Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Audition de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire              2


Mardi 1er juillet 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 119

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission des affaires économiques a auditionné Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises (PME) et de l’économie sociale et solidaire (ESS). Nous n’avions pas eu l’occasion de vous auditionner depuis votre nomination, et il est heureux que nous puissions le faire aujourd’hui.

Votre portefeuille, madame la ministre déléguée, concerne en effet la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises ; il couvre tout à fait le champ de nos compétences, puisque notre commission est chargée du commerce et de l’artisanat. Nous avons reçu d’ailleurs récemment les représentants des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et ceux des chambres des métiers de l’artisanat. Nous avons également auditionné il y a quelques semaine la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui a fait état des nombreuses difficultés rencontrées par les petites et moyennes entreprises, les principales étant une demande intérieure trop faible et des prix de l’électricité insoutenables, qui s’ajoutent à d’autres handicaps.

Nous avons également consacré des travaux de contrôle à l’avenir des lois Egalim – qui ont fait l’objet d’une mission d’évaluation menée avec Julien Dive Richard Ramos et Harold Huwart –, un sujet qui relève notamment de votre ministère.

Enfin, l’économie sociale et solidaire est un sujet qui vous concerne tout particulièrement. Notre commission émettra cet automne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, un avis sur son budget – qui, malheureusement, est actuellement en diminution. J’espère que nous aurons l’occasion d’aborder ces questions.

Ma première interrogation porte sur la difficulté de maintien des commerces de proximité dans les villages et les petites villes face au développement de la « centre commercialisation » à la périphérie.  Qu’est-ce qui pourrait changer la donne ? Où en est-on ? L’autre grande difficulté, c’est la concurrence des petits colis et du commerce en ligne, particulièrement des multinationales Shein et Temu. Il nous faut nous interroger sur les protections nécessaires. Pour ma part, j’estime que ce qui est annoncé à l’échelle européenne est pour l’instant bien insuffisant. Avez-vous des perspectives en la matière pour protéger davantage le commerce qui est particulièrement affecté par cette concurrence ?

Comptez-vous revenir sur la loi Egalim – qui, je l’ai indiqué, vient de faire l’objet d’un rapport d’évaluation par notre commission –, dans la mesure où elle présente des limites et un caractère incomplet, comme le montre le niveau des prix agricoles ?

Enfin, je tiens à évoquer la situation de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes(DGCCRF), qui me tient à cœur et dont nous avons reçu récemment la directrice générale. Il s’agit d’une administration centrale dont le travail est indispensable, mais qui manque manifestement de moyens pour accomplir toutes ses missions. Nous avons par exemple voté récemment pour limiter les pratiques commerciales abusives des influenceurs. Le contrôle des petits colis doit également être renforcé. Quels moyens supplémentaires seront accordés à nos administrations pour cela ?

Je n’ai pas évoqué la réforme des titres restaurants, mais je ne doute pas que mes collègues poseront des questions à ce sujet.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Je vous remercie de me donner l’opportunité de venir exposer les grandes lignes de mon action, dont le périmètre porte sur le commerce, l’artisanat, les petites et moyennes entreprises, ainsi que l’économie sociale et solidaire – ce qui prend aussi en compte les enjeux de consommation.

Face aux enjeux majeurs auxquels ces secteurs sont confrontés, qu’ils relèvent de l’économie traditionnelle ou de l’économie sociale et solidaire, mon engagement repose sur trois priorités fortes, des objectifs que je poursuis dans un esprit de transversalité : simplifier, protéger et accompagner. L’objectif est de donner aux acteurs économiques – qui occupent une place importante dans notre vie quotidienne – les moyens concrets de se développer dans un environnement stable – ce dont les entreprises ont grand besoin –, lisible et innovant.

Le levier de la simplification, tout d’abord, est indispensable pour libérer les forces vives de l’économie. Nous avons conduit cette action avec détermination, en partant à la rencontre des territoires et des entrepreneurs lors d’un Tour de France de la simplification qui, à l’heure où nous parlons, compte déjà plus d’une dizaine d’étapes. Ces rencontres ont permis, à chaque fois, de mieux comprendre les difficultés des entreprises, de les écouter et de faire émerger des solutions adaptées, qui commencent déjà à produire des résultats concrets.

La suppression de 150 formulaires Cerfa papier constitue une première avancée vers la réduction des contraintes administratives. Nous maintenons l’objectif ambitieux d’en supprimer plus de 250 d’ici la fin de 2025, engagement que nous sommes en bonne voie de tenir, voire de dépasser.

Le projet de loi de simplification de la vie économique – dont je suis l’examen par le Parlement, en étroite collaboration avec mes collègues Marc Ferracci et Laurent Marcangeli – est un texte important, très attendu par les entreprises, par l’ensemble de l’écosystème économique. Il comporte des mesures en faveur des PME : je pense à l’accès facilité à la commande publique – avec des mesures destinées à lever les freins auxquelles se heurtent les entreprises – et au soutien aux jeunes entreprises innovantes, aux PME d’outre-mer et au secteur du bâtiment. Je pense également aux mesures qui concernent le commerce, avec la mensualisation des loyers des baux commerciaux et le plafonnement des garanties. Cela contribuera à réinjecter 2 milliards d’euros dans la trésorerie des commerçants, ce qui constitue un montant relativement important.

Ce projet de loi comporte par ailleurs des dispositions qui introduisent une approche différente dans la création de la norme, avec notamment la mise en place du test PME – une mesure très attendue et que j’appelle de mes vœux. L’examen en commission mixte paritaire est prévu en septembre. Je souhaite et j’espère vraiment que les parlementaires aboutissent à un texte équilibré, au bénéfice des entreprises et que nous puissions très vite appliquer les mesures qu’il contient.

Un autre chantier clé de simplification concerne le guichet unique des entreprises – un sujet qui revient régulièrement…. Depuis le 1er janvier, le guichet est vraiment unique, puisque les procédures alternatives en présentiel ne sont plus possibles. Des difficultés sont apparues et certains d’entre vous m’ont saisi à ce propos. J’ai mobilisé les services de Bercy pour améliorer le service rendu aux entreprises en apportant des évolutions ergonomiques – elles devraient être effectives dans quelques jours – et, surtout, en fiabilisant les données des registres. L’amélioration doit se poursuivre face aux difficultés rencontrées ; je fais un point avec l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) tous les mois sur ce sujet.

Enfin, la réforme des titres-restaurant que j’ai annoncée permettra la protection de ce dispositif, sa simplification et sa modernisation : les titres seront totalement dématérialisés et pourront être utilisés le dimanche par tous les salariés d’ici 2027. C’est une mesure importante de simplification pour les consommateurs, pour les employeurs, ainsi que pour les commerçants et les restaurateurs.

La deuxième priorité est la protection des PME, des commerces et des consommateurs. Elle apparaît comme une nécessité renforcée dans un contexte économique international plus incertain et concurrentiel. Nous avons d’ores et déjà engagé un premier ensemble d’actions très concrètes et visibles.

Nous avons ainsi élaboré un plan d’action rigoureux pour réguler et sécuriser les plateformes d’e-commerce étrangères spécialisées – vous avez cité, madame la Présidente, deux plateformes internationales – _dans le commerce des petits colis. Je veux rappeler quelques chiffres : 1,5 milliard de colis sont envoyés en France depuis des plateformes situées hors de l’Union européenne, dont 800 millions de colis de moins de 150 euros qui, par conséquent, échappent aux droits de douane. Ces flux déstabilisent notre commerce. Ils reposent sur des normes de production industrielle et des pratiques commerciales différentes de celles que pratiquent nos entreprises.

Il nous faut intervenir au niveau européen à ce sujet. La France a fait valoir sa volonté de revoir le dispositif d’exemption des droits de douane jusqu’à 150 euros. La Commission européenne a accepté que ce dispositif, applicable initialement jusqu’en 2028, soit revu dès 2026 et que des frais de gestion soient appliqués pour financer les services douaniers.

Au niveau français, j’ai demandé à la DGCCRF, dans le cadre d’une nouvelle feuille de route, le triplement du nombre de contrôles en 2025 afin de vérifier la régularité et la conformité des articles prélevés.

J’ai également demandé que toutes les plateformes étrangères soient contrôlées dans le cadre d’une approche globale à 360 degrés, qu’il s’agisse de la loyauté des pratiques commerciales ou encore de l’application systématique aux plateformes des types de contrôle réalisés dans les commerces physiques. Nous étudions également les possibilités de déréférencement sur internet pour sanctionner les plateformes qui ne respecteraient pas les règles.

