Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen de la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des opérateurs d’infrastructures de réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique (n° 1339) (M. Emmanuel Maurel, rapporteur) 2
Mardi 27 mai 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 101
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
— 1 —
La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des opérateurs d’infrastructures de réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique (n° 1339) (M. Emmanuel Maurel, rapporteur).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. La proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des opérateurs d’infrastructures de réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, que nous examinons aujourd’hui et pour laquelle notre collègue Emmanuel Maurel a été désigné rapporteur, fait l’objet d’une procédure de législation en commission. L’examen de ce texte en séance est prévu le jeudi 5 juin prochain, en neuvième point de l’ordre du jour, dans le cadre de la journée réservée du groupe GDR.
Le raccordement des abonnés à la fibre optique a progressé au cours des dernières années – à la fin de l’année dernière, 90 % des locaux du territoire national y étaient raccordés. Néanmoins, il reste plus de cinq millions de locaux non raccordés, et le service fourni s’avère trop souvent défaillant. Le rapporteur reviendra sur ces dysfonctionnements et leurs causes et proposera des solutions législatives pour y mettre fin.
Ces défaillances ne concernent pas seulement les territoires ruraux. Dans le département de Seine-Saint-Denis, par exemple, les pannes durent longtemps en raison de problèmes de maintenance. Elles sont très ennuyeuses, notamment pour les jeunes et les étudiants.
Cette proposition de loi comporte trois articles. La commission est saisie de onze amendements, dont aucun n’a été déclaré irrecevable.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans cette commission.
Ce texte concerne un problème du quotidien qui gâche la vie de plusieurs millions de Françaises et de Français. On ne compte plus le nombre d’incidents, de pannes à répétition et d’interruptions du service d’internet à très haut débit, durant plusieurs mois parfois. Dans le Val-d’Oise où je suis élu, j’ai rencontré plusieurs familles qui ont été privées d’internet pendant plusieurs mois – le record est de dix-huit mois.
Depuis le lancement du plan « France très haut débit », ces dysfonctionnements récurrents ont pris de telles proportions qu’une nouvelle catégorie de Français qui les subissent s’est autodésignée les « naufragés de la fibre ».
Ce sujet a parfois du mal à franchir les portes de certains colloques, car on a l’impression qu’il concernerait l’accès à internet de personnes qui « scrollent » sur leur téléphone ; mais ces problèmes touchent aussi des gens qui ne peuvent pas télétravailler, car leur raccordement a été saboté, ou encore des personnes souffrant d’affections de longue durée, qui disposent d’objets médicaux connectés.
Ces défaillances concernent tant les territoires ruraux que les départements de la petite et de la grande couronnes, la banlieue, les métropoles. Des ménages très divers, qui ont en commun le fait de se retrouver privés d’une connexion précieuse pour leur travail ou leur vie quotidienne, sont touchés. Tant les collectivités territoriales que les utilisateurs se trouvent ainsi démunis, ce qui nécessite une intervention urgente du Parlement afin de mettre les opérateurs commerciaux et les opérateurs d’infrastructures face à leurs responsabilités.
Une proposition de loi sur ce sujet a déjà été votée à l’unanimité au Sénat, à l’initiative de notre collègue Patrick Chaize, qui a accompli un important travail d’investigation et mené de nombreuses auditions. Nous avons souhaité l’inscrire dans le cadre de la semaine transpartisane, mais cela nous a été refusé. L’agenda de l’Assemblée nationale étant très contraint, j’ai proposé un texte plus court mais tout aussi efficace.
Il s’agit de permettre aux naufragés de la fibre de bénéficier du service qui leur avait été promis. Du reste, ils assistent un peu médusés au spectacle de l’impuissance politique. Les maires rencontrent des difficultés pour résoudre ces situations : on les renvoie de service en service, ils finissent par saisir l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Au bout du compte, de nombreux Français sont privés du droit élémentaire à une connexion internet.
L’état des lieux est contrasté. Au point de vue quantitatif, la fibre a été déployée à une vitesse impressionnante, que nous envient beaucoup de nos voisins européens : à la fin de l’année 2024, 90 % des 44 millions de locaux étaient raccordés. Néanmoins, au point de vue qualitatif, des dizaines d’infrastructures de réseau ne fonctionnent pas. C’est une chose que d’avoir un réseau de fibre ; c’en est une autre d’avoir un réseau qui fonctionne.
D’après l’Arcep, sur 221 infrastructures de réseaux de fibre déployés en France, plus de soixante ont enregistré un taux d’échec au raccordement supérieur à 7 %, touchant des centaines de milliers de gens. Ces réseaux sont situés en petite et grande couronne parisienne, notamment dans la Seine-Saint-Denis, l’Essonne, le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne, en métropole lyonnaise et dans les régions Rhône-Alpes, Bretagne, Normandie, Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), Occitanie et Alsace.
Un sondage Ifop corrobore ces chiffres : 49 % des Français déclarent avoir subi des problèmes de connexion internet en 2024. En outre, le nombre d’alertes et de signalements reçus par l’Arcep n’a cessé d’augmenter ; et bien que l’Arcep considère que la situation s’est améliorée, il y a débat. En effet, selon l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), le nombre de problèmes est en légère baisse ; mais il était tellement élevé qu’il faudrait plus d’une décennie pour arriver à un niveau acceptable.
Soyons honnêtes : certains réseaux d’infrastructures fonctionnent mieux que d’autres. Alors que certains réseaux, repris par les opérateurs Altitude ou Altice France – plus connu sous le nom de XPFibre – sont dans un état déplorable, les réseaux gérés par Orange ou Bouygues Telecom fonctionnent mieux.
Les causes des défaillances sont nombreuses. Certains réseaux sont vétustes ; l’architecture spécifique d’autres réseaux ne permet pas de fournir un débit internet suffisant ; la maintenance est parfois insuffisante, ce qui engage la responsabilité des opérateurs. Par ailleurs, le recours à la sous-traitance par l’opérateur commercial, le mode « Stoc », pose des problèmes, car il existe d’innombrables raccordements bâclés ou sauvages – lorsque, par exemple, un sous-traitant d’opérateur commercial débranche un abonné existant pour connecter un nouvel abonné. Cela arrive tous les jours, on dénombre des centaines de cas sur le territoire national.
Par ailleurs, le fait générateur de ces défaillances réside dans les choix initiaux faits par l’Union européenne. La directive de 2002, transposée en 2004, traduit une confiance aveugle dans le marché et l’ouverture à la concurrence pour régler les problèmes et assurer un service universel. Or cela n’a pas très bien fonctionné. Du reste, cela devrait nourrir notre réflexion quant à l’obsession de certains dirigeants européens qui souhaitent ouvrir des services collectifs ou des biens communs à la concurrence et au marché.
Ce constat est partagé par les sénateurs et de nombreux députés qui sont confrontés à des défaillances dans leurs circonscriptions. C’est pourquoi je vous propose un dispositif simple qui vise à répondre, autant que faire se peut, à tous les problèmes rencontrés par nos concitoyens.
