régionaux et nationaux de France correspond à un quart de la surface terrestre de la France métropolitaine et des départements d’outre-mer : cela donne une idée de la taille des zones concernées.
En outre, cet amendement conduirait à déléguer aux organes gestionnaires de ces parcs le droit d’interdire des produits, alors que nous venons de souligner que ce n’était pas au politique de le faire, mais à la science. Il provoquerait par ailleurs des distorsions de concurrence et aboutirait à une rupture d’égalité devant la loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE386 de M. Loïc Prud’homme
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous proposons au Président de la République de se rattraper et de tenir enfin sa promesse de sortie du glyphosate – un produit dont le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a déjà démontré à de nombreuses reprises le caractère cancérogène et qui est responsable de nombreuses maladies professionnelles, en particulier chez les agriculteurs. Des alternatives existent : soixante mille agriculteurs bio s’en passent aisément.
M. Julien Dive, rapporteur. Les débats que nous avons eus à ce sujet en 2018 ont amené à la création d’une mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, à la nomination d’un coordinateur, à la définition d’une trajectoire et à la restriction de l’usage de ce produit à certaines filières et à certaines situations. J’ajoute que le cadre européen l’autorise encore. Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). N’oublions pas que certains agriculteurs quittent l’agriculture bio, en raison de sa trop faible rentabilité, pour revenir vers l’agriculture conventionnelle : sans subventions, ils n’y arrivent pas.
Par ailleurs, la profession intègre la dangerosité de certains produits et de certaines pratiques : les tracteurs sont dangereux et provoquent la mort d’agriculteurs tous les ans, mais on ne les interdit pas pour autant ! L’utilisation de protections règle une grande partie du problème évoqué.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ne dites pas que l’agriculture bio ne s’en sortirait pas si elle n’était pas subventionnée : elle l’est beaucoup moins que l’agriculture conventionnelle, qui perçoit plus de 90 % des sommes versées au titre de la politique agricole commune (PAC) et des subventions nationales. C’est aussi parce qu’elle est aidée par de l’argent public que l’agriculture conventionnelle devrait avoir un mininum de vertu environnementale.
Mme Delphine Batho (EcoS). La dernière expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a confirmé qu’il fallait se préoccuper des effets sur la santé du glyphosate. C’est sur cette expertise que nous avons fondé notre proposition de résolution européenne, afin que la France se prononce contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate à l’échelle européenne. Compte tenu du caractère fondamentalement vicié de la décision qui a été prise – je ne reviendrai pas sur l’affaire des « Monsanto Papers » –, il nous paraît indispensable qu’une promesse faite en 2017 soit enfin tenue.
M. Dominique Potier (SOC). Je vous livre mes réflexions, qui ne reflètent pas la doctrine de mon groupe : si nous interdisons le glyphosate sur la base d’une décision politique, il ne faudra pas s’étonner qu’une autre majorité, dans deux ans, ne rétablisse l’usage du S-métolachlore.
Notre combat doit consister à renforcer les agences, pas à prendre des décisions. Je pense que si l’Anses avait travaillé sur la phyto-épidémiovigilance et sur la biodiversité à long terme, le glyphosate n’aurait pas été réintroduit. C’est grâce à l’Anses et à l’Efsa que 95 % des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR1) ont été éloignés de l’usage agricole.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE550 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne cesse de rappeler que le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), remis au ministre en 2017, était très clair : « Le degré de certitude d’ores et déjà acquis sur les effets des produits phytopharmaceutiques commande de prendre des mesures fortes et rapides sauf à engager la responsabilité des pouvoirs publics. »
Nous proposons, en cohérence avec sa recommandation n° 2, de retirer d’urgence cinq catégories de produits contenant les substances les plus préoccupantes pour la santé publique.
M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Je voudrais répondre à monsieur Prud’homme que, dans mon département, les deux tiers des productions sont hors PAC. Je maintiens donc mes propos au sujet de la reconversion des exploitations bios en agriculture conventionnelle.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). On voit bien là l’opposition du Rassemblement national à l’agriculture biologique. Monsieur Guitton estime que, si tous les agriculteurs de l’Aube travaillaient en bio, ils ne produiraient plus rien. Quel mépris pour l’association Chlorophylle, pour l’association Jardin de cocagne de La Barbuise, pour le producteur Au cœur de la chèvrerie et pour tant d’autres !
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE231 de la commission du développement durable et CE600 de M. Jean-Claude Raux
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je trouve très intéressant cet amendement qui vise à taxer les producteurs de produits phytosanitaires : il permettrait de trouver des financements pour les agences de l’eau, notamment pour le développement de mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) qui sont essentielles pour nos agriculteurs, conventionnels comme bios.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Il n’est pas acceptable que ce soit les usagers et les collectivités qui supportent le coût – environ un milliard d’euros par an dans notre pays – de la dépollution de l’eau potable. Dans le même temps, les géants de l’agrochimie continuent de faire des profits considérables au détriment de notre biodiversité et de notre santé, tandis que leur participation financière reste insignifiante (0,9 % de leur chiffre d’affaires). La loi permet d’élever cette contribution jusqu’à 3,5 %, mais le Gouvernement refuse d’activer ce levier. Ce choix politique en dit long sur les intérêts qu’il privilégie. Nous proposons de faire de ce plafond virtuel de 3,5 % un plancher, selon un principe clair : qui pollue, paie.
M. Julien Dive, rapporteur. L’article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant le taux des impositions de toutes natures. Le législateur peut ne déterminer que les limites à l’intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d’une imposition mais, en supprimant le plafond de la taxe pour en faire un plancher, il se mettrait en situation d’« incompétence négative ». J’émets, pour cette raison, un avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Si vous considérez que tous les produits phytosanitaires polluent les nappes, y compris ceux qui sont utilisés par l’agriculture biologique, il n’y a aucune raison que ces derniers soient exonérés. Ensuite, notre groupe n’est pas opposé à l’agriculture biologique, qui peut être une filière d’excellence. Ce que nous disons, c’est que, sa production à l’hectare n’étant pas la même, il lui est difficile d’être rentable tout en concurrençant l’agriculture conventionnelle.
Mme Delphine Batho (EcoS). Nous n’avons pas compris votre argumentation, monsieur le rapporteur.
M. Julien Dive, rapporteur. La suppression du plafond de la taxe, pour en faire un plancher, donnerait lieu à une insécurité constitutionnelle.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CE223 de la commission du développement durable et CE599 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Lorsqu’on parle de qualité, on dit souvent qu’on ne trouve que ce que l’on cherche. Pour préserver notre santé, il faut au préalable savoir quels pesticides sont présents, où et en quelle quantité. L’étendue de la contamination de notre eau potable reste largement méconnue, alors que les données disponibles sont alarmantes : d’après une étude de l’association Générations Futures, 71 % des métabolites susceptibles de polluer les eaux souterraines ne font l’objet d’aucun suivi.
Dans l’objectif d’harmoniser et de renforcer les contrôles, nous proposons la création d’une liste nationale de métabolites de pesticides à surveiller, établie sur la base d’un avis conforme de l’Anses.
M. Julien Dive, rapporteur. Je ne sais pas dire si les agences régionales de santé (ARS) doivent pouvoir disposer d’une telle liste et il me semble que nous nous éloignons là de l’objectif du texte. Le sujet de la qualité de l’eau est néanmoins important. Avis de sagesse.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE221 de la commission du développement durable et CE680, CE681 et CE682 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)
Mme Julie Ozenne (EcoS). Si le groupe Écologiste et social soutient une sortie totale des pesticides, il propose avec l’amendement CE680 une mesure modérée : rendre obligatoire l’apposition d’un avertissement et d’un message d’information sur l’emballage des denrées alimentaires contenant des produits agricoles ayant été cultivés avec des pesticides. Au vu de leur impact sur la santé et l’environnement, il n’est plus audible que des produits non bios apparaissent comme neutres aux yeux des consommateurs.