Par ailleurs, nous avons tout fait pour soutenir le vote unanime au Sénat de la proposition de loi visant à lutter contre les effets délétères de la mode ultra express, ou ultrafast fashion. Lorsque ce texte avait été examiné à l’Assemblée nationale, il y a un an, c’était sous l’angle de la protection de l’environnement et de l’impact dévastateur de ces vêtements arrivant en très grande quantité. L’examen du texte au Sénat a élargi le prisme à la protection de nos commerces et de nos filières. Cette loi interdit la publicité pour ces marques, y compris par les influenceurs, et instaure un malus financier destiné à freiner ce phénomène.

Concernant la grande distribution, nous avons soutenu l’adoption de la proposition de loi assouplissant l’encadrement des promotions. Ce texte – dont le rapporteur était Stéphane Travert que j’aperçois ici – prolonge également le dispositif du seuil de revente à perte plus 10 % (ou SRP+10) (), sans lequel une guerre des prix, préjudiciable à tous, recommencerait rapidement. Par ailleurs, je suis actuellement engagée, avec ma collègue Annie Genevard, dans l’élaboration de mesures dites « Egalim 4 » afin de faciliter la construction du prix « en marche avant ». Si les lois Egalim ont apporté une réponse aux agriculteurs concernant la construction du prix « en marche avant », certaines mesures de simplification et d’automatisation pourraient être souhaitables. Nous continuons à travailler sur ce projet de texte. Je ne suis pas sûre qu’il pourra être examiné au cours de l’année 2025, parce que nous ne souhaitons pas qu’il le soit à une date trop proche de la période d’ouverture des négociations commerciales : cela pourrait conduire à déstabiliser ces dernières ou entraîner des effets indésirables.

Nous avons également accentué la régulation de certains actes de consommation par des dispositions législatives portant sur l’interdiction du démarchage téléphonique, la gratuité et l’encadrement des frais bancaires en cas de succession dans certains cas, ou encore l’encadrement strict des actions de groupe. Ces mesures renforcent la protection directe des consommateurs dans leur vie quotidienne.

Une attention particulière a été accordée à l’outre-mer. La proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer –que je soutiens activement –, prévoit des mesures concrètes comme l’extension du bouclier qualité prix ou la lutte contre les positions dominantes de certains acteurs.

Nous avons mis en place une cellule de veille des défaillances des structures de l’ESS pour être en mesure d’orienter les structures concernées vers des dispositifs adaptés de sauvegarde.

La troisième priorité de mon action est d’accompagner. Le monde économique connaît des transformations profondes, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de la transition écologique ou de l’évolution des modes de consommation. Dans ce contexte, il est indispensable d’accompagner au plus près les entreprises, quelles que soient leur taille, leur forme et leur implantation, afin de répondre à leurs besoins spécifiques.

Cette volonté s’est déjà traduite par plusieurs actions concrètes. La refonte du Conseil national du commerce (CNC) a été engagée et ses travaux sont clairement réorientés vers des problématiques actuelles – qu’il s’agisse du commerce rural, de l’intelligence artificielle, de la transformation des zones commerciales – afin de mieux prendre en compte les réalités du terrain et les attentes des professionnels.

Par ailleurs, une stratégie nationale dédiée à l’économie sociale et solidaire a été lancée, co-construite et assortie d’une conférence des financeurs destinée à coordonner les moyens et à renforcer ce secteur porteur d’innovation sociale et d’inclusion. Il importe que nous apportions notre soutien à l’ESS, qui représente un peu plus de 10 % du produit intérieur brut (PIB) et 14 % des emplois privés. À cela s’ajoute un appel à projets du Fonds social européen plus (FSE+) dont nous avons obtenu que le montant soit porté de 10 millions à 15 millions d’euros. Il a été lancé la semaine dernière pour favoriser l’émergence de projets dans les territoires.

Un mot à présent à propos du commerce de proximité. Le commerce en centre-ville participe à la vitalité de nos territoires et nous y sommes tous très attachés. Nous avons déployé un bouquet d’initiatives fortes : la tenue de la Journée nationale du commerce de proximité, de l’artisanat et du centre-ville, la semaine prochaine ; le lancement, avec ma collègue Juliette Méadel, d’une mission spécifique sur les commerces dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; le déploiement d’un plan d’action en faveur du commerce en milieu rural, présenté lors du comité interministériel aux ruralités présidé par le Premier ministre, il y a quelques jours.

Nous avons également organisé les « 20 jours pour les 20 ans du label « entreprise du patrimoine vivant » (EPV), lors desquels une série de manifestations à Paris et en régions ont mis en lumière ces entreprises qui incarnent l’excellence française et qui contribuent à la transmission des savoir-faire.

Les assises de la restauration et des métiers de bouche ont été organisées afin de dresser un diagnostic précis et de définir une feuille de route concertée avec les professionnels du secteur. Un groupe de travail s’est d’ailleurs réuni ce matin à Rungis, auquel j’ai participé.

Les travaux d’évaluation de la revue 60 millions de consommateurs de l’Institut national de la consommation (INC) ont été lancés en vue de son adossement à un groupe de presse privé, qui sera prochainement sélectionné.

Concernant l’ensemble des entreprises, nous avons lancé deux chantiers majeurs. Tout d’abord, une mission « reprise », qui vise à rendre possible dans les meilleures conditions la transmission entre les cédants et les repreneurs. Cet enjeu sera crucial dans les prochaines années et nous mobilisons pour cela l’ensemble des parties prenantes – organisations professionnelles, chambres consulaires et d’autres acteurs locaux – afin de coordonner les initiatives à l’échelle territoriale.

Le second chantier porte sur un plan de prévention des défaillances, comprenant notamment des travaux sur la refonte du droit des défaillances d’entreprises – objet du livre VI du Code de commerce –, en lien avec le garde des sceaux, et un suivi territorial des accompagnements proposés par les services déconcentrés de l’État. Il s’agit de répondre au mieux aux entreprises confrontées à cette situation. La prévention des défaillances pourrait également impliquer une évolution législative des sanctions associées aux retards de paiement, lesquels pèsent près de 15 milliards d’euros et constituent un sujet récurrent de préoccupation.

Enfin, vous avez évoqué la DGCCRF, à qui des missions très importantes sont confiées s’agissant des nouveaux flux commerciaux et de l’impact des plateformes. Ces phénomènes rendent les contrôles plus difficiles et nécessitent des adaptations. Nous travaillons à la mise en place d’une cellule destinée au contrôle des plateformes et à l’e-commerce, en utilisant notamment l’intelligence artificielle – il est bien évident que nous ne pouvons pas contrôler un milliard de colis.Avec ma collègue Amélie de Montchalin, chargée des douanes, nous avons souhaité mettre à jour le protocole de partenariat entre les douanes et la DGCCRF, afin que la communication entre elles au sujet des failles détectées soit systématique.

L’audition est suspendue de dix-sept heures à dix-sept heures vingt-cinq.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Julien Gabarron (RN). Madame la ministre, permettez-moi d’abord de dire à quel point je suis heureux que nous puissions enfin parler des très petites et des petites et moyennes entreprises (TPE- PME), des commerçants et des artisans, qui sont le cœur battant de nos territoires et dont vous avez la charge en tant que ministre.

Soyons très directs : 66 422 défaillances de PME ont été enregistrées en France en 2024. Ce nombre record au regard des quinze dernières années, c’est l’héritage d’Emmanuel Macron ! Réalisez-vous, madame la ministre, l’ampleur de la catastrophe économique et sociale que nous vivons ? Nous connaissons les raisons de cet effondrement : l’essor de la consommation sur internet, vitrine de la mondialisation ultralibérale et de son corollaire, la concurrence déloyale ; l’explosion des factures énergétiques à laquelle les entrepreneurs ont été confrontés ces dernières années – par pure lâcheté politique. Et que dire du poids de la fiscalité, couplé à la surcharge administrative, ce mal français qui décourage les petits patrons et les pousse à mettre la clé sous la porte ?

Le projet de loi de simplification de la vie économique devait être l’un des leviers actionnés pour permettre aux entrepreneurs de ne plus être étouffés sous le poids de l’administration. Or, ce texte ne comprend que des mesures très diverses ne correspondant en rien au grand chantier de simplification appelé de ses vœux par le Rassemblement national : plus de libertés, moins de normes, réduction des délais des démarches administratives.

