Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen pour avis, avec délégation au fond, des articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis) 2
Mercredi 11 juin 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 112
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, avec délégation au fond, les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis).
Mme Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que la commission des lois nous a délégué l’examen au fond des articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi (n° 1470) de programmation pour la refondation de Mayotte. Quinze amendements ayant été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, car ils créaient ou aggravaient une charge publique, et quatre autres au titre de l’article 45, pour absence de lien direct ou indirect avec les dispositions du texte, nous sommes saisis de soixante-dix-huit amendements.
Nous allons nous intéresser notamment aux opérations de reconstruction et de lutte contre l’habitat informel, au projet de réalisation d’un nouvel aéroport plus étendu à Mayotte, aux marchés de construction des écoles et des bâtiments temporaires, aux modalités de reconnaissance de la propriété à Mayotte, au classement de la totalité du territoire mahorais en quartier prioritaire de la politique de la ville, ou encore à l’organisation consulaire applicable à la filière pêche. Bien d’autres sujets cruciaux pour nos compatriotes mahorais, relevant des compétences de notre commission, comme le déploiement d’infrastructures de service public, le développement économique local – notamment de l’agriculture et de la pêche vivrière – ou le logement durable, ont malheureusement été considérés comme étant hors du champ du texte dont nous sommes saisis.
Je le regrette d’autant plus que toutes ces questions avaient été abordées lors du déplacement à Mayotte d’une délégation de notre commission – composée de nos vice‑présidents Jean-Pierre Vigier et Charles Fournier, ainsi que de notre collègue Pascal Lecamp et de moi‑même –, il y a quelques mois. Dans ce département, le niveau de vie médian est sept fois inférieur à celui constaté dans l’Hexagone et 77 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté national. L’accès à l’eau y est encore limité à quelques heures par jour en fin de saison sèche, et beaucoup d’enfants ne vont à l’école que de manière alternée. J’imagine que nous aurons néanmoins l’occasion d’en discuter. D’ailleurs, nous avions tous été marqués par le fait que les Mahorais nous parlaient, après le passage du cyclone Chido, de « construction »… et non de « reconstruction ».
Chapitre IV – Renforcer la lutte contre l’habitat informel
Article 10 : Facilitation des opérations de résorption de l’habitat informel
Amendements de suppression CE13 de Mme Nadège Abomangoli et CE52 de M. Charles Fournier
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Pour faciliter les expulsions et la destruction de l’habitat informel, cet article prévoit de réduire à quinze jours le délai d’évacuation et de démolition et ouvre la possibilité de déroger à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence. Nous nous y opposons.
Si la population a déjà reconstruit la quasi-totalité de l’habitat informel, pourtant détruit à 90 % par le cyclone Chido, c’est parce qu’elle n’a pas d’autre choix. En effet, le taux d’occupation du parc d’hébergement d’urgence atteint 130 % – un déficit structurel qui, selon un rapport sénatorial, empêche matériellement le préfet de reloger les personnes à évacuer ou de leur proposer un hébergement d’urgence. Plutôt que de chercher des solutions pour garantir le droit au logement, le Gouvernement propose de passer outre et de laisser les gens à la rue après avoir détruit leur habitat. C’est évidemment inacceptable.
Selon l’Unicef France, la fin du droit inconditionnel à une proposition de relogement dans le cadre de la politique de destruction des habitations précaires signe une augmentation massive du phénomène des enfants à la rue.
M. Charles Fournier (EcoS). La vitesse à laquelle les mal nommés « bangas » se reconstruisent est frappante. Historiquement, en effet, ce terme ne désignait pas des bidonvilles, mais les logements construits par les adolescents dans le périmètre de la propriété familiale.
Cet article renforce le pouvoir de police pour réduire les délais d’expulsion, sans prévoir aucune solution de relogement ni de places en hébergement d’urgence – un droit dont l’inconditionnalité est de moins en moins respectée. Loin de régler le problème, cela ne fera qu’aggraver les tensions en laissant les gens à la rue. Mieux vaudrait un grand plan d’investissement, même s’il prendrait du temps.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à votre amendement, dans la mesure où nous convenons tous que la situation à Mayotte est tout à fait « extra-ordinaire », au sens premier du terme – ça ne date d’ailleurs pas du cyclone Chido : c’est historique. Elle appelle donc des mesures exceptionnelles. Il faut donner au préfet les moyens d’éliminer autant que faire se peut l’habitat insalubre, source de danger pour les occupants eux-mêmes.
M. Charles Fournier (EcoS). Il faut des mesures exceptionnelles, mais elles doivent permettre de reloger les gens, d’accélérer la construction de logements dignes et de renforcer l’accès à l’électricité et à l’eau… pas de raccourcir les délais d’expulsion ! Concrètement, où les gens vont-ils aller ? Cet article relève davantage de la communication que de la solution pratique. Ce n’est pas la bonne réponse.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il faut déployer des mesures exceptionnelles à Mayotte, notamment à la suite du passage de Chido. Mais l’habitat informel préexistait au cyclone et les bangas ont été reconstruits immédiatement après : les supprimer n’est pas une solution pérenne. Il faut reloger les gens.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous n’êtes pas sans savoir qu’à Mayotte se pose aussi la question de la masse. Comme vous l’avez vous-même souligné, les solutions de relogement sont rares et construire suffisamment d’hébergements pour reloger systématiquement les personnes expulsées prendra du temps. On ne peut pas conditionner la résorption de l’habitat insalubre et dangereux à ce critère. Je reste donc très défavorable à la suppression de cet article.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE91 de M. Frantz Gumbs
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. L’article 10 de ce texte prévoyant la création d’un article 11-2 consacré à Mayotte au sein de la loi Letchimy de 2011, l’article 11-1 ne concernerait plus que la Guyane, où il n’existe pas de livre foncier.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE1 de M. Yoann Gillet
M. Hervé de Lépinau (RN). Cet article prévoit que l’habitat informel peut être démoli s’il présente « des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Afin de permettre une action administrative plus rapide et adaptée face à l’habitat informel à Mayotte, cet amendement vise à supprimer la notion de « gravité des risques », qui limite l’efficacité de la mesure alors que le contexte local ne le justifie pas.
À Mayotte, l’urbanisation informelle progresse à un rythme soutenu, dans un environnement déjà marqué par une extrême densité, une forte précarité – plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – et un habitat très largement insalubre. En 2022, près d’un tiers des logements principaux étaient des habitations de fortune, dont la fragilité structurelle, l’implantation illégale et l’absence de normes élémentaires sont autant de risques permanents pour l’ordre public. Dans ces conditions, exiger que les risques soient graves pour permettre l’intervention de l’autorité administrative crée une entrave injustifiée à l’action publique.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE16 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Face à l’urgence humaine, sanitaire et sociale à Mayotte, il semble nécessaire de se doter de tous les moyens juridiques envisageables pour accélérer la reconstruction de l’île. Pour accélérer la procédure de démolition prévue à l’article 10, cet amendement prévoit que l’édifice illégal peut être détruit lorsque la personne l’ayant bâti est en situation irrégulière.
Plus largement, la reconstruction ne pourra se faire qu’après un recensement exhaustif de la population étrangère à Mayotte, afin de « cadrer » les milliards alloués à la refondation. Toute mesure visant à mieux cibler les procédures proposées sur les personnes en situation irrégulière sera donc essentielle pour garantir la meilleure allocation possible de ces moyens. Si nous ne sommes saisis que d’une petite partie du texte – celle portant sur la reconstruction –, celle-ci ne saurait être décorrélée de la problématique démographique, car nous avons besoin de savoir sur quelle jauge travailler – j’ai d’ailleurs interrogé le ministre d’État sur ce sujet hier. La question des irréguliers est donc essentielle.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La nouvelle faculté confiée aux préfets par le texte se justifie d’abord par les risques graves que l’habitat informel fait peser sur la salubrité et la sécurité publiques. Il ne me semble donc pas pertinent de l’étendre à d’autres conditions. Avis défavorable…
M. Hervé de Lépinau (RN). Alors, nous sommes condamnés à « tourner autour du pot » pour des années encore ! Des nombreuses mesures du plan présenté par M. Manuel Valls il y a dix ans, alors qu’il était Premier ministre, quasiment aucune n’a été appliquée. Tant que la submersion migratoire continue, toute mesure est déjà obsolète au moment où elle peut enfin être appliquée, faute d’être calibrée par rapport au nombre d’habitants.
Pour la reconstruction, il faudra donc impérativement distinguer les Mahorais et les étrangers en situation régulière des irréguliers, lesquels ne pourront plus rester sur l’île. La mesure que je propose est un outil supplémentaire à la main du préfet pour commencer à organiser le retour des irréguliers vers leur pays d’origine.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE17 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Pour les mêmes raisons que précédemment, cet amendement prévoit la démolition sans délai de toute construction illégale bâtie par une personne en situation irrégulière.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. « Sans délai » signifie sous vingt‑quatre heures. Vous ne donnez strictement aucune chance aux gens pour se retourner et trouver une autre solution. Cette proposition me semble disproportionnée, ne serait-ce que parce qu’il faut garantir le droit de recours. J’y suis donc tout à fait défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). De votre propre aveu, l’habitat irrégulier représente un danger pour les populations qui y vivent. Pourtant, vous considérez qu’avant de le démolir, il faut construire du neuf pour reloger ceux qui seront expulsés. Si on suit cette logique, la reconstruction de Mayotte ne se fera jamais, faute de foncier disponible. Comme nous l’avons vu, la question du cadastre est essentielle pour déterminer ce qui appartient au domaine public ou privé de l’État, et ce qui appartient aux particuliers. Votre position constitue un obstacle au traitement de la question de l’habitat insalubre sur l’île.
M. Charles Fournier (EcoS). Sur ce texte, il y aura régulièrement des oppositions fortes à votre logique. Vous proposez de faire un tri, car vous considérez que les bangas n’abritent que des étrangers en situation irrégulière. Mais c’est faux : beaucoup de personnes en situation régulière y vivent aussi. Pour notre part, nous nous inscrivons dans une logique humaniste et solidaire et considérons que la mise à l’abri des personnes vivant dans des logements insalubres et dangereux est un droit inconditionnel, quel que soit leur statut.
Je rappelle que Mayotte est déjà soumise à un droit exceptionnel : le titre de séjour qui y est délivré est le seul qui ne permette pas de circuler librement dans tout le territoire français. Peut-être faudrait-il réfléchir à une évolution du dispositif, car si ce titre n’était pas restreint à Mayotte, cela réduirait peut-être la concentration actuelle sur l’île, où les moyens sont totalement inadaptés à l’importance de la population.