L’amendement de repli CE681 propose de rendre obligatoire un simple marquage, selon des modalités devant être précisées par décret. Enfin, l’amendement CE682 propose la mise en place d’un marquage et d’un message informatif sur les fruits et les légumes cultivés avec des pesticides. Cette simple mesure de transparence à l’égard des consommateurs renversait la logique actuelle, dans laquelle c’est le bio qui fait figure d’exception.
M. Julien Dive, rapporteur. Vos propositions ne sont pas conformes au règlement européen Inco, relatif à l’information des consommateurs et dont nous avons déjà débattu : il y a deux ans, j’ai été l’auteur, avec l’une de nos collègues, d’un rapport d’information dans lequel nous préconisions sa révision. En vertu de ce règlement, les mesures nationales ne doivent pas interdire, compromettre ou restreindre la libre circulation des marchandises.
En outre, l’information que vous proposez d’afficher ne serait pas disponible pour les denrées alimentaires originaires d’autres pays qui entreraient dans la composition de produits transformés. Cela créerait, de fait, une distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE457 de M. Dominique Potier
M. Dominique Potier (SOC). La trajectoire agroécologique apparaît comme la seule susceptible de concilier écologie, économie, souveraineté alimentaire et protection de l’environnement. Cela suppose de lancer une nouvelle génération du plan Écophyto. Le rapport de la commission d’enquête avait inspiré les travaux du ministre de l’agriculture et de la ministre de l’écologie. Madame Élisabeth Borne avait ainsi commencé à élaborer un plan Écophyto 2030 qui reprenait nombre de ses propositions, mais il a été abandonné face à la colère du monde paysan. S’en sont suivies plusieurs années d’atonie gouvernementale en la matière.
Cet amendement propose de relancer le plan Écophyto en lui redonnant ses objectifs fondamentaux, parmi lesquels la réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires et des risques globaux d’ici à 2030 et la recherche d’alternatives visant à anticiper la réduction des substances actives autorisées, dont on sait qu’elles finiront inéluctablement par être retirées.
M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement d’appel aurait davantage sa place dans une loi d’orientation. Le présent texte cherche à apporter des solutions en levant un certain nombre d’entraves : il ne s’agit donc pas du véhicule législatif approprié. Avis défavorable.
M. Dominique Potier (SOC). J’insiste sur la perspective inéluctable du retrait de certaines molécules identifiées comme présentant un risque pour l’eau et la santé humaine. En l’absence d’alternatives et d’approches agronomiques systémiques, nous nous trouverons confrontés à des contraintes, des entraves et des impasses réelles. Un nouveau plan Écophyto permettrait d’anticiper les mutations de l’agriculture. S’en priver reviendrait à se passer de compétitivité, d’adaptation et de sécurité pour le monde agricole. Les véritables entraves résident dans le dérèglement climatique et les impasses chimiques.
M. Julien Dive, rapporteur. Reprenons les six points de votre argumentaire.
Vous évoquez à la fois la réduction de 50 % de l’utilisation et des risques globaux et le caractère inéluctable du retrait de certaines molécules. Laissons les agences et les autorités sanitaires, en faveur desquelles vous avez effectué un plaidoyer lors de nos débats, travailler pour retirer ces composants du marché.
Vous appelez à la recherche d’alternatives dans la perspective de la réduction du nombre de substances actives autorisées. Or nous avons adopté des amendements visant à disposer de fonds à cette fin, en complément des dispositifs existants tels que le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) et le plan national de recherche et d’innovation (PNRI).
Vous demandez le déploiement de solutions agroécologiques dans toutes les exploitations. Un précédent amendement concernait précisément le conseil stratégique aux agriculteurs.
Vous appelez à la réduction des risques pour la santé et l’environnement de l’usage des produits phytopharmaceutiques et souhaitez qu’un soutien soit apporté à la recherche, à l’innovation et à la formation. Or le volet « Formation » est présent dans la loi d’orientation agricole (LOA) et la recherche et l’innovation s’inscrivent dans le cadre de la recherche d’alternatives.
Vous évoquez enfin un pilotage financier révisé de l’ensemble des crédits déployés, directement articulé avec la politique agricole commune (PAC), le plan stratégique national (PSN) et les règles du marché. Je formule le vœu que le Parlement soit amené à se prononcer sur le PSN : ce sera peut-être l’une des conclusions de la mission parlementaire sur la programmation de la PAC 2027-2032 que je conduis avec notre collègue Benoît Biteau dans le cadre de la commission des affaires européennes. Cela semble pertinent dans le contexte d’incertitude géopolitique que nous rencontrons aux portes de l’Union européenne et au travers des agressions économiques en provenance d’outre-Atlantique. Les questions que vous soulevez sont donc soient résolues, soit en voie de l’être.
La commission rejette l’amendement.
Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement CD419 adopté par la commission du développement durable ne figure pas dans le dérouleur. Je n’ai pourtant reçu aucune notification d’irrecevabilité.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Il correspond, pour la commission des affaires économiques, à l’amendement CE264 et il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.
Amendement CE246 de la commission du développement durable
M. Julien Dive, rapporteur. Sagesse.
Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement concerne la lutte contre la concurrence déloyale en matière de produits phytopharmaceutiques. Il s’agit d’une disposition fondamentale, adoptée par la commission du développement durable. Nous trouverions élémentaire qu’elle le soit également par la commission des affaires économiques.
M. Julien Dive, rapporteur. Je donne finalement un avis favorable à l’amendement, en cohérence avec l’amendement précédemment adopté sur l’interdiction d’importation de produits ne respectant pas les standards nationaux et européens.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE219 de la commission du développement durable et CE319 de M. Nicolas Thierry
Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement C319 a été adopté par la commission du développement durable saisie pour avis. Dans la continuité de nos précédents amendements sur le sujet, il propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’émission de PFAS dans l’environnement en raison de l’épandage de pesticides. Le sujet de la contamination aux PFAS est très préoccupant et doit nous conduire à anticiper, autant que possible, les risques sanitaires et écologiques. J’appelle le Gouvernement à considérer l’urgence à intervenir.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le vote qui vient d’avoir lieu a vu les députés qui soutiennent le Gouvernement et l’extrême droite s’unir pour s’opposer à la protection des consommateurs et des agricultrices et agriculteurs français contre l’importation en France de denrées et produits agricoles traités avec des substances interdites dans l’Union européenne. Vous « sortez les violons » dès qu’il est question de noisettes, mais, en repoussant cet amendement, vous allez autoriser l’importation en France des noisettes turques traitées avec des dizaines de ces substances !
M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable sur les amendements identiques.
M. Dominique Potier (SOC). Je partage l’avis de notre collègue Delphine Batho et rappelle que nous avons adopté à l’unanimité la proposition relative aux mesures miroir, très similaire à l’amendement rejeté – ce dernier ne fait qu’en proposer une déclinaison juridique à l’échelle française, à défaut d’une résolution européenne. Je perçois donc une forme d’incohérence et un manque de continuité dans nos désirs politiques.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). C’est là toute l’hypocrisie qui caractérise ce texte. Face à la concurrence déloyale, sans cesse invoquée et que nul ne conteste, deux solutions sont possibles : la compétitivité à tout prix, le libre-échange et l’alignement sur le moins-disant international, que vous prônez ; ou la protection des agriculteurs français grâce à la priorité que nous souhaitons leur donner et à laquelle vous venez précisément de vous opposer. Vous refusez de remettre en question les traités de libre-échange sur lesquels les agriculteurs nous avaient interpellés.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CE258 de la commission du développement durable et CE543 de Mme Constance de Pélichy
M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit d’une demande de rapport sur les actions à mener au niveau européen afin de négocier une interdiction des néonicotinoïdes. La mesure vise à harmoniser la réglementation européenne.