Malgré cela, la forte mobilisation de nos députés –face à l’absence du bloc central qui a montré son profond désintérêt pour les préoccupations de nos entrepreneurs – a permis l’adoption de nombreux amendements, notamment en faveur de la priorisation des entreprises françaises dans l’attribution des marchés publics. Sur le fond, soutenez-vous cette mesure, madame la ministre, ou considérez-vous, comme l’Union européenne, qu’elle serait discriminatoire ?

Si nous saluons votre volonté de dialogue, les combats qui vous animent, certes louables, manquent à nos yeux de vision à long terme. Il en va ainsi de la pérennisation envisagée de l’utilisation des tickets-restaurant dans la grande distribution, mesure palliative qui ne règle en rien les questions du pouvoir d’achat et du soutien effectif aux restaurateurs, et ne bénéficie qu’à une part limitée de la population. Nos entrepreneurs méritent une réforme structurelle de la vie économique. C’est une question de modèle de société, d’aménagement du territoire autant que de réindustrialisation de notre pays.

Votre gouvernement tente de panser superficiellement des plaies qui mériteraient, le diagnostic étant posé, un véritable traitement de fond. Nous rappelons l’opposition du Rassemblement national à toute hausse de la fiscalité pour les TPE-PME dans le prochain budget. Quelles mesures envisagez-vous pour venir en aide, concrètement et sans délai, aux entreprises françaises, notamment les TPE-PME ? Prévoyez-vous d’autres projets de loi de simplification plus ciblés sur les marchés publics, sur le droit de l’urbanisme ou sur l’allégement de la fiscalité dans certains secteurs d’activité ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur le député Gabarron, vous évoquez des chiffres record sur le plan des défaillances d’entreprises. Leur nombre s’est établi entre 2015 et 2019 à environ 56 000 par an, puis a fortement diminué en 2020 en raison de la crise du covid. Les 66 000 défaillances enregistrées en 2024 sont la conséquence d’un effet de rattrapage. Ce nombre est encore trop important. Il faut que nous puissions intervenir afin de mieux prévenir les défaillances Je rappelle que 70 % des entreprises ayant bénéficié d’une intervention amiable préalable survivent, tandis que 70 % des entreprises en procédure de redressement judiciaire terminent en liquidation judiciaire. Nous avons donc un véritable rôle à jouer dans la prévention. C’est l’un des axes du plan dont j’ai parlé.

En ce qui concerne le projet de loi de simplification de la vie économique, j’ai eu l’occasion de le dire, il existe une véritable attente des entreprises. Il est destiné à toutes les entreprises : les artisans en matière de commande publique, les commerçants s’agissant des baux commerciaux, les très petites entreprises en ce qui concerne la résiliation de contrats, les PME avec le test PME.

Nous devons faire en sorte de favoriser l’accès à la commande publique, qui représente 160 milliards d’euros. Des travaux sont engagés au niveau européen pour réviser les conditions d’accès afin de favoriser une dimension plus locale.

Concernant le titre-restaurant, la réforme que je défends vise à sécuriser le dispositif en le maintenant, ainsi que la dérogation.

Mme Sandra Marsaud (EPR). Madame la ministre, je souhaite revenir au nom de mon groupe sur des sujets d’actualité en matière fiscale. L’abaissement des seuils de franchise de TVA proposé dans le projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) avait provoqué de fortes inquiétudes sur tous les bancs, mais surtout chez des dizaines de milliers de microentrepreneurs. À la suite de nos débats, la mesure avait été suspendue et, pour sécuriser les acteurs concernés, le groupe EPR a déposé une proposition de loi, dont le premier co-signataire est Paul Midy, qui vise à suspendre toute réforme avant la discussion du prochain budget. Où en est la réflexion du Gouvernement à ce sujet ?

Au-delà de cet ajustement, c’est l’esprit même du statut d’autoentrepreneur qu’il faudrait peut-être revoir. Créé en 2009, il visait à fournir un tremplin vers l’entreprise : c’était un outil simple permettant d’essayer une activité avant de lui donner une forme plus pérenne. Il est devenu un aboutissement, de façon parfois subie, en raison du manque d’accompagnement et du peu d’évolutions possibles. Comment transformer l’accompagnement des autoentrepreneurs en un véritable parcours vers la vie de chef d’entreprise ?

Je souhaiterais consacrer la seconde partie de mon intervention aux commerces dits de proximité. Même s’il n’en existe pas de définition précise, ils sont un autre pilier de l’économie locale, un vrai levier de redynamisation de nos villes. J’ai d’ailleurs réalisé un rapport à leur sujet en 2022.

Il s’agit notamment de leur place dans le centre des villes moyennes. Julien Gokel et moi-même avons rendu la semaine dernière un rapport d’information sur l’évaluation du programme Action cœur de ville ; ce rapport montre que, si des progrès ont manifestement été accomplis en matière d’habitat, ce n’est pas le cas s’agissant des commerces : en 2023, année des derniers chiffres disponibles, le taux de vacance commerciale atteignait 13,4 % dans les villes concernées par le programme, contre 7,7 % ailleurs. Parce que le commerce doit rester un axe central des politiques de revitalisation des centres-villes, en particulier dans les villes moyennes, nous avons formulé plusieurs propositions : simplifier les outils de régulation, notamment lorsqu’il s’agit de limiter l’implantation de grandes surfaces en périphérie, en modifiant la réglementation applicable aux opérations de revitalisation de territoire (ORT) ; pérenniser le financement des postes des managers de commerce, qui ont aussi besoin d’accompagnement, de financement et surtout de reconnaissance ; améliorer la fiscalité des friches commerciales, en réduisant le délai à compter duquel s’applique la taxe. Dans le rapport de 2022 que j’évoquais précédemment, j’ai aussi proposé de créer dans les collectivités des comités consultatifs du commerce : en étant plus structurés qu’une association de commerçants, ils auraient pour but d’associer plus étroitement les acteurs de terrain à la stratégie locale. Quelle est votre vision du commerce de proximité ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous remercie, madame la députée, pour ces deux questions. Le dispositif visant à faire évoluer le seuil de franchise de la TVA pouvait concerner les autoentrepreneurs, mais pas uniquement : sur les 200 000 entreprises concernées, les deux tiers étaient des autoentrepreneurs et le dernier tiers était constitué d’entreprises relevant d’un autre régime.

Je rappelle que le régime de l’autoentrepreneur concerne plus de 2,5 millions de personnes, dont les statuts varient : certains l’utilisent pour une activité principale, d’autres pour une activité secondaire. Il soulève des interrogations, en particulier sur une forme de concurrence déloyale qu’il permettrait du point de vue d’autres acteurs. Les concertations que j’ai menées m’ont conduite à constater l’absence de consensus à ce sujet. J’ai donc demandé une nouvelle évaluation de ce dispositif, après celle effectuée en 2013.

Quant aux commerces de proximité, je partage votre constat et je vous félicite des travaux menés dans le cadre de votre mission.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Madame la ministre, la semaine dernière, vous avez présenté aux acteurs du secteur la réforme des titres-restaurant. De 2021 à 2023, l’inflation sur les produits alimentaires a dépassé 23 %. Sur la même période, les salaires ont diminué de 0,8 %. La perte de pouvoir d’achat qui en résulte a eu un effet direct sur les restaurateurs, puisque 94 % de nos concitoyens ont réduit leurs dépenses dans les restaurants en 2024.

Les restaurateurs dénoncent quant à eux les commissions prélevées par les émetteurs de titres-restaurant, dont plusieurs ont été condamnés par l’Autorité de la concurrence pour avoir appliqué des taux de commission allant jusqu’à 6 %. Vous indiquez avoir exigé la diminution du niveau de ces commissions. Par quelles mesures concrètes se traduira cette demande ? La privatisation du marché des titres-restaurant, conjuguée à la baisse du pouvoir d’achat des Français, contribue aux difficultés de trésorerie des restaurateurs.

En janvier, avec mon collègue Hadrien Clouet, nous avons déposé une proposition de loi visant à créer un titre-restaurant favorable aux salariés et aux restaurateurs. Le système actuel nuit aux salariés aux plus faibles revenus : la prise en compte des titres-restaurant dans le montant net social peut entraîner la diminution ou la suppression de certaines prestations, comme la prime d’activité. Comment un dispositif censé bénéficier aux salariés en vient-il à les pénaliser ?

La possibilité d’utiliser les titres-restaurant dans les supermarchés a dû être prolongée à plusieurs reprises, faute de volonté d’augmenter les salaires et de limiter l’inflation des prix alimentaires, notamment provoquée par les surmarges de l’agroalimentaire et de la grande distribution. La pérennisation de cette possibilité est indispensable pour les salariés.