L’article 1er reconnaît explicitement le pouvoir de police spéciale des communications électroniques au ministre chargé du numérique, ainsi qu’à l’Arcep et à l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Il s’agit d’entériner une jurisprudence régulièrement rappelée par le juge administratif et de montrer à nos concitoyens que le Gouvernement et ses opérateurs sont en première ligne pour leur garantir la qualité de service à laquelle ils ont droit. Cet article consacre que la fibre et les réseaux internet à très haut débit constituent une question politique, au plein sens du terme, et ne se limitent pas à une simple relation commerciale entre les clients et certaines entreprises peu scrupuleuses, face auxquelles ils ne disposent d’aucun moyen de pression. Des usagers se retrouvent complètement démunis face à un service qu’ils payent et auquel ils ont droit, mais dont ils peuvent être privés durant plusieurs mois : voilà ce qui m’obsède le plus.
L’article 2 propose plusieurs solutions pour inciter les opérateurs d’infrastructures à se « retrousser les manches », faute de quoi ils devront indemniser le préjudice qu’ils font subir aux naufragés de la fibre : c’est une nouveauté. Les maires des villes où la fibre ne fonctionne pas pourront, après une décision préalable du Gouvernement, percevoir une indemnité sous forme d’une hausse de la redevance d’occupation du domaine public, d’une réduction unilatérale de la durée de convention d’occupation du domaine public ou d’un cumul des deux.
Je précise à l’intention de ceux qui considéreraient ces mesures exagérées – c’est ce que disent les opérateurs – qu’elles aboutiraient, dans des cas extrêmes, à une hausse d’environ 11 % du prix total convenu dans le contrat. Vu l’étendue des dégâts, ce n’est pas cher payé !
La dernière proposition est de desserrer la contrainte pour permettre à la collectivité de constituer un réseau d’initiative publique (RIP), dès lors que la défaillance du marché est attestée. Leur gouvernance est, en général, assurée par les départements. Même si on relève des problèmes dans certains réseaux publics, on constate que leur qualité est généralement bien meilleure que celle des réseaux gérés par des opérateurs privés qui sont largement défaillants. Le développement des RIP requiert des financements, comme l’a noté l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) dans un texte publié au mois de janvier. Toutefois, sur le plan économique, c’est un choix gagnant, car il vaut mieux qu’un territoire ait bénéficié du concours de la puissance publique et qu’il ne rencontre plus de problèmes de connexion à internet, plutôt que ces défaillances subsistent.
Enfin, j’espère que nous compléterons le texte en adoptant les amendements visant à indemniser les naufragés de la fibre et à leur offrir la possibilité de résilier leur abonnement sans frais, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ces dispositions importantes avaient été votées par les sénateurs de tous les groupes.
Bien qu’il n’épuise pas le sujet, ce texte constitue l’occasion de dire clairement aux opérateurs : ça suffit ! Ça suffit de « balader » les abonnés pendant des semaines ou des mois ; ça suffit de poursuivre tranquillement un enrichissement sans cause qui n’est pas digne de notre pays, et encore moins de ses grandes ambitions en matière de développement numérique. Voilà en quelques mots l’esprit de cette proposition de loi qui, je l’espère, vous convaincra tous. Nous répondrions à un problème rencontré par beaucoup trop de gens.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Lionel Tivoli (RN). En tant que député issu d’un territoire rural, je salue l’objet de cette proposition de loi. Elle met enfin des mots sur une réalité trop longtemps niée, celle du désastre qu’est, pour beaucoup de nos concitoyens, le déploiement de la fibre optique.
Oui, la France est championne d’Europe du nombre de kilomètres de fibre installée. Mais que vaut ce record quand tant de foyers ruraux subissent encore des raccordements ratés, des interruptions de service, des interventions bâclées, quand des armoires sont ouvertes à tout vent ? Chez nous, dans les campagnes, l’internet très haut débit est souvent un mirage. La colère des administrés se déverse bien souvent sur les élus locaux qui ne disposent d’aucun levier pour agir.
Ce texte comporte des avancées. Il redonne un peu de pouvoir aux collectivités territoriales face aux opérateurs privés qui font trop souvent la loi. Il permet de moduler les redevances, voire de les doubler, et d’envisager la création d’un réseau d’initiative publique en cas de sinistralité persistante.
Toutefois, nous n’en serions pas là si les autorités compétentes, notamment l’Arcep, avaient fait leur travail. Le régulateur dispose des chiffres et recueille les signalements, il sait très bien quels sont les réseaux défaillants et les opérateurs qui multiplient les malfaçons. Toutefois, l’Arcep se contente trop souvent d’observer, de publier des rapports et de brandir des menaces, sans jamais les mettre à exécution. Elle dispose de leviers, elle peut sanctionner, elle peut contraindre, mais elle ne le fait pas. Pourquoi ? Elle souhaite, je pense, éviter de heurter les intérêts des opérateurs.
Or, pendant ce temps, les territoires trinquent, l’accès à internet des habitants dépend d’un sous-traitant mal formé et peut être entravé par une armoire éventrée ou un câble débranché par inadvertance. Ce n’est pas acceptable ! Nous avons besoin d’un vrai sursaut, pas seulement de « mesurettes » correctrices mais d’un changement de paradigme. Le numérique est une mission d’intérêt général et il doit être traité comme tel. Dans ma circonscription, pas un jour ne s’écoule sans qu’un administré me contacte pour des problèmes liés à son réseau, en raison de l’inaction des opérateurs. Il faut désormais les contraindre et les mettre face à leurs responsabilités.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Vous êtes député d’un territoire rural ; les élus d’une ville-centre sont également confrontés aux mêmes difficultés. Dans plusieurs territoires du Val-d’Oise, les sous-traitants se succèdent et débranchent parfois la fibre de certains abonnés au profit de nouveaux.
Oui, les élus locaux se retrouvent en première ligne. Les abonnés n’obtenant pas de réponse de la part des opérateurs commerciaux, qui renvoient la responsabilité de la défaillance aux opérateurs d’infrastructures, ils se retournent vers leur maire ou les élus du conseil départemental qu’ils admonesteront. Or, les élus ne sont pas responsables. Du reste, je pourrais vous citer des élus de droite comme de gauche qui sont intervenus auprès des opérateurs plusieurs centaines de fois au cours d’une année pour essayer de régler le problème, mais sans succès.
La puissance des opérateurs commerciaux, qui n’assument pas leurs responsabilités et qui se renvoient la balle, pose un vrai problème. Ils créent un sentiment d’impuissance publique à résoudre des problèmes face à des opérateurs privés qui gagnent beaucoup d’argent – cela devrait tous nous obséder.
S’agissant de l’Arcep, je serais plus nuancé. J’ai parfois le sentiment, en effet, à la fois en tant que député et en tant que citoyen, que cette autorité de régulation utilise peu son pouvoir de sanction ; mais il faudrait peut-être préciser ses compétences et lui allouer plus de moyens.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Ce texte traite du sujet si important de la qualité du raccordement à la fibre optique. Si la France est championne en matière de raccordement à la fibre optique, la qualité de ce raccordement laisse à désirer dans certains départements et certaines zones.
Vous proposez de vous attaquer à ce problème en renforçant les pouvoirs de police de l’Arcep dans l’article 1er. L’article 2 vise à doubler le montant de la redevance acquittée par les opérateurs dans le cadre des conventions d’occupation du domaine public en cas de dysfonctionnement et à donner la faculté aux collectivités publiques de constituer des RIP si la qualité du raccordement réalisé dans le cadre d’un appel à manifestation d’engagements locaux (Amel) ou d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) s’avère insatisfaisante.