Je suis donc en profond désaccord avec la logique qui sous-tend cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE71 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Le texte ne définissant pas le niveau des moyens qui seront alloués à l’hébergement d’urgence, cet amendement tend à préciser qu’il doit être pleinement adapté aux besoins et à la situation des familles.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Votre préoccupation est parfaitement légitime : il est très humain de vouloir s’assurer que l’hébergement d’urgence soit adapté aux besoins et à la situation familiale des personnes expulsées de leur habitat informel.
Toutefois, compte tenu du sous-dimensionnement du parc au regard des besoins de relogement dans l’archipel, cette condition restreindrait encore la possibilité, pour le représentant de l’État, d’ordonner l’évacuation et la démolition de l’habitat informel, alors même que l’article vise à assouplir les conditions d’expulsion pour refonder Mayotte.
Reste que, si votre formulation, un peu vague, mériterait d’être précisée – notamment sur le périmètre de la cellule familiale –, je suis sensible à l’esprit de votre proposition. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Hervé de Lépinau (RN). J’ai bien précisé, monsieur Fournier, qu’il fallait distinguer, d’une part, Mahorais et étrangers en situation régulière, et, d’autre part, personnes en situation irrégulière. Pour reconstruire Mayotte, il faudra bien que l’on fixe un droit du sol. Vous savez très bien que nos compatriotes mahorais ne supportent plus l’iniquité actuelle.
La gauche propose de reconstruire pour tout le monde sans distinction. Or, il y a aujourd’hui, à Mayotte, environ trois cent mille Mahorais et étrangers en situation régulière, chiffre qui monte à cinq cent mille si l’on inclut les irréguliers. La différence est importante et consacrer 4 milliards d’euros à trois cent mille personnes, ce n’est pas la même chose que les consacrer à un demi-million.
Mme Maud Petit (Dem). La demande de notre collègue Fournier est effectivement légitime et humaine mais, compte tenu du parc actuel, limité, et de l’urgence de la situation, je ne vois pas comment on pourrait l’appliquer concrètement. Cet amendement ne réglera rien : l’adopter permet juste de se donner bonne conscience. Pour ma part, je m’abstiendrai.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous proposez d’expulser sans dire comment l’hébergement d’urgence sera organisé : ce n’est pas mieux ! Je ne parle pas de relogement durable, mais bien d’hébergement d’urgence. Où iront les gens quand les bangas seront détruits ? C’est une question concrète à laquelle il faut répondre. J’ai simplement proposé de définir des règles, en précisant que l’hébergement doit être adapté. Par exemple, un gymnase n’est pas un hébergement adapté si on doit y passer des mois et des mois. J’ai hébergé dans ma permanence des enfants qui étaient à la rue : ce n’était pas adapté, même si, faute d’hébergement d’urgence, c’était la seule solution.
Monsieur de Lépinau, on est en train de dire qu’il faut faire un recensement ; mais, par un fait extraordinaire, vous, vous savez combien de personnes sont en situation irrégulière. Finalement, ce recensement n’est peut-être pas utile : il suffit de vous écouter ! En réalité, on ne sait rien et le droit à un hébergement d’urgence est inconditionnel, quels que soient le statut et la situation des personnes.
M. Max Mathiasin (LIOT). Je soutiens totalement notre collègue Fournier.
Ce n’est pas parce que nous n’avons pas les moyens de reloger tous ceux qui doivent l’être qu’il ne faut pas préciser ce qui ne relève que de notre conception du droit, et plus particulièrement du droit à un hébergement décent – du droit de pouvoir se nourrir, aussi : aujourd’hui, en Israël, des gens sont privés de repas et la France reste silencieuse. Nous nous habituons trop à l’inhumain et à toutes les situations qui ne respectent pas le droit. Il faut absolument préciser les conditions d’hébergement, même si on ne peut pas les respecter.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je comprends votre préoccupation, monsieur Fournier et suis bien conscient du problème : quand on doit reloger une mère ou un couple avec trois enfants en bas âge, on ne peut pas ne pas en tenir compte. Seulement, il me semble que votre amendement gagnerait à être mieux défini et que vous pourriez le retravailler d’ici l’examen en séance. D’où mon avis de sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE15 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Le nouveau délai d’évacuation est très contraignant et contraire aux droits des personnes qui se retrouvent à la rue, possiblement sans solution de relogement compte tenu des dispositions de l’article. Cet amendement vise donc à revenir au délai d’un mois pour évacuer les lieux. C’est un minimum.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Le délai de quinze jours me semble suffisant et raisonnable, d’autant que le texte précise que c’est un délai minimal. Tout l’objet du projet de loi est d’accélérer les procédures autant que faire se peut, sans tomber dans l’excès, pour pallier une situation exceptionnelle. Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur Fournier, je n’invente rien : c’est le préfet lui-même qui nous a fourni ces estimations – vous étiez d’ailleurs présent. On estime que Mayotte accueille aujourd’hui environ un demi-million de personnes.
Par ailleurs, il faut distinguer entre problématique du droit du sol et gestion du mal-logement des personnes en situation irrégulière, laquelle relève du droit humanitaire. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) viendra en renfort de l’État français pour permettre à ces populations d’avoir une vie décente dans l’attente de l’organisation de leur expulsion vers le pays d’origine. Voilà comment les choses doivent se passer. Il me semble que c’est ce que demande la population mahoraise.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE92, CE94 et CE93 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Amendements CE18 et CE19 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)
M. Hervé de Lépinau (RN). L’amendement CE18 prévoit que, « lorsque les occupants ne peuvent justifier d’une présence régulière sur le territoire français, l’acte d’évacuation peut intervenir sans délai, dans des conditions fixées par décret. ». L’amendement CE19, de repli, prévoit un délai de vingt-quatre heures.
Encore une fois, nous ne serons pas en mesure d’engager sérieusement la reconstruction de Mayotte tant que nous n’aurons pas recensé sa population. Comme je l’ai déjà dit, reconstruire des infrastructures et l’habitat pour trois cent mille personnes, ce n’est pas pareil que de le faire pour cinq cent mille personnes.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cette mesure est excessive et totalement disproportionnée. J’y suis très défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous sommes d’accord sur un point : il faut recenser la population pour calibrer les moyens qui seront mobilisés. D’ailleurs, où en est-on du recensement ? Y a-t-il les ressources humaines nécessaires pour s’en charger ? Dans quelles conditions sera-t-il réalisé ? Tous ces points ne semblaient pas très clairs lorsque nous nous sommes rendus à Mayotte.
En revanche, je suis beaucoup moins d’accord pour faire de ce projet de loi une expérimentation pour aller toujours plus loin dans les restrictions à l’égard des étrangers – je sens, monsieur de Lépinau, que ce sera l’objet de tous vos amendements.
Je le répète, Mayotte est déjà soumise à un droit exceptionnel, puisque le titre de séjour est uniquement mahorais : il n’est valable que sur l’île et ne permet pas de se déplacer ailleurs sur le territoire. Je pense que nous devrions supprimer cette spécificité : toute personne qui est légalement présente à Mayotte devrait pouvoir circuler n’importe où dans notre pays. Sinon, cela signifie qu’on ne considère pas Mayotte comme un département français.
M. Hervé de Lépinau (RN). Sans faire de l’archéologie législative, il me semble que le statut particulier de Mayotte est lié à sa situation géographique et à son insularité – la Corse bénéficie de dispositions propres pour cette même raison.
Tout à l’heure, j’ai entendu dire que l’habitat insalubre posait un problème pour la sécurité des personnes qui y vivent. Que les choses soient bien claires : généralement, quand des gens sont en danger dans leur habitat en raison du risque d’effondrement ou de la présence de tôles métalliques – on sait qu’il y a eu beaucoup de morts liées à des surinfections à la suite de blessures –, on prend sans délai des mesures pour les protéger. Je ne comprends pas vos objections.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). En tant que réunionnaise, je confirme que n’importe qui arrivant à la Réunion peut y circuler, en partir et y revenir. Je ne vois pas pourquoi Mayotte aurait un traitement différent, à moins de considérer que les Mahorais ne sont pas des Français. Le problème vient de ce titre de séjour territorialisé.
Quel que soit le délai d’expulsion, quinze jours ou vingt-quatre heures, les gens reviendront et rebâtiront l’habitat informel. Ce n’est donc pas une solution : on expulse… et après ? Que fait-on de ceux qu’on a expulsés ? Voilà ce à quoi nous devons réfléchir. Nous, nous proposons de les reloger, parce que cela relève des droits humains.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Selon les informations dont je dispose, le recensement exhaustif de la population à Mayotte devrait intervenir dans les six mois suivant la promulgation de ce texte.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE95 de M. Frantz Gumbs
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale en réintroduisant le caractère suspensif pour les recours en référé-suspension et en référé-mesures utiles, supprimé par le Sénat, qui ne l’avait retenu que pour le référé-liberté.
Si cette limitation ne devrait pas, à elle seule, entraîner l’inconstitutionnalité de la mesure, son opportunité peut être questionnée.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE14 de M. Jean-Hugues Ratenon et CE42 de M. Philippe Naillet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 12, qui permet de déroger à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence. Au prétexte que les personnes concernées sont entrées illégalement sur le territoire, il serait possible de les contraindre à partir sans les reloger, ni s’interroger sur leurs perspectives. La dérogation est donc un blanc-seing accordé au préfet, qui pourra mettre les gens à la rue sans se soucier de garantir leur droit au logement, pourtant protégé par la Constitution. De plus, avec une telle disposition, les pouvoirs publics ne seront plus incités à mener une politique du logement et de résorption de l’habitat insalubre.
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement vise à supprimer la disposition qui permet de déroger, jusqu’en 2034, à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence aux occupants délogés. Une telle dérogation, même temporaire, suscite de très sérieuses réserves tant sur le plan juridique que sur celui des droits fondamentaux. Elle risque d’entraîner un accroissement du « sans-abrisme », une dégradation des conditions de vie et un éloignement des dispositifs de prise en charge sociale et sanitaire. Elle pourrait également se révéler contre-productive en matière de maintien de l’ordre, puisqu’en favorisant des expulsions sans solution, elle risque d’alimenter les tensions sociales et de provoquer des troubles à l’ordre public local.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’alinéa 12, introduit par la commission des affaires économiques du Sénat, prévoit une mesure d’exception qui, circonscrite dans le temps et conditionnée à la prise en compte des circonstances locales, permet au préfet de déroger à l'obligation d’annexer à l’arrêté d’évacuation et de démolition une proposition de relogement ou d’hébergement d'urgence. Cette possibilité est limitée à une durée de dix ans à compter du passage du cyclone Chido, c’est-à-dire jusqu’au 13 décembre 2034.