M. Julien Dive, rapporteur. L’interdiction des néonicotinoïdes est en vigueur pour au moins quatre des cinq substances concernées. Cette question est du ressort d’une agence scientifique. Je suppose que vous ne souhaitez donner d’injonction ni à l’Efsa, ni à l’Anses : avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE491 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement vise à mesurer les effets des surtranspositions de normes européennes en matière d’épandage aérien, notamment les conséquences sur la compétitivité de nos exploitations agricoles.
L’exemple premier de ces surtranspositions est la réglementation en matière d’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques par le biais de drones, dont la première incarnation au cœur de la loi Egalim était déjà le fruit d’une rédaction surtransposée issue d’amendements déposés par la gauche et les écologistes, ainsi que d’avis contestables de l’Anses qui continue, lors de récentes auditions, à nier les bienfaits évidents de cette technologie pour l’homme comme pour la biodiversité.
Le dispositif exposé dans la présente proposition de loi procède d’une logique similaire, tant sur les produits que sur les terrains concernés, sans prendre en compte le droit européen. Il convient donc d’évaluer les effets néfastes de cette rédaction pour pouvoir, dans un futur proche, mettre fin à ces surtranspositions.
M. Julien Dive, rapporteur. La loi du 23 avril 2025 visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, dite loi « Fugit », sera évaluée sous trois ans. La commission des affaires économiques a en effet la possibilité de créer des missions d’évaluation des lois adoptées : je vous renvoie, en l’espèce, aux travaux de cette future mission, qui produira en temps voulu un rapport sur la question que vous évoquez. Avis défavorable à votre demande de rapport.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE499 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement vise à demander un rapport sur le respect des normes européennes, en particulier sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques autorisés, dans le cadre des importations issues de pays non membres de l'Union européenne.
L'Europe a en effet développé une forte dépendance aux importations extra-européennes, dépendance encouragée par les différents traités de libre-échange en vigueur ou à venir. Par exemple, l’accord avec le Mercosur prévoit une entrée massive de productions agricoles sud-américaines, sans véritables garanties quant au respect des normes sanitaires européennes, notamment en ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques utilisés dans les exploitations agricoles brésiliennes ou argentines.
Par ailleurs, l'ouverture récente du marché européen aux productions ukrainiennes pose une problématique similaire, compte tenu des volumes et des surfaces concernées, rendant les contrôles européens particulièrement complexes, voire impossibles dans de nombreux cas.
Enfin, l'Anses ayant souhaité faire de la France le leader européen en matière d'interdiction de produits phytopharmaceutiques, il serait intéressant de vérifier si les productions extra-européennes qui arrivent dans les supermarchés français respectent réellement le cadre normatif défini par l'Anses ou si les agriculteurs français sont les seuls à subir ces surtranspositions.
M. Julien Dive, rapporteur. Ayant émis un avis favorable sur l’amendement C246 relatif à la question des filtres liés à l’utilisation de produits issus de pays tiers, je vais rester cohérent et émettre un avis favorable sur votre demande de rapport.
Mme Delphine Batho (EcoS). Vous osez formuler une demande de rapport en pointant les dangers du Mercosur, alors que vous venez, au travers de l’amendement C246, de voter en faveur des intérêts des importateurs et des pays tiers, de la concurrence déloyale et de l’importation en France de produits alimentaires contenant des pesticides interdits dans l’Union européenne. Ce n’est pas sérieux !
Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe socialiste ne peut qu’être défavorable à cette demande de rapport. Nous avons produit, il y a environ un an et demi, un rapport sur le plan Écophyto et le respect des normes relatives à l’usage des produits phytosanitaires. Nous avions à cette occasion interrogé l’ensemble des acteurs et spécialistes du domaine à l’échelle nationale et européenne. Notre ancien collègue Grégoire de Fournas, alors membre de la commission d’enquête, avait voté contre ce rapport, dans lequel vous trouverez l’ensemble des informations que vous demandez.
M. Hervé de Lépinau (RN). Depuis le début des débats, votre groupe, madame Batho, a déposé systématiquement des amendements visant à détruire l’agriculture française. Permettez-moi, par conséquent, d’émettre des doutes quant à l’authenticité et à la sincérité de l’amendement CE246. Nous ne vous croyons pas lorsque vous prétendez apporter aux consommateurs français une garantie sur la provenance des productions extra-européennes. Nous savons que votre groupe au Parlement européen fait tout pour dynamiter le marché européen agricole. Vous ne jouissez donc à nos yeux d’aucune crédibilité sur le sujet.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il y a les faits et les mots : alors que vous avez rejeté un amendement visant à interdire l’importation en France de produits agricoles ne respectant pas les normes européennes, vous demandez à présent un rapport sur la concurrence déloyale ! Vous auriez pu, au moins, avoir la décence de retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Avant l’article 3
Amendement CE684 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement a pour objet de compléter le titre II. L’intitulé actuel est trompeur, puisque la proposition de loi s’adresse à une minorité d’éleveurs. Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation visées par le texte ne représentent ainsi que 2 % à 3 % des exploitations d’élevage, essentiellement porcines et avicoles. La proposition de loi ignore les problématiques des éleveurs bovins, dont les revenus sont les plus bas malgré des aides publiques abondantes. Or l’action publique doit soutenir en priorité les acteurs en difficulté. C’est pourquoi il convient de viser spécifiquement la filière bovine dans l’intitulé.
M. Julien Dive, rapporteur. L’article 3 aborde la question de la directive relative aux émissions industrielles (IED) concernant les élevages porcins et avicoles, en cours de révision au niveau européen et qui entrera théoriquement en vigueur en septembre 2026. Les élevages bovins relèvent d’une autre directive. Il n’y a donc pas lieu de réviser l’intitulé du titre II. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE685 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement propose de modifier le titre II afin que la proposition de loi soutienne en priorité les éleveurs en difficulté.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Article 3 : Assouplissement de la procédure d’autorisation environnementale et relèvement des seuils applicables aux installations d’élevage
Amendements de suppression CE217 de la commission du développement durable, CE6 de Mme Lisa Belluco, CE389 de Mme Mathilde Hignet et CE589 de M. Julien Brugerolles
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La commission du développement durable a adopté cet amendement de suppression mais, à titre personnel, je suis favorable au maintien de l’article 3.
Mme Lisa Belluco (EcoS). L’article 3 modifie les procédures liées aux ICPE dans le cadre de l’élevage. Il concerne notamment les modalités de consultation et d’information du public, pourtant déjà modifiées par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, ce qui interroge sur la manière dont on légifère et sur la qualité des études d’impact des projets de loi.
L’article 3 propose également de doubler les seuils de soumission au régime d’autorisation dans le cadre des ICPE pour un certain nombre d’élevages. Or cette mesure va à l’encontre de la protection de l’environnement et crée une insécurité juridique.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Sur les 2 800 élevages que compte la Haute-Vienne, treize sont concernés par le régime d’autorisation en ICPE. Un quatorzième pourrait s’y ajouter, avec le rachat par la filiale agro-industrielle T’Rhéa de six cents hectares de terres agricoles appartenant jusqu’alors à des agriculteurs. Cet exemple est représentatif de la visée de l’article 3 qui, loin de soutenir l’élevage, accompagne la transition d’un modèle fondé sur des agriculteurs vers un modèle agro-industriel. Protéger les agriculteurs suppose de mettre fin au système de libre-échange qui les écrase et non d’augmenter des normes qui ne vont bénéficier qu’au modèle agro-industriel.
M. Julien Brugerolles (GDR). Assouplir le régime applicable aux très grandes structures d’élevage ne saurait ni en améliorer l’acceptabilité sociale, ni résoudre les problèmes de fond que rencontre l’élevage. Il convient au contraire de développer une politique en faveur de l’installation des agriculteurs sur des structures à taille humaine, familiales et susceptibles, par ailleurs, de favoriser la diversification des productions dans les zones d’élevage.