Nous comprenons bien l’objet de votre proposition de loi, dont certains aspects sont intéressants. Elle offre en effet plus de souplesse aux collectivités dans le cadre du déploiement de la fibre. Toutefois, nous avons plusieurs interrogations et réserverons notre position de vote en fonction des réponses données à ces questions. Premièrement, la transformation d’une redevance en une amende administrative ne présente-t-elle pas un risque d’inconstitutionnalité ? Deuxièmement, nous sommes plutôt favorables au renforcement des pouvoirs de l’Arcep dans le cadre de sa mission de régulation. En quoi consisteraient exactement les pouvoirs de police que vous souhaitez lui confier ? Enfin, la possibilité pour le Gouvernement et les collectivités d’augmenter le montant de la redevance d’occupation du domaine public ne risque-t-elle pas de pénaliser les collectivités, qui sont souvent propriétaires du génie civil hébergeant les réseaux de fibre optique ?
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je n’ai pas compris votre première question. Le texte vise à augmenter la redevance ; rien ne s’y oppose sur le plan juridique. Au sein de l’arsenal de mesures que je propose pour accélérer la résolution des problèmes, cette disposition relève du bon sens.
Deuxièmement, bien que certains aient souhaité supprimer l’Arcep lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, on a besoin d’une autorité de régulation dans ce domaine. Le texte ne prévoit pas d’étendre ses pouvoirs, mais plutôt de lui donner un « feu vert » plus rapidement pour sanctionner et punir.
Enfin, je n’ai pas compris votre dernière question.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Les collectivités ont déjà la capacité d’augmenter le montant de la redevance d’occupation du domaine public. Or si elles sont propriétaires du génie civil, cela les conduirait à « s’autopénaliser ».
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je salue les communes qui ont fait ce choix dans les zones très peu denses, souvent grâce à l’aide des départements. Elles l’ont fait pour une raison simple : les opérateurs privés ne voulaient pas investir, car ce n’était pas suffisamment rentable.
La faculté de constituer un RIP en cas de défaillance du marché est une arme supplémentaire pour lutter contre ce problème structurel.
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Je tiens à remercier le groupe GDR, notamment le rapporteur Emmanuel Maurel, qui reprend un texte d’initiative sénatoriale. Le XXIᵉ siècle est et sera celui des réseaux, notamment celui des réseaux collectifs d’énergie, de ressources, de communications, ainsi que des réseaux socionumériques. L’accès à internet à très haut débit est un besoin et un droit, dont l’État doit assurer l’égal et universel accès pour toutes et tous.
C’est la raison pour laquelle une politique publique de déploiement général de la fibre a été engagée en 2013, qui visait à combler la fracture numérique sur l’ensemble du territoire d’ici à la fin de l’année 2025. Cela étant, si la couverture est satisfaisante, elle n’est pas complète. De surcroît, le déploiement de la fibre s’accompagne de défaillances et de ruptures de service.
Dans ma circonscription en Seine-et-Marne, notamment à Melun et à Dammarie-les-Lys, l’absence de sécurisation des armoires entrave l’accès à internet, C’est souvent le chaos, les fils sont en bataille et les déconnexions, à portée de main. Bien que ce soit tentant, on ne blâmera pas outre mesure les agents diligentés par les opérateurs privés et les sous-traitants à l’opérateur commercial, qui interviennent « à l’arrache », « bidouillent » de manière non coordonnée et doivent composer, bon an mal an, avec la complexité matérielle de ces réseaux ainsi que leur solidité qui n’est pas toujours optimale.
Au-delà du déploiement qui n’est que le début de la mise en réseau, il existe un gros problème de maintenance. En plus des pannes prévisibles et des malfaçons, on constate une recrudescence des sabotages dans les armoires. Dans la commune de Pringy, située également dans ma circonscription, six cents abonnés ont brusquement été déconnectés au mois de novembre 2023. Les élus locaux et les administrés, naufragés de la fibre, qui sont confrontés au silence des services techniques, m’ont fait part de leur sentiment d’abandon et de leur exaspération.
Si ces défaillances existent partout dans notre pays, c’est en outre-mer que la situation est la plus alarmante. À la fin de l’année 2023, le taux de déploiement dans certains de ces territoires, qui atteignait 73 %, était inférieur de treize points à celui du reste du territoire national. À Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, la fibre n’est tout simplement pas déployée. À Mayotte, ce n’est qu’au mois de mars 2025 que l’opérateur ayant remporté la délégation de service public pour équiper l’archipel a été désigné, ce qui en fait le dernier département de France – avec Saint-Pierre-et-Miquelon – à ne pas être équipé. Le déploiement de la fibre accuse un retard dans tous les territoires ultramarins, à l’exception de La Réunion.
Ces retards, qui sont dus à un sous-investissement et au manque de volonté publique, attestent d’une gestion à deux vitesses. Cela peut produire des effets gênants, comme lorsque, après le passage du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte en janvier dernier, le Gouvernement, « pédalant dans la semoule », a choisi le réseau Starlink en guise de solution de fortune, alors qu’il existait des alternatives souveraines : M. Elon Musk dit merci au Premier ministre François Bayrou pour cette promotion publicitaire inespérée !
En résumé, nous voterons cette proposition de loi. Premièrement, elle renforce les moyens de police spéciale et de contrôle de la qualité des raccordements dévolus à l’Arcep et à l’Agence nationale des fréquences. Il est important qu’un pouvoir de coercition s’exerce sur les opérateurs. Deuxièmement, elle contraint plus fortement ces mêmes opérateurs à assurer l’intégrité du service, faute de quoi ils seraient sanctionnés. Il faut donc réguler et sévir au plus vite en cas de défaillance, de manière à produire des effets concrets.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. L’événement qui s’est déroulé à la fin de l’année est ahurissant : les sabotages et l’absence de sécurisation des armoires, vous avez raison, ont complexifié les choses.
Il ne s’agit pas de pointer du doigt les sous-traitants ou les sous-traitants des sous-traitants, qui n’ont pas d’autre choix que d’intervenir en urgence. Je rappelle qu’ils sont payés à la pièce : s’ils n’effectuent pas le raccordement, ils ne sont pas payés. Le système est complètement fou : on met la pression sur des salariés qui sont mal formés dans la plupart des cas – la formation des sous-traitants des sous-traitants n’est pas comparable à l’expérience d’un technicien d’Orange qui travaille depuis vingt ans.
Par ailleurs, l’outre-mer est effectivement confronté à de nombreuses difficultés. Les investissements dans les infrastructures, qui ne peuvent être que de nature publique car les opérateurs privés rechignent à investir, sont insuffisants. S’agissant de Starlink, je souhaite toujours favoriser, moi aussi, les entreprises nationales qui innovent – et il y en a.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous nous félicitons de l’examen de cette proposition de loi qui répond à une préoccupation concrète et particulièrement répandue dans nos territoires, celle de la qualité et de la fiabilité des réseaux.
Vendredi dernier, avec le président de la région, nous étions sur le terrain, dans ma circonscription, pour célébrer l’achèvement du raccordement à la fibre optique de tout le territoire de Monts d’Arrée Communauté, un territoire rural désormais 100 % raccordable : une vraie fierté !