Si le parc d’hébergements financé par l’État se développe et se diversifie, les services de l’État estiment qu’il reste encore sous-dimensionné et que l’obligation de relogement contraindrait trop fortement le préfet. En supprimant cet alinéa, vous limitez l’efficacité des mesures d’évacuation et de démolition des habitats informels. C’est pourquoi j’y suis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite défendre l’alinéa 12, qui s’inscrit dans un principe de réalité. À Mayotte, 80 % des bâtiments publics ou privés, ont été détruits ou se retrouvent privés de toit. Tant que la reconstruction ne sera pas achevée – ce qui explique le délai de dix ans –, les services publics seront dans l’incapacité de reloger qui que ce soit. J’ajoute qu’en raison des destructions et de la déforestation dues au passage du cyclone, ainsi que de l’inertie des services publics, les bidonvilles ont non seulement été reconstruits, mais leur nombre s’est accru, accentuant l’occupation illégale de terrains privés. Cette situation est scandaleuse.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ne nous leurrons pas : la disposition prévue à l’alinéa 12 résulte de l’inaction des pouvoirs publics et des politiques en matière migratoire depuis trente ans. Lorsque nous proposons de réguler l’immigration, vous hurlez que ce n’est pas possible. Pourtant, nous subissons désormais, sur le territoire national, les conséquences d’une immigration non régulée, que nous payons très cher sur le plan juridique ; il nous faut sortir du cadre traditionnel pour prendre des mesures exceptionnelles et dérogatoires qui, je vous l’accorde, ne sont pas satisfaisantes sur le plan humanitaire. Toutefois, nous n’avons pas le choix.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous avez peut-être raison, mais nous n’allons pas refaire l’histoire.
La commission rejette les amendements.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.
Après l’article 10
Amendement CE2 de M. Yoann Gillet
M. Hervé de Lépinau (RN). Mayotte est confrontée à une explosion de l’habitat illégal et à une pression migratoire sans précédent. Près de 48 % de la population est étrangère, dont une majorité est en situation irrégulière. Cette situation alimente une crise grave du logement et une saturation des dispositifs sociaux. Alors que l’État investit dans la résorption de l’habitat informel, il est essentiel de garantir que ces logements profiteront en priorité aux Français et aux étrangers en situation régulière depuis longtemps. C’est une question de justice sociale et de cohésion nationale.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui restreint l’accès aux logements sociaux aux citoyens français et aux étrangers en situation régulière depuis plus de cinq ans. Cette dernière condition de durée me semble d’ailleurs exagérée, s’agissant de personnes en situation régulière.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE44 de M. Philippe Naillet
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à élargir le cadre d’urgence afin de faciliter les opérations d’aménagement définies par le code de l’urbanisme et de reconnaître l’intérêt public majeur des projets de résorption de l’habitat insalubre.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Ce débat a déjà été tranché lors de l’examen de l’article 4 de la loi d’urgence pour Mayotte qui prévoit que les constructions démontables et temporaires, implantées à Mayotte à compter du 14 décembre 2024 et jusqu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la promulgation de la loi d’urgence, peuvent déroger aux dispositions du plan local d’urbanisme. C’est pourquoi je vous invite plutôt à retirer votre amendement.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je le maintiens car il permet au préfet d’apporter des aides supplémentaires qui ne sont pas inscrites dans l’article 4 de la loi d’urgence, auquel vous faites référence.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Article 19 : Extension des possibilités de prise de possession immédiate de terrains expropriés pour la reconstruction et le développement de Mayotte
Amendements de suppression CE4 de M. Jean-Hugues Ratenon, CE36 de Mme Estelle Youssouffa et CE39 de Mme Dominique Voynet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’article 19, qui facilite les expropriations. L’article 10 du projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui prévoyait déjà des dispositions en ce sens, avait dû être retiré face aux nombreuses critiques. Ce sujet revient sur la table, alors que la population et les élus locaux y sont totalement opposés. De plus, cela va à l’encontre des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), qui protègent le droit de propriété, doté d’une valeur constitutionnelle.
Le collectif Urgence Mayotte rejette catégoriquement cet article et explique qu’il est peut-être la « pierre angulaire de toute cette construction d’une loi-programme qui ne présente aucune garantie de réalisation quant aux infrastructures réclamées par la société mahoraise ». Le conseil départemental de Mayotte demande également la suppression pure et simple de l’article.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’article 19 suscite l’opposition unanime des élus, de la société civile, des acteurs économiques et des syndicats de Mayotte. La population dans son ensemble est vent debout contre cette facilité accordée à l’État de procéder à des expropriations de manière dérogatoire. Il pourra ainsi prendre possession des parcelles de manière anticipée, sans même verser au préalable la moindre indemnité. Car c’est bien ce dont il s’agit : s’attaquer à un droit inscrit dans la DDHC depuis 1789 et ouvrir à Mayotte une dérogation, dans une situation de désordre foncier connue et sur laquelle l’État refuse d’agir. On me répondra que le montant de l’indemnisation sera provisionné par l’État, en attendant d’identifier le propriétaire. Néanmoins, le problème de Mayotte n’est pas tant l’absence de propriétaires que leur trop grand nombre. Ces parcelles ont aussi des occupants, à qui l’État demandera de « dégager » pour s’approprier les terres. Nous sommes totalement opposés à une telle spoliation.
M. Charles Fournier (EcoS). Mon argumentaire va dans le même sens. J’ai l’impression que nous « rejouons le match » du projet de loi d’urgence et que nous ne nous projetons pas plus loin. Si le recensement avait eu lieu, nous pourrions calibrer les moyens nécessaires dans le cadre de la loi de programmation. Or nous en sommes encore à débattre d’un régime d’exception qui permettra, si cette disposition est adoptée, d’élargir de manière excessive la prise de possession anticipée des terres à Mayotte. Ce n’était pas l’esprit du texte et je le regrette. Nous devrions plutôt parler du développement de l’archipel et des moyens de passer d’une économie informelle à une économie organisée. C’est pourquoi nous nous opposons très fermement à cet article.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’article 19 me paraît relativement bien bordé. Avant toute prise de possession anticipée d’un bien, la phase administrative donne lieu à une enquête publique, pour présenter le caractère d’utilité publique du projet, et à l’ouverture d’une enquête parcellaire, afin de préciser les terrains concernés et d’identifier et de prévenir les propriétaires.
Cette prise de possession ne se justifie qu’en cas de difficulté manifeste à disposer du terrain à exproprier et si cette difficulté remet en cause le projet lui-même : par exemple, l’installation de bangas sur un terrain faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP) peut ralentir le projet de plusieurs années. Ces conditions font l’objet d’un contrôle strict du Conseil d’État qui doit donner un avis conforme au projet de décret – le dossier à lui présenter est d’ailleurs particulièrement lourd.
La disposition prévue permettrait donc de gagner plusieurs mois de procédure, notamment en cas de refus du ou des propriétaires ou lorsqu’il est impossible de les identifier dans un délai de six à douze mois. En attendant, les sommes correspondant au coût du terrain seront consignées.
Certes, on peut légitimement s’interroger sur l’élargissement du champ de la procédure de prise de possession anticipée ; néanmoins, cela ne justifie pas de supprimer purement et simplement l’article.
Ne minimisons pas non plus le rôle de l’établissement public qui a été créé et dont le conseil d’administration associera, en nombre égal, des représentants des collectivités territoriales de Mayotte et des représentants de l’État. Je ne vois donc pas comment l’État pourrait laisser libre cours à toutes ses envies d’expropriation, compte tenu de cette instance qui est partie prenante dans l’ensemble des opérations de reconstruction et de refondation pour Mayotte.
Pour toutes ces raisons, je suis opposé à la suppression de l’article 19, d’autant que nous examinerons des amendements susceptibles de présenter d’autres solutions intéressantes.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous mettons la charrue avant les bœufs. Lorsque j’étais à Mayotte, j’ai rencontré des syndicats qui proposaient de créer, sur le modèle de la commission de révision de l’état civil, une commission de révision du foncier. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi au prétexte que la situation est exceptionnelle et laisser l’État exproprier des terres sans même savoir à qui elles appartiennent ni quelle est leur superficie exacte. Il vaut mieux réaliser au préalable un état cadastral, avant d’exproprier et d’indemniser. Et il n’y a pas de raison que Mayotte fasse encore l’objet d’une exception sur ce point ; les Mahorais en ont assez des régimes dérogatoires !.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ce texte a le mérite de mettre en exergue les carences des gouvernements successifs dans la gestion de Mayotte. Nous l’avons constaté en matière migratoire, puisque des obstacles structurels, liés à la présence d’illégaux, seront de nature à retarder la reconstruction. Force est de constater que le cadastre, dont l’élaboration était prévue dans le cadre de la départementalisation, n’a pas été réalisé – même si cet outil n’apporte pas la preuve formelle du droit de propriété, mais constitue un indice pour déterminer l’assiette fiscale du bien. Maintenant que l’habitat a été détruit sur l’île – j’ai vu, comme vous, les images : on dirait qu’une bombe nucléaire y a explosé –, il faut construire rapidement, sans savoir forcément à qui appartient telle ou telle parcelle. Il y a là une difficulté de fond.
Mme Maud Petit (Dem). À titre personnel, ce sujet me pose un problème éthique. On cherche à appliquer à Mayotte un régime qui fonctionne très bien dans l’Hexagone, parce que les choses y sont cadrées, qu’un cadastre y existe depuis longtemps et qu’il n’y a pas de désordre foncier. À Mayotte, en revanche, l’exceptionnel fait figure de droit commun. Tant que nous n’apporterons pas de garanties aux Mahorais quant à une indemnisation effective et juste, ils continueront de s’opposer à cette disposition. J’ai posé hier la question au ministre d’État, qui s’est un peu énervé et n’a pas répondu. Pouvez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, y répondre clairement pour rassurer la population ?
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le désordre foncier à Mayotte résulte non seulement de l’incendie des archives, de l’absence de cadastre et du manque de moyens humains attribués par l’État aux diverses commissions de régularisation du foncier, mais aussi du problème migratoire. En raison des bidonvilles, nous constatons une occupation illégale de terres qui ont des propriétaires, avec des personnes qui s’en revendiquent elles-mêmes propriétaires. Par ailleurs, les dispositions françaises en matière d’expropriation s’appliquent déjà à Mayotte ; l’État peut tout à fait utiliser les lois existantes pour déployer ses projets. Le problème, c’est que l’État n’a quasiment pas de terrains à Mayotte et qu’avant même le passage de Chido, il avait déjà introduit, dans le premier projet de loi présenté à l’époque par le ministre Lecornu, une mesure dérogatoire visant à exproprier les Mahorais. J’espère donc que la représentation nationale portera de nouveau la voix des Mahoraises et des Mahorais contre ce régime d’exception voulu par l’État.