M. Julien Dive, rapporteur. Á l’heure où les fermetures d’usines se multiplient, l’agro-industrie représente une chance pour les territoires, car elle permet la création et le maintien de nombreux emplois. Il faut arrêter de montrer du doigt ce secteur qui n’est pas constitué que de multinationales, mais compte aussi des entreprises de taille intermédiaire et des petites et moyennes entreprises, qui font vivre des salariés et des ouvriers, qui irriguent l’ensemble d’un territoire et représentent aussi l’aval de la production agricole. Je comprends la volonté de protéger les petites exploitations, mais cela ne doit pas conduire à jeter l’opprobre sur l’agro-industrie, qui est nécessaire à l’agriculture et vice-versa.
L’article 3 met en lumière un défaut de la loi relative à l’industrie verte, dont le périmètre englobe les activités d’élevage. Des travaux parlementaires sur la souveraineté alimentaire ont montré l’existence d’une dépendance, d’une balance commerciale déficitaire sur diverses productions. Je ne citerai que l’exemple de la volaille, dont 50 % de la consommation est assurée par des importations, parfois extra-européennes, qui viennent directement concurrencer les éleveurs français. Or la loi relative à l’industrie verte a contraint les éleveurs dans le développement de leurs projets, en leur imposant des démarches de demande d’autorisation assortie d’enquête publique qui n’existaient pas auparavant, la création d’un site internet de présentation de leur projet, ainsi qu’une limitation des seuils.
L’article 3 a précisément pour objet d’aménager ces conditions. Il offre la possibilité de ne pas organiser systématiquement des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation publique, tout en maintenant la logique des permanences en mairie. Il vise en outre à relever les seuils applicables aux installations d’élevage, en lien avec la directive en cours de révision au niveau européen.
Je m’oppose donc aux amendements de suppression.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Notre groupe aborde cet article 3 dans un esprit de construction et d’attention à l’égard des compromis les plus utiles pour défendre l’élevage et notre souveraineté alimentaire. Nous sommes prêts à faire évoluer notre positionnement et à entendre les argumentaires relatifs aux enjeux des normes ICPE. Ce pas est toutefois conditionné à l’adoption de plusieurs de nos propositions visant à accompagner les éleveurs. Si simplifier est un principe louable, protéger et mieux accompagner l’élevage est indispensable, grâce à des mesures agroécologiques et de droit social. Il est urgent d’offrir des garanties de concertation et de protection des éleveurs.
En outre, assouplir le régime des ICPE ne permettra pas de surmonter les recours juridiques systématiques auxquels sont confrontés les éleveurs avicoles ou porcins en Bretagne, ni de résoudre les problèmes de revenus, de concurrence déloyale, de renouvellement des générations ou d’aléas climatiques.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Le modèle agro-industriel doit être encadré et contrôlé en raison de son impact sur l’environnement et la santé humaine. Il importe à ce titre de l’intégrer dans la procédure d’autorisation liée aux ICPE. Je rappelle que moins de 5 % des élevages porcins et moins de 11 % des élevages avicoles sont soumis à autorisation et que ces pourcentages pourraient encore décroître si l’article 3 était adopté : cela ne concerne donc qu’une minorité d’élevages, qui ont les moyens de se mettre en conformité avec la loi et de déployer des dispositifs de nature à protéger l’environnement et la santé des riverains. Il faut continuer à leur imposer un encadrement, au bénéfice de la santé de nos concitoyens.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). En France, l’agriculture reste majoritairement aux mains des agriculteurs et agricultrices, dont nous souhaitons qu’ils puissent conserver la maîtrise de leur outil de travail. Il convient pour cela de les protéger de la concurrence internationale. Or l’article 3 va, en assouplissant les normes pour favoriser la compétitivité internationale, conduire à ce que ne subsistent que les structures les plus compétitives, c’est-à-dire les filiales agro-industrielles. Cette situation prévaut déjà dans des pays concurrentiels à l’échelle de l’Europe. Protégeons notre agriculture plutôt que de la vendre !
La commission rejette les amendements.
Amendement CE263 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement vise à interdire la construction d’élevages industriels relevant des ICPE.
Afin de revenir à un élevage paysan et familial, nous proposons de suivre une trajectoire de sortie de l’élevage industriel, qui est déjà nettement minoritaire puisqu’il représente moins de 11 % de l’élevage avicole, moins de 5 % de l’élevage porcin et moins de 0,1 % de l’élevage bovin.
M. Julien Dive, rapporteur. Je partage votre préoccupation sur le fond, mais la réglementation prévoit déjà des garde-fous, tenant compte notamment du bien-être animal. Avis défavorable sur cet amendement visant à supprimer les dispositifs prévus à l’article 3.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE138 de M. Jean-Pierre Vigier, CE276 de M. Stéphane Travert, CE456 de M. Didier Le Gac, CE637 de M. Thierry Benoit, CE644 de M. Guillaume Lepers et CE658 de Mme Hélène Laporte
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Le Sénat a introduit des modifications à la procédure d’autorisation environnementale : l’ajout de deux réunions publiques obligatoires, une consultation étendue à trois mois et la création d’un site internet dédié. En pratique, ces démarches seront lourdes à organiser pour un exploitant agricole, entraînant des frais supplémentaires et rallongeant les délais, quand elles ne provoqueront pas l’abandon pur et simple du projet.
L’enquête publique, qui fonctionne de façon satisfaisante, garantit l’information et la participation du public dans un cadre clair et maîtrisé par les services de l’État. Jusqu’en octobre 2024, ce dispositif, rigoureux mais accessible, permettait un juste équilibre entre transparence et faisabilité. Cet amendement vise à le rétablir, afin de ne pas pénaliser inutilement des projets souvent promus par des exploitations familiales.
M. Stéphane Travert (EPR). Des modifications à la procédure d’autorisation environnementale ont été apportées par le Sénat, obligeant les éleveurs à organiser des réunions publiques pendant trois mois et à créer des sites internet dédiés. Pour nombre d’entre eux, de telles exigences sont compliquées à mettre en œuvre sur le terrain.
Nous souhaitons garantir l’avenir de l’élevage en France et maintenir des procédures d’autorisation rigoureuses et accessibles. Cet amendement vise à conserver la participation du public, qui est indispensable, par le biais des enquêtes publiques, dont l’efficacité a été éprouvée et que maîtrisent à la fois les agriculteurs, les services de l’État et les associations. Ces enquêtes ont garanti jusqu’en octobre 2024 un bon équilibre, sans surtransposition.
M. Didier Le Gac (EPR). Ces amendements portent sur le cœur du texte, puisqu’ils visent à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Il est nécessaire de faciliter les projets d’élevage, qu’il s’agisse de créations ou d’extensions.
Tout à l’heure, un collègue disait que cet article ne facilitera pas la transmission, mais ce sont précisément de telles mesures qui rendront l’élevage plus attractif. Construire des bâtiments neufs contribue à améliorer les conditions de travail des éleveurs eux-mêmes, mais aussi de leurs salariés ; c’est également un progrès pour l’environnement et pour le respect des règles. C’est la raison pour laquelle mon amendement vise, lui aussi, à revenir à l’écriture initiale de la proposition de loi.
M. Thierry Benoit (HOR). Il s’agit de soutenir l’implantation d’élevages en France afin de concourir à notre souveraineté alimentaire, par la réduction des délais et des coûts et par la simplification.
Dans ma circonscription, de nombreux jeunes agriculteurs sont prêts à s’installer pour développer une activité d’élevage de porcs, de volailles ou de poules pondeuses. Leur première préoccupation ne porte pas sur le revenu agricole, mais sur le dépôt d’un permis de construire. Cet amendement vise à revenir à la situation antérieure, qui fonctionnait bien.