Il est vrai que plus de 90 % des habitations sont raccordables sur le territoire national. Mais la réalité vécue par nombre de nos concitoyens, particulièrement en zone rurale ou périurbaine, est tout autre. Nombreux sont celles et ceux qui sont devenus les naufragés de la fibre : ils sont confrontés à des pannes récurrentes, à des rendez-vous manqués, à des raccordements bâclés, voire impossibles, à un entretien quasi nul des équipements.
La responsabilisation des opérateurs d’infrastructures est donc une mesure bienvenue. Cette situation, fruit d’une sous-traitance excessive et d’un contrôle insuffisant, entame la crédibilité de la politique d’aménagement numérique du territoire. Il est urgent de mettre fin à cette impunité technique et commerciale.
La région Bretagne a organisé, via la création d’un syndicat mixte régional public (Mégalis), le déploiement de la fibre optique de façon équitable pour tous les usagers, y compris dans les zones rurales les plus reculées, tandis que les opérateurs privés, dans une logique de rentabilité, se sont cantonnés au déploiement du réseau dans les centres urbains.
Nous saluons donc les avancées prévues par ce texte : responsabilisation accrue des opérateurs d’infrastructures privés, nouveaux leviers à disposition des collectivités territoriales, renforcement des pouvoirs de l’Arcep.
Quelques questions se posent. Comment garantir que les collectivités auront bien les moyens d’exercer les nouveaux droits qui leur sont reconnus ? Il conviendrait de favoriser les collectivités bonnes élèves qui jouent le jeu de l’investissement, plutôt que celles qui, par manque de volonté politique, ne le jouent pas.
Comment les mesures prévues s’articuleront-elles avec le processus de décommissionnement du réseau cuivre afin d’éviter une fracture numérique ?
Enfin, l’Arcep disposera-t-elle enfin de moyens humains et financiers pour exercer des pouvoirs de contrôle étendus ?
Le groupe Socialistes et apparentés estime que ces dispositions vont dans le bon sens, salue cette initiative et soutiendra pleinement cette proposition de loi qui vise à garantir un service public numérique plus fiable, plus équitable et plus responsable.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. L’Arcep, à condition qu’elle accomplisse bien ses missions, mérite davantage de moyens, puisque des centaines de milliers de nos concitoyens sont confrontés à des problèmes de connexion.
C’est justement parce que le réseau de cuivre commence à être abandonné qu’il faut agir dès maintenant. Quand la France entière sera raccordée à la fibre, si la fréquence des accidents reste la même, nous allons vers de vraies déconvenues. En durcissant dès aujourd’hui les sanctions et en invitant les opérateurs d’infrastructures de réseau à la responsabilité, nous prévenons le problème.
Par ailleurs, les collectivités auront davantage de moyens en cas de défaillance du marché, grâce à l’augmentation de la redevance que nous prévoyons.
Enfin, je ne suis pas sûr qu’il faille distinguer de « bons » et de « mauvais » élèves parmi les collectivités. Les communes, de droite comme de gauche, font ce qu’elles peuvent ; le problème est qu’elles ne peuvent pas grand-chose. Le texte vise à leur donner des armes face aux défaillances du marché.
M. Jérôme Nury (DR). Vous mettez en exergue le problème de la qualité du réseau. Il y a encore quelque mois, j’aurais pu vous rejoindre. Toutefois, vous arrivez après la bataille. Nous n’avons pas attendu votre texte pour faire remonter le ras-le-bol des usagers et des collectivités locales face aux problèmes de qualité – je pense aux chantiers non sécurisés, aux déploiements effectués par des employés non formés avec des camions et des échelles loués chez Kiloutou, parfois les dimanches et les jours fériés.
La table-ronde qui s’est tenue ici, il y a deux ans, avec les différents opérateurs a été « saignante ». Grâce à la pression exercée par les députés de tous bords, elle a fait date. Reconnaissons-le : depuis, le déploiement a été revu et corrigé. Les sous-traitants ont été repris en main ; il leur a été interdit de sous-traiter. La filière s’est professionnalisée, ce qui a amélioré la qualité tant des déploiements que des raccordements.
Votre proposition de loi, fondée sur la répression, contient des mesures inapplicables. Par exemple : alors que les collectivités, notamment les conseils départementaux, sont financièrement sous tension, comment pourraient-elles reprendre des délégations de service public (DSP) ? En outre, le mécanisme de sanctions prévu pénaliserait les collectivités à l’origine d’un RIP. Enfin, la base de calcul des taux d’échec au raccordement et de panne, qui doivent permettre de déterminer les sanctions, reste floue.
L’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques permet déjà de sanctionner les mauvais déploiements. Votre texte arrive trop tard. Faisons confiance aux collectivités départementales qui investissent, contrôlent et dialoguent avec les opérateurs. Elles sont plus efficaces que tous les bavardages législatifs ou étatiques.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Il y a un malentendu. Le problème n’est pas le déploiement de la fibre – déjà effectif pour 90 % du territoire –, mais sa qualité. Je rends hommage, à cet égard, au groupe Les Républicains du Sénat, dont le diagnostic est implacable : l’énorme problème de qualité doit être réglé urgemment.
Le présent texte arrive donc, au contraire, à point nommé pour placer les opérateurs d’infrastructures de réseau devant leurs responsabilités. Mes objectifs sont parfaitement en phase avec ceux des sénateurs du groupe Les Républicains, avec lesquels j’entretiens d’excellentes relations.
Il ne s’agit pas de « répression » et aucune des mesures proposées n’est inapplicable. Nous ne prévoyons nullement d’obliger les collectivités à créer un RIP ou à augmenter la redevance. Nous leur en ouvrons seulement la possibilité, pour qu’elles puissent s’adapter en cas de défaillance du marché.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Ce texte important traite un problème sur lequel nous sommes tous sollicités. J’ai récemment reçu le mail suivant d’une habitante de ma circonscription, en Isère : « Mes parents, âgés de 80 ans, ne cessent de rencontrer des problèmes de connexion depuis leur raccordement à la fibre, en 2022. D’après les techniciens, ils sont régulièrement débranchés pour permettre le raccordement d’un nouveau foyer, par manque de câbles de raccordement. Ma mère est atteinte de la maladie de Parkinson à un stade avancé et mon père est constamment stressé, car, sans ligne fixe, il ne peut appeler les secours rapidement. Le téléphone portable que j’ai mis à sa disposition est trop complexe à utiliser pour lui. » Oui, la qualité du réseau affecte fortement la vie quotidienne de nombreux Français.
La France est championne pour la quantité de fibre déployée, mais les dysfonctionnements sont innombrables, à cause des malfaçons et de l’absence d’entretien. En 2024, selon l’observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique de l’Arcep, sur 221 infrastructures de réseau de fibre déployées en France, plus de soixante ont enregistré des taux d’échec au raccordement supérieurs à 7 %. Ces réseaux défectueux sont notamment situés dans la grande couronne parisienne, en métropole lyonnaise, en Rhône-Alpes, en Bretagne, en Normandie ou en Alsace – le problème est donc extrêmement large.
Le groupe Écologiste et social soutiendra cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. Nous espérons d’ailleurs que les sanctions seront suffisamment importantes pour avoir un impact sur les opérateurs. Enfin, l’idée d’ouvrir aux collectivités la faculté de constituer un réseau d’initiative publique en cas de défaillance du marché est très intéressante. La maîtrise des infrastructures de réseau stratégiques doit être publique.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Cette proposition de loi vise à régler les problèmes quotidiens, parfois graves, de centaines de milliers de nos compatriotes. Ne pas avoir de connexion peut avoir des conséquences très concrètes, quand on est, par exemple, suivi par des appareils connectés pour une affection longue durée.