M. Charles Fournier (EcoS). Dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, la disposition prévue à l’article 19 serait applicable pour certains ouvrages, tels que les réseaux publics d’eau (à l’exception des retenues collinaires), les établissements pénitentiaires (ce qui fait débat) ou encore les établissements liés à la sécurité intérieure (alors que l’armée dispose d’un foncier important à Mayotte). En revanche, l’école ou les réseaux de transport n’y figurent pas. Il y a donc un vrai problème de fond dans la rédaction de l’article, qui justifie nos amendements de repli ultérieurs. Le texte prévoit une règle d’exception qui n’a pas lieu d’être et à laquelle tous les acteurs locaux sont opposés. Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait maintenir l’article.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je comprends la crainte des Mahorais et leur opposition à la disposition. Toutefois, objectivement, le texte comporte des garanties juridiques de nature à les rassurer et je ne vois pas comment l’État pourrait s’approprier librement des terrains, à titre gratuit. Certes, dans le passé, des parcelles ont pu être utilisées par l’État sans que les propriétaires aient été correctement indemnisés – voire pas indemnisés, s’ils étaient mal identifiés ou dans le cas d’une indivision. Néanmoins, dans le cas présent, il est prévu de consigner les sommes.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE37 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement de repli a pour but de ne pas autoriser l’établissement public à recourir à la procédure d’expropriation dérogatoire pour toutes les opérations de reconstruction dont il aura la responsabilité et d’en restreindre le champ d’application.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous proposez de réserver la procédure de prise de possession anticipée aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, restreignant fortement la portée de l’article 19, qui vise aussi d’autres infrastructures pourtant indispensables à Mayotte : les ouvrages et installations des réseaux d’eau (qui comprennent d’ailleurs les retenues collinaires, contrairement à ce qu’a dit monsieur Fournier), la production et la distribution d’électricité ou encore les établissements de santé, qui sont très importants pour le développement de l’île. J’émets un avis défavorable sur votre amendement, qui restreint trop fortement le champ d’application de l’article.
La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Après l’article 19
Amendements CE50 et CE49 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
M. Karim Benbrahim (SOC). Ces amendements posent la question de la construction d’un nouvel aéroport à Bouyouni, site considéré comme le « grenier » de Mayotte. La construction d’un aéroport sur ce territoire entraînerait une destruction importante de terres agricoles, fragilisant un secteur déjà confronté à des difficultés croissantes, et compromettrait durablement l’autonomie alimentaire de l’île. Depuis de nombreuses années, un projet d’allongement de la piste de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi était évoqué, mais il semble désormais écarté. Ce revirement majeur a été opéré sans que les élus et la population bénéficient d’une information claire et complète. Dans ce contexte, il paraît urgent de réunir à nouveau le comité de pilotage, qui rassemble les élus, les acteurs socio-économiques et les institutions majeures de Mayotte, pour que la transparence soit faite sur cette décision et que tous les éléments soient portés à la connaissance des membres du comité.
L’amendement CE50 vise à réunir, dans un délai de trois mois, le comité de pilotage local du projet de piste longue à Mayotte. L’amendement CE49 demande la remise au Parlement d’un rapport du comité de pilotage, faisant état de l’avancement du projet de desserte aérienne de Mayotte et des différentes options étudiées, notamment le prolongement de la piste à Dzaoudzi-Pamandzi et la création d’un nouvel aéroport à Bouyouni, afin d’en mesurer les impacts techniques, environnementaux, agricoles et fonciers.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Un consensus se dégage sur la nécessité absolue de construire un aéroport à Bouyouni. Cependant, il faut que les Mahorais, qui l’ont attendu pendant longtemps, soient pleinement consultés et informés. S’il est correctement expliqué et si le scénario retenu est bien argumenté, ils soutiendront le projet. À ce titre, la consultation prévue par l’article 19 ter doit permettre d’informer le public et de le consulter. Les élus devront également être associés aux réflexions et le comité de pilotage, qui a d’ailleurs été convoqué récemment, doit jouer pleinement son rôle.
Par ailleurs, le rapport demandé est redondant avec la mise à disposition du dossier du projet d’aéroport, prévu à l’article 19 ter. Et le délai de trois mois pour réaliser ce rapport me paraît beaucoup trop court. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE11 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Par cet amendement nous suggérons l’enfouissement des câbles aériens présents sur l’île de Mayotte. La France est en retard en la matière par rapport à ses pays voisins : alors qu’en Allemagne 70 % du réseau électrique sont enterrés et qu’au Royaume-Uni le taux est de 63 %, il atteint à peine 50 % en France. Le cyclone Chido, dont les vents ont dépassé les 200 kilomètres par heure, a arraché les câbles aériens et privé le territoire mahorais d’électricité. À l’heure où il est question de reconstruction, il est donc de bon sens de prévoir l’enfouissement du réseau électrique.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’enfouissement semble à première vue une mesure de bon sens – après le passage de l’ouragan Irma en 2017, Saint-Martin a ainsi décidé d’enfouir tout le réseau électrique.
Toutefois, à Mayotte et, dans une certaine mesure, à La Réunion, l’enfouissement de l’intégralité du réseau serait difficile et contre-productif, au vu de la topographie. Avis défavorable.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous pourrions prévoir un enfouissement partiel, là où c’est possible, puisque ces îles subissent régulièrement des cyclones.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il faudrait effectivement enfouir les câbles lorsque c’est possible. Vous pourrez reformuler votre amendement pour la séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Article 19 bis : Assimilation du projet d’agrandissement de l’aéroport de Mayotte à une opération d’aménagement
Amendements de suppression CE3 de Mme Nadège Abomangoli, CE51 de M. Philippe Naillet et CE81 de Mme Dominique Voynet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet article vise à accélérer les procédures de déclaration d’utilité publique pour la construction de la piste longue de l’aéroport de Mayotte, donc à faciliter les expropriations. En attentant aux droits des propriétaires et en dépossédant les Mahorais de leur terre, il risque de provoquer de nombreuses mises à l’abri. Nous souhaitons donc le supprimer.
Le collectif Urgence Mayotte explique, par ailleurs, que la piste longue est attendue depuis des années par la population mahoraise, mais que sa construction a été constamment repoussée.
M. Karim Benbrahim (SOC). Au vu du manque de transparence sur le choix des solutions techniques visant à permettre à l’île de disposer d’une piste longue, nous proposons de supprimer l’article.
M. Charles Fournier (EcoS). L’article vise à assimiler la création de la piste longue à une simple « opération d’aménagement », alors que, localement, les avis sur ce projet sont partagés, notamment parce qu’il s’implanterait sur le « grenier » de l’île.
Ce choix pose des questions majeures de transparence. Les élus et la population doivent y être associés. Or cet article, introduit au Sénat par voie d’amendement gouvernemental, prévoit une mesure d’exception pour exproprier les habitants sans prendre en considération l’ensemble des points de vue. Nous demandons sa suppression.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Les Mahorais attendent depuis quinze ans un nouvel aéroport. L’apparition d’un volcan en activité au large de Petite-Terre a obligé à changer de site. Même si la crainte que vous exprimez pour ce « grenier » de Mayotte est fondée, les auditions m’ont convaincu que la suppression de cet article nous ferait perdre beaucoup de temps. L’article permettra de répondre à une attente qui ne dure que depuis trop longtemps.
Si l’opération fait disparaître de nombreuses terres agricoles, il faudra prévoir une compensation.
M. Charles Fournier (EcoS). Le sort du premier projet d’aéroport, abandonné à cause des risques sismiques, devrait nous inviter à la prudence et au respect des procédures.
Cet article permettrait de se passer d’étude d’impact, alors qu’il faut respecter les procédures pour s’assurer que le projet ira à son terme. C’est bien cela que les Mahorais attendent, pas autre chose ! Si une nouvelle difficulté se présentait, en voulant accélérer, vous mettriez de nouveau Mayotte en difficulté.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE29 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il faut protéger de manière explicite les terres agricoles essentielles à la production vivrière locale de l’expropriation liée à la construction d’infrastructures, y compris la piste longue de l’aéroport.
La population locale est extrêmement divisée sur l’emplacement de l’aéroport, certains craignant l’expropriation et la perte de cultures dans une zone produisant une quantité importante de bananes, légumes et fruits pour tout l’archipel.
L’interdiction d’exproprier des terres vitales pour la subsistance des populations locales, sauf cas exceptionnels de sécurité publique, renforcerait la protection des droits fondamentaux et contribuerait à la résilience du territoire face aux crises, notamment celles qui sont liées au changement climatique.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Votre préoccupation pour la souveraineté alimentaire des territoires est louable. Toutefois, les Mahorais attendent depuis trop longtemps cet aéroport. Des études sérieuses de la direction générale de l’aviation civile ont déjà permis d’évaluer son impact, notamment environnemental.
Certes, la perte de terrains agricoles reste une préoccupation et il faudra la compenser. Avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Alors que la question de la souveraineté alimentaire et du foncier disponible pour l’agriculture est cruciale, le présent texte n’y répond pas. Pourtant, sur le terrain, les filières commencent à se structurer.
La protection de la biodiversité est également un enjeu, d’autant que la biodiversité a reculé sur cette île. Ces questions ne sont pas secondaires, mais absolument déterminantes, y compris pour les activités économiques – elles le sont autant que l’aéroport.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Vous voulez entériner un projet de piste longue sur Grande-Terre, alors que Petite-Terre est déjà équipée d’un aéroport et que le débat n’est pas tranché.
En avril, le conseil départemental de Mayotte s’est prononcé contre l’implantation de la piste longue à Grande-Terre, parce que la population préférerait le site de Petite-Terre.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. À mon avis, le débat est tranché. Selon les études techniques, dans dix ou quinze ans, l’aéroport de Petite-Terre risque de ne plus être exploitable, compte tenu de la formation d’un volcan à une quarantaine de kilomètres et de la hausse du niveau des eaux, liée au réchauffement climatique.
Il faudrait investir 6 milliards d’euros pour perpétuer son exploitation, alors que la construction d’une piste longue à Grande-Terre ne coûterait que 1,2 milliard d’euros.
Les Mahorais ne s’opposent pas au déplacement de l’aéroport à Grande-Terre, même s’il faut trouver une solution pour les terres agricoles.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 19 bis.