Un débat semblable se tient au niveau européen, au sujet de la directive relative aux émissions industrielles (IED), qui assimile l’élevage à l’industrie. Gardons-nous de commettre la même erreur !
M. Guillaume Lepers (DR). Comme les précédents, mon amendement a pour but de revenir à la rédaction initiale du texte en matière d’autorisation environnementale des élevages, puisque la réécriture en commission sénatoriale en a alourdi les contraintes, le coût et la durée d’instruction. Nous proposons de rétablir une demande d’autorisation environnementale destinée aux élevages en trois phases : examen, enquête publique et décision.
M. Julien Dive, rapporteur. Comme vous, j’ai entendu les revendications du monde de l’élevage à la suite de l’adoption de la loi Industrie verte, ainsi que ses craintes portant sur plusieurs éléments : la contrainte d’organiser des réunions publiques et des consultations, alors que la procédure était auparavant plus légère ; l’allongement de la durée de la procédure, qui est passée d’un à trois mois en moyenne ; l’obligation, pour un éleveur souhaitant s’installer ou pour un agriculteur cherchant à diversifier son activité, de respecter les mêmes règles qu’un porteur de projet logistique ou industriel ; enfin, l’obligation de créer un site internet.
Les éleveurs sont souvent seuls à mener leur activité, parfois avec un apprenti ou un salarié, alors que les entreprises développant des projets ICPE emploient des équipes capables de mener à bien ces démarches et de gérer ces contraintes. En d’autres termes, on impose à un éleveur les mêmes contraintes qu’à une entreprise ayant des équipes organisées, ce qui crée un sévère déséquilibre.
Pour de nombreux éleveurs, la loi Industrie verte a raté le coche. De plus, les risques de contentieux sont renforcés. Enfin, le coût d’une procédure d’autorisation environnementale pour un élevage augmente : de trente mille euros environ avant la loi Industrie verte, il est désormais majoré de 17 % en moyenne.
Avis de sagesse sur ces amendements, dont j’aurais été signataire si je n’avais pas été rapporteur.
M. Henri Alfandari (HOR). Je soutiens ces amendements qui visent à supprimer l’alinéa 4, qui est superfétatoire, et l’alinéa 6, qui est abusif puisqu’il tend à rendre les réponses facultatives.
La solution consistant à organiser une permanence en mairie à la place des réunions publiques me semble intéressante. Je suggère de l’introduire dans un amendement qui pourrait être déposé pour l’examen du texte en séance publique.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Deux enjeux ressortent des exposés des motifs de ces amendements : celui de la simplification des procédures, pour permettre aux éleveurs de mieux entreprendre, et celui de la sécurisation. Je suis particulièrement sensible à ce dernier, parce que, dans ma circonscription, les problèmes concernent essentiellement des blocages juridiques.
Pour résoudre le problème des conflictualités entre les éleveurs et une partie de la population locale, pour renforcer l’acceptabilité des projets, pour sécuriser les parcours, notamment de jeunes éleveurs qui veulent s’installer, nous devons apporter des réponses complémentaires à ce que prévoient ces amendements : la simplification des procédures ne suffit pas.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Arrêtons de faire croire que cet article répond à des revendications majeures du monde agricole : on n’entendait pas parler des normes ICPE sur les ronds-points !
Le régime d’autorisation des élevages bovins concerne 2 % des élevages en France. Quant aux élevages de porc et de volaille, les cris d’alerte viennent surtout des éleveurs de plein air auxquels sont imposées les normes de biosécurité de l’agro-industrie, qui n’ont aucun sens pour eux : par exemple, prévoir des sas pour changer de bottes entre deux bâtiments, c’est-à-dire entre deux parcelles pour eux.
Vous craigniez l’instauration d’une distorsion de concurrence au sein même du pays, mais c’est précisément ce que provoquera cet article, en signant la mort de l’élevage de plein air.
M. Thierry Benoit (HOR). Ces amendements concernent surtout les élevages de plein air et contribueront à les encourager, pour répondre à la demande des consommateurs ; je rappelle que la France importe désormais des œufs. Les éleveurs qui souhaitent installer des poulaillers de trente mille poules pondeuses en plein air doivent être aidés. Contrairement à l’époque où nous avons élaboré la loi Egalim 1, il y a une petite dizaine d’années, la filière Volaille s’oriente de plus en plus vers le plein air – l’élevage de poules en cage a été mis en extinction.
M. Stéphane Travert (EPR). Ces amendements sont adaptés aux élevages de plein air, qui sont de plus en plus nombreux et pour lesquels nous avons besoin de sécuriser les procédures, dans un objectif de compétitivité et de sécurité alimentaire. La filière Œufs s’est mise à importer, alors qu’elle était excédentaire, il y a peu, avec une production de seize milliards d’œufs.
Des expériences de terrain le montrent : des éleveurs de poulets labellisés « plein air » demandent des extensions qui ne portent pas sur le nombre d’animaux, mais sur la surface, au titre du bien-être animal. C’est le cas notamment dans le Morbihan – je parle sous le contrôle de notre collègue Nicole Le Peih. Or neuf associations se sont portées partie civile pour lancer des recours contre ces extensions.
M. Julien Dive, rapporteur. Madame Meunier, vous n’avez pas entendu les agriculteurs évoquer les ICPE pendant les manifestations, entre décembre 2023 et mars 2024… parce que la loi Industrie verte créant ce dispositif est entrée en vigueur en octobre 2024 ! D’ailleurs, pendant son examen au Parlement, ce dispositif avait échappé à de nombreux éleveurs.
Madame Thomin, le préfet peut toujours ordonner une enquête publique s’il a un doute en matière de sécurisation.
Monsieur Alfandari, je vois également d’un bon œil la proposition d’organiser une permanence en mairie, qui pourra faire l’objet d’un amendement en séance publique si nécessaire. Les mairies, en zone rurale, sont suffisamment accessibles.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les vingt-sept amendements suivants tombent.
La séance est suspendue de vingt-trois heures cinq à vingt-trois heures quinze.
Amendements CE353 et CE357 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Mme Lisa Belluco (EcoS). Je retire l’amendement CE353.
L’amendement CE357 vise à compléter l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Celui-ci dresse la liste des intérêts devant être protégés dans le cadre de la procédure des ICPE : la communauté de voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publique, etc. Nous proposons d’y ajouter la santé animale, afin qu’elle soit protégée des impacts provoqués par la création de nouvelles ICPE.
Cette mesure permettra de prévenir la propagation de zoonoses, de plus en plus prégnantes et qui entraînent de véritables contraintes au métier d’agriculteur.
M. Julien Dive, rapporteur. Des mesures de prévention et de lutte contre les risques d’émergence de zoonoses existent déjà ; votre amendement est donc satisfait.
Mme Delphine Batho (EcoS). La prévention des zoonoses était un point central de la réflexion du conseil scientifique sur la covid-19. Après les déconfinements et alors que l’origine de cette pandémie n’a toujours pas été clairement élucidée, la prévention des zoonoses est un enjeu de santé publique considérable. Je ne comprends donc pas votre réponse, monsieur le rapporteur : faciliter l’agrandissement d’élevages industriels soulève, en soi, des enjeux relatifs à la prévention des risques de zoonoses.
M. Julien Dive, rapporteur. Adopter cet amendement ne changerait rien, puisque les autorités sanitaires prennent déjà les mesures nécessaires pour lutter contre les zoonoses, comme la grippe aviaire.
Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement prévoit des mesures préventives, quand vous parlez de mesures curatives.
M. Julien Dive, rapporteur. Les autorités sanitaires prennent aussi des mesures préventives dans les élevages, avant qu’ils ne soient touchés par la grippe aviaire par exemple.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Les autorités sanitaires ont bien pour mission de circonscrire les zoonoses après leur déclenchement. L’objectif de cet amendement consiste à tenir compte de la configuration même d’un élevage ICPE, en amont de son installation, afin de mesurer le risque qu’il présente en matière de déclenchement ou d’accélération d’une zoonose.