Dans certaines zones blanches de Seine-et-Marne, où les habitants n’ont pas la 4G ou la 5G, l’impossibilité de se connecter au réseau de fibre pendant un, deux ou trois mois peut avoir d’importantes conséquences sur la vie quotidienne, la possibilité de télétravailler… et ainsi de suite.
Oui, le problème n’est pas tant le déploiement que le taux d’échec au raccordement, qui reste très important.
M. Jérôme Nury (DR). Ça dépend où !
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Regardez les chiffres. Beaucoup de collectivités du territoire hexagonal sont touchées, sans parler de l’outre-mer.
M. Philippe Latombe (Dem). Le groupe Les Démocrates partage le souci d’améliorer la qualité des réseaux de fibre optique. C’est un enjeu crucial pour accompagner la migration des Français vers ces réseaux, alors que le réseau de cuivre va fermer d’ici à 2030 – en Vendée, plusieurs communes en ont déjà été débranchées avec succès.
Les difficultés rencontrées à La Roche-sur-Yon avec l’opérateur local ont été soldées avec succès, même si ce fut au prix d’efforts importants et longs. Nous avons bénéficié de l’appui de l’Arcep, qui a menacé l’opérateur de sanctions – comme quoi, cette autorité peut nous aider.
La présente proposition de loi, par l’incertitude juridique qu’elle tend à créer, remettrait en cause les équilibres qui ont permis à la France de devenir en dix ans le premier pays européen en nombre de prises de fibre déployées – et de loin.
Sur le fond, la possibilité, pour le Gouvernement ou les collectivités, d’augmenter le montant de la redevance due pour l’occupation du domaine public pourrait pénaliser les collectivités elles-mêmes, car elles sont souvent propriétaires du génie civil qui héberge les réseaux de fibre optique.
En outre, vous prévoyez la possibilité de limiter la durée d’occupation du domaine public, mais cette notion n’a aucune réalité pour les contrats des réseaux d’initiative publique. Enfin, le champ des signalements à l’Arcep n’est pas précisé, ce qui rend la mesure inopérante.
Sur la forme, la proposition de loi est émaillée d’incohérences juridiques. Il serait inconstitutionnel de transformer une redevance due pour l’occupation du domaine public en amende administrative. Par ailleurs, le déploiement d’un réseau d’initiative publique dans le cas d’une défaillance de la qualité d’un réseau déjà existant serait contraire au droit des aides d’État de l’Union européenne.
Pour permettre l’amélioration continue de la qualité des réseaux en fibre optique, l’État n’est pas resté les bras croisés. À partir de fin 2022, des actions concrètes ont été menées par les opérateurs, sous l’égide du Gouvernement, de l’Arcep et des parlementaires, pour améliorer la qualité des réseaux en fibre optique : des plans de reprise ont été lancés sur les réseaux les plus accidentogènes ; l’obligation de fournir un compte rendu photographique à chaque intervention a été instaurée, pour s’assurer que le raccordement est fait dans les règles de l’art et n’a pas donné lieu à des débranchements ; des audits des armoires de rue ont été menés, pour s’assurer de leur bon fonctionnement ; enfin, certaines formes de sous-traitance ont été interdites. L’observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique de l’Arcep constate que ces actions portent leur fruit, mois après mois.
L’Arcep a déjà la faculté de sanctionner les opérateurs en cas de défaillance concernant la qualité des réseaux, sur le fondement de dispositions au code des postes et des communications électroniques. Et les collectivités à l’origine de réseaux d’initiative publique peuvent déjà soumettre l’opérateur déployant la fibre à des pénalités, au titre de leur contrat de délégation de service public.
Notre groupe s’oppose donc à l’article 2 de la présente proposition de loi. Nous pourrions voter l’article 1er, mais il n’est que la traduction législative d’une jurisprudence établie. Il ne modifierait donc pas notre corpus juridique.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je vous trouve bien sévère. L’incertitude juridique que vous évoquez reste à démontrer. Je ne vois pas ce qui, dans le texte, irait à l’encontre de la jurisprudence et de l’état du droit – y compris, d’ailleurs, du droit européen des aides d’État.
Je comprends toutefois votre crainte que le texte pénalise les collectivités propriétaires du génie civil. Avec l’amendement de précision CE12, nous empêcherons que ce soit le cas.
Je ne vois pas non plus d’incohérence dans le texte. Et je vous trouve exagérément optimiste concernant la faculté qu’a l’Arcep de faire respecter la législation avec les outils en vigueur. Regardez la situation ! Ce n’est pas vrai.
Si les problèmes ont été réglés dans votre département à l’issue d’un long combat mené en partenariat avec l’Arcep, tant mieux. Mais je peux citer deux cents communes où, en dépit de multiples saisines de cette autorité et de multiples réunions avec les représentants de celle-ci et les conseillers départementaux, ces dernières années, rien n’a été réglé. La vérité est que, pour l’instant, les sanctions ne sont pas assez dissuasives.
M. Thomas Lam (HOR). Depuis plus de dix ans, la France mène avec succès un chantier d’ampleur, celui du déploiement de la fibre optique. Grâce à un partenariat équilibré associant l’État, les collectivités et les opérateurs privés, près de quarante millions de foyers ont été raccordés à la fibre, faisant de notre pays le plus avancé d’Europe en la matière. Dans ma circonscription, à Asnières et Colombes, les taux de raccordement à la fibre sont très élevés et nos concitoyens mesurent chaque jour à quel point cette technologie a changé les usages. Elle leur permet de télétravailler ou d’accéder plus facilement aux services publics en ligne. Pour l’administration, cette technologie permet de rationaliser et de simplifier les procédures administratives, à travers la dématérialisation. Pour les entreprises, elle constitue un outil formidable de développement de l’activité en ligne.
Je n’oublie pas que certains territoires attendent encore la fibre et sont victimes de l’inégalité de la couverture numérique. C’est vers eux que nous devons concentrer nos efforts, pour assurer la couverture généralisée du territoire d’ici à la fin de l’année.
Ce défi s’accompagne de celui, tout aussi déterminant, de la qualité du réseau. Pour le relever, la présente proposition de loi vise à responsabiliser les opérateurs et à doter l’Arcep de nouveaux leviers afin de mieux contrôler et sanctionner les dérives constatées sur le terrain.
L’article 1er va dans le bon sens. Il traduit une recommandation explicite de la Cour des comptes en élargissant les missions de l’Arcep et en confortant son rôle de régulateur, dans une logique d’intérêt général. Toutefois, l’article 2 nous interroge. D’une part, il tend à instaurer un régime dérogatoire qui permettrait à l’État ou aux collectivités territoriales d’augmenter unilatéralement les redevances dues par les opérateurs jusqu’à 100 %. D’autre part, il permettrait à ces mêmes pouvoirs publics de décider seuls d’une réduction de la durée des conventions d’occupation du domaine public. C’est un signal négatif envoyé aux investisseurs privés dans des zones déjà peu rentables. Cette insécurité juridique pourrait freiner les opérateurs, voire les dissuader de poursuivre leurs efforts, en contradiction directe avec l’objectif de généralisation de la fibre d’ici à la fin de l’année 2025. La mesure pourrait également se retourner contre les collectivités elles-mêmes, qui sont souvent propriétaires du génie civil accueillant les réseaux.