Article 19 ter : Clôture de la procédure de consultation du public sur le projet de piste longue de l’aéroport de Mayotte
Amendements de suppression CE6 de Mme Sandrine Nosbé, CE41 de M. Philippe Naillet et CE82 de Mme Dominique Voynet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet article vise à accélérer la procédure de consultation du public pour la piste longue de l’aéroport de Mayotte, au mépris de la population mahoraise.
Contrairement à ce que le rapporteur indique, la localisation de la piste longue fait encore débat à Mayotte. Le 17 avril, les élus du conseil départemental se sont prononcés pour l’aménagement de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, sur l’île de Petite-Terre. Quand bien même le chef de l’État souhaite construire la piste longue à Bouyouni, sur l’île de Grande-Terre, la population locale est extrêmement divisée. Une véritable consultation publique doit donc avoir lieu.
M. Karim Benbrahim (SOC). En l’absence de consensus sur le choix du site de la piste longue, nous proposons de supprimer l’article. Nous demandons la réunion du comité de pilotage de la piste longue pour travailler sur les éléments techniques et environnementaux, afin de faire le choix le plus approprié aux contraintes de l’île.
M. Charles Fournier (EcoS). Ce n’est pas parce que l’on accélère les procédures de concertation et le débat public que l’on accélère la réalisation des projets. C’est parfois même le contraire, car, quand l’information n’est pas partagée, les oppositions se structurent.
Vous trouvez toujours de bonnes raisons pour justifier les procédures accélérées et contourner le droit. C’est une erreur.
En l’occurrence, si un débat public a déjà eu lieu, il portait seulement sur le premier projet d’implantation de l’aéroport. Comment se satisfaire d’un débat par voie électronique et d’une durée ramenée à un mois sur ce dossier ?
Cet article ne tient pas compte de l’avis de la population, alors que c’est indispensable pour ce type d’infrastructures. Des collectifs se sont constitués à la suite de la décision du comité de pilotage de changer la nature du projet. Je crains que les tensions ne s’accroissent si nous nous passons des phases de consultation du public.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Selon toutes les auditions et tous les rapports, le site de Bouyouni est le seul viable, compte tenu des dangers auxquels sont exposés les usagers de l’aéroport de Petite-Terre. Les Mahorais ne s’y opposeront pas.
Pour moi, le débat est tranché. Nous devons construire la nouvelle piste avant la mise hors service de l’aéroport de Petite-Terre, qui aura probablement lieu dans une quinzaine d’années.
Oui, la population sera consultée. Un dossier sera mis à sa disposition en version papier dans toutes les mairies concernées et par voie électronique. La procédure prévue à cet article est nécessaire car les Mahorais attendent depuis trop longtemps un aéroport pouvant accueillir les gros-porteurs.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous ne pouvez pas faire le bonheur des gens malgré eux ! En outre, la consultation ne doit pas simplement servir à choisir le lieu d’implantation de la piste, mais aussi à porter à la connaissance de la population la nature du projet et son impact, afin, le cas échéant, de l’aménager. Cela permettra d’éviter des oppositions, d’autant qu’actuellement certains Mahorais ne sont pas favorables au projet. La consultation permettrait de les rassurer.
En voulant aller plus vite qu’il n’est nécessaire, vous vous privez de la possibilité d’associer le public au projet et vous prenez un risque.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Mayotte attend une piste longue sur Petite-Terre depuis 1980. Vous imposez finalement la construction de cette piste sur Grande-Terre, parce que Paris a décidé que c’était mieux.
Il n’est pas possible de décider de cette manière, comme si les Mahorais n’étaient pas capables de comprendre ! Nous n’écoutons pas suffisamment nos concitoyens ultramarins, ce qui créera des tensions inutiles.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis en désaccord total avec vous. En 2018, la donne a changé, avec l’apparition de nouvelles circonstances géologiques.
L’étude d’impact et les études environnementales devront, de toute manière, obligatoirement être réalisées avant le début des travaux.
La commission rejette les amendements.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE98 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Amendement CE89 de Mme Dominique Voynet
M. Charles Fournier (EcoS). À défaut de pouvoir supprimer l’article, nous demandons que le dossier destiné au public comporte une analyse « des incidences du projet sur la ressource en eau et l’activité agricole, ainsi qu’une évaluation » du risque sismique. Le site du projet est exposé à un risque de niveau 3.
Et les éléments d’information délivrés au public devront bien concerner le nouveau projet et non l’ancien – c’est une question de transparence.
Si l’étude démontre que le nouveau projet n’est pas possible, les Mahorais auraient raison de ne pas être contents du manque de sérieux avec lequel il aura été mené.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. C’est l’ensemble de l’archipel qui se trouve en zone sismique – non seulement Grande-Terre, mais aussi Petite-Terre.
Selon les études, le site de Bouyouni présente davantage de garanties que le site situé sur Petite-Terre, concernant l’impact sur la ressource en eau, la résilience face aux aléas sismiques, mais aussi le risque de submersion, puisqu’il se trouve à environ 200 mètres d’altitude. Au contraire, la piste de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, à Petite-Terre, menace de s’écrouler et, dans quinze ans, l’aéroport pourrait ne plus fonctionner.
Le dossier destiné au public doit, selon moi, présenter toutes ces informations, qui renvoient aux axes d’étude sur lesquels ont travaillé les experts.
M. Charles Fournier (EcoS). Si vous considérez que ces éléments seront dans le dossier, vous devriez émettre un avis de sagesse. Nous avons besoin d’éléments tangibles. Cela irait mieux en écrivant les choses.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE99 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 19 ter.
Après l’article 19 ter
Amendement CE38 de Mme Dominique Voynet
M. Charles Fournier (EcoS). Nous demandons un rapport sur l’état d’avancement de la réparation et de l’amélioration du système de surveillance volcanologique et sismologique de l’archipel. Des dispositions en la matière sont prévues dans le rapport annexé, mais celui-ci n’a pas de valeur contraignante.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Le rapport annexé indique déjà que « la réalisation des campagnes scientifiques et la mise en service des outils de surveillance et de prévision seront soutenues par l’État, de même que la réparation et l’amélioration du système de surveillance sismologique. Le déploiement en Petite-Terre du radar Météo-France destiné à la prévision, l’anticipation et la mesure des phénomènes météorologiques et sismiques constitue une priorité. ». En outre, le rapport demandé ne serait pas plus contraignant que le rapport annexé au présent texte. Demande de retrait.
M. Charles Fournier (EcoS). Je suis prêt à retirer mon amendement, si ces dispositions sont inscrites plus solidement dans la loi, car le rapport annexé n’a qu’une valeur déclarative. Il faut s’assurer qu’elles seront respectées.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je ne m’y oppose pas sur le principe, mais cela impliquerait une charge supplémentaire. Il faudrait donc l’accord du Gouvernement. Nous pourrons l’évoquer avec le ministre d’État.
M. Charles Fournier (EcoS). Au bénéfice de cette promesse, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Article 20 : Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
Amendement CE35 de Mme Estelle Youssouffa
M. Max Mathiasin (LIOT). L’article 20 tend à aménager la prescription acquisitive, ou « usucapion », à Mayotte. Le présent amendement vise à rendre inapplicable cet aménagement pour les logements insalubres, tels que définis dans le code de la santé publique.
Selon les derniers chiffres disponibles, en 2017, près de 38 % des logements à Mayotte étaient construits en tôle. Ces logements sont souvent localisés dans des zones escarpées et difficilement accessibles, non desservies par les réseaux d’eau et d’électricité. Cette situation a conduit, lors du passage du cyclone Chido, à la destruction totale des bidonvilles, donc à une mortalité choquante. Depuis, les bidonvilles se sont reconstitués. Il est donc inenvisageable que les personnes occupantes puissent bénéficier du régime prévu à cet article.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Les bangas sont déjà exclus de toute mesure de prescription acquisitive. En effet, pour en bénéficier, la possession du bien doit être continue, paisible, publique, non équivoque et exercée à titre de propriétaire. Ces conditions ne peuvent être satisfaites dans le cas d’un banga. Demande de retrait.
M. Hervé de Lépinau (RN). En droit de la propriété, dès lors qu’un bien est possédé de manière paisible, continue, non équivoque et que le possesseur se comporte comme un propriétaire, l’usucapion peut s’appliquer. Le fait que le toit soit en dur ou en tôle n’y change rien. L’amendement permettrait d’empêcher que ce droit soit revendiqué pour les logements insalubres dont nous parlons.
M. Max Mathiasin (LIOT). Les logements insalubres visés peuvent en effet être possédés de manière continue, paisible, etc., etc. Leurs occupants ont parfois même accès à l’électricité. Je maintiens donc cet amendement de madame Youssouffa, qui connaît très bien le terrain.
Mme Maud Petit (Dem). C’est un amendement de bon sens. Parfois, il vaut mieux répéter les choses. Les constructions insalubres ici concernées sont occupées au vu de tous, pour une durée indéterminée, et elles peuvent donc correspondre aux critères de l’usucapion. Pour empêcher que ce ne soit le cas, je voterai pour cet amendement.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Même si je ne suis pas allé à Mayotte et n’ai donc pas vu ce qu’était la réalité des bangas, je doute qu’aucun des possesseurs de ces logements puisse justifier d’une occupation paisible pendant dix ans, sans contestation, alors qu’ils ne sont manifestement pas propriétaires des terrains de ces logements. Au bénéfice du doute, j’émets toutefois un avis de sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 modifié.
Après l’article 20
Amendement CE45 de M. Philippe Naillet
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à nous doter de moyens pour accélérer la régularisation foncière à Mayotte. Il est urgent d’agir en ce sens afin de répondre aux craintes exprimées lors de l’examen de l’article 19, relatif aux expropriations. Sans clarté sur la propriété foncière, les mesures exceptionnelles inscrites dans cet article pour accélérer la réalisation des projets ne pourront être mises en œuvre avec efficacité, et les craintes de la population paraissent légitimes. Notre amendement permettra à l’État de mettre en œuvre à titre expérimental, pour une durée de cinq ans et dans le respect des compétences des collectivités territoriales, une coordination renforcée entre les services de l’État et les établissements publics compétents, en lien avec les collectivités intéressées.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. De nombreux outils ont été développés récemment pour améliorer la gestion du foncier dans les outre-mer, y compris à Mayotte – la loi Letchimy visait à faciliter le règlement des indivisions complexes, la loi « Habitat dégradé » de 2024 a réduit le délai d’usucapion en outre-mer et la loi du 27 mai 2009 a créé un groupement d’intérêt public, la commission d’urgence foncière (CUF), à Mayotte. De nombreux autres outils existent par ailleurs. Il faut les utiliser. Créer un instrument supplémentaire n’a pas de sens si on ne commence pas par s’emparer de ceux qui existent déjà. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ne nous leurrons pas : il y aura énormément de contentieux liés au droit de propriété dans le cadre des opérations de reconstruction à Mayotte.