M. Julien Dive, rapporteur. Le risque de zoonose est très souvent exogène à un élevage ; dès lors, comment déterminer à quel point celui-ci pourrait l’accroître ? Un poulailler domestique de dix poules peut, comme un bâtiment d’élevage, être contaminé par des virus extérieurs.
Je ne comprends même pas comment votre amendement pourrait s’appliquer concrètement. Les autorités sanitaires font déjà œuvre utile en matière de lutte contre les zoonoses.
L’amendement CE353 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE357.
Amendement CE391 de Mme Mathilde Hignet
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 11 à 16, qui prévoient de relever les seuils ICPE faisant basculer les installations d’élevage du régime de l’enregistrement à celui de l’autorisation. Nous craignons légitimement que ce rehaussement soit fatal à l’élevage familial.
Cet article prépare une nouvelle régression, permettant le doublement de la production animale industrielle grâce au rehaussement de ces seuils, de 40 000 à 85 000 emplacements pour les poulets de chair (soit plus du double) et 60 000 pour les poules ; de 2 000 à 3 000 emplacements pour les porcs de production et de 750 à 900 emplacements pour les truies.
M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer des alinéas prévoyant des dispositions, dont l’agrandissement fait partie, qui faciliteront les transmissions et les reprises d’élevages de porc et de volaille.
De plus, ces alinéas tiennent compte de la révision de la directive IED en vigueur depuis novembre 2010. Garantir la transposition dans la loi de sa version révisée, qui entrera en application en septembre 2026, me semble utile. Avis défavorable.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Ces alinéas visent à rehausser les seuils de soumission au régime de l’autorisation environnementale, pour les aligner sur ceux de la directive européenne d’évaluation des incidences sur l’environnement. La révision de la directive IED les relèvera également, mais pas avant septembre 2026.
Avec l’adoption de cet article, nous allons créer une insécurité juridique : des ICPE qui sont aujourd’hui soumises à autorisation seront demain soumises à enregistrement, avec une évaluation environnementale dite « au cas par cas » et non plus systématique. Ce changement créera un risque de contentieux important, alors que les ICPE soumises à l’enregistrement font déjà l’objet de nombreux contentieux, qui leur sont souvent défavorables, comme l’indique la direction générale de la prévention des risques du ministère de l’environnement.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous présentez cette partie du texte comme apportant la solution pour favoriser les reprises d’exploitations agricoles. C’en est sans doute une parmi d’autres et elle favorise avant tout les reprises par agrandissement. De facto, elle favorisera également la diminution du nombre d’agriculteurs. Parallèlement, rien n’est fait pour aider les agriculteurs et les agricultrices souhaitant lancer une activité d’élevage de plein air.
Ainsi, pour les élevages de porcs « cul noir » du Limousin, par exemple, des parcours arborés sont nécessaires ; une simple ouverture vers un coin d’herbe ne suffit pas. Les élevages qui doivent respecter des cahiers de charges stricts sont en train de mourir, parce que les exploitants ne peuvent investir les centaines de milliers d’euros nécessaires au respect des normes de biosécurité basées sur les pratiques de l’agro-industrie.
M. Julien Dive, rapporteur. Ces alinéas ont pour objectif de faciliter l’agrandissement, qui est une condition souvent exigée par les repreneurs. En revanche, les supprimer créerait une insécurité juridique après l’entrée en vigueur de la directive IED rectifiée, en septembre 2026.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE261 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement vise également à revenir sur ces alinéas qui rehaussent les seuils de soumission au régime de l’autorisation pour les ICPE d’élevage.
Vous dites que l’installation d’élevages industriels serait facilitée, puisqu’ils seraient soumis à enregistrement et non plus à autorisation ; mais le régime de l’enregistrement est fragile et fait l’objet de nombreux contentieux. Si la procédure est plus légère, elle deviendrait aussi plus complexe, puisque l’évaluation environnementale se ferait au cas par cas, nécessitant éventuellement une étude d’impact. La gestion administrative serait plus complexe et mettrait les éleveurs en difficulté au lieu de les aider.
M. Julien Dive, rapporteur. Je ne dis pas que ce rehaussement entraînera nécessairement des conditions favorables aux reprises, mais cela créera des conditions de reprise favorables. Pour des questions de modèle économique, les repreneurs sont parfois obligés de procéder à l’agrandissement des élevages. Avis défavorable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Monsieur le rapporteur, vous évoquez des modèles économiques, mais lorsque l’objectif consiste à construire une trajectoire de renouvellement des générations, l’enjeu de la taille des exploitations ne me semble pas central, contrairement à celui de la modernisation : pour qu’un élevage soit cédé à un jeune exploitant, il doit être conforme à diverses exigences en matière, notamment, d’isolation et chauffage.
Pour parler intelligemment de seuils, il me semble plus judicieux de considérer la modernisation des bâtiments. Or, cet enjeu n’apparaît pas dans le texte. On veut simplifier pour agrandir, mais peut-être faudrait-il simplement simplifier pour moderniser l’outil et ainsi le transmettre plus facilement.
M. Julien Dive, rapporteur. Il ne s’agit pas d’agrandir à tout prix tous les élevages, mais de donner la possibilité de le faire à celles et ceux qui ont des projets d’agrandissement. En tout état de cause, je suis d’accord avec vous : l’objectif de modernisation est essentiel et je vous invite à déposer des amendements en ce sens pour l’examen du texte en séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE96 de M. Jean-Pierre Taite, CE139 de M. Jean-Pierre Vigier, CE277 de M. Stéphane Travert, CE451 de M. Didier Le Gac, CE638 de M. Thierry Benoit, CE651 de M. Guillaume Lepers et CE659 de Mme Hélène Laporte, et amendement CE31 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement CE96 vise à maintenir et à développer notre modèle d’élevage familial. Nous proposons ainsi de revenir à la version initiale de la proposition de loi, en ouvrant la possibilité de relever les seuils ICPE pour les élevages porcins et avicoles. Nous nous alignerions ainsi sur la réglementation européenne, sans pour autant la surtransposer.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Comme le précédent, l’amendement CE139 vise à revenir à la version initiale du texte et à affirmer une chose simple et essentielle : la nécessité d’aligner les seuils ICPE relatifs aux élevages porcins et avicoles sur ceux prévus par l’Union européenne. En effet, la surtransposition française fragilise notre modèle d’élevage familial, sans gain environnemental clair. L’alignement sur le cadre européen serait, non pas un recul, mais un retour à l’équilibre. Nous continuerions de respecter les normes environnementales communes, tout en redonnant de l’air à nos éleveurs afin qu’ils puissent maintenir des exploitations à taille humaine, viables et compétitives.
C’est aussi une question de souveraineté alimentaire. Si nous voulons que la production nationale réponde à nos besoins, il faut éviter de décourager et de bloquer les élevages. Par cet amendement, nous proposons de nous adapter à la réalité du terrain, au service de la ruralité et de notre autonomie alimentaire.
M. Stéphane Travert (EPR). Au-delà des arguments déjà formulés par nos collègues, il convient de faire un choix. Allons-nous continuer d’importer 60 % de la volaille que nous consommons, alors qu’elle est produite dans des conditions que nous considérons comme inacceptables ? Allons-nous continuer, au sein de la restauration collective privée, de consommer 70 % de viande bovine étrangère et produite, là encore, dans des conditions que nous n’admettons pas sur notre territoire ?
Se pose aussi une question de cohérence. J’ai fait adopter une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole : nous y voilà. Je souhaite permettre à nos éleveurs de produire et d’assurer notre souveraineté alimentaire, qui est l’un de nos objectifs.