Si notre groupe partage pleinement l’ambition d’un réseau de fibre de qualité et soutient le renforcement des moyens de l’Arcep pour mieux encadrer les pratiques, cela ne peut se faire au détriment d’un cadre juridique stable et incitatif pour les acteurs privés, qui sont les principaux financeurs du déploiement. Fermement mobilisé pour encourager les investissements privés qui stimulent la croissance française, le groupe Horizons et Indépendants croit en une plus grande liberté des acteurs : en l’état, nous ne pourrons soutenir ce texte.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Ce texte ne déstabilisera pas le cadre juridique. Surtout, votre propos sur les acteurs privés me surprend. C’est souvent la puissance publique qui investit dans les zones où la fibre n’est pas rentable. Dans les autres zones, les opérateurs privés ont bénéficié des infrastructures préexistantes. Au vu de leurs résultats financiers, le raccordement se passe plutôt bien pour eux.
Le problème est que des usagers qui payent un abonnement ne bénéficient pas du service correspondant et ne trouvent pas de solution pendant un, deux, trois, six voire dix mois.
Bien sûr que les sanctions seront décidées unilatéralement, puisqu’elles visent des opérateurs défaillants ! Si l’opérateur persévère dans sa défaillance, malgré des négociations en amont, c’est normal !
Vous craignez que le texte ne dissuade les opérateurs d’investir dans les zones peu rentables. Or ils les évitent déjà.
M. Jean-Luc Warsmann (LIOT). Dans les Ardennes, l’opérateur privé Orange n’avait prévu le déploiement de la fibre qu’à Sedan, Charleville et dans huit autres communes. Dès que la région Grand-Est a été créée, en 2016, nous avons cherché un opérateur pour toutes les zones non soumises à appel à manifestation d’intention d’investissement (Amii) des Ardennes, de la Marne, de la Haute-Marne, de l’Aube, de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges – de fait, parmi ces départements, nombreux sont ceux où la densité de population est très faible. Nous avons réussi à trouver un opérateur et toutes les communes sont désormais raccordées à la fibre, même celles de vingt ou trente habitants. C’est un grand succès de l’aménagement du territoire.
Les enjeux actuels sont ceux de la résorption des écarts de couverture entre les territoires et de la qualité du réseau. Chacun l’a constaté, des opérateurs insuffisamment qualifiés interviennent parfois dans les armoires, coupant la fibre d’un voisin pour connecter un nouveau client. Certaines armoires sont en mauvais état, même si cela va moins mal qu’au début.
Enfin, le dernier enjeu est celui de la qualité de la desserte. Les contrats signés par les particuliers ne fixent pas de délai d’intervention. Quand on dépend de la fibre pour son téléphone, sa télévision ou le très haut débit, elle est aussi importante que l’eau ou l’électricité. Nous devons donc garantir les délais d’intervention les plus rapides à nos concitoyens.
Pour le reste, monsieur le rapporteur, nous soutenons votre travail et le renforcement prévu des compétences de l’Arcep.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Le problème des délais d’intervention, qui est évoqué dans cette proposition de loi, est essentiel. C’est l’une des principales revendications des naufragés de la fibre. Après avoir signalé la panne, l’opérateur commercial leur promet une réponse, qui ne leur est donnée que trois, quatre, cinq ou six jours plus tard. Quand l’opérateur commercial n’est pas l’opérateur d’infrastructure, il faut encore un délai supplémentaire. Et quand l’opérateur d’infrastructure intervient enfin, son intervention n’est pas forcément couronnée de succès. Les délais deviennent rapidement impossibles – dans d’autres secteurs de l’activité économique, ils ne seraient d’ailleurs pas tolérés.
Les quatre opérateurs qui se partagent le marché du réseau fibré et bénéficient d’infrastructures financées par le public ne sont pas menacés par une concurrence déloyale. Simplement, ils estiment qu’ils peuvent mettre un, deux ou trois mois à répondre.
M. Stéphane Peu (GDR). Nous soutenons évidemment ce texte. Les dysfonctionnements de la fibre persistent pour de nombreux abonnés et dans de nombreux départements, y compris les plus urbains comme la Seine-Saint-Denis. La situation est préoccupante et les améliorations relevées tout récemment par l’Arcep ne sont que relatives, pour ne pas dire précaires. Il faut donc agir pour que la législation soit moins permissive à l’égard des opérateurs et plus protectrice des intérêts légitimes des utilisateurs finals. Nous défendrons ainsi un amendement tendant à créer un dispositif d’indemnisation automatique à partir d’une coupure de la fibre pendant cinq jours.
Plus généralement, la question est celle de notre conception du service public. Contrairement à ce qui s’est passé pour les réseaux téléphonique, de gaz ou d’électricité, avec la fibre, pour la première fois, le déploiement d’un réseau grand public a été quasiment entièrement délégué au privé. Le résultat du choix de laisser le réseau de fibre aux mains du privé, imposé par une Europe aveuglée par l’idéologie du tout marché, c’est « vite fait, mal fait », pour citer l’exposé des motifs. L’idée selon laquelle le marché fait toujours mieux que l’État, qui justifie les règles en vigueur, a été démentie. La défaillance du marché affecte des millions de personnes et l’État est désormais obligé d’intervenir pour réparer les dégâts.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Outre l’amendement du groupe GDR, les autres amendements déposés par les différents groupes enrichissent considérablement le texte. Je me réjouis que les députés, quelle que soit leur famille politique d’origine, partagent notre constat sur ce problème et s’en saisissent.
M. Vincent Rolland (DR). La fibre a été déployée à grande vitesse, mais on peut s’inquiéter de la pérennité des infrastructures créées. En Savoie, où les zones Amel dominent, plutôt que d’enterrer les lignes, les acteurs ont préféré un déploiement aérien. Dans ce département de montagne, les neiges tardives ont donc beaucoup endommagé le réseau ces dernières semaines. Des fils pendent le long des routes départementales, parfois depuis plusieurs années.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Cela me conforte dans l’idée qu’il faut travailler sur la qualité du service offert aux clients des opérateurs. L’objectif très ambitieux de raccordement général du pays devra, de toute manière, s’accompagner d’un effort sur les cas spécifiques que vous soulevez. Ils concernent en fait beaucoup de personnes, car ce n’est pas qu’en Savoie que le raccordement est aérien.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Parmi les collectivités locales qui organisent le déploiement de la fibre, il y a bien de bons et de mauvais élèves puisque si, dans certaines collectivités, le syndicat public respecte les délais fixés par l’État et les enveloppes budgétaires, ce n’est pas le cas dans d’autres. Comment garantir l’équité territoriale et le respect des objectifs fixés ? Il faut veiller au bon usage des fonds publics.
Enfin, la résilience des réseaux est une vraie question, d’autant que les aléas climatiques ne concernent pas que les zones montagnardes – pensons aux tempêtes, par exemple. Il faut une réglementation plus fluide, afin que les opérateurs privés puissent garantir aux usagers le raccordement le plus rapide après un sinistre. Dans ma circonscription, certains sinistrés ont attendu plus d’un an avant de bénéficier de nouveau de la fibre.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Il faut des professionnels aguerris pour remettre en marche un réseau quand il a été endommagé par un aléa climatique. L’opérateur historique sait le faire, parce qu’il s’appuie sur plusieurs décennies d’expérience et des techniciens de très haut niveau, mais ce n’est pas le cas de tous les opérateurs commerciaux.