Je reviens sur l’article précédent : l’intérêt de priver de l’usucapion un occupant sans droit ni titre est d’accélérer le traitement judiciaire en évitant toute discussion. On aura néanmoins de drôles de surprises en matière d’expropriation, puisque la procédure repose sur une déclaration d’utilité publique après enquête parcellaire. Je souhaite bien du plaisir aux services qui s’en chargeront dès lors que, dans beaucoup de cas, il n’y a ni cadastre, ni preuves tangibles en matière de propriété. Ce sera donc un frein pour la reconstruction. Le droit de propriété étant constitutionnel, les tribunaux veilleront à sa préservation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE80 de Mme Dominique Voynet
M. Charles Fournier (EcoS). Le rapporteur a souligné la multiplication des dispositifs ; mais il faudrait pouvoir en mesurer les résultats. Pour l’instant, on peut avoir le sentiment que la gestion foncière ne s’améliore pas sérieusement à Mayotte. Nous avons donc besoin d’un état des lieux précis et exhaustif pour voir quels ajustements devraient être apportés. Tel est l’objet de la présente demande de rapport. Certes, un rapport ne change pas la vie, mais il peut être un point de départ s’il permet d’éclairer la situation.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Améliorer la maîtrise foncière et faire en sorte que des plans de prévention des risques naturels couvrent toute l’île sont effectivement des objectifs à atteindre, mais je ne suis pas sûr qu’un rapport permette de changer quoi que ce soit. J’observe, par ailleurs, que vous demandez ce rapport pour le 31 décembre 2027 : nous aurons d’ici là tout le temps de mener une analyse. Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 21 : Prorogation de l’expérimentation de passation de marchés de type conception‑réalisation pour la construction d’écoles du premier degré et extension de cette expérimentation aux constructions d’établissements du second degré, de résidences universitaires et de résidences affectées à l’enseignement supérieur public
Amendement CE25 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons inclure les crèches, les garderies et les structures d’accueil de la petite enfance parmi les équipements concernés par la procédure de dérogation prévue par cet article pour la passation de marchés publics. La crise des services publics est aiguë à Mayotte, particulièrement dans le champ de la petite enfance où les capacités d’accueil sont dramatiquement insuffisantes. Cette carence se double d’un faible développement de l’activité d’assistante maternelle, ce qui a des répercussions sur la scolarisation des enfants, l’émancipation des femmes et l’insertion professionnelle. Notre amendement simplifiera et accélérera la construction de crèches et de garderies en mobilisant des entreprises locales dans le cadre de marchés adaptés à l’urgence sociale à Mayotte.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cet article prévoit le recours à une procédure dérogatoire dans le domaine de l’éducation, c’est-à-dire pour les établissements des premier et second degrés et ceux du supérieur. Comme on peut considérer que l’accueil de la petite enfance fait partie du continuum de l’éducation, j’émets un avis favorable à cet amendement.
M. Hervé de Lépinau (RN). La lecture de l’exposé des motifs me fait sourire. Notre collègue Philippe Naillet m’a répondu tout à l’heure qu’on ne pouvait pas savoir combien Mayotte comptait d’habitants, puisqu’il n’y avait pas de recensement. Or nos collègues écrivent, au sujet de cet amendement, qu’une femme élève en moyenne 3,58 enfants à Mayotte. Nous voterons, bien sûr, cet amendement, mais sans perdre de vue notre fil rouge : on va reconstruire des crèches et des garderies, mais pour combien d’habitants ?
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE8 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons encourager la construction de sites de restauration scolaire à Mayotte. Début 2025, de nombreuses cantines n’étaient toujours pas en état de fonctionner et la rentrée a été repoussée d’un mois. Par ailleurs, la population mahoraise dénonçait déjà, avant le cyclone, les inégalités d’accès en la matière. Dans l’Hexagone, l’objectif est parfois de redonner envie d’aller à la cantine mais, à Mayotte, elles ne sont pas assez nombreuses. Or le manque de cantines favorise, en l’absence d’un repas par jour, le renoncement à la scolarisation. La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Mayotte expliquait en janvier, dans L’Humanité, que, faute de cantines, des collations froides étaient livrées par une entreprise en situation de monopole et ce dans des conditions déplorables – des caisses sont posées à même le sol dans des salles non équipées, exposées à la chaleur toute la matinée et où on trouve parfois des excréments de rats.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. J’ai dit hier que tous les avis que je donnerais seraient influencés par mon propre parcours de vie. En l’occurrence, je suis très sensible à la question des cantines scolaires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE54 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). On est frappé, quand on va à Mayotte, par la dégradation de l’enseignement supérieur et professionnel ainsi que par l’absence d’établissements de recherche. Il n’existe pas de centre de formation d’apprentis et les plateaux techniques des lycées sont très dégradés, alors que les acteurs économiques nous ont dit combien les enjeux de la formation étaient déterminants pour la construction de l’économie locale. Nous proposons donc d’élargir le champ de cet article à l’enseignement supérieur public et à l’enseignement professionnel, notamment pour ce qui est des plateaux techniques – plateaux qui peuvent servir à de nombreux types de formations, au-delà de celles délivrées dans les lycées professionnels. Un investissement majeur doit être fait en la matière.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je considère cet amendement satisfait, puisque la procédure visée concerne tous les établissements de formation, y compris ceux du supérieur et de l’enseignement professionnel – ces derniers font partie des lycées.
M. Charles Fournier (EcoS). Cet article renvoie à la loi pour une école de la confiance, qui n’évoque pas ces sujets. Il me semble donc que l’amendement n’est pas satisfait et qu’il faudrait préciser la rédaction sur ce point. Nous avons tous constaté, sur place, les carences et la dégradation de la situation qui existent pour ces types de formation.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La préoccupation que vous exprimez est déjà prise en compte à l’alinéa 4 de l’article 21.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE53 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit de rendre obligatoires les clauses environnementales dans les marchés publics de conception-réalisation. Mayotte a une biodiversité remarquable et, ce matin même, un habitant disait que l’économie et l’avenir de ce territoire en dépendaient. Des précautions particulières doivent donc être prises.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il me semble qu’on ne peut envisager la construction d’une école ou d’un lycée sans qu’il y ait des clauses environnementales. Votre demande me paraît donc satisfaite. Demande de retrait.
M. Hervé de Lépinau (RN). Je crois, pour ma part, que ce sont surtout les bangas qui portent gravement atteinte à la biodiversité.
M. Charles Fournier (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que cette demande est satisfaite, en quelque sorte, par principe – on prendrait tout le temps en considération les questions environnementales. Ce n’est pas vrai, on le voit dans de nombreuses réalisations. Par ailleurs, il existe des évolutions dans le temps en matière de biodiversité. À cet égard, les clauses environnementales ont pour intérêt d’obliger à regarder plus précisément les incidences des projets. Je regrette que vous n’acceptiez pas notre amendement, qui fixerait une ambition particulière à Mayotte, où ces enjeux sont majeurs.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE96 de M. Frantz Gumbs
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2031 l’expérimentation prévue à Mayotte afin de l’aligner sur la durée de la stratégie quinquennale.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE7 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre-mer a révélé que plus de 80 % des établissements scolaires ultramarins ne respectaient pas les normes parasismiques et paracycloniques modernes. Les récents événements climatiques à Mayotte, qui ont endommagé ou détruit plus de 50 % des écoles et affecté la scolarisation de soixante-dix mille élèves, ont mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures scolaires face à la multiplication des risques naturels. Il est donc essentiel que les nouvelles constructions respectent les normes parasismiques, paracycloniques, anti-inondation et anti-incendie.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cette demande est, là aussi, satisfaite. On ne peut pas ne pas prendre en compte les normes sismiques et anticycloniques pour les nouvelles constructions : ce n’est tout simplement pas envisageable. Demande de retrait.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous pourrions adopter cet amendement, puisqu’il ne fait qu’apporter une précision.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE55 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). La chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) de Mayotte joue un rôle très important. Beaucoup d’acteurs utilisent ce modèle d’entreprenariat, parce qu’ils suivent des logiques de coopération. Je pense, par exemple, à la structuration de la filière avicole à Mayotte, qui existe grâce à un modèle coopératif. Je propose donc d’intégrer une référence à l’entreprenariat social et solidaire à différents endroits du texte. Vous me répondrez peut-être que la référence, à l’alinéa 5, aux artisans et aux petites et moyennes entreprises (PME) inclut de fait ce mode d’entreprenariat, mais cela irait mieux en le disant. Cet amendement a été travaillé en lien avec la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Votre amendement, qui tend à inclure ces entreprises, part d’une bonne idée. Néanmoins, tel qu’il est rédigé, il aurait pour effet d’exempter les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de l’économie sociale et solidaire de l’obligation de confier 30 % du montant prévisionnel d’un marché de conception-réalisation à des microentreprises, petites et moyennes entreprises ou artisans. D’autant que cette mesure n’est pas restreinte à des entreprises implantées à Mayotte. Compte tenu des risques d’effet de bord négatif, je serais plutôt défavorable à l’amendement s’il n’était pas retiré.
Mme Olivia Grégoire (EPR). Je soutiens fortement l’amendement de monsieur Fournier. On sous-estime souvent, depuis Paris et la métropole, le poids de l’économie sociale et solidaire à Mayotte – j’en profite pour saluer l’engagement de sa Cress. Un des intérêts majeurs de ce secteur est de faire entrer dans l’économie légale des acteurs qui n’en faisaient pas partie. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas compris si vous souhaitiez simplement que la rédaction de l’amendement soit retravaillée d’ici à l’examen en séance. Il me semble extrêmement important que les entreprises de l’économie sociale et solidaire soient explicitement mentionnées dans le texte.
M. Charles Fournier (EcoS). Il existe aussi des formes de coopération dans l’économie informelle, par exemple dans le cadre de tontines, qui portent un autre nom à Mayotte. Il me semble que les projets coopératifs sont effectivement la seule voie permettant de sortir de l’économie informelle ou illégale et je vois mal quel problème cet amendement poserait, hormis dans le cas de très grandes entreprises qui se porteraient candidates. Je ne sais pas si vous pensez que Mondragon, qui est espagnol, viendrait sur de tels marchés à Mayotte : ils concernent majoritairement des acteurs présents sur place. Néanmoins, je suis prêt à retravailler l’amendement en fonction d’indications précises.