Quelles mesures envisagez-vous pour garantir un titre-restaurant favorable aux salariés et aux restaurateurs ?

En parlant de surmarges, avec mes corapporteurs, nous vous avons entendue dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi Egalim 2. La ministre de l’agriculture et vous-même avez lancé en janvier 2025 le comité de suivi des relations commerciales. Cette année encore, les négociations commerciales entre industriels et distributeurs ont été difficiles. Dans notre rapport figurent des recommandations visant à améliorer cette situation. Nous proposons de supprimer la définition d’un prix abusivement bas dans la loi ; d’instaurer une responsabilité solidaire des distributeurs français dont la centrale d’achat européenne ne respecte pas la loi française ; de réprimer les pratiques commerciales déloyales que constituent les marges abusivement hautes. En février 2025, la ministre de l’agriculture a fait part de sa volonté de rectifier les lois Egalim, dont la réforme est attendue depuis plus d’un an. Depuis lors, quel travail a été engagé ? Allez-vous tenir compte des recommandations du rapport de la mission d’évaluation de la loi Egalim 2 ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. S’agissant des titres restaurant, je me suis engagée en début d’année à proposer dès cet été des pistes pour sortir du dispositif dérogatoire provisoire permettant d’utiliser les titres-restaurant dans les supermarchés – trois années de suite, nous avons dû prévoir un texte pour le proroger. Ces pistes consistent à sécuriser, à simplifier et à moderniser, c’est-à-dire à pérenniser l’accès aux produits non directement consommables. Cette solution me semble conforme à vos souhaits.

J’ai tenu compte de plusieurs propositions concernant les restaurateurs, notamment la possibilité d’utiliser les titres-restaurant le dimanche et l’interdiction des remises de fin d’année versées par les émetteurs aux employeurs, qui accentuent l’impact des commissions sur les restaurateurs.

Je me suis aussi engagée non pas à plafonner les commissions, mais à faire en sorte qu’elles diminuent. J’ai demandé aux émetteurs, aux commerçants et aux restaurateurs de se mettre autour d’une table et de faire des propositions en ce sens. En revanche, je ne peux accéder à la demande des restaurateurs d’instaurer un double plafond : cela provoquerait une rupture d’égalité, comme me l’a indiqué le Conseil d’État lorsque je l’ai consulté.

M. Vincent Rolland (DR). Dans un contexte économique particulièrement exigeant, marqué à la fois par des défis structurels et des transitions majeures, nous souhaitons porter à votre attention trois sujets qui préoccupent fortement les acteurs économiques de terrain. Ce sont des enjeux déterminants pour la vitalité de notre tissu entrepreneurial, la préservation de notre savoir-faire industriel et le renforcement du lien social dans l’entreprise.

Au cours des prochaines années, 500 000 entreprises seront à transmettre, ce qui constitue une évolution sans précédent et suppose une anticipation de la part des pouvoirs publics pour assurer les meilleures conditions de reprise.

Quelles sont les propositions du Gouvernement s’agissant du devenir du Programme ETIncelles ? Face à la désindustrialisation et pour réduire le nombre de défaillances d’entreprises, ce programme est-il toujours d’actualité et ses critères sont-ils toujours pertinents ?

Enfin, compte tenu du coût trop élevé du travail, les outils de partage de la valeur semblent particulièrement utiles pour fidéliser les collaborateurs et renforcer leur pouvoir d’achat. Que pensez-vous de ces outils et quelle est l’ambition du Gouvernement en la matière ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous avez raison, la transmission des entreprises est un véritable défi car elle concernera en effet 500 000 entreprises dans un avenir proche, sachant qu’ en moyenne, une sur deux seulement est reprise. Au-delà du double enjeu économique et social, la reprise des entreprises est un enjeu de souveraineté, car elle participe à la transmission de nombreux savoir-faire. J’ai engagé des travaux à ce sujet, notamment la mission « reprise », que je présenterai la semaine prochaine. Cette mission comprendra des initiatives ayant vocation à être déclinées sur le territoire. Il s’agit de créer un maillage et de mettre en relation cédants et repreneurs, de faire en sorte qu’ils puissent être dirigés vers des acteurs à même de les accompagner et qu’ils soient aidés à anticiper.

ETIncelles est un excellent programme, qui vise à accompagner les PME souhaitant se transformer en entreprises de taille intermédiaire (ETI). Près de 200 PME ont été accompagnées depuis le lancement du programme en 2023, la dernière ayant été sélectionnée il y a quelques semaines seulement.

S’agissant enfin du partage de la valeur, je rappelle que la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise a créé quatre dispositifs dans les entreprises de onze à quarante-neuf salariés : la participation des salariés aux fruits de l’expansion ; l’intéressement ; l’abondement ; la prime de partage de la valeur. Les entreprises concernées peuvent se saisir de ces outils dès cette année.

M. Boris Tavernier (EcoS). Madame la ministre, vous l’avez reconnu, les défaillances d’entreprises, de PME et d’associations sont trop nombreuses. Ces dernières années, les redressements et liquidations d’entreprises ont atteint des records, et nombre d’entre eux ont concerné des PME. La situation n’est guère meilleure pour les associations, dont les dépôts de bilan se multiplient. Un tiers des associations employeuses dit rencontrer des problèmes de trésorerie ; 45 % des subventions sont en baisse ; plus d’une association sur quatre est contrainte de diminuer ses activités. Pourtant, le secteur associatif rend des services hors norme à la patrie : lutte contre la précarité alimentaire, aide à domicile, accès à la culture et au sport.

On nous répète que ces chiffres résultent du rattrapage post-covid. Mais face à ces constats, j’émets une hypothèse folle : et si ces défaillances d’entreprises et d’associations reflétaient la défaillance de l’État et de la politique menée à son sommet depuis des années ?

L’État ne protège pas assez nos PME et nos artisans de la concurrence déloyale exercée par les grands groupes, qui ne jouent ni selon les mêmes règles, ni avec les mêmes moyens. Les grands groupes échappent à l’impôt et ils élaborent des stratégies à dessein. Nos PME, elles, n’ont pas de succursales dans les paradis fiscaux. Les grands groupes font du chantage à l’emploi et menacent de délocaliser ; nos artisans, eux, ne vont pas déménager en Pologne ou au Maroc. Là où l’État devrait intervenir et protéger les PME de cette concurrence déloyale, il laisse faire un marché biaisé et destructeur. De surcroît, nos associations comme nos PME subissent de plein fouet votre politique budgétaire.

Il faut peut-être un peu de simplification, mais il faut surtout un choc de justice fiscale. Le crédit d’impôt recherche pèse 7 milliards d’euros dans le budget annuel. Les économistes ont montré qu’il bénéficie de manière disproportionnée aux grands groupes – au premier rang desquels Total et BNP Paribas –, alors même que son rendement est plus avantageux lorsqu’il est orienté vers les très petites entreprises et les PME.

Quant aux associations – dommage collatéral ou cible directe des politiques d’austérité –, elles encaissent avec toujours plus de difficultés chaque loi budgétaire. La dernière mauvaise nouvelle les concernant date de moins de deux semaines : la suppression de 15 000 contrats de service civique. J’aurais pu également citer les dizaines de millions d’euros qui n’ont pas été octroyés à l’aide alimentaire.

L’État ne protège pas, l’État ne soutient plus. Là où il devrait proposer un cap clair à l’économie avec la planification écologique et sociale, l’État zigzague, il se retire et il empêche. Prenons l’exemple de MaPrimeRénov’ : on l’a créée et financée, pour ensuite la modifier, en réduire le financement, la suspendre et finalement la maintenir partiellement. Bref, on n’y comprend plus grand-chose et le cap n’y est pas ! Alors que la rénovation thermique des bâtiments devrait être une priorité nationale – les quarante degrés à l’extérieur de nos murs en témoignent –, quel signal est ainsi envoyé aux artisans du bâtiment, aux patrons de petites boîtes, aux jeunes en formation ?

Madame la ministre, dans quelques semaines, nous entamerons les débats sur le budget. Celui-ci sera sanglant, nous dit-on pour préparer les esprits. Pouvez-vous rassurer les acteurs du monde associatif, les entreprises de l’ESS et nos PME en confirmant que ce budget leur apportera un soutien plutôt que de contribuer à de nouvelles défaillances et de nouveaux dépôts de bilan ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je l’ai dit, j’ai engagé des travaux visant à mieux prévenir les défaillances d’entreprises Je le répète : nous devons mieux anticiper et agir avant la cessation de paiement, car si 70 % des procédures collectives mènent à une liquidation, 70 % des procédures préventives permettent aux entreprises de poursuivre leur activité.