Alors que le réseau de fibre doit se substituer intégralement au réseau de cuivre et que son déploiement s’achève, sa résilience apparaît en tout cas comme un sujet majeur. La question n’est pas traitée, stricto sensu, dans le présent texte. La puissance publique devra s’en emparer, en partenariat avec les opérateurs privés.
Même si tel n’est pas l’objet du texte, j’entends votre propos sur les collectivités territoriales. Certains départements et certaines communes parviennent à organiser le déploiement dans les délais sans que cela coûte trop cher, mais ce n’est pas le cas de toutes les collectivités.
Ce débat a été riche. Je m’en réjouis, la majorité d’entre nous s’accordent pour constater que la qualité du réseau est un problème quotidien qui empoisonne la vie de nos concitoyens et qu’il faut régler urgemment. Cela passe nécessairement par davantage de rigueur et de sanctions, qu’on le veuille ou non.
Les objections juridiques soulevées par nos collègues Annaïg Le Meur et Philippe Latombe sont fondées sur l’assimilation de la hausse de la redevance à une amende. Mais la mesure ne pose pas de problème constitutionnel, dès lors qu’un préjudice et une victime seront identifiés et que la réparation des préjudices sera proportionnée. Il ne s’agit pas d’instaurer des amendes confiscatoires, qui ruineraient les opérateurs commerciaux ! La hausse de la redevance proposée sera proportionnée et méritée.
Article 1er : Renforcer le pouvoir de contrôle de l’autorité compétente sur l’effectivité et la qualité des raccordements
Amendement CE9 de M. Emmanuel Maurel
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Dans un souci de précision, je vous propose de compléter l’article, d’une part en remplaçant, au dernier alinéa du III de l’article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, le mot « informations » par les mots « indicateurs de niveaux de qualité de service ou des informations techniques et », et, d’autre part, en ajoutant cette phrase : « L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse publie de manière trimestrielle le résultat des indicateurs de niveaux de qualité de service par les personnes mentionnées au I du présent article, après en avoir précisé le contenu. » Cet amendement reprend une formulation du Sénat.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement CE7 de M. Lionel Tivoli
M. Lionel Tivoli (RN). Alors qu’il est désormais indispensable de bénéficier d’une connexion internet à très haut débit, de nombreuses zones du territoire, les plus rurales notamment, n’ont toujours pas de raccordement de bonne qualité. En outre, les usagers sont trop souvent privés de la transparence à laquelle ils ont droit à ce sujet. Dans un souci d’optimisation du fonctionnement des infrastructures de réseaux de communication électronique, ainsi que d’amélioration de la transparence, nous proposons que les opérateurs soient soumis à l’obligation de publier chaque semestre un rapport détaillant les taux d’échec du raccordement, les pannes et les délais d’intervention pour chaque commune concernée.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je partage votre souci de transparence. Il me semble cependant préférable de confier à l’Acerp la définition des indicateurs pertinents et la responsabilité de leur publication, comme le fait mon amendement précédent, plutôt que de se fier aux données fournies par les opérateurs eux-mêmes. L’information de l’Acerp sera standardisée, contrôlée et opposable. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE3 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Avec cet amendement d’appel nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur les besoins humains et financiers de l’Arcep. Nous sommes bien sûr favorables à ce que des missions supplémentaires soient confiées à cette autorité au travers de la présente proposition de loi, mais les moyens ne suivent pas l’accroissement régulier de ses tâches. Alors que de nouvelles missions lui ont été assignées récemment – mise en œuvre de la loi Sren, contrôle de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), régulation environnementale du numérique –, son budget n’a pas augmenté cette année si l’on tient compte de l’inflation. À l’heure où son existence est remise en question par le projet de loi de simplification de la vie économique, nous suggérons, à terme, une augmentation d’au moins 10 % de son budget ; elle assure en effet des missions indispensables à la régulation des communications.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Dans la mesure où l’Arcep assure de nouvelles missions, je suis favorable à cet amendement qui contribuera à la crédibilité de l’action publique. J’estime néanmoins qu’elle peut et doit déjà améliorer son fonctionnement avec les moyens dont elle dispose.
La commission adopte l’amendement.
Article 2 : Renforcer les pouvoirs de correction et de sanction des autorités publiques en cas de manquement aux obligations de raccordement
Amendement CE10 de M. Emmanuel Maurel
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Cet amendement corrige une erreur de renvoi.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE12 de M. Emmanuel Maurel
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Pour éviter toute confusion, cet amendement précise que ce sont seulement les opérateurs d’infrastructures qui pourront voir leurs redevances doubler de façon temporaire. Aux termes de l’article L. 47 du code des postes et des communications électroniques, il peut en effet arriver que les personnes versant des redevances soient les propriétaires du génie civil et non ceux des câbles de fibre optique.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Cet amendement répond à la préoccupation que j’exprimais tout à l’heure. Dans la mesure où il exclut les collectivités du dispositif, nous le voterons.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE11 de M. Emmanuel Maurel, rapporteur.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CE1 de M. Jean-François Coulomme
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous proposons de modifier l’article L. 224-34 du code de la consommation afin qu’en cas d’interruption de l’accès à internet de plus de sept jours consécutifs, le consommateur puisse obtenir le droit à la résiliation de son contrat sans frais de quelque nature que ce soit.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Les dédommagements dus en cas de résiliation du contrat, quand bien même le service n’est pas rendu, participent de l’exaspération des usagers. Je suis très favorable à cet amendement qui reconnaît à ceux-ci un droit effectif à un service continu et rééquilibre le rapport de force avec les grandes entreprises de télécommunications.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE6 de M. Julien Brugerolles
M. Julien Brugerolles (GDR). Nous proposons d’instaurer des mesures incitant les fournisseurs d’accès à réduire le plus possible les délais de rétablissement de l’accès à internet, souvent très longs dans les territoires ruraux notamment. Ils devront verser des indemnités à leurs abonnés à partir de cinq jours consécutifs d’interruption.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Ce dispositif, en ligne avec celui du Sénat, est à la fois clair, équilibré et juridiquement robuste. Il répond aux défaillances régulièrement constatées dans la gestion des interruptions de service par les fournisseurs d’accès à internet. J’y suis favorable.
M. Jérôme Nury (DR). Je comprends que l’on souhaite encourager un rétablissement du service dans des délais raisonnables… mais l’amendement sanctionne les fournisseurs d’accès à internet, alors que les responsables des interruptions de service sont souvent les gestionnaires des infrastructures. Il faudrait que l’amendement prévoie une responsabilité en cascade allant jusqu’à ceux-ci.