M. Didier Le Gac (EPR). Depuis le début de l’examen du texte, nous sommes plusieurs à rappeler qu’il est prioritaire de maintenir et de développer nos capacités de production dans les filières animales, afin de sauvegarder notre souveraineté alimentaire et de freiner nos importations. Par exemple, nous importons 50 % du poulet que nous mangeons, alors qu’il s’agit de la viande la plus consommée dans notre pays.
Or les éleveurs qui veulent se développer et se moderniser sont freinés par la surtransposition de la législation européenne, la France soumettant de nombreux élevages à une procédure d’autorisation environnementale plutôt qu’à une simple procédure d’enregistrement. Un tel fonctionnement est source de complexité, génère des coûts importants et expose juridiquement les professionnels.
M. Thierry Benoit (HOR). Comme les orateurs précédents, je propose l’harmonisation intégrale des seuils ICPE français sur les règles européennes.
Je reprends l’exemple des œufs. Jusqu’il y a environ dix-huit mois, cette filière était autosuffisante. Or depuis, il ne se construit plus de nouveaux poulaillers de poules pondeuses. La filière va donc être déficitaire.
Il faut permettre aux jeunes de construire des bâtiments et de renouveler le parc. Madame Thomin a parlé de modernisation : avec la souveraineté alimentaire, il s’agit effectivement de l’enjeu principal.
J’ajoute qu’il y a aussi la question du bien-être des éleveurs et du bien-être animal. Prenons les exemples des Pays-Bas, de l’Espagne et de l’Allemagne : tout le monde améliore les conditions de travail des éleveurs, mais aussi les conditions d’élevage, donc le bien-être animal.
M. Guillaume Lepers (DR). Depuis le début de l’examen du texte, je ne cesse de dénoncer la surtransposition des normes européennes dans notre droit, phénomène qui désavantage fortement nos agriculteurs vis-à-vis de nos voisins qui, eux, appliquent tous les mêmes règles. Comme mes collègues avant moi, je souhaite donc relever les seuils ICPE pour les élevages porcins et avicoles, afin de les aligner sur la réglementation européenne. Dans le cas contraire, nous fragiliserions la transmission et le développement des exploitations, ainsi que, par voie de conséquence, notre souveraineté alimentaire.
M. Lionel Tivoli (RN). Actuellement, si une exploitation dépasse les 2 000 porcs ou 750 truies, l’éleveur doit obtenir une autorisation environnementale, ce qui représente une démarche longue et coûteuse. Pourtant, la directive européenne IED relative aux émissions industrielles fixe des seuils à 3 000 porcs et 900 truies. Une telle différence induit une distorsion de concurrence, nos agriculteurs étant pénalisés par des règles plus strictes. Par l’amendement CE659, le groupe Rassemblement national fait donc le choix du bon sens, pour une agriculture française compétitive et respectueuse de l’environnement.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement CE31 est différent : il vise à relever le seuil d’enregistrement de la nomenclature ICPE concernant l’élevage bovin. Je rappelle qu’il s’agit d’un seuil intermédiaire par rapport au seuil d’autorisation et que la réglementation environnementale européenne ne prévoit aucun seuil pour les élevages bovins. Cet amendement serait utile pour simplifier les procédures, sécuriser les projets et ne pas surtransposer le droit communautaire s’agissant de ce type d’élevage.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que, lorsque nous les avons rencontrés lors du Salon de l’agriculture, les représentants de l’Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol) nous ont expliqué que leur première difficulté venait de la concurrence internationale déloyale et féroce, notamment depuis la libéralisation des échanges avec l’Ukraine, où certaines exploitations comptent un à deux millions de volailles. J’espère que nous n’atteindrons jamais un tel nombre en France ; les citoyens ne l’accepteraient d’ailleurs pas.
M. Julien Dive, rapporteur. Si un tel projet devait être présenté, le préfet concerné ouvrirait une enquête publique et vous le savez bien, madame la présidente.
S’agissant des amendements en discussion, je demande leur retrait au profit des CE97 et identiques, que nous examinerons plus tard et dont les premiers signataires sont pour partie les mêmes. Les présents amendements remplaceraient certaines dispositions et le 1° ici proposé nous ferait revenir à la version initiale du texte, qui a été modifiée en commission au Sénat.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Je maintiens le CE139, car son objet me semble différent des amendements CE97 et identiques, qui portent uniquement sur l’élevage bovin.
M. Julien Dive, rapporteur. Les amendements CE97 et identiques concernent à la fois l’élevage bovin et les élevages avicoles et porcins.
Mme Mélanie Thomin (SOC). On parle beaucoup de surtransposition, mais je trouve que l’Europe a bon dos. Il conviendrait plutôt de s’interroger sur les moyens de sauver l’élevage français face à certains blocages juridiques et à certaines impasses administratives. Le sénateur Duplomb, auteur de ce texte, a pour obsession la simplification et le basculement en faveur des seuils d’enregistrement, afin d’échapper au régime d’autorisation. Or, les recours déposés contre la construction ou l’extension d’un bâtiment d’élevage concernent les deux types d’exploitation. Aussi, la question me semble plutôt être celle de l’accompagnement des éleveurs, qui se trouvent isolés et en première ligne dans leurs projets de construction ou de modernisation, ainsi que vis-à-vis des coûts. Le groupe socialiste a plusieurs propositions dans ce domaine.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Puisque nous parlons de l’importance des ICPE pour notre souveraineté alimentaire, je ferai un parallèle entre les élevages bovin et ovin, car si seul le premier est concerné par ce régime, il pourrait connaître un déclin similaire à celui que traverse le second. En effet, nous ne produisons sur notre sol que 50 % de notre consommation de viande ovine. Pourtant, le Limousin a perdu cinq cent mille brebis depuis les années quatre-vingt-dix. La cause du déclin de notre élevage et, partant, du danger pour notre souveraineté alimentaire est donc le recul de l’élevage sur le territoire, lequel est dû à la concurrence directe d’autres pays européens ou de la Nouvelle-Zélande.
Par ailleurs, j’adhère totalement à vos propos relatifs à la restauration collective, monsieur Travert. Pourquoi la puissance publique, comme nous le proposons chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances, ne se fixe-t-elle pas pour objectif de servir prioritairement de la viande française en ces lieux ? Ce devrait être un prérequis, mais vous votez toujours contre cette mesure au motif qu’elle coûte trop cher.
M. Benoît Biteau (EcoS). La directive européenne dont nous parlons ne fixe que des seuils. On ne peut convoquer l’excellence de l’élevage français qui, paraît-il, produit une viande exceptionnelle et nettement meilleure que celle que nous pourrions importer dans le cadre d’accords de libre-échange, tout en souhaitant reproduire les logiques d’élevage de pays dont nous critiquons les méthodes de production. Soyons cohérents ! Si nous voulons préserver l’excellence que nous revendiquons, ne sombrons pas dans des logiques qui nous en éloigneraient.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas piétiner les attentes sociétales et citoyennes. Si nous avons limité l’élevage en cage, c’est parce qu’une initiative citoyenne européenne signée par plus d’un million de personnes originaires d’au moins sept États membres l’a réclamé. Nous devons le respecter.
M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). La concurrence internationale n’explique pas à elle seule la diminution du cheptel : soyons honnêtes, il y a aussi les règles que nous instaurons. Nous en sommes à couvrir les fumières, alors que tant de personnes sont à la rue et cherchent un logement. Certes, ce n’est pas une mauvaise chose, car cela évite notamment les jus, mais il s’agit d’une couche réglementaire supplémentaire qui peut conduire des professionnels à abandonner. Le coût est tel qu’à cinquante-cinq ans et au lieu d’investir dans l’avenir ou en vue d’un remplacement par d’autres agriculteurs, certains arrêtent leur production laitière ou de viande bovine. Je le répète, si le cheptel diminue, ce n’est pas seulement à cause de la concurrence : il y a aussi les normes.