Il nous faut également simplifier la cartographie des outils publics d’accompagnement à l’échelle des territoires, car la visibilité sur ces outils n’est pas toujours suffisante pour les entreprises, dans des moments qui sont par ailleurs difficiles. Enfin, il nous faut repenser le rebond : nous devons changer les mentalités, cette manière française de percevoir l’échec, et orienter les entrepreneurs vers les moyens qui leur permettent de se relancer.

S’agissant des associations, je rappelle aussi le lancement de la stratégie nationale de l’ESS, car nous devons penser à des orientations de court, moyen et long termes. J’ai également lancé une conférence des financeurs, car il nous faut réfléchir aux moyens de soutenir les associations. Nous devrons probablement faire preuve de créativité, mais aussi actionner plus efficacement certains leviers, comme le Fonds social européen (FSE) au niveau régional. Voilà les travaux que nous avons lancés à ce stade.

M. Dominique Potier (SOC). Madame la ministre, permettez-moi de commencer par saluer votre engagement sur tous les chantiers que vous avez évoqués et la qualité du dialogue que vous entretenez avec les parlementaires. Je le dis au nom du groupe socialiste avec beaucoup de sincérité.

Vous avez évoqué la fast fashion et la loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile adoptée au Sénat ; mais à rebours de cette évolution positive, nous assistons à un énorme recul s’agissant de la directive européenne relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D) et du règlement sur la taxonomie verte. Ces trois textes sont remis en cause par une directive omnibus qui vise non seulement à les simplifier, mais aussi à les amputer – ce qui est regrettable puisqu’ils allaient plus loin que les petites avancées permises par la loi contre la fast fashion défendue par notre collègue du groupe Horizons Anne-Cécile Violland.. Ils visaient en effet à réguler les acteurs internationaux de la fast fashion comme Shein, qui détruisent non seulement l’emploi, mais aussi la dignité de la personne humaine et les écosystèmes.

Le Gouvernement français, y compris sous l’impulsion du Président de la République, y est allé à la tronçonneuse. C’est honteux si on se rappelle que notre pays a largement inspiré ces directives et les a défendues – je pense en particulier au rapport du Groupe consultatif européen sur l’information financière (l’Efrag) () sur la CSRD et à la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, adoptée en 2017. Je tempérerai donc votre enthousiasme quant à la régulation de l’économie : on régule un peu en France mais on dérégule massivement à l’échelle européenne.

Lors de l’examen de la proposition de loi dite SRP+10 portée par notre collègue Stéphane Travert, nous avions obtenu le vote de l’un de nos amendements au terme d’un dialogue avec vous qui demandait un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) pour éclairer nos travaux. Nous étions convenus de nous rencontrer pour arrêter le cahier des charges. Où en sommes-nous ? Le rapport de l’IGF sera-t-il prêt à temps pour que nous disposions de données pertinentes et apportant de la transparence, afin de pouvoir élaborer une véritable chaîne de valeur et construire le prix en marche avant ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous remercie pour vos propos. En effet, j’attache beaucoup d’importance aux concertations que je peux établir avec les parlementaires. J’ai pu le faire en ce qui concerne la réforme du dispositif des titres-restaurant et sur un certain nombre d’autres sujets.

Avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, nous avons pris le temps de consolider le dispositif de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, afin qu’elle réponde aux objectifs de notre engagement : cibler certaines plateformes, tout en préservant l’économie française et un certain nombre de commerces. Nous devons dénoncer les pratiques industrielles et commerciales de l’ultrafast fashion, qui mettent en difficulté nos entreprises, tout en protégeant celles-ci du déversement des produits de ce secteur. Vous évoquez la directive CSRD, mais les problèmes ne sont pas comparables. Nous avons souhaité apporter des corrections aux mesures de la directive, qui nous semblent disproportionnées.

J’avais exprimé en séance publique un avis favorable à l’adoption de votre amendement qui demandait un rapport de l’IGF sur les marges brutes réelles des distributeurs par famille de produits. Je tiendrai cet engagement parce qu’il est important que nous disposions de données à ce sujet. Je proposerai prochainement une réunion aux députés qui le souhaitent, afin de réfléchir à la lettre de mission je transmettrai à l’IGF. Je vous recontacterai donc prochainement à ce sujet.

M. Philippe Bolo (Dem). Madame la ministre, les boulangers sont bien plus que les hommes et les femmes qui pétrissent notre pain : ils sont les artisans de notre quotidien, de nos villes, de nos villages, de nos quartiers. Chaque nuit, ils font vivre nos traditions culinaires, notre lien social, notre souveraineté alimentaire.

Et pourtant, ils expriment aujourd’hui des difficultés. Les prix de l’énergie flambent, ceux du chocolat et du beurre explosent. Comment répercuter ces hausses sans perdre une clientèle contrainte par l’inflation ? En conséquence, les marges fondent, comme la reconnaissance du travail. Les boulangers peinent à recruter : c’est devenu un casse-tête, car les jeunes désertent ce métier exigeant. L’apprentissage est freiné par des règles inadaptées, des aides en baisse et des interdictions absurdes en matière d’horaires de travail. Les charges qui s’alourdissent plombent les salaires, contribuant à la perte d’attractivité du métier.

Et que dire des règles administratives incompréhensibles et toujours plus difficiles à vivre ? Les salariés ne peuvent pas travailler le 1ᵉʳ mai et faire tourner la boutique le dimanche relève parfois de l’exploit. Les boulangers passent plus de temps dans la paperasse que devant leur four.

Madame la ministre, vous êtes en charge de l’artisanat : quelles solutions pouvez-vous apporter à ces problèmes ? Les boulangers attendent de nous une réponse globale, transversale et effective. Ils veulent simplement continuer d’exercer leur métier, de revoir leurs clients et de donner envie à des jeunes de les rejoindre. La reconnaissance que nous devons à cette profession nous impose d’agir.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous remercie, Monsieur Bolo, de soulever l’ensemble de ces questions. Je salue le travail et le savoir-faire des boulangers, qui font partie de notre environnement quotidien et font la fierté de notre pays.

D’un point de vue macroéconomique, la fréquentation des boulangeries est en hausse, tout comme le résultat net moyen et le ticket moyen des boulangeries-pâtisseries – ce dont nous pouvons nous réjouir. En revanche, la hausse des prix de l’énergie pose problème et nous devons leur proposer des tarifs réduits en la matière.

Le 13 mai dernier, j’ai lancé les assises de la restauration et des métiers de bouche, auxquelles participent de nombreuses fédérations, notamment celle des boulangeries. Elles ont pour but d’améliorer l’attractivité de ces métiers, de sécuriser l’environnement économique du secteur, de le moderniser et de favoriser l’innovation.

Une clarification législative devrait intervenir rapidement au sujet du travail le 1er mai : la proposition de loi des sénateurs Annick Billon et Hervé Marseille a été examinée il y a quelques jours par la commission des affaires sociales du Sénat et sera discutée en séance publique le 3 juillet. Parallèlement, Olivier Marleix et Alexandre Portier ont déposé une proposition de loi à ce sujet à l’Assemblée nationale. J’espère que nous trouverons une solution, car les boulangers doivent pouvoir travailler le 1er mai comme d’autres professions – je pense aux fleuristes, notamment.

M. Thomas Lam (HOR). Madame la Présidente, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord m’associer aux propos de Dominique Potier sur la qualité de nos échanges avec vous, madame la ministre.

La France est en avance dans le domaine de l’économie circulaire. Ainsi, en 2024, plus de 20 % des smartphones achetés étaient reconditionnés. Nous disposons d’un tissu important de PME qui redonnent une seconde vie aux téléphones, aux ordinateurs, aux tablettes, aux vêtements, aux meubles et à d’autres objets de notre quotidien. Ce sont des entreprises ancrées dans nos territoires, qui fabriquent chaque jour une économie plus durable, plus sobre et plus locale, tout en créant des emplois.

Mais ces entreprises sont aujourd’hui mises en difficulté par un système faussé : la concurrence des plateformes de vente en ligne est déloyale, certains vendeurs profitant de failles fiscales pour proposer des réductions allant jusqu’à 30 %. Ils abusent du dispositif de la TVA sur marge, pourtant réservé à des biens d’occasion d’origine communautaire. En conséquence, nos entreprises perdent énormément de chiffre d’affaires, notamment sur ces marketplaces où seul compte le prix de vente au consommateur, et où le prix est artificiellement maintenu au plus bas. Ce n’est pas seulement injuste, c’est toxique pour notre économie, pour les finances publiques, pour l’emploi et pour l’écologie ! C’est un cercle vicieux dans lequel les plus vertueux sont pénalisés !