Mme Maud Petit (Dem). S’agissant des effets de bord négatifs, monsieur le rapporteur pourrait-il nous donner des exemples concrets ? Il faut faire la publicité de l’économie sociale et solidaire et la placer au cœur de la reconstruction de Mayotte.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Selon les informations qui m’ont été communiquées, il y aurait un effet négatif si une grande entreprise qui relève de l’économie sociale et solidaire était titulaire d’un marché. Un problème de rédaction se pose, me semble-t-il, et c’est pourquoi je vous propose de réserver cet amendement pour la séance. Nous pourrons le retravailler ensemble, si vous voulez.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE10 de Mme Sandrine Nosbé, amendements CE20 et CE21 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons réserver une fraction minimale (30 %) du montant des marchés de construction d’établissements scolaires à des PME ou à des artisans locaux, qui ont leur siège social à Mayotte, en totale cohérence avec une disposition que nous avons adoptée à l’Assemblée dans ce qui était alors l’article 11 du projet de loi d’urgence. La participation des entreprises mahoraises aux opérations de construction est essentielle pour favoriser l’économie locale, pouvoir bénéficier de leurs connaissances au sujet des spécificités du terrain et permettre une adaptation plus durable au changement climatique.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nos deux amendements visent à établir une préférence pour l’attribution des marchés publics, afin de restaurer le tissu économique mahorais, mais aussi prévenir des ingérences étrangères. Les territoires français de l’océan Indien, notamment la Nouvelle-Calédonie, ont fait l’objet de menées chinoises et azerbaïdjanaises visant à déstabiliser leur vie sociale et économique. En privilégiant des entreprises nationales pour les marchés de reconstruction, nous éviterons la guerre économique conduite par ces pays. Les tentatives de déstabilisation peuvent également passer par ce biais et chacun connaît l’appétit féroce des Chinois à l’égard, notamment, de notre zone économique exclusive dans cette région. À Mayotte, on ne peut pas envisager un développement de l’industrie de la pêche sans construction ou reconstruction de ports. Or les Chinois sont capables d’en proposer « clefs en main ». Il est important – et j’espère que cela fera l’unanimité dans cette commission – de protéger l’économie mahoraise et nationale contre les ingérences en prévoyant des dispositions complémentaires pour les marchés publics.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’amendement de madame Nosbé concerne les entreprises dont le siège social était établi dans le département de Mayotte au 13 décembre 2024. Une entreprise créée le 15 janvier 2025, par exemple, serait donc exclue du dispositif. C’est une raison suffisante pour émettre un avis défavorable : le développement de certaines entreprises, créées postérieurement au cyclone, serait freiné.
Je suis également défavorable aux deux amendements suivants, car l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibe toute discrimination exercée en raison de la nationalité. L’application de ces dispositions se heurterait donc à un problème juridique.
M. Charles Fournier (EcoS). Dans le prolongement de la discussion précédente, je pourrais plaider pour l’adoption de l’amendement CE10, car il réglerait le problème des entreprises de grande taille de l’économie sociale et solidaire qui viendraient à Mayotte pour certains marchés. Les deux amendements suivants concernent les entreprises françaises et non pas seulement celles qui ont leur siège à Mayotte. Or, dans un monde libéral, d’autres entreprises françaises, de taille très importante, peuvent venir dans ce territoire. Le premier amendement semble intéressant, mais la date retenue me pose un problème. Par ailleurs, je serais plutôt favorable à un dispositif temporaire, pour assurer la reconstruction. S’agissant de l’amendement de madame Nosbé, je m’abstiendrai donc et je voterai contre les deux autres.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ne nous leurrons pas : s’il y a des ports à construire et des pistes à rallonger, les entreprises qui réaliseront les travaux devront avoir une taille critique et une technicité suffisante. Il est important de permettre à un groupe comme Eiffage de s’insérer dans les marchés de la reconstruction, car il possède les compétences nécessaires en génie civil pour construire un port de grande dimension. Pour les projets de moindre ampleur, en revanche – assainissement, voirie, construction de maisons –, les entreprises mahoraises doivent avoir la priorité.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE24 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons porter de 30 % à 50 % la part des marchés publics confiée aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) par le soumissionnaire dont l’offre est retenue, afin que la commande publique ait un effet d’entraînement sur l’économie locale et l’emploi. Chaque euro engagé dans la refondation de Mayotte doit être orienté vers les acteurs et les savoir-faire endogènes. Il s’agit de mieux dépenser sans dépenser davantage ; ce faisant, l’État agira concrètement pour l’ancrage des richesses créées, la formation d’une main-d’œuvre qualifiée et la réduction des inégalités territoriales.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La part de 30 % réservée aux TPE et PME représente déjà une amélioration par rapport au droit commun, qui prévoit 20 %. Il me semble disproportionné de la porter à 50 %. L’expérience montre que le tissu économique des îles n’est pas toujours de taille à absorber un grand nombre de chantiers à la fois. Je préfère donc m’en tenir à la proposition initiale de 30 %. Avis plutôt défavorable, à moins que vous ne retiriez votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE9 de M. Aurélien Taché
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’État doit prendre en main la construction des écoles à Mayotte pour lutter contre la déscolarisation qui touche fortement l’île et augmenter la capacité d’accueil des établissements.
Nous partageons l’objectif de l’article 21 : accélérer la construction d’établissements – ils sont actuellement saturés – et mettre fin à la rotation scolaire. Sachant que Mayotte subit depuis toujours un désinvestissement de l’État, nous souhaitons inscrire cet objectif dans la loi ; nous craignons l’absence de politique ambitieuse et que les annonces gouvernementales ne soient pas suivies d’effet.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’inscription de cette mention dans la loi. Mieux vaut laisser les Mahorais, sur le terrain, juger de l’opportunité d’augmenter la capacité d’accueil des établissements scolaires en fonction de leurs besoins et des particularités locales – d’autant que, comme nous le savons, ce sujet ne suscite pas un enthousiasme général.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous voterons contre cet amendement pour les raisons que nous avons déjà exprimées : pour combien d’« équivalents-habitants » allons-nous reconstruire Mayotte ? Je devine l’intention sous-jacente de l’amendement : régulariser la totalité de la population qui se trouve à Mayotte, c’est-à-dire non pas trois cent dix mille Mahorais, mais cinq cent mille personnes. La population en situation irrégulière aura de facto un droit opposable à la scolarisation, et le problème de la rotation se posera à nouveau dans quatre ans, quand l’île comptera six cent cinquante mille habitants. Tant que les pompes aspirantes de l’immigration illégale existeront, on ne résoudra rien et on continuera à épuiser les Mahorais, qui ne peuvent plus vivre une telle invasion au quotidien.
M. Charles Fournier (EcoS). Il est utile de rappeler que des lois s’appliquent dans notre pays, parmi lesquelles l’obligation de protéger et de scolariser les enfants et les mineurs – même si je sais que vous voudriez l’abolir. À Mayotte, nous ne respectons pas cette obligation. Il est inacceptable que nous n’ayons pas les moyens de scolariser tous les enfants. L’amendement est rédigé de telle sorte qu’il évite la sanction de l’article 40 de la Constitution, mais il est important de rappeler ce principe dans la loi. Le nombre de places à l’école doit être supérieur à celui qui prévalait avant le cyclone, car la situation était déjà insupportable. Tout à l’heure, vous n’étiez pas favorable à une concertation avec les Mahorais au sujet de l’aéroport, au motif qu’ils seraient tous d’accord. En l’occurrence, ils conviendront tous que la scolarisation ne doit pas être dispensée par rotation ; cette situation est insupportable dans un pays qui s’appelle la France.
Mme Maud Petit (Dem). Bien que je ne sois pas favorable à l’inscription de cet objectif dans la loi, il me paraît indispensable de prendre en considération la situation particulière de Mayotte où les élèves n’ont pas de journées d’école classiques, comme ailleurs en France, mais ont classe soit le matin, soit l’après-midi. C’est une réalité. Les enfants de Mayotte doivent avoir une scolarité normale, comme dans le reste du territoire français.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Vous dites qu’il faut laisser les Mahorais décider, monsieur le rapporteur ; dans ce cas, il faut aussi les laisser décider au sujet du titre de séjour territorialisé (dont ils ne veulent pas) ou de la piste longue (dont ils veulent à Petite-Terre). Beaucoup d’enfants ne sont pas scolarisés à Mayotte, faute de places ; les classes sont saturées, ce qui oblige à organiser des rotations. Où est l’intérêt supérieur de l’enfant ? La loi doit énoncer l’objectif d’augmenter les capacités d’accueil pour répondre aux besoins.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Quand je dis qu’il faut laisser les Mahorais décider de certaines choses, je parle de ce qui relève de leurs compétences. C’est le cas de l’école, qui relève de la compétence des communes ; ce n’est pas le cas, en revanche, de la carte de séjour territorialisée. L’objectif de l’amendement est louable, mais l’inscrire dans la loi n’accélérera rien, vu les conditions actuelles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE31 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’article 21 assouplit les procédures de passation de marchés publics pour accélérer la construction d’écoles. Nous souhaitons que les cahiers des charges de ces marchés prévoient une part d’approvisionnement local pour la restauration scolaire, afin de soutenir l’agriculture de l’île et de développer l’économie au service des Mahorais. Cela offrirait des débouchés aux agriculteurs, améliorerait la qualité de l’alimentation des élèves et renforcerait l’autonomie alimentaire du territoire.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il est effectivement important d’encourager les circuits courts, notamment pour les cantines. Cependant, il n’y a pas de corrélation directe entre les cahiers des charges des marchés publics de construction ou de rénovation d’établissements scolaires et les marchés d’approvisionnement des cantines scolaires. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Maud Petit (Dem). Je comprends l’explication du rapporteur, mais je serais curieuse de savoir fonctionne l’approvisionnement de Mayotte. D’où viennent les produits ? À Sainte-Lucie par exemple, 80 % de l’alimentation est importée, y compris de pays lointains comme les États-Unis.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le département de Mayotte a une autonomie alimentaire relativement importante par comparaison avec d’autres territoires ultramarins. L’agriculture mahoraise, notamment vivrière, est habituellement très dynamique, même si elle a beaucoup été affectée par le cyclone Chido. C’est pourquoi les cantines scolaires pourraient s’approvisionner davantage localement.
M. Charles Fournier (EcoS). L’activité agricole de l’île est en grande partie informelle – il n’y a qu’à voir les étals au bord des routes, en dehors de tout circuit organisé. La question de l’alimentation, comme celle de l’immigration, appelle à penser des coopérations à l’échelle régionale. L’avenir de Mayotte se jouera dans des coopérations avec les Comores, Madagascar, La Réunion et la façade africaine. Lors de notre déplacement à Mayotte, le dossier que la préfecture nous a remis pour nous présenter la situation de l’île ne consacrait que quelques lignes à la coopération régionale ; je le regrette, car c’est un enjeu majeur.