M. Julien Dive, rapporteur. Je vais corriger mes explications, tout en maintenant ma demande de retrait. Les amendements en discussion, qui portent sur les filières avicole et porcine, écraseraient plusieurs alinéas relatifs à l’allégement des règles ICPE – alinéas que nous avons souhaité maintenir. Il me semble plus prudent de conserver ces dispositions et de nous reporter sur les amendements CE97 et identiques. Ceux-ci, j’en conviens, ne concernent que la filière bovine, mais nous pourrons ajouter les élevages avicole et porcin au dispositif qu’ils contiennent lors de l’examen du texte en séance.
Les amendements CE277, CE451, CE638 et CE31 sont retirés.
La commission rejette les amendements CE96, CE139, CE651 et CE659.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE715 de M. Julien Dive, rapporteur.
L’amendement CE623 de M. Julien Brugerolles est retiré.
Amendement CE392 de M. Loïc Prud’homme
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Alors que tout le monde défend le principe de l’autonomie alimentaire, il convient de choisir la trajectoire à suivre. À cet égard, quand nous défendons l’élevage paysan et familial ainsi que la multiplication du nombre d’agriculteurs et d’éleveurs, d’autres s’orientent plutôt vers l’exemple des fermes-usines brésiliennes. Or, avec une telle trajectoire industrielle, nous irions justement à l’encontre de notre autonomie alimentaire. En effet, le recours aux pâturages étant impossible pour nourrir ce type d’élevages, notre dépendance aux sources de protéines étrangères, à commencer par le soja brésilien, s’accroîtrait nécessairement. J’y insiste : nous ne sommes pas capables d’équilibrer autrement les rations protéiques d’élevages de cette taille.
M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement soulève un sujet important que nous n’avons pas encore abordé, la dépendance en protéines végétales, et qui devra faire l’objet d’un plan – mais cette question est assez éloignée de celle qui nous occupe, en l’occurrence celle des seuils ICPE.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous avons le même objectif, monsieur Prud’homme, mais nous divergeons sur la voie à emprunter pour l’atteindre. Comme vous, nous sommes favorables aux exploitations familiales de taille raisonnable, mais les mesures restrictives que votre camp impose depuis des années font qu’elles ne sont plus viables. Que va-t-il se passer ? D’ici dix à vingt ans, nous aurons des surfaces importantes sans maître, c’est-à-dire qui ne seront plus conduites que par des foncières, associées à des sociétés capitalistiques. Vous aurez alors des entités de trois mille ou quatre mille hectares, utilisant des techniques d’exploitation à l’ukrainienne ou à la brésilienne. J’y insiste : les mesures votées depuis des années par la gauche contribuent, en fait, à l’émergence de ce nouveau paradigme dont nous ne voulons pas.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il est tout de même assez incroyable, monsieur de Lépinau, que vos propos soient exactement contraires à vos votes depuis le début de l’examen du texte et que vous nous imputiez, au passage, la responsabilité de la politique agricole de ces dernières décennies ! Même si cela ne saurait tarder, je rappelle que nous n’avons pas été au pouvoir et que ni moi ni mes collègues n’avons été ministres.
Par ailleurs, la question de l’autonomie protéique n’est absolument pas détachée des seuils ICPE. Passez-moi l’expression, mais elle est de circonstance : nous sommes en train de « mettre la charrue avant les bœufs ». Nous voulons agrandir et industrialiser l’élevage, alors que nous ne sommes pas même en mesure d’établir une trajectoire pour qu’un jour, nous puissions espérer fournir les protéines dont les animaux auraient besoin. Il faudra donc importer du soja. Nous sommes en train de nous mettre la corde au cou et cela va à l’encontre de l’autonomie alimentaire que tout le monde prône.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CE760 de Mme Lisa Bellucco est retiré.
Amendement CE567 de Mme Mélanie Thomin
Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement vise à généraliser une expérimentation menée en Occitanie et bénéfique pour l’élevage. Nous proposons de conditionner les assouplissements réglementaires relatifs aux ICPE à la signature d’un contrat dit « d’agriculture durable ». Nous estimons que si des allégements sont consentis en matière d’autorisation environnementale, particulièrement en ce qui concerne les agrandissements, ils doivent s’accompagner d’un engagement fort et de contreparties favorables à l’agriculture durable.
L’outil ici proposé permettrait de fournir un accompagnement personnalisé et global aux agriculteurs. Les évolutions réglementaires s’inscriraient ainsi dans une démarche tenant compte des besoins des territoires et privilégiant les pratiques vertueuses pour l’environnement ; dans le cas des bâtiments d’élevage, je pense à la gestion des effluents ou encore au filtrage. Au-delà des agrandissements, la question centrale est celle de la modernisation de l’outil de production.
M. Julien Dive, rapporteur. Réserver l’assouplissement réglementaire aux personnes engagées dans un contrat d’agriculture durable reviendrait à stigmatiser celles qui ne le sont pas. De plus, généraliser une expérimentation au bénéfice d’un régime qui induirait une rupture d’égalité ne me semble pas justifié au regard de l’objet de la nomenclature ICPE. Avis défavorable.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je tenais à répondre au « concours Lépinau » de la mauvaise foi ! Vous allez, cher collègue, jusqu’à avancer que c’est la gauche qui est en train de favoriser l’accaparement du foncier par l’agro-industrie. Au contraire, tandis que nous cherchons à ralentir l’augmentation des seuils, vous facilitez des projets comme celui, dans ma circonscription, de T’Rhéa, filiale agro-industrielle qui fait actuellement l’objet d’une enquête ICPE pour le rachat de six cents hectares de terres. Demain, avec vos normes, il n’y aura plus d’enquête publique, ni d’opposition possible à un tel projet : il y aura l’accaparement du foncier par l’agro-industrie.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous avons exprimé notre ouverture à l’égard de l’article 3 en précisant qu’il fallait débattre des conditions dans lesquelles les infrastructures d’élevage pouvaient être améliorées. Les contrats d’agriculture durable ne visent pas à stigmatiser une partie des agriculteurs et des éleveurs : il faut simplement que les efforts en faveur du progrès et la souveraineté alimentaire fassent l’objet de contreparties de nature à assurer l’acceptabilité des projets. Une meilleure gestion des effluents et des systèmes de filtrage plus performants seraient des contreparties intéressantes et à hauteur de territoire.
M. Hervé de Lépinau (RN). « Meunier, tu dors ? » J’ai expliqué tout à l’heure que l’excès de réglementation fait disparaître des exploitations et accroît le foncier disponible. Or la nature a horreur du vide : les contraintes que vous accumulez depuis des années vont participer à la construction d’entités agricoles de très grande taille, que vous ne souhaitez pas davantage que nous.
M. Julien Dive, rapporteur. Madame Thomin, je ne dis pas que votre volonté personnelle, ni celle de votre groupe, est de stigmatiser les personnes qui ne sont pas engagées dans un contrat d’agriculture durable, mais cela pourrait être la conséquence de cet amendement s’il était adopté. En outre, il me semble de nature à créer une rupture d’égalité, qui pourrait être attaquée.
La commission rejette l’amendement.
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Information relative à la commission
La commission a nommé M. David Amiel, rapporteur sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès au logement des travailleurs des services publics (n° 1332).
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 21 h 30
Présents. - M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, M. Christophe Barthès, Mme Delphine Batho, Mme Lisa Belluco, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, Mme Anne-Laure Blin, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Julien Brugerolles, M. Stéphane Buchou, M. Julien Dive, M. Peio Dufau, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Mathilde Hignet, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Eric Liégeon, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, Mme Julie Ozenne, M. Dominique Potier, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Claude Raux, M. Joseph Rivière, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber
Excusés. - M. Harold Huwart, M. Laurent Lhardit, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet
Assistaient également à la réunion. - M. Jordan Guitton, Mme Sandrine Le Feur, M. Didier Le Gac, M. Nicolas Ray