Madame la ministre, il est donc nécessaire de clarifier et d’harmoniser ce cadre fiscal. Je formule une suggestion : tout produit reconditionné, sans exception, pourrait être soumis à la TVA sur marge. Ce régime, conçu pour accompagner le commerce de l’occasion, ne doit pas devenir un vecteur de concurrence déloyale, mais un levier de justice fiscale et de souveraineté industrielle.

Il ne s’agit pas de créer une aide ou une niche, mais d’établir une règle plus juste, plus claire et applicable à tous. Elle aurait pour effet immédiat de rétablir l’équité – à laquelle je vous sais attachée –, de sauver des emplois et de récupérer des recettes fiscales. Nous devons soutenir ce secteur stratégique du réemploi et en faire un leader européen.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur le député, merci de soulever cette question très technique. Le dispositif de la TVA sur la marge ne s’applique pas à toutes les entreprises et concerne généralement les biens d’occasion.

Les règles d’application de la TVA garantissent que tout bien entrant sur le territoire de l’Union européenne en provenance d’un territoire tiers est soumis à une TVA, en l’occurrence celle de son pays de destination. Ce principe s’applique de manière stricte depuis le 1er juillet 2021, date d’entrée en vigueur du « paquet TVA », qui a notamment mis fin à la franchise de la TVA sur les importations de biens de moins de 150 euros.

Trois dispositifs permettent de collecter la TVA, suivant la valeur du bien, le circuit logistique et l’intervention éventuelle d’une plateforme de vente : au moment du passage en douane ou, pour les acteurs identifiés en France, sur leur déclaration ou par l’intermédiaire d’un guichet unique. Ce cadre est perfectible et en constante évolution, afin de répondre aux enjeux identifiés au niveau national ou européen. La loi de finances pour 2024 a instauré de nouvelles règles permettant de prévenir les pratiques abusives de minoration de la base de TVA dans les schémas de dropshipping – ou vente en ligne sans stock. Nous agissons également au niveau européen, notamment pour supprimer la franchise de droits de douane sur la TVA à l’importation.

En revanche, nous n’avons pas identifié de difficulté particulière concernant le régime de la TVA sur la marge pour les biens d’occasion, pour deux raisons : premièrement, les plateformes n’y ont pas accès lorsqu’elles collectent la TVA en lieu et place des vendeurs ; deuxièmement, pour bénéficier de ce régime, le bien doit avoir été acquis dans l’Union européenne et avoir été soumis à une TVA.

Les services de l’administration se tiennent toutefois à votre disposition pour approfondir la question ou remédier à des problèmes qui seraient soulevés par des entreprises de votre circonscription.

M. Julien Brugerolles (GDR). Permettez-moi de vous remercier à mon tour, madame la ministre, de la qualité de nos échanges.

Cela a été dit, nous avons enregistré l’an dernier un record de défaillances d’entreprises, dont le nombre est en hausse de 17 %, et les perspectives pour cette année ne sont guère réjouissantes. Ces défaillances touchent des entreprises de plus en plus grandes – certains secteurs étant particulièrement concernés : je pense au bâtiment, au commerce, à la distribution et à l’automobile. Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation, parmi lesquels l’envolée des coûts énergétiques, les difficultés à rembourser les aides perçues pendant la crise sanitaire, un contexte international incertain pour certains marchés de niche et une baisse globale de la demande.

Remédier à la fragilité structurelle de notre tissu économique nécessite de prendre des mesures fortes : soutenir l’écosystème des sous-traitants ancrés dans nos territoires en diversifiant leurs activités pour qu’ils ne soient plus dépendants d’une poignée d’entreprises donneuses d’ordre ; soutenir la commande publique, qui représente de 8 % à 15 % du PIB français suivant les années ; étendre à toutes les PME l’accès aux tarifs réglementés de vente de l’électricité – et peut-être, à terme, du gaz ; soutenir les entreprises qui investissent dans la transition écologique.

Mais les perspectives budgétaires sont inquiétantes. La Cour des comptes a encore rappelé hier qu’elle veut mettre à contribution les collectivités territoriales, dont le rôle est pourtant crucial dans l’investissement, mais aussi dans le soutien aux associations et au secteur de l’ESS. De lourdes incertitudes pèsent aussi sur les budgets de la transition écologique, notamment sur les aides à la rénovation et à la transition écologique, comme MaPrime Rénov, ce qui met en difficulté de nombreuses PME industrielles.

La demande d’extension aux PME de l’accès aux tarifs réglementés de vente de l’énergie, pourtant récurrente sur le terrain, reste sans réponse, bien qu’elle soit particulièrement pertinente dans un contexte international laissant craindre une nouvelle envolée des prix de l’énergie.

Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions et sur les engagements que vous comptez prendre sur ces sujets importants pour nos TPE, nos-PME, nos associations et l’ensemble du secteur de l’ESS ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur le député, comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé à réduire le déficit au cours des prochaines années, ce qui entraînera nécessairement un certain nombre de contraintes budgétaires. Mais face aux diverses difficultés rencontrées par le monde économique – l’inflation, l’augmentation des prix de l’énergie, les incertitudes liées aux annonces du président Trump –, nous devons soutenir nos entreprises : c’est la ligne que je défends avec conviction. Cela implique de soutenir toute la commande publique et de faciliter l’accès à cette commande pour les entreprises.

Par ailleurs, tout le monde s’accorde sur la nécessité de mieux encadrer les contrats de fourniture d’énergie – électricité et gaz – pour protéger davantage les consommateurs, qu’il s’agisse des particuliers ou des petits professionnels, à la fois insuffisamment protégés et insuffisamment informés. Pour leur permettre de faire un choix éclairé et de changer plus facilement d’offre – notamment en cas de modification du tarif –, il faut renforcer l’information précontractuelle et tout au long du contrat, simplifier les offres pour en améliorer la compréhension et la comparaison, et faciliter la résiliation des contrats. L’objectif de ces mesures est d’étendre aux petites entreprises les règles protectrices du code de la consommation qui s’appliquent aux particuliers. Le Gouvernement travaille en ce sens.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Julien Gabarron (RN). Madame la ministre, je souhaiterais que vous explicitiez votre conception du régime des auto-entrepreneurs, pour faire suite à la question de Sandra Marsaud. Ce statut devait servir de marche-pied vers l’entrepreneuriat. Or, comme vous l’avez indiqué, les règles applicables à ce statut en matière sociale, fiscale et réglementaire favorisent la concurrence déloyale dans certains secteurs d’activité. L’installation à long terme dans ce statut entraîne aussi plusieurs effets de bord : faible participation au système social et de retraites, précarisation du travail et déséquilibre du marché de l’emploi, absence d’incitation au développement de l’activité. Quelle est donc, madame la ministre, votre vision de l’avenir du statut d’auto-entrepreneur ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Ce statut a fait l’objet de nombreux débats, notamment au sujet du seuil d’exemption de TVA. Il n’existe pas de consensus : certaines fédérations souhaitaient le maintien du dispositif actuel ; d’autres plaidaient pour un alignement du seuil à 25 000 euros pour tous les professionnels ; une troisième catégorie était favorable à une solution intermédiaire.

Ce statut n’a jamais eu vocation à être une rampe de lancement : son fondateur, Hervé Novelli, m’a confirmé qu’il l’avait conçu dès le départ comme un dispositif pérenne. Dans cette optique, nous devons mener une réflexion globale, en incluant le sujet de la protection sociale : j’ai demandé une réévaluation de la mission de 2013 pour faire le point.

M. Stéphane Travert (EPR). Madame la ministre, depuis 2019, la DGCCRF a sanctionné à plusieurs reprises les alliances européennes de distributeurs, en application du code de commerce français et des lois Egalim, pour pratiques déloyales à l’égard des fournisseurs : déséquilibres significatifs, obtention d’avantages sans contrepartie, non-respect des dates butoirs. Si ces sanctions sont saluées par les acteurs des secteurs agricole et agroalimentaire, la grande distribution riposte et cherche à obtenir au niveau européen un contournement des lois nationales, en particulier des lois Egalim. Le 25 juin, à l’occasion d’une rencontre avec M. Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, la directrice générale d’EuroCommerce, Christel Delberghe, a ainsi demandé des mesures énergiques pour s’attaquer aux obstacles réglementaires nationaux, jugés « pires que les droits de douane » et qui incluent Egalim en France.