M. Julien Brugerolles (GDR). L’objectif est que les fournisseurs d’accès fassent pression sur les opérateurs pour obtenir un rétablissement rapide du service. J’ajoute que les contrats de vente ne stipulent rien au sujet des interruptions : nous souhaiterions que les conditions générales de vente contiennent des dispositions relatives à l’exigence de rétablissement de service ainsi qu’aux indemnités.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE2 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Les opérateurs d’infrastructures de la fibre sous-traitent en général le raccordement final aux opérateurs commerciaux qui peuvent eux-mêmes sous-traiter cette dernière étape à d’autres sous-traitants. Or, comme le relève un rapport récent de la Cour des comptes intitulé Les soutiens publics en faveur du déploiement de la fibre optique, ce mode de gestion en sous-traitance à l’opérateur commercial donne lieu à des flux financiers nombreux et complexes ; il est vivement critiqué par les acteurs locaux pour son impact sur la qualité de service et la résilience des réseaux. Ces dysfonctionnements structurels résultent de l’organisation du travail occasionnée par la sous-traitance. Les techniciens sont peu formés, sous-équipés, trop souvent sous-payés et embauchés en contrats précaires. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, un rapport sur l’opportunité d’interdire la possibilité de sous-traiter à un opérateur commercial l’étape du raccordement final de la fibre.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Vous avez eu raison d’évoquer les conséquences de la généralisation de la sous-traitance en cascade du raccordement final. Je ne vois aucun inconvénient à la remise d’un simple rapport : il ne s’agit pas, comme pourraient le craindre certains collègues, de mettre en œuvre rapidement des mesures d’interdiction mais d’étudier la possibilité d’interdire une pratique qui entraîne des manquements graves dans l’exercice d’une délégation de service public (DSP).
M. Jérôme Nury (DR). Je comprends l’idée sous-jacente mais il n’est pas nécessaire de demander un rapport pour comprendre qu’il serait loufoque d’interdire la sous-traitance ! Les fournisseurs d’accès à internet, en effet, ne sont pas équipés techniquement pour faire les raccordements : sans sous-traitance, le déploiement de la fibre serait considérablement ralenti et certains habitants en seraient privés.
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Je crois au contraire qu’il y a là une défaillance structurelle et que ce type d’organisation du travail aboutit à une dilution des responsabilités. Notre proposition n’a rien de radical : elle ne vise qu’à faire réaliser une enquête sur les conséquences de ce mode de gestion. Il me semble intéressant de se pencher sur les conditions de la résilience du système.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE4 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Nous demandons au Gouvernement la remise d’un rapport, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, sur l’état de la couverture fibre en outre-mer et sur les délais nécessaires pour rattraper le retard de couverture avec l’Hexagone notamment en Guyane, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le déploiement de la fibre connaît en effet un retard structurel en outre-mer, qui constitue une rupture d’égalité pour nos concitoyens.
En Guyane, la présence du centre spatial de Kourou requiert des infrastructures internes solides. À Saint-Pierre-et-Miquelon, pourquoi aucun opérateur n’a-t-il été désigné pour la DSP ? S’agissant de Mayotte enfin, le rapport devra nous éclairer sur les potentiels retards causés par le cyclone Chido dans l’installation de la fibre et sur le délai nécessaire pour que l’île soit raccordée sérieusement – et non pas de façon « gadget » avec la solution nord-américaine Starlink.
Ce rapport devra notamment fournir un calendrier aussi rapide que précis pour le déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire national.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement CE5 de M. Jean-François Coulomme
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous demandons au Gouvernement la remise d’un rapport sur l’opportunité d’obliger les opérateurs défaillants à mettre en place un service passant par le réseau hertzien – le WiMAX (Worldwide Interoperability for Microwave Access), par exemple – en alternative au déploiement de la fibre et en l’absence d’autre solution. Dans certains territoires, le déploiement de la fibre est en effet contrarié par les conditions climatiques notamment.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je voudrais partager avec vous une anecdote. J’ai rencontré un habitant de zone blanche à qui son opérateur commercial, lors d’une panne de fibre, avait conseillé d’utiliser le réseau par satellite de type Starlink ! Or, c’est une solution coûteuse, que tous les départements ne financent pas. C’est ubuesque : l’usager, privé d’un droit d’accès à internet qu’il paye pourtant, doit en outre payer une autre solution !
La réalisation d’un rapport entamerait une réflexion sur la responsabilisation des opérateurs. Je n’y suis pas défavorable : cela permettrait d’étudier les solutions techniques qui pourraient être déployées dans les zones défavorisées.
M. Jérôme Nury (DR). D’une façon générale, je suis très opposé aux rapports, car ce sont des fabriques à fonctionnaires. Compte tenu de la situation budgétaire de notre pays, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
De surcroît, demander un rapport sur les réseaux hertziens me semble totalement dépassé – tout comme cette proposition de loi. Le déploiement des réseaux hertziens a été envisagé pour les territoires ruraux, il y a une vingtaine d’années, mais les plans ont tous été abandonnés. On connaît les solutions de repli : ce sont la 4G, la 5G et le satellite. Et au-delà de Starlink, les solutions offertes par des fournisseurs d’accès français et européens fonctionnent très bien. J’ajoute que de nombreuses collectivités locales participent au financement des paraboles, qui permettent d’avoir accès à internet avec un abonnement dont le prix est à peu près le même que celui de la fibre optique.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je trouve votre approche un peu égoïste, cher collègue. Si votre amitié avec Elon Musk vous permet d’avoir le hardware à vil prix, voire gratuitement, dans l’Orne, ce n’est pas le cas dans la plupart des départements français où le client est contraint de payer sur ses propres deniers des équipements et des abonnements très onéreux. La solution alternative, dans mon petit village savoyard par exemple, ce sont les antennes 4G, 5G ou WiMAX.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je voudrais dire à notre collègue de l’Orne – où, apparemment, les choses se passent bien – qu’il est injuste et inopportun de dire que cette proposition de loi serait dépassée : pour des centaines de milliers de Français, elle est totalement d’actualité.
M. Jérôme Nury (DR). C’est la dictature du prolétariat !
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Pourquoi dites-vous cela ? Nos débats étaient courtois et sérieux jusqu’à maintenant. Évitons ce genre d’anathèmes.
Non seulement ce texte n’est pas dépassé mais, pour de très nombreux Français, il est même urgent. Je pense notamment à ceux qui doivent télétravailler alors qu’ils sont confrontés à des coupures de fibre depuis plusieurs mois.
La commission rejette l’amendement.
Article 3 : Gage financier
La commission rejette l’article 3.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je suis surpris par ce vote. Notre débat n’a rien d’idéologique ; il porte sur un problème concret que rencontrent au quotidien des centaines de milliers d’habitants de toutes les circonscriptions. Aucune objection de principe ou de nature financière ne s’est exprimée ; quant aux questions juridiques, j’ai tenté d’y répondre. J’aurais du mal à comprendre que nous nous rendions aux arguments des opérateurs commerciaux et d’infrastructures, qui rejettent toute responsabilité. Je vous en conjure : pensons d’abord aux habitants confrontés à ce type de problèmes.
La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 27 mai 2025 à 16 h 30
Présents. - M. Antoine Armand, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Stéphane Buchou, Mme Cyrielle Chatelain, M. Jean-François Coulomme, M. Julien Dive, M. Harold Huwart, M. Thomas Lam, M. Philippe Latombe, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Emmanuel Maurel, M. Jérôme Nury, M. Stéphane Peu, M. Vincent Rolland, M. Arnaud Saint-Martin, Mme Mélanie Thomin, Mme Aurélie Trouvé
Excusé. - M. Joseph Rivière
Assistaient également à la réunion. - M. Julien Brugerolles, M. Jean-Luc Warsmann