M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Tout ce qui est produit à Mayotte est-il consommé sur place, ou y a-t-il des exportations ?
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Sauf exception, tout est consommé sur place, sachant que la production locale couvre une partie assez importante des besoins.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je précise que Madagascar est l’une des sources d’approvisionnement de Mayotte.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 modifié.
Après l’article 21
Amendement CE56 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit, là encore, de donner une place aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui ont été fortement frappées par le cyclone Chido. Par définition, elles sont très ancrées dans les territoires et ne peuvent être délocalisées. Or elles semblent oubliées par les projets de reconstruction. Nous souhaitons que les marchés de travaux leur accordent une place privilégiée, afin qu’elles prennent part à la renaissance et à la structuration de l’économie à Mayotte.
Vous avez fait référence à de très grandes entreprises de l’ESS, monsieur le rapporteur pour avis ; or il n’en existe quasiment pas, hormis le Groupe SOS.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. J’entends vos arguments, comme ceux de madame Grégoire témoignant de la richesse de l’économie sociale et solidaire à Mayotte. Connaissant mal le sujet, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE60 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Nous souhaitons que le score des entreprises non locales qui s’engagent à recruter de la main-d’œuvre mahoraise pour la durée des travaux de reconstruction soit surpondéré dans les marchés publics.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il me semble difficile d’imposer un recrutement de main-d’œuvre aux entreprises. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 21 bis : Dérogation aux principes de publicité pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires nécessaires à la continuité des services publics de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur
Amendement de suppression CE33 de Mme Estelle Youssouffa
M. Max Mathiasin (LIOT). Il est essentiel d’assurer la continuité des services publics, mais la passation de marchés pour l’installation d’équipements scolaires modulaires encouragera le recours à des solutions temporaires, qui finissent souvent par devenir permanentes et se substituent à des bâtiments durables, adaptés aux besoins. Les constructions modulaires ne peuvent répondre aux nécessités pédagogiques. À l’école de Barakani 1A, par exemple, les Algeco censés tenir lieu de réfectoire sont dépourvus de portes et de fenêtres, et sont occupés par des jeunes armés de machettes.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement votre préoccupation devant le risque que le temporaire puisse devenir définitif, mais mon expérience m’a appris que les équipements temporaires étaient indispensables pour assurer la transition et résoudre des problèmes avant que des solutions définitives ne voient le jour. Je suis donc défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer le recours à des constructions temporaires : je suggère de le réécrire en vue de la séance, en y intégrant des garde-fous et pour s’assurer que ces équipements restent bel et bien temporaires.
M. Max Mathiasin (LIOT). J’en conviens.
L’amendement est retiré.
Amendement CE59 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Les constructions modulaires peuvent être nécessaires, même si nous avons quelques doutes sur leur caractère temporaire – les écoles Pailleron en témoignent. Nous souhaitons qu’elles respectent des critères environnementaux exigeants : utilisation de matériaux durables, recyclables ou réutilisables, etc.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Nous avons déjà débattu de l’introduction de clauses environnementales dans les cahiers des charges. Les écoles Pailleron relèvent du passé. Les équipements temporaires ont évolué, au point qu’ils respectent désormais les normes anticycloniques. Leurs cahiers des charges doivent naturellement inclure des études d’impact ou environnementales. Je pense donc que votre demande est plutôt satisfaite.
M. Charles Fournier (EcoS). Ce n’est pas le cas ; sinon, nous ne serions pas là. Il faut redoubler d’exigence quant au devenir des constructions modulaires : les matériaux pourront-ils être recyclés et réutilisés ? Malheureusement, cela ne va pas de soi. C’est en fixant des règles que nous pourrons progresser en la matière.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La préfecture de Saint-Martin a été détruite par l’ouragan Irma en 2017. Depuis, les services de l’État sont logés dans des bâtiments temporaires. De même, un collège entièrement détruit a été relogé dans l’extension temporaire d’un lycée. La construction du nouveau collège se terminera fin 2025. C’est dire combien les bâtiments modulaires sont indispensables. Quand l’État installe ses services dans de tels équipements, je veux bien croire qu’il ne néglige pas les aspects que vous soulevez. Chez moi, en tout cas, cela ne servira pas d’hébergement à qui que ce soit ; toutefois, les situations ne sont pas comparables.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE12 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons concilier la publicité des marchés publics avec une procédure rapide de mise en concurrence. Les dérogations prévues par le texte introduisent une opacité susceptible d’éroder la confiance dans les institutions et d’entraîner des dérives. En effet, le projet de loi bafoue les trois principes qui régissent les marchés publics et que le Conseil d’État rappelle de manière constante : l’égalité de traitement, la transparence de la procédure et la liberté d’accès à la commande publique.
Notre amendement vise à se conformer aux principes fondamentaux du droit des marchés publics, mais aussi à préserver Mayotte de dérives potentielles.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Le projet de loi vise à accélérer autant que possible les procédures. C’est l’unique raison pour laquelle il prévoit des dérogations à l’obligation de publicité des marchés publics. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE58 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Nous souhaitons que les étudiants – les stagiaires en formation professionnelle, par exemple – puissent être hébergés dans des constructions modulaires à proximité de leur lieu de formation. Nous savons combien la mobilité est problématique à Mayotte, avec les problèmes de sécurité associés.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je ne connais pas les solutions d’hébergement pour les étudiants à Mayotte. Je m’en remets donc à votre sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 bis non modifié.
Après l’article 21 bis
Amendement CE23 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Il faut toujours tirer les enseignements d’une catastrophe naturelle, et peut-être faudrait-il repenser l’habitat et la construction à Mayotte afin de limiter les dégâts lors du prochain cyclone. Nous souhaitons que le Gouvernement lance un appel à projets pour inciter des ingénieurs à réfléchir à de nouveaux types de construction intégrant les normes anticycloniques et parasismiques ainsi que des solutions simples et pérennes de ventilation des maisons, avec des puits provençaux ou canadiens, entre autres exemples.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il faut encourager les innovations de manière générale, mais je ne suis pas certain que cela justifie la remise d’un rapport dans le cadre de ce projet de loi.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il est normal qu’un texte consacré à Mayotte s’intéresse à la construction à Mayotte. Puisqu’une sorte de loi-cadre organise la reconstruction, il ne me paraît pas idiot de lancer un appel à projets pour repenser l’habitat sur l’île afin qu’il résiste mieux aux prochaines phases cycloniques. Si vous me dites que cela n’entre pas dans le cadre de la loi, j’en perds mon latin !
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vos remarques sont très intéressantes, mais le sujet n’est pas prioritaire pour Mayotte ; il concerne l’ensemble des territoires d’outre-mer, qui sont tous exposés à des risques. Il n’a donc pas sa place dans ce projet de loi.
La commission adopte l’amendement.
Article 23 : Zonage de la totalité du territoire de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE100 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Amendement CE63 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Cet amendement prévoit que les contrats de ville conclus à Mayotte intègrent un axe prioritaire de développement de l’économie sociale et solidaire. On manque en effet cruellement d’activités de loisir et d’activités socio-culturelles sur l’île.
Mes amendements CE64 et CE65, qui suivent, ont quant à eux pour objet de renforcer l’association des habitants à la politique de la ville, en allant au-delà de ce qui est pratiqué en métropole.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Les contrats de ville sont négociés entre les services de l’État et les différentes communes de Mayotte. Il faut veiller à ce que les besoins du territoire soient pris en compte, sans imposer tel ou tel axe depuis Paris ou dans la loi.
Le développement de l’économie sociale ou solidaire peut être pertinent, mais il ne correspond pas aux objectifs prioritaires de la politique de la ville – le soutien à la pêche, à l’agriculture, aux énergies renouvelables ou au traitement des déchets relèvent rarement de cette politique. Inversement, les dispositifs de soutien à l’emploi, à la formation, à l’accompagnement scolaire ou à la sécurité font plus souvent partie de la politique de la ville.
M. Charles Fournier (EcoS). Je vous accorde que la politique de la ville a rarement soutenu des projets agricoles – même si cela peut être le cas lorsqu’il s’agit de jardins partagés ou en pied d’immeuble.
Mais, à Mayotte, un grand nombre de personnes qui vivent de l’agriculture et de la pêche habitent dans les villes. Il serait donc utile de compléter cet article en intégrant l’ensemble des activités économiques structurantes dans la politique de la ville.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Avec cet amendement vous présentez un certain nombre d’activités comme des filières économiques. La politique de la ville embrasse un grand nombre d’activités, mais la production des jardins partagés n’est pas commercialisée et ne fait pas partie de l’économie formelle. Votre amendement ne correspond pas aux priorités de la politique de la ville.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE64 et CE65 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Ces amendements sont satisfaits : la population doit être associée à l’élaboration, à l’exécution et à l’évaluation des contrats de ville. Les conseils de quartier, les kiosques citoyens et les budgets participatifs existent déjà.
M. Charles Fournier (EcoS). L’association des citoyens à la politique de la ville est en effet prévue par la loi. Comme la totalité du territoire de Mayotte sera zonée en quartier prioritaire de la politique de la ville, il faut s’assurer que cette association ne reste pas un vœu pieux et que les moyens correspondants soient engagés. Tel est l’objet de ces deux amendements.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous posez la bonne question : celle des moyens. Votre ambition est louable, mais les amendements n’apporteront pas plus de moyens.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 modifié.
Article 24 : Extension des possibilités de délégation par la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte de ses compétences relatives à la pêche et la conchyliculture
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture consacre essentiellement son activité au secteur de l’agriculture. Les pêcheurs de Mayotte ont l’impression d’être négligés. L’article étend les possibilités de délégation des compétences de cette chambre, ce qui permettra d’implanter un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM).
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 non modifié.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 11 juin 2025 à 9 h 35
Présents. - M. Henri Alfandari, M. Christophe Barthès, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Julien Brugerolles, M. Stéphane Buchou, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, M. Frantz Gumbs, Mme Hélène Laporte, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. René Lioret, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, M. Patrice Martin, M. Max Mathiasin, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, Mme Maud Petit, M. Stéphane Peu, M. François Piquemal, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Richard Ramos, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta, M. Frédéric Weber
Excusés. - Mme Marie-José Allemand, M. Harold Huwart, M. Jérôme Nury, Mme Valérie Rossi, Mme Mélanie Thomin, M. Gérault Verny
Assistait également à la réunion. - Mme Estelle Youssouffa