Madame la ministre, la France dispose-t-elle d’une stratégie à l’échelle européenne pour protéger les lois Egalim contre l’offensive des distributeurs ? La DGCCRF partage-t-elle son expérience avec ses homologues européens, et vos services échangent-ils avec ceux de Mme Genevard ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Merci, monsieur le ministre, pour ce point sur des sujets que vous connaissez très bien. Rien n’est tout blanc ni tout noir, et, fort heureusement, tout ne dépend pas des lois Egalim. N’oublions pas que certaines centrales européennes ont été créées avant leur adoption : elles permettent aux distributeurs de massifier les volumes d’achat pour peser face à certains industriels dans une logique de baisse des prix. En cas de contournement des lois Egalim, nous intervenons : pas moins de 1 400 contrats ont été contrôlés cette année par la DGCCRF, ce qui couvre les relations des 220 plus gros fournisseurs avec toutes les centrales d’achat. Ce n’est donc pas le principe de la centrale d’achat qu’il faut remettre en cause, mais certaines conditions d’exécution : nous devons nous mobiliser pour éviter des négociations contraires à nos lois et défavorables à nos agriculteurs. Par exemple, nous pourrions préciser que les centrales ne peuvent pas négocier au sujet des produits à forte composition agricole, afin de les préserver de la guerre des prix.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Madame la ministre, je vous redemande si vous envisagez de reprendre certaines recommandations formulées dans le rapport de la mission d’évaluation de la loi Egalim 2 réalisé avec Julien Dive.  Plusieurs portent justement sur les centrales d’achat.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Comme je l’ai expliqué, les propositions sur lesquelles je travaille avec Annie Genevard ne pourront probablement pas être présentées en 2025, car l’ouverture des négociations commerciales approche. Reste que les recommandations de votre rapport relèvent davantage du niveau européen que du cadre national. Les contrôles de la DGCCRF ont conduit à des sanctions à l’encontre de certaines centrales. Elles font l’objet de recours que nous suivons avec attention. L’un d’eux est en cours d’examen par la Cour de cassation. Nous essayons de faire reconnaître l’application du droit français aux achats effectués par les centrales européennes.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Madame la ministre, comme vous le savez, la filière portes et fenêtres, qui rassemble principalement des artisans et des PME, est un secteur clé pour notre économie locale, avec près de 180 000 emplois non délocalisables.

L’annonce du maintien du parcours par geste du dispositif MaPrimeRénov’ a été bien accueillie, mais la priorisation des gestes et l’instauration d’un référentiel tarifaire suscitent l’inquiétude. Ces évolutions risquent de compliquer l’activité des artisans, déjà confrontés à un marché tendu, et de fragiliser des TPE et PME qui sont pourtant au cœur de la transition énergétique.

Quelles mesures votre ministère envisage-t-il pour garantir que la priorisation des gestes dans MaPrime Rénov’ ne pénalise pas des travaux essentiels comme le remplacement de fenêtres, tout en assurant la pertinence du référentiel tarifaire pour les artisans ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur le député, je sais votre attachement et vos préoccupations à l’égard du monde artisanal, qui participe à la vitalité de notre territoire mais a été fortement touché par les récentes modifications.

La rénovation énergétique connaît actuellement une dynamique remarquable, à telle enseigne que l’afflux massif de dossiers, conjugué à l’adoption tardive de la loi de finances pour 2025, a entraîné une surcharge des services instructeurs de l’Anah (Agence nationale de l’habitat). Cette situation a conduit à suspendre temporairement le guichet relatif à la rénovation d’ampleur à compter du 23 juin.

Quant au référentiel tarifaire, il a vocation à identifier et à limiter les abus constatés en 2025 et sera partagé avec les acteurs de la filière – je sais que vous êtes leur relais, et je vous en remercie. Une deuxième réunion de concertation sur ce sujet sera menée mi-juillet par Valérie Létard, ministre chargée du logement. Je vous tiendrai informé si vous le souhaitez, car je sais votre attachement à ce secteur économique.

M. Thierry Benoit (HOR). Madame la ministre, je souhaiterais aborder avec vous le sujet de la facturation électronique pour les entreprises assujetties à la TVA. Je bois du petit lait, car vous êtes élue d’une circonscription rurale et je vous sais attentive à la situation de toutes les entreprises. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit un calendrier pour la généralisation de la facturation électronique. Celle-ci s’appliquera aux grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire à compter de 2026, puis aux TPE et PME en septembre 2027. Or, un certain nombre d’acteurs dans nos territoires, attachés à l’utilisation du facturier papier, y voient une complication supplémentaire. Vous n’êtes pas à l’origine de cette décision. J’ai déjà eu l’occasion de vous adresser une question écrite à ce sujet, mais je saisis l’occasion de vous redemander votre position.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je connais votre capacité à être à l’écoute et à relayer les préoccupations des entreprises, Monsieur Thierry Benoit. La facturation électronique vise quatre objectifs : premièrement, alléger la charge administrative ; deuxièmement, améliorer les délais de paiement, qui fragilisent particulièrement les très petites entreprises ; troisièmement, lutter contre la fraude – je sais que nous pouvons nous retrouver sur ce sujet ; quatrièmement, améliorer la connaissance en temps réel de l’économie des entreprises

Un certain nombre d’entreprises peut être très éloignées de la dématérialisation =. Nous devons les accompagner dans cette évolution et les aider à grandir. Environ quatre-vingt-dix plateformes de dématérialisation partenaires ont déjà été immatriculées par l’administration fiscale. Dans cette logique, nous allons lancer des campagnes d’information, de sensibilisation et de formation avec l’ensemble des acteurs, y compris la direction générale des finances publiques (DGFIP) – je sais que ma collègue Amélie de Montchalin est très engagée sur ce sujet –, les chambres consulaires et les fédérations professionnelles, qui seront notre relais. Je pense que nous pourrons ainsi aider nos entreprises à intégrer ces évolutions, y compris dans le champ de l’intelligence artificielle. Il faut se saisir de la mise en place de cette mesure pour progresser en ce sens.

Mme Nicole Le Peih (EPR). Madame la ministre, votre mission est essentielle pour soutenir les artisans, les commerçants, les PME et l’économie sociale de nos territoires ruraux.

Si elles dépendent des ministères chargés de l’aménagement du territoire et de la transition écologique, les opérations de revitalisation de territoire, qui visent à redynamiser les centres-bourgs, présentent aussi des dimensions relevant de votre portefeuille. Lors de votre audition au Sénat le 10 avril, vous avez rappelé les trois piliers de la feuille de route pour les PME : simplifier, accompagner, protéger. Comment entendez-vous simplifier l’accès des artisans et commerçants locaux aux projets d’ORT et leur garantir un accompagnement clair et efficace ?

Au-delà des outils d’urbanisme déjà existants dans le cadre des plans locaux d’urbanisme (PLU), quels moyens pouvez-vous déployer pour soutenir concrètement l’installation ou la reprise d’activité économique en centre-bourg ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Madame la députée, nous travaillons sur toutes ces questions dans une logique interministérielle. Il existe plusieurs dispositifs de soutien en faveur du commerce. Le fonds de soutien au commerce rural, dont le Premier ministre a annoncé la reconduction lors du comité interministériel aux ruralités, a permis de soutenir 600 dossiers. Je pense également au fonds de restructuration des locaux d’activité, au fonds territorial d’accessibilité, –qui offre un financement allant jusqu’à 20 500 euros pour les projets de mise en accessibilité d’un établissement recevant du public (ERP) privé et dont l’enveloppe n’a pas encore été totalement consommée, ou encore aux programmes déployés dans le cadre de France Num. Enfin, les conventions de revitalisation favorisent les partenariats entre les collectivités territoriales et les acteurs du commerce et de l’économie.

M. Julien Dive (DR). Madame la ministre, je vais vous donner mon sentiment à propos des négociations commerciales : malheureusement, je crains que le délai qui nous sépare de l’envoi des conditions générales de vente (CGV) – donc du début des négociations – ne nous permette pas de discuter en 2025 d’un nouveau texte, que nous étions pourtant nombreux à appeler de nos vœux.

Comme d’autres collègues, j’ai été alerté par les associations représentatives d’artisans sur la dérégulation qui touche certains métiers de l’artisanat, entraînant une forte distorsion de concurrence. Les coiffeurs, en particulier, manifestent contre certains autoentrepreneurs comme les barbiers, dont l’installation n’est pas régulée, qui exercent sans diplôme et travaillent parfois à des horaires non autorisés. Ce phénomène touche également d’autres métiers, comme les bouchers. Vous le savez, ma ville est touchée par des cas d’intoxication alimentaire. Or, des bouchers s’installent parfois sans même s’être déclarés auprès de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) et ne respectent pas la réglementation.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous remercie, Monsieur le député, pour cette question. Les fédérations professionnelles des coiffeurs –  et je rappelle qu’il s’agit du deuxième secteur le plus important de l’artisanat en France – m’ont effectivement alertée sur la très forte concurrence engendrée par les barbiers, qui ne justifient pas toujours du même diplôme et pratiquent des prix inférieurs à ceux d’un salon traditionnel. Ce sont deux facteurs de nature à entraîner une baisse de la qualité et un non-respect des normes. Ce n’est pas admissible. Je partage tout à fait votre appréciation et vos propos

La DGCCRF est engagée sur ces sujets. Lorsqu’ils contrôlent les salons de coiffure, les agents et les inspecteurs des directions départementales de la protection des populations vérifient notamment le respect des obligations en matière d’affichage des prix, la qualification professionnelle des exploitants et le respect des diplômes requis. Un point mérite d’ailleurs réflexion : à l’installation d’un salon de coiffure, il n’est pas besoin de justifier de la possession du diplôme : les artisans disposent pour ce faire d’un délai de trois mois, ce qui peut générer des difficultés. Nous devrons sans doute revoir cela.

Mme Françoise Buffet (EPR). Madame la ministre, vous avez esquissé les contours de la future réforme du titre-restaurant. Les restaurateurs, déjà fragilisés par des années de crises successives, craignent un détournement durable de leur vocation première, à savoir soutenir la restauration traditionnelle. Quelles mesures envisagez-vous pour préserver l’équilibre économique du secteur et assurer une répartition équitable des bénéfices liés à l’usage des titres-restaurant ? Pour soutenir notre agriculture et notre souveraineté alimentaire, mais aussi pour favoriser les productions locales et une consommation plus vertueuse, seriez-vous favorable au fait de réserver l’usage de ces titres en grande surface aux produits labellisés ou locaux, afin de privilégier ces derniers ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Merci pour ces questions, madame la députée. Je rappelle que l’usage des titres-restaurants concerne 5,5 millions de salariés. Quand ils ont été créés, il y a cinquante ans, ils avaient vocation non pas à soutenir la consommation dans les restaurants, mais à permettre aux salariés qui n’avaient pas accès à une restauration collective de pouvoir prendre leur repas sur leur temps de travail. Aujourd’hui, six salariés sur dix apportent sur leur lieu de travail un repas préparé à domicile. Cette évolution des usages a conduit à étendre l’utilisation des titres‑restaurant à l’achat de certains produits alimentaires et m’amène à proposer de pérenniser cette dérogation.

Il nous faut soutenir les restaurateurs, mais je le rappelle : selon l’analyse du Conseil d’État, l’instauration d’un plafond différent pour les restaurateurs et la grande distribution constituerait une rupture d’égalité, et il me paraît délicat de réserver l’usage des titres-restaurant à certains produits. Plusieurs mesures de la future réforme visent à soutenir les restaurateurs : l’autorisation d’utiliser les titres le dimanche ; l’interdiction des remises de fin d’année ; enfin, l’ouverture de négociations visant à diminuer le niveau des commissions imposées aux restaurateurs par les émetteurs des titres, notamment par l’instauration d’une charte de transparence.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Madame la ministre, après cette réforme, les titres-restaurant ressembleront plutôt à des titres alimentaires. Avez-vous envisagé un changement de dénomination ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Au-delà des points que je viens d’évoquer, la réforme ne comporte pas de changement de dénomination. Elle a pour objet la dématérialisation intégrale des titres-restaurant et de la procédure d’agrément des restaurateurs à partir du 1er janvier 2027. Elle obligera également les émetteurs de titres à permettre, dans le cadre du titre dématérialisé, les dons à des associations qui sont déjà possibles avec le titre papier. Je n’ai pas prévu de changer le nom du dispositif, mais la réforme sera soumise à l’examen du Parlement : les parlementaires seront alors libres de le modifier s’ils le souhaitent.

M. Inaki Echaniz (SOC). Madame la ministre, l’interdiction de la pêche au saumon dans le bassin de l’Adour et les gaves pyrénéens – notamment celui d’Oloron – a de graves conséquences sur le secteur économique et commercial local, notamment à Navarrenx, capitale européenne du saumon. Si l’ensemble des acteurs du territoire partagent l’objectif de préservation de la population de saumons, cette interdiction est susceptible d’entraîner une perte de chiffre d’affaires de 30 % à 40 % pour les restaurateurs, les hébergeurs et les commerçants. Les pêcheurs professionnels seront indemnisés, mais rien n’a été prévu pour accompagner l’écosystème local dans la sortie de la pêche au saumon pour 2025. Sachant que cette interdiction sera probablement reconduite dans les années à venir, pourriez-vous prévoir, en lien avec la ministre déléguée chargée du tourisme et Agnès Pannier-Runacher, un plan d’accompagnement des acteurs économiques locaux – qui en ont bien besoin et sont soutenus par l’ensemble des élus ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur le député Echaniz, je sais que ce sujet vous est particulièrement cher, puisque vous nous avez déjà interpellés sur le sujet. Nous devons y travailler dans une logique interministérielle avec mes collègues chargés de l’agriculture et de la pêche. Cette interdiction peut entraîner une importante réduction d’activité, et je suis à votre écoute et à votre disposition pour trouver des solutions de soutien et d’accompagnement adaptées à la situation locale. Par exemple, nous pouvons envisager l’échelonnement des paiements, ou accorder un délai aux entreprises et commerces qui rencontreraient des difficultés à répondre aux exigences en matière sociale ou fiscale.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous remercie, madame la ministre. Vous souhaitez peut-être compléter certaines de vos réponses ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. J’espère que le projet de loi de simplification de la vie économique sera rapidement adopté, car il contient des mesures très attendues par le monde économique.

J’espère également qu’un texte législatif portant réforme du titre-restaurant pourra vous être soumis très rapidement, afin d’éviter la survenue de périodes intermédiaires créant des incertitudes, comme nous en avons connu ces dernières années, et de permettre à l’ensemble des acteurs – émetteurs, employeurs, restaurateurs, commerçants – de se préparer aux nouvelles mesures. L’anticipation est toujours de bonne politique.

Enfin, je ne manquerai pas de vous consulter, comme je l’ai fait par le passé, au sujet des travaux que j’ai engagés sur différents sujets – les microentrepreneurs, les autoentrepreneurs, la transmission-reprise, les défaillances d’entreprise. Soyez assurés que je reste à votre entière disposition.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette audition et les échanges réguliers que vous avez avec nous.

Je veux redire ici l’intérêt des travaux parlementaires et insister sur la nécessité d’une nouvelle loi Egalim. Nous avons très souvent abordé ce sujet. Mais chaque année, on nous répond qu’il est trop tard, que les négociations sont en passe de s’ouvrir – quand elles n’ont pas déjà commencé. Puis les prix agricoles chutent à nouveau et nous regrettons de n’avoir pas légiféré. Nous avons établi un rapport transpartisan de qualité, avec des recommandations. Nous achevons tout juste l’examen d’une proposition de loi qui concerne l’agriculture, mais il reste beaucoup à faire en matière de régulation des marges et des prix. À cet égard, je me permets de souligner à nouveau la grande qualité du rapport transpartisan auquel nos collègues Mathilde Hignet et Julien Dive ont participé.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous continuerons à échanger avec l’ensemble des députés participant à ces travaux. Nous avons pu aborder plusieurs sujets dans le cadre de la proposition de loi dite SRP+10. Nous devons encore affiner nos propositions. Il me paraît donc difficile de vous les présenter d’ici la fin 2025, mais peut-être cela sera-t-il possible début 2026.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous remercie.

 

 

 


Membres présents ou excusés

 

Commission des affaires économiques

 

Réunion du mardi 1er juillet 2025 à 16 h 30

 

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Julien Brugerolles, Mme Françoise Buffet, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Charles Fournier, M. Julien Gabarron, Mme Mathilde Hignet, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Nicole Le Peih, M. René Lioret, Mme Sandra Marsaud, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. Boris Tavernier, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean‑Pierre Vigier

 

Assistait